MICHEL VARTON
12 LEÇONS
QUE L’ÉGLISE PERSÉCUTÉE M’A ENSEIGNÉES
MICHEL VARTON
12 LEÇONS QUE L’ÉGLISE PERSÉCUTÉE M’A ENSEIGNÉES
Comme le Père m’a envoyé : 12 leçons que l’Église persécutée m’a enseignées • Michel Varton © 2019 • BLF Éditions • www.blfeditions.com Rue de Maubeuge • 59164 Marpent • France Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés. Une coédition BLF Éditions et Portes Ouvertes Couverture : ETINCiel Mise en page : BLF Éditions Impression n° XXXXX • Sepec • Rue de Prony • 01960 Péronnas • France Sauf mention contraire, les citations bibliques sont tirées de la Nouvelle version Segond révisée (Bible à la Colombe), © 1978 Société biblique française. Avec permission. Les éventuels caractères italiques sont ajoutés par l’auteur du présent ouvrage. D’autres versions sont indiquées en abrégé, comme la Nouvelle Bible Segond (NBS), la Bible Segond 21 (S21), la Bible du Semeur (SEM). Coédition BLF ISBN 978-2-36249-536-6 ISBN 978-2-36249-537-3
broché numérique
Coédition Portes Ouvertes ISBN 978-2-901870-01-2
broché
Dépôt légal 4e trimestre 2019 Index Dewey (CDD) : 272 Mots-clés : 1. Église persécutée.
À Cecilia, ma meilleure co-équipière, dans mon appel pour servir l’Église persécutée.
TABLE DES MATIÈRES
Préface.......................................................................................................................................................................... 9 Introduction.................................................................................................................................................. 13
Chapitre un
Nous sommes le levain de Dieu pour son Église.............................17 Chapitre deux
Le premier combat : pour la vérité.......................................................................... 37 Chapitre trois
Le livre de Dieu, notre possession la plus précieuse................. 57 Chapitre quatre
Prier : le levier de Dieu pour déplacer les montagnes............................................................................................ 77
Du monde communiste à l’islam Chapitre cinq
La souffrance : précieuse aux yeux du Seigneur.............................. 97 Chapitre six
Les moteurs de la persécution : les trois tribunaux qui jugent l’Église............................................................... 115 Chapitre sept
Le grand dilemme : rester avec Jésus et être persécuté, ou fuir ?.........................................135 Chapitre huit
De l’huile, pour garder la mèche allumée..................................................153 Chapitre neuf
Révolutionnaires pour Jésus : histoire de deux royaumes..................................................................................................171 Chapitre dix
Aimez vos ennemis : l’arme de l’Église persécutée................ 189 Le monde change, la persécution demeure Chapitre onze
La persécution : les douleurs de l’enfantement........................... 209 Chapitre douze
Comme le Père m’a envoyé........................................................................................... 229 Conclusion.................................................................................................................................................... 239 Remerciements......................................................................................................................................243 Portes Ouvertes : une mission « au service des chrétiens persécutés ».....................................................245
PRÉFACE — Comment va le combat ? Comment se passe la bataille chez vous ? Quelles sont les nouvelles du front ? Permettez-moi de vous poser cette question personnelle dès le début. Un peu comme à des soldats qui reviennent du front. — Quelle bataille ? répondrez-vous peut-être. Je ne suis pas en guerre. Ça se passe plutôt bien dans ma vie, je ne peux pas dire que je suis écrasé par de gros soucis. Ici, tout est calme. Des canons ? Je n’entends rien. De la fumée ? Aucune trace. J’espère que ce n’est pas votre réponse, car en général, ceux qui ne ressentent pas (plus) la douleur, ce sont les grands blessés. Paul, lui, s'est retrouvé au coeur du combat. C’est le langage qu’il employait quand il s’adressait à ses jeunes disciples : « Souffre avec moi, comme un bon soldat du Christ Jésus » (2 Timothée 2 : 3). Et en effet, c’est la vérité. Nous sommes plongés dans une guerre. Nous luttons contre un ennemi bien réel, qui « rôde comme un lion rugissant, cherchant qui dévorer » (1 Pierre 5 : 8). Notre bataille débute dès la nouvelle naissance. Pas la peine de s’enrôler dans l’armée ni de voyager loin pour y participer. 11
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Inutile de s’engager dans une force d’intervention d’élite. La bataille a lieu chez nous. Et, que nous le voulions ou non, nous y participons tous. La guerre prend des formes différentes. Comme un bon stratège, notre ennemi adapte ses tactiques au terrain et aux possibilités qui se présentent à lui. Dans bien des pays, son arme de prédilection, c’est la persécution. C’est une arme redoutable, qu’il utilise de façon efficace pour intimider les petites Églises. Il lui suffit de faire jeter quelques personnes en prison ou bien de faire convoquer quelques anciens au poste de police, et voilà qu’il a semé la peur. Il fait aussi usage de cette arme quand l’Église se développe à grande vitesse, pour intimider et freiner les forces d’évangélisation. D’où la persécution que nous observons lorsque le réveil s’étend sur un pays. Mais voilà, la persécution a un problème: elle ne fonctionne pas toujours. En fait, elle produit parfois l’effet inverse ! Elle réveille les chrétiens. Elle leur rappelle la grande valeur de ce qu’ils croient. Alors, l’ennemi délaisse cette arme qu’il apprécie pourtant et adopte une autre tactique. Laquelle ? L’endormissement. C’est comme un nuage de gaz qui envahit le champ de bataille et qui assoupit les soldats. Il ne fait pas de bruit, il ne fait même pas mal, mais il assure la victoire au diable. La force de ce somnifère spirituel, c’est que les soldats vont jusqu’à oublier qu’ils participent à une bataille. Leur esprit est totalement occupé par « les soucis du monde, la séduction des richesses et l’invasion des autres convoitises » (Marc 4 : 19). De temps à autre, les soldats endormis entendent un cri provenant de l’autre extrémité du champ de bataille. Ce cri provient de leurs frères et sœurs, en prison, seuls, et qui souffrent de la persécution. Si le cri est assez fort, il arrive que les soldats endormis se réveillent et se souviennent du 12
Pr é fa ce
champ de bataille sur lequel ils se trouvent : « La guerre n’est pas finie ! ». Ils se rappellent alors l'objectif de leur ennemi : les détruire et empêcher de nouvelles recrues d'entrer dans la grande armée du Seigneur. Ils se souviennent même des leurs qui traversent la persécution et qui ont besoin de leur soutien. Alors, ils se réveillent. Comment va le combat chez vous ? Auriez-vous oublié le but final de notre ennemi, le diable ? Que le Seigneur nous réveille. Qu’il nous accorde le privilège de nous engager dans la bataille à côté de nos frères et sœurs persécutés. Combats le bon combat de la foi, saisis la vie éternelle, à laquelle tu as été appelé, et pour laquelle tu as prononcé cette belle confession en présence d’un grand nombre de témoins. 1 Timothée 6 : 12
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INTRODUCTION
Travailler pour une organisation au service de l’Église persécutée ? Je n’en ai jamais eu l’intention. Du moins, ce n’est pas la raison pour laquelle j’ai quitté, à 28 ans, mon pays natal pour la France. Comment me suis-je retrouvé dans l’équipe de Portes Ouvertes quelques années plus tard ? Par un concours de circonstances. Comme beaucoup de jeunes convertis à l’époque, j’ai commencé par lire Le Contrebandier, de Frère André. Quel récit passionnant ! Ce jeune Hollandais avait osé vivre d’incroyables aventures avec son Dieu. Ce même Dieu que je venais de découvrir dans ma propre vie. Un Dieu bien réel et vivant. Un Dieu que j’apprenais à connaître. L’auteur en personne était invité comme orateur lors d'une conférence… à l’université même où j’étudiais. J’ai pu faire partie du service d’ordre, et me charger de la préparation de la salle et de l’accueil des invités. La salle était bondée. Une des phrases de frère André est restée gravée dans mon esprit : « Dieu nous a commandé d’aller (prêcher l’Évangile), il ne nous a pas dit de revenir ». À la même époque, j’ai également assisté à une conférence donnée par un pasteur roumain, qui avait fondé 15
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« Aide aux Églises martyres », une organisation similaire. Il s’agissait de Richard Wurmbrand.
J’ai découvert, plus tard, l’Église persécutée, au travers de nombreux voyages. D’abord en Europe de l’Est, puis partout dans le monde. C’est pour vous présenter cette Église que j’ai désiré écrire ce livre. Pas pour vous communiquer des faits ou des statistiques, de mieux en mieux connus dans notre monde d’aujourd’hui (vous les trouverez sur le site de Portes Ouvertes et dans ses publications). J’avais surtout envie de partager avec vous les leçons que j’en ai tirées. Des leçons qui, il me semble, concernent notre raison d’être et notre mission en tant que chrétien sur la terre. Depuis quelques années, il m’arrive de parler devant des caméras, ou d’intercéder pour l’Église persécutée devant des politiciens – au Parlement européen, pendant une audition au Sénat, ou à l’Assemblée nationale. Ou bien durant un side meeting (une réunion parallèle) au Conseil de l’Europe. Je dois parfois répondre à la question : « Pourquoi la persécution ? Pourquoi les chrétiens sont-ils ciblés partout dans le monde ? ». Je me trouve souvent tiraillé entre deux réponses.
1. L’une sera de présenter l’analyse à laquelle ils s’attendent : le phénomène est dû au retour du nationalisme religieux, aux conséquences du marxisme athée, à l’assimilation de l’Église avec la colonisation, aux préjugés contre les chrétiens qui remontent aux temps anciens et qui resurgissent en période d’incertitudes. 2. Cependant, il y a une autre raison. Si j’essaie de l’évoquer, les caméras s’éteignent très rapidement. Elle est liée à notre
immense privilège de marcher dans les pas de Jésus-Christ, le Fils de Dieu. À être identifié complètement à lui et à son destin. À refléter Christ dans le monde d’aujourd’hui. 16
Int roduct ion
En 2018, j’ai pensé que je ne connaissais peut-être pas assez ce Jésus. Comme beaucoup de chrétiens, je passais beaucoup de temps à lire les Épîtres du Nouveau Testament, ou bien à explorer ce formidable récit sur le peuple d’Israël et ses rapports avec Dieu, c’est-à-dire l’Ancien Testament. J’ai donc décidé de passer une année à ne lire que les Évangiles. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles chaque voyage que je raconte, chaque expérience de l’Église persécutée dans ce récit, pointe vers un épisode de la vie de Jésus et du petit groupe de Galiléens qui l’entouraient à cette époque et découvraient que côtoyer cet homme qui était Dieu, était tout sauf ordinaire. Oui, être appelé à suivre Jésus-Christ, c’est suivre le même parcours. C’est être envoyé, comme le Père a envoyé son Fils.
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Chapitre un
NOUS SOMMES LE LEVAIN DE DIEU POUR SON ÉGLISE Christ est mort pour notre propitiation, nous devons mourir pour la propagation de l’Évangile. Joseph Tson
Transylvanie, 1983. La petite Dacia, la version roumaine de la vieille Renault 12, démarre d’un coup. Elle tangue et rebondit sur sa suspension extra-souple, si bien adaptée aux chaussées de derrière le rideau de fer. Nous sommes accroupis, serrés sur le plancher derrière le siège du conducteur, pliés en deux comme des sandwichs humains pour que nos têtes ne dépassent pas des vitres de la voiture. C’est mon premier voyage en Europe de l’Est, six mois après mes débuts à Portes Ouvertes. Depuis une semaine, un collègue norvégien et moi-même sillonnons les routes de ce pays communiste, pour rendre visite aux chrétiens et 19
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organiser des livraisons de Bibles. Je l’avais rejoint dans une base secrète, en Autriche, près de la frontière tchécoslovaque. Nous avions roulé une journée pour atteindre le nord-est de la Roumanie. Jour après jour, nous avons rencontré des leaders dans les Églises de cette région pittoresque, émaillée de vallées et de plateaux. Certains de nos contacts avaient abandonné leur poste de travail, en milieu de journée, pour venir à notre rencontre. C’est notre dernier rendez-vous avant de rentrer à la maison. C’est sans doute le plus risqué, car aujourd’hui, nous devons rencontrer l’une des grandes figures spirituelles de Roumanie, Trajan Dors. Cet homme est un chrétien orthodoxe et un poète. Il est l’un des dirigeants d’un mouvement de réveil, appartenant à l’Église orthodoxe : « l’Armée du Seigneur ». Ce groupe rassemble plus de cinq cent mille croyants, dispersés à travers tout le pays. Les partenaires habituels de Portes Ouvertes sont les Églises évangéliques et protestantes, implantées surtout en Transylvanie et constituées, pour la plupart, de Roumains d’origine allemande ou issus de l’ethnie hongroise. Mais ce que Dieu est en train de faire au sein des Églises traditionnelles nous intéresse également beaucoup. Trajan Dors réside dans un petit village, non loin de Beius, en direction des collines. Assigné à résidence, il n’a plus le droit de quitter sa maison ni de recevoir des visiteurs. Surtout, il lui est interdit de rencontrer des Occidentaux. Voilà pourquoi nous devons nous cacher pour nous rendre chez lui, dissimulés dans la voiture, un peu comme ces fameuses Bibles que Portes Ouvertes cherche à passer en contrebande. Le plan est de prendre d’abord contact avec des amis évangéliques qui habitent dans la vallée, et qui seraient d’accord de nous emmener chez lui. 20
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Nous avons à peine roulé dix ou quinze minutes dans cette position extrêmement inconfortable quand nous entendons notre chauffeur et son compagnon éclater de rire. La voiture vire subitement, tangue dangereusement et quitte la route principale pour entrer dans une rue secondaire : « Ne vous en faites pas, crie le chauffeur, c’est la Securitate, la police secrète, qui nous a vus. Si nous poursuivons dans cette direction, elle saura où nous allons. Mais je connais un autre chemin, ce sera plus discret ». Nous ne sommes guère rassurés. Le village ressemble davantage à un hameau, entouré de bois et de champs. Quelques bâtiments agricoles, des vaches et des poules. Une fois la voiture garée dans la cour de la ferme, nous pouvons sortir et pénétrer rapidement dans la maison sans être vus. Une vieille dame, coiffée d’un foulard, nous accueille et nous conduit vers la chambre à coucher. La pièce se situe au rez-de-chaussée. Les murs sont recouverts d’épaisses tapisseries. Au-dessus de la tête du lit, une photo encadrée d'Iosif Trifa est accrochée au mur: il est le fondateur de l’Armée du Seigneur, celui que l’on a appelé « le Charles Wesley de l’Église orthodoxe roumaine ». L’homme que nous sommes venus voir est assis au bord du lit, en pyjama. Ce septuagénaire a déjà passé dix-sept ans de sa vie en prison pour sa foi. Sa dernière détention date d’un an à peine. Elle a duré cinq mois : « J’étais enfermé dans une cellule sans lumière et sans air frais. La seule ventilation passait par le trou de la serrure. Mon menu quotidien se composait de cent grammes de pain et d’un peu d’eau. Mes codétenus étaient tous des criminels endurcis. J’étais tellement malade qu’il me semblait n’avoir plus que quelques jours à vivre. C’est pour cela qu’ils m’ont libéré. Je peux vivre chez moi, assigné à domicile. Je n’ai pas le droit de quitter ma maison ». 21
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L’œil taquin, il ajoute : « Mais comme je suis malade, je dois suivre un traitement médical. Bien entendu, je choisis toujours un médecin à l’autre bout du pays. Cela me permet de m’arrêter sur la route, pour visiter des groupes de croyants, leur apporter un enseignement et les encourager ». Je ne peux pas m’empêcher de m’exclamer : — Mais, Monsieur Dors, vous avez déjà passé des années en prison. La dernière fois, la pire, vous auriez pu mourir ! N’est-ce pas le moment pour vous d’arrêter, pour laisser la place à quelqu’un d’autre ? Le vieillard assis sur son lit me regarde : — Jeune homme, quand nous faisons du pain, que faisonsnous ? Nous mettons du levain dans la pâte. Et il faut que le levain meure, pour que la pâte vive. Il ajoute : Sachez que nous, nous sommes le levain de Dieu pour son Église. Nous aussi, nous devons mourir pour que l’Église vive, pour que la vie de Dieu anime son peuple.
C’était ma première rencontre avec les chrétiens persécutés. Bien entendu, je n’étais pas totalement ignorant à leur sujet. Mon travail pour Portes Ouvertes consistait essentiellement à transmettre les nouvelles les plus récentes des chrétiens de derrière le rideau de fer, lors de mes présentations dans les Églises en France. Heureusement, la majeure partie du temps était consacrée à la projection d’un film de quarante minutes. Avant de clore ces soirées, je passais le peu de temps qui restait à étaler mon peu de connaissances, tout en insistant sur le besoin de Bibles et sur le nombre de chrétiens en 22
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prison. Et je priais que personne ne pose de questions trop compliquées ! Ce déplacement en Roumanie m’avait amené, pour la première fois, face à l’Église persécutée, et c’était surtout la première fois que j’entendais quelqu’un parler de cette manière.
UNE AIDE À DOUBLE SENS Quelques jours plus tard, de retour chez moi, je repensais à cette courte conversation avec ce vieil homme qui, malgré sa maladie, était prêt à risquer sa vie et sa liberté pour le bienêtre de l’Église. Cette rencontre m’a ouvert les yeux à plusieurs égards. J’ai d’abord compris que l’Église persécutée avait quelque chose à me dire, à moi, jeune chrétien occidental qui croyait partir pour aider seulement. Au lieu de rendre visite à des croyants découragés, sans Bibles et sans espoir, emprisonnés sous un régime athée et hostile, j’ai rencontré des chrétiens, pleins de foi et de courage face au sacrifice, comme je n’en avais jamais rencontrés. La devise de Portes Ouvertes est : « Sois vigilant et affermis le reste, qui est sur le point de mourir ». C’est par ce verset d’Apocalypse 3 que Dieu a parlé à Frère André lors de son premier voyage en Pologne, à Varsovie, en 1955. Il a alors découvert la réalité de l’Église persécutée durant cette première visite derrière le rideau de fer. Que pouvait une Église privée de Bibles et de liberté ? Une Église dont les leaders spirituels étaient en prison ou morts ? Elle ne pouvait être qu’une Église à l’agonie. Cela me paraissait normal. Comment survivre sans les dernières méthodes de louange, de discipulat, de réveil spirituel, venant tout droit des États-Unis ? Voilà les signes d’une Église forte, dans nos pays, chez nous. C’est ce que je 23
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pensais. Cette Église roumaine avait clairement besoin de nous. Elle manquait de Bibles et d’enseignement. Mais étaitelle vraiment sur le point de mourir ? D'une certaine façon, elle manifestait bien plus de vie que mon Église en Occident. Et, je devais l’avouer, ces propos qui défiaient ma conception de la vie chrétienne normale, provenaient, non pas d’un membre d’une Église protestante évangélique, mais d’un fidèle de l’Église orthodoxe roumaine. Ce court déplacement en Europe de l’Est, au début des années 1980, m’a révélé un nouvel aspect du ministère de Portes Ouvertes. Notre but était d’apporter de l’aide à l’Église persécutée, mais nous avons peu à peu été surpris de recevoir quelque chose en échange. Cette Église persécutée avait quelque chose d’exceptionnel. Nous étions toujours encouragés et stimulés par son témoignage sous la persécution. Notre rôle s’est progressivement transformé. Certes, nous voulions les aider, mais nous commencions à ramener chez nous un message : « le message de l’Église persécutée ». Celui-là même que je voudrais vous apporter au travers de ce livre. Bien entendu, les chrétiens persécutés ne sont pas des chrétiens parfaits. Tous ne sont pas des héros de la foi. Toute Église persécutée n’est pas nécessairement en train de vivre un réveil ni d’expérimenter une croissance rapide. Si c’était le cas, le diable, s’il n’éprouvait pas une haine aussi profonde pour les enfants de Dieu, n’aurait jamais pris la peine d’utiliser la tactique de la persécution. La persécution n’entraîne pas automatiquement la croissance. Nous en avions la preuve dans d’autres pays derrière le rideau de fer, dans les années 1980. Si les Églises roumaines étaient alors bien vivantes, et semblaient n’avoir peur de rien, cette dynamique ne touchait pas la Bulgarie voisine. La persécution n’engendre pas automatiquement le courage spirituel. 24
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Choisir la persécution ? Il faut peut-être se rappeler qu’à l’époque, l’Église d’Occident était loin d’être unanime au sujet de la persécution. Les chrétiens persécutés, dont nous parlions dans nos présentations, se trouvaient derrière le rideau de fer (c’était peut-être une première erreur de notre part, car la persécution existait bel et bien dans d’autres pays aussi). Très peu d’Occidentaux avaient l’occasion de voyager dans cette partie du monde ni pour les affaires ni, surtout, pour y passer des vacances ! Le communisme n’était pas totalement discrédité chez nous, et ceux qui avaient des affinités socialistes remettaient en question ce que nous disions. Certains Occidentaux allaient jusqu’à insinuer que les chrétiens eux-mêmes provoquaient la persécution. Les chrétiens persécutés étaient forcément des fanatiques, qui cherchaient à enfreindre la loi. Selon eux, avec un peu de circonspection, les chrétiens pouvaient éviter d’attirer l’attention de la police, en faisant preuve d’un minimum de sagesse pour vivre en paix avec le régime. Il n’y avait aucune raison d’être persécuté, voyons ! Je vais vous surprendre, mais les propos de Trajan Dors ne démentaient pas ce point de vue. Ce qu’il m’a dit m’a aidé à comprendre que nos détracteurs n’avaient pas tout à fait tort. La persécution est toujours un choix. Il y a toujours une alternative. Tout le monde peut choisir de ne pas être persécuté. Il suffit de se taire ou de cacher sa foi. Il suffit de ne rien dire et de ne rien faire. Il suffit de vivre comme un non-croyant. Sous la plupart des régimes, sauf les plus durs et les plus extrêmes, peu importe ce que vous croyez dans votre cœur, pourvu que votre comportement soit celui de tout le monde : on vous laissera vivre en paix. L’entêtement de ce vieil homme à continuer de désobéir aux autorités était bien la raison de sa persécution !
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Béni par la croix, bénissant par la croix Le choix de ce vieux poète roumain m’avait poussé à me poser une question plus profonde. Il laissait entendre l’existence d’un lien réel entre la persécution qu’il endurait et la vie de l’Église qu’il servait. Selon lui, la souffrance de sa persécution pouvait contribuer à la vie spirituelle de sa communauté. Il disait que sa vie était un ingrédient essentiel, comme une pincée de levain, qu’on ajoute à la pâte, et qui doit forcément mourir afin de faire lever le pain. Sa souffrance sous la persécution était, selon lui, un mal nécessaire pour que viennent la vie et la croissance dans l’Église. J’ai d’abord crié intérieurement à l’hérésie. Après tout, j’avais appris que la seule vie qui ait été donnée en sacrifice pour les chrétiens, c’était celle de Jésus. C’est grâce à sa mort sur la croix, et surtout à sa résurrection, que tout a été donné à l’Église pour qu’elle vive. Jésus a été le sacrifice suffisant pour tous les besoins de l’Église. En bon protestant qui croit que la grâce seule nous suffit en tout, je ne pouvais pas accepter qu’il existe un autre sacrifice nécessaire pour donner la vie à l’Église. Tout a été accompli sur la croix : sola gratia. Ce n’est que quelque temps plus tard que j’ai relevé les paroles d’un autre homme qui avait dit à peu près la même chose que Trajan Dors. C'était aussi un leader spirituel à la tête d’un mouvement de réveil ; il vivait également sa foi dans un monde hostile ; lui aussi avait passé plusieurs années, à plusieurs reprises, en prison. Il s’agit de l’apôtre Paul : Je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous et je supplée dans ma chair à ce qui manque aux afflictions du Christ pour son corps qui est l’Église. Colossiens 1 : 24
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C’est ce même apôtre, auteur de l’Épître aux Romains, qui nous explique ailleurs que Dieu nous donne tout avec Jésus par la grâce (Romains 8 : 33). Qu’il n’y a rien à ajouter. Mieux que cela, « nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés » (Romains 8 : 37). Il explique qu’en Jésus-Christ, nous sommes bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes (Éphésiens 1 : 3) et qu’il nous a fait asseoir ensemble dans les lieux célestes en Jésus-Christ (Éphésiens 2 : 6). Qu’est-ce que Paul pouvait donc vouloir « suppléer » (ou « achever ») dans sa chair, pour les chrétiens auxquels il écrivait ? Qu’est-ce qui pouvait bien manquer aux souffrances de Christ, pour qu’il faille que Paul comble ce « manque », tout en disant en même temps qu’en Jésus, nous avons tout ? Il est clair que Paul ne suggère pas que la mort de Jésus-Christ sur la croix n'est pas suffisante. Le Nouveau Testament nous enseigne cependant une sorte de loi spirituelle : le salut, si durement gagné à la croix, ne peut être transmis que par la croix. Jésus s’est acquis notre salut au prix de sa mort et à nous aussi, il nous en coûtera de transmettre cette bonne nouvelle du pardon gratuit aux nations. Quelques heures avant d’être torturé, humilié, et de souffrir la cruauté extrême d’une mort par crucifixion, Jésus a averti ses disciples : Le serviteur n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi. Jean 15 : 20
La raison de cette souffrance, c’est notre parfaite identité avec lui : « tout cela, ils vous le feront à cause de mon nom » (v. 21). Comme Jésus était dans le monde, nous le sommes aussi et, si nous nous identifions avec lui, le monde réagira vis-à-vis de nous comme il l’a fait envers Jésus.
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DES BREBIS ENVOYÉES AU MILIEU DES LOUPS Selon certains passages de l’Évangile, la persécution devient inévitable lorsque l’Évangile avance. L’un d’entre eux aborde clairement la question : Matthieu 10. Jésus appelle ses douze disciples et les envoie en mission. C’est sans doute un des passages les plus importants où Jésus aborde la question de la persécution. Après avoir défini clairement les contours de leur mission, la façon dont ils devaient aborder les villages, les ressources à emporter avec eux (ou non), il leur lance brutalement un avertissement : « Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups » (Matthieu 10 : 16). Ce que Jésus propose n’est pas exactement un combat à forces égales. Dans un tel contexte, les victimes ne peuvent se trouver que d’un seul côté : chez les brebis ! Personne n’imaginerait envoyer des brebis paître dans un endroit où rôdent des loups. Je viens de voir un reportage sur les dégâts causés par un seul loup qui s’était perdu en Camargue. Les bergers montraient aux journalistes des tas de cadavres de moutons, massacrés au bout d'un pré par ce seul loup solitaire, égaré loin de chez lui et qui voulait tuer simplement pour le plaisir. La situation est très risquée. Et tout se joue sur la façon dont les « brebis » seront reçues. C’est cela le nœud du problème. Imaginez-vous ce passage sous la forme d’un « hamburger » : Tranche de pain : accueil ou non du messager. Salade : gardez-vous des gens !
Viande : il suffit d’être comme le Maître.
Salade : ne les craignez pas !
Tranche de pain : accueil ou non du messager. 28
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L’accueil des messagers Comme dans tout bon sandwich digne de ce nom, deux morceaux de pain enveloppent à l’extérieur les bonnes choses cachées à l’intérieur. Ces deux tranches de pain au début et à la fin du passage font justement référence à l’accueil qui sera donné ou non à ceux qui proclament le message. • Le premier morceau de pain : « Lorsqu’on ne vous recevra pas et qu’on n’écoutera pas vos paroles, sortez de cette maison ou de cette ville et secouez la poussière de vos pieds » (v. 14). • Le dernier morceau : « Qui vous reçoit me reçoit, et qui me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé » (v. 40).
La grande question est donc le type d’accueil qui sera accordé aux messagers. L’Église est persécutée parce qu’elle assume le rôle vital d’apporter le message du Christ dans le monde. C’est en partie sa raison d’être. Transmettre le message n’est pas un acte anodin. C’est l’acte le plus dérangeant et provocateur que l’on puisse imaginer. Il entraîne la division du monde en deux camps : ceux qui vont suivre le Christ et ceux qui le rejetteront. Lorsque les Juifs stricts rentraient d’un voyage à l’étranger et qu’ils se retrouvaient sur la « terre sainte » de Dieu, ils secouaient la poussière des terres païennes de leurs sandales au moment même où ils passaient la frontière. Jésus instruit désormais ses disciples et leur enseigne de faire la même chose à l’intérieur du pays d’Israël, dans les villes qui ne reçoivent pas le message. C’est l’accueil de ce message qui va définir, à partir de ce momentlà, la frontière entre ceux qui appartiennent au royaume de Dieu et ceux qui sont en dehors de ce royaume. Il n’est pas surprenant que ce soit un acte décisif.
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Comme Jésus À l'intérieur du sandwich on trouve une succulente tranche de viande : la partie la plus importante et nourrissante du repas. Dans le discours de Jésus, elle se situe aux versets 24 et 25 : « Le disciple n’est pas plus que le maître, ni le serviteur plus que son seigneur. Il suffit au disciple d’être comme son maître, et au serviteur comme son seigneur ». Ce sont les mêmes paroles que Jean cite dans le chapitre 15 de son Évangile. C’est la clé, l'idée la plus importante, le message central, le noyau de la prédication de Jésus : ce n’est pas vous qui serez accueillis ou rejetés, mais moi, le Maître, le Seigneur. Oui, extérieurement, il semblera que vous soyez parfois mal reçus, mais vous êtes seulement des serviteurs, des esclaves. C’est moi qui suis visé. Nous ne pouvons demander ni mieux ni moins bien que ce que Jésus a expérimenté lui-même. Méfiance Entre le pain et la viande s’intercalent souvent deux feuilles de salade et des cornichons. Dans la partie supérieure du sandwich (v. 15-23), ces condiments représentent les dangers et les réalités de la souffrance de cette persécution. Jésus ne cache pas le coût de la proclamation de l’Évangile. La persécution, dit Jésus, est une réalité que les disciples peuvent s’attendre à rencontrer. Pour en souligner la gravité, le passage commence par un avertissement solennel : « Méfiez-vous des hommes ! » (v. 17 – S21). Méfiez-vous des gens ! Dans le contexte de l’évangélisation, Jésus est très clairvoyant concernant l'origine des ennuis : ce sont les autres qui vont nous faire du mal, nous livrer aux tribunaux, nous fouetter dans les lieux de culte et nous 30
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envoyer devant les autorités. Le mal viendra de ceux que nous cherchons à sauver, à atteindre par la Bonne Nouvelle. Et le pire, c’est que les « hommes » qui vont nous faire le plus de mal seront nos proches : frères, pères, enfants. Pour beaucoup de nouveaux convertis, c’est dans le contexte familial, au sein de la famille, que la persécution commence et se montre la plus sévère. Les nouveaux convertis sont appelés à faire un choix entre ceux qu’ils aiment, ceux à qui ils doivent loyauté, solidarité, amour, et celui qui les appelle à son service, au sein d’une autre famille. « Qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi », dit Jésus. Ceux qui auront fait ce choix en subiront la conséquence : une souffrance et une honte comparables à la méthode cruelle et inhumaine des Romains pour exécuter ceux qui n’avaient pas de valeur. Oui, la crucifixion : « Quiconque ne prend pas sa croix et ne vient pas à ma suite n’est pas digne de moi ». J’ai rencontré Saiba, il y a deux ans, en Indonésie. Âgée de vingt ans, elle habitait loin de sa famille. En fait, pour elle, retourner chez ses parents était impossible à envisager. Jeune femme studieuse, issue d’une famille musulmane pas très pratiquante, elle aimait profondément les livres anciens. Elle avait entendu parler de Jésus pour la première fois lors d’une discussion dans un groupe d’études. Certains musulmans avaient mentionné qu’il était possible de connaître Jésus, en disant simplement le mot « Alléluia » et en lisant les Psaumes. En même temps, elle avait commencé à questionner sa propre religion : les rituels, la place de la femme, l’espoir du salut. Un jour, en traversant un marché aux puces, son regard est tombé sur un vieil ouvrage et elle a décidé de l’acheter pour un dollar. Elle venait d’acquérir un exemplaire de la Bible. Elle a réparé soigneusement le vieux livre et a commencé à le lire. C’est 31
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en lisant la parole de Dieu qu’elle a décidé de mettre sa foi en Jésus. Peu de temps après, Saiba a rencontré des chrétiens et elle a commencé à étudier les bases de la foi chrétienne. Mais comment cette jeune femme devait-elle expliquer à sa famille son nouveau choix de vie ? Elle a fini par écrire une lettre à sa mère, pour lui expliquer sa démarche. « Je suis allée voir mes parents, a-t-elle dit. J’ai emporté ma Bible et une lettre à donner à ma mère ». La rencontre avec ses parents a duré six heures. Elle a finalement dû fuir, laissant tout derrière elle. Ses parents lui ont ensuite coupé tout soutien financier et elle a dû arrêter ses études. Sa mère a même répandu la rumeur, dans le village, qu’elle était devenue une fille de « mauvaise vie » et que c’était pour cette raison qu’elle ne pouvait plus revenir chez elle. L’Évangile divise les familles. En amont donc, Jésus met en garde les disciples contre la persécution qu’ils rencontreront en amènant l’Évangile aux autres. La seconde moitié du sandwich : ne les craignez pas ! L’autre moitié du sandwich commence par une phrase choc. Comme pour faire pendant au « Méfiez-vous des hommes », nous lisons : « Ne les craignez donc point ! » (v. 26). Autrement dit, ne vous laissez pas impressionner ! Beaucoup plus positif ! C’est la partie qui relativise les dangers et nous encourage à aller de l’avant pour apporter la Bonne Nouvelle, malgré les risques. Pourquoi ne faut-il pas craindre ? Il ne faut pas se laisser impressionner. D’abord, à cause de la nature même du message si précieux. Il n’est tout simplement pas fait pour être dissimulé. Il n’est pas censé rester secret. Il 32
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est fait pour être proclamé. Il est fait pour être crié depuis les toits des maisons ! C’est ce que Paul appelle de la « dynamite », la puissance de Dieu pour le salut – la « puissance » du SaintEsprit d’Actes 1 : 8. Jésus poursuit en soulignant l’enjeu qui se cache derrière son encouragement : ce qui importe, ce n’est pas le corps, mais l’âme. Ce qui se joue a une portée éternelle. Si le message n’est pas entendu, les conséquences corporelles n’ont rien de comparables aux conséquences spirituelles. Le mot « crainte » revient ; mais cette fois-ci ce ne sont pas les opposants à l’Évangile qu’il faut craindre, mais ce qui pourrait se passer s’il n’était pas proclamé. Si nous n’avons pas peur pour notre corps, alors rien ne peut nous arriver qui échapperait à la providence de Dieu : « Même les cheveux de votre tête sont tous comptés. Soyez donc sans crainte : vous valez plus que beaucoup de moineaux » (Matthieu 10 : 30-31). Enfin, la reconnaissance de Dieu lui-même est un autre encouragement. Si nous nous identifions à Jésus sur la terre, il s’identifiera à nous devant son Père. Il est une sorte de doublure spirituelle : devant nous, les gens à qui nous témoignons de l’Évangile. Derrière nous, Jésus qui témoigne pour nous devant son Père. Devrions-nous nous attendre à vivre la persécution pendant notre séjour sur terre ? Est-elle une chose à éviter ou à rechercher ? Et que voulait dire Paul en affirmant que nous pouvions être, en quelque sorte, le levain offert pour l’Église ? Jusqu’où Dieu peut-il nous demander de faire un choix qui entraînera la souffrance ? Et dans ce cas alors, pourquoi si Dieu est bien un Dieu d’amour ? Ces questions sont restées cantonnées dans la sphère intellectuelle, il y a trente-cinq ans pendant la guerre froide, alors 33
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que la persécution des chrétiens était contenue derrière des « rideaux », circonscrite à l’intérieur de quelques pays communistes. Ces pays, même s’ils représentaient un pourcentage non négligeable de la surface de la terre, se situaient dans un autre monde, loin de notre Occident libre. Nous avions l’habitude de parler de pays « fermés » pour les distinguer de nos pays « ouverts » ou « libres ». Mais aujourd’hui, cette distinction devient de plus en plus difficile à maintenir, dans notre monde post-chrétien et postmoderne, dénué de tout intérêt pour le religieux et en même temps multireligieux. La persécution n’est plus si inimaginable chez nous.
RÉÉVANGÉLISER NOTRE MONDE ? L’Église persécutée rappelle que les chrétiens sont aussi appelés à payer un prix. Que l’avancement de l’Évangile ne se fait pas sans que cela ne coûte. Le prix payé par Jésus sur la croix est bien entendu suffisant pour assurer notre salut. Mais apporter le message du salut dans le monde n’est pas gratuit : il exige de ses disciples un prix, et ce prix, dans bien des cas, c’est la persécution. Perspective historique L'Europe a été pendant des siècles le dernier bastion du christianisme. La foi chrétienne est née et s’est répandue au sein de l’Empire romain qui était à cheval entre l’Europe et l’Asie. L’Europe a survécu à l’invasion des tribus alémaniques, païennes et ariennes, venues de l’Est, aux 5e et 6e siècles : les Francs et les Alémans, les Saxons et les Vandales, les Goths et Visigoths. Ces envahisseurs ont été christianisés à leur tour. Par contre, en Afrique et en Asie, la foi chrétienne a été 34
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graduellement étouffée jusqu’à quasiment disparaître pendant les siècles qui ont suivi les invasions islamiques. À la fin du premier millénaire, notre continent ressemblait à une île entourée par une mer islamique qui menaçait de déborder sur ses rivages – ce qui avait été le cas en Espagne. À l’Est, l’Église byzantine était en mode « survie ». Durant le 16e siècle, l'Europe a vécu le traumatisme de la Réforme et payé un lourd tribut aux guerres de religion dans sa lutte pour revenir à une foi biblique. C’est à partir de l’Europe que l’effort missionnaire mondial a été lancé aux 16e et 17e siècles, ce qui fait qu'aujourd'hui, des communautés chrétiennes existent dans tous les pays du monde, même les plus hostiles au christianisme. Quelle est notre vision pour notre continent aujourd’hui ? Croyonsnous possible d’amener à nouveau nos nations à Christ ? Peut-être y avons-nous renoncé ? Pensons-nous qu’il est trop tard ? En avons-nous perdu tout espoir ? G. K. Chesterton a dit : « Cela fait cinq fois que la foi chrétienne a été “jetée aux chiens”. Et cela fait cinq fois que les chiens en sont morts1 ! ». Croyons-nous que le christianisme puisse de nouveau vaincre les chiens, ceux du non-religieux et du postmodernisme, et reconquérir l’Europe ? Et si nous espérons y arriver, quel en sera le prix ? Sommesnous prêts à devenir le levain qui doit mourir pour que le « pain » vive de nouveau sur notre vieux continent ? La Chine, civilisation confucianiste, malgré un effort missionnaire considérable émanant des Églises catholiques et protestantes pendant des siècles, n’abritait, jusqu’au milieu du 20e siècle, qu’une petite Église, fragilisée par ses liens avec les empires 1
Cité dans Os Guinness, Renaissance : The Power of the Gospel however dark the times [Renaissance : la puissance de l’Évangile quelle que soit les ténèbres de l’époque], Downers Grove : IVP, 2014, p. 14.
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colonialistes européens, et qui avait sévèrement souffert lors de la rébellion des Boxers. Par la suite, la Chine est tombée sous la coupe du maoïsme athée. Mais depuis soixante ans, ce pays a connu le réveil chrétien le plus grand de toute l’histoire. Aujourd’hui, on dénombre plus de croyants en Jésus-Christ en Chine populaire que de membres du parti communiste. Le moteur derrière ce phénomène ? Une dynamique extraordinaire fournie par des « évangélistes itinérants », hommes et femmes, qui, avec un engagement total, ont amené le message du christianisme dans les villages les plus éloignés à l’intérieur du pays, malgré l’opposition violente des cadres maoïstes. L’un de ces évangélistes a été honnête avec nous : « Si vous étiez aussi zélés que nous pour proclamer l’Évangile dans votre continent, en Europe, on vous persécuterait exactement comme nous ». Ici et maintenant Et moi ? L’Église persécutée me place aussi devant un choix personnel, un choix au centre de toute vie chrétienne. Ce choix, c’est tout simplement de décider de ce que je fais de Jésus dans ma vie ! Est-ce que je le place hors de vue, un peu comme mon ami norvégien et moi, qui étions serrés, recroquevillés sur le plancher à l’arrière de la voiture, pour ne pas laisser nos têtes blondes dépasser le niveau des vitres de la petite Dacia ? Pour rester invisible, inconnu du monde extérieur ? Ou est-ce que je lui permets de s’asseoir sur le siège du conducteur derrière le volant, à la vue de tous, à la vue du monde, afin qu’il donne la direction à ma vie ? Si Jésus est le Conducteur, il nous entraînera dans un conf lit avec ce monde. Et si je donne la liberté à Jésus de conduire ma vie, se peutil qu’il se serve de ma vie, qu’il l’exploite et l’utilise comme 36
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du levain pour fabriquer le pain ? Suis-je prêt à devenir la pâte, entre les mains du Maître boulanger, qu’il offre pour son Église ? En réalité, cette question se pose tous les jours de la vie. Qui conduit ma vie ? La différence avec les chrétiens persécutés est que l'enjeu immédiat est plus crucial pour eux. Que j’habite dans un monde hostile ou dans un monde indifférent, je dois décider ce que je fais avec le Christ. Décider si je suis prêt à le confesser et même à choisir le chemin qui mène à la souffrance. Cette question est au cœur de l’Église persécutée, et c’est celle qu'elle nous pose.
UNE PRIÈRE POUR L’ÉGLISE PERSÉCUTÉE Seigneur, Dieu de la mission, je voudrais prier pour les hommes et les femmes qui aujourd’hui risquent leurs vies pour annoncer ton Évangile dans les régions les plus dangereuses du monde. Un chrétien en Corée du Nord est littéralement une brebis entourée par des loups. Un chrétien converti de l’islam sait qu’il sera dévoré s’il avoue publiquement sa foi. Pourtant, ton Église subsiste et même augmente en nombre. Merci de continuer à donner du courage à ces chrétiens persécutés. Merci de les protéger ainsi que leurs familles.
Pour aller plus loin 1. Pouvez-vous citer des gens qui ont donné leur vie comme « du levain pour que l’Église vive » ? Dans le monde où l’Église est persécutée ? Dans le monde dit « libre » ? Dans le passé ? Aujourd’hui ?
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2. À quelles difficultés devrions-nous nous attendre aujourd’hui si nous voulons vraiment regagner notre pays, notre continent, pour Christ ? 3. L’Église persécutée peut être une inspiration pour suivre Jésus coûte que coûte. Comment pouvons-nous mieux connaître cette Église ? Avez-vous rencontré des chrétiens venant de ces pays ? 4. Que pouvons-nous faire pour que l’Évangile soit plus visible dans nos vies ? Que faire pour placer Jésus derrière le volant ?
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Chapitre deux
LE PREMIER COMBAT : POUR LA VÉRITÉ On résiste à l’invasion des armées, on ne résiste pas à l’invasion des idées. Victor Hugo
Roumanie, 1985. C’est l’une de ces journées typiques de l’été en Europe centrale : étouffante, lourde et chaude. Enfin, le soir, l’inévitable arrive : un orage éclate, violent, accompagné de coups de tonnerre, d’éclairs et d’une pluie torrentielle. Ma femme et moi sommes exténués. Voilà plus de quatre jours que nous sommes sur la route. Nous avions loué un minibus chez un concessionnaire de Kehl, ville frontière allemande située en face de Strasbourg. Le véhicule était un Combi Volkswagen des années 1980. Vous savez, le modèle affectionné par les hippies, avec le moteur à l’arrière et de la place pour deux rangées de sièges. L’équipe 39
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des Pays-Bas avait précisé : « Surtout, utilisez un véhicule de location pour empêcher que l’on puisse tracer les plaques d’immatriculation à la frontière des pays de l’Est ». Nous avions mis une journée pour nous rendre aux PaysBas, jusqu’au siège de Portes Ouvertes. Sur place, nos mécaniciens avaient allègrement dessoudé les sièges arrière pour y insérer un « kit camping-car » rudimentaire qui consistait simplement en une table pliante, une cuisinière camping-gaz et une banquette. Pour dormir, nous nous allongerions sur la plateforme au-dessus du moteur. C’était juste assez pour donner l’impression que nous étions de vrais touristes qui partions passer nos vacances d’été derrière le rideau de fer… ce qui, admettons-le, était déjà un peu suspect, car les touristes habituels préféraient de loin la Côte d’Azur ! Deux journées de route devant nous. D’abord, pour quitter les Pays-Bas, puis traverser l’Allemagne et l’Autriche en direction de la Hongrie et atteindre le poste-frontière de Hegyeshalom. Il nous faut encore passer une journée pour traverser la Hongrie via Budapest et arriver au poste-frontière d’Oradea, sur la frontière roumaine. C’est là, alors que nous faisons nos premiers kilomètres en Roumanie, que le temps change brutalement. Un orage va éclater et provoquer une terrible migraine chez ma femme.
À cette époque, le ministère de Portes Ouvertes consistait presque uniquement à organiser la contrebande de Bibles : en Chine, en Afrique et surtout en Europe de l’Est. Chaque été, depuis plus de vingt ans, nous faisions passer des milliers de Bibles dans les pays communistes. La mission avait acquis pour 40
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cela une flotte impressionnante de camping-cars, de caravanes et de véhicules motorisés de toutes marques, de toutes couleurs, dont certains basés en Alsace. Chaque véhicule était tout spécialement aménagé avec une ou plusieurs cachettes où nous pouvions dissimuler les Bibles. Nous nous limitions, en effet, à la contrebande de Bibles. Il n’avait jamais été question d’emmener du matériel politique. Simplement des Bibles – du « pain » pour nourrir les chrétiens. Les besoins étaient énormes, toutefois, et le nombre de véhicules limité. Les postes-frontières aussi. Comment ne pas passer par le même poste-frontière avec la même voiture plus d’une fois par an ! Les fouilles étaient méticuleuses, et cela devenait tout simplement trop risqué. Il était déjà arrivé que les garde-frontière découvrent des Bibles. Mais voilà qu’un jour, un collègue a lancé une idée brillante : monter une affaire d’import-export vers les pays d’Europe de l’Est ! Bien sûr, les échanges commerciaux nécessitent des camions… et l’on peut cacher beaucoup de Bibles dans un vingt-cinq tonnes ! Un poids lourd donnait une bonne raison de passer régulièrement par les mêmes postes-frontières. Nous allions donc pouvoir transporter beaucoup de Bibles vers la même destination. Au départ, nous avions pensé à les dissimuler derrière de fausses parois, à l’intérieur de la remorque, mais cela aurait été trop facile pour les douaniers de mesurer la longueur intérieure de la remorque et de la comparer à la longueur extérieure. Nous avons fini par trouver la solution : cacher les Bibles dans le châssis sur toute la longueur du camion. Nous pouvions donc faire passer des milliers de Bibles en une seule fois, mais comment les livrer ? On ne gare pas un camion occidental devant la maison d’un chrétien sans attirer l’attention des voisins ! Ni même dans la cour d’une ferme, dans un village d’Europe de l’Est. De plus, il fallait à tout prix 41
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dissimuler l’existence de cette méthode de contrebande, d’autant plus dangereuse que le nombre de Bibles était plus élevé. Et que faire si nous étions pris ? Jusqu’alors, en plus des Bibles, la caravane était confisquée. La voiture aussi, parfois. Les « touristes » expulsés se retrouvaient alors abandonnés au bord de la route, de l’autre côté de la frontière, leurs valises à la main. Si cela arrivait à la frontière soviétique, ils étaient obligés de trouver un moyen pour parcourir quelques centaines de kilomètres en Europe de l’Est pour atteindre l’Occident. Avec les camions, l’enjeu devenait tout autre. Une telle opération doit forcément s’appuyer sur une structure organisée et beaucoup d’argent. Il en va ainsi de la contrebande de Bibles à grande échelle. Un chauffeur-routier pris avec des Bibles risque des années de prison. Les chauffeurs courageux le savent chaque fois qu’ils passent la frontière. L’un d’entre eux était tellement stressé qu’il s’arrêtait parfois pour vomir. Quelqu’un devait donc prendre le relais pour récupérer les Bibles du camion et les amener chez les chrétiens roumains. Et voilà pourquoi mon épouse et moi-même partions faire du camping en Transylvanie, près de la frontière roumaine.
Nous devions entrer en Roumanie en même temps que le camion – pas forcément par le même poste-frontière. Nous n’avions pas de Bibles et, de ce fait, nous ne risquions rien. Ensuite, de l'autre côté d'une colline à trois cents mètres, après un bosquet sur la gauche, nous trouverions un parking. Nous nous y arrêterons pour manger et préparer une tasse de thé. Et comme par hasard, le chauffeur du camion choisira de 42
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s’arrêter sur le même parking, lui aussi, pour boire un thé. Il sera tard, la nuit sera tombée, et personne ne passera dans les environs à cette heure-là (en réalité, en Roumanie, il se trouvait souvent quelqu’un qui marchait silencieusement le long des routes, parfois bien après minuit). C’est sur le parking que le camionneur procédera au déchargement de son véhicule, et nous chargerons alors notre Combi avec les Bibles, pour les livrer le lendemain soir aux chrétiens. C’était ça le plan. Il n’est pas indispensable de trop les cacher dans le Combi : une fois à l’intérieur du pays, la police nous arrête rarement. On les place donc un peu partout : sous les sièges, sous la cuisinière, dans les placards et surtout sur la banquette arrière, là où nous dormons, sous nos sacs de couchage. « Vous aurez l’honneur, pour la première fois de vos vies, nous a-t-on dit, de dormir sur un matelas de Bibles russes et roumaines. » Heureusement, depuis peu, Volkswagen a renforcé la suspension arrière de ses véhicules, et le poids additionnel ne se remarque pas trop. Lors d’un de mes premiers voyages, les Bibles pesaient tellement que le minibus roulait le châssis touchant les axes : c’était vraiment trop visible ! Sous une pluie battante, nous traversons la première ville, puis entrons dans une région vallonnée. Nous grimpons et redescendons prudemment une colline sous la pluie. Dans le noir de la nuit, nous cherchons le parking au bord de la route, qui corresponde à la description. Fatigués, nous nous arrêtons pour le thé et attendons l’arrivée du camion. Pendant le voyage, nous avons, bien sûr, mémorisé les coordonnées de livraison. Au moins trois adresses par cargaison. Nous ne savons pas si les chrétiens seront là quand nous passerons. Hors de question de revenir plus d’une fois à la même adresse. Nous avons donc besoin de deux ou trois adresses supplémentaires. Comme nous avons quelques 43
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années de pratique, nous aurons le privilège d’attendre le passage d’un second camion. Nous trouverons un téléphone public, quelque part dans le pays, et appellerons un numéro aux Pays-Bas. Une voix nous donnera le mot de passe, pour nous signifier que le second camion sera en route et que nous pourrons l’attendre. Le transfert de Bibles se fait sans difficulté, comme prévu. Alors que nous transférons les paquets de Bibles, une silhouette passe dans la pénombre de la nuit, mais elle semble ne rien remarquer. La livraison a lieu le lendemain soir, c’est le deuxième moment le plus crucial de l’opération. Il faut arriver après la tombée de la nuit. Normalement, on choisit des chrétiens habitant une maison ou une ferme avec cour et portail. Ils nous attendent. En un clin d’œil, nous vidons le véhicule. Ils s’affairent pour dissimuler les paquets de Bibles dans une cachette. Leurs yeux écarquillés se tournent vers nous : « Mais comment avez-vous pu passer la frontière avec autant de Bibles à la fois ? ».
À l’époque, certains chrétiens étaient tentés de critiquer notre action : « N’est-ce pas un peu trop limité, mécanique ? Emmener seulement des Bibles ? Est-ce si important ? » ; « Comment justifiez-vous le fait d’enfreindre la loi ? ». Nous pouvions évidemment répondre en évoquant les demandes pressantes des chrétiens de posséder une Bible. En réalité, les régimes communistes eux-mêmes confirmaient la pertinence de notre action. Quelques années auparavant, Nicolai Ceausescu, le dictateur de la Roumanie, avait officiellement reçu une livraison de Bibles d’une société biblique bien44
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pensante – quelque part en Europe de l’Ouest – et qu’en avaitil fait ? Il les avait fait broyer pour les transformer en papier toilette. Les chrétiens roumains avaient acheté certains de ces rouleaux ; ils avaient découvert avec horreur les paroles de la Bible imprimées sur les plis du papier.
DES « MATELAS » DE VÉRITÉ Ces « matelas » de Bibles précieuses, introduites avec tant de risques, accueillies par les chrétiens avec tant d’enthousiasme, puis distribuées vers d’autres pays, répondaient à un besoin réel exprimé par les Églises. Mais ce besoin de passer des Bibles en contrebande révélait autre chose que la seule nécessité pour chaque croyant de se nourrir de la parole de Dieu. Il rappelait que le premier combat dans le monde est un combat pour la vérité – celle de Dieu. Et que la première tactique du diable consiste à tenir cette vérité éloignée de l’Église et de l’humanité toute entière. De la remplacer par une autre. En quelque sorte, notre travail était de réintroduire la vérité en Europe de l’Est. Karl Marx avait compris l’importance de la vérité. Il en avait imposé sa propre version. Le manifeste du Parti communiste déclare : « Le communisme abolit les vérités éternelles, il abolit la religion et la morale, au lieu d’en renouveler la forme1 ». Selon Marx, une fois le communisme installé, les vérités du passé n’auraient plus de raison d’être. Ni moralité ni religion. Pour lui, il ne suffisait pas simplement de faire évoluer ces anciennes vérités : il fallait les éradiquer totalement pour les remplacer par la nouvelle vérité, celle de la société marxiste. Ce qu’il voulait, c’était un changement civilisationnel. 1
Edward Rogers, A Christian commentary on Communism, Londres : Wyvern Books, 1959, p. 85. URL : <www.marxists.org/francais/marx/works/1847/00/kmfe18470000b. htm> (consulté le 11/10/2019).
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