L'étrange éclat des plaisirs de la terre • Joe Rigney

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POSTFACE DE MATTHIEU GIRALT

NOURRIR SA PASSION POUR DIEU EN JOUISSANT DE SES DONS MERVEILLEUX

JOE

Nombre d’entre nous sont totalement analphabètes lorsqu’il s’agit de lire autre chose qu’un livre. Joe suit l’exemple des Écritures en nous enseignant comment lire le monde, la création et les dons de Dieu sous l’autorité de la Parole de Dieu. C’est un livre important et j’espère que vous le lirez.

Abigail Dodds

Auteure de Une femme (a)typique

D’un côté, Dieu est passionné par sa gloire ; de l’autre, nous désirons être véritablement heureux. Voilà deux réalités qui, loin d’être contradictoires, ne forment qu’une seule et même quête – une quête qui bouleverse notre vie. Il en va de même de Dieu ainsi que du monde qu’il a créé : Dieu désire que nous prenions plaisir en lui en toutes choses, et que nous prenions plaisir en toutes choses en lui. Voilà qui paraît simple – pourtant, dans notre finitude et notre identité d’être humain déchu, nous avons tendance à nous emmêler les pieds dans ces vérités. Depuis des années, Joe Rigney étudie consciencieusement et brillamment ce dilemme. Dans ce livre, sa réflexion adopte un point focal plus restreint et offre une plus grande accessibilité. J’attendais avec impatience la parution de ce petit livre et de sa vision transformatrice et je suis vraiment enthousiaste qu’il soit enfin disponible.

David Mathis

Pasteur et auteur de La grâce au quotidien

Depuis que l’Empereur Constantin a conquis Rome en l’an 312 et mis fin à la persécution des chrétiens, les croyants sont aux prises avec leur amour pour Dieu et leur amour pour le monde. L’Ultimate Fighting Championship a remplacé les combats de gladiateurs. Au lieu des célébrations païennes, on engloutit les séries Netflix et on célèbre les fêtes laïcisées. Comment les chrétiens du 21è siècle peuvent-ils savourer les plaisirs du monde sans pour autant sacrifier leur première obligation d’aimer le Seigneur ? Joe Rigley donne des conseils remarquablement opportuns pour se réjouir de la création de Dieu tout en gardant Dieu au-dessus de sa création.

Erick-Woods Erickson éditeur de The Resurgent

Les éditeurs remercient chaleureusement tous ceux qui ont collaboré à la réalisation de cet ouvrage en français : Annie, Loanne, Matthieu, Claudine, Nelly et Viviane.

Édition originale publiée en langue anglaise sous le titre :

Strangely bright: Can you love God and enjoy this world? • Joe Rigney © 2020 • Joe Rigney

Publié par Crossway, un ministère de Good News Publishers

1300 Crescent Street • Wheaton, IL 60187 • USA

Traduit et publié avec permission. Tous droits réservés.

Édition en langue française : L’étrange éclat des plaisirs de la terre : Nourrir sa passion pour Dieu en jouissant de ses dons merveilleux • Joe Rigney © 2024 • BLF Éditions • www.blfeditions.com.

Rue de Maubeuge, 59164 Marpent, France

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés.

Traduction : Annie Lisimaque et Loanne Procopio

Révision : BLF Éditions

Couverture : Dan Vancatachellum

Mise en page : Laurianne Hirschler

Sauf mention contraire, les citations bibliques sont tirées de la Nouvelle version Segond révisée (Bible à la Colombe), © 1978 Société biblique française. Avec permission. Tous droits réservés.

Les caractères italiques sont ajoutés par les contributeurs du présent ouvrage. Des versions alternatives ont aussi été employées : la Nouvelle Édition de Genève (NEG), la Bible Darby (DRB), la Bible du Semeur (BDS), la Second21 (S21), la Nouvelle Bible Segond (NBS) et la Nouvelle Français Courant (NFC). Reproduit avec aimable autorisation. Tous droits réservés.

Le chapitre 7 de l’édition originale a été remplacé par une postface propre à l’édition française.

Une coédition BLF Éditions et TPSG.

ISBN 978-2-36249-995-1 relié

ISBN 978-2-36249-996-8 numérique

Imprimé en France par Sepec

Dépôt légal 4 e trimestre 2024

6.

TABLE DES MATIÈRES

Pour Jack Joseph Rigney

Une grâce excellente et un don parfait.

INTRODUCTION

L’objectif de ce petit livre est très simple. Je désire aborder une problématique à laquelle vous avez certainement déjà tous été confrontés, même si vous n’avez pas réussi à mettre un nom dessus. Si vous êtes un disciple de Jésus, ce point de crispation, source de malaise, vous a probablement travaillé à maintes reprises et a régulièrement occupé votre esprit de manière subtile.

En guise d’introduction, je vais vous raconter une partie de mon histoire. Lorsque j’avais 14 ans, ma famille a rejoint une implantation d’Église dans une ville de taille moyenne à l’ouest du Texas. C’est cette Église que j’ai fréquentée pendant mes années de lycée. Je me souviens que dimanche après dimanche, notre pasteur répétait une chose : la vie ne tourne pas autour de moi, mais autour de Dieu. Autour de Jésus, pas de moi. Il nous avait expliqué entre autres que, dans le livre d’Ézéchiel, Dieu dit à de multiples reprises que toutes ses actions – créer le monde, sauver son peuple, punir le péché ou juger ses ennemis – visent un seul et même objectif : que tous sachent que Dieu est Seigneur. Il semblerait bien que Dieu soit radicalement centré sur lui-même : tout ce qu’il fait, il le fait pour son nom, pour sa

propre gloire. Cette vérité biblique a eu sur moi un impact considérable, pas seulement à cause de ce que j’entendais, mais aussi par la manière dont cette vérité était proclamée. Que ce soit mon pasteur, les responsables jeunesse ou les orateurs qui étaient souvent invités à nos camps d’ados, tous avaient une force, un zèle, un feu qui communiquaient clairement au lycéen que j’étais que ce sujet était de la plus haute importance. Jésus existe réellement. Jésus sauve. Jésus restaure. Jésus donne du sens à notre vie. Et il fait tout cela pour la gloire de son nom.

Lorsque je suis allé à l’université, la véracité de cette affirmation biblique n’était plus à prouver à mes yeux ; j’étais convaincu que tout ce qui existe gravite effectivement autour Dieu et sert à proclamer sa gloire. Je n’avais plus aucun doute à ce sujet. J’ai découvert alors le ministère d’un certain John Piper, un pasteur de la ville de Minneapolis. Il a mis le doigt sur une tension que j’avais ressentie toute ma vie : la tension entre la vérité biblique selon laquelle toutes choses sont centrées sur Dieu, et la réalité de mon quotidien selon laquelle je recherchais mon propre bonheur. J’avais conscience que je désirais être heureux et en même temps je voulais que ma vie ait du sens, qu’elle soit utile. Ce désir de bonheur et de sens était aussi naturel que le besoin de respirer. Et John Piper m’a montré, comme il l’a montré à des milliers d’autres à travers ses prédications et ses ouvrages, qu’au final il n’existe pas de tension entre la passion de Dieu pour sa propre gloire et ma passion pour mon propre bonheur. Pourquoi ? Parce que Dieu m’a créé afin que je trouve ma joie la plus profonde en lui. Piper a résumé ces conclusions bibliques dans une affirmation simple et pourtant bouleversante :

Dieu est le plus glorifié en nous lorsque nous sommes le plus satisfaits en lui. Cette vérité a fait l’effet d’une bombe dans mon cœur. Ma recherche effrénée de sens, de valeur, de bonheur et de joie a été orientée vers une seule et unique passion : glorifier Dieu en prenant plaisir en lui au-delà de tout ce qui existe sur la terre.

Après mes années d’université, je me suis rendu à Minneapolis pour être formé en tant que pasteur au Bethlehem College & Seminary, une formation au sein de l’Église de John Piper.

Je me suis donc logiquement plongé dans « l’hédonisme chrétien », une expression volontairement provocatrice que Piper utilise pour résumer cette vérité biblique : c’est en recherchant notre plaisir suprême en Dieu que nous le glorifions le plus. J’étais très curieux de voir ce à quoi cette approche de la vie et du ministère ressemblait dans la réalité. J’aimais particulièrement la charte de l’Église et de la faculté : « Nous existons pour répandre une passion pour la suprématie de Dieu en toutes choses pour la joie de tous les peuples à travers Jésus-Christ. » Par la providence de Dieu, non seulement j’ai pu étudier au Bethlehem College & Seminary, mais j’y suis aussi devenu enseignant. Je suis également pasteur d’une Église dans la région de Minneapolis. Je me définis toujours comme un « hédoniste chrétien » et j’aime toujours cette mission. Et même si vous n’utilisiez pas nécessairement les mêmes mots que moi, si vous êtes chrétien, je suppose que ces vérités trouveraient un certain écho en vous : Dieu est suprême en toutes choses. Pour la joie de tous les peuples. Avec Jésus-Christ toujours au centre.

La tension au niveau du vécu

Voilà ce qui nous amène au sujet de ce livre. Comme je l’ai déjà mentionné, l’hédonisme chrétien a résolu une tension : celle qui existait entre la passion de Dieu pour sa gloire et ma passion pour mon bonheur. Mais il a également créé une autre tension que vous parviendrez peut-être à discerner dans un texte comme celui du Psaumes 73.25-26 :

Quel autre ai-je au ciel que toi ?

Et sur la terre je ne prends plaisir qu’en toi.

Ma chair et mon cœur peuvent se consumer :

Dieu sera toujours le rocher de mon cœur et mon partage.

L’hédonisme chrétien transparaît clairement dans ce texte : Dieu est le rocher de mon cœur, je ne prends plaisir qu’en lui, il est mon bien le plus précieux pour toujours. Les chrétiens aiment chanter des cantiques qui reprennent cette thématique. Pourtant, si l’on prend le temps d’y réfléchir, est-ce que l’on est réellement sincère ? « Sur la terre je ne prends plaisir qu’en toi » …

Vraiment ? Qu’en est-il de votre famille ? Vos amis ? Vos loisirs ? Vos plats préférés ? Soyons honnêtes : n’est-ce pas là affirmer une chose et son contraire ? D’un côté, on déclare : « Je ne prends plaisir qu’en toi, mon Dieu » et de l’autre : « Mis à part, bien sûr, toutes les autres choses auxquelles je prends plaisir. » C’est cette tension qui a donné naissance à ce livre : comment peut-on à la fois résolument rechercher la gloire de Dieu et, en même temps, prendre un plaisir authentique et profond dans les choses créées ? Mais soyons encore plus concret.

Nous savons que la vérité biblique fondamentale de notre appel est de glorifier Dieu en prenant plaisir en lui plus qu’en toute autre chose. Comment donc cette vérité peutelle coexister avec, par exemple, le plaisir d’une amitié profonde, une délicieuse pizza, le sourire d’un bébé, un coucher de soleil à en couper le souffle, l’amour marital et un bon match de foot avec ses copains de fac ?

J’imagine que de nombreuses personnes parmi vous se sont posé la question et ont également ressenti cette tension. Vous êtes tiraillé entre votre désir d’aimer et d’honorer Dieu par-dessus tout et le plaisir inévitable et incontournable que vous procurent les choses de la terre. Vous avez éprouvé comme un petit sentiment de culpabilité à chaque fois que vous appréciez vraiment un plaisir terrestre. Peut-être que vous avez constamment l’impression de ne pas prendre « suffisamment » plaisir en Dieu (reste à déterminer ce que cela signifie) ou de « trop » prendre plaisir en ses dons (reste aussi à déterminer ce que cela signifie). Vous commencez peut-être même à voir les choses créées comme un sujet un peu embarrassant. Que ce soit le plaisir que vous procure l’affection physique, une bonne glace au chocolat ou une promenade autour du lac à l’automne, vous commencez à considérer tout cela d’un œil méfiant et sceptique : « Ces plaisirs ne seraient-ils pas devenus trop précieux pour moi ? » Que ce soit le plaisir de déguster un bol de framboises fraîchement cueillies, une conversation animée avec vos amis ou une journée de jardinage au printemps, vous vous imaginez peut-être que plus vous grandissez en sainteté et plus vous ressemblez à Jésus, moins ces plaisirs devraient avoir d’importance pour vous. Après

tout, vous êtes censé trouver de plus en plus de joie en Dieu seul, n’est-ce pas ?

Ces sentiments confus sont souvent ancrés dans nos croyances et nos convictions. Nous savons que Dieu est infiniment précieux, contrairement à notre famille, nos amis et notre nourriture préférée ; on a donc le sentiment qu’il devrait y avoir un fossé plus grand entre notre amour pour eux et notre amour pour Dieu . Par conséquent, nous tentons parfois de réprimer notre joie dans les choses de la terre afin qu’elles ne rivalisent pas avec notre amour pour Christ. Ou bien nous essayons de réprimer notre tristesse lorsque nous perdons ces dons qui nous étaient si chers – un conjoint, un parent, un enfant – par peur de déshonorer Dieu en les traitant comme des idoles. Nous craignons que notre affliction et notre douleur révèlent la trop grande valeur que ces dons terrestres représentent pour nous. Voilà à quoi ressemble souvent la tension de notre vécu. Si vous l’avez déjà ressentie, ce livre est pour vous.

La tension biblique

Il est important de noter que cette tension ne se manifeste pas uniquement au niveau de notre vécu. Elle est également présente dans la Bible. En réalité, la plupart d’entre nous la ressentons précisément parce que nous cherchons à croire et à obéir à la Parole de Dieu. Réfléchissons ensemble aux passages suivants des Écritures.

Mais ces choses qui étaient pour moi des gains, je les ai regardées comme une perte, à cause de Christ. Et même je regarde toutes choses comme une perte, à cause de l’excel-

lence de la connaissance de Jésus-Christ mon Seigneur, pour lequel j’ai renoncé à tout ; je les regarde comme de la boue, afin de gagner Christ.

PhiliPPiens 3.7-8

Si donc vous êtes ressuscités avec Christ, cherchez les choses d’en haut, où Christ est assis à la droite de Dieu. Attachezvous aux choses d’en haut, et non à celles qui sont sur la terre.

Colossiens 3.1-2

Quel autre ai-je au ciel que toi ?

Et sur la terre je ne prends plaisir qu’en toi.

Ma chair et mon cœur peuvent se consumer : Dieu sera toujours le rocher de mon cœur et mon partage.

Psaumes 73.25-26

Je vous propose de qualifier ce type de passages bibliques de «  radicaux », puisqu’ils expriment une dévotion radicale et entière à Dieu en Christ. Comparé à Christ, tout ce qui existe n’est qu’ordures… Ne vous attachez pas aux choses de la terre. Ne prenez plaisir qu’en Dieu. Le message de la Bible est limpide, n’est-ce pas ? Pourtant, lisez aussi les textes suivants :

Recommande aux riches du présent siècle de ne pas être orgueilleux, et de ne pas mettre leur espérance dans des richesses incertaines, mais de la mettre en Dieu, qui nous donne avec abondance toutes choses pour que nous en jouissions.

1 TimoThée 6.17

Car tout ce que Dieu a créé est bon, et rien ne doit être rejeté, pourvu qu’on le prenne avec actions de grâces.

1 TimoThée 4.4

Toute grâce excellente et tout don parfait descendent d’en haut, du Père des lumières, chez lequel il n’y a ni changement ni ombre de variation.

JaCques 1.17

Je vous propose de qualifier ce type de passages bibliques de « choses de la terre  », puisqu’ils expriment à quel point il est bon de jouir des choses créées. Lorsque l’on place ces passages côte à côte, on se retrouve face à un dilemme. Que dois-je donc faire : prendre plaisir en Dieu seul ou prendre plaisir dans toutes les choses que Dieu donne avec abondance ? Tout regarder comme des ordures ou tout recevoir avec actions de grâces ? M’attacher aux choses d’en haut ou profiter de toute grâce excellente et tout don parfait qui descendent d’en haut ? Cette tension n’est pas seulement présente dans notre vie, elle l’est aussi dans la Bible.

Une vue d’ensemble

Les six chapitres de ce livre visent à résoudre la tension qui existe entre ce que dit la Bible et celle que nous vivons. Chaque chapitre est ancré dans un texte des Écritures. Nous allons commencer par le psaume 19 et étudier comment la parole de Dieu et la création de Dieu œuvrent main dans la main pour nous révéler son caractère et nous enseigner à quoi notre relation avec lui devrait ressembler.

Dans le chapitre 2, nous allons parcourir les premiers chapitres de la Genèse afin d’étudier le dessein initial de Dieu pour le monde. Nous y découvrirons que Dieu est fondamentalement hédoniste. Il arrose en effet sa

création entière de délices en tous genres, à la fois pour que nous en jouissions, mais aussi pour l’accomplissement de sa mission.

Dans le troisième chapitre, nous nous pencherons sur deux approches complémentaires concernant Dieu et ses dons : une approche d’intégration basée sur Proverbes 24.13-14 et une approche comparative basée sur Romains 1 et Psaumes 73.25-26. Nous sommes appelés à prendre plaisir en Dieu en toutes choses et à prendre plaisir en toutes choses en Dieu, tout en sachant au plus profond de notre âme que Jésus est plus précieux que n’importe quel bien ou bonheur terrestre.

Dans le chapitre 4, nous examinerons l’importance de s’attacher aux choses d’en haut, selon Colossiens 3.1-4. Cette façon de penser, d’un point de vue céleste, est à la fois orientée par le Christ, mais reste solidement ancrée sur terre. Elle s’exprime à travers des élans qui nous dirigent vers Dieu de manière à la fois directe et indirecte.

Dans le chapitre 5, nous examinerons deux critères qui évaluent notre attachement aux biens terrestres. Le renoncement à soi (Luc 9.23-25) et la générosité (1 Timothée 6.17-19) sont tous deux au service de notre joie en Dieu et dans ses dons. Ils nous protègent des dangers que sont l’ingratitude, l’idolâtrie et l’indulgence pécheresse.

Dans le chapitre 6, nous réfléchirons longuement sur la souffrance, la mort et la perte de dons qui nous sont précieux. Dans 2 Corinthiens 1.3-11, Paul expose les défis auxquels la souffrance et la perte d’êtres chers nous confrontent. Puis il présente la seule source de réconfort véritable et durable.

Enfin, dans une postface de Matthieu Giralt, nous étudierons les répercussions concrètes et pratiques par le biais de l’une de ses activités favorites : le barbecue. Pour beaucoup de gens, faire un barbecue est source de profonde satisfaction, un plaisir complexe qui illustre bon nombre des vérités présentées dans ce livre. Cette postface a été écrite dans le but de vous donner un exemple parlant pour vous aider à comprendre concrètement comment prendre plaisir dans les choses de la terre pour la gloire de Dieu.

À travers tout cet ouvrage, mon souhait sincère est le suivant : collaborer avec vous à votre joie. La joie que vous procurent votre famille et vos amis, votre café et vos tartines, votre steak frites, vos lasagnes préférées, vos excursions en camping, vos matchs de foot et votre playlist sur Spotify. La joie que vous apportent la lecture de la Bible, les cultes à l’Église et ces moments calmes avant de vous endormir. Mais aussi votre travail, vos loisirs et votre routine journalière.

À travers tout cela, je désire collaborer avec vous à votre joie dans le Dieu vivant et personnel, ce Dieu qui vous a délivré du péché et de la mort à travers l’œuvre de son Fils et du Saint-Esprit, ce Dieu qui vous accorde tous ces cadeaux afin que vous puissiez, à tout jamais, prendre plaisir en lui et en ses dons, et en lui dans ces dons !

CE QUE LES CIEUX

PROCLAMENT

Le psaume 19 débute par un des versets les plus connus de la Bible : « Les cieux proclament la gloire de Dieu » (Psaumes 19.2 – NFC). La première moitié du psaume exalte la gloire de Dieu manifestée dans la nature : dans les cieux (v. 2), dans la course du soleil dans le ciel (v. 6-7 ) et dans les similitudes qui existent entre le soleil et un jeune marié (v. 6). Cette révélation de la splendeur de Dieu s’est répandue dans le monde entier de sorte qu’il n’existe aucun endroit où elle n’est pas entendue (v. 3-5). Le psaume s’ouvre sur un hymne de ce que les théologiens appellent « la révélation générale ». Cette expression fait référence à toutes les manières par lesquelles Dieu se révèle au travers de sa création – dans la nature et au cours de l’Histoire. Les cieux ne sont donc pas les seuls à proclamer la gloire de Dieu. Tout ce que Dieu a créé proclame sa

gloire. L’apôtre Paul écrit : « Les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient depuis la création du monde, elles se comprennent par ce qu’il a fait » (Romains 1.20 – S21). Ce que Dieu a fait, c’est-à-dire sa création, rend visible ses perfections invisibles. Les choses créées rendent les choses éternelles perceptibles. La puissance, la justice, la beauté, la sagesse et la miséricorde de Dieu sont des attributs invisibles que nous ne pouvons pas contempler directement. Pourtant, il est possible de voir sa puissance en regardant une tornade tout balayer sur son passage. Lorsque nous nous trouvons sur le sommet d’une montagne, nous ressentons la force et la stabilité de sa justice. Nous percevons sa beauté en contemplant le soleil se coucher sur l’océan. Quand nous observons la complexité de la chaîne alimentaire – le lapin qui mange de l’herbe avant d’être lui-même mangé par un renard –, on devine sa sagesse et sa miséricorde insondables pour tout ce qu’il a créé. Les choses créées rendent visibles les perfections invisibles de Dieu.

Voilà ce qu’est la révélation générale ; elle est par nature constante et universelle, accessible à tout homme partout dans le monde. « Ce n’est pas un langage, ce ne sont pas des paroles dont le son ne soit point entendu » (Psaumes 19.4). Comme l’a fait remarquer C. S. Lewis, « nous pouvons, certes, ignorer la présence de Dieu, mais nulle part nous ne pouvons y échapper. Le monde est rempli de lui. Partout il se déplace incognito1. » Jonathan Edwards, pasteur et théologien américain du XVIIIe siècle, était convaincu que l’univers entier, les cieux et la terre, dans ses moindres recoins, était rempli « d’images de choses divines, tout comme une langue est remplie de mots2 . » Il voulait dire par là

que tout dans la création nous communique un message sur Dieu de la part de Dieu. Dieu nous parle partout et en toutes choses.

Des catégories terrestres pour des choses spirituelles

La révélation générale œuvre de manière directe et indirecte. Elle fonctionne de manière directe en créant des « catégories » dans notre esprit et dans notre cœur qui nous aident à connaître Dieu. Ce fonctionnement est direct parce qu’il nous conduit directement de la chose créée à Dieu luimême. Comment les cieux racontent-ils la gloire de Dieu ? À travers leur immensité et leur majesté. La grandeur des cieux dit quelque chose de la grandeur de Dieu. De même, la beauté d’un coucher de soleil est une image de la beauté et de la sainteté de Dieu. Le rayonnement perpétuel et constant du soleil reflète la bonté constante et éternelle de Dieu. À chaque fois, nous sommes conduits directement de la chose créée à Dieu en personne. Notre expérience du monde nous donne des catégories qui nous permettent de connaître Dieu et sa Parole.

Plus encore, la révélation générale établit pour nous des catégories qui nous aident à connaître non seulement Dieu, mais aussi de nombreux aspects de la vie spirituelle. Regardez le psaume 1 :

Heureux l’homme qui ne marche pas selon le conseil des méchants, qui ne s’arrête pas sur la voie des pécheurs, et qui ne s’assied pas en compagnie des moqueurs, mais qui trouve son plaisir dans la loi de l’Éternel, et qui la médite jour et nuit !

Il est comme un arbre planté près d’un courant d’eau, qui donne son fruit en sa saison, et dont le feuillage ne se flétrit point : tout ce qu’il fait lui réussit.

Il n’en est pas ainsi des méchants : ils sont comme la paille que le vent dissipe.

Psaumes 1.1-4

Dans ce psaume, les arbres fruitiers sont des images qui nous aident à comprendre à quoi ressemble l’homme heureux et droit, tout comme la paille nous aide à comprendre à quoi ressemble le méchant. Les hommes sont comme des arbres, et les différents types d’arbres nous permettent de comprendre les différents types d’hommes. C’est pourquoi Dieu a créé le monde tel qu’il l’a fait et nous a donné des yeux, des oreilles, un nez, une bouche et une peau. Nos sens sont conçus pour découvrir le monde. Notre esprit et notre cœur sont faits pour connecter notre expérience du monde naturel à la réalité du monde spirituel et au Dieu qui gouverne les deux.

Notre manière d’appréhender le monde au travers de la révélation générale contribue à nous faire comprendre la Bible et mieux connaître Dieu. En écrivant ce livre, j’ai pensé à une manière que je trouve parfaite pour illustrer ce propos. La voici : chaque année, le Bethlehem College & Seminary organise une conférence pour pasteurs dans la ville de Minneapolis. En plein mois de janvier ! Et chaque année, plusieurs milliers de pasteurs et de responsables d’Église entament un périple vers cette région enneigée et verglacée afin d’être encouragés par des temps d’adoration, d’enseignement et par la communion fraternelle.

Pour les frères qui viennent du sud, on sait que le voyage

est quasiment un rite initiatique ; ils rentreront chez eux et ne se priveront pas de régaler leur assemblée de récits relatant leurs exploits dans la toundra gelée du grand Nord. « Les bancs de neige m’arrivaient à la taille. Mes cils étaient tellement gelés que je n’arrivais presque plus à ouvrir les yeux. J’ai failli mourir en essayant de traverser la rue pour trouver de quoi manger. »

En janvier 2019, cependant, le froid a atteint un niveau record. Le vent glacial a fait baisser la température jusqu’à - 42°C. C’est froid, même pour ceux qui ont grandi dans le Minnesota ! Cette année-là, j’ai déclaré aux pasteurs réunis :

Lorsque vous rentrerez chez vous, vous tenterez d’expliquer à vos amis à quel point il faisait froid ici. Vous aurez peut-être recours aux mathématiques : « Vous voyez la différence entre 40°C et 20°C ? Et bien c’était comme si cette différence de température se répétait quatre fois de suite : de 40° à 20°, de 20° à 0°, de 0° à - 20° et... de - 20° à - 40° !! » Ils auront alors une petite idée de ce que vous avez pu ressentir, mais ils ne comprendront pas vraiment. Vous, par contre, vous êtes en train de le vivre ! Vous êtes sortis ce matin avec votre bonnet tout fin et votre petit coupe-vent. Les poils de votre nez ont gelé en moins de cinq secondes. Vous avez perdu la sensation dans vos doigts avant même d’avoir eu le temps de sortir de votre voiture et de rejoindre la salle de conférence. Sans même sortir du parking souterrain ! Et grâce à toutes ces expériences, la portée du psaume 147 est désormais toute autre pour vous :

Il envoie ses ordres sur la terre : sa parole court avec rapidité. Il donne la neige comme de la laine, il répand la gelée blanche comme de la cendre ; il lance sa glace par morceaux ; qui peut résister devant son froid ?

Psaumes 147.15-17

Qui peut résister ? Personne. Personne ne peut résister à ses vagues de froid ! Ni vous, ni moi. Notre expérience de la nature, de la révélation générale, a formé des catégories dans notre esprit qui font que nous lisons le psaume 147 d’un œil nouveau (et transi !)3 .

Un faisceau d’images

La révélation générale fonctionne également de manière plus indirecte. Là encore, le psaume 19 nous montre la voie. Lorsque le psalmiste décrit comment les cieux proclament la gloire de Dieu, il prend l’exemple du soleil qui parcourt le ciel d’un horizon à l’autre :

C’est là qu’il a placé une tente pour le soleil. Celui-ci, tel un marié sortant de sa chambre, tout content, se met en route, tel un vaillant guerrier.

Psaumes 19.5b-6 – NBS

Notez que le psalmiste se sert de deux comparaisons : le soleil est semblable à un jeune marié qui sort de sa chambre et il est aussi semblable à un vaillant guerrier qui part au combat. David regarde le soleil qui parcourt le ciel, puis il regarde un homme le jour de son mariage et il voit un lien : il voit dans l’éclat du soleil l’allégresse d’un époux. Il regarde à nouveau le soleil et il pense à Yocheb-Bachébeth, l’un des vaillants guerriers à son service, qui s’élance au combat, le regard ardent et la lance brandie (2 Samuel 23.8). Le soleil ressemble à un marié et le soleil ressemble à un vaillant guerrier. C’est ce large faisceau d’images qui nous montre comment les cieux racontent la gloire de Dieu. Le soleil est éclatant et triomphant, le visage de l’époux est rayonnant

alors qu’il attend sa bien-aimée, le vaillant guerrier est concentré, mais joyeux d’accomplir ce à quoi il est destiné.

Cela implique que la réalité est un faisceau d’images, de tableaux, de schémas, d’analogies et de métaphores qui sont tissés ensemble par la sagesse et l’habileté de notre Créateur. Les métaphores et les analogies opèrent sur le principe de la comparaison : on place deux choses côte à côte afin de mieux les comprendre toutes les deux. Le soleil nous aide à comprendre les mariages, et les mariages à leur tour nous aident à considérer le soleil d’un regard nouveau. Les vaillants guerriers nous aident à comprendre les époux, et les époux les vaillants guerriers. Dans le psaume, David reconnaît les ressemblances entre ces différentes choses de la terre. Certes, elles ne sont pas identiques, mais elles sont similaires. Et ce faisceau d’images est uni en Christ : toutes choses subsistent en lui (Colossiens 1.17).

Lorsque nous cherchons à connaître Dieu à travers la révélation générale, nous ne nous dirigeons pas directement vers lui. Nous allons passer, sur le plan horizontal, d’une image à l’autre parmi les choses de la terre et nous tenterons de comprendre ce qui les relie entre elles. Le tableau et l’expérience du monde dans son ensemble, finiront par nous conduire à Dieu. C’est lui qui nous attire vers cette constellation d’éléments que forme sa création pour que nous puissions le connaître à travers elle. C’est sa manière de se révéler à nous dans le contexte qui est le nôtre.

Remarquez que dans chacun de ces passages, ce qui nous aide à comprendre le sens de la Bible est extérieur à la Bible. Si vous n’avez jamais vu le soleil et sa course triomphante dans le ciel, le psaume 19 n’a pas de sens pour vous. Si

vous n’avez jamais observé un arbre fruitier au bord d’une rivière ou de la paille emportée par le vent, le psaume 1 n’a pas de sens pour vous. De même, si nous continuons à organiser notre conférence pour les pasteurs et responsables d’Église dans le Minnesota en plein mois de janvier, c’est parce que nous voulons qu’ils saisissent vraiment le sens du psaume 147. Personne – absolument personne – ne peut résister à son froid !

Rester honnête dans nos métaphores

À ce stade, il serait utile de répondre à quelques objections. Si Dieu communique avec nous au travers de sa création et par le moyen d’analogies, d’images et de métaphores, alors toutes les métaphores qui se présentent à nous sont-elles révélation divine ? Existe-t-il un moyen d’empêcher les dérives ? Comment s’assurer que des gens à l’imagination fertile n’en profitent pas pour inventer toutes sortes d’absurdités au sujet de Dieu ? Ces questions soulignent notre besoin de révélation spéciale, c’est-à-dire de révélation par laquelle Dieu se fait connaître de manière toute particulière à un moment précis, en un lieu précis. La révélation spéciale inclut la prophétie, les visions, les miracles et les actes puissants de Dieu pour le salut. La révélation spéciale se trouve principalement dans la Bible qui est la parole de Dieu aux hommes. Elle est unique, infaillible et elle fait autorité. Il n’est donc pas surprenant que le psaume 19 passe sans transition de la célébration de la révélation divine au sein de la création (versets 2 à 7) à la célébration de de la révélation divine dans la Bible :

La loi de l’Éternel est parfaite, elle restaure l’âme ; le témoignage de l’Éternel est véritable, il rend sage l’ignorant. Les ordonnances de l’Éternel sont droites, elles réjouissent le cœur ; les commandements de l’Éternel sont purs, ils éclairent les yeux. La crainte de l’Éternel est pure, elle subsiste à toujours ; les jugements de l’Éternel sont vrais, ils sont tous justes. Ils sont plus précieux que l’or, que beaucoup d’or fin ; ils sont plus doux que le miel, que celui qui coule des rayons. Ton serviteur aussi en reçoit instruction ; pour qui les observe la récompense est grande.

Psaumes 19.8-12

Ce qui nous garde sur la bonne voie, ce qui fait autorité, c’est la Parole écrite de Dieu. C’est elle qui joue le rôle de garde-fou pour nos métaphores et nos analogies. La loi de l’Éternel restaure l’âme et nous rend sages afin que nous ne racontions pas n’importe quoi au sujet de Dieu ! Elle éclaire nos yeux pour que nous voyions Dieu en tout et partout. Elle nous protège de l’erreur. Si la création est un langage grâce auquel Dieu nous parle par ce que nous voyons, entendons, sentons, goûtons et touchons, alors les Écritures sont comme le manuel de grammaire de ce langage de Dieu. La totalité de ce langage ne nous est pas révélée ; nous ne sommes pas limités aux images de la Bible. Néanmoins, la Bible nous montre les bases de ce langage ; elle nous donne des exemples qui nous enseignent le fonctionnement des images des choses divines, puis, par la grâce de Dieu, nous envoie trouver Dieu partout où il parle. Comme le dit un vieux cantique : Ce monde est celui de mon Père, Il resplendit dans tout ce qui est sincère, Dans le bruissement de l’herbe, je l’entends, Partout il parle, partout présent 4 .

Pas surprenant que les auteurs bibliques dirigent constamment notre regard vers le monde naturel pour nous apprendre à quoi ressemble Dieu et comment vivre une vie qui le glorifie. Vous vous inquiétez pour la nourriture ? Jésus vous exhorte à regarder les oiseaux. Vous vous inquiétez pour le vêtement ? Regardez les lys des champs. Vous avez tendance à la paresse ? Salomon vous conseille d’étudier les voies de la fourmi. Jésus et Salomon expliquent ensuite ce que nous sommes censés apprendre de la création et nous forment ainsi à interpréter correctement la révélation générale. Ils nous enseignent à lire le monde. Ils nous aident à voir comment la révélation générale et la révélation spéciale œuvrent ensemble pour nous conduire à la connaissance de Dieu.

L’Évangile de Jean

La meilleure façon de comprendre et d’appliquer ces vérités, selon moi, est d’examiner un passage particulier des Écritures. Dans Jean 6, Jésus prononce le premier de ses sept « Je suis » : « Je suis le pain de vie » (v. 35). Comme c’est souvent le cas dans l’Évangile de Jean, cette déclaration est à la fois simple et incroyablement riche de sens – mais surtout, c’est un exemple de révélation spéciale (les paroles de Jésus dans la Bible) qui nous enseigne comment interpréter la révélation générale (le pain).

Situons d’abord le contexte de la scène. Jésus a commencé son ministère depuis quelque temps déjà. Il a appelé des disciples, enseigné les foules, accompli des miracles. L’apôtre Jean tourne maintenant son attention vers les signes et les miracles de Jésus. En effet, dans son

Évangile, ceux-ci possèdent tous des caractéristiques particulières : ce sont des actes publics et surnaturels destinés à révéler Jésus à ses disciples et aux foules. Ils ont pour but, soit d’amener à la foi en Jésus en tant que Fils de Dieu, soit d’endurcir les incrédules. Ces miracles sont explicitement identifiés comme tels dans l’Évangile de Jean, ils confirment l’identité de Christ (celui que Dieu a envoyé) et ils indiquent que Jésus apporte la vie au monde en utilisant des représentations et des symboles physiques.

Jean semble mettre l’accent sur sept miracles en particulier. Le premier est celui par lequel Jésus change de l’eau en vin lors d’une célébration de mariage (« Tel fut, à Cana en Galilée, le premier des miracles que fit Jésus », 2.11). Le deuxième est la guérison du fils d’un officier (« Jésus fit encore ce second miracle », 4.54). Le troisième est la guérison du paralytique au chapitre 5. On sait qu’il s’agit d’un miracle car en Jean 6.2, on apprend qu’une grande foule suivait Jésus après l’avoir vu accomplir des miracles sur les malades. Le quatrième, c’est la multiplication des cinq pains et des deux poissons pour nourrir cinq mille hommes (Jean 6) : « Les gens, ayant vu le miracle que Jésus avait fait, disaient : “Celui-ci est vraiment le prophète qui doit venir dans le monde” » (6.14). Ils sont tellement émerveillés qu’ils veulent à tout prix le proclamer roi, et Jésus décide donc de se retirer, seul, sur la montagne. Un peu plus tard dans la soirée, alors que les disciples traversent la mer dans une barque, Jésus marche sur l’eau pour venir jusqu’à eux ; ils accostent ensuite tous sur l’autre rive. Le lendemain (6.23), la foule se rend compte que Jésus n’est plus là et décide de monter dans

des barques pour aller « à la recherche de Jésus » (6.24). Voilà qui nous amène à notre texte. Je vous propose de l’examiner plus en détail, de faire quelques observations en chemin, puis d’en tirer plusieurs conclusions.

Le pain de vie

Lorsque la foule trouve enfin Jésus, elle lui demande : « Rabbi, quand es-tu venu ici ? »

Jésus leur répondit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, vous me cherchez, non parce que vous avez vu des miracles, mais parce que vous avez mangé des pains et que vous avez été rassasiés. »

J ean 6.26

Jésus sait parfaitement ce qui motive ces gens. Ils le cherchent non pas parce qu’ils ont vu des actes publics et surnaturels qui révèlent la gloire de Jésus et les appellent à placer leur foi en lui ; non, ils le cherchent parce qu’ils veulent plus de pain ! Ils ont vu le miracle sans le voir réellement : ce miracle était une sorte de panneau indicateur leur signalant une direction à suivre, mais ils ne l’ont pas compris… Tout ce qu’ils savent, c’est que ce dénommé Jésus est capable de multiplier le pain ! S’ils restent à ses côtés, ils n’auront donc plus jamais faim. Ils auront toujours le ventre plein. Jésus reprend :

Travaillez, non pour la nourriture qui périt, mais pour celle qui subsiste pour la vie éternelle, et que le Fils de l’homme vous donnera ; car c’est lui que le Père, que Dieu lui-même a marqué de son sceau.

J ean 6.27

Puis, Jésus explique à la foule : « Vous m’avez cherché partout. Vous avez produit un effort considérable pour obtenir un autre repas gratuit. Mais ne vous contentez pas de travailler pour une nourriture qui périt, se décompose et moisit ; travaillez pour une nourriture qui dure, qui subsiste, qui demeure jusque dans la vie éternelle – cette vie éternelle que le Fils de l’homme [c’est-à-dire Jésus] vous donnera. »

Ils lui dirent : « Que devons-nous faire, pour accomplir les œuvres de Dieu ? » Jésus leur répondit : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » « Quel miracle fais-tu donc, lui dirent-ils, afin que nous le voyions, et que nous croyions en toi ? Que fais-tu ? »

J ean 6.28-30

Autrement dit : « Montre-nous quelque chose. Accomplis l’un de ces actes publics et surnaturels, et alors nous croirons en toi. » Et juste au cas où Jésus serait à court d’idées, ils lui en suggèrent une :

« Nos pères ont mangé la manne dans le désert, selon ce qui est écrit : “Il leur donna le pain du ciel à manger.” »

J ean 6.31

Ils font référence à un récit de l’Ancien Testament (Exode 16). Dieu avait délivré son peuple, les Hébreux, de l’esclavage en Égypte. Puis, il les a conduits dans le désert où ils ont commencé à murmurer et à se plaindre : « Nous sommes affamés ! Si seulement nous étions restés en Égypte, là où la nourriture abondait… Au lieu de cela, nous allons mourir dans ce fichu désert ! » Dieu leur répond en leur donnant de la nourriture : tous les jours, à leur réveil, ils trouvent sur le sol une substance ressemblant à du pain.

Ils la ramassent et en ont toujours assez pour la journée. Mais s’ils essayent d’en conserver pour le lendemain, leur nourriture est pleine de vers et devient infecte : elle moisit et devient immangeable. Chaque matin, ils doivent donc avoir confiance que Dieu leur donnera la nourriture dont ils auront besoin. Ils appellent cette nourriture « manne » – un mot hébreu qui signifie simplement « qu’est-ce que c’est ? ». Imaginez la scène : en sortant de votre tente, vous trouvez à manger sur le sol. Vous ne savez pas ce que c’est, mais vous décidez d’y goûter et vous vous rendez compte que cette nourriture rassasie vraiment ! Vous décidez de l’appeler : « cékoiça ». L’important dans ce récit, c’est que Dieu a donné du pain magique venu du ciel à son peuple, alors qu’il était au beau milieu du désert.

Et voici que Jésus arrive et multiple le pain comme par magie. Le peuple se dit : « Youpi ! Le déjeuner est servi –nous avons un nouveau Moïse ! Moïse nous a donné du pain venu du ciel, et maintenant ce Jésus nous donne lui aussi du pain venu du ciel. »

Jésus leur dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, Moïse ne vous a pas donné le pain du ciel, mais mon Père vous donne le vrai pain du ciel ; car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. » Ils lui dirent : « Seigneur, donne-nous toujours ce pain ». J ean 6.32-34

La foule est obnubilée par son désir d’avoir le ventre rempli, de satisfaire son appétit naturel, mais Jésus essaie de leur présenter un autre type de pain. Il essaye de les emmener plus loin. La foule s’exclame : « Donne-nous du pain comme Moïse nous a donné du pain ! » et Jésus répond : « En réalité,

ce n’est pas Moïse qui vous l’a donné, mais Dieu. Et Dieu veut vous donner le vrai pain du ciel, c’est-à-dire la personne qui est descendue du ciel pour donner la vie au monde. » Pourtant, la foule ne comprend toujours pas : « Oui, oui, d’accord, mais donne-nous de ce pain magique. » Jésus leur précise alors ce qu’il veut dire :

Jésus leur dit : « Je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, et celui qui croit en moi n’aura jamais soif. Mais, je vous l’ai dit, vous m’avez vu, et vous ne croyez point. Tous ceux que le Père me donne viendront à moi, et je ne mettrai pas dehors celui qui vient à moi ; car je suis descendu du ciel pour faire, non ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé. Or, la volonté de celui qui m’a envoyé, c’est que je ne perde aucun de tous ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour. La volonté de mon Père, c’est que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle ; et je le ressusciterai au dernier jour. »

J ean 6.35-40

Quelle est la réaction de la foule ? Elle se met à se plaindre de Jésus parce qu’au lieu de multiplier le pain magique, il déclare être lui-même le pain. Les gens se disent : « N’est-ce pas Jésus, le fils de Joseph ? Après tout, nous connaissons son père et sa mère. Comment peut-il prétendre être descendu du ciel ? » (voir Jean 6.41-42). Puis : Jésus leur répondit : « Ne murmurez pas entre vous. Nul ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire ; et je le ressusciterai au dernier jour. Il est écrit dans les prophètes : «Ils seront tous enseignés de Dieu.» Ainsi quiconque a entendu le Père et a reçu son enseignement vient à moi. C’est que nul n’a vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu ; celui-là a vu le Père. En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi a la vie éternelle. Je suis le pain de vie. Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts. C’est ici le pain qui

descend du ciel, afin que celui qui en mange ne meure point. Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement ; et le pain que je donnerai, c’est ma chair, que je donnerai pour la vie du monde. »

J ean 6.43-51

En d’autres termes : « Ne vous arrêtez pas à ce miracle. Il ne fait que pointer dans ma direction... Moi, je suis le pain véritable. Je ne veux pas simplement vous remplir le ventre pendant quelques heures : je veux vous offrir la vie éternelle ! Je désire que vous veniez à moi pour manger le pain de vie. Je veux que vous mangiez de ce pain vivifiant. Régalez-vous de moi et vous serez réellement rassasiés, pour toute l’éternité. »

Après cela, les gens commencent à discuter entre eux : « Mais de quoi parle-t-il au juste ? » (voir Jean 6.52). Jésus tente à nouveau de le leur expliquer, mais plusieurs de ses disciples protestent : « On ne comprend rien. C’est trop difficile, trop compliqué. On abandonne » (voir Jean 6.60, 66) ; puis ils s’en vont et cessent de le suivre.

Ce que le pain proclame

Ce récit présente quatre vérités fondamentales pertinentes pour ce livre. Tout d’abord, et comme nous l’avons d’ores et déjà évoqué, Dieu a conçu la création afin qu’elle le révèle. Ou, pour le dire de manière plus précise, la création est censée révéler Jésus. Dieu a conçu l’univers entier de manière à révéler son Fils. Bien avant que vous et moi n’existions, bien avant que Jésus ne vienne sur la terre en tant qu’homme, bien avant qu’un

seul mot de la Bible n’ait été écrit, dès le commencement Dieu a inventé la faim et le pain. Ainsi, un jour, lorsque Jésus descendrait sur terre, nous aurions des catégories qui nous permettraient de mieux comprendre qui il est. Autrement dit, quand Jésus affirme « Je suis le pain de vie », il n’est pas en train d’inventer ou de découvrir une métaphore opportune : il révèle la raison principale de l’existence du pain ! Chaque estomac qui grogne, chaque ventre vide, chaque repas consistant, chaque faim assouvie dans toute l’histoire du monde préparent à ce moment où la foule demande à Jésus : « Qui es-tu ? » et où il réplique : « Je suis le pain de vie. »

Deuxièmement, dans cet exemple particulier, la création de Dieu n’est pas seule à révéler qui Jésus est : la culture humaine révèle aussi qui il est. En effet, Jésus affirme être le pain de vie et non le grain de vie. Dieu crée le grain, mais ce sont les gens qui créent le pain à partir du grain que Dieu a créé. C’est la définition même de la culture : un mélange de création divine et de créativité humaine. Cela implique deux réalités : si la création est conçue pour révéler Dieu, la culture humaine peut, elle aussi, nous montrer à quoi Dieu ressemble. Quand, jour après jour, nous unissons nos efforts créatifs à la création de Dieu, nous glorifions les choses de la terre. Le pain, c’est du grain glorifié à travers les efforts de l’homme. Le vin est créé à partir du raisin, mais le raisin est glorifié à travers les efforts de l’homme. Bien que la culture humaine soit déchue et brisée par le péché, elle reste capable de refléter la sagesse et la gloire divines afin de nous permettre de connaître Jésus et d’entrer en relation avec lui.

Non seulement Dieu conçoit la création de manière à ce qu’elle révèle Jésus, non seulement Dieu tisse sa création et la culture humaine de manière à ce qu’elles révèlent Jésus, mais en troisième lieu, Dieu orchestre également l’histoire de la rédemption de manière à ce qu’elle révèle Jésus. En déclarant : « Je suis le pain de vie », Jésus ne se contente pas de s’appuyer sur l’expérience universelle qu’est la faim ; il établit un lien entre lui et l’histoire spécifique du peuple d’Israël. Les œuvres puissantes de Dieu au fil de l’histoire du monde et la description de ces œuvres puissantes dans la Bible dirigent notre regard vers Christ. Pourquoi Dieu, dans le désert, a-t-il donné du « cékoiça » à son peuple ? Pour le nourrir et le garder en vie dans un milieu hostile, bien sûr, mais pas uniquement. Dieu lui a donné du pain du ciel afin qu’un jour, Jésus puisse déclarer : « Je suis le vrai pain du ciel. C’est vers moi que cette histoire doit diriger votre regard. Elle crée une catégorie dans votre esprit afin que vous sachiez comment entrer en relation avec moi. »

Pour terminer, les paroles de Jésus en Jean 6 résonnent dans notre esprit et notre cœur chaque fois que nous prenons le repas du Seigneur. Les théologiens décrivent souvent ce repas comme étant une parole dont on peut se nourrir. Jésus est le pain de vie. Le pain de la cène est son corps et le vin son sang. À cette table, Dieu nous transmet une grâce particulière lorsque nous prenons le pain et le vin par la foi. Mais la grâce spéciale du repas du Seigneur rayonne et s’étend aussi au reste de notre existence. Elle nous rappelle que les perfections invisibles de Dieu se révèlent absolument partout : dans la création, dans la culture humaine, dans les œuvres puissantes de Dieu pour

le salut. La réalité tout entière est une manifestation de Dieu et une invitation à le connaître. En nous montrant à quoi ressemble Dieu, le monde nous emmène toujours plus haut et toujours plus loin, afin que nous puissions connaître Dieu, aimer Dieu et prendre plaisir en Dieu à travers les choses qu’il a créées.

CHAPITRE DEUX

LES PLAISIRS DU JARDIN

Dans le chapitre précédent, nous avons vu comment la parole de Dieu et la création de Dieu s’associent pour nous révéler qui est Dieu et nous dire comment nous devrions vivre. Dans ce chapitre, nous ferons un pas de plus pour résoudre la tension entre la vérité biblique et la réalité du quotidien en répondant à la question suivante : pourquoi Dieu a-t-il ainsi rempli le monde de toutes sortes de plaisirs et de joies ? Pour ce faire, il nous faudra retourner au commencement, aux premiers chapitres de la Genèse. Dès l’origine de la création, Dieu fait connaître son projet et son objectif pour le monde. Nous étudierons donc ces passages afin de comprendre comment et pourquoi Dieu a créé le monde tel qu’il l’a fait. Et puisque le sujet de notre étude, c’est la tension entre l’amour pour Dieu et le plaisir que nous procurent les choses de la terre, nous garderons bien présent à l’esprit le commandement que Jésus décrit comme étant le plus grand des commandements, tout au long de notre exploration de Genèse 1 et 2.

Jésus nous le donne en Marc 12.30 : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force. » Il cite le livre du Deutéronome pour préciser que nous devons aimer Dieu de tout notre être, sans réserve, sans retenue. À ce plus grand des commandements, nous pourrions aussi ajouter le premier des dix commandements : « Tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face » (Exode 20.3). Ainsi, nous devons aimer Dieu de tout notre être et par-dessus tout. Il doit être le centre nos affections, le premier objet de notre amour. Considérons enfin la prière de Paul en Philippiens 1.9 : « Ce que je demande dans mes prières, c’est que votre amour abonde de plus en plus en connaissance et en vraie sensibilité. » L’amour suprême, l’amour de tout notre être, l’amour qui abonde et grandit. C’est l’appel de Dieu pour notre vie. Dans cette perspective, nous voici prêts à étudier les premiers chapitres de la Genèse.

L’histoire de départ est simple et le premier chapitre de Genèse en donne une vue d’ensemble. Au commencement, Dieu crée les cieux et la terre. Il passe trois jours à façonner la terre en un univers bien ordonné, puis trois autres jours à la remplir de toutes sortes d’habitants. Il allume la lumière et établit le rythme du jour et de la nuit. Il divise le monde en plusieurs espaces : le ciel, les mers et les terres, puis il recouvre le sol d’arbres, de plantes, de fleurs et de verdure odorants et luxurieux. Une fois le monde achevé, il délègue la gestion du temps au grand astre, au petit astre et à la multitude d’étoiles qui brillent dans le firmament. Il fait grouiller les eaux de thons, de truites, de dauphins et de calamars géants. Il remplit l’étendue du ciel de moineaux, d’aigles, de corbeaux et de colombes. Il peuple la

terre de bœufs, de moutons et de chevreuils, d’écureuils, de lapins et de grenouilles, sans oublier les lions, les tigres et les ours (oh la la !). Pour couronner le tout, il crée l’homme à son image. Il sépare l’espèce humaine en deux sexes – mâle et femelle – et leur donne autorité sur tout ce qui existe sous le soleil. Le septième jour, Dieu se repose de son œuvre créatrice et sanctifie le sabbat pour en faire un jour de repos et de joie.

Genèse 2 revient sur la création de l’homme et de la femme pour en préciser les détails : Dieu forme l’homme de la poussière, le place au paradis dans le jardin d’Éden, établit avec lui une alliance de vie, le charge de donner un nom à la création, puis façonne la femme à l’aide d’une côte de l’homme. Ce chapitre se termine par un mariage. Dieu unit l’homme et la femme devant lui ; ils deviennent une seule chair. Il les appelle à être féconds, à se multiplier et à remplir son monde si merveilleux.

La liberté et la créativité de Dieu

Cette histoire mérite réflexion. Premièrement, considérons la liberté de Dieu. Rien n’a entravé sa créativité, guidée seulement par sa sagesse et son bon plaisir. « Notre Dieu est au ciel, il fait tout ce qu’il veut » (Psaumes 115.3). En choisissant de créer, et en particulier de cette manière, en façonnant le monde et en le peuplant comme il l’a fait, Dieu a réalisé exactement ce qu’il voulait. Nous pouvons donc observer sa création et y discerner sa volonté. Compte tenu de la liberté et de la souveraineté absolues de Dieu, ses actions révèlent toujours son bon plaisir.

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