Ils ont influencé la société de leur époque et pourtant ils étaient comme nous, des gens ordinaires. George Müller, Henry Dunant ou encore Pandita Ramabai étaient remplis de foi. Ils se sont tous consacrés à Jésus dans leur quotidien. Découvrez les portraits de 31 personnages audacieux qui ont mis leur foi en action en aimant leur prochain de manière concrète.
Leur action sociale a marqué des générations, alors… pourquoi pas vous ? Laissez-vous inspirer par ces hommes et ces femmes qui se sont laissé utiliser par Dieu.
Nicolas Fouquet est diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Strasbourg. Il a suivi une spécialisation en relations internationales. Il est désormais en charge de l’éducation au développement au sein du SEL et a pour mission d’encourager la réflexion sur les questions de pauvreté et de développement.
NICOLAS FOUQUET
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— WILLIAM CAREY
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Attendez de grandes choses de Dieu, entreprenez de grandes choses pour Dieu.
NICOLAS FOUQUET
31 CHRÉTIENS MONTRENT LA VOIE DE LA SOLIDARITÉ Préface de PRÉFACE
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ISBN 978-2-36249-445-1 ISBN 978-2-36249-445-1
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782362
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DE
Denis Mukwege
DENIS MUKWEGE « L’HOMME QUI RÉPARE LES FEMMES » PRIX SAKHAROV
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NICOLAS FOUQUET
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31 CHRÉTIENS MONTRENT LA VOIE DE LA SOLIDARITÉ
Ils ont aimé leur prochain : 31 chrétiens montrent la voie de la solidarité Nicolas Fouquet © 2017 • BLF Éditions • www.blfeditions.com Rue de Maubeuge • 59164 Marpent • France Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés. Illustrations : Emmanuel Bossanne Couverture et mise en page : Emmanuel Bossanne et BLF Éditions Impression n° XXXX • IMEAF • 26160 La Bégude de Mazenc Sauf mention contraire, les citations bibliques sont tirées de la Bible version Segond 21, © 2007 Société biblique de Genève. Reproduit avec aimable autorisation. Les autres versions sont indiquées en toutes lettres. ISBN 978-2-36249-445-1 ISBN 978-2-36249-446-8
broché numérique
Dépôt légal 4e trimestre 2017 Index Dewey : 261.8 (cdd23) Mots-clés : 1. Problèmes socio-économiques. Christianisme. 2. Solidarité. 3. Biographies. Méditation.
Table des matières Préface......................................................................................................... 9 Introduction . . ........................................................................................... 15
Martin de Tours Le charitable et légendaire soldat à la tunique. . ........... 18
Basile de Césarée Le prédicateur de l’aumône......................................................... 22
Jean Chrysostome Le patriarche à la « bouche d’or » ......................................... 26
Pierre Valdo L’initiateur d’un retour à l’Évangile............................................ 30
August Hermann Francke Le père des orphelins de Halle.................................................. 34
John Wesley Le chef de file du réveil méthodiste.. ....................................... 38
Jean-Frédéric Oberlin Le pasteur dévoué au bien de ses paroissiens. . .............. 42
William Wilberforce Le marathonien de l’abolition de l’esclavage.................. 46
William Carey L’autodidacte qui a renouvelé l’intérêt pour la mission . . ... 50
Elizabeth Fry L’ange des prisons.............................................................................. 54
Félix Neff L’Oberlin des Hautes-Alpes........................................................... 58
Anthony Ashley-Cooper Le philanthrope du Parlement britannique........................... 62
George Müller L’apôtre de la confiance en Dieu. . ........................................... 66
Caroline Malvesin La cofondatrice des Diaconesses de Reuilly. . ................... 70
Alexandre Lombard Le partisan de la sanctification du dimanche. . ................. 74
John Bost Le militant de l’accueil pour tous.............................................. 78
Josephine Butler La protectrice des prostituées. . .................................................. 82
Henry Dunant Le fondateur de la Croix-Rouge................................................ 86
William Booth Le Général de l’Armée du Salut................................................. 90
Louis-Lucien Rochat Le promoteur de la tempérance................................................ 94
Pandita Ramabai La bienfaitrice des veuves hindoues....................................... 98
Mathilda Wrede La confidente des prisonniers finlandais. . .......................... 102
Philadelphe Delord L’ami des lépreux . . ............................................................................. 106
Lillian Trasher La mère du Nil.................................................................................... 110
Everett Swanson L’évangéliste à l’origine de Compassion........................... 114
Martin Luther King Le leader des droits civiques.. .................................................. 118
Jackie Pullinger La missionnaire de la citadelle de Kowloon . . .................. 122
Denis Mukwege Le garde du corps des femmes.. .............................................. 126
Marthe Girard La bénédiction des enfants « maudits » ............................ 130
Lucien Ahouandjinou Le bon et fidèle serviteur du Bénin....................................... 134
Et moi, dans tout ça ?.................................................................... 138 Le SEL et ses plateformes françaises associées............ 143 Bibliographie...................................................................................... 149
Préface Notre monde est dans l’impasse. Les crises financières et humanitaires se succèdent et provoquent toujours plus d’inégalités. Des populations entières sont dans la détresse, forcées de fuir la violence, les persécutions et les guerres. Les capacités d’accueil du monde et de l’Église sont mises au défi par les crises migratoires provoquées par toutes sortes de conflits. Face à ces immenses défis, les chrétiens doivent-ils se replier sur eux-mêmes et rester dans l’immobilisme dans l’attente du retour du Christ ? Face à notre monde en proie à la violence, l’injustice et la famine, quel devrait être le rôle prophétique de l’Église ? Que peuvent faire les chrétiens pour tendre vers la liberté, la justice, la paix et la solidarité dans un monde défiguré ? Nicolas Fouquet nous livre de beaux exemples de compassion, de justice et de vies sacrifiées pour le triomphe de la solidarité. Ces chrétiens ont combattu efficacement contre les forces oppressives de l’esclavage, de l’injustice, de la prostitution pour la cause des plus vulnérables. Ils ont pris conscience de leur souffrance, et leur indignation face à la pauvreté et aux systèmes d’oppression les a poussés à lutter pour la dignité des plus démunis. Leur combat s’inspire de l’Évangile et de l’histoire apostolique dans le but d’exorciser la violence, la pauvreté et l’injustice et d’obtenir plus de paix, de justice et de dignité. À leurs yeux, la solidarité revient à respecter la dignité d’une personne. Ce respect de la dignité de l’être humain constitue la base des droits humains. Ainsi, ces lettres ouvertes du Christ (2 Corinthiens 3 : 3) ont témoigné l’amour et la compassion et ont montré le chemin de la solidarité. 9
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LEUR
Leur vie est une lettre au monde, une lettre à tous, une lettre à notre société. Quelles sont leurs convictions ? D’où vient cette solidarité ? Ces chrétiens n’ont jamais prétendu l’avoir inventée : Jésus lui-même était leur source d’inspiration. Très tôt, ils ont compris que l’amour enseigné par l’Évangile est l’une des armes les plus redoutables dont dispose chaque chrétien. Chacun d’entre eux a alors cherché à appliquer l’enseignement du Christ à la situation concrète de son temps et de son espace. Nous savons par exemple que William Wilberforce, porte-parole et instigateur de l’abolition de l’esclavage, se laissait diriger par l’amour. En d’autres termes, le Christ lui fournissait l’esprit et la motivation nécessaires pour combattre. L’amour, cette force créatrice tellement remarquable dans la vie du Christ, est l’instrument le plus puissant de ces héros de la foi épris de paix, de justice et de compassion. Ils étaient animés par une loi plus haute qui ne cherche pas à vaincre le mal par le mal, mais à surmonter la haine par l’amour. Ils ont su montrer l’utilité sociale de l’enseignement du Christ sur l’amour de l’ennemi. Et si l’on devait transposer la Bible à notre époque, ces chrétiens feraient certainement partie des héros de la foi du chapitre 11 de l’épître aux Hébreux. Ils ont aimé leur prochain montre comment des chrétiens ont laissé leurs convictions religieuses devenir une source de solidarité et d’engagement social. Dans un monde de plus en plus nihiliste et individualiste où les convictions religieuses relèvent de plus en plus du domaine privé, il est difficile de faire de sa conviction religieuse la source d’une pratique publique. Ils ont aimé leur prochain invite à envisager d’une autre manière le lien entre l’espace privé et l’espace public. Plus qu’une invitation, c’est une interpellation. L’Église dans son 10
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ensemble doit assumer sa part de responsabilité face à la situation chaotique du monde actuel. La foi ne relève pas seulement de la sphère privée, mais elle doit être au cœur de la société. Comment se fait-il que nous soyons si peu conscients de notre propre rôle dans le monde ? Nous sommes pourtant appelés à ne pas faire de notre foi une question privée, à aller au-delà des rites, des pratiques dominicales et de la seule rectitude doctrinale. Si seulement tous les chrétiens dans le monde étaient animés d’un tel esprit d’amour ! Serions-nous capables d’essayer la solidarité ? Dans les camps de réfugiés où les femmes et les enfants manquent de nourriture, les chrétiens ont là une occasion à ne pas rater pour briller dans les ténèbres. La théologie de la solidarité, si nous osions ainsi l’appeler, serait l’occasion de redorer le blason terni de l’Église. Dans un monde de crise économique, où les disparités entre pays et continents sont un véritable scandale et une source d’injustice, l’Église ne pourrait-elle pas proposer un nouveau modèle économique construit sur l’amour plutôt que sur la croissance et la compétition ? Plus que jamais, le message de l’Évangile reste valable et crédible. Les prisons et les lois ne peuvent changer les cœurs, même si elles restent des pédagogues en retenant les sans-cœur. Les lois humaines restent importantes et utiles en assurant la justice ; mais seule une loi invisible et intérieure peut produire l’amour, l’arme la plus puissante de transformation personnelle et sociale pour toute l’humanité. Certes, l’Église n’a pas été toujours à la hauteur de son appel, mais notre monde a plus que jamais besoin d’hommes et de femmes comme ces chrétiens ordinaires – qui, avec l’aide de Dieu, ont fait des choses extraordinaires. L’Église a encore un rôle capital à jouer dans notre monde. Ne perdons jamais de vue que le christianisme n’a jamais été sans conséquences sociopolitiques. Et s’il a cru l’être, il s’est sûrement trompé sur sa mission, voire sa nature même. 11
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Si l’Église n’est pas capable en tant qu’institution divine de se mobiliser pour défendre les valeurs qu’elle est censée promouvoir, alors les chrétiens seront toujours suspectés de poursuivre des buts égoïstes. Ils rendront ainsi le message de l’Évangile caduc et irrecevable. À l’heure où le monde se questionne sur les flux migratoires et peine à proposer une solution durable, Ils ont aimé leur prochain renvoie l’Église à sa propre histoire et témoigne d’une actualité d’autant plus brûlante qu’elle est souvent oubliée : la solidarité empreinte d’amour et de compassion, cette aptitude à s’identifier à la souffrance d’autrui. À nous d’apprendre à tendre la main aux personnes qui souffrent, aux personnes qui sont dans le besoin. N’oublions pas qu’un simple sourire, une bonne parole peut relever une personne tombée très bas. Dès maintenant, soyons la réponse à la prière des plus vulnérables.
– Denis Mukwege1
Chirurgien gynécologue et lauréat du prix Sakharov 2014
1
Découvrez le portrait de Denis Mukwege à la page 126.
12
Introduction À l'occasion des 500 ans de la Réforme protestante, nous souhaitons mettre à l’honneur des hommes et des femmes remarquables qui ont œuvré dans le domaine de la solidarité. La plupart d’entre eux s’inscrivent dans le courant du protestantisme, mais certains l’ont précédé. Quoi qu’il en soit, ils ont tous payé de leur personne et ont tous été guidés par une foi s’exprimant à travers des œuvres. Aujourd’hui encore, ces figures chrétiennes peuvent nous inspirer dans nos engagements contre la pauvreté et les injustices. Une des spécificités du réveil protestant a été de mettre en avant la grâce de Dieu, qui nous offre le salut immérité (sola gratia) quels que soient nos « mérites » ou nos œuvres. En même temps, les héros de la solidarité de cet ouvrage se sont appuyés sur cette grâce pour accomplir des œuvres merveilleuses motivées par l’amour du prochain. Le texte d’Éphésiens 2 : 8-10 montre bien le rapport particulier que le protestant entretient avec les « œuvres » : C’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Ce n’est pas par les œuvres, afin que personne ne puisse se vanter. En réalité, c’est lui qui nous a faits ; nous avons été créés en Jésus-Christ pour des œuvres bonnes que Dieu a préparées d’avance afin que nous les pratiquions.
L’objectif de ce livre est donc non seulement de faire (re) découvrir quelques figures du passé, mais aussi d’interpeller le lecteur par leur vie. Nous avons ainsi essayé d’être le plus juste possible dans une sélection qu’il est toujours difficile d’effectuer sans oubli ou partialité. Par ailleurs, je tiens tout particulièrement à remercier l’auteur de cet ouvrage, Nicolas Fouquet, qui a été à l’origine de ce beau projet et qui a su le mener à terme. 15
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Je vous souhaite de connaître, peut-être avec surprise, la vie de personnes parfois tombées dans l’oubli, et qui méritent pourtant tout notre intérêt. Que nous puissions y voir des exemples inspirants et louer Dieu pour son action au travers des siècles dans le domaine de la solidarité. Au cours de mes voyages et par divers témoignages, j’ai eu le privilège de faire connaissance avec de nombreux hommes et femmes exceptionnels – de quoi écrire des volumes ! Au SEL, nous sommes fiers d’être en partenariat avec certains d’entre eux. Qu’il s’agisse de personnes encore vivantes ou de figures du passé, je suis en tout cas frappé par la diversité de ces acteurs de la solidarité : des hommes et des femmes, de dénominations et de pays différents… La solidarité n’a pas de frontières, si ce n’est celles qui sont en nous-mêmes. Et ce n’est pas une curiosité historique : aujourd’hui, au moment où vous lisez ces lignes, des hommes et des femmes, en France et partout dans le monde, portent le même héritage protestant et mettent en pratique une même foi vivante au service de leur prochain. Cette histoire chrétienne sociale est en train de s’écrire, passant d’un siècle à l’autre, de continent à continent, de communauté à communauté. Elle s’écrit non pas pour l’histoire, mais pour le bien de personnes en souffrance, de multiples manières et pour la gloire de Dieu, selon ce que nous dit l’Évangile : « Que, de la même manière, votre lumière brille devant les hommes afin qu’ils voient votre belle manière d’agir et qu’ainsi ils célèbrent la gloire de votre Père céleste » (Matthieu 5 : 16).
– Patrick Guiborat
Directeur général du SEL
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MARTIN
DE TOURS (316-397)
Je vais où le Seigneur m'appelle [...] Le Seigneur est mon soutien. Je n'ai pas peur de ce que les hommes peuvent me faire.
Le charitable et légendaire soldat à la tunique Martin de Tours est l’une des figures les plus importantes de l’Église ancienne. Il aurait réalisé de nombreux miracles et est principalement connu aujourd’hui pour avoir partagé sa tunique avec un miséreux. La cape de Martin de Tours aurait par la suite été envoyée comme relique à Aix-la-Chapelle et expliquerait l’étymologie du nom de la ville – « chapelle » étant un dérivé du latin capella. Cet épisode témoigne ainsi de la générosité de l’homme autant que de son influence sur notre vocabulaire actuel.
***
L’histoire du manteau de Martin de Tours et le rôle fondateur de cet homme dans l’implantation du monachisme1 en Gaule l’ont rendu célèbre. Mais il faut savoir qu’il n’est pas toujours facile de discerner ce qui relève de la légende ou de la réalité dans sa biographie. En effet, les sources relatant son parcours sont peu nombreuses. Elles se résument essentiellement à une hagiographie2 que lui a consacré l’un de ses disciples, Sulpice Sévère. Son histoire a donc probablement été romancée. Figure centrale de l’histoire de France, Martin ne serait en réalité pas né en Gaule, mais dans une ville de l’actuelle Hongrie. On considère généralement qu’il est né en 316 de parents incroyants. Son père est officier dans l’armée romaine et, malgré son désir précoce de servir Dieu, Martin s’engage à son tour comme soldat. Dès sa jeunesse, Martin fait preuve d’amour envers son prochain. Il visite les malades, aide les pauvres et nourrit ceux qui ont faim. Il semblerait même qu’il traite comme son frère l’esclave qu’il a à son service. Et s’il gagne de l’argent, il garde pour lui seulement le nécessaire et distribue le reste. Ces différentes actions lui vaudront le surnom de « Martin le Miséricordieux » ! 1 2
Le monachisme fait référence au mode de vie et de spiritualité des moines. Une hagiographie est un texte relatant la vie d’un saint. Par extension, il s’agit aussi d’une biographie particulièrement élogieuse.
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C’est surtout la célèbre image du soldat partageant sa tunique qui en fera un modèle de solidarité. Un soir de l’hiver 334, alors qu’il est affecté à Amiens, Martin rencontre dans la rue une personne démunie. Mais il n’a plus un sou en poche car il a déjà tout distribué. Il ne lui reste que son manteau qu’il coupe alors en deux pour en donner la moitié au malheureux. La nuit suivante, le Christ lui apparaît dans une vision et lui déclare : « Ce pauvre que tu as vêtu, c’est moi-même3 ». Certains biographes estiment que Martin quitte rapidement l’armée suite à cet épisode, alors que d’autres pensent qu’il y reste encore plusieurs années. Quoi qu’il en soit, Martin continue son cheminement et son baptême coïncide avec le moment où il dépose les armes. Il commence par s’installer à Poitiers où il rejoint Hilaire, l’évêque de la ville. Mais un jour, il a la conviction qu’il doit retourner voir ses parents pour qu’ils se convertissent. Il entreprend ce long voyage, fait face à de nombreuses péripéties, mais, en fin de compte, seule sa mère deviendra chrétienne. Il retourne alors à Poitiers où il fonde un premier monastère avec l’aide de quelques disciples. En 371, l’évêque de Tours décède. Sous la pression populaire, Martin lui succède, même si ce n’est pas vraiment sa volonté première. Il change de statut mais reste fidèle à son idéal de pauvreté et à sa discipline ascétique4. Cette nomination n’est pas tellement appréciée des autres évêques dont le train de vie est beaucoup plus luxueux. Par la suite, Martin continue à implanter de nouveaux monastères, à propager l’Évangile et à réaliser de nombreux miracles. À l’approche de sa mort en 397, il s’en remet à la volonté divine : « Seigneur, si je suis encore nécessaire à ton peuple, je ne refuse pas le travail. Que ta volonté soit faite ».
3 4
Cette citation correspond à une adaptation libre d’un verset de l’Évangile (Matthieu 25 : 40). Dans le langage courant, un ascète est une personne qui mène une vie austère, qui consomme peu et qui rencontre peu de monde.
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M artin de T ours
Réflexion Même si le parcours de Martin de Tours contient des zones d’ombre, il reste néanmoins très inspirant. Certains épisodes de son histoire font écho à des textes bibliques bien connus que nous devons, nous aussi, chercher à appliquer dans nos vies. L’image célèbre du soldat partageant sa tunique est ainsi une belle illustration du verset 7 d’Ésaïe 58 : « Partage ton pain avec celui qui a faim et fais entrer chez toi les pauvres sans foyer ! Quand tu vois un homme nu, couvre-le ! Ne cherche pas à éviter celui qui est fait de la même chair que toi ! ». La Bible ordonne aux chrétiens de passer à l’action et de soulager les souffrances de ceux qui les entourent, qu’ils soient croyants ou non. En effet, tous les êtres humains sont créés à l’image de Dieu. Nous ne pouvons donc pas rester indifférents face aux besoins. Et si Dieu nous donne les moyens d’y répondre, ne nous contentons pas d’observer. Agissons ! Nous pensons généralement que, pour ne pas pécher, il suffit de ne pas commettre de « mauvaises actions ». Mais la Bible dépasse cette compréhension et va bien plus loin. L’épître de Jacques rappelle tout particulièrement la nécessité de traduire notre foi par des actes et de chercher à accomplir au mieux la volonté de Dieu : « Celui qui sait faire le bien et ne le fait pas, se rend coupable d’un péché » (Jacques 4 : 17 – Semeur).
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BASILE
DE CÉSARÉE (329-379)
L'aumône que l'on fait au pauvre est à la fois un don et un prêt à intérêt. Un don, puisqu'on n'en exige rien ; un prêt, puisque le Seigneur lui- même daigne s'établir le débiteur de ceux qui donnent.
Le prédicateur de l’aumône L’histoire des premiers siècles de l’Église n’est pas toujours bien connue des chrétiens d’aujourd’hui, et celle de Basile de Césarée ne fait pas exception. Pourtant, son apport est tel qu’il a reçu de son vivant le surnom de « Basile le Grand ». De plus, il s’est rapidement imposé comme l’un des principaux Pères de l’Église. Ce titre est attribué aux auteurs anciens qui se sont efforcés, par leurs actes et leurs écrits, d’établir et de défendre la doctrine chrétienne.
***
D’après la tradition, Basile est originaire de Césarée, en Cappadoce, une région située dans l’actuelle Turquie, où il serait né vers l’an 329 dans une famille chrétienne plutôt fortunée. À cette époque, la ferveur religieuse a tendance à s’affaiblir, mais sa grand-mère Macrine lui transmet avec dévouement les rudiments de la foi chrétienne. Basile poursuit ses études dans les écoles les plus renommées de l’époque, à Constantinople – aujourd’hui appelée Istanbul – puis à Athènes. Il revient finalement à Césarée vers 355 pour y enseigner la rhétorique et pour commencer une carrière d’avocat. Basile est un jeune homme brillant et, malheureusement, ses premiers succès lui montent parfois à la tête. Devenues religieuses, sa mère et sa sœur l’aideront à se reprendre en main. Plus tard, il avouera avec regret au sujet de cette époque : « Je m’éveillai comme d’un profond sommeil. Je répandis d’abondantes larmes sur la vie que je venais de mener ». Renonçant alors à l’attrait des mondanités, Basile entreprend de se consacrer entièrement à Dieu et reçoit aussitôt le baptême. Plusieurs années après, Basile décide de distribuer sa fortune aux plus démunis. Ensuite, il se retire avec d’autres chrétiens pour fonder un monastère. Grégoire de Nazianze, un ami qu’il a connu durant ses études, le rejoint. Il sera lui aussi considéré comme l’un des principaux Pères de l’Église. 23
ILS ONT
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La communauté partage alors son temps entre la prière, la méditation de la parole de Dieu et les travaux manuels. Cinq ans après, Basile sort de sa retraite car Dianée, l’évêque de Césarée, est sur le point de mourir et souhaite le revoir. Après son décès, son successeur Eusèbe demande à Basile de rester pour devenir son collaborateur et l’ordonne prêtre malgré ses réticences. Les deux hommes seront parfois en conflit, mais la pression exercée par la propagation de l’arianisme finira par les rapprocher. Condamnée par le Concile de Nicée de 325, l’hérésie de l’arianisme rejette la compréhension classique et fondamentale de la Trinité. Mais, toute sa vie, Basile défendra ardemment la saine doctrine et l’unité de l’Église. Le ministère de Basile se distingue également par l’intérêt qu’il porte aux pauvres. Il commence à partager ses ressources lorsqu’il décide de devenir moine ; et, vers la fin des années 360, il organise aussi des actions de solidarité alors qu’une grande famine sévit à Césarée. Il n’hésite d’ailleurs pas à distribuer lui-même la nourriture aux habitants. Basile souhaite inscrire son engagement dans le temps. Il trouve donc les ressources nécessaires pour fonder des hospices afin d’accueillir les pauvres et les malades. Ces institutions sont totalement novatrices à son époque. De plus, cette inclinaison pour les plus démunis ne se retrouve pas seulement dans ses actions, mais également dans ses prédications. C’est pour cela qu’il est aussi surnommé le « prédicateur de l’aumône ». En 370, Basile devient évêque à la suite du décès d’Eusèbe. Il continue à œuvrer avec acharnement sur ses nombreux projets, malgré sa santé qui se fragilise. Il décède à son tour, laissant derrière lui de nombreux textes. Nous sommes le 1er janvier 379.
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B asile de C ésarée
Réflexion À cette époque, la vie solitaire était perçue comme la vie chrétienne par excellence. Suite à son baptême, Basile cherche lui-même à se retirer. Pendant deux ans, il fera le tour des monastères de l’Orient avant de fonder le sien avec quelques-uns de ses amis. Il reviendra ensuite pour s’impliquer dans la vie de la cité à Césarée. Son parcours est atypique, mais il interpelle notre façon de percevoir le rapport du chrétien au monde qui l’entoure. Peu de temps avant d’être arrêté, Jésus adresse une prière à Dieu en faveur de ses disciples. Dans sa prière, il introduit l’idée forte selon laquelle les chrétiens sont dans le monde sans être du monde : « Je ne te demande pas de les retirer du monde, mais de les préserver du mal. Ils ne sont pas du monde, tout comme moi, je ne suis pas du monde » (Jean 17 : 15-16). L’hostilité au sein de la société ne doit pas nous conduire à vivre en retrait et en sécurité dans des communautés renfermées sur elles-mêmes. Il est plaisant et même nécessaire de se ressourcer entre chrétiens. Mais, dans sa prière, Jésus rappelle que nous devons vivre pleinement dans le monde en comptant sur le secours du Père ! N’avons-nous pas parfois cette tentation de nous extraire du monde pour ne vivre qu’entre chrétiens ? Cela peut partir d’une bonne intention. Cependant, l’apôtre Paul met en garde contre une mauvaise compréhension de ce sujet (1 Corinthiens 5 : 9-11). Les communautés chrétiennes ne doivent pas s’isoler du monde, aussi mauvais soit-il, au risque de ne plus remplir leur mission !
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JEAN
CHRYSOSTOME (347-407)
Que l'on donne plus, que l'on donne moins, ce n'est pas la valeur de ce que l'on donne, c'est la générosité avec laquelle on donne qui fait le prix de la générosité.
Le patriarche à la « bouche d’or » Considéré comme l’un des principaux Pères de l’Église, Jean Chrysostome était déjà très populaire en son temps. Réputé pour son éloquence, il n’a pas craint de mettre son talent à profit pour s’opposer aux puissants de son époque. Ses discours et ses écrits engagés contribueront autant à sa renommée qu’à sa fin tragique.
***
L’année de naissance de Jean Chrysostome n’est pas précisément connue. Il serait né entre 344 et 349 dans une famille chrétienne d’Antioche, une ville à proximité de l’actuelle frontière entre la Turquie et la Syrie. Son père, officier, décède alors que Jean Chrysostome n’est encore qu’un enfant. Sa mère l’élèvera donc seule. On ne connaît que peu d’éléments concernant sa jeunesse, si ce n’est qu’il a reçu une bonne éducation. Quoi qu’il en soit, à l’âge de dix-huit ans, Jean Chrysostome choisit de croire en Jésus et demande le baptême après avoir rencontré Mélèce, l’évêque d’Antioche. Il poursuit ensuite ses études pendant trois ans. À cette époque, la vie monastique est fortement valorisée et Jean Chrysostome n’y est pas insensible. Il doit toutefois faire face à l’opposition de sa mère, et ce n’est qu’à la mort de celle-ci qu’il entreprend de vivre en ermite. Plusieurs années passent ; la fatigue et le froid commencent à avoir raison de sa santé. Il quitte alors la grotte dans laquelle il s’était installé. Durant l’hiver 380-381, Jean Chrysostome est ordonné diacre par Mélèce. Il poursuit son service au sein de l’Église et devient prêtre à environ quarante ans. Il peut ainsi prêcher et dénoncer les abus dont il est témoin. En effet, depuis qu’il est de retour à Antioche, Jean Chrysostome est confronté au luxe et aux mauvaises pratiques de ses habitants, qui consultent des enchanteurs à la moindre maladie. Ainsi, Jean Chrysostome ne craint pas de dénoncer ce qui le révolte et ses prédications se caractérisent par son franc27
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parler. Voici ce qu’il a écrit alors qu’il critiquait non pas la richesse, mais ses excès : « Ces femmes étaient vêtues de tuniques d’or et de soie, parées de diamants, et portaient à leurs oreilles la subsistance de mille pauvres ». Vers 397, Nectaire, le patriarche de Constantinople, décède et Jean Chrysostome est nommé pour lui succéder, sans même en avoir été prévenu. Il accepte ses nouvelles fonctions, mais son comportement contraste avec la pratique habituelle. Il est austère, préfère manger seul et continue de plaider la cause des plus vulnérables en joignant l’acte à la parole. Il utilise même l’argent économisé grâce à la réduction du train de vie de l’Église pour faire construire des hospices pour les malades et les plus démunis. Très apprécié par le peuple, son positionnement suscite néanmoins beaucoup de mécontentement parmi les classes supérieures de la société et les évêques. En effet, Jean Chrysostome critique leurs agissements qui sont à l’opposé des valeurs prônées par les Évangiles. Au début, Jean Chrysostome peut compter sur l’appui du couple impérial, mais il entre par la suite en violent conflit avec l’impératrice Eudoxie. Il la compare notamment à la reine Jézabel de l’Ancien Testament. Elle tentera à plusieurs reprises de le déstabiliser, mais, heureusement, Jean Chrysostome a le soutien populaire. En 403, l’impératrice fait ériger une statue pour que le peuple lui rende un culte. C’en est trop pour Jean Chrysostome qui n’hésite pas à la critiquer ouvertement dans un sermon. La réplique ne se fait pas attendre : Eudoxie s’arrange pour que le patriarche soit condamné et exilé. Âgé et malade, Jean Chrysostome décède au loin en 407, mais il sera réhabilité peu de temps après.
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J ean C hr y sostome
Réflexion Chrysostome n’est pas son véritable nom : il s’agit en fait d’un surnom qu’on lui a vraisemblablement attribué au VIe siècle. Ce mot signifie « bouche d’or » et fait référence à ses talents oratoires et à la façon dont il a pu les mettre au service des pauvres. Nous pensons presque automatiquement au don financier quand il s’agit de lutter contre la pauvreté. C’est une bonne chose, mais ce n’est pas la seule manière d’agir. Nous pouvons également devenir les porte-parole de ceux qui ne peuvent se faire entendre, auprès de notre entourage ou en participant à des plaidoyers plus structurés (signature de pétitions, envoi d’un courrier à un dirigeant politique ou encore manifestations). Cette idée de mobilisation se retrouve dans la Bible : « Ouvre ta bouche pour celui qui ne peut pas s’exprimer, pour la cause de tous les délaissés ! Ouvre ta bouche, juge avec justice et défends le malheureux et le pauvre ! » (Proverbes 31 : 8-9). Cet ordre était initialement adressé à un roi, mais il nous concerne tout autant. Nous pouvons accomplir bien plus pour faire face à la pauvreté, que ce soit par un engagement politique, par la prière ou encore par l’implication bénévole dans une association. Bien entendu, cette liste n’est pas exhaustive. Si Jean Chrysostome s’est particulièrement démarqué par l’usage de la parole, c’est grâce à ses dons et à sa position sociale. Sachant cela, que pourrions-nous entreprendre pour aider les plus vulnérables ?
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PIERRE
VALDO
(1140-1206)
À l'avenir, appelez-moi insensé quand vous me verrez encore posséder de l'argent. Mais, vous aussi, apprenez à mettre votre confiance en Dieu et non à rechercher la richesse.
L’initiateur d’un retour à l’Évangile Le ministère de Pierre Valdo a profondément marqué l’histoire du christianisme, au point que beaucoup le considèrent comme l’un des précurseurs de la Réforme. En effet, de nombreux éléments le rapprochent de Martin Luther : le retour à l’Évangile, la volonté de traduire la Bible ou encore la contestation de la papauté. Cet héritage est revendiqué et symbolisé notamment par le mémorial de Martin Luther à Worms, près de Francfort. On y voit le réformateur allemand au centre, entouré de ceux qui l’ont précédé : Jérôme Savonarole, Jan Hus, John Wycliff et Pierre Valdo !
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Pierre Valdo est une figure mystérieuse de l’histoire de l’Église. Nous ne connaissons finalement que peu de choses sur sa vie. Si ses dates de naissance et de mort sont des suppositions, son nom même fait l’objet de vifs débats. Il se nommait vraisemblablement Valdès ou Vaudès (Valdesius en latin). Son prénom lui a été attribué seulement par la suite, pour insister sur son rôle fondateur dans le mouvement, à l’image de la place que la tradition a accordé à l’apôtre Pierre dans l’Église catholique romaine. Nous n’avons pas vraiment d’indications sur ses origines, mais nous savons que Pierre Valdo est arrivé à Lyon vers 1155. À cette époque, il est marchand de profession. Ses affaires vont bon train et il devient en quelques années l’un des plus riches bourgeois de la cité. C’est vers 1170 que sa vie bascule. La mort subite de l’un de ses amis lui aurait fait prendre conscience de la fragilité de la vie. Dès lors, l’idée de la mort s’impose à lui et il se met en quête de réponses. Un jour, Pierre Valdo rencontre un chanoine 1 à qui il aurait demandé quel était le chemin le plus sûr pour avoir la vie éternelle. Le chanoine lui aurait répondu en citant une 1
Un chanoine est un membre du clergé qui fait partie du conseil d’un évêque et qui est chargé de célébrer l’office.
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parole de Jésus : « Si tu veux être parfait, va vendre ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel » (Matthieu 19 : 21). Pour Pierre Valdo, c’est une révélation ! Il applique littéralement ce texte des Écritures : il vend tous ses biens et distribue l’ensemble de ses ressources aux plus pauvres, après avoir veillé à subvenir aux besoins de sa femme et de ses enfants. Pierre Valdo vit grâce aux aumônes. Il s’applique également à faire traduire en langue vulgaire2 un certain nombre de textes bibliques qu’il va ensuite étudier. Déterminé, il ne s’arrête pas là et commence à prêcher dans les rues alors qu’il est un laïc – en d’autres termes, il ne fait pas partie du clergé. Pour l’époque, c’est révolutionnaire ! Sa démarche rencontre un certain succès et quelques personnes le suivront. Pierre Valdo peut alors concrétiser son idéal : former une communauté semblable à celle des premiers disciples du Christ ! Il dira : « Notre but est de ramener l’Église à ses sources primitives, de vivre et de faire vivre le christianisme des premiers siècles ». C’est ainsi que naît le mouvement des Pauvres de Lyon. Son entreprise ne laisse pas indifférent et commence aussi à susciter de l’opposition. Au début, l’Église était favorable à cette initiative, mais, à présent, les choses ont changé : celle-ci s’inquiète de plus en plus de la remise en question que suscite la prédication de Pierre Valdo – que ce soit sur le sacerdoce universel des croyants et la place de la tradition, ou encore son insistance sur la vie de pauvreté. Après quelques mises en garde, Pierre Valdo est finalement excommunié à la suite du concile de Vérone, vers 1184. Lui et ses amis sont chassés de Lyon et se dispersent dans les régions environnantes, notamment dans les hautes vallées des Alpes françaises et italiennes. La persécution les frappe, certains sont exécutés, mais un mouvement est né : celui des Vaudois ! 2
À l’époque, les textes bibliques sont traduits en latin. Les traduire dans les langues populaires (ou vulgaires) permet alors à chaque croyant de les lire par lui-même sans dépendre d’un membre du clergé.
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P ierre V aldo
Réflexion Pierre Valdo est souvent comparé à François d’Assise qui a vécu à peu près à la même époque et avec qui il a beaucoup en commun. Il se démarque néanmoins par son attachement premier au texte biblique. En effet, Pierre Valdo n’a pas hésité à aller au bout de ses convictions, au risque de se mettre à dos les autorités de l’Église qui l’ont excommunié et persécuté. À plusieurs reprises, Pierre Valdo a été convoqué devant des institutions de l’Église pour rendre compte de sa démarche. À l’occasion de l’une de ces rencontres, interdiction lui aurait été faite de continuer son activité. Pierre Valdo aurait alors refusé d’obéir et aurait cité la parole de Pierre prononcée devant le sanhédrin : « Jugezen vous-mêmes : est-il juste devant Dieu de vous obéir, plutôt qu’à Dieu ? » (Actes 4 : 19 – Semeur). Pierre Valdo est un modèle de fidélité à Dieu et à sa Parole. Il a su tenir ferme en dépit des pressions qui pouvaient être exercées sur lui. Sa démarche courageuse invite ainsi à nous conformer à la volonté de Dieu avant de chercher à soigner notre réputation devant les hommes, comme l’apôtre Paul auparavant : « Maintenant, est-ce la faveur des hommes que je recherche ou celle de Dieu ? Est-ce que je cherche à plaire aux hommes ? Si je plaisais encore aux hommes, je ne serais pas serviteur de Christ » (Galates 1 : 10).
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AUGUST HERMANN FRANCKE (1663-1727)
Je te loue mon Seigneur et mon Dieu, de ce que tu m'as ouvert les yeux et fait comprendre que toi seul peux me rendre riche en bonnes œuvres. C'est par ta bénédiction que le sacrifice de moi-même peut être utile à mon prochain.
Le père des orphelins de Halle Si vous ne connaissez pas August Hermann Francke et que vous souhaitez avoir un aperçu de sa vie, il vous suffit d’observer une statue. Inauguré par la ville allemande de Halle à l’occasion du centenaire de sa mort en 1827, ce monument résume à lui seul ce qu’a été son parcours. On y voit un homme entouré de deux orphelins. Cet homme les regarde avec compassion et leur montre du doigt le ciel. Sur le piédestal, on peut lire cette brève inscription : « August Hermann Francke. Il mit en Dieu sa confiance ».
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August Hermann Francke est né en 1663, à Lübeck, dans le nord de l’actuelle Allemagne. Alors qu’il n’a que dix ans, il est profondément marqué par le décès prématuré de sa sœur aînée. Ils étaient proches et c’était elle qui l’avait initié à la lecture de la Bible. Studieux, Francke est aussi bon élève que précoce et il se destine très tôt à la théologie. À l’âge de treize ans, il est déjà admis à l’École préparatoire et est prêt à entrer à l’université un an plus tard. On lui demande toutefois d’attendre deux ans, car il est encore trop jeune. Francke entre donc à l’âge de seize ans à l’université de Kiel et se spécialise dans l’apprentissage de l’hébreu. Il se distingue par l’étendue de ses connaissances, mais garde néanmoins un souvenir mitigé de cette époque : « Je connaissais à fond et la dogmatique et l’apologétique ; je pouvais citer à propos les passages de l’Ancien comme du Nouveau Testament. Tout ce qui constitue la piété, je l’avais à l’extérieur. J’étais un excellent théologien de tête, mais un pauvre chrétien ». Un jour, alors qu’il prépare une prédication, Francke prend conscience qu’il ne connaît pas véritablement Dieu. Il le supplie alors de se révéler à lui et connaît ainsi un profond renouvellement de sa foi. Dans son cheminement spirituel, August Hermann Francke est fortement influencé par le piétisme1, en vogue 1
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Le piétisme est un mouvement du protestantisme qui apparaît au XVII siècle. Il s’oppose à l’intellectualisme de l’époque en valorisant la piété et la spiritualité personnelle.
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à son époque. Le fondateur du mouvement, Philipp Spener, souhaite faire de la jeune université de Halle le laboratoire de ses idées et le foyer de son courant. Francke adhère au projet et y est alors nommé professeur de grec et de langues orientales en 1691. Peu de temps après, il devient également pasteur de l’Église Saint-Georges à Glaucha, un faubourg de Halle. Ce quartier connaît une grande misère, et Francke se demande comment il peut y remédier. Il est particulièrement touché par la situation des enfants pauvres et commence par mettre en place, dans sa maison, une école qui leur est consacrée. Il rencontre beaucoup de succès et ses cours ne tardent pas à accueillir d’autres enfants de familles plus prospères. Francke est aussi sensible à la cause des orphelins. Il commence par en placer quelques-uns dans des familles chrétiennes en échange de rémunération. Puis, quand les dons se font plus généreux, il décide de racheter la maison voisine de la sienne pour en faire un orphelinat, avant de déménager les différentes institutions dans un bâtiment plus grand. Au fil des années, les projets qu’il mène prennent de l’ampleur. En 1727, alors qu’il est sur le point de mourir, August Hermann Francke s’occupe de 134 orphelins et ses écoles comptent plus de 2 000 élèves. Son engagement social a profondément marqué la ville de Halle sans pour autant l’empêcher d’enseigner à l’université et de fonder une famille avec Anne-Madeleine de Wurm, qu’il a épousée en 1694.
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A ugust H ermann F rancke
Réflexion La vie d’August Hermann Francke se caractérise par la confiance qu’il avait en Dieu. Ce n’est pas pour rien que l’on retrouve précisément cette mention « Il mit en Dieu sa confiance » sur le piédestal de sa statue. À de nombreuses reprises, il a eu l’occasion de raconter la façon dont le Seigneur a pourvu alors même qu’il se demandait comment il allait nourrir ses orphelins. Un jour, il a prononcé cette phrase riche d’enseignements pour nous : « Que c’est doux quand on ne possède rien, qu’on ne peut compter sur rien, de demeurer tranquille en se confiant en celui qui a créé toutes ces choses ! ». Ainsi, le parcours et le témoignage d’August Hermann Francke sont une invitation à placer notre confiance en Dieu, et non pas en nos propres capacités ou dans des choses matérielles. Si nous n’avons rien mais que nous avons la foi, alors nous avons l’essentiel ! Notre vie ne sera pas dénuée de difficultés, mais nous pourrons surmonter ces épreuves, avec le soutien du Créateur. Cette confiance doit être placée au bon endroit afin d’être une source de paix pour nos vies, quelles que soient les circonstances. L’apôtre Paul encourage justement à tout remettre entre les mains de Dieu : « Ne vous inquiétez de rien, mais en toute chose faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, dans une attitude de reconnaissance » (Philippiens 4 : 6).
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Ils ont influencé la société de leur époque et pourtant ils étaient comme nous, des gens ordinaires. George Müller, Henry Dunant ou encore Pandita Ramabai étaient remplis de foi. Ils se sont tous consacrés à Jésus dans leur quotidien. Découvrez les portraits de 31 personnages audacieux qui ont mis leur foi en action en aimant leur prochain de manière concrète.
Leur action sociale a marqué des générations, alors… pourquoi pas vous ? Laissez-vous inspirer par ces hommes et ces femmes qui se sont laissé utiliser par Dieu.
Nicolas Fouquet est diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Strasbourg. Il a suivi une spécialisation en relations internationales. Il est désormais en charge de l’éducation au développement au sein du SEL et a pour mission d’encourager la réflexion sur les questions de pauvreté et de développement.
NICOLAS FOUQUET
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— WILLIAM CAREY
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Attendez de grandes choses de Dieu, entreprenez de grandes choses pour Dieu.
NICOLAS FOUQUET
31 CHRÉTIENS MONTRENT LA VOIE DE LA SOLIDARITÉ Préface de PRÉFACE
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DE
Denis Mukwege
DENIS MUKWEGE « L’HOMME QUI RÉPARE LES FEMMES » PRIX SAKHAROV