Quand Dieu ouvre les portes • Reema Goode

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p r é fac e d e

Imaginez un endroit où le simple fait de devenir chrétien vous condamne à mort, dénoncé par votre propre famille. Un endroit où les chrétiens étrangers qui s’aviseraient d’annoncer l’Évangile seraient immédiatement déportés s’ils étaient découverts. Reema Goode vit ces choses de près en tant que missionnaire. Elle et sa famille annoncent l’Évangile dans un pays de la péninsule arabique. Elle y observe une nouvelle tendance, malgré des obstacles humainement infranchissables : aucune porte n’est fermée pour Dieu et la lumière commence à percer dans le monde islamique. Un nombre sans précédent de musulmans viennent à Jésus. Suivez Reema Goode à travers ses expériences personnelles et vivez, de l’intérieur, la façon dont Dieu se révèle à ses voisins, de manière créative, parfois inattendue et souvent palpitante.

QUA ND DIEU OU V R E

“Voici, j’ai mis devant toi une porte ouverte que personne ne peut refermer.” apocalypse 3 : 8

L E S PORTE S

frère andré

QUAND DIEU OU V R E LES PORTES U N E F E M M E A U C Œ U R D E L’A C T I O N D E D I E U DANS LE MONDE MUSULMAN

13,90 € 978-2-36249-443-7

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QUAND DIEU OU V R E LESÂ PORTES



QUAND DIEU OU V R E LES PORTES U N E F E M M E A U C Œ U R D E L’A C T I O N D E D I E U DANS LE MONDE MUSULMAN


Édition originale publiée en langue anglaise sous le titre : Which none can shut • Reema Goode © 2010 • Reema Goode Traduit et publié avec la permission de Tyndale House Publishers, Inc. Tous droits réservés. Édition en langue française : Quand Dieu ouvre les portes • Reema Goode © 2018 • BLF Éditions • www.blfeditions.com Rue de Maubeuge • 59164 Marpent • France Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés. Traduction : E2m Couverture : Ximena Urra Photos de couverture : – L'ouverture : © Javaman/Shutterstock Images – La porte en métal : © Martafr/Shutterstock Images – La porte en bois : © James Steidl/Shutterstock Images Mise en page : BLF Éditions Impression n° XXXXX • IMEAF • 26160 La Bégude de Mazenc Sauf mention contraire, les citations bibliques sont tirées de la Bible version Segond 21 Copyright © 2007 Société biblique de Genève. Reproduit avec aimable autorisation. Tous droits réservés. Les caractères italiques sont ajoutés par l’auteur du présent ouvrage. Les autres versions sont indiquées en toutes lettres. Reproduit avec aimable autorisation. Tous droits réservés. ISBN 978-2-36249-443-7 ISBN 978-2-36249-444-4

broché numérique

Dépôt légal 2e trimestre 2018 Index Dewey (CDD) : 266.92 Mots-clés : 1. Récit missionnaire. 2. Monde musulman.


À Dieu Qu’ils louent l’Éternel pour sa bonté et pour ses merveilles en faveur des hommes ! Psaumes 107: 8



TABLE DES MATIÈRES Préface........................................................... 9 Remerciements. . .............................................11 Qui est Reema Goode ?.................................. 13 Introduction................................................. 17 CHAPITRE UN

La porte ouverte. . .......................................... 21 CHAPITRE DEUX

Vaincre la peur.. ............................................ 37 CHAPITRE TROIS

Le pouvoir des questions................................ 53 CHAPITRE QUATRE

Au moment où l’on s’y attend le moins............ 71 CHAPITRE CINQ

Et la famille ? . . .............................................. 91 CHAPITRE SIX

Djinn et mauvais œil.................................... 105 CHAPITRE SEPT

Rêves et visions. . .......................................... 121 CHAPITRE HUIT

Nous avons besoin du corps.......................... 135 CHAPITRE NEUF

Quelques gouttes de miséricorde.................... 147 Pour en savoir plus....................................... 155



PRÉFACE Nous avons besoin que l’on nous raconte des histoires de la vie de tous les jours. Jésus a illustré la vérité par des récits. Je raconte des récits. Rien ne remplace les histoires. Parce qu’en chacune d’elles, nous retrouvons des traces de notre histoire. La vôtre, la mienne ou de celle de nos enfants. Le nomade dans le désert, celui qui guide son cerf-volant dans le ciel de Kaboul, l’enfant des rues à New York, le terroriste sur les montagnes du Pakistan, le lanceur de pierres à Gaza ou à Bethléem… tout le monde a son histoire. Une histoire qu’il faut raconter. Pourquoi ? Parce que Jésus est mort pour chacun d’eux et qu’il les aime. Connaître leurs histoires nous aide à les relier à la puissance rédemptrice de Jésus. Pour mieux les aimer. Pour mieux prier pour eux. Jusqu’au moment où, eux aussi, deviendront une bénédiction en vue d’un monde meilleur. Leurs histoires ne sont pas si différentes que cela de la nôtre. En arrivant au monde, tous étaient des bébés innocents, pas des terroristes. 9


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Beaucoup sont nés dans des pays qui ignoraient le message de l’amour de Dieu. Cela leur interdit-il d’avoir la chance de l’entendre ? Pourquoi n’avons-nous pas encore répandu la Bonne Nouvelle auprès d’eux ? Nous avons peut-être entendu l’appel de Dieu, mais nous n’y sommes pas allés… nous n’avons pas proclamé, partagé l’Évangile… nous n’y avons pas été sensibles. Peut-être avons-nous pensé que c’était trop dangereux. Mais il y a bien plus dangereux que de ne pas aller : ne pas y être sensibles et ne pas partager l’Évangile ! Oui, chaque personne a une histoire à raconter. En fait, ce livre en regorge. Des histoires qui se déroulent dans la péninsule arabique. Et toutes nous racontent ce qui survient quand ces personnes rencontrent l’amour de Jésus. Et c’est pourquoi je voudrais que l’on publie une centaine de livres comme celui-ci. Ce n’est pas seulement « leur histoire », c’est l’histoire de Dieu ! Frère André Fondateur de Portes Ouvertes

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REMERCIEMENTS Je remercie mon mari, Mike, et les nombreuses personnes qui ont permis l’existence de ce livre, et même les histoires qu’il raconte. Bien que nous ne puissions pas mentionner les noms pour des raisons de vie privée et de sécurité, nous voulons exprimer publiquement notre gratitude au corps de Christ. Merci à nos collègues sur le terrain. Vous avez tous des histoires comme celles-ci, et nous espérons que ce livre représente bien l’expérience que nous partageons, ici, dans la péninsule arabique. Merci à nos chers partenaires. Ils ont prié et œuvré avec nous, au fur et à mesure que nous vivions ces histoires. Merci au gentleman qui s’est intéressé le premier à la possibilité de publier ces histoires et qui a fait germer, en moi, l’idée de les rassembler dans un livre. Merci au cher couple qui nous a soutenus en priant et en nous motivant à nous attendre à une grande chose de la part de Dieu. Merci aux leaders serviteurs qui ont discerné le potentiel du livre. Ils nous ont permis de rencontrer d’autres personnes du corps de Christ possédant des compétences que nous n’avions pas, et qui nous ont accompagnés durant tout le processus. Merci 11


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à notre équipe de leaders sur le terrain. Plus d’une fois, lorsque nous pensions que Dieu nous poussait à agir à contre-courant, ils nous ont permis de suivre nos convictions. Merci aux très nombreux croyants dans le monde dont les prières régulières et les sacrifices financiers ont permis que toutes nos lumières brillent dans cette obscurité. Que les plus riches bénédictions du Seigneur vous soient accordées. Vous saurez vous reconnaître, et lui aussi.

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QUI EST REEMA GOODE ? Dans mon enfance, je me souviens avoir été impressionnée par Les Dix commandements, le film de Cecil B. DeMille. Je croyais en Dieu et lui adressais mes prières tous les soirs, même lorsque j’ai grandi. Je ne savais cependant pas comment nouer une relation personnelle avec Dieu. Je n’avais pas appris à trouver en Christ le pardon de mes péchés. J’avais environ vingt ans lorsque cela est arrivé. J’ai lu une brochure chrétienne qu’une collègue de travail avait laissé traîner. C’est la première fois que j’ai vraiment compris l’Évangile. J’ai immédiatement donné ma vie au Christ. J’étais impatiente de parler de lui aux autres. Mes premières tentatives pour partager la Bonne Nouvelle ont sans doute provoqué plus de confusion qu’autre chose. Que devais-je dire ? Comment le dire ? Je n’étais clairement pas douée pour « prêcher ». Je me suis alors basée sur ce qui m’était arrivé pour partager mon témoignage. Il s’est avéré que beaucoup de gens pouvaient s’identifier à mon histoire. Ils m’ont alors demandé de leur en dire plus sur ce Dieu qui était si réel et si impliqué dans la vie de gens ordinaires. 13


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Parallèlement, j’ai voulu rencontrer d’autres chrétiens. Chaque fois que j’avais un dimanche libre, je me rendais dans une Église différente ; j’ai fait cela pendant une année entière. Lorsque j’interrogeais les croyants sur leur foi, ils me parlaient de l’époque où ils avaient commencé à fréquenter des cultes. Ou comment ils étaient devenus membres d’une Église, diacres ou enseignants de la Bible. Aucun d’entre eux n’avait l’air de comprendre ce je voulais dire en parlant « d’avoir une relation personnelle avec Dieu » ou de « décider de suivre le Christ ». J’ai dû me rendre à l’évidence : beaucoup de gens ont, comme moi, grandi en croyant qu’ils étaient chrétiens juste parce qu’ils appartenaient à une dénomination ou parce qu’ils fréquentaient des réunions d’Église. Je me suis demandé où donc étaient tous les vrais chrétiens ? Pourquoi étaient-ils si difficiles à trouver ? Un jour, j’ai entendu une émission à la radio qui semblait répondre à mon questionnement. L’émission s’appelait « Histoires de chrétiens illustres », de l’institut biblique Moody. Nous revivions le témoignage de missionnaires célèbres, raconté sous forme de feuilletons radio. J’ai entendu comment des croyants avaient quitté le confort de leur foyer pour apporter l’Évangile jusqu’aux confins de la terre. Et là, je me suis dit : Voilà où tous les chrétiens sont donc déjà partis ! Ils sont allés dans d’autres pays, là où le message de la Bible est inconnu, indisponible, voire interdit ! Ma naïveté prête à sourire, mais elle m’a conduite à réfléchir plus sérieusement à la question. Je venais d’apprendre qu’à certains endroits du monde, des gens vivaient leur vie entière et mouraient sans jamais avoir entendu l’Évangile ! Avec tout ce que je savais désormais, comment pourrais-je rester chez moi, là où des Bibles s’étalaient sur les rayons de la moindre librairie, là où chacun était libre de recevoir Christ ? Je savais ce que j’allais devenir un jour. Et même si j’avais fini par trouver d’autres disciples de Christ et que je fréquentais activement une Église, j’étais décidée à rejoindre, un jour, une partie du monde encore non atteinte par l’Évangile. Il s’est avéré que je n’irais pas seule. 14


Q u i e s t R e e m a G o o d e  ?

J’ai rencontré Mike dans une cafétéria. J’attendais dans la file, à côté de lui. Puis il m’a suivie jusqu’à mon siège. Il n’allait plus me quitter. J’étais un peu contrariée. J’imaginais que ce grand et bel homme, de toute évidence plus âgé que moi, devait être marié. J’ai très vite su qu’il ne l’était pas. Célibataire, ce chrétien s’était engagé à servir Dieu parmi un peuple non-évangélisé. Et il cherchait une épouse qui partagerait sa vision pour l’accompagner. Nous nous sommes mariés dans l’année. Alors que Mike terminait ses deux dernières années d’institut biblique, je correspondais avec un certain nombre d’agences missionnaires. Je leur demandais des informations qui pourraient nous aider à préciser notre appel missionnaire, en ciblant plus étroitement un endroit spécifique ou un groupe ethnique. Où se trouvaient les peuples les moins atteints par l’Évangile ? Avant de commencer notre recherche, Mike et moi en savions très peu sur l’islam. Nous nous attendions, plus ou moins, à nous retrouver parmi une tribu éloignée dans la jungle. Quelle ne fut notre surprise quand le Seigneur a commencé à nous mettre à cœur le monde arabe musulman. Mais plus nous en apprenions, plus notre fardeau grandissait. Nous avons commencé à établir notre réseau de soutien dans l’Église et, trois ans plus tard, nous arrivions dans la péninsule arabique. Nous y sommes toujours, avec nos deux enfants, Tim et Lydia.

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INTRODUCTION Dieu œuvre de manière mystérieuse. Il utilise, parfois, des événements qui n’ont rien à voir entre eux. Du moins, en apparence. En 1990, Luis Bush, évangéliste américain d’origine argentine, a inventé l’expression « la fenêtre 10/40 » pour désigner la région du globe qui abrite le plus grand nombre de groupes ethniques non-atteints. Cette « fenêtre 10/40 » correspond aux pays situés entre 10 et 40 degrés au nord de l’Équateur. C’est aussi en 1990 que George W. Bush, le président des États-Unis, a lancé, dans le Golfe Persique, une opération militaire connue sous le nom de « Tempête du désert ». Ces deux événements indépendants ont eu un profond impact sur le corps de Christ. Dieu a, en effet, relié les deux pour attirer le regard de son Église sur le monde musulman. Un monde qui, à cette époque, se vantait d’abriter un cinquième de l’humanité et où ne vivait pratiquement aucun témoin de l’Évangile. Au cours des deux décennies suivantes, une succession d’événements mondiaux a davantage focalisé l’attention non seulement sur le monde musulman en général, mais aussi sur le monde musulman arabe en particulier. Des mots que nous n’avions jamais prononcés sont entrés dans notre vocabulaire quotidien : Coran, Allah, burqa, jihad, etc. Les 17


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chrétiens ont pris conscience qu’un milliard de personnes vivait sous la domination islamique et leur préoccupation a grimpé en flèche. Les livres sur l’islam, la culture arabe, l’évangélisation des musulmans ont inondé le marché. Des milliers de chrétiens du monde entier ont commencé à prier, à soutenir financièrement et à partir en mission. Voilà presque quarante ans que l’Église coordonne des efforts croissants au Moyen-Orient et les infos télévisées en provenance de cette région semblent plus déprimantes que jamais. Dieu exauce-t-il nos prières ? Agit-il ne serait-ce qu’un minimum dans la vie des musulmans ? Si oui, que se passe-t-il exactement ? C’est ce dont j’aimerais vous parler dans ce livre. Voilà plus de douze ans que nous vivons en famille dans un quartier musulman typique, en Arabie. Nous aimerions vous permettre d’assister, de l’intérieur, à ce dont nous sommes les témoins, en tant que chrétiens vivant « sur le terrain » dans un pays islamique. Nous sommes persuadés que vous serez profondément encouragés. Ce n’est pas un livre de plus sur l’islam ou sur la culture arabe. Ce n’est pas un livre sur la façon de servir les musulmans. Ces sujets ont déjà été maintes fois publiés Nous aimerions vous par de très bons auteurs. Nous aimerions permettre d’assister, vous offrir un autre point de vue. Passez de l’intérieur, à ce dont nous sommes les d’une « vue aérienne » (une considération témoins, en tant que distante du monde musulman global) à chrétiens vivant « sur un « gros plan ». Nous aimerions vous le terrain » dans un montrer comment Dieu a travaillé de pays islamique. manière concrète au cours des dernières années, dans la vie quotidienne d’une des nombreuses communautés musulmanes. Et comment il œuvre encore aujourd’hui. Nous aimerions vous parler d’autres choses que de statistiques sur la conversion des musulmans à Christ. Nous aimerions vous guider à travers le paysage local dans lequel nous vivons d’une autre manière. En vous racontant des 18


Introduction

anecdotes. Ainsi, vous verrez par vous-mêmes comment Dieu est en train d’atteindre nos voisins avec l’Évangile de Jésus-Christ, par quels moyens incroyablement créatifs, diversifiés, inattendus et étonnants il le fait. Oui, sa Parole se répand et son Esprit confirme la vérité dans leurs cœurs de manière très concrète. Les histoires de ce livre sont encourageantes, enrichissantes et parfois même, humoristiques. Mais nous ne nions pas les dangers fréquents à affronter dans un monde musulman. Là où nous vivons, conduire un habitant du pays au Christ est un crime répréhensible. Les musulmans qui se convertissent savent qu’ils subiront probablement la persécution, voire la mort. De plus en plus de chrétiens ont toutefois choisi de venir vivre en Arabie pour témoigner du Christ. Et, chaque année, de plus en plus d’histoires comme celles de ce livre arrivent. Les récits suivants se sont tous réellement produits et ils impliquent tous des personnes réelles que nous connaissons personnellement. Bien sûr, certains détails et tous les noms des personnes et des lieux ont été changés afin de les protéger. Nous prions que ce livre glorifie Dieu. Qu’il inspire son peuple dans son cheminement par la foi. Qu’il encourage les croyants partout où l’amour lumineux de Dieu pénètre la forteresse des ténèbres. Les histoires de ce livre démontrent comment Dieu ouvre les portes pour la proclamation de l’Évangile, confirme sa Parole, révèle son amour et gagne des cœurs en Arabie. C’est pour cela que nous espérons qu’elles susciteront plus de prières pour le monde musulman et plus de compassion pour ceux qui vivent sous son règne. Oui ! Dieu exauce vraiment les prières et il bâtit vraiment son Église en ce moment même ! Si les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle, comment l’islam pourrait-il le faire ?

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Voici, j’ai mis devant toi une porte ouverte que personne ne peut refermer. Apocalypse 3 : 8


CHAPITRE UN

LA PORTE OUVERTE Une nuit d’hiver à Petite-Ville, en Arabie. Nous apprécions la fraîcheur de la brise du soir. Il faut dire que cet été, les journées ont battu des records : 49 degrés ! Alors que je parcours les rues de grès irrégulières et non pavées, les odeurs chaudes et épicées de l’asha (le repas du soir) s’élèvent de chaque maison et réchauffent l’air froid à l’extérieur. Il est plus de neuf heures et Dans les dix-huit mois qui ont suivi notre les femmes lavent la vaisselle. Alors que arrivée, notre famille a les enfants devaient sortir jouer avant le pu partager l’Évangile coucher du soleil, ils ont choisi de se blotau moins une fois tir dans des chandails et des casquettes avec pratiquement tous nos amis à l’intérieur. Il fait plus chaud devant la du quartier. télé ! Le calme absolu des chemins usés fait résonner le rembourrage doux de mes sandales sur la saleté. La rareté des lampadaires fait étinceler d’autant plus les étoiles dans le ciel sombre. Et quelle lune ! Un immense croissant, le symbole même de l’islam, semble suspendu juste au-dessus de notre village comme un panneau « propriété privée ». La joie bouillonne dans mon cœur pendant que je réfléchis à l’endroit où je me trouve et ce que j’y fais. Ici, sous le règne absolu du croissant de l’islam, 21


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je suis en route pour une discussion sur « la Bible et le Coran » avec des femmes du quartier. — Viens… Et apporte les livres ! m’ont-elles dit. Mais le plus étonnant, c’est qu’elles l’ont répété à plusieurs reprises. Dans les dix-huit mois qui ont suivi notre arrivée, notre famille a pu partager l’Évangile au moins une fois avec pratiquement tous nos amis du quartier. Et Dieu confirme la véracité de sa Parole dans chacune de leurs vies. C’est incroyable la manière dont il ouvre des portes ! Tout a commencé d’une façon tout à fait inattendue… lors d’un événement tout à fait banal.

o o o Nous venons d’emménager dans le quartier. Nous n’avons pas encore fait beaucoup d’efforts pour rencontrer les voisins, simplement parce que nous avons besoin de temps pour nous adapter à notre nouveau quotidien. Nous n’avons pas d’eau courante et devons donc faire remplir le réservoir du toit par camion tous les cinq ou six jours. Chaque matin, nous devons filtrer l’eau potable et la faire refroidir au frigo. Comme celui-ci a bien du mal à fonctionner face à la chaleur du désert, nous achetons un minimum de nourriture à la fois pour éviter d’abîmer l’appareil. Durant ces premières semaines d’installation, rien ne marche comme prévu. Ou, du moins, pas comme nous en avons l’habitude. Le four n’indique nulle part la température : il a seulement les fonctions « allumé » et « éteint ». L’art de cuisiner devient, soudain, un tout nouveau défi. La première fois que nous avons fait fonctionner le lave-linge, nos vêtements en sont ressortis déchiquetés : notre garde-robe, déjà limitée, s’est retrouvée plus restreinte encore. Nous n’avons pas pu utiliser les WC pendant deux jours. Et la plupart des canalisations sont bouchées par les déchets, vieux jouets et torchons laissés par les précédents locataires. Conscients de l’importance de l’hospitalité dans la 22


La porte ouverte

culture arabe, il nous semble absurde de rencontrer les voisins avant de pouvoir les recevoir dans un endroit décent. Après les salutations initiales et les quelques mots d’usage, il est poli de dire taali bayti (« Venez chez nous »)… mais nous voulons être prêts avant de formuler cette offre. En réalité, nous n’avons pas encore rencontré les voisins pour une tout autre raison. Mais cette raison, nous la découvrirons nous-mêmes plus tard. De toute évidence, les mutawwas ont averti les gens du coin à notre sujet. Les mutawwas sont des enseignants de l’islam qui prodiguent des conseils et de l’aide spirituelle. Ils ont dit à leurs troupeaux que les étrangers qui viennent travailler en Arabie sont des missionnaires chrétiens. Qu’ils sont envoyés pour tromper leurs enfants, apporter l’immoralité, détruire leurs familles et leur pays et corrompre la société islamique dans son ensemble. Nous sommes, il est vrai, des missionnaires chrétiens, mais nos motivations sont tout à fait à l'opposées de cette description. Ce faux préjugé sera notre premier obstacle. Enfin… le premier que Dieu va faire tomber pour nous. Avant d’arriver à Petite-Ville, Mike, mon mari, et moi-même avons suivi une formation biblique classique. Puis, pour nous préparer au monde musulman, notre agence missionnaire nous a demandé de lire des livres sur l’islam et les questions transculturelles, ce que nous avons fait. Mike a participé à une campagne d’évangélisation parmi une population musulmane des ÉtatsUnis. L’histoire des missions auprès des musulmans était plutôt décourageante à l’époque. Dans le passé, les ouvriers chrétiens se sont tellement sacrifiés ! Ils ont travaillé dur. Ils ont donné plusieurs années de leur vie, parfois toute une vie. Et pour si peu de fruits, du moins en apparence. En ce temps-là, l’Église évangélique en savait peu sur le monde musulman. Très peu d’ouvriers partaient. Et ils n’étaient pas assez soutenus par la prière. 23


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Mais tout a changé dans les années 1990. En particulier grâce au nouvel intérêt pour la fenêtre 10/40 et aux gros titres provoqués par l’opération militaire « Tempête du désert ». Le regard de l’Église mondiale s’est tourné vers les masses nonatteintes de l’humanité qui vivent sous un régime islamique. Des milliers de chrétiens du monde entier ont commencé à prier, et des événements ont commencé à se produire. Les disciples du Christ ont commencé à trouver des moyens d'entrer et de rester dans les pays musulmans. Là où l’activité missionnaire est interdite par la loi et constitue un crime punissable. Dieu a commencé à ouvrir des portes qui, auparavant, étaient fermées à double tour. Nous sommes persuadés que notre situation en Arabie est la conséquence directe de cette augmentation radicale d’intercesseurs pour les musulmans et pour les missionnaires parmi eux. Dieu a brusquement ouvert la porte de notre quartier, de manière très inattendue. À travers l’humble circonstance d’une voiture qui ne démarrait pas ! Ce matin-là, je suis en train d’habiller Tim, notre fils de trois ans. Mike et moi entendons alors le bruit d’une voiture, dans la rue, qui peine à démarrer. Le conducteur tourne et retourne la clé, mais en vain. Mike, attiré par les voitures depuis l’enfance, sort tout naturellement pour voir ce qui se passe. Il quitte notre logement de béton et traverse la cour de gravier. C’est une journée d’hiver chaude et ensoleillée. Puis il ouvre notre portail en fer et peut voir ce qui se passe derrière notre mur de deux mètres de haut. Toutes les maisons sont entourées de ces murs de béton. Ils permettent aux femmes de sortir de la maison en toute intimité pour étendre le linge ou aller à la cuisine (souvent indépendante). Alors qu’il atteint la route de terre, Mike peut sentir l’encens de l’après petit-déjeuner. En effet, les odeurs de cuisine sont considérées comme désagréables, alors, de l’encens est brûlé pour parfumer le quartier et le rendre plus accueillant. Les maisons semblent avoir été construites n’importe com24


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ment, sans suivre de plan cadastral. Certaines rues sont juste assez larges pour y circuler. D’autres pourraient permettre à cinq voitures de stationner côte à côte. Et c’est ce qu’elles font, d’ailleurs, bloquant complètement la rue et faisant barrage au visiteur occasionnel ! Ce jour-là, un jour de semaine, il n’y a pas beaucoup de voitures. Presque toutes les mamans ont déjà emmené leurs enfants à l’école et les hommes sont partis travailler. Une voiture reste là, capot ouvert, sous un sapin à moitié décharné. Un petit groupe d’hommes s’est rassemblé, vêtus de leurs robes fraîchement repassées et de leur voile traditionnel sur la tête. Ils observent ce qui se passe sous le capot… les mains soigneusement jointes derrière leur dos ! De toute évidence, personne n’a idée de ce qu’il faut faire. Mais tous soutiennent leur voisin en se tenant à ses côtés pendant ce moment difficile. Mike s’approche en saluant joyeusement : — Salaam alaykum ! Les hommes lèvent les yeux et répondent du tac-au-tac : — Alaykum assalaam ! Puis Mike entre dans le cercle pour évaluer la situation. Il y a juste à nettoyer et à faire quelques réglages. Mike s’exécute. Quelques minutes plus tard, il fait signe à l’homme de redémarrer et la voiture fait immédiatement ce qu’on attend d’elle. Les hommes du groupe se regardent, à la fois étonnés et admiratifs, puis lèvent leurs pouces en l’air (geste que tout occidental peut comprendre). Un des gars, qui possède quelques notions d’anglais, le tapote dans le dos et lui crie : « Number one ! Number one ! ». Puis, Mike est invité à prendre le café chez plusieurs d’entre eux, en gage de remerciement. Nous apprendrons plus tard que ce geste n’a pas grand-chose d’amical, qu’il s’agit plus de la façon traditionnelle de s’acquitter d’une dette. Peu importe, Dieu vient de nous ouvrir les portes des foyers de nos voisins. 25


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Dans chaque maison où nous allons, Mike est invité dans le majlis des hommes. C’est une salle destinée à recevoir les visiteurs. Quant aux femmes et aux enfants, ils sont accueillis dans une autre pièce. Quoi qu’il en soit, nous bénéficions tous de la légendaire hospitalité arabe. On commence par nous apporter de l’eau froide et des jus de fruits. Suivent des dattes et du café, puis un assortiment de pâtisseries délicieuses, toutes savamment préparées par les femmes de la maison. C’est un euphémisme de dire que nous nous sentons très bienvenus ! En revanche, nos hôtes sentent vite que quelque chose cloche avec nous. De toute évidence, nous ne savons pas manger normalement. Tout d’abord, nous avons un peu de mal à nous installer à même le sol, là où le repas est servi. C’est notre toute première visite chez nos voisins. Nous faisons donc tout notre possible pour suivre toutes les règles culturelles que nous avons apprises. • Ne tournez le dos à personne lorsque vous vous penchez. Hum ! pas évident quand on mange à même le sol dans une pièce pleine de monde. • Ne demandez jamais à quelqu’un qu’il vous fasse passer la nourriture, et ne mangez que de la main droite. Je veux bien, mais il faudrait que le plateau se trouve à ma droite et à portée de mon bras et que je puisse me servir sans heurter ni pousser les huit autres personnes bien serrées autour du fou’alla pour manger. • Ne montrez à personne la plante de votre pied. Pieds nus par terre et bien entourée, je ne trouve aucune position pour m’asseoir. Je dois rompre une règle ou une partie de mon corps ! On devrait presque inclure le yoga dans notre formation missionnaire ! Nous nous tordons dans tous les sens, et notre posture ne nous rend pas très gracieux – c’est le moins qu’on puisse dire ! Une fois en place, et tentant d’ignorer la douleur de nos jambes engourdies par notre poids, nous nous concentrons 26


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sur une autre tâche : manger. Nos hôtes, tranquillement assis sur le sol, mangent de tout sans le moindre effort et sans l’aide d’assiettes ou de couverts – y compris les grains de riz et ces nouilles si glissantes. Même les femmes voilées parviennent à manger sans faire tomber la moindre goutte sur elles. Quant à nous… comment dire ? Nous donnons l’impression de manger pour la première fois. De la nourriture sur le torse et le long des jambes, quelle image pathétique nous devons leur donner ! Je crois bien que j’en ai même laissé tomber sur la dame assise à côté de moi. Comment nos voisins musulmans vont-ils écouter un message communiqué par des adultes incapables de manger proprement ? Ma famille est la preuve vivante que Dieu peut utiliser n’importe qui. Notre nouvelle communauté nous considère comme des « paumés ». Embarrassant, certes, mais au moins, elle a baissé la garde et n’a plus peur de nous. En fait, c’est précisément notre inaptitude qui nous ouvre doucement la porte de leurs cœurs. Nous sommes devenus, pour eux, un projet de quartier : il faut absolument aider cette pauvre famille américaine sans Notre nouvelle défense ! Et pour ce qui concerne les communauté nous avertissements des mutawwas ? Eh bien, considère comme des « paumés ». si c’est ce que les chrétiens ont trouvé Embarrassant, certes, de meilleur à envoyer pour détruire la mais au moins, elle a société islamique, il n’y a certainement baissé la garde et n’a rien à craindre ! plus peur de nous.

Nos voisins nous prennent donc sous leurs ailes. Ils décident de nous améliorer en nous instruisant. Dans l’art de manger, mais pas seulement. Les femmes m’apprennent à faire du bon café et à cuisiner des plats traditionnels. (Bien entendu, elles veulent m’aider, mais je les soupçonne de vouloir s’assurer de prendre un repas « digne de ce nom » lorsqu’elles me rendraient visite… ce qu’elles vont souvent faire.) Les hommes expliquent à Mike 27


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la technique du marchandage pour lui éviter de trop payer au marché. (Il continuera à trop payer en tant qu’Occidental, mais au moins pas autant qu’un Occidental ignorant.) J’apprends à plier mon voile pour qu’il ne tombe plus sans arrêt. Ils nous apprennent à gérer diverses situations sociales, répondent à nos nombreuses questions et nous prodiguent plein de bons conseils. De notre côté, nous leur offrons ce que nous pouvons. Mike montre aux hommes comment faire de petites réparations dans la maison. Il les initie aussi à la mécanique auto (grâce à Dieu, la majorité de ses outils est restée dans notre pays, ce qui lui évite de devenir le mécanicien de tout le quartier). Il taille les arbres pour que tout le monde puisse garer sa voiture dessous, à l’abri du soleil. Nous aidons des enfants qui viennent nous poser des questions sur leurs devoirs en anglais. Notre fils, Tim, est enchanté de partager son hamac et ses jouets avec des dizaines de compagnons de jeu. Comme je suis la seule femme du quartier qui possède un permis de conduire, je peux aider mes voisines. Je les emmène au souk (le marché), à l’hôpital, ou pour une visite chez une amie assez éloignée. Bref, nous devenons amies. Devenir amis, là-bas, cela veut dire « rendre des visites ». Ils vous rendent visite et vous leur rendez visite. Et si vous ne pouvez pas venir, vous appelez : vous rendez visite par téléphone. Il y a même des moments précis de la journée pour rendre visite à certaines personnes. À Petite-Ville, les dames se rendent visite le matin entre les corvées du matin et la préparation du repas principal de midi. Les hommes rendent visite aux hommes et les familles aux autres familles dans la soirée : entre les deux derniers appels à la prière quotidienne. Rendre visite aux autres, c’est les honorer parce que vous avez fait le voyage pour venir les voir. Puis, à leur tour, ils vous honorent par leur hospitalité. Les visites constitueront l’essence même de notre ministère. 28


La porte ouverte

Au fond, c’est quoi, rendre visite, à part manger ? Vous vous asseyez et vous écoutez. Vous apprenez à connaître des gens. Et… vous parlez entre vous ! Converser avec nos voisins ? C’est exactement ce que nous sommes venus faire. Et voilà que nous devons le faire régulièrement. Dieu vient de nous ouvrir en grand une porte d’entrée dans la culture, et c’est tout naturellement que nous nous y engouffrons. Nos discussions touchent tous les sujets : éducation, inflation, mariages, cuisine, politique, santé, etc. Nous ne manquons pas d’évoquer, en long et en large, l’aspect spirituel de tous ces sujets. Nous avons Dieu vient de nous le privilège d’être les premiers chrétiens ouvrir en grand une que la plupart de nos voisins musulmans porte d’entrée dans arabes rencontrent. Nous voulons donc la culture, et c’est en tirer le meilleur parti. tout naturellement

Durant ce premier semestre, nous que nous nous y engouffrons. apprenons tout ce que nous pouvons au sujet des croyances de nos amis et pourquoi ils y croient. Eux aussi désirent nous connaître. Nous partageons l’Évangile à chaque occasion, et les possibilités ne manquent pas. Les musulmans partagent même l’Évangile entre eux ! Une femme nous emprunte une copie du film Jésus et invite un groupe d’amies pour qu’elles le regardent ensemble dans son majlis. Une autre emprunte une série de la Bible racontée en saynètes sur cassettes. Et elle les écoute avec son groupe de visite du matin.

o o o Un jour, un autre missionnaire nous donne un journal en arabe qui circule sur internet : Ce que le Coran dit sur la Bible et sur Jésus. Il vise à attirer l’attention des musulmans sur la Bible. Ne maîtrisant pas la langue, nous le passons à notre amie 29


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Habiiba pour qu’elle nous dise si l’article est vrai et intéressant. Apparemment, la réponse à ces deux questions est oui, car elle le transmet à l’enseignant religieux local pour une explication. Ouvrant son propre Coran, elle confirme que la sourate 6:114-115 dit bien que la Bible est « le Livre […] révélé par ton Seigneur ». Qu’elle est la parole de Dieu, révélée « en toute véracité et justice ». Qu’il ne faut pas douter. Et que personne ne peut le changer. Malgré cette belle confession du Coran concernant la Bible, tout musulman est poussé à croire que la Bible a été modifiée. Qu’elle est désormais corrompue. Pourquoi cela ? Eh bien ! nous avons notre petite théorie. Nous pensons qu’au départ, Muhammad lui-même était convaincu que ses enseignements étaient bibliques. Du moins, avec ce qu’il en avait entendu dire, puisque lui-même était analphabète. Et qui, parmi ses disciples possédait la moindre Bible pour comparer les deux doctrines ? Nous étions au septième siècle. Il fallait attendre qu’un nombre suffisant de personnes puisse acquérir des livres… et les lire ! C’est alors que les contradictions ont été évidentes entre les Saintes Écritures et le Coran. Comment les expliquer ? La Bible avait dû être falsifiée quelque part dans l’histoire. Du moins, c’est l’enseignement qui s’est répandu parmi les musulmans. Et tant pis si cette déclaration niait les préceptes du Coran lui-même. Ces mensonges perdurent de nos jours, et c’est en grande partie à cause de l’ignorance. Pis encore, si nous avions nous-mêmes recherché ces versets du Coran, nous serions complètement passés à côté du problème. Pourquoi ? La plupart des traductions du Coran ont, depuis, été « modifiées » pour éliminer le dilemme que ces versets posent. Mais Habiiba est une Arabe qui lit le texte dans l’original. Elle sait que le texte ne laisse planer aucun doute. Elle a lu le Coran tant de fois : comment aurait-elle pu passer à côté ? Cet article soulève aussi d’autres problèmes. Elle décide donc de les résoudre en demandant conseil à la mosquée locale. Il doit y avoir une explication. 30


La porte ouverte

En bonne musulmane, Habiiba fait la fierté de sa famille respectable. Elle-même est fière de son héritage. Elle est convaincue que le professeur de religion va facilement répondre à toutes ses questions. Elle se trompe. Au contraire, il se fâche contre elle. Il déchire les pages du journal devant elle, puis lui dit de rentrer chez elle et d’oublier tout ce qu’elle a lu : « Les bonnes musulmanes ne lisent pas de telles ordures » dit-il. Sa réaction et sa façon de la traiter la consternent. Elle est une bonne musulmane. C’est précisément sa foi sans réserve en l’islam qui l’a conduite à lui demander conseil. Elle est intelligente aussi, et comprend que cette réaction disproportionnée ne peut venir que d’une chose : l’enseignant n’a pas de solution au problème. Ce qui a l’effet d’ébranler Habiiba. En nous rapportant son expérience, elle nous confie sa détermination : « Je ne vais jamais oublier ce qui a été écrit dans ce journal ! ». Cet épisode ne la décourage pas, mais renouvelle son zèle pour défendre sa foi. Habiiba et deux de ses sœurs sont devenues mes meilleures amies dans le voisinage. Ce sont elles qui ont commencé à m’appeler tard le soir pour « apporter les livres ». Oh, elles ne cherchent pas vraiment à en savoir plus sur le christianisme : elles veulent, avant tout, expliquer et confirmer la vérité de l’islam. Malgré tout, elles ont autant envie d’apprendre de mon christianisme que de m’enseigner leur islam. Dans leurs efforts pour justifier leur religion, mes amis ont, sans le vouloir, dû approfondir les bases de leur propre foi personnelle. Que croient les musulmans ? Plus précisément, pourquoi croient-ils en ce qu’ils croient ? Est-ce pour se conformer à la société et aux croyances familiales ? Ou bien des preuves irréfutables en faveur de l’islam existent-elles ? De mon côté, chaque fois que je propose un verset biblique, je le fais lire à haute voix par un musulman. Directement à partir de la Bible en arabe. Pourquoi ? Je vous dirais bien que cela me fait gagner du temps et m’évite de massacrer le texte en cherchant à le traduire. Mais surtout, cela permet à mes amies de lire la parole de Dieu 31


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par elles-mêmes. J’illustre l’enseignement biblique en racontant comment Dieu et sa Parole ont travaillé dans ma propre vie, celle de notre famille et dans la vie de nos amis. Notre liberté de parole est fabuleuse. Presque tous nos voisins acceptent de parler avec nous de sujets spirituels.

o o o Cette porte ouverte par Dieu dépasse notre quartier. Un matin, je cherche des accessoires pour la cuisine dans un petit magasin géré par un musulman iranien. Celui-ci prend rapidement ma commande puis, nerveux, me demande : « Êtes-vous une chrétienne ? ». J’ai à peine répondu qu’il laisse échapper le reste de sa question : « Pouvez-vous me procurer une Bible ? ». Un jour, Mike monte dans un taxi et le chauffeur lui demande : « Êtes-vous un chrétien ? » (ce n’est pas vraiment la manière d’entamer une conversation chez les musulmans !). Le chauffeur de taxi est un Arabe né à Jérusalem. Il s’est converti au judaïsme quand il était jeune homme. Après quelque temps, il avait conclu que le judaïsme n’était pas « la réponse ». Il avait rejoint l’Église chrétienne orthodoxe. Plus tard, il a rejeté le « christianisme » et il est devenu musulman. Enfin, déçu par toutes les religions, il a voulu les contourner pour « aller directement » à Dieu. Mais comment ? La course en taxi se termine, ils arrivent à destination. Mike reste alors dans le taxi quarante-cinq minutes de plus… pour lui expliquer comment « aller directement » à Dieu. Le conducteur en conclut : « Si c’est bien comme ça, ça me plaît beaucoup ! Merci de m’avoir ouvert les yeux ! ». Dieu agit dans le cœur des musulmans de nos jours. Une autre histoire le montre bien. Je fais mon shopping de Noël dans un des nombreux centres commerciaux de Grande-Ville – une autre ville plus éloignée. Au moment de payer, le jeune 32


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caissier musulman se trompe en ma faveur. Comme il ne s’en rend pas compte, je lui fais remarquer son erreur, par honnêteté. Sa bouche esquisse d’abord un sourire narquois, comme pour me dire : « Ce que tu peux être bête ! ». Mais il se ravise vite. Son visage s’adoucit et, plus attentionné, il me remercie. « Pas de problème » lui dis-je d’un ton enjoué, sans même essayer de l’évangéliser ou de partager un verset avec lui devant tous les autres employés musulmans. Il doit probablement se dire que je suis chrétienne, à voir mon visage blanc d’étrangère. D’autant que je viens d’acheter plusieurs rouleaux de papier-cadeau de Noël. Je rejoins la voiture et commence à mettre les sacs dans le coffre quand j’ai soudain soif. Je me dis alors que je dois acheter de l’eau à BigMart, mon prochain arrêt. Mais le Saint-Esprit semble m’interrompre : — Retourne dans le magasin et fais ton achat ici. Ma première réaction est de penser : — Pourquoi ? Tu n’aimes pas BigMart ? Quoi qu’il en soit, je referme le coffre et m’exécute. Me voilà de retour dans le grand magasin. Alors que je m’approche de la caisse pour payer, ma petite bouteille à la main, deux musulmans accélèrent le pas. Ils portent leur chapeau de prière pour afficher leur piété. Ils passent devant moi et déchargent tous leurs articles sur le tapis de caisse. Et moi qui n’avais qu’un seul petit article ! Mon côté américain voudrait crier : « Je suis née libre ! Vous ne pouvez pas me passer devant de cette manière ! ». Mon côté chrétien pense tout autrement et se demande : Comment puis-je transformer cela en une occasion de montrer l’amour de Dieu ? Au fond, personne ne peut m’enlever quelque chose que je donne librement. Je renonce donc à « mes droits » en lançant un joyeux « Tfaddalu » – je les invite poliment à passer devant. (Respire… Souviens-toi que l’amour ne s’enfle pas d’orgueil… l’amour est patient… l’amour ne cherche pas son intérêt.) Le regard plein de mépris, ces deux hommes semblent 33


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dire : « Ma chérie, ton tfaddalu, on s’en fiche. Nous te passons devant… que tu le veuilles ou non ». Ma tentative pour leur témoigner de la grâce ne les touche pas le moins du monde, mais Dieu sait ce qu’il est en train de faire. Tout le temps pendant lequel j’attends qu’ils passent en caisse et paient est du temps gagné pour le jeune caissier d’avant (celui qui s’était trompé en ma faveur). Cela lui permet de demander sa pause, de sortir et de descendre la rue pour m’attendre. Lorsque j’entre enfin dans ma voiture pour quitter le parking, le jeune homme est là. En sécurité, hors de vue de ses compatriotes musulmans, il me fait signe d’arrêter. Arrivée à sa hauteur, je freine et descends la vitre : — Je peux vous aider ? Sa réponse me prend complètement au dépourvu : — Oui, Mademoiselle. Je suis musulman, mais je veux devenir chrétien. Que dois-je faire ? Lorsque, plus tard, je le présente à Mike, le jeune Ahmad ouvre son cœur : — Je suis musulman et je sais que nous, les musulmans, nous ne sommes pas droits. Nous sommes tortueux. Mais tous les chrétiens que je connais, ils sont comme ta femme. Ils sont tous droits. Je veux En sécurité, hors être chrétien. de vue de ses Ces histoires vraies, comme des centaines d’autres, attestent que ce champ n’est plus une terre dure à moissonner et stérile comme autrefois. Dieu a brisé la jachère et préparé le sol. Les prières mondiales de son Église l’ont labourée. La sueur et les larmes de plusieurs générations de témoins fidèles l’ont arrosée. Les efforts en commun du corps de Christ à travers les siècles et autour du globe l’ont ensemencée. Qui sont-ils aujourd’hui ? Ce

compatriotes musulmans, il me fait signe d’arrêter […] : « Je suis musulman, mais je veux devenir chrétien. Que dois-je faire ? ».

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sont ceux qui combattent dans la prière, les missionnaires, les faiseurs de tentes, les traducteurs, les producteurs de matériels de sensibilisation et de médias, les radiodiffuseurs, ainsi que ceux qui propagent la lumière à travers leurs entreprises, des sites internet, des forums, l’évangélisation par le sport et une foule d’autres initiatives. Tous les moyens sont utilisés pour engranger une moisson qui ne fait que commencer. Tous sont une infime partie d’un ensemble trop grand à saisir à partir d’un seul point de vue. Et c’est bien ainsi, afin que toute la gloire de la récolte ne revienne qu’à Dieu seul.

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Maintenant donc, frères et sœurs, priez pour nous afin que la parole du Seigneur se propage et soit honorée […] et que nous soyons délivrés des hommes méchants et pervers, car tous n’ont pas la foi. 2 Thessaloniciens 3 : 1-2


CHAPITRE DEUX

VAINCRE LA PEUR Cela ressemblait à un coup de fil banal. Une invitation tout à fait normale : « Viens jeudi soir, à neuf heures » nous a dit Mozi. Mike serait rentré pour garder les enfants à ce moment-là, je n’avais donc pas à m’inquiéter de ce côté-là. Nous n’avions pas le moindre soupçon. Après quelques années à peine, nous commencions à faire partie des meubles dans le voisinage. Passer du temps chez les uns et les autres était devenu normal. Mozi, comme d’autres femmes, m’avait souvent invitée assez tard en soirée. Une fois les tâches du jour Quand Mozi a appelé accomplies, la dernière série de prières cette nuit-là, rien ne achevée et les restes du dîner débarraslaissait penser à un sés, les femmes avaient un peu de temps guet-apens. pour elles. Plus tôt, pendant les heures « normales » de visites, plusieurs invités en même temps peuvent arriver : la situation n’est pas favorable aux conversations sérieuses. Mais après neuf heures, tout est calme. Il nous arrive de discuter des heures, souvent sur des sujets spirituels. Mozi et les sept autres femmes de sa famille, qui vivent sous le même toit, sont devenues de très proches amies. Nous avons 37


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passé des heures sans fin à nous rendre visite, à discuter entre nous, à passer le temps en profitant les unes des autres. La famille nous fait totalement confiance, à Mike et à moi. Au point que nous avons eu le droit de conduire quelques-unes des femmes dans une autre ville, à deux heures de là, pour rompre le jeûne du Ramadan avec elles chez leurs cousines. À une autre occasion, j’ai eu le grand honneur de les emmener dîner au restaurant, et sans escorte ! Elles étaient excitées comme des lycéennes le soir du bal de promo. Hilma, complètement voilée à l’exception des yeux, n’arrêtait pas de regarder par-dessus son menu pour observer la foule mixte autour d’elle. Je connais ces femmes et elles me connaissent. Je les aime. Quand Mozi a appelé cette nuit-là, rien ne laissait penser à un guet-apens. Peut-être que si nous en avions su un peu plus sur les hommes de la famille, nous aurions été plus méfiants. Mais notre Dieu souverain en avait décidé autrement et Mike avait développé des relations avec d’autres hommes du quartier. J’avais beau venir souvent, moi non plus, je ne connaissais pas les hommes de la maison. Tout simplement parce qu’il aurait été indiscret de poser des questions à leur sujet. Je me suis mise à raisonner comme dans cette culture : Au fond, pourquoi une femme s’intéresserait-elle aux hommes d’une autre famille que la sienne ? En revanche, ces hommes en avaient suffisamment appris sur moi. Je n’étais pas vraiment le problème, ni même ma famille. C’était Dieu. Au fur et à mesure que la Bonne Nouvelle se répandait, Dieu confirmait la vérité de diverses manières et à diverses personnes. Quand Dieu a exaucé la prière de deux membres de leur foyer d’une manière spectaculaire, les hommes de la famille de Mozi n’ont pas été reconnaissants : ils ont été furieux. Deux sœurs de Mozi étaient possédées par des djinns et l’islam n’avait rien à offrir qui puisse les libérer de ces démons. 38


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Trois mois durant, la famille a emmené ces filles auprès de plusieurs mutawwas pour les guérir. Ces hommes sont considérés comme des experts religieux. Ils offrent des conseils spirituels à leurs compatriotes musulmans. En fait, ils Tout comme du temps se font payer pour cela. La famille a où Jésus a marché sur la terre : ses œuvres dépensé une petite fortune en potions ont divisé les gens. et « traitements » divers, venant de sept Certains croyaient et mutawwas différents. En vain. Vous étaient attirés à lui, lirez toute l’histoire au chapitre 6, mais d’autres s’emportaient pour l’instant, disons seulement que et l’attaquaient. les filles ont finalement été libérées des djinns après que j’ai prié au nom de Jésus. C’était comme au mont Carmel, comme la lutte entre le Dieu d’Élie et les prophètes de Baal. Comme Élie le dit : « Faites appel au nom de votre dieu. Quant à moi, je ferai appel au nom de l’Éternel. Le dieu qui répondra […], c’est celui-là qui sera Dieu » (1 Rois 18 : 24). Quand Dieu a répondu à la prière des chrétiens et délivré les filles, il a secoué en plein cœur tout le petit monde de cette famille. Tout comme du temps où Jésus a marché sur la terre : ses œuvres ont divisé les gens. Certains croyaient et étaient attirés à lui, d’autres s’emportaient et l’attaquaient. Un des proches de Mozi avait décidé d’attaquer. Il se trouve qu’il travaillait pour l’Agence spéciale du renseignement : la police secrète.

o o o Nous sommes jeudi soir. Nous avons terminé de dîner et nous avons accompli le rituel habituel de fin de soirée en famille. À cette époque, notre second enfant, Lydia, trois ans, est assez grande pour prier avec nous avant mon départ. C’est notre coutume : nous prions les uns pour les autres chaque fois que nous sortons pour témoigner du Christ. 39


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J’arrive chez Mozi, à l’autre bout de Petite-ville, peu après neuf heures. C’est étrange, mais un grand calme règne. En général, quand j’arrive, j’entends au moins le bruit de la télé à l’intérieur. Et puis, les enfants s’agglutinent autour de moi dans la cour et quelques femmes m’accueillent, debout sur le seuil de la porte. Ce soir, Jamila, la grand-mère bédouine sort me saluer. Malgré ses années, Jamila est une petite bombe à l’esprit vif qui explose souvent de rire. Ce soir, sa personnalité lumineuse et bavarde n’est pas au rendez-vous. Son visage s’est assombri. Elle fixe constamment le sol au lieu de me regarder. Quand elle s’excuse pour l’absence de Mozi et des autres, je l’assure que je suis heureuse d’être en sa compagnie : « Aucun problème ! Vous pouvez toujours me raconter quelques-unes de ces grandes histoires d’autrefois ». Nous entrons dans le majlis des femmes et nous nous asseyons sur le tapis. Au lieu de s’asseoir en face de moi, elle se place à côté de moi… face à la porte. Je trouve cela étrange, mais je ne soupçonne toujours rien. Deux minutes plus tard, la porte s’ouvre violemment. Un homme entre dans la pièce. Un homme. Dans le majlis des femmes. Des Des sonnettes d’alarme retentissent sonnettes d’alarme retentissent dans dans ma tête. Cela ma tête. Cela ne devrait pas se produire. ne devrait pas se Quelque chose cloche. L’homme est claiproduire. Quelque rement en colère. Il éructe de rage. Ses chose cloche. poings sont crispés et il souff le fort. Son regard provoque des nœuds dans mon ventre, et mes paumes commencent à transpirer. Une présence malsaine semble envahir lentement la pièce. Une présence sale, souillée. Comme il me dévisage, mon corps commence à trembler de la tête aux pieds. Impossible de le contrôler. Je n’arrêterai d’ailleurs pas de trembler durant les deux prochaines heures. La peur est si intense que je sens que je vais devoir vomir – et que je devrai sans cesse avaler pour ne pas que cela se produise. 40


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Je prie intérieurement : — Oh mon Dieu ! Fais-moi sortir d’ici. J’ai peur de cet homme – et de ce mauvais esprit. S’il te plaît, sors-moi d’ici et ramène-moi à la maison en toute sécurité. — Suis-je ton serviteur, pour faire ta volonté, ou es-tu à moi ? semble me répondre le Seigneur. — Je suis à toi. — Alors, reste ici. Tu vas transmettre quelque chose à cet homme de ma part. Tout ce que j’arrive à penser, c’est : J’espère que tu n’en as pas pour longtemps. L’homme s’assied sur le sol face à moi, tout près et délibérément menaçant. Ses genoux presque contre les miens, il se penche en avant et approche son visage à quelques centimètres du mien. Il est au bord de l’explosion, mais se retient encore de parler : — Alors. Es-tu musulmane ? J’avale une nouvelle bouffée de nausée. — Non, Monsieur. Et vous ? Sans plus s’attarder sur des détails, il entre dans le vif du sujet : — Oh que oui, je le suis ! Vous aussi, vous feriez bien de l’être, et voilà pourquoi… Pendant les deux heures qui suivent, il va détailler les souffrances et les tortures que ma famille et moi méritons pour avoir essayé de détourner les musulmans de leur religion. Il profère des menaces, y compris des menaces sexuelles, et je tourne les yeux vers Jamila. Elle reste à mes côtés, merci Seigneur, mais elle garde les yeux fixés au sol. Elle est rongée de honte de laisser faire de telles choses chez elle, contre son amie. Mais il n’y a rien qu’elle puisse faire pour y changer quoi que ce soit. 41


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Cet homme a-t-il l’intention d’exécuter ses menaces ? En fait, il n’est peut-être pas seul. D’autres gars m’attendent-ils tout près d’ici ? Vont-ils m’emmener quelque part ? Je n’en sais rien. Je me mets à penser à ma famille qui se trouve à la maison. Sont-ils en sécurité ? Qui sait si plusieurs musulmans en colère n’ont pas coordonné un plan d’attaque contre nous ? Qui sait si ma famille n’est pas en train de subir les souffrances qu’il est en train de me décrire ? La reverrai-je un jour ? Plus tard, j’apprendrai que mon bourreau s’appelle Hamdan. C’est l’un des fils de Jamila, le frère de l’agent des renseignements. Son caractère explosif est bien connu. Les adultes de la communauté mentionnent Tout se passe comme même son nom pour effrayer les enfants le prédit Dieu dans désobéissants : « Faites ce qu’on vous dit la Bible : « Ne vous ou nous allons appeler Hamdan al Aziiz inquiétez ni de la manière dont vous pour s’occuper de vous ! ». parlerez ni de ce que vous direz ; ce que vous aurez à dire vous sera donné à l’heure même »

Pour une raison que j’ ignore, Hamdan me permet de parler à trois reprises, ce soir-là. Tout se passe comme le prédit Dieu dans la Bible : « Ne vous inquiétez ni de la manière dont vous parlerez ni de ce que vous direz ; ce que vous aurez à dire vous sera donné à l’heure même » (Matthieu 10 : 19). Dieu a vraiment quelque chose à dire à cet homme. Quelque chose qui va affecter Hamdan de manière visible et avec puissance.

Mon arabe n’est toujours pas f luide et Hamdan utilise beaucoup de mots inconnus. Jamila m’aide en me chuchotant quelques synonymes plus faciles à comprendre. Il s’arrête soudain de parler et me demande : — Que dites-vous de ça ? À ce moment-là, une réponse limpide me vient à l’esprit. Je sais qu’elle vient de Dieu : je ne l’aurais pas pensée par moi-même : 42


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— Monsieur Hamdan, si ce que vous dites est vrai, je dois devenir musulmane maintenant. Ma réponse semble le calmer légèrement : — C’est ce que je te dis. Tu dois devenir musulmane maintenant. — J’ai juste une question. Comment puis-je être certaine que le Coran est vrai ? Toute ma vie, j’ai cru que la Bible est la parole de Dieu. Je l’ai lue plusieurs fois et je n’ai jamais trouvé d’erreur. Tout ce qu’elle prophétise se réalise. Ses principes s’appliquent très bien dans la vie pratique. Quand je les suis, je reçois en retour les bénédictions promises. Quand je m’en éloigne, j’en paie les conséquences. J’ai vraiment vu des exaucements à mes prières. Toutes ces choses semblent prouver que la Bible est la parole de Dieu. Dans ce cas, si le Coran est vraiment la parole de Dieu, ses preuves doivent être plus éclatantes encore, n’est-ce pas ? Je ne veux pas aller en enfer ni subir les punitions que vous décrivez. Comment puis-je savoir avec certitude que le Coran dit vraiment la vérité ? — Tu veux savoir comment nous savons que le Coran est la parole de Dieu ? Tu veux savoir ? Je te le dirai. Tu veux savoir ? dit-il en se penchant en arrière et pointant son doigt vers moi. Tu veux savoir pourquoi je crois que le Coran est la parole de Dieu ? En fait, je ne lui ai pas demandé de témoigner de sa foi personnelle. Peut-être le Saint-Esprit est-il en train de diriger les pensées de son cœur ? — Je te le dirai. Tu veux savoir ? Il tape son doigt sur le tapis comme pour souligner un argument, mais l’argument ne vient pas. Incapable de penser à un début de preuve qui puisse valider le Coran, sentant qu’il est en train de perdre le contrôle des événements, il ramène la discussion sur moi et me crie : — Tu parles pour ne rien dire ! 43


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Parler pour ne rien dire ? Voilà une personne qui propose de se convertir à l’islam si on lui prouve que le Coran est vrai. La plupart de mes amis musulmans fabriquent de fausses preuves. La fin justifie les moyens. Si une anecdote encourage les gens à adopter l’islam, peu importe qu’elle soit vraie ou pas ! Même les journaux publient des histoires censées « prouver » l’islam, juste pour encourager les masses à lui rester fidèles. Comme cette histoire d’une fille qui, pour avoir refusé de pratiquer les salaat, les prières rituelles, aurait été transformée en chien. Des témoins auraient vu un bébé réciter le Coran alors qu’il sortait du ventre de sa mère. Un homme aurait ouvert un melon et les graines, à l’intérieur, étaient disposées de façon à former le mot « Islam ». Mais Hamdan n’avait rien à offrir. Mon corps tremble encore de peur, mais, dans mon esprit, l’espoir commence à germer. Dieu aurait-il l’intention de sauver l’âme de cet homme ? C’est apparemment la première fois que Hamdan remet en question sa propre foi. Nous discutons d’un sujet de vie ou de mort éternelle. En quoi se confie-t-il exactement et pourquoi ? Je suis terrifiée de le défier de cette manière, mais Dieu sait comment pousser Hamdan à se poser les bonnes questions. Et sa façon d’agir me permet de sortir de la liste noire d’Hamdan et d’être de son côté. Après tout, si le Coran est vraiment vrai et la Bible fausse, je devrais me convertir. Comme c’est habile !

Je suis terrifiée de le défier de cette manière, mais Dieu sait comment pousser Hamdan à se poser les bonnes questions.

Une deuxième fois, Hamdan me demande de parler. Avec le temps, des hommes mauvais auraient corrompu la Bible et Muhammad aurait été envoyé pour la remplacer par le Coran. Hamdan me demande de réagir à cette affirmation. Une question me vient alors à l’esprit. Je la pose sous forme d’histoire. — Monsieur Hamdan, supposons qu’il y ait eu un accident de voiture dans la rue, avec quarante témoins. Tous racontent 44


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un aspect de l’événement. Certains témoignages comportent des points communs, mais en les rassemblant tous, votre compterendu est complet. La police compile le tout et dépose le dossier au poste de police. Voilà que vingt ans plus tard, un homme va voir la police avec un autre dossier et dit : « Votre dossier avec tous les rapports de ces témoins n’est pas fiable. Je sais ce qui s’est vraiment passé, j’ai la vraie vérité ». Qu’en pensez-vous ? La police va-t-elle le croire ? Va-t-elle accepter de remplacer son dossier par le nouveau ? Les Arabes s’expriment souvent en utilisant des histoires et Hamdan m’écoute avec intérêt. — Bien sûr que non, répond-il. Mais où veux-tu en venir ? — Eh bien, je me demande juste pourquoi mes amis musulmans continuent de dire que la Bible est corrompue. La Bible a été écrite par quarante hommes très différents les uns des autres. De plus, cela s’est étalé sur plus de 1 500 ans. Certains ont écrit sur un sujet, d’autres ont parlé d’autre chose. Certains écrits comportent des points communs, mais quand vous rassemblez le tout, vous obtenez la vérité complète. Tous ces témoins, tout au long des siècles ne se sont jamais contredits. Puis un homme, le prophète Muhammad, surgit et voilà que le monde arabe tout entier abandonne le dossier d’avant pour suivre le Coran. Pourquoi ? Aucun de nous deux n’a prévu la façon dont les choses tournent. Dieu avait vraiment quelque chose à dire à cet homme, et dans sa tendresse, il a tout doucement rendu Hamdan réceptif. Hamdan se lève pour partir. Il n’a jamais levé la main sur moi. — Et pour clore le débat… (Je dois comprendre par là qu’il veut avoir le dernier mot)… sachez que vous irez directement en enfer. Et toute personne qui adopte la même manière de vivre que vous ira directement en enfer. Et vous en porterez la 45


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responsabilité. Pour toujours. (Il fait une pause et me regarde.) Le débat est clos. Je sais ce que signifie sa dernière phrase : il a eu le dernier mot. D’ailleurs, il s’est calmé et je n’ai aucune envie de provoquer une nouvelle flambée. Malgré tout cela, un dernier dernier mot me vient à l’esprit. Je comprends aussitôt que cela me vient du Seigneur et pourquoi je dois le dire : — Je vous remercie. Hamdan commence par se figer. Puis il me regarde avec incrédulité. Presque dans un murmure, il laisse sortir un : — Quoi ?! Sa rage s’est envolée et a laissé place à la perplexité : — Vous venez de passer deux heures de votre temps à essayer de me convertir parce que vous croyez sincèrement que j’irai en enfer. Alors, je ne peux qu’imaginer que vous essayez de sauver mon âme. Et pour cela, je vous remercie. La seconde visite, celle de mon retour, allait, plus tard, donner tout son sens aux événements de ce soir – par un retournement de situation incroyable qui allait prendre tout le monde au dépourvu.

Je lui dis ces choses de tout cœur. Lentement, Hamdan recule en direction de la porte, en secouant la tête et en écartant ses deux mains comme pour se défaire de mon emprise. Quand il part, le mauvais esprit part avec lui.

À peine est-il parti que je suis prête à m’en aller, moi aussi. Sauf que mon corps a fondu comme du beurre. Jamila doit m’aider, même si elle n’arrive toujours pas à me regarder dans les yeux. Elle me demande et me redemande pardon. Je lui réponds qu’elle n’y est pour rien, qu’elle et les autres ont été obligées d’obéir aux hommes. Au fond de moi, je me sens pourtant trahie. Blessée. Il me 46


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faudra des semaines avant que je ne récupère de mes émotions pour rendre à nouveau visite à ces femmes. (Je ne savais pas encore à quel point j’allais être heureuse d’y revenir. La seconde visite, celle de mon retour, allait, plus tard, donner tout son sens aux événements de ce soir – par un retournement de situation incroyable qui allait prendre tout le monde au dépourvu.) En rentrant à toute vitesse chez moi, je constate, soulagée et reconnaissante, que ma famille dort paisiblement. J’empêche aussitôt Mike d’en profiter plus longtemps en le réveillant pour lui raconter toute l’histoire à coups de sanglots. Nous prenons un certain temps pour prier ensemble. Mike est très réconfortant. Après avoir été en contact prolongé avec cet esprit souillé, je sens que je dois prendre une douche et passer quelques heures à lire la Bible. Juste pour me sentir « propre » et assez en sécurité pour aller dormir.

o o o Quelques semaines plus tard, me voilà assise sur le sol dans le majlis de Mozi, entourée de toutes les femmes de la famille (sauf Jamila qui rend visite à une voisine). Pendant que nous parlons de tout et de rien, entre recettes de cuisine et vernis à ongles, la porte s’ouvre et Hamdan entre. Je comprends vite qu’il ne s’imaginait pas rencontrer une invitée parmi les femmes. Il ne faisait que traverser le majlis pour passer de l’autre côté de la maison. Comme il a l’air différent ! Ici, au grand jour et en public, il n’est pas en colère et cette mauvaise présence ne l’accompagne pas. Pour la première fois, je me rends compte que je le dépasse d’une tête. Il a presque l’air d’un petit garçon. Dieu remplit soudain mon cœur de compassion pour lui. Je sens que toute sa violence extérieure ne fait que protéger une âme effrayée au fond de lui. J’ai presque envie de le prendre dans mes bras et de lui dire combien Jésus l’aime. (Je ne le fais pas.) 47


QUA ND DIEU OU V R E LES PORTES

Il hésite un instant puis s’assied au milieu des femmes : — Alors, Reema, es-tu devenue musulmane ? Voulant faire la paix, je lui réponds d’un ton enjoué : — Non, Monsieur Hamdan… Et vous, êtes-vous devenu chrétien ? Il arbore un franc sourire. Puis il pose une question sur la Bible. La meilleure façon de lui répondre, je crois, est de lui raconter comment je suis devenue une mu’mina, une croyante. Lorsque j’ai terminé, Mozi me tapote la cuisse et, très sérieusement, me demande : — C’est vrai, cette histoire ? — Tout à fait. Et Dieu fera de même pour toi si tu crois en son Fils. Combien de fois lui ai-je raconté cette histoire ! Mais cette fois-ci, elle semble émue. Hamdan se lève et reprend sa posture autoritaire : — Reema ! — Oui, Monsieur Hamdan ? — As-tu cette Bible en arabe ? — Oui, Monsieur. — Apporte-la-moi. Si je ne suis pas ici, laisse-la et je viendrai la chercher. Je voudrais bien la voir de près, ta fameuse « Bible ». Il en avait parlé avec mépris, mais il avait demandé une Bible ! Le lendemain, j’ai enveloppé une Bible en arabe dans un tissu et l’ai apportée. Jamila, qui n’était pas là lorsque Hamdan me l’avait demandée, était seule à la maison lorsque j’ai laissé le paquet. Vous verrez que ce détail a son importance. Comme elle ne savait ni lire ni écrire, elle ne pouvait pas savoir qu’il s’agissait d’une Bible. Je lui ai donné le livre, en disant sim48


Va i n c r e l a p e u r

plement que Hamdan l’avait demandé. Nous leur avions déjà donné divers objets, elle n’avait donc aucune raison de se poser des questions. Quelques semaines plus tard, Jamila et moi étions en visite à l’hôpital, auprès de sa nièce malade. Nous papotions ensemble, assises sur le sol quand elle a fait mention du livre : — Oh, tu sais, ce livre que tu as apporté pour Hamdan ? Eh bien, il l’aime beaucoup ! Wow ! Quelle surprise ! Il l’aime beaucoup ? Est-ce que tu te rends compte de ce que tu dis, Jamila ? Pour l’amour du ciel, tu es en train de me parler d’une Bible ! Et Jamila de continuer (son fils était tellement intéressé qu’elle en était presque à se plaindre) : — En fait, il en est fan ! Tu sais, dès qu’il rentre du travail, tout ce qu’il fait, c’est lire, lire et encore lire ce livre !

Avant même notre arrivée en Arabie, nous étions avertis de ne pas attirer l’attention sur nousmêmes, car toute activité chrétienne pouvait être surveillée.

Depuis, Mike et moi, nous nous sommes déjà réunis avec Hamdan et cela s’est toujours très bien passé. Il a accepté secrètement les Bibles, le matériel d’étude, les CD et les livres chrétiens. Il a tellement changé que nous pensons qu’il est désormais un de ces croyants en cachette.

Avec un grand sourire, il serre la main de Mike et le présente à d’autres musulmans comme son ami. Quand nous venons en visite chez lui, Hamdan fait cuisiner un copieux fou’alla et honore notre présence en nous servant lui-même à manger. Un jour, nous espérons que Hamdan nous racontera comment lui-même a vécu toute cette histoire pour enfin devenir un mu’min.

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QUA ND DIEU OU V R E LES PORTES

Avant même notre arrivée en Arabie, nous savions que nous serions surveillés. Toute activité chrétienne peut être observée : mieux vaut ne pas attirer l’attention sur nous-mêmes. Nos téléphones peuvent être mis sur écoute, le courrier lu, et les déchets ramassés. En fait, certains de nos courriers nous sont arrivés avec un timbre du gouvernement sur l’enveloppe, signe qu’ils avaient été ouverts et lus. Il nous est arrivé de constater que nos déchets avaient disparu de la poubelle. De toute évidence, nos téléphones étaient sur écoute, car toutes sortes de petits bruits et de sons confus en arrière-plan dérangeaient nos conversations. Malgré cela, tout ce que nous pouvions craindre n’est jamais arrivé. Un jour, alors que nous vivions dans un appartement à l’étage, nous avons dû faire disparaître notre « matériel sensible ». Nous ne pouvions pas le jeter dans notre poubelle puisque quelqu’un aurait pu le récupérer et nous accuser d’être des missionnaires chrétiens. Nous avons donc décidé de le brûler. Avez-vous déjà allumé un incendie dans un appartement ? Et après ça, essayez un peu de ne pas attirer l’attention sur vousmêmes ! Nous avions rempli d’eau une cafetière et l'avions posée dans l’évier de la cuisine, au cas où la situation nous échapperait. Dès que les papiers ont pris feu, nous avons réalisé notre erreur. La fumée a commencé à s’élever dans les airs puis à sortir par la fenêtre de la cuisine. Dans la rue, les gens ont commencé à lever la tête vers notre appartement. Quelle énorme quantité de fumée pour un si petit papier ! Les gens montraient notre fenêtre du doigt, l’air inquiet. Que serait-il arrivé si l’un d’eux avait appelé les pompiers et que nous avions dû expliquer pourquoi nous brûlions des papiers dans une tasse à café ? Une autre fois, c’est au tour de Mike de vivre une drôle de situation. Il est en train d’apprendre l’arabe. Fatigué d’étudier à son bureau, il décide de sortir ses fiches de vocabulaire et d’aller se promener. 50


Va i n c r e l a p e u r

Sur chaque fiche se trouve une phrase simple de la leçon. Mike commence à pratiquer son arabe en marchant. Il lit ses fiches à haute voix : « Où est le sac ? ». Puis : « Est-ce que le sac est ici ? ». Puis : « Le sac est là ». Il arrive à un petit mur de briques. Il s’y arrête, s’y assied pour se reposer tout en continuant sa révision. Venus de nulle part, trois hommes s’approchent de lui. Probablement des policiers en civil. Ils ne parlent pas anglais, mais tentent néanmoins de communiquer avec lui : — Vous faites quoi ici ? lui demandent-ils en arabe. Mike essaie de leur faire comprendre qu’il pratique son arabe, mais son niveau est trop faible. Les hommes s’impatientent. La seule idée qui lui vient, c’est de leur montrer ses fiches. Dans son meilleur arabe, Mike lit la première fiche à haute voix : — Où est le sac ? Perplexes, les trois hommes commencent à regarder autour d’eux… apparemment à la recherche du sac ! Mike tente alors de clarifier sa démonstration et lit la deuxième carte : — Est-ce que le sac est ici ? De plus en plus perplexes, les trois hommes se mettent à échanger entre eux. De nouveau, Mike lit : — Le sac est là. Les trois hommes se penchent alors par-dessus le mur… à la recherche du sac ! Soudain, un talkie-walkie grésille, caché dans la poche d’un des hommes. Il le sort et parle rapidement avec quelqu’un. Puis, lançant des regards méprisants vers Mike et faisant quelques gestes de la main, ils s’en vont. Mike rentre à la maison encouragé par cette rencontre : ils ont au moins compris son arabe !

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p r é fac e d e

Imaginez un endroit où le simple fait de devenir chrétien vous condamne à mort, dénoncé par votre propre famille. Un endroit où les chrétiens étrangers qui s’aviseraient d’annoncer l’Évangile seraient immédiatement déportés s’ils étaient découverts. Reema Goode vit ces choses de près en tant que missionnaire. Elle et sa famille annoncent l’Évangile dans un pays de la péninsule arabique. Elle y observe une nouvelle tendance, malgré des obstacles humainement infranchissables : aucune porte n’est fermée pour Dieu et la lumière commence à percer dans le monde islamique. Un nombre sans précédent de musulmans viennent à Jésus. Suivez Reema Goode à travers ses expériences personnelles et vivez, de l’intérieur, la façon dont Dieu se révèle à ses voisins, de manière créative, parfois inattendue et souvent palpitante.

QUA ND DIEU OU V R E

“Voici, j’ai mis devant toi une porte ouverte que personne ne peut refermer.” apocalypse 3 : 8

L E S PORTE S

frère andré

QUAND DIEU OU V R E LES PORTES U N E F E M M E A U C Œ U R D E L’A C T I O N D E D I E U DANS LE MONDE MUSULMAN

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