ROBERTS Vaughan • Petite théologie de l'amitié by BLF Éditions

Petite théologie de l’amitié

Développer des relations centrées sur Christ

Les éditeurs remercient chaleureusement tous les relecteurs et relectrices pour leur précieuse collaboration à cet ouvrage : Edith, Terry, Nelly et Ruth.

Édition originale publiée en langue anglaise sous le titre : True friendship • Vaughan Roberts

The Good Book Company Limited

Blenheim House, 1 Blenheim Road Epsom, Surrey, KT19 9AP, Royaume-Uni

Édition publiée en langue française :

Petite théologie de l’amitié • Vaughan Roberts

Rue de Maubeuge, 59164 Marpent, France

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés.

Traduction : Annie Lisimaque

Couverture & mise en page : NouvelleCreation

Sauf mentions contraires, les citations bibliques sont tirées de la Bible du Semeur.

Les caractères italiques ou gras sont ajoutés par l’auteur de cet ouvrage. Les autres versions employées sont indiquées en lettres abrégées et concernent la Bible Segond 21 (S21) et la Nouvelle version Segond révisée dite Bible à la Colombe (COL).

ISBN 978-2-38657-049-0 broché

ISBN 978-2-38657-050-6 numérique

Imprimé en France par Evoluprint

Dépôt légal 1er trimestre 2025

Introduction

« I’ll be there for you * »

Friends, la célèbre série mettant en scène six célibataires new-yorkais d’une vingtaine d’années, a séduit de nombreux téléspectateurs lors de sa première diffusion dans les années 90. Elle est toujours diffusée aujourd’hui dans le monde entier, presque en continu. D’où vient ce succès phénoménal ? La réponse se trouve peut-être dans le titre de la chanson du générique : « Je serai là pour toi. »

Ces paroles résument le rêve d’une génération. David Schwimmer, l’un des acteurs de la série, a d’ailleurs déclaré : « Avoir un groupe d’amis qui est comme votre famille, c’est le rêve de beaucoup de gens1. »

Très souvent, cela ne reste malheureusement qu’un rêve. Vingt pour cent des adultes avouent se sentir toujours seuls et le même pourcentage dit ne pas avoir un seul ami avec qui discuter d’un problème personnel2.

Mère Teresa, qui a passé sa vie auprès des plus démunis à Calcutta, a affirmé que la pire maladie n’était pas la lèpre, le sida ou le cancer, mais la solitude.

* Littéralement : « Je serai là pour toi. »

Peut-être qu’en ouvrant ce livre, vous souffrez vousmême de ne pas avoir d’amis proches. Par le passé, j’ai moi-même parfois souffert de ce manque. Mais ces dernières années, ma vie a été considérablement enrichie et affermie par l’approfondissement de mes amitiés. Je dois tout de suite préciser que je me considère encore comme un novice et que je ne prétends certainement pas posséder une grande sagesse en la matière. Je suis extrêmement reconnaissant pour tout ce que j’ai appris des nombreux amis qui m’ont aimé avec patience et qui ont marché à mes côtés au fil des années. Même ceux qui sont plus naturellement doués en amitié avoueront qu’ils sont toujours en train d’apprendre, au regard de tout ce que Dieu enseigne à ce sujet dans la Bible. Le but de cet ouvrage n’est donc pas de transmettre mes propres idées, mais de vous présenter la sagesse biblique.

Que nous nous sentions seuls ou que nous vivions de nombreuses relations proches, nous avons tous besoin d’écouter le défi qui nous est lancé. La Bible nous invite à vivre une vie intimement connectée, et à apprendre à donner et à recevoir des autres dans ce contexte.

Plaidoyer pour une lecture accompagnée

de prières

Le sujet de ce livre me passionne, en raison de mon vécu personnel, mais surtout en raison de l’importance que la Bible lui accorde. J’ai voulu rester aussi bref que possible pour le rendre accessible : vous devriez pouvoir

le lire en un peu plus d’une heure ! Cela dit, j’espère que vous y consacrerez plus de temps que cela. Vous tirerez le meilleur parti de ce livre si vous vous arrêtez pour réfléchir et prier au cours de votre lecture. Les questions à la fin de chaque chapitre sont là pour vous accompagner dans cette démarche, individuellement ou en groupe.

Vous comprendrez très vite que ce livre s’adresse tout spécialement aux disciples de Jésus-Christ, mais j’espère que certains lecteurs qui ne se considèrent pas comme chrétiens pourront aussi apprécier ce livre. Si c’est votre cas, j’espère que vous y trouverez quelques éléments qui vous aideront dans vos amitiés. Mais mon plus cher désir est que vous puissiez goûter ce que les chrétiens estiment être la plus belle de toutes les amitiés : une relation avec Dieu par Jésus-Christ.

Vaughan Roberts

CHAPITRE UN

La véritable amitié est essentielle

Au cœur du message de la Bible

Le thème de l’amitié nous propulse au cœur du message biblique. Dieu est un être relationnel. Il existe depuis toute éternité dans une relation remplie d’amour au sein de la Trinité : Père, Fils et Saint-Esprit. Il nous a créés à son image en tant qu’êtres relationnels. Nous seuls dans la création avons la capacité d’entrer en relation d’amour avec lui. Genèse 2 décrit la vie telle qu’elle aurait dû être : Adam et Ève vivant une relation parfaite avec Dieu, l’un avec l’autre et avec le monde qui les entoure. Mais ils ont rejeté l’autorité de Dieu et ont tout gâché. Genèse 3 laisse transparaître une sorte de nostalgie empreinte de douleur à cause de ce qui a été perdu. En effet, le texte décrit Dieu marchant dans le jardin à la fraîcheur du soir, suggérant ainsi qu’il avait l’habitude de faire une promenade quotidienne avec son ami créé à son image.

L’intimité naturelle entre Dieu et les hommes a été perdue à cause du péché. Mais, dans sa grâce incomparable, Dieu cherche à rétablir ce lien et appelle : « Où es-tu ? » (Genèse 3.9). Cet amour divin qui vient nous chercher est à la base du plan de rédemption : Dieu désire rétablir la relation entre les hommes et lui. Cette restauration a en effet été promise et annoncée dans l’Ancien Testament, puis accomplie à travers le Christ.

Dans la Bible, Dieu appelle souvent ceux qui lui appartiennent ses « amis ». L’Éternel a parlé à Moïse « comme un homme parle à son ami » (Exode 33.11 – S21). Il appelle Abraham « mon ami » (Ésaïe 41.8). En accusant Jésus d’être « l’ami […] des pécheurs » (Matthieu 11.19), ses ennemis ont entrevu la vérité sans comprendre ce qu’elle avait de merveilleux. Les disciples étaient des hommes très imparfaits, pourtant Jésus les appelait ses « chers amis » (Luc 12.4). Nous aussi pouvons être amis avec Dieu, non pas en raison d’une quelconque valeur innée, mais grâce à la mort de Jésus pour nous sur la croix. Le Fils de Dieu a subi la séparation d’avec son Père afin que nous, qui ne le méritons pas, puissions retrouver l’amitié avec lui.

Le plan divin du salut est destiné à restaurer notre lien vertical avec Dieu, mais pas uniquement. Dieu désire aussi créer des relations horizontales d’amitiés chaleureuses entre les hommes et les femmes de sa famille. Il nous appelle à lui, non pas en tant qu’individus, mais comme membres d’une communauté nouvelle. Des

La véritable amitié est essentielle

liens profonds peuvent et devraient se former au fur et à mesure que nous grandissons ensemble dans l’Église à l’image de Christ et que nous servons ensemble dans la mission. Après le retour de Christ, il n’y aura plus de mariage (Matthieu 22.30). Mais dans la nouvelle création, nous connaîtrons une profonde intimité dans l’amitié, en tant que peuple de Dieu, au-delà de toute sexualité.

Lire la Bible en tant qu’Évangile

Ce rapide aperçu du cœur de l’enseignement biblique montre que l’amitié n’est pas une option. Elle est indispensable à notre humanité, telle que Dieu nous l’a donnée. La vie sans amitiés est à la fois un rejet du plan de Dieu, pour nous qui sommes créés à son image, et une tragédie déshumanisante. Dieu est amour et il nous ordonne de prioriser l’amour dans notre vie : en l’aimant lui et en aimant notre prochain (voir Marc 12.30-31).

Nous ne pouvons pas y parvenir par nous-mêmes, ce qui explique pourquoi nous causons souvent tant de gâchis dans nos relations. Mais Dieu, dans sa merveilleuse grâce, a décidé de nous transformer par son Esprit afin que, au lieu d’être centrés sur nous-mêmes, nous nous tournions vers lui et les autres avec amour. La Bible n’est pas un manuel de développement personnel qui nous apprendrait à améliorer notre vie. Non. La Bible est la proclamation de l’Évangile, la « Bonne Nouvelle » qui raconte ce que Dieu a fait, ce qu’il est en train de faire et ce qu’il fera par le Saint-Esprit pour tous ceux qui

placent leur confiance en Christ. C’est dans ce cadre général de l’Évangile qu’il convient de méditer les enseignements bibliques sur l’amitié. Lire la Bible en tant qu’Évangile nous fournit la juste motivation pour nous faire des amis, la force d’entretenir de bonnes relations avec les autres et la sagesse pour y parvenir.

« Bien vivre sa vie »

Certaines personnes sont douées pour se frayer un chemin dans l’existence. Elles semblent comprendre comment le monde fonctionne et mènent leur vie en conséquence. Mais d’autres ne cessent de s’attirer des ennuis. Si un piège n’est pas loin, elles tomberont forcément dedans. Souvent, la différence entre ces deux groupes de personnes n’est pas une question d’intelligence. On peut être très intelligent et toutefois incapable de prendre de bonnes décisions dans la vie. Ce n’est pas non plus une question de moralité. Deux personnes peuvent partager les mêmes principes moraux et s’efforcer de les suivre dans leur vie, mais l’une va finir par tout gâcher dans ses relations, son travail et ses finances alors que l’autre va réussir partout. Très souvent, la différence est une question de sagesse.

Dans les prochains chapitres, nous étudierons ce que Dieu dit sur l’amitié et ferons souvent référence au livre des Proverbes. Ce livre de l’Ancien Testament est un recueil de sagesse destiné à nous apprendre

La véritable amitié est essentielle

comment « bien vivre ». Le principe de base de cette sagesse est énoncé dès l’introduction : « C’est par la crainte de l’Éternel que commence la connaissance » (Proverbes 1.7). La relation la plus importante de notre vie doit être celle que nous avons avec le seul vrai Dieu, le Créateur souverain. La Bible insiste sur le fait que la véritable sagesse vient lorsque nous le « craignons ». Craindre Dieu signifie reconnaître qui il est et ce qu’il a fait pour nous en Christ, et répondre par une soumission pleine d’adoration et de confiance. Aucune amitié n’est plus importante que ce lien avec Dieu. Nous l’étudierons plus en détail à la fin de cet ouvrage.

Le livre des Proverbes enseigne l’importance cruciale d’avoir une relation harmonieuse avec Dieu. Mais il souligne aussi le rôle vital des autres relations si nous voulons vivre avec sagesse. Dans son livre Friendship [Amitié], qui est le meilleur livre que j’aie lu sur le sujet, Hugh Black affirme : « Le livre des Proverbes pourrait presque être considéré comme un traité sur l’amitié. Il n’existe aucun écrit, même dans la littérature classique, qui exalte autant l’idée d’amitié et qui se soucie autant qu’elle soit appréciée à sa juste valeur et cultivée avec soin1. » En effet, si la sagesse nous paraît souvent si insaisissable, c’est parce que la rechercher relève d’une entreprise communautaire : il vaut mieux ne pas nous y aventurer seuls. Les Proverbes présentent la vie comme un voyage au cours duquel nous devons sans cesse choisir entre deux voies : la sagesse et la folie. Nous avons

théologie de l’amitié

besoin de bons amis pour marcher à nos côtés, nous aider à emprunter le bon chemin et nous encourager à le suivre jusqu’au bout. De tels compagnons nous donneront une force considérable : « Tout comme le fer aiguise le fer, l’homme s’aiguise au contact de son prochain » (Proverbes 27.17 – S21).

« Compagnons de route »

Dans son livre sur l’amitié, C.S. Lewis note que, si les amoureux sont souvent face à face, en pleine contemplation mutuelle l’un de l’autre, la pose caractéristique des amis est côte à côte ou épaule contre épaule. Selon lui, l’amitié commence quand les gens se découvrent un intérêt ou une passion en commun. Nous nous faisons des amis lorsque nous rencontrons ceux qui suivent le même chemin que nous et décidons de faire route ensemble.

Autrement dit, l’amitié se base sur des objectifs communs. Aelred, un moine britannique du XIIe siècle, a écrit un ouvrage classique sur l’amitié2 . Il en distingue trois sortes, chacune se forgeant autour de buts différents. « L’amitié charnelle » est fondée sur la recherche commune du plaisir, qu’il s’agisse d’un attrait partagé pour aller « en boîte » ou au golf. « L’amitié mondaine » est fondée sur l’avantage mutuel, comme lorsque des collègues de travail collaborent étroitement. A priori, il n’y a rien de mal dans aucune de ces relations. Cela dépend

La véritable amitié est essentielle de l’objectif et de la manière dont elles sont vécues. Mais Aelred considère que la troisième sorte d’amitié est la plus profonde. C’est « l’amitié spirituelle », enracinée dans un engagement mutuel à suivre Jésus-Christ.

Au fil des années, j’ai tissé des liens étroits avec d’autres philatélistes à l’école, lorsque nous partagions l’enthousiasme d’un nouveau timbre s’ajoutant à notre collection ; avec mes camarades de classe lorsque nous nous encouragions mutuellement à surmonter les périodes d’examens ; et avec mes coéquipiers, même dans un sport individuel comme le squash, lorsque nous nous entraînions ensemble et que nous nous encouragions lors des matchs. Mais mes amitiés les plus profondes ont été celles que j’ai nouées avec d’autres disciples de Christ.

Les chrétiens ont en commun un même objectif et la même passion qui s’appliquent à tous les aspects de la vie. Nous avons été appelés, en tant que frères et sœurs, à faire partie de la famille de Christ. Ensemble, nous suivons le chemin de la croix tout au long de notre vie, les yeux fixés sur notre destination : la nouvelle création à venir que Christ instaurera à son retour. C’est un long voyage semé d’embûches. Bien souvent, nous trébucherons et aurons besoin de quelqu’un pour nous relever ; nous faiblirons et aurons besoin de quelqu’un pour nous encourager. Prenons donc la décision d’obéir aux instructions de la Bible : « Veillons les uns sur les autres pour nous encourager mutuellement à l’amour

de l’amitié et à la pratique du bien. Ne délaissons pas nos réunions, comme certains en ont pris l’habitude. Au contraire, encourageons-nous mutuellement, et cela d’autant plus que vous voyez se rapprocher le jour du Seigneur » (Hébreux 10.24-25).

Recherchez-vous des occasions d’encourager les autres dans ce sens ? Trop de chrétiens, même ceux qui se voient régulièrement, vivent leurs relations fraternelles sans jamais échanger, ou seulement très peu, au sujet de leur foi commune. Peut-être devrions-nous nous assurer que la base de nos amitiés n’est pas simplement « charnelle » ou « mondaine », mais avant tout « spirituelle ». Si vous ne savez pas par où commencer, pourquoi ne pas proposer de prier ensemble ou poser des questions qui ouvriront une conversation spirituelle, comme par exemple :

« Comment va ta foi en ce moment ? »

« Qu’est-ce qui t’encourage le plus ? »

« Quels sont les plus grands défis que tu dois affronter ? »

Nous devrions saisir toutes les occasions d’encourager chacun de nos compagnons de route dans sa marche spirituelle. Mais nous aurons besoin de tisser des liens plus étroits avec certains. De telles amitiés sont importantes, pas seulement pour des raisons d’épanouissement affectif mais avant tout pour une question de sagesse. Nous avons besoin de bons amis si

La véritable amitié est essentielle nous voulons éviter de gâcher notre vie et au contraire « [courir] avec endurance l’épreuve qui nous est proposée » (Hébreux 12.1). C’est vrai pour chacun de nous, qui que nous soyons : hommes ou femmes, mariés ou célibataires, extravertis ou introvertis.

Hommes et femmes

Il est toujours risqué de généraliser, mais il semble que les femmes sont souvent plus attentives à leur vie relationnelle que les hommes. Elles reconnaissent plus rapidement leur besoin d’amitié et y consacrent plus d’efforts. Les hommes ont tendance à plutôt se focaliser sur ce qu’ils doivent accomplir, au point que nombre d’entre eux peuvent travailler pendant des années avec des collègues sans jamais discuter de sujets personnels. En général, lorsque les femmes se retrouvent, c’est pour discuter, alors que de leur côté, les hommes préfèrent faire des choses ensemble. Nous devons toutes et tous travailler à dépasser les sujets superficiels dans nos conversations, mais c’est souvent un plus grand défi pour les hommes.

La société attend des hommes qu’ils soient forts et indépendants, ce qui ne les encourage pas à développer des amitiés plus profondes. Dans un livre destiné à aider les femmes à comprendre les hommes, James Wagenvoord décrit ainsi la pression qu’ils subissent :

Un homme ne doit pas pleurer. Il ne doit montrer aucune faiblesse. Il ne doit pas avoir besoin d’affection, de douceur ou de chaleur. Il doit réconforter mais ne doit pas chercher de réconfort pour lui-même. Les autres doivent avoir besoin de lui, mais lui ne doit avoir besoin de personne. Il doit être capable d’émouvoir les autres mais ne jamais être lui-même ému. Il est fait d’acier et non de chair. Sa virilité ne doit jamais être altérée. Il ne doit compter que sur lui-même 3 .

Si les hommes n’arrivent pas à résister à cette conception peu constructive de la masculinité et à se rendre vulnérables les uns vis-à-vis des autres, ils ne trouveront que des compagnons, mais jamais d’amis véritables.

Mariés et célibataires

Il y a quelques années, une de mes collègues est partie à la retraite. Dans son discours d’adieu, elle a pris le temps de remercier ses amis et a fait cette remarque : « Pour ceux d’entre nous qui sommes célibataires, nos amis sont notre planche de salut. » Comme la plupart des célibataires, je comprends parfaitement ce qu’elle voulait dire. Sans relation romantique exclusive, nous avons davantage conscience de notre besoin de trouver une forme d’intimité à travers diverses autres relations. Mais les couples aussi doivent reconnaître leur besoin d’avoir des amis proches. Dépendre d’une seule personne pour recevoir des encouragements, de sages conseils et du soutien, c’est charger cette personne d’un

La véritable amitié est essentielle

énorme fardeau qu’elle ne peut pas porter. Il est essentiel que les couples ne laissent pas leurs amitiés se détériorer, non seulement pour continuer à être un soutien pour les autres, mais aussi pour leur propre bien. Il arrivera, par exemple, qu’ils doivent se tourner vers quelqu’un d’autre parce que leur conjoint n’est pas là ou qu’il n’est pas en mesure de les aider. En règle générale, la sagesse recommande de faire appel à quelqu’un du même sexe. Les mariages chrétiens en bonne santé ne sont pas centrés exclusivement sur eux-mêmes. Ils se tournent vers Christ pour être nourris et vers les autres pour être fortifiés, à la fois pour donner et pour recevoir.

Tous les types de personnalité

Nous sommes des créatures dépendantes, avec un désir inné de nous appuyer à la fois sur Dieu et sur les autres. C’est un vrai défi pour ceux qui sont de nature plus calme et réservée. Ne croyez pas que vous êtes dispensé de faire l’effort de sortir de votre coquille et d’interagir avec les autres, c’est un mensonge ! Aucun de nous n’en est exempté. Nous pouvons être plus ou moins sociables ou renfermés, mais, en tant qu’êtres humains créés à l’image de Dieu, nous partageons tous ce besoin d’intimité.

Certains d’entre nous créent des liens presque essentiellement en prenant soin des autres et en cherchant à leur venir en aide. Nous pouvons trouver notre identité

dans notre rôle de leader ou de pasteur. Nous pouvons même nous convaincre que les autres sont faibles et ont besoin d’aide, alors que nous sommes forts et indépendants et n’avons besoin de personne à nos côtés. L’idée d’entretenir des amitiés à cœur ouvert peut nous rendre nerveux : le masque risquerait de tomber et de révéler notre faiblesse ! Et pourtant, de telles amitiés sont vitales si nous voulons éviter d’avoir uniquement des disciples et peu d’amis (voire aucun). C’est essentiel pour notre vie chrétienne. Il est donc important de résister à notre désir de toujours être perçu comme quelqu’un de fort et qui a tout en main. Même Jésus, dans le jardin de Gethsémané, l’a reconnu : il avait besoin de ses amis à ses côtés pendant cette terrible épreuve. Il a regretté le fait qu’ils n’aient pas été là. Nous aussi devons être prêts à reconnaître que nous avons besoin d’amis. De cette façon, ceux d’entre nous qui ont un rôle de leader ne seront pas placés au-dessus des autres mais tout simplement à leurs côtés. Pour que cela se produise, nous devons aussi accepter de ne pas pouvoir tout diriger, ni d’avoir toujours le dernier mot. Il n’y a aucune exception : nous avons tous besoin d’amis.

Questions pour r r r

> En quoi le thème de l’amitié est-il lié à l’Évangile ?

> Pourquoi l’amitié est-elle essentielle : à notre humanité ? pour vivre avec sagesse ?

> Nos amitiés les plus proches sont-elles « charnelles », « mondaines » ou « spirituelles » ?

> Que pourrions-nous mettre en place pour cultiver des amitiés plus spirituelles ?

> Est-il vrai que développer des amitiés profondes est un défi particulier pour les hommes ?

> À quels défis spécifiques les femmes sont-elles confrontées ?

> En quoi le fait d’être marié ou célibataire affecte-t-il nos amitiés ?

> Quel impact notre personnalité a-t-elle sur nos amitiés ?

La véritable amitié est proche

« Un véritable ami est plus attaché qu’un frère »

Qui a beaucoup de compagnons les a pour son malheur, mais un véritable ami est plus attaché qu’un frère.

Proverbes 18.24

Les liens familiaux étaient très importants dans le monde antique, mais les amis peuvent tisser des liens si forts qu’ils peuvent être encore plus précieux que la famille. Ce proverbe implique que nous devrions nous efforcer de forger ce genre d’amitiés plutôt que de simplement nous entourer de compagnons avec qui nous pouvons passer de bons moments, mais qui, finalement, ne nous connaissent pas vraiment. En cas de difficulté, nous ne pourrons pas compter sur eux. Cela nous amène à une question délicate : avons-nous de tels amis ?

Les obstacles à l’amitié

Toutes les générations ont déjà souffert d’un désir d’intimité insatisfait. Mais aujourd’hui, ce manque est comme décuplé. En effet, nous sommes pressés de tous côtés, ce qui rend de plus en plus difficile de créer et de cultiver des amitiés.

Cette difficulté s’explique notamment par la multiplication de nos déplacements. Toutes les maisons où mes parents ont habité depuis leur mariage en 1961 se situaient dans un rayon de huit kilomètres. Mon père a gardé le même emploi pendant plus de quarante ans. Cette existence sédentaire leur a permis de se faire de nombreux amis qu’ils connaissent pour la plupart depuis des décennies. Une telle continuité est devenue rare à présent : beaucoup de gens passent leur vie à changer de travail et à déménager. De plus en plus de personnes vivent dans les villes, qui n’offrent bien souvent qu’une « proximité sans communauté1 ». Les gens sont entassés dans des immeubles, serrés les uns contre les autres dans les transports publics, mais restent des inconnus perdus au milieu d’une foule en mouvement.

Les progrès de la technologie peuvent certes faciliter les relations, mais augmentent aussi l’isolement. Nous avons trop souvent permis aux gadgets de remplacer – au lieu de faciliter – de véritables échanges humains. La publicité d’un jeu vidéo se vantait ainsi : « Pas d’amis ? Pas de souci : avec ce jeu, vous n’en aurez pas besoin2 . »

La véritable amitié est proche

C’est triste à dire, mais il y a des gens dont les meilleurs amis sont la télévision ou les écrans. Ils connaissent les héros des séries et leur entourage mieux que leurs propres voisins. Au niveau affectif, ils s’impliquent plus dans les personnages d’un jeu vidéo qu’auprès des gens dans la vraie vie. Ils vivent l’illusion d’une interaction sociale sans en vivre la réalité. Nous risquons de façonner une génération qui a du mal à se lier avec les autres parce qu’elle en a si peu l’habitude.

Ma « liste d’amis » vs. mes « amis »

Lorsqu’elles sont bien utilisées, les formes modernes de communication peuvent être d’excellents outils pour cultiver de belles amitiés. Elles permettent de rester en contact régulier même quand nous sommes loin les uns des autres. Toutefois, si nous n’y prenons pas garde, nous ne ferons qu’ajouter toujours plus d’« amis » à notre liste de contacts, sans les connaître vraiment. Joanne Harris, qui a écrit le roman Chocolat, était si préoccupée de l’impact qu’Internet avait sur ses relations qu’elle a tout bonnement cessé de l’utiliser. Elle avait remarqué qu’elle passait des heures à communiquer en ligne avec une longue liste de gens qu’elle connaissait à peine et n’avait jamais le temps de voir ses amis proches. Elle écrit : « Même pour une personne comme moi, qui devrait être plus avisée, une marque de sympathie virtuelle de la part d’un inconnu peut adoucir une journée qui s’annonçait difficile.