Chrétien en colère • David Powlison

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Du plus jeune nourrisson au plus vénérable grandpère, la colère est une expérience humaine universelle. Nous nous mettons tous en colère, souvent de la mauvaise manière. Mais la colère peut être une façon légitime de réagir face au mal et une puissante motivation à l’action en faveur des victimes d’injustices.

D AV I D P O W L I S O N

DAV I D POWLISON

C E Q U E DI E U VE U T FA I RE DE VOT RE C O L È RE , I RRI TAT I O N ET A ME RT UME

D A V I D

P O W L I S O N

David Powlison affirme que la colère n’est pas « un problème à régler », quelque chose dont nous devons nous débarrasser. La colère est une réponse complexe d’êtres humains qui vivent dans un monde complexe. Nous devons apprendre à la gérer pour qu’elle produise de beaux fruits. L’auteur examine les racines de la colère en portant son regard à un endroit très surprenant : la colère de Dieu lui-même. Powlison rappelle que Dieu se met lui aussi en colère. Mais la colère de Dieu ne se transforme pas en manipulation ou en tentative de contrôle. Non, sa colère est bonne et source de rédemption. Il est à la fois notre modèle pour le changement mais aussi la puissance qui permet ce changement.

David Powlison est directeur de la Christian Counseling & Educational Foundation (CCEF) créée il y a près de cinquante ans dans le but de former à la relation d’aide et d’apporter un soutien psychologique et pastoral enraciné dans la Bible. Il a écrit plusieurs livres sur la relation entre foi et psychologie.

Chrétien en colère vous aidera à exprimer plus souvent votre colère de manière juste, constructive et qui portera de beaux fruits. Powlison offre des conseils pratiques à ceux qui luttent avec l’irritation, le mécontentement ou l’amertume et une aide avisée pour réagir de manière constructive quand les choses ne se passent pas comme vous l’auriez aimé.

19,90€

ISBN 978-2-36249-456-7

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Ce que Dieu veut faire de votre colère, irritation et amertume



David Powlison n’approche pas la colère comme une maladie à soigner ou un vice à éliminer. Après tout, la Bible décrit aussi bien Jésus que son Père céleste comme étant parfois en colère. Ne cherchez pas dans ce livre la “solution” à la colère. Vous y trouverez au contraire un examen assidu des vérités bibliques et un Évangile d’espérance qui nous donne la possibilité d’être à la fois bons et en colère.

D. A. Carson

Professeur-chercheur spécialisé dans le Nouveau Testament à « Trinity Evangelical Divinity School » et cofondateur de The Gospel Coalition Ce qui est génial avec la manière d’écrire et de conseiller de David Powlison, c’est qu’il n’a pas peur de se salir les mains alors qu’il apporte l’Évangile aux racines mêmes des problèmes que nous rencontrons. Ses discussions n’abordent pas seulement la réalité de nos luttes, mais aussi celle de son propre combat et de ses recherches de secours dans des domaines où nous nous sentons, pour la plupart d’entre nous, soit incapables soit pas suffisamment audacieux pour nous y frotter. Cependant, même si les problèmes auxquels il s’attaque sont parfois profondément troublants, les vérités bibliques qu’il met en lumière sont extrêmement réalistes et rafraîchissantes. Il n’hésite pas à creuser dans son propre cœur pour nous aider à trouver une voie de restauration biblique pour le nôtre.

Bryan Chapell

Auteur de Grâce infinie, pasteur de « Grace Presbyterian Church » à Peoria, Illinois Je pense qu’il m’est parfois arrivé de vivre une colère juste. La plupart du temps, ma colère est clairement du côté injuste. Dans ce livre rempli de sagesse et très pratique, David Powlison puise dans ses riches capacités à comprendre le cœur humain dans le but d’aborder l’un des plus gros problèmes de l’humanité : la colère et tout ce qui y conduit.

Philip Ryken

Président de Wheaton College, Illinois David Powlison fait appel à la fois à sa vision chrétienne du monde et à son expérience d’accompagnateur pour bousculer notre compréhension de nousmêmes et de la colère en particulier. Il analyse les effets de la chute sur cette émotion et nous montre comment la replacer sous l’autorité du Christ. Ce livre est donc bien plus qu’un simple manuel de gestion de la colère : il renouvelle notre compréhension de la rédemption et de ses effets sur nos émotions.

Jean-Philippe Bru

Professeur de Théologie Pratique à la Faculté Jean Calvin


Ce livre est écrit par un homme d’expérience. Chaque page reflète la longue pratique de la relation d’aide de l’auteur. David Powlison a accompagné toutes les formes de colère et les récits qui agrémentent son exposé sont d’un tel réalisme que l’on rentre facilement dans l’ouvrage. L’auteur nous dévoile les rouages de la colère, qu’il analyse et diffuse. Ce livre m’a profondément touché, me renvoyant à tout le travail qui reste à faire dans mon propre cœur. Il m’a aussi équipé pour accompagner ceux qui ont laissé la colère prendre le dessus. La colère humaine est si universelle que l’on ne peut que recommander la lecture de ce livre. Le lecteur en tirera une approche biblique et concrète afin de rétablir des relations malmenées ou brisées par la colère.

Florent Varak

Directeur pour « Équiper et revitaliser les Églises » de la mission Encompass World Partners, président des Éditions CLE et professeur d’homilétique à l’IBG

David Powlison nous invite au fil des pages de ce livre à un voyage à la découverte de la colère dans toutes ses facettes et ses répercussions. Partant du constat que la colère fait partie de notre nature humaine, marquée par le péché, l’auteur nous aide à comprendre qu’elle est bien plus qu’une simple émotion ou qu’une quelconque passion de l’âme. La colère est analysée sous le microscope, de même que ses effets dans nos vies et celles des personnes que nous côtoyons. David Powlison va plus loin qu’un simple diagnostic, il nous offre une véritable thérapeutique de la colère. Le texte biblique ouvre une dynamique de changement, sans jamais perdre de vue la dimension pratique et relationnelle. Utile pour soi, comme pour accompagner les autres, ce livre aidera tout lecteur à parcourir de belles étapes pour marcher de progrès en progrès…

Paul Millemann

Psychologue et formateur, chargé de cours à l’IBG et à la Faculté Jean Calvin, doctorant en théologie David Powlison nous aide à aborder notre colère avec clarté, quelle qu’en soit sa forme. Ce livre concerne vraiment tout le monde, et son approche ressemble à une sorte d’interaction de relation d’aide avec un conseiller. Que vous soyez ou non conscient de votre problème de colère, vous avez besoin de lire ce livre. Chrétien en colère est une ressource exceptionnelle pour tout un chacun, que vous soyez parent ou enseignant, pasteur ou missionnaire.

Gloria Furman

Blogueuse et co-auteure de Ministère féminin centré sur la Parole


Nous sommes tous concernés par la colère et chacun en a une représentation particulière : un sentiment, des sensations ou encore des expériences douloureuses ou destructrices, souvent tout à la fois. Il est rare de pouvoir prendre le temps de se poser les bonnes questions sur notre colère et pas seulement dans ce que nous vivons, mais surtout dans la manière dont notre Créateur la voit et la considère : ce livre nous le permet d’une façon admirable. L’auteur dépeint un portrait lucide de notre colère et de ses conséquences dans notre vie et nous accompagne dans les Écritures pour en appréhender les enjeux spirituels et diriger notre cœur vers notre Père, le seul capable de nous faire grandir durablement.

Samuel Laurent

Psychologue et conseiller biblique David Powlison possède une combinaison rare de trois caractéristiques : une bonne connaissance de l’Évangile et des Saintes Écritures, une bonne connaissance de la nature humaine et une habileté exceptionnelle de jouer avec les mots. Dans Chrétien en colère, le Dr Powlison articule avec brio et profondeur comment l’Évangile transforme notre cœur pour que la colère ne soit pas vue comme un ennemi, mais plutôt comme une porte d’entrée dans notre cœur, par laquelle Dieu veut s’introduire pour faire une œuvre de gloire. Je recommande vivement la lecture de ce livre sur la colère, qui à mon avis, n’a pas son pareil en français actuellement.

Matthieu Caron

Président de la Fondation du counseling biblique, professeur titulaire de counseling biblique à SEMBEQ à Montréal Détruire pour reconstruire est toujours un exercice périlleux. David Powlison a osé emprunter cette voie pour aborder l’un des plus grands indicateurs de notre égoïsme, la colère ! D’abord, avec sagesse et discernement, il nous fait découvrir par l’Écriture tous les mécanismes de la colère. Ensuite, sans complaisance et sans fausse pudeur David Powlison se dévoile de manière honnête et touchante évitant ainsi une réflexion trop théorique ! Mais tout ne s’arrête pas là ! Si je dis que le processus est périlleux, c’est parce que l’auteur nous fait cheminer depuis une colère égoïste et injuste vers une colère transformée par Christ pour devenir juste et bonne ! Nous n’avons pas atteint ce stade, alors courons vers le but en oubliant ce qui est en arrière et en tendant vers ce qui est en avant !

Mike Evans

Président d’Évangile 21


Aucun d’entre nous n’échappe au vif inconfort que suscitent les émotions et les désirs appartenant au spectre de la colère. Ce problème nous frustre, nous attriste, et bien souvent nous rend esclaves. Nous avons besoin d’un guide plein de grâce et de sagesse pour nous indiquer la direction de la miséricorde divine. David Powlison est un homme de paix et ses paroles dans ce livre respirent la sagesse en nous indiquant la direction vers la grâce de Christ qui transforme. Puisque la colère nous concerne tous, nous avons tous besoin de ce livre.

Heath Lambert

Auteur de Être libre c’est possible, directeur exécutif d’« Association of Certified Biblical Counselors » Chrétien en colère de Powlison est désormais devenu, bien légitimement, le premier livre que je recommande sur le thème de la colère. Sans parler du fait qu’il s’agit selon moi de la réponse chrétienne la plus sage et la plus complète qui soit sur les sujets de la haine de soi et de la colère envers soi-même.

Tony Reinke

Auteur de Génération smartphone, présentateur du podcast Ask Pastor John (www.desiringgod.org)

Depuis des années, les écrits de David Powlison ont été une ressource très utile dans mon ministère pastoral. Chrétien en colèrew se place dans cette lignée, proposant une réflexion pertinente concernant une des émotions les plus universelles qui soient. Pour le laïc comme pour le pasteur chevronné, ce livre est une aide précieuse pour tous ceux qui souhaitent comprendre les racines de la colère. Ce faisant, Powlison amène son lecteur, avec tendresse et délicatesse, à se laisser envelopper par la grâce de Dieu.

Stephen T. Um

Pasteur principal de « Citylife Presbyterian Church » à Boston


D A V I D

P O W L I S O N

Ce que Dieu veut faire de votre colère, irritation et amertume.


Édition originale publiée en langue anglaise sous le titre : Good and Angry : Redeeming anger, irritation, complaining, and bitterness • David Powlison © 2016 • David Powlison Publié par New Groth Press • Greensboro, NC 27404 • USA Traduit et publié avec permission. Tous droits réservés. Édition en langue française : Chrétien en colère : Ce que Dieu veut faire de votre colère, irritation et amertume • David Powlison © 2018 • BLF Éditions • www.blfeditions.com. Rue de Maubeuge • 59164 Marpent • France. Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés. Traduction : Antoine Doriath Couverture : Seegn. Mise en page : BLF Éditions Impression n° XXXXX • IMEAF • 26160 La Bégude de Mazenc Sauf mention contraire, les citations bibliques sont tirées de la Bible version Segond 21 Copyright © 2007 Société biblique de Genève. Reproduit avec aimable autorisation. Tous droits réservés. Les caractères italiques sont ajoutés par l’auteur du présent ouvrage. Les autres versions sont indiquées en abrégé de la manière suivante : La Bible du Semeur (BDS), la Nouvelle Bible Segond (NBS), la Colombe (COL), Parole vivante (PVV), Sagesse vivante (SVV). Reproduit avec aimable autorisation. Tous droits réservés. Une coédition BLF Éditions et Évangile 21 ISBN 978-2-36249-456-7 ISBN 978-2-36249-457-4

broché numérique

Dépôt légal 2e trimestre 2018 Index Dewey : 241 (cdd23) Mots-clés : 1. Colère.


Je dédie ce livre à Mark et Karen Teears, Barbara Juliani et à New Growth Press. Merci. Grâce à votre persévérance, à votre humilité, et à votre serviabilité, nous avons réussi à publier ce livre. Nous avons été, ensemble, témoins d’un miracle de la grâce, et les anges se sont réjouis !



Table des matières Remerciements.....................................................................................11 Introduction .........................................................................................13

SECTION 1

NOTRE EXPÉRIENCE Chapitre 1

Des gens en colère............................................................................... 23 Chapitre 2

Avez-vous un sérieux problème avec la colère ?...............................41 Chapitre 3

Êtes-vous concerné ?........................................................................... 43

SECTION 2

QU'EST-CE QUE LA COLÈRE ? Chapitre 4

« Je suis contre »....................................................................................59 Chapitre 5

Tout en vous participe à la colère ......................................................71 Chapitre 6

Nature, éducation… et nature humaine ......................................... 89 Chapitre 7

Le mécontentement constructif de la compassion.............................. Partie I : Patience et pardon .............................................................101 Chapitre 8

Le mécontentement constructif de la compassion.............................. Partie II : Amour et conflit constructif ..........................................121 Chapitre 9

Bon et en colère ?................................................................................139 Chapitre 10

La meilleure colère, le meilleur amour...........................................151


SECTION 3

COMMENT CHANGER Chapitre 11

Un miroir face à votre colère............................................................165 Chapitre 12

La grâce qu’il accorde est plus grande encore ...............................179 Chapitre 13

Huit questions :......................................................................................... Déconstruire votre colère pour vous reconstruire ...................... 197

SECTION 4

S’ATTAQUER AUX CAS DIFFICILES Chapitre 14

« Je ne pourrai jamais l’effacer de ma mémoire ! »........................ 227 Chapitre 15

Les colères de tous les jours............................................................. 247 Chapitre 16

Vous arrive-t-il de vous mettre en colère.............................................. contre vous-même ? .......................................................................... 263 Chapitre 17

La colère contre Dieu ....................................................................... 283 Un dernier mot ................................................................................. 301 Notes ...................................................................................................315 À propos d’Évangile 21 ....................................................................317


Remerciements Je suis reconnaissant de ce que ma foi ait été façonnée dans le passé, et qu’elle continue à l’être aujourd’hui par des hommes et des femmes qui ont compris que vivre en chrétien signifie mener la vie d’un être humain honnête, sage et humble. Toute aptitude humaine, toute activité humaine, tout espace de la vie humaine étaient conçus pour mériter le jugement « très bon », ce que nous étions autrefois en vertu de notre création à l’image de Dieu. Mais nous ne le sommes jamais à cause de notre chute. Mais nous le redevenons dans la personne de Jésus. Parce qu’il nous aime, sa colère agit comme la colère devrait agir, et sa compassion a toujours le dernier mot en tous ceux qui l’aiment. Parce qu’il aime, il reconstruit tout ce qui est humain – y compris cette chose difficile, rebelle et destructive que nous appelons la colère – afin que nous lui ressemblions.

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Introduction

Nous avons tous personnellement connu des colères qui ont dérapé. Nous avons tous un jour laissé éclater notre colère. Nous avons tous un jour dû subir la colère de notre prochain. Nous avons entendu et vu des gens se mettre en colère les uns contre les autres. D’une certaine manière, vous êtes tous les jours victimes d’une certaine forme de colère qui a mal tourné, que ce soit votre propre colère ou celle d’autrui. Elle est souvent bénigne : frustrations, ronchonnements, irritation. Elle est souvent masquée : pensées critiques, agressions passives. Elle est parfois même enfouie : cachée de notre conscience, recouverte de plaisanteries, anesthésiée par des distractions, l’activisme ou des psychotropes. Trop souvent, elle est intense : amertume, hostilité, violence. Ne soyons donc pas surpris si, dans la liste des péchés caractéristiques que Paul énumère, une moitié appartient à la famille de la colère (Galates 5 : 19-21). Et pourtant, la bonne colère est un bien appréciable. La bonne colère clame haut et fort : « Ceci est mal ! » et elle agit afin de protéger l’innocent et le démuni. Elle dit : « Ceci est mal ! » et nous donne l’énergie pour nous attaquer aux vrais problèmes. Dieu, qui est bon et qui fait ce qui est bon, exprime une bonne forme de colère pour les bonnes causes. Jésus est à la fois bon et en colère, au service de la compassion et de la paix. Il veut et peut nous pardonner nos colères qui dérapent. Il veut et peut nous enseigner à être en colère de la bonne manière. 13


Mais il nous est souvent bien difficile de faire le tri entre ce qui est bon et ce qui mal au sein de la colère, n’est-ce pas ? Et il est encore plus difficile de changer notre manière de faire lorsque la colère est devenue destructive. Pourquoi des problèmes aussi courants sont-ils si difficiles à résoudre ? Nous sommes tous dans le même bateau. Il est difficile de faire un bon usage de la colère. À moins de s’être désensibilisé face à la condition humaine, chacun de nous lutte avec la colère. Mon objectif principal, dans ce livre, est de vous enseigner comment gérer plus efficacement et plus honnêtement votre colère. Vous et moi aurons à nous battre avec la colère jusqu’à la fin de notre vie, mais cette lutte peut déboucher sur quelque chose de beau. Nous pouvons apprendre à gérer la colère différemment. Ce livre ne cherche pas à « résoudre » le problème de la colère. Ce verbe résoudre suggère que nous pourrions y parvenir. Avec quelques bonnes réponses, et quelques changements de comportements… et pouf ! le problème pourrait disparaître ! Ce verbe sous-entend que la mauvaise colère n’est qu’une mauvaise habitude. Or la colère n’est pas un problème à résoudre. C’est une aptitude propre à l’espèce humaine – comme la sexualité, le bonheur et la tristesse. C’est une réponse humaine complexe à un monde complexe. Comme toutes les aptitudes et réactions humaines, la colère a parfois de bons effets, mais le plus souvent, elle déraille. La colère crée des problèmes. Apprendre comment exprimer la colère de la bonne manière, voilà le noble objectif que nous tenterons d’atteindre. Je ne peux pas vous promettre une technique, un discernement ou une stratégie infaillibles. (Quand on parle de la colère, rien n’est infaillible !) Je ne vous offrirai pas de banalités sécurisantes pour recadrer votre dialogue intérieur et lisser votre humeur. Je ne vous enseignerai pas des techniques de respiration profonde et de relaxation pour vous aider à conserver en tout temps votre sang-froid. Et je ne vous encouragerai certainement pas à entrer en contact avec votre moi profond pour dire au monde ce que vous ressentez vraiment intérieurement. 14


Introduction

Mais je vous promets qu’il existe des moyens sages et authentiques de réfléchir sérieusement à la colère et d’agir en conséquence. Il existe des moyens de gérer la colère pour qu’elle puisse produire du bien. Il existe des moyens de conserver davantage son calme dans bon nombre de situations mais aussi de nourrir une colère saine dans les situations qui le demandent. Il existe même des moyens de bien échouer, de sorte que vous apprendrez comment trouver grâce et vous relever après avoir chuté.

Quelle sera votre contribution ? Nous allons aborder des sujets ardus. Êtes-vous résolu à vous accrocher ? Voulez-vous réfléchir sérieusement ? Tiendrez-vous des propos honnêtes ? Prendrez-vous des mesures constructives ? N’oubliez pas que nous parlerons de la colère, cette émotion destructrice sombre et tumultueuse. Nous examinerons des incidents qui laissent un goût amer, et des vies tout entières qui ont tourné au vinaigre pour avoir accumulé l’amertume à travers les années. Nous étudierons les colères de type volcanique, mais aussi les irritations passagères. J’ai souvent constaté qu’on apprend davantage des petites choses de la vie, telles que nos déceptions, frustrations, plaintes et désaccords quotidiens. Ce que nous apprenons pourra être appliqué ensuite aux situations plus importantes. Nous devons apprendre à marcher avant de pouvoir apprendre à marcher sur une corde raide. Si vous acceptez de vous joindre à la conversation, ce livre s’avèrera être celui de votre colère. Vous avez ouvert ce livre pour une raison. Dans une atmosphère constructive, dans la quête de la sagesse authentique et dynamique, pourquoi ne pas aborder les questions difficiles ? Nous pouvons parler franchement de sujets qui ont vraiment de l’importance et y réfléchir attentivement.

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• La colère est vraiment un sujet important. • Échouer au niveau de la colère, c’est échouer dans votre vie tout entière. • Mettre de l’ordre dans votre colère, c’est mettre de l’ordre dans votre vie tout entière. Envisagez la lecture de ce livre comme une conversation honnête sur un sujet d’une importance capitale. Nous sommes assis tous les deux à la table de la cuisine pour un entretien prolongé à cœur ouvert. Une bonne conversation inclut des temps de silence pour réfléchir, parfois même des pauses prolongées. Parfois, vous devrez revenir sur des choses déjà discutées pour terminer la discussion et mettre des mots sur des choses que vous n’avez pas réussi à exprimer correctement. Ce livre est divisé en quatre sections. La première vous aidera à vous interroger et à explorer votre expérience particulière de la colère. La deuxième répondra à la question : Qu’est-ce que la colère ? La troisième étudiera de quelle manière la colère destructrice peut se changer en quelque chose de constructif. La dernière section sera consacrée à l’examen de cas particulièrement difficiles.

Trois suggestions Permettez-moi de vous suggérer trois choses quant à la manière de lire ce livre. Chacune concerne la façon d’utiliser votre temps pendant la lecture. Premièrement, lisez un crayon à la main. Dès le début, je vous demanderai de vous arrêter et de réagir. Je ferai des déclarations. Prenez le temps d’écrire ce qu’elles vous inspirent. Donnez un exemple. Je poserai des questions. Prenez le temps de les méditer, de les creuser, de réfléchir. Notez vos réponses. Gardez toujours votre crayon en main de manière à pouvoir coucher sur le papier l’essentiel de votre pensée, de ce que vous aimeriez savoir, des domaines de lutte dans votre vie. Ne vous déconnectez pas de 16


Introduction

votre vie réelle. Il va de soi qu’en tant qu’auteur, il m’appartient d’aborder le sujet en premier. Mais ce sont vos détails personnels qui donneront vie à l’histoire. Chaque chapitre se termine par une partie intitulée « À vous la parole » qui donne au lecteur l’occasion de réagir à ce qu’il aura lu, et d’y répondre. Deuxièmement, gardez aussi toujours un surligneur jaune à côté de votre crayon. Qu’est-ce qui vous frappe dans ce que vous lisez ? Prenez le temps de surligner au moins une phrase à chaque page ou dans chaque section. À la fin du chapitre revenez au début et relisez ce que vous aurez surligné. Choisissez ensuite la phrase que vous estimez être la plus importante du chapitre et posez-vous les questions suivantes : • Pourquoi avez-vous choisi cette phrase ? • Que signifie-t-elle pour vous ? • Si vous l’approuvez, en quoi votre vie changerait-elle si vous la traduisiez en action ? • Si vous n’êtes pas d’accord, ou si vous vous posez des questions, exprimez-le en quelques mots. L’utilisation du crayon et du surligneur vous aidera à remarquer certaines choses, à vous arrêter et à réfléchir de manière à pouvoir réagir. Troisièmement, soyez attentif chaque fois que vous vous surprenez à penser : oui d’accord, mais si… Les « Oui-Mais-Si » (OMS) sont très importants. Ce sont les endroits où vous entrez en collision avec ce que j’écris. Vous avez le sentiment que ce que vous aimeriez savoir n’a pas encore été dit. Les questions clés que vous vous posez font surface chaque fois que vous ajoutez OMS  ? Vos questions révèlent les perceptions et les expériences courantes auxquelles vous devez donner un sens. Ce livre est la résultante des centaines de questions OMS que j’ai posées concernant la colère au fil des années. 17


Mais les OMS peuvent créer un problème. Elles peuvent vous distraire si elles s’expriment trop fort ou trop tôt au fil de la lecture. Nous cessons alors d’écouter et il n’y a plus de conversation. Ne laissez donc pas vos OMS détourner le processus. Écrivez-les et mettez-les de côté pour plus tard. Ce livre vous invite à prendre le temps de savourer lentement un repas. Si au milieu des hors-d’œuvre, vous vous écriez : « Quelqu’un a-t-il pensé au pain pour le fromage ? » ou : « Qu’y a-t-il comme dessert ? » ou encore : « Qui est de vaisselle ? », vous n’apprécierez jamais les hors-d’œuvre ! Il se peut qu’une question importante naisse dans votre esprit à la lecture du chapitre 2, mais que sa réponse ne sera apportée qu’au chapitre 8. Vous allez peut-être contester violemment une affirmation du chapitre 5 et ne découvrir qu’au chapitre 17 une proposition d’explication qui mérite d’être prise en compte. Le thème de la colère bouillonne de questions ardues. À certains moments, nous ne ferons que leur trouver une petite explication, mais celle-ci peut très bien préparer le terrain à une explication ultérieure plus consistante. Alors, notez vos OMS, et poursuivez votre lecture. Si vous prenez à cœur ce livre, vous serez en mesure de vivre la colère de manière plus juste plus souvent. Certes, il vous arrivera encore de chuter. Peut-être connaissez-vous déjà votre version habituelle du poison de vos colères, qu’elles soient douces, voilées, enfouies ou ardentes. Vous avez peut-être déjà appris certaines choses sur la manière de tirer profit de vos échecs. Mais où que vous soyez dans le processus du face-à-face avec votre colère, Dieu est compatissant. Nos angles morts ne le surprennent pas. Nos échecs non plus. Dieu est plein de bonté. Il vient à notre rencontre. Il agit avec patience et persévérance. Il est plein de grâce et ne vous lâchera pas. Il accomplira la bonne œuvre qu’il a commencée en vous. En lisant ce livre et en le méditant, je suis certain que vous acquerrez une meilleure connaissance de vous-même. Et que vous 18


Introduction

aurez davantage conscience de votre besoin de la miséricorde, de la force et de la protection de Dieu. Vous croîtrez dans la connaissance de votre Père, de votre Sauveur et de l’Esprit vivifiant. Jésus nous l’a dit lui-même, et il l’a scellé de son sang : Demandez et il donnera. Cherchez et vous trouverez. Frappez et il vous ouvrira pour vous accueillir. Évidemment, rien n’est écrit d’avance. Je sais que vous allez grandir de manières impossibles à prédire. Parfois, vous serez abattu et découragé par les difficultés du chemin. Si vous manquez de sagesse, demandez-la à Dieu. Il ne vous reprochera pas de lui demander son aide (Jacques 1 : 5). Parfois vous serez réjoui et encouragé en constatant comment le Seigneur vous vient en aide de manière directe et immédiate. Et je sais qu’à la fin, vous serez rempli de joie. « Je suis persuadé que celui qui a commencé en vous cette bonne œuvre la poursuivra jusqu’à son terme, jusqu’au jour de Jésus-Christ » (Philippiens 1 : 6). n n n n

À vous la parole 1. Y a-t-il des endroits dans cette introduction où vous vous êtes dit : « Oui, mais si… ? » (Je vous poserai des questions plus ardues par la suite !) 2. Parcourez de nouveau l’introduction avec votre surligneur en main et soulignez la phrase qui a le plus capté votre attention. Pourquoi l’avez-vous soulignée ?

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SECTION 1

NOTRE EXPÉRIENCE Les trois chapitres suivants visent à vous donner un aperçu des effets destructeurs de la colère mais aussi de son potentiel constructif. Ils cherchent à vous faire réfléchir lucidement sur vos propres penchants. Le fait de mieux vous connaître plantera le décor. Les explications et les solutions qui suivront seront en lien avec les domaines dans lesquels vous luttez réellement.



Chapitre 1

Des gens en colère Peut-être pouvez-vous vous identifier à George Banks dans le film Le Père de la mariée. George (interprété par Steve Martin) engage une conversation avec le fiancé de sa fille. Il la décrit en ces termes : Annie est une personne très passionnée, et les gens comme elle ont parfois tendance à réagir de façon excessive. Annie descend d’une longue lignée de personnes « soupe au lait ». Moi, c’est clair, je peux parfois exploser. Ma mère le faisait constamment. Mon grand-père, les histoires à son sujet sont légendaires. Mais la bonne nouvelle, c’est que l’irascibilité tend à décroître à chaque génération. Vos enfants pourraient donc être normaux.

Des gens passionnés, des gens « soupe au lait », des gens qui explosent. Interprétés par Steve Martin, ces comportements sont hilarants à regarder, plus difficiles à côtoyer, quoique toujours profondément humains. Dans la vraie vie, la colère est une réaction qui décime les mariages et désintègre les familles. Elle dynamise le commérage, elle détruit les relations amicales. Elle divise les églises, transforme l’amitié en hostilité et nourrit la rage au volant. Elle alimente toutes les formes de griefs et d’amertume. Et ce n’est pas parce que certains d’entre nous réagissent de manière moins explosive et paraissent plus calmes qu’ils ne sont pas en colère. La colère est l’ADN des récriminations, de la morosité, de l’irritabilité et des chamailleries. Le problème « colère » ressemble à une paire de tongs « taille unique » : large et utilisable par toutes pointures de pieds. Les questions essentielles liées à la colère nous concernent tous. 23


Ce livre nous intéresse tous, car nous connaissons tous la colère. Si vous êtes têtu, discutailleur et soupe au lait, vous êtes dans ces pages. Si une vie de dépit et de désillusions vous a laissé un goût d’amertume, ce livre est pour vous. Et même si vous êtes d’une nature plus calme, ce livre est aussi pour vous. Dans la façon d’exprimer leur colère, certains explosent, d’autres bouillonnent et d’autres paraissent somnoler calmement, mais nous connaissons tous la colère. Et si ce n’est pas le cas, c’est parce que nous nous sommes anesthésiés nous-mêmes ou avons créé de la distance. Prenons un exemple. Tout jeune, j’étais déjà très accommodant, et je ne peux pas m’en vanter car je suis né ainsi. Pendant des années, je ne pensais pas avoir un problème avec la colère. Je trouvais les gens colériques déroutants et un peu intimidants. Pourquoi s’emportent-ils à cause de ça ? De deux choses l'une, je suis devenu pire en prenant de l'âge, ou alors, j'ai appris à mieux me connaître. La morosité, le retrait défensif, les pensées de jugement, l’irritabilité contenue, l’attitude critique, l’évitement à tout prix des confrontations, l’indifférence face aux torts réparables, tels sont les formes moins dramatiques de mes accès de colère. Par préférence personnelle, je n’ai jamais cherché à passer à l’offensive et à me lancer corps et âme dans la bataille. Je me suis plutôt efforcé de garder à distance des conflits, quitte à déclencher une guerre froide. Pourquoi me suis-je mis en tête d’écrire un livre sur le sujet de la colère ? Mon intérêt pour le sujet a grandi au fur et à mesure que j’ai compris que moi aussi, même dans ma façon calme de l’exprimer, j’étais au cœur du problème de la colère, et pas seulement comme simple observateur ou victime de la colère d’autrui. Je souhaiterais donc venir en aide à ceux qui sont du mode incendiaire, à ceux qui vivent dans l’amertume profonde, mais aussi à ceux qui sont plutôt comme moi. Nous avons tous besoin d’aide. J’ai rencontré énormément de gens en colère. Lors de ma dernière année universitaire, je travaillais le samedi soir comme videur de boîte de nuit au Club Casablanca. À plusieurs occasions, j’ai eu affaire personnellement à des clients très hargneux. Un 24


Des gens en colère

jour, j’ai dû escorter vers la sortie un jeune homme qui avait trop bu. Il s’est mis violemment en colère et m’a menacé de revenir avec une arme pour me tuer. Je n’ai pas cherché à savoir s’il allait ou pas mettre sa menace à exécution : j’ai immédiatement laissé tomber mon travail ! Pendant quatre ans, j’ai travaillé en milieu hospitalier psychiatrique et j’y ai beaucoup appris sur les effets de l’amertume et de l’agressivité. Quand vous passez quarante heures par semaine dans des secteurs fermés, vous découvrez bien des choses sur les côtés sombres de l’âme humaine. Dans le service de psychiatrie, beaucoup de colères s’expriment. Elles sont souvent accompagnées de confusion, chagrins, tromperie, apitoiement sur soimême, peur et, au plus profond de la tristesse, d’espoirs trompés, d’espoirs brisés, ou même, de désespoir. J’ai ainsi travaillé au contact d’un abîme de misères, et nul d’entre nous n’en est à l’abri. Oui, j’ai rencontré beaucoup de gens – y compris la personne que me renvoie mon miroir – pour lesquels la colère détruit plutôt que construit. Aujourd’hui, après avoir pratiqué la relation d’aide pendant plus de quarante ans, je pourrais ouvrir un panthéon et y faire entrer tous « les gens en colère que j’ai connus » – une longue liste d’amertumes, de destructions et de profondes misères. Jetons un coup d’œil à quelques-uns d’entre eux.

Bandits domestiques La colère n’est pas seulement une émotion fortement ressentie dans notre être intérieur. Elle est relationnelle. Elle a des répercussions sur les autres. J’ai un jour suivi un couple qui s’était tiré l’un sur l’autre dans leur maison de banlieue. Willy était à l’étage avec le pistolet, Brenda au bas de l’escalier avec le fusil. Ils avaient eu une discussion musclée – la chamaillerie violente habituelle. Mais cette fois-ci, la dispute s’était envenimée plus que d’habitude. Finalement, les paroles blessantes avaient précipité la Troisième Guerre mondiale ! Ils avaient procédé à une demidouzaine d’échanges de tirs dans la cage d’escalier. Leur querelle 25


conjugale avait fait des trous dans les murs, effrayé les voisins et attiré la police, sirène hurlante, devant leur porte. L’entretien avec moi faisait partie de la mission que leur avait confié le tribunal, pour éviter de les accuser de crime. Je vous assure, je n’ai jamais pu oublier cette histoire ! Vous ne vous êtes probablement jamais trouvé au milieu d’un tel échange de tir. Moi non plus. Mais j’ai pu commencer à comprendre ma colère le jour où j’ai déplacé une revue d’environ cinq centimètres. Il était dix heures du soir. Ma femme, Nan, et moi venions juste de mettre au lit notre fillette de deux ans qui était très énervée. L’évier était rempli de vaisselle sale. La petite avait mis un tel désordre dans le salon qu’on avait l’impression qu’un ouragan venait de le traverser ! Dans une corbeille, du linge propre attendait d’être plié. Insensible à ce spectacle, je me suis allongé sur le canapé pour lire le dernier numéro de National Geographics. Quelques minutes plus tard, Nan est entrée et a dit : « J’apprécierais beaucoup un coup de main pour nettoyer tout ça ! » J’ai rapproché la revue de cinq centimètres de mon visage et enfoui mon nez dans ma lecture. Je me suis rendu compte que j’étais en colère, alors que je n’avais pas prononcé un seul mot. Mais à l’intérieur de ma tête ça fusait dans tous les sens : J’ai eu une longue journée ! J’ai besoin de souffler ! Si elle me l’avait demandé plus gentiment pourquoi pas… Je n’ai pas envie de faire ça maintenant. On pourrait très bien attendre demain ! Va-t’en et laisse-moi tranquille ! Pourquoi est-ce que ça m’arrive à moi ? Mais aussi incroyable que cela puisse paraître, le bon sens s’est lui aussi manifesté. Tu es en colère ! L’amour est patient, mais toi, en ce moment, tu es impatient. L’amour est aimable. Toi, tu ne l’es pas. L’amour donne, mais toi tu es égoïste. Ton refus d’aider est une forme de haine. J’ai été interpellé par ce qui est vrai, par les paroles que Dieu m’a adressées personnellement. Je suis revenu à mon bon sens et je me suis levé. 26


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L’emploi des armes à feu est une façon de faire reculer l’autre et de protéger son territoire. Enfouir sa tête de cinq centimètres de plus dans une revue est une autre façon de le faire. Mais ce soir-là, j’ai fait la paix avec Dieu qui est patient, bon et généreux. Et j’ai aussi fait la paix avec Nan, je lui ai demandé pardon pour mon égoïsme, et nous avons fait la vaisselle ensemble.

Le volcan Les explosions de colère ne sont pas simplement des événements isolés. L’attitude sous-jacente peut devenir une caractéristique ancrée dans la vie. Helen était dans la soixantaine et elle était tellement rongée par la haine que ses mains et sa voix tremblaient quand elle se présenta. Sa colère avait détruit son mariage, intimidé et éloigné ses enfants, lui avait fait perdre un emploi après l’autre et éloigné toutes les personnes qui avaient tenté de se lier d’amitié avec elle. Elle parlait de torts qui remontaient à des décennies. Voici un exemple qu’elle m’a raconté : des années plus tôt, elle avait été nommée responsable du département « audio » de l’Église. À ce titre, elle devait enregistrer les messages du pasteur sur des bandes magnétiques de trente minutes (et oui ! cette histoire remonte déjà à des années !). Mais le pasteur avait l’habitude de prêcher entre 32 et 35 minutes au lieu des 28 minutes qui lui étaient imparties. L’amertume et les commérages d’Helen (qui en voulait à quantité d’autres personnes pour des questions aussi insignifiantes) ont fini par diviser l’église. Le jour où j’ai rencontré Helen, sa colère était aussi vive et ardente que si toutes les offenses qu’elle avait subies s’étaient passées il y a vingt secondes de cela, et non pas cinq, vingt-cinq ou cinquante ans en arrière. Elle bouillonnait de rage et avait beaucoup de mal à contrôler sa colère : elle était continuellement au bord de l’explosion. Elle était le « mont Saint Helens » (le surnom ironique que son fils lui avait attribué, et qui lui permettait de garder ses distances et sa raison). Elle prenait malheureusement 27


chaque bribe d’aliénation qu’elle provoquait, chaque conséquence négative, chaque relation brisée, et elle les convertissait en nouvelles bonnes raisons de s’irriter contre toutes les personnes malfaisantes que la vie lui avait imposées. Vous n’êtes probablement pas aussi mesquin ni aussi destructeur qu’Helen. Elle était prête à exploser sans la moindre provocation. Mais elle n’est qu’une version extrême d’un problème très répandu. Quand un petit détail vous fait réagir, il révèle beaucoup sur votre état intérieur. Lorsque j’ai rapproché la revue de mon nez, c’était sans une réflexion préalable. Je l’ai fait, c’est tout. Si un éclair de lucidité ne m’avait pas arrêté et poussé à me lever du canapé ce jour-là, alors cette petite contrariété – et les 10 000 autres qui allaient assurément suivre – aurait pu agir en moi et provoquer la destruction de notre mariage. La mauvaise colère ne disparaît pas par enchantement. Elle empoisonne toute la vie. Et la bonne colère, la colère constructive, qui recherche des solutions (comme la grâce par exemple), n’apparaît pas elle non plus comme par enchantement. Elle doit être cultivée tout au long de la vie.

L’iceberg La colère est l’émotion « ardente » qui nous sert à exprimer notre mécontentement. Mais certaines des expressions les plus effrayantes du mécontentement peuvent être glaciales. Jimmy avait seize ans. Il était assis sur le fauteuil à côté de moi, l’air tout à fait calme, même plutôt ennuyé. Ses parents pensaient qu’il devrait parler à quelqu’un, mais il n’avait visiblement pas envie de me parler. Nous avons tout de même fini par dépasser le stade des réponses monosyllabiques et des longs silences embarrassants. Quand il se mit enfin à me parler, Jimmy me raconta histoires après histoires de maltraitance par sa famille, ses copains de classe, ses enseignants, Dieu et tout l’univers. Il me fit un compte rendu détaillé de toutes les injustices, les manques de loyauté, les 28


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trahisons, les déceptions, les offenses et toutes les bêtises dont il avait souffert. Il en voulait au monde entier. Jimmy jouait tous les rôles à la perfection : victime de crimes, plaignant lésé, avocat général, juge impitoyable, jury unanime, public indigné et bourreau toujours en quête d’exécutions. La plupart de ses récits semblaient plausibles, mais aucun des torts subis ne paraissait particulièrement grave. Il s’agissait de choses qui arrivent à tout le monde. Deux éléments me frappèrent au sujet de Jimmy. Premièrement, il parlait sur un ton invariablement monotone. Ses émotions étaient toujours contenues. C’était comme s’il lisait un texte de télémarketing. La litanie ennuyeuse de toutes les récriminations était plus effrayante qu’une colère franche. Au cours de la conversation, je lui ai demandé : « Es-tu en colère ? » (Je l’invitai à reconnaître l’évidence, et à l’exprimer. Cela aurait pu orienter notre conversation dans une bonne direction si nous avions pu reconnaître qu’il y avait bien un sujet qui valait la peine d’être abordé.) Jimmy parut perturbé quelques instants. Mais il retrouva rapidement ses esprits et répondit de façon détachée : « Bof ! Je ne me mets jamais en colère… Je me venge. » Il était animé d’une colère froide, non explosive. Elle était davantage du type « préméditée, crime commis de sang-froid » que « crime passionnel ». Il n’allait pas gaspiller son énergie émotionnelle sur la vermine et les ordures auxquelles il devait être confronté dans la vie. Deuxièmement, Jimmy vivait dans un univers qui le mettait lui en avant. Tout tournait autour d’un être suprêmement important, extrêmement susceptible. Chaque scène de son film, chaque page de son livre, chaque nouveau fait divers de son quotidien tournait autour de Jimmy – mais il n’était jamais l’agent ni la cause de quoi que ce soit. Chaque personne, chaque événement, chaque lieu et chaque objet n’existaient que dans la mesure où ils provoquaient son plaisir ou son déplaisir. Et puisque tous les autres personnages de l’histoire avaient consacré leurs vies à rendre Jimmy malheureux, il se sentait en droit d’adopter ce modus operandi de vengeance froide et calculée. 29


Cette paranoïa monotone et cérébrale me glaçait le sang. J’étais devant un cas de colère génocidaire : efficace, décidée, aussi terre à terre que le fait de vider les poubelles ou d’exterminer des puces dans la maison. Vous n’êtes probablement pas aussi froid et vengeur que Jimmy. Moi non plus. Mais rapprocher mon magazine cinq centimètres plus près de mon visage ? Ce fut bien un moment de froid glacial. Une certaine forme d’hostilité se tapit dans toute relation caractérisée par l'impassibilité ou la froideur. Toute réaction et émotion humaine, aussi complexe soit-elle, est une des nombreuses variations sur les thèmes de l’amour et de la haine. La distance et l’indifférence ne ressemblent pas à la colère au premier regard, mais si vous appuyez légèrement dessus, la colère s’en échappe.

Le bourbier, la misère… et l’espoir possible La colère joue un rôle significatif dans un bourbier de difficultés interconnectées. Et pourtant, d’une manière presque inconcevable, la bonne colère peut tenir un rôle clé dans la recherche de solutions. Comprendre tout cela, tel est l’objectif de ce livre. Permettez-moi de vous raconter une histoire. Il y a quelques années, par une après-midi hivernale, je m’étais rendu au supermarché pour faire quelques achats en vue du souper. Une jeune maman était entrée dans le magasin en même temps que moi. Suivie de son petit garçon de quatre ans, elle poussait son caddie devant moi, dans l’allée. Il m’était difficile de deviner son âge. Vingt-cinq ans, peut-être début de la trentaine. Des traits durs apparaissaient déjà sur son visage. Elle avait une longue chevelure blonde, non peignée, portait une veste kaki et avait aux pieds des baskets usées. Elle avait le regard quelque peu perdu, comme si elle n’était pas vraiment là, ou comme si elle était troublée intérieurement par des ennuis provenant d’ailleurs, aigrie, agitée. Bref, le genre de visage qui vous trouble et vous préoccupe. 30


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Son petit garçon commença à s’agiter alors qu’elle se dirigeait avec lui vers l’allée des confiseries. Il voulait un bonbon, mais elle refusa de lui en acheter. Il se mit à pleurnicher : « Mais je veux… ». Elle l’arrêta net : « Non ! » Le petit pleurnicha un peu plus fort. Elle le menaça : « Combien de fois je vais devoir te le redire ? NON, NON, et NON ! Et je ne veux plus t’entendre. Sinon tu… » Sa menace s’estompa. Elle arrêta son caddie, et fixa son regard ailleurs, dehors, à travers la vitrine du magasin. Je m’étais moi aussi arrêté, curieux de savoir comment ce drame se terminerait. Le garçon bouda un moment, puis il revint à la charge en chouinant un peu plus, et en tirant sur la veste de sa mère. « Je veux un bonbon. » Elle l’insulta. « Tu es une peste de […] ! Je me demande pourquoi je m’embête à t’emmener partout ! » Elle regarda ailleurs, puis le fixa de nouveau, le regard chargé de haine, et son regard se perdit au loin, très loin sur rien en particulier. Il pleurnicha encore un peu : « Je veux un bonbon ! » Elle se retourna et lui flanqua une gifle. Le petit se mit à hurler. Elle regarda ailleurs, au-delà des confiseries et des chips, plus loin que la caisse, vers le parking. Je me disais qu’elle se contenait pour ne pas hurler à son tour ou pour ne pas tuer le gamin. Tout à coup, elle se retourna vers lui et se pencha. Son visage était à cinq centimètres de celui de l’enfant, son index formant un angle de quarante-cinq degrés avec le nez du petit. « Si tu ne la fermes pas immédiatement, je sors du magasin et je te laisse ici. Tu as bien compris ? Je ne veux plus t’entendre, et je ne veux plus te voir. Si tu dis encore un seul mot, je te jure que je monte dans la voiture et je ne reviendrai jamais te chercher, et je me fiche éperdument de ne plus te revoir ! » Elle se retourna et fit semblant de partir. Après quelques pas rapides, elle revint et prit brusquement le garçon par le bras en disant : « Mais ferme-la, bon sang ! » 31


Elle poussa le caddie dans l’allée du supermarché, suivie du petit qui continuait de marmonner, le regard fixé sur les roues du chariot qui vibraient sur le carrelage. La menace d’être abandonné ne semblait pas l’épouvanter. Il suivait sa mère, un peu en retrait derrière elle. Il traînait ses pieds suffisamment pour l’irriter, mais pas assez pour la faire exploser à nouveau. Ils étaient tous les deux des gens réellement en colère. Et cela me mit en colère, moi aussi. J’étais en colère contre la maman. Sa manière d’agir avec son fils, c’était de l’abus ! Ce qu’elle faisait était indiscutablement mal. Mais j’étais également irrité contre l’enfant. Il tourmentait sa maman. Ce qu’il faisait était aussi mal. J’en voulais à tout ce qui avait rendu la vie de cette femme si difficile, au point d’en faire un cauchemar infernal. Toutes ces choses qui sont terriblement mauvaises : les petits amis qui s’en fichent, les parents qui gâchent leur vie, les trafiquants de drogue, la pauvreté. Et j’en voulais à cette maman pour les choix qu’elle faisait en réaction à sa vie difficile. La colère que je ressentais semblait pure et constructive comparée aux irritations que j’éprouve souvent. Je ne haïssais pas cette maman et son petit bonhomme. Je me faisais du souci pour eux, mais je ne pouvais pas intervenir. J’étais en colère – je haïssais ce qu’ils faisaient – au point que j’avais envie de les aider. J’aurais aimé les protéger, leur faire grâce, et les aider à changer. C’était pour moi l’un des trop rares moments où la colère semblait motivée par l’amour et non par un intérêt égoïste. Mais ce jour-là, mes bonnes intentions ne débouchèrent sur rien. Je ne voyais vraiment pas comment je pouvais faire quoi que ce soit. Trente-cinq ans plus tard, ce livre est une manière pour moi de faire quelque chose suite à cet incident. Ce que j’ai vécu ce jour-là est l’un de ces OMS (« Oui-Mais-Si ») qui m’a incité à réfléchir de façon plus profonde et plus constructive à la colère. Ces trois colères dans le supermarché ne ressemblent pas aux colères qui sont traitées dans les manuels de développement personnel. La plupart de ces ouvrages proposent des techniques 32


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permettant de maintenir un certain détachement afin de réussir à conserver son calme au milieu des irritations de la vie. D’autres vous encouragent à vous défendre, et à vous approprier votre colère afin de vous sentir plus fort. Ces deux sortes de conseils peuvent se concevoir, plus ou moins, tant que les problèmes auxquels vous faites face sont faiblement irritants, ou si la cause de la colère peut se réparer. C’est vrai, si vous inspirez profondément et si vous visualisez une plage dans votre tête alors que vous êtes pris dans un embouteillage impossible, alors le monde paraîtra plus chaleureux. Et si vous exprimez vos attentes sans tomber dans la revendication, il est plus que probable que les gens vous donneront ce que vous demandez. Oui, bien sûr, vous pouvez exprimer ce que vous ressentez. Mais la scène à laquelle j’ai assisté dans le supermarché ne traite pas de sujets d’irritation, ni de la gestion de la réalité pour en tirer davantage et vous sentir mieux. Il s’agit de choses mauvaises. Il s’agit clairement de choses qui sont fausses et destructrices. Il faut les corriger. Et ce qu’il faut pour les corriger n’est pas évident, mais la bonne colère fait partie de la solution. Raconter des banalités, se parler à soi-même pour créer de l’assurance, s’affirmer et booster sa confiance en soi, les traitements médicaux, rien ne pourra jamais faire ce qui aurait besoin d’être fait. Aucune de ces colères n’est expliquée ni traitée par l’industrie du développement personnel. Or, c’est pourtant de ces colères dont la vie est remplie ! Réfléchissez avec moi à ce dont nous avons été témoins dans cette histoire. Je vais faire quelques suppositions, mais je pense qu’elles sont plausibles. Tout d’abord, la colère du garçon est typique des colères que nous rencontrons le plus souvent : « Je veux ce que je veux. Si je n’obtiens pas satisfaction, j’en fais toute une affaire. Je me lamente sur mon sort. C’est tout de même injuste de ne pas obtenir ce dont j’ai envie, et quand j’en ai envie. Je vais donc te manipuler pour obtenir ce que je veux, et si nécessaire je deviendrai même méchant. 33


Je punirai quiconque osera se placer au travers de ma route ». Cette sorte de colère jaillit lorsque vous voulez quelque chose et que vous ne l’obtenez pas. La colère pleurniche et boude. Elle persiste. Elle fait toute une affaire. Elle est pleine d’astuces et de stratagèmes. Nous connaissons tous le type de colère du petit garçon : nous l’avons vu à l’œuvre, nous l’avons expérimenté nous-même, et nous avons même pensé que nous étions en droit de réagir ainsi. Un désir particulier est contrarié, et la colère enfle à l’intérieur pour s’en prendre à tout ce qui s’oppose à votre volonté. C’est une façon d’arriver à ses fins ou de punir ceux qui vous énervent, ou en tout cas de leur faire comprendre votre déplaisir. Ce petit garçon avait un problème d’adulte ! D’une part, il lui était impossible d’aimer sa maman aussi longtemps qu’il l’exploitait. Et par ailleurs, il avait tendance à devenir comme elle. La colère de la maman était du même genre, mais plus complexe. Sa colère comprenait aussi – mais ne se limitait pas à – « Je veux que mon enfant soit sage et ne m’embarrasse pas. Il m’embête, alors je me mets en colère ». Sa colère a mûri au fil des années pour devenir un mal bien plus complexe. C’est une colère enchevêtrée dans une histoire plus longue. Son agressivité incorpore à la fois des brins d’événements courants et le désespoir d’un avenir lugubre. Elle jaillit comme un torrent de sentiments entremêlés, de motivations aveugles et de mauvaises expériences. C’était de l’hostilité à l’état brut, mais aussi du désespoir, de la peur, des habitudes, des regrets, des blessures, des déceptions, des conséquences de mauvais choix passés, un manque de bons modèles, des provocations accumulées dans le temps, des problèmes d’argent, des relations mutuellement destructrices, des mensonges crus, des mauvais choix de vie, des ressentiments accumulés, des objectifs vains, peut-être même un problème d’alcool. Sa colère est à moitié juste. Beaucoup de choses qui lui sont arrivées sont effectivement mauvaises. Mais sa colère est devenue complètement mauvaise. C’est un des résultats d’une vie qui se mène « sans espoir et sans Dieu dans le monde », comme le déclare Éphésiens 2 : 12. Sa colère contre son enfant était en quelque sorte 34


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cosmique par son ampleur et sa portée : « Ce gamin représente tous les mauvais choix que j’ai faits et toutes les mauvaises choses dont j’ai souffert et toute la vie que je ne pourrai jamais vivre. Ce n’est pas juste une affaire de bonbon. Il existe, mais moi aussi, j’existe. Je suis en colère, contre tout, contre tous. » De nombreux désirs, tromperies et peurs nourrissent son autodestruction compliquée. Elle ne pourra jamais travailler de manière constructive avec son enfant tant qu’elle éprouve de la rancœur face à l’existence même de ce gosse, et tant qu’elle reste sans espoir pour son propre avenir. La plupart d’entre nous ont au moins goûté à cette passion plus sombre et plus complexe de la maman. La colère n’est pas seulement provoquée par les événements courants. Elle résulte de bien plus de choses qu’on ne le souhaiterait. Vous avez peut-être connu le gâchis des colères et des pleurs pendant une période de votre vie. Peut-être y êtes-vous plongé en ce moment même. Personne ne souhaite une vie d’enfer. Peut-être vous détestez-vous à cause de toute la haine que vous nourrissez. Et vous ne voyez aucun moyen d’en sortir. Vous ne savez pas par où commencer. Comment démêler vos propres réactions colériques ? La plupart d’entre vous ne se sont probablement jamais sentis perdus à ce point, mais peut-être avez-vous souffert des explosions de colère du bourbier d’autrui. Cette mère et son fils s’attaquaient et se blessaient mutuellement dans l’allée du supermarché, et vous savez ce que signifie être traité de la sorte. La furie plonge ses destinataires dans la misère. Il est difficile de tracer votre chemin dans la vie lorsque vous vivez à l’ombre d’un volcan. Comment avancer de manière constructive sans vous venger, sans vous renfermer sur vous-même, ou sans vous verrouiller ? Peut-être essayez-vous de venir en aide à quelqu’un qui vit dans un tel bourbier. Si vous avez tendu la main à des gens dans le besoin, vous vous êtes probablement heurté à ce genre de désespoir. Beaucoup de gens malheureux, qui luttent, ne savent 35


pas par quel bout prendre le problème et ne voient aucune issue. Une personne comme la maman dans l’épicerie va même souvent justifier et défendre ce qui la détruit. Comment aider des gens embrouillés à ce point ? Qu’il est difficile pour un apprenti secouriste de savoir par où commencer et comment avancer ! Pour comprendre véritablement la colère et trouver une vraie solution aux problèmes de la colère, il nous faudra creuser au moins aussi profond que ces problèmes le sont. Et il faudra creuser encore plus profondément que cela. Nous chercherons à nous orienter vers une sorte de colère qualitativement différente, vers quelque chose de bon. Je ne connais pas très bien le genre de colère que j’ai ressentie dans le supermarché ce jour-là. Elle paraissait juste. Je devrais pouvoir l’éprouver plus souvent que cela. Elle était inextricablement entremêlée d’amour. C’était une colère qui se faisait du souci pour les autres. Elle cherchait à faire quelque chose de constructif dans cette tourmente de maux, même si c’était quelque chose de très modeste. Je haïssais ce que la maman et son petit se faisaient l’un à l’autre. Mais c’était une haine charitable. Elle semblait juste : « Tout cela est néfaste et injuste, et doit cesser. » Elle semblait pleine de compassion : « Si seulement nous pouvions panser ce qui est meurtri. » Elle inspirait une certaine impulsion rédemptrice : « Comment réparer ce qui est désormais en ruine ? » Tout cela constitue le problème plus profond et plus vaste de la colère que je désire aborder avec vous dans ce livre.

Des gens comme vous et moi La colère fait parler d’elle lorsqu’elle se revêt de ses tenues les plus colorées et dramatiques, lorsqu’elle devient violente, implacablement amère, glaciale, ou qu’elle se débat dans la misère et la confusion. Mais la différence entre les colères décrites plus haut et la colère que vous ou moi éprouvons n’est pas une question de nature mais plutôt de degré. Nous sommes tous plus semblables que différents. Je suis donc capable de m’irriter lorsque quelqu’un vient troubler la tranquillité de mon confort personnel et de mon 36


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bien-être. Je peux m’irriter devant l’incompétence d’un vendeur. Je peux m’irriter lorsque quelqu’un ne prend pas le temps de bien me comprendre, ou caricature ce que je crois et fais, et me dénigre en fonction de ce qu’il a imaginé. Vous connaissez certaines choses à mon sujet et au sujet de gens que j’ai connus. De mon côté, je sais certaines choses vous concernant, même si je ne vous ai jamais rencontré. 1. Vous aussi, vous vous mettez en colère. Vous ne ressemblez pas complètement à Helen, ou à moi, ou à d’autres membres de notre galerie de vauriens. Mais là encore, les différences sont probablement une question de degré. Vous vous reconnaissez probablement dans ces gens, même si votre façon d’agir est différente de par sa tonalité, son rythme ou son volume. 2. Je sais que vos colères sont parfois justifiées. Il se peut que quelqu’un ait réellement mal agi à votre égard. Nous vivons dans un monde de provocations sérieuses. Il y a des choses mauvaises contre lesquelles il faut s’emporter. Peut-être arriviez-vous un certain temps à bien gérer les provocations. Une juste colère est censée aboutir à des solutions équitables, sensées, dynamiques. Avez-vous le sentiment d’avoir de temps à autre pu utiliser votre colère dans ce sens ? La colère a besoin d’être associée à des intentions de compassion et d’amour. Cela fait-il résonner quelque chose en vous ? Avez-vous connu quelqu’un – parent, tuteur, collègue, enseignant, pasteur, conjoint, ami – dont la colère a abouti à quelque chose de bien ? C’est parfois le cas. 3. Je sais que très souvent, votre colère ne se justifie pas, ou qu’elle prend des proportions inadmissibles. Vous étiez susceptible. Vous étiez pointilleux ou trop tourné sur vous-même. Peut-être vous étiez-vous senti visé à tort. (Vous êtes-vous déjà irrité à cause des bouchons sur la route, ou du mauvais temps ?) Peut-être aviez-vous mal interprété ou exagéré les paroles et gestes d’une tierce personne. Il est parfois difficile de reconnaître ou d’admettre qu’on s’est trompé, tellement nous sommes sûrs de nous-mêmes. Mais je devine que cela vous est arrivé. Vous 37


étiez enfermé par votre emploi du temps, par vos attentes, votre confort, votre plaisir ou vos craintes. Vous n’étiez pas en mesure de le voir, à ce moment précis, mais lorsque quelqu’un ou quelque chose s’est mis en travers de votre chemin, vous avez explosé. 4. Je sais qu’à d’autres moments, vous avez eu raison de vous irriter devant ce qui vous arrivait, mais votre colère s’est exprimée de manière inadmissible. Ce que vous avez pensé, dit et fait était empreint d’hostilité, peut-être même de méchanceté. Vous avez été prompt à critiquer et juger. Vous avez rendu le mal pour le mal, comme si l'on pouvait réparer une injustice par une autre. Vous êtes devenu principalement destructeur et non pas foncièrement constructeur. Votre colère a généré d’autres naufrages, d’autres blessures, et a élargi le fossé de séparation plutôt que d’apporter des solutions positives. 5. Que vous ayez eu raison ou non de vous irriter, je sais que devant ce qui s’était passé, votre colère s’est parfois prolongée bien au-delà du raisonnable. Une trahison vous a plongé dans l’amertume, et vous n’avez pas réussi à en sortir. Vous avez ruminé la chose, repassé le film dans votre esprit. Vous avez rejoué la scène. Ah ! Qu’est-ce qu’elle avait tort ! J'ai tellement de raisons de lui en vouloir ! 6. Si vous avez déjà parcouru une belle distance sur le chemin de la vie, je sais que votre colère s’est mélangée à des choses complexes. En effet, la colère n’est pas nécessairement une réaction de cause à effet par rapport à un événement particulier. C’est très souvent la résultante d’une accumulation de déceptions et de frustrations de la vie. Prenez une dose quotidienne de la pensée de Sartre « L’enfer, c’est les autres1 ». Ajoutez-y la réalité que « l’enfer, c’est moi-même », et la vie vous broie, vous consume, vous épuise. Les gens dépités peuvent ne plus connaître les explosions de colère. Pourquoi se fatiguer en s’emportant inutilement ? Ils ne peuvent peut-être même pas cibler une raison particulière qui les rend si amers. En réalité, le cynisme est un cousin peu éloigné de la colère qui a mal tourné. 7. Je sais aussi autre chose sur vous, que nous avons à peine mentionné pour l’instant, mais que nous étudierons plus à fond 38


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ultérieurement. Il y a des moments où, comme moi, vous faites face au problème opposé. Vous devriez parfois vous mettre en colère, mais vous ne le faites pas. Quelque chose de profondément mauvais arrive – pas nécessairement à vous – et vous ne vous en souciez pas plus que cela. Vous ne faites pas attention et vous ne réagissez pas. Vous détournez la tête ou vous haussez les épaules devant des choses ou des attitudes mauvaises qui devraient être corrigées. Peut-être ne vous en rendez-vous même pas compte. Peut-être même approuvez-vous et commettez-vous ce mal vous-même. De manière étrange, l’absence d’une réaction appropriée est elle aussi un problème de colère. Mais personne ne cherche de l’aide pour résoudre ce problème. Nous le devrions. Lorsque l’impulsion de colère est canalisée vers quelque chose de bon et de constructif, elle inclut la capacité de se dresser contre le mal. 8. Finalement, nous savons une dernière chose l’un de l’autre. Nous avons tous beaucoup de peine à changer. Il nous est difficile de tenir un raisonnement juste quant à la colère. Quand elle vous attrape, elle vous tient dans ses griffes. Les anciens Romains avaient une devise : Ira furor brevis est, « La colère est une courte folie ». Elle nous rend fous, aveugles, perturbés et perturbants. Les lueurs de bon sens sont rares. N’avez-vous pas été surpris aprèscoup par votre irrationalité ? Qu’est-ce qui m’a pris ? Comment ai-je pu penser cela ? Comment ai-je pu dire ou faire pareille chose ? Et ce temps de folie n’est pas toujours de courte durée. La démence trouve ses repères en nous et s’installe pour longtemps. Parfois toute une vie, et on court et on court comme un hamster dans une cage dont il ne sort jamais. Comment savoir ce qui ne va pas et devrait être réparé ? Comment savoir ce que j’aurais dû faire, et ce que je devrais faire maintenant ? Comment distinguer les aspects destructifs des aspects constructifs de la colère ? Comment apprendre à s’irriter contre ce qui mérite ma colère et exprimer ce que je ressens de la bonne manière ? Où trouver une aide appropriée ? Nous avons besoin d’aide. Nous avons besoin de pardon. Nous avons besoin d’une vision nouvelle et de force pour changer. Nous 39


avons besoin d’un Sauveur – au devant de la scène, actif, engagé, pratique, personnel – qui prend nos problèmes à bras-le-corps. La colère ? Nous sommes tous dans le même bateau. Et Jésus aussi. n n n n

À vous la parole 1. Ce chapitre est dense. Parcourez-le de nouveau et recherchez votre phrase surlignée en jaune. Qu’est-ce qui vous frappe dans cette phrase ? 2. De toutes les formes de colère décrites, choisissez-en deux ou trois qui caractérisent le plus votre vie. Donnezen une illustration concrète. 3. Avez-vous déjà eu un avant-goût d’une colère juste ? Décrivez précisément ce qui s’est passé. Qu’avez-vous ressenti, pensé et fait ? Quel a été le résultat ? Avez-vous déjà vu quelqu’un gérer sa colère de façon vraiment constructive ? 4. Une ancienne prière, très sage, présentait la requête suivante à Dieu : « Que le projet de ton grand amour éclaire les ravages de nos colères et de nos peines, et qu’il y répande la paix. » Chaque fois que la colère dérape, nous avons deux besoins. D’une part nous avons besoin que Dieu intervienne avec amour, et d’autre part nous avons besoin de faire quelque chose. Alors, demandez à Dieu de vous aider. Il aime venir à notre rencontre lorsque nous sommes dans le besoin : Seigneur, que les desseins de ta compassion et de ta miséricorde éclairent les ravages de mes colères et de mes peines, et accorde-moi ta paix. Engagez-vous à travailler. Vous prenez déjà du temps pour lire. Persévérez dans la réflexion et l’effort dans la recherche d’une plus grande sagesse.

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Chapitre 2

Avez-vous un sérieux problème avec la colère ? Oui.

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À vous la parole 1. Comment réagissez-vous à ce chapitre ? Lisez-le et relisez-le plusieurs fois. (C’est tout de même sympa des chapitres courts, non ?) Réfléchissez sérieusement à ce qu’il dit. 2. Comment réagissez-vous à l’affirmation : « Vous avez un sérieux problème avec la colère » ? 3. Repassez la phrase suivante plusieurs fois dans votre esprit : « J’ai un sérieux problème avec la colère. » Qu’estce qui vous vient à l’esprit en entendant cela ? Êtes-vous d’accord ou pas ? N’êtes-vous pas tout à fait convaincu ? En quoi cette affirmation est-elle vraie ? Partiellement vraie ? Partiellement fausse ? Pensez-vous qu’elle ne soit pas vraie du tout ? Exprimez vos pensées par des mots et des exemples précis. La manière dont Dieu agit est merveilleusement paradoxale. Il bénit ceux qui admettent avoir besoin d’aide : ceux qui reconnaissent leur pauvreté spirituelle sont heureux (Matthieu 5 : 3). Une bonne santé mentale permet d’en être pleinement conscient : j’ai besoin d’aide. Je ne peux pas bien vivre par moimême. Quelqu’un d’extérieur à ma vie doit intervenir. Le bon sens d'une humilité honnête obtient miséricorde, vie, paix et force. En revanche, affirmer que nous n’avons pas besoin d’aide nous garde prisonniers de la cage des excuses permanentes et du blâme qu’on inflige constamment aux autres. En fin de compte, nous n’obtenons ni la vie, ni la paix. Nous baignons au contraire dans notre propre justice, l’autojustification, l’aliénation et l’amertume.

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Chapitre 3

Êtes-vous concerné ? Je peux écrire en toute confiance que vous avez un sérieux problème avec la colère, parce que moi aussi j’en ai un, et que nous tous, nous en avons un. Comment réagissez-vous devant cette vérité ? Ce chapitre passera en revue six réactions habituelles face à cette affirmation péremptoire que la colère nous pose à tous un problème. Chaque réaction exprime quelque chose concernant ce qui rend la colère tellement troublante. Chaque réaction contient une parcelle de vérité – parfois plus, parfois moins – qui la rend plausible. Mais ce qui est vrai et bon est souvent entremêlé de fausses perceptions, de distorsions, d’angles morts et de demi-vérités. Exceptionnellement, il arrive – et de façon merveilleuse – que la colère se manifeste comme un bienfait simple et constructif (nous y reviendrons plus tard). Elle agit bien plus souvent comme un mal purement destructeur qui ne fait de bien à personne. Peutêtre que le plus souvent, la colère est un assemblage étrange de bien et de mal, de bien qui tourne mal, de mal qui souhaiterait être moins mal. Dans la vraie vie, la colère est souvent un mélange déroutant nous empêchant de définir exactement ce qu’est le problème. Une des six réactions suivantes pourrait-elle vous décrire ?

1. Oui, je sais que j’ai un problème avec la colère. Je me sens coupable et découragé. Certaines personnes l’admettent sans discussion. « C’est vrai, ça me correspond. J’ai mauvais caractère. Je nourris de l’amer43


tume et j’ai du mal à oublier. Je réagis vite et dis des choses que je regrette plus tard. Il m’arrive parfois de le regretter au moment même où les paroles sortent de ma bouche. Mais une fois lancé je n’arrive pas à m’arrêter. Et même lorsque je ne suis pas fâché, je suis souvent pessimiste et vois toujours le mauvais côté de tout ce qui se passe autour de moi. Je me plains et m'apitoie sur mon sort. Je sais que j’ai besoin d’aide. J’aimerais pouvoir me débarrasser une fois pour toutes de ces réactions colériques négatives. C’est pour cela que j’ai commencé à lire ce livre. » Vous retrouvez-vous dans ces paroles ? Vous savez que votre colère tourne mal. Vous aimeriez pouvoir ne plus vous emporter, ne plus ruminer dans l’amertume, ne plus ronchonner et vous plaindre. Vous aimeriez pouvoir briser le cercle infernal de l’échec et du regret. Vous constatez les ravages que votre négativisme cause à vos relations. Vous reconnaissez volontiers « J’ai un problème avec la colère », mais rien de bouge. Vous ne changez pas. Vous êtes découragé, un peu désespéré, peut-être même cynique. Parcelle de vérité ? Ceux d’entre nous qui se savent facilement au bord de l’explosion – et qui se sentent coupables et découragés – sont parfaitement conscients que l’irritabilité, les explosions soudaines, l’amertume et les récriminations sont des choses mauvaises. Angle mort ? Vous pouvez vous tromper quant à l’objectif du changement. Exemple : le contraire de la crise de colère et de l’amertume ce n’est pas un tempérament calme et imperturbable. Ne le sachant pas, vous risquez de mal comprendre le processus du changement. Il n’existe par exemple aucune technique ni stratégie pour réparer ce qui a mal tourné. Nous avons besoin d’une autre sorte d’aide, d’une autre personne pour nous aider, d’une connaissance plus profonde de nous-mêmes et d’un autre échéancier pour le processus. Vos bonnes intentions n’aboutissent à rien parce que vous avez du mal à discerner la voie dans laquelle vous devez vous engager.

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2. Peut-être, mais je connais bien des gens qui ont un problème pire que le mien. Certains esquivent le problème. Vous êtes prêt à admettre que cela vous correspond effectivement, en tout cas c’est possible, parfois, peut-être, mais… « Oui, j’admets qu’il m’arrive parfois de m’emporter et de dépasser les bornes. Mais je connais des gens qui ont vraiment un sérieux problème avec la colère – mais ce n’est pas mon cas. Je pense à cet ami qui explose dès que quelqu’un lui coupe la priorité. Il pique sa crise, se met à hurler et à gesticuler, à conduire comme un forcené. Lui, c’est clair, il a vraiment un problème avec la colère. Et mon oncle, lui, casse tout ce qui lui tombe sous la main lorsqu’il sort de ses gonds. Une fois, il a même cassé sa télé à la fin d’un match parce qu’un joueur avait commis une erreur qui a fait perdre l’équipe qu’il soutenait. Bien sûr, je reconnais que je m’irrite un peu occasionnellement, mais généralement, je me contrôle plutôt bien et j’oublie assez rapidement ». Comparés à d’autres, certains d’entre nous ne s’estiment pas si mauvais que cela. Est-ce votre cas ? Et vous avez probablement raison. Comparé aux vrais barbares et aux criminels, vous êtes vraiment civilisé – ou au moins à demi civilisé. En tout cas, vous n’êtes pas aussi mauvais que vous pourriez l’être. Vous ne vous sentez pas tout à fait concerné. Peut-être un peu, mais il y a des gens qui ont bien plus besoin d’aide que vous. Parcelle de vérité ? Ceux qui se sentent relativement bons, comparés à d’autres, savent que certains comportements sont pires que d’autres. Manifester une légère irritation, ce n’est pas la même chose que mettre la vie de quelqu’un en danger, de détruire les biens d’autrui, ou de se déchaîner sur un conjoint ou un enfant. Angle mort ? Ils ne sondent pas leurs motivations assez profondément. Est-ce que votre problème, apparemment moins important, est tout de même un problème sérieux qui mérite d’être affronté ? À partir de quand le « pas-si-mal que ça » se transforme-t-il en propre justice ? 45


3. Non, je n’ai pas de problème. J’ai de bonnes raisons d’être en colère et amer. Certaines personnes reconnaissent qu’elles sont en colère, mais elles le justifient. Elles estiment avoir de bonnes raisons, et sont réfractaires à toute idée de culpabilité et de changement. « Oui, je sais que j’ai un problème de colère, mais regardez ce que les gens m’ont fait ! Cela me rend fou de voir mon conjoint ou mon patron agir comme un abruti. N’importe qui se mettrait en colère. Et que pouvez-vous attendre de moi ? Mes parents n’ont pas été des modèles ! Ma mère ne faisait que crier sur nous. Et mes parents étaient tellement injustes. Mon plus jeune frère pouvait tout se permettre, mais si quelque chose à la maison allait mal, c’était toujours de ma faute. Bien sûr que je leur en veux ! Et puis, vous savez, je descends d’une longue lignée de gens qui ne cherchent pas à contrôler leurs émotions. Ce n’est pas vraiment important pour nous. Je suis comme ça, c’est mon caractère, c’est tout. » Justifiez-vous votre colère par la liste des griefs, des raisons, des « mais » et des « parce que » ? Si seulement les autres changeaient, si les choses avaient été différentes, si notre histoire et l’éducation reçue n’avaient pas fait de vous ce que vous êtes, alors vous n’auriez pas de problème avec la colère… Parcelle de vérité ? Ceux qui avancent des raisons pour justifier leur colère savent que nous sommes parfois victimes du mal que nous causent les autres – parfois un mal cruel. Ils savent que la colère éclate généralement en réaction à une provocation. Ils savent que le tempérament d’une personne ainsi que son arrièreplan culturel influencent son expérience de la colère et la manière dont elle l’exprime. Angle mort ? Ils réagissent comme si on pouvait réparer une injustice avec une autre injustice, ou vingt autres ! Ils ne tiennent pas compte du fait que même si accuser l’autre semble plausible, il n’en demeure pas moins que nous nous trompons nous-mêmes à notre sujet. Est-il possible d'avoir à la fois partiellement raison et tout à fait tort ? Cela nous arrive à nous tous constamment. 46


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C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas nous satisfaire de réponses toutes faites ni de solutions faciles si nous voulons sagement comprendre qui nous sommes au plus profond de nous-mêmes.

4. Il m’arrive de me mettre parfois en colère, mais je ne suis pas vraiment colérique. Certains vont un pas plus loin et nient avoir un problème avec la colère : « Je ne suis pas réellement une personne en colère. Je suis fondamentalement une personne sympa. Je m’entends très bien avec mes collègues de travail. Mais ma femme est tellement pénible ! Elle n’arrête pas de parler ! Il faudrait être un saint pour ne pas réagir. Alors, c’est vrai, parfois j’en ai marre et je sors un peu de mes gonds, mais c’est uniquement lorsqu’elle me provoque. Sinon, quand je suis seul, je suis facile à vivre ». C’est comme si la colère venait agresser l’individu de l’extérieur et maîtrisait à son insu un innocent qui n’est pas naturellement colérique. Est-ce votre cas ? Votre colère ressemble-t-elle à un intrus étranger, un terroriste qui prend le contrôle de votre avion et vous précipite contre un immeuble ? En somme, ce n’est pas vraiment vous. Le coupable, c’est votre conjoint, c’est cet adolescent (ou ce parent) qui ne comprend rien à rien, ce patron (ou employé, ou collègue) impossible à vivre, ce pasteur (ou membre d’église) insupportable. Vous n’avez pas vraiment de problème ; tout est de leur faute. Le cœur du problème sérieux que vous voyez, ce sont tous ces offenseurs qui ne cessent de vous provoquer par leurs attitudes ou leurs agissements. Parcelle de vérité ? Ceux pour qui la colère ressemble à un envahisseur extérieur savent que nous réagissons différemment selon les personnes en face de nous, que les autres peuvent nous faire du mal, et que nos actions et nos réactions peuvent contredire nos intentions conscientes. Angle mort ? Ils ne se regardent pas dans le miroir afin d’assumer leurs propres responsabilités. Êtes-vous vraiment ce 47


« type sympa » ou cette « fille adorable » ? Votre colère est-elle seulement une anomalie, un envahisseur étranger, la réaction à la faute des autres ?

5. Absolument pas ! J’ai trouvé que la colère est la solution efficace pour affronter les problèmes personnels et les injustices sociales. Et il y a ceux qui considèrent la colère non comme un problème mais comme une solution. « J’avais l’habitude de maintenir le statu quo, jusqu’au jour où j’ai eu comme une révélation. J’ai vu combien de fois j’ai tenu le rôle de la victime et cru les mensonges que les gens me racontaient. J’étais passif, un paillasson. Le fait d’être à l’écoute de ma colère m’a donné de l’énergie, une nouvelle identité et une raison d’être. Je n’accepte plus d’être manipulé. J’ai appris à me défendre, à défendre mes opinions, ce que je crois juste et ce que je veux. » Est-ce votre cas ? La colère paraît tellement juste, tellement libératrice. Elle vous donne l’énergie pour agir en faveur de ce que vous considérez comme une juste cause. Et vous avez peutêtre raison. Vous vous êtes engagés dans un groupement contre différentes formes d’injustices tel « les mères contre l’alcool au volant ». Vous luttez pour plus de justice raciale et économique. Vous œuvrez pour défendre les femmes contre le sexisme. Vous combattez toutes les violences faites aux enfants. « Nous », les justes, nous prenons position contre « eux », les coupables de ces pratiques abominables. Comment est-ce possible qu’une attitude qui semble si juste puisse être mauvaise ? Il se peut que vous ayez partiellement raison – mais peut-être avez-vous aussi partiellement tort. Avezvous déjà remarqué combien il est dangereux d’avoir raison (ou de penser avoir raison) ? Quand on croit avoir raison, combien il est facile de tomber dans l’arrogance, de cultiver un esprit de jugement, de s’apitoyer sur soi-même, et commencer à croire que 48


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tout vous est dû ! Qu’il est facile alors pour le timide de devenir mordant ! Pour l’agressé de devenir agresseur. Parcelle de vérité ? Ceux, pour qui la colère investit de puissance celui qui cherche à écraser l’injustice, savent que la colère peut se justifier et peut déboucher sur des actions constructives. Pour eux, la colère devrait d’ailleurs toujours stimuler à l’action afin de redresser les torts. Angle mort ? L’individu qui adopte ce point de vue ne se rend pas compte à quel point l’opprimé se transforme rapidement en agresseur, avec quelle subtilité l’arrogance nous rend aveugles, et combien la colère contre de réels maux devient, elle-même, insensiblement un vrai mal. Avez-vous raison devant les torts, mais tort dans votre manière d’avoir raison ?

6. La colère ? Je me mets rarement en colère. Ma vie est plutôt agréable, et je m’efforce de ne pas donner trop d’importance à mes problèmes. Certaines personnes peuvent être surprises d’apprendre qu’elles ont un problème avec la colère. « Je suis fondamentalement paisible et facile à vivre. Ma devise ? “Vivre et laisser vivre”. Je n’exige pas grand-chose des autres. Peu de choses me mettent en colère. Quand un désagrément survient, je le relativise en me disant : “C’est la vie. C’est sans importance. Ça ne vaut pas la peine de s’énerver”. Je m’entends bien avec la plupart des gens que je côtoie. J’essaie de voir le meilleur en eux, de faire ce qui est constructif et de voir le bon côté des choses. Je suis d’une nature optimiste. Par principe, je vois le verre à moitié plein, et j’ai toujours bon espoir que les choses vont s’arranger. J’ai reçu beaucoup plus que ce que je méritais, et j’ai accompli beaucoup plus de choses que je n’aurais imaginé pouvoir accomplir. Je n’ai vraiment aucune raison de m’emporter. Je n’ai jamais fulminé, tempêté ni gardé rancune très longtemps. » Si vous ne prenez pas les choses à cœur, vous ne vous mettez pas en colère. Est-ce votre cas ? Vous êtes peut-être né avec un 49


bon caractère, un tempérament facile à contenter. Mais vous ne savez pas vous identifier. Vous vous êtes même quelque peu adouci au fil des années, et vous avez appris à être plus philosophe face à la vie. Vous avez probablement appris à vivre détaché des choses, à vous contrôler, à vous calmer. Vous pratiquez peut-être le yoga, et vous avez appris à respirer profondément. Vous buvez peut-être un verre de temps à autre afin de vous apaiser, ou vous avalez un calmant. Mais il se peut aussi que vous ayez été épargné par les circonstances. Quoi qu’il en soit, l’affirmation que vous pourriez avoir un problème avec la colère – et surtout un sérieux problème – ne semble pas vous correspondre. Vous avez peut-être raison. Certes, vous ne réagissez pas au quart de tour. Mais se pourrait-il que le problème soit ailleurs ? Êtes-vous sous-réactif ou non-réactif ? Êtes-vous trop décontracté et indifférent ? Conservez-vous votre calme alors que vous devriez réagir – et peut-être même avec force et vigueur ? Est-ce que vous vous protégez des misères de la vie en vous cachant derrière plusieurs épaisseurs d’isolation ? Parcelle de vérité ? Ceux qui voient la colère chez les autres comme un signe de manque de maturité savent que des désirs irréfléchis et des attentes déplacées provoquent des colères horribles et futiles. Souvent, nous n’avons vraiment aucune raison de nous irriter. Angle mort ? Les gens de cette sorte, calmes à l’excès, ont du mal à comprendre que les êtres humains devraient suffisamment prendre les autres à cœur pour se mettre parfois en colère. Ils gardent leurs distances avec les vicissitudes de la vie afin de conserver une vie paisible. Et ils ne voient pas les formes plus subtiles de la colère qui les habitent, comme un virus qui incube dans un coin de leur organisme. Ou est-ce l’indifférence qui me tient éloigné de ce à quoi je devrais être connecté ? Ce sont là six réactions habituelles. L’une d’elles correspondelle à votre tendance ? Mais avant de clore cette section, j’aimerais ajouter une autre variable importante. 50


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Lorsque la colère est dirigée contre vous Il est possible que votre relation à la colère prenne une forme encore différente. Vous avez un sérieux problème avec la colère… la colère qu’un autre dirige contre vous. Si c’est votre cas, vous êtes en bonne compagnie. Pour bon nombre de personnes, le problème immédiat que leur pose la colère n’est pas celle qu’ils ont contre quelqu’un mais celle que les autres ont contre eux. Ils disent par exemple : « Je marche sur des œufs. Je ne sais jamais quand le volcan va entrer en éruption. Il (ou elle) est tellement versatile, tellement intimidant ou despotique. C’est angoissant, injuste et étouffant. Je me sens abattu, et si je ne fais pas attention, je serai agressé. Oui, je réagis alors par la colère. Mais ma peur et ma blessure sont plus présentes dans mon esprit que ma colère. Je n’ose pas exprimer mon irritation, pas même le moindre désaccord. Parfois, je ne sais même plus ce que je veux. On mange italien ou chinois ce soir ? Je ne cherche nullement à savoir ce que je préfère, et encore moins à l’exprimer. Je m’incline tout simplement. Je ne sais que faire. Je me sens paralysé, impuissant de vivre dans cette atmosphère hostile. Parfois je me dis que tout ça c’est de ma faute, et c’est d’ailleurs ce dont je suis accusé. Si seulement j’étais différent, alors l’autre ne serait pas si infect et si violent. Dans mes meilleurs moments de lucidité, je me rends compte que je suis manipulé par sa colère, et je ne trouve aucune excuse à sa manière de me traiter. » Est-ce votre cas ? Êtes-vous davantage la cible que la source de la colère violente ? Ceux qui subissent les assauts de la colère d’autrui savent combien il peut être douloureux et intimidant d’être traité avec colère. Les agresseurs et auteurs de maltraitances se servent de la colère comme d’un jeu de pouvoir, un moyen de manipuler, de « gagner ». Leur colère est cruelle, menaçante, écrasante. Il se peut très bien qu’en ce moment votre plus grand problème ne soit pas votre propre colère. La priorité pour vous est alors de trouver un moyen de vous protéger et de protéger ceux qui vous entourent. Ensuite, vous aurez besoin d’une aide à long terme 51


pour comprendre vos peurs, votre honte ou votre sentiment d’impuissance face aux agressions d’autrui. Cherchez un conseiller, un pasteur ou un ami, quelqu’un en qui vous avez confiance, et parlez-lui de votre problème. Et n’hésitez pas à faire appel aux autorités si vous vous sentez menacé (ou si votre entourage est menacé). Mais j’espère que vous continuerez aussi à lire ce livre. Il pourrait vous aider à grandir en sagesse. Votre propre colère devant les injustices dont vous êtes victime peut devenir rédemptrice dans les mains de votre Rédempteur. n n n n

À vous la parole 1. Une ou plusieurs des réactions typiques décrites dans ce chapitre décrivent-elles votre réaction quand les choses vont mal ? Ou êtes-vous une combinaison de deux ou trois de ces réactions ? (On ne peut jamais classer les êtres humains dans des catégories nettement définies.) Où est-ce la colère dont vous êtes victime qui est votre problème majeur ? 2. Pouvez-vous décrire avec vos propres mots votre expérience de la colère ? 3. Votre expérience est différente de la mienne. Mais de bien des manières, chacune de ces réactions incarne un peu ce que j’entends par « un sérieux problème ». Chaque réaction paraît initialement logique. Intérieurement, nous estimons habituellement que notre colère est une réaction justifiée. Mais chaque réaction se désagrège, se fracture, part à contretemps, et rate sa cible, comme le constatent ceux qui nous connaissent, nous observent et nous voient en action. Notre colère est en 52


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fait un bric-à-brac. L’un des objectifs de ce livre est de commencer à faire le tri avec vous.

Je me permets donc à nouveau de vous poser la question : êtes-vous d’accord avec l’affirmation selon laquelle vous avez un problème avec la colère ? Peut-être ne le qualifiez-vous pas de sérieux, mais j’espère qu’au moins vous reconnaissez avoir un problème. Nous avons tous un problème avec la colère. L’aveu de votre besoin d’aide et de changement constitue la première étape dans la recherche d’aide. Quelle est la réaction qui décrit le mieux votre attitude devant l’affirmation : « Vous avez un sérieux problème avec la colère » ?

4. Qu’avez-vous surligné en lisant ce chapitre ? Pourquoi avez-vous mis ces phrases en valeur ? 5. Certains OMS (« Oui-Mais-Si ») ont-ils raisonné en vous dans ce chapitre ? 6. Après le « Notre Père », la prière la plus connue est sans doute celle de François d’Assise qui aspire à une meilleure façon d’agir et de réagir face aux difficultés, crispations et maux de la vie auxquels nous faisons face. Notez ce qu’il demande : Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix. Là où il y a de la haine, que je mette l’amour. Là où il y a l’offense, que je mette le pardon. Là où il y a la discorde, que je mette l’union. Là où il y a l’erreur, que je mette la vérité. Là où il y a le doute, que je mette la foi. Là où il y a le désespoir, que je mette l’espérance. Là où il y a les ténèbres, que je mette la lumière. Là où il y a la tristesse, que je mette la joie. Ô Maître, que je ne cherche pas tant

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à être consolé qu’à consoler, à être compris qu’à comprendre, à être aimé qu’à aimer, car, c’est en donnant qu’on reçoit, c’est en s’oubliant qu’on se retrouve, c’est en pardonnant qu’on est pardonné, c’est en mourant qu’on ressuscite à la vie éternelle.

Remarquez chaque terme en gras. Chacun d’entre eux décrit l’opposé d’une colère tumultueuse, désordonnée, réactionnaire. Demander à nouveau de l’aide : Fais de moi mette .

54

. Que je



Du plus jeune nourrisson au plus vénérable grandpère, la colère est une expérience humaine universelle. Nous nous mettons tous en colère, souvent de la mauvaise manière. Mais la colère peut être une façon légitime de réagir face au mal et une puissante motivation à l’action en faveur des victimes d’injustices.

D AV I D P O W L I S O N

DAV I D POWLISON

C E Q U E DI E U VE U T FA I RE DE VOT RE C O L È RE , I RRI TAT I O N ET A ME RT UME

D A V I D

P O W L I S O N

David Powlison affirme que la colère n’est pas « un problème à régler », quelque chose dont nous devons nous débarrasser. La colère est une réponse complexe d’êtres humains qui vivent dans un monde complexe. Nous devons apprendre à la gérer pour qu’elle produise de beaux fruits. L’auteur examine les racines de la colère en portant son regard à un endroit très surprenant : la colère de Dieu lui-même. Powlison rappelle que Dieu se met lui aussi en colère. Mais la colère de Dieu ne se transforme pas en manipulation ou en tentative de contrôle. Non, sa colère est bonne et source de rédemption. Il est à la fois notre modèle pour le changement mais aussi la puissance qui permet ce changement.

David Powlison est directeur de la Christian Counseling & Educational Foundation (CCEF) créée il y a près de cinquante ans dans le but de former à la relation d’aide et d’apporter un soutien psychologique et pastoral enraciné dans la Bible. Il a écrit plusieurs livres sur la relation entre foi et psychologie.

Chrétien en colère vous aidera à exprimer plus souvent votre colère de manière juste, constructive et qui portera de beaux fruits. Powlison offre des conseils pratiques à ceux qui luttent avec l’irritation, le mécontentement ou l’amertume et une aide avisée pour réagir de manière constructive quand les choses ne se passent pas comme vous l’auriez aimé.

19,90€

ISBN 978-2-36249-456-7

9

782362

494567

Ce que Dieu veut faire de votre colère, irritation et amertume


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