Juillet 2010
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VI ! Les «VI» Victor G. - Vieyra Villanueva - VictorO Victor M.
N’ka Slamik In the mood for blue…
Slam’omatic Majead At-Mahel Simone Lagrand Döry Chrisnel
Virapin Sous les palmiers… l’apesenteur
Vidéo Tatiana Chaumont
Vidal-Faife Le trait de l’esprit
Vielet Conscience graphique
FA N Z I N E C U LT U R E L D E L A C A R A Ï B E
SOMMAIRE 05
É DITO
08 13
N’ K A SLAMIK
14 22
SLAM’OMATIC
23 29
SOUS LES PALMIERS…
30 31
V I DÉO
32 37
39 41
06 07
LE BOUCHE À OREILLE
LE TR AIT DE L’ESPRIT
TALENT
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T YPO
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Boucan
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Made it last
Typo-Tempête
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SIKLÒN
est une publication de l’agence 50450 Le Mesnil-Villeman 02 33 51 72 70 >> agence.siklon@gmail.com
Directeur de publication : Cédric Francillette agence.siklon@gmail.com
Consulting rédactionnel : Guylaine Masini
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Journalistes :
Guylaine Masini, Maxence Alavarna, Serena Laurent
Conception graphique :
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Iconographie : DR
Boucan est sur
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Remerciements aux artistes pour leur aimable participation
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SIKLÒN
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ÉDITO
Cédric Francillette
Directeur de publication
La crise est morte ? Vive la crise !
A
près un premier numéro plutôt orienté arts plastiques, nous abordons ce nouvel opus tout en verbe : « VI » comme vitalité, vigilance ou encore vibration.
Le titre – sous forme de boutade – révèle bien l’état d’esprit ambiant, auquel il faut éviter de porter crédit sous peine de dépression artistique. Les artistes ont en effet répondu présent pour ce « Spécial Slam », poésie déclamée, poésie incarnée… Stéphanie Melyon-Reinette quant à elle, nous convie à un N’ka SLAMik gourmand, son ridim nourrissant nos sens. De Cuba (Yudit Vidal) à la Guadeloupe (Philippe Virapin), nous n’hésitons pas à faire le grand écart, du trait à la couleur, du statique au mouvement, de la matière au numérique. Le rubrique « médium » nous permet cette fois de mettre en lumière et en images les vidéos de Tatiana Chaumont. Enfin, nous vous livrons une petite découverte, celle d’un jeune artiste-graphiste talentueux Christophe Vielet, qui offre à notre réflexion sa critique de la société dans laquelle nous vivons. Bonne lecture !
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BOUCHE À…
ERRATUM
ERNESTO VILLANUEVA
Changement de contact
© DR
Structures, formes et couleurs
Marie-Hélène Cauvin, présente dans les actualités du « Boucan 1 » et qui pourra prochainement nous accorder une interview nous signale que son site internet ainsi que son contact ont changé. Très belle surprise que ce nouveau site à la navigation facile et qui nous accueille avec Érik Satie en fond sonore. Il est alors facile de visionner l’univers plastique de la peintre en cliquant sur portfolio. Bonne promenade… mhcauvin@gmail.com www.mariehelenecauvin.com
REVOLUCION DOUCE
Né à la Havane en 1970, Ernesto Villanueva s’inicie d’abord à la photographie puis se destine à une carrière d’ingénieur. Il décida ensuite de se consacrer à la création artistique à temps plein.
C
’est dans la Havane « urbaine » et dans sa passion pour les écrits existentialistes de l’écrivain argentin Jorge Luis Borges qu’Ernesto Villanueva puise son inspiration. Il explore à travers la peinture, la gravure, la céramique ou les installations tout un ensemble d’architectures, de constructions. Il retranscrit le rythme de
« El Tiempo » collagraphe
la ville grâce à des structures graphiques. Sa peinture se situe donc entre le réel et l’abstrait. « Un chemin vers la géométrie » Éditions Marielmy Valdovino, 2007. Textes de María Grant et Manuel Figueroa, 215 pages.
VictorO : la pop-accoustique venue de Martinique VictorO nous offre un album frais, dans la veine du courant « Soft » et « Stevy Mahy ». Il y a rassemblé des chansons en créole, français et espagnol. Sa volonté de s’incrire dans l’espace géographique caribéen est évidente lorsqu’on sait qu’il a enregistré l’album en Martinique avec des Martiniquais. Une façon pour lui de revenir aux « Revolution Karibeana » sources, car il avait quitté label Aztec Musique son île à l’âge de 11 ans pour venir s’installer en métropole. Dans cet album, VictorO nous invite à un voyage intérieur, entre plaisir et réflexion (notamment avec la chanson « Le président »). Sa passion pour la photographie le rend spécialement attentif à la réalisation cinématographique de ses clips vidéos. VictorO est d’ailleurs pluri-disciplaire, il s’intéresse aussi bien à la production de jeunes talents qu’à l’écriture de chansons pour d’autres artistes en particulier, Orlane. www.myspace.com/victorospecials victorospecials@gmail.com 06
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À RELIRE…
Quand l’oralité se couche sur le papier Tour à tour, novelliste, chroniqueur, journaliste puis écrivain, Gary Victor n’a pas sa langue dans sa poche. Critique insicif de la société haïtienne dont il est issu, il choisit de raconter, non seulement les travers, les perversités de ses personnages mais aussi leur irresponsabilités, leur « chacun-pour-soi ». Par ailleurs, il a été le premier à remettre au goût du jour le genre de « lodyans » (audience : transcription de littérature
orale, se situant le plus souvent à mi-chemin du narratif et du théâtral), qui met en scène des personnages désabusés, portant sur leur entourage un regard distancié (ce qui pourrait nous faire penser aux « Lettres Persanes » de Montesquieu). Gary Victor n’hésite pas à puiser dans des anecdotes l’inspiration de ses histoires, où l’imaginaire et le réel se confondent. Enfin, il faut ne faut pas oublier de mentionner son humour, car il est avant tout un écrivain « qui ne se prend pas au sérieux », ce qui lui permet d’aller au-delà des conventions et de laisser une grande part à son imagination débordante. M. Victor est un conteur d’histoire, il s’inscrit dans la tradition antillaise des contes clamés : « Yé cric… » En savoir + En mai dernier, Gary Victor était à Brest pour la « Fête des langues ». Il a participé au forum « Défendre la diversité linguistique, pourquoi ? » organisé par l’association « Langues du tonnerre ».
…OREILLE
« How blue a nigga can get » Marvin Victor est un jeune vidéaste haïtien. Il vit actuellement à New York suite au tremblement de terre subit par son pays. Voici quelques unes de ses images vidéo avec le lien à consulter sur youtube. Du flou, une bonne bande son et de la saturation de couleurs, on en redemande ! http://www.youtube.com/watch?v=i-rP2ocXi0c
http://www.facebook.com/marvin.victor
CÉLIA VIEYRA
Une tonalité sur le fil, à la limite de basculer, Célia Vieyra, mélange sa voix à celle du piano de Pierre Christophe. Née au milieu des mots et des images, héritière d’un père cinéaste et d’une mère romancière, elle a néanmoins su imposer sa langue propre. Langue chantée, langue écrite, elle est aussi à l’aise dans les deux registres. Elle a d’ailleurs publié un livre édité chez Chorus Production intitulé « Une odeur aigre de lait rance ». Célia pratique en plus de l’écriture et de la peinture, le chant et le théâtre plus ou moins régulièrement. « De l’humour et de la vie » pourrait être la formule qui résume son écriture, tantôt mordante, tantôt tendre. http://www.myspace.com/celiavieyra
«Bon plan…» http://www.diasporavibe.net/
Site sur les artistes contemporains de la caraïbe qui vivent et travaillent aux États-Unis.
http://www.rasishi.com/
Un artiste intéressant notamment au niveau de sa production symbolique et graphique.
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In mood
for blue… exigence amour
spiritualité
inspiration
Simplicité, élégance et force : c’est ainsi que je pourrais résumer ma rencontre avec Stéphanie Melyon-Reinette aka Nefta Poetry. Cette jeune artiste à l’art de se servir de son corps, son esprit et son âme pour nous transmettre des émotions puissantes. Avec son concept « N’ka SLAMik », elle nous invite à déguster les mots, à écouter les sons et à réfléchir les sens. Bon appétit… 08
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engagement
N’KA SLAMIK
Depuis quand pratiques-tu l’écriture ? Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours écrit. Je pense que dès que j’ai su lire, écrire, j’ai commencé à m’exprimer de cette façon. J’ai toujours beaucoup lu. Les livres de mon père notamment, poésie, pamphlets, essais, romans, etc. Par quel genre as-tu commencé ? La poésie a toujours été mon genre de prédilection. J’aime beaucoup Pablo Neruda, par exemple. Petite j’écrivais tout le temps, et j’avais commencé un roman (rires). Je ne sais plus de quoi il traitait en tout cas. Au collège, j’avais écrit des nouvelles, notamment une sur le handicap. Je m’en souviens car j’ai eu une très bonne note. Je ne raconterai pas l’histoire car elle était très dure, comme beaucoup de choses que j’écris… Je pense m’y remettre. Exploiter un autre style de littérature, d’écriture. Quelles sont tes références ? Pablo Neruda pour la poésie. Paulo Coelho, même si ça fait un peut littérature de supermarché. J’aime beaucoup ce qu’il écrit, son côté spirituel. J’aime beaucoup. Je trouve que ce qu’il dit est sensé, et vrai.
En matière de littérature antillaise, j’apprécie Gisèle Pineau. Son dernier Morne Capresse était une incursion à travers nos fêlures spirituelles. Elle parle d’une jeune fille qui s’égare dans une secte, qui n’en est pas vraiment une. Pas au sens religieux, mais qui en emprunte de nombreux traits. Mais le livre que j’ai préféré récemment c’est « Les 9 consciences du Malfini » de Patrick Chamoiseau. Je l’ai trouvé très riche, très ludique, didactique aussi. C’est une leçon de vie, une fable, un conte. Ce gros oiseau de proie, le malfini, qui se rend compte de son infinie insignifiance et de son manque de courage face au foufou (cet « insecte » traité comme un paria par les siens au début) et qui à travers un voyage initiatique apprend à connaître le monde, et lui-même. Il finit par découvrir son « mythe personnel » (clin d’œil à Paulo Coelho). C’est une belle histoire de tolérance, de respect face à la nature, du cycle de la vie. Vraiment très bien. Sinon, j’ai aimé « Sapphire » dont on a tiré un film récemment (Precious). J’ai aimé « A lesson before dying » de Ernest J. Gaines. Des récits de vie, d’hommes et de femmes noirs, qui cherchent à échapper à leur condition d’esclave, que ce soit dans la période esclavagiste, ségrégationniste ou contemporaine. Un autre auteur que j’aime beaucoup est Dany Laferrière. Je n’ai pas encore lu son dernier opus. Enfin, je citerais Edwidge Danticat, qui s’est fait une part belle de la littérature étatsunienne. Elle traite de souvent de l’odyssée de la migration (boat people), ou de la question de l’intégration aux États-Unis… J‘aime beaucoup sa prose et son style. >>
Je crois que j’ai toujours dansé. C’est comme un langage naturel. Pas au sens technique du terme. Il y a de bonnes techniciennes qui vous laissent froids et des interprètes qui vous renversent. Je préfère être des secondes, sans prétention aucune. Pour ce qui est de la sensation, de mes impressions, la danse est un moyen d’expression, une catharsis indispensable à mon corps et à mon esprit. Je crois que j’ai toujours dansé. La danse permet de transcender l’âme à travers le corps, de transmettre un message à l’œil qui regarde, de traduire un sentiment. C’est tellement naturel ! Le corps se meut au quotidien : colérique, langoureux, joyeux, triste, et la gestuelle est parlante. Il n’est point besoin de mots pour exprimer nos maux. Point besoin de musique lorsque le corps par sa rythmique exprime le message. J’essaie de parler avec mon corps : contemporain, jazz, latine, percussives (gwo ka, haitian style, ou autres). Quel que soit le style, mon corps mélange et s’exprime. La danse est une logique organique que mon esprit distille à mes membres. Je crois que j’ai toujours dansé. Dans mon N’Ka c’est un « matter-of-fact », comme une évidence en fait. ça coulait de source, car je crois que j’ai toujours dansé.
© Yolande Eliezer
Q
ue signifie le pseudonyme que tu as choisi « Nefta poetry » ? Il ne faut pas toujours chercher du sens derrière les noms que l’on se donne. C’est mon grand frère Asaliah qui m’a appelé Nèfta. C’est le mois d’Août en éthiopien. Je trouve que c’est chantant. J’ai simplement rajouté « Poetry » derrière.
© Yolande Eliezer
© Yolande Eliezer
« Je crois que j’ai toujours dansé. »
http://www.youtube.com/ watch?v=zqDxI8Wk1x8
Je ne marche pas la tête basse, lourde {Juillet
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N’KA SLAMIK
Sons
Répétition
Stéphane Nabajoth au bâton de pluie…
Slam
…et à la conque
Chant
N È G B WA G WA DA I ni rasin’ an Tèt I ni rasin’ an Tchè I ni rasin’ an Tè I ni rasin’ pou « non jwèt » Nègre. Nègre Jaune, Chabin « po chapé » À son sort, disaient-ils, il a échappé. Les ténèbres heureusement, l’ont épargné. Ils croyaient aussi son âme diluée... Ils croyaient aussi son coeur « lobotomisé »
I ni rasin’ an Tèt I ni rasin’ an Tchè I ni rasin’ an Tè I ni rasin’ pou « non jwèt »
Parce que le cœur a une mémoire, À son lyannaj ils voulurent surseoir Le beau sale ment, dingue, Fons... choir Étouffer sa clameur...la rumeur... sa gloire. Et lui coller un ersatz, identité compensatoire Le confiner dans une existence illusoire... Jodi ki i nwé, ki i jon, rouj ou blé Fòk yo savé NÈG pé pa apwivwazé Pas an fon a kè ay ni tonè ka gwondé Tonè a lapli Lafrik ka rive apwé Simenn, mwa, lanné san bwè, san manjé Pas sé on NÈG MAWON, NÈG KAKO Blan la ké di I KAKO ké Mwen ka di…
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I ni rasin’ an Tchè I ni rasin’ an Tè I ni rasin’ pou « non jwèt »
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I ni rasin’ an Tèt I ni rasin’ an Tchè I ni rasin’ an Tè
I ni rasin’ pou « non jwèt »
Nègre Banian, Bois d’Inde… Son histoire coule sur sa tête Tignasse-cascade… casse-tête Que de défaire ces lianes-prophètes De nouveaux lendemains… reconquête D’une part du silence de la Traite… Pas’ I ni rasin asi Tèt… Nègre Baobab, Bois Bénin… Solide, Robuste. Avant-poste centenaire Rempart pour ses frères velléitaires, Ancré dans une terre en jachère Du renouveau, de ses arts, une nouvelle ère. Nègre Bambou, Bois sybillin, Jeune, verte pousse, paradoxale Tenté, happé par les bacchanales Doit fuir ces philosophies létales Pour revenir à l’essence, à L’Idéal… Pas I ni rasin’ an Tè… Wi… I ni rasin’ an Tèt
I KAKO zé… Lanmou I KAKO nyé…Tanbou I KAKO, I KAKO…
I ni rasin’ an Tèt I ni rasin’ an Tchè I ni rasin’ an Tè
I ni rasin’ pou « non jwèt »
Nègre Bananier, coeur tendre, esprit-sein Abreuvant le créole… Écrin, Contre une peau abricotée, étreint. Mots fruités… tortueux chemin Vers la liberté de dire serein,
I ni rasin’ an Tèt I ni rasin’ an Tchè I ni rasin’ an Tè I ni rasin’ pou « non jwèt »
© photos de la double page Latilyé Korosôl
>>
Le groupe lors d’une prestation. On notera 3 niveaux d’écoute : la voix parlée (Stéphanie Melyon-Reinette aka Nèfta Poetry), la voix chantée (Florence Naprix) et l’accompagnement sonore (Stéphane Nabajoth de Latilyé Korosôl).
Qui il fut, est, sera… enfin. Pas I ni rasin’ an Tchè. Nègre autrefois victimisé Nègre aujourd’hui conscientisé Nègre Fromager, de l’oppression délivré Animé par la liberté… Il n’est plus anonyme Son nom il choisira, Plus jamais pusillanime Sa liberté il arrachera, Il dira unanime Son nom il criera, Pas I ni rasin pou « non jwèt » I ni rasin’ an Tèt I ni rasin’ an Tchè I ni rasin’ an Tè I ni rasin’ pou « non jwèt » I KAKO zé… Lanmou I KAKO nyé… Tanbou I KAKO minyé… Evé nou Nègre Banian, Nègre Baobab, Nègre Bambou, Nègre Bananier, Nègre Fromager Nègre Racine Nèg Bwa Gwada...
I ni rasin’ an Tèt I ni rasin’ an Tchè I ni rasin’ an Tè I ni rasin’ pou « non jwèt »
Il me semble que tu pratiques la danse. Que t’apporte-t-elle dans ta pratique littéraire ? La danse et l’écriture, deux univers, deux de mes moyens d’expression qui ne s’étaient jamais rencontrés jusqu’à maintenant. Elle peut être une source d’inspiration pour moi (« Brindille », « Les bleus de l’existence »), mais elle ne m’aide pas à écrire. Je dirais que la danse a été un autre processus d’écriture pour moi ; un autre procédé cathartique. Mais la danse ne m’a jamais aidé à écrire mes textes. C’était différent. Je pense que le point commun qu’on peut y trouver est l’émotion, les sensations physiques… ce sont les émotions qui me submergent qui me permettent d’écrire, avec les mots, avec mon corps… Toutes deux, la danse et l’écriture, sont indispensables à ma vie je pense. J’ai besoin de ces deux moyens d’expression, et le jour où je ne pourrai plus danser et bien je continuerai à écrire… Tu as inventé un nouveau concept le « N’ka slamik », peux-tu nous en dire plus ? Mon concept « d’N’Ka SLAMik », je le définis comme suit : « Encas (snack, petit quatre heure) rappelle une idée de dégustation, de partage, de goût, de sensations... » Il s’agit de transmettre des sensations, des émotions et de partager un discours artistique avec les spectateurs. [...] L’idée est de faire connaître le texte et de faire apprécier la poésie par une approche novatrice et « gustative », « sensible », voire sensitive. Nous sommes sensibilisés à la musique, au tambour qui nous « dévore le ventre, nous happe dans l’univers de nos racines », aux sons, plus que par le papier souvent plus « impersonnel ». « L’N’Ka » est un concept de scène poésie-acoustique-danse. J’aimerais explorer tous mes modes d’expression pour faire écho aux textes, aux mots. Je déclame. Je danse. Je suis accompagnée d’une chanteuse, ou plusieurs, et d’un ou plusieurs instrumentiste(s). Je voudrais que le concept évolue jusqu’à devenir une œuvre globale. Dans ta prestation scénique, nous sommes face à trois niveaux d’écoute : la voix parlée, la voix chantée, le son-musique du gwo-ka ou de divers instruments. L’une accompagne les autres mais jamais elles ne se superposent. Pourquoi avoir multiplié les pistes de lecture ? Multiplier les >>
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Boucan
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© Yolande Eliezer
© Yolande Eliezer
N’KA SLAMIK
important pour moi de sentir « Illesestmots sur ma langue, contre mon palais, d’entendre les phrases à mon oreille » >> pistes de lecture. J’ai multiplié les
pistes de d’écoute si on veut. J’ai voulu faire écho au texte. C’est un ensemble. Parce qu’on n’écoute pas les voix ou l’instrument indépendamment du texte. On écoute les trois à la fois. On doit comprendre le texte à travers ses sens. C’est un appel à l’imaginaire du spectateur, à ses sens, à ses sentiments. Et la musique, l’instrument en résonnant ou en tonnant, se répercutent en le spectateur. Du moins, c’est que cherche l’artiste je pense, faire résonner son travail en l’autre, en celui qui regarde, écoute, ressent. Donc il n’y aurait qu’une seule piste de lecture au final. Dans tes textes, tu n’hésites pas à utiliser des mots crus. Comment estce perçu (notamment par le public antillais) ? As-tu eu des retours de ton public par rapport à cela ? Oui, j’utilise des mots crus. Je pense que l’auteur écrit avec ses « tripes ». Je parlerai en mon nom cela dit. Donc, j’écris avec mes tripes, avec mes sentiments, mes émotions. Et j’essaie d’employer des mots qui traduisent vraiment ce que je ressens. Il faut marquer le lecteur, éveiller ses sens, que ce soit en termes de douceur
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ou de violence. Pour ce qui est des réactions du public, j’ai été agréablement surprise, notamment en ce qui concerne le texte « Décatissage » qui est très violent. Les termes sont crus. Le ton sec. Les mots féroces ! (rires). J’en avais mal au ventre parfois en me relisant et j’avais peur de la réaction des lecteurs face à cette prose un peu crue, un peu sévère, presque « misandre » ou « androphobe » (selon certains). Mais c’est faux. Ce sont des situations réelles que je décris. Des scénarios que se sont déjà déroulés dans la vie de tant de femmes, de jeunes femmes, d’adolescentes. A contrario, j’ai été complètement subjuguée par la réaction des auditeurs. Une femme qui crie « anmwe » à la fin du texte ! Génial ! Quelle réceptivité ! Lors de la performance, il y a une énergie tendue, comme un arc : ta danse est tonique, il y a des allitérations en « K » « T » « S » « J ». La langue claque comme un fouet. Est-ce une manière d’interpeller le spectateur ? Et bien comme je dis souvent, je n’écrivais pas pour être entendue. Mes textes étaient un peu comme un exutoire. Une façon d’exorciser des choses. J’ai fini par les publier.
Maintenant, j’écris pour être lue et entendue. Pourtant, lorsque j’écris, je dis le texte, les mots, j’écoute les sons. Il est important pour moi de sentir les mots sur ma langue, contre mon palais, d’entendre les phrases à mon oreille. Je pense que ma façon de dire, de danser ou décrire reflète ma personnalité. Je suis en général quelqu’un de très incisif, de franc, de cru parfois. Mais je suis aussi douce et chaleureuse. Je suis très empathique et c’est mon empathie que je transmets ici. Je ne choisis pas sciemment des mots avec ces sonorités. Je trouve que tes slams-poétiques peuvent avoir un écho autant auprès d’un public masculin que féminin (en fonction des sujets traités). Estce une volonté de ta part ? Je n’avais pas de volonté particulière. Je voulais exprimer des choses et qui les lit, les comprend, les transmet, est le ou la bienvenu(e). Je n’écrivais que pour moi-même, ma conscience, mon cœur. Aujourd’hui, j’offre
Nefta Poetry • 7 août 1981 : Naissance en Guadeloupe. Commence la danse à l’âge de 6 ans, avec Lucette Bogat à Basse-Terre. • Études secondaires en Grande-Terre afin de poursuivre des cours de danse chez Lydia Deshauteurs. Elle passera rapidement par l’école de Léna Blou. • 1999 : part étudier les Langues Étrangères à Créteil, prendre des cours au Studio Harmonic. • 2002 : rentre en Guadeloupe. Devient 1ère assistante du chorégraphe Érik Gagneur dans le cadre d’une formation pour artistes. Elle danse avec lui en semi-professionnel. • Déc. 2008 : achève son doctorat « De la diaspora haïtienne à la communauté haïtiano-américaine : modèle d’une intégration réussie ? » • 2009 : se décide à franchir le pas et à offrir quelques textes aux yeux d’autres. • Son concept N’Ka SLAMik émerge à la suite de la sortie de son premier recueil « Les Bleus de l’Existence » (L’Harmattan, coll. SLAM, juillet 2009). Timidement d’abord, à titre accessoire, comme outil promotionnel, en octobre 2009, à la Bellevilloise. Puis, cette formule poésie acoustique trouve sa voie naturelle indépendamment du livre. « Les Bleus de l’Existence » Nèfta, 11 € ISBN : 978-2-296-07773-7
aux autres mes maux, mes idées, mes observations sur le monde, mes cris, mes pleurs, mes joies, ma sensualité… Ce que chacun de nous a du ressentir… un jour ou l’autre. Dans ton ouvrage « Les bleus de l’existence » tu parles de la femme, de son image et de sa condition. Es-tu une féministe ? Je suis une femme. Je suis une femme instruite, descendante d’une femme moderne, instruite… issue d’une famille de femmes instruites, éduquées, ambitieuses, indépendantes. J’ai un héritage que je ne peux nier. Mais dans ces textes, je ne crois pas avoir mis en avant quelques idées « féministes ». Le féminisme est un mouvement très vaste dans lequel je ne me reconnais pas à vrai dire. Mais on fait peut-être un amalgame entre femme moderne et féministe. J’écris sur la femme, de la femme, parce que je suis une femme. Je parle d’expériences de femme, car j’ai vécu des expériences de femme. L’amour, le sexe, la sensualité, l’infidélité, la maternité ou la nonmaternité. Ce sont des expériences de femme, féminines et non féministes. D’aucuns pensent que je ne suis pas tendre avec les hommes. Je ne pense pas avoir été dure avec eux dans mes textes, je décris des expériences de femmes et d’hommes, qui se font souffrir ou qui s’aiment. Il n’y a aucune revendication dans cela. Juste la vie et les rapports entre les genres. Tu as aussi écrit un slam sur Haïti ? Quel est ton rapport à cette île, à la culture haïtienne et à son peuple ? J’ai une relation très forte avec ce pays. Avec son histoire. Une sorte de passion. Je suis passionnée par Haïti et j’espère poursuivre mon travail sur sa diaspora, ses flux migratoires, sa culture, ses pratiques artistiques. Car, effectivement, j’ai consacré cette passion, dans une thèse de doctorat. J’espère aller en Haïti très bientôt pour découvrir le pays en chair, en os, en terre, en chaleur, en paysage… Quels sont tes projets sur lesquels tu travailles actuellement ? Principalement d’écrire encore... Mais j’ai beaucoup de projets dont je ne ferai pas état ici… surprise, surprise… Contact : neftapoetry@live.fr http://www.facebook.com/nefta.poetry http://www.myspace.com/sistanefta
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Majead At-Mahel KIKOIDONKOU ?
© DR
• D’où viens-tu ? Anciennement rappeur (années 90). Puis, rencontre avec la poésie.
liste, Poète, nouvellittéraire, ur ue chroniq slameur…
Changement de cap. Enfin, le slam. Le seul art qui donne toute sa valeur au texte. • De quoi parles-tu ? La solitude moderne, l’illusion du confort, le mensonge politique, la dictature de l’émotion et du paraître… • Où vas-tu ? Je prépare un maxi. Sortie prévue en Juin. J’ai aussi le projet de donner des cours d’écriture. • Ce que tu aimes ? Le cinéma, la littérature, la musique, les artistes atypiques, la peinture… • Ta philosophie ? Ne pas chercher à être le meilleur à tout prix, mais à tout prix, donner le meilleur de soi-même. Trouver et avancer à son propre rythme sans se soucier du rythme général.
Ce texte a été sélectionné pour faire partie des trois lauréats du concours d’écriture « Dans la nature », organisé par « SFR Jeunes Talents » en partenariat avec la manifestation littéraire du Marathon des mots de Toulouse.
© DR
Des bêtes & des hommes
Première partie de Grands corps malade au mois de mars dernier
Ma poésie est une cicatrice dont chaque vers est un point de suture, chaque rime une morphine !
*
Je travaille à ce que ma poésie soit proche du monde, des gens, de la Vie… Accepter le bruit du quotidien et le transformer dans le silence et la solitude de la créativité en une œuvre originale, pertinente et juste. Un artiste selon moi, est celui qui à l’art de sublimer l’apparente pauvreté du réel pour le redonner à le voir autrement, dans sa complexité, sa richesse, sa profondeur et son relief. Le poète, est un décodeur, un déconstructeur, un démystificateur de ce point de vue.
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L’homme est une vache qui broute et un âne qui braie affirmait mon père. Ce à quoi ma mère répondait aussitôt : non ! L’homme est un chien qui aboie et un chat qui miaule ! Faux ! rétorquait mon oncle… l’homme est une brebis égarée et un loup aguerri ! Négatif ! s’offusquait ma tante… l’homme est un lion qui rugit et une antilope qui galope ! Mais non ! s’indignait ma grande sœur… c’est un poisson clown et un requin blanc ! Taratata…réfutait ma grand-mère… c’est une poule qui caquette et un coq en rut ! Stop ! Ça suffit ! tranchait mon grand-père… Vous n’y êtes pas du tout… en vérité, l’homme est une hyène rieuse et un singe hurleur… ni plus ni moins… compris ! Puis, après un court silence, ils se retournaient tous vers moi, qui n’avais encore rien dit, pour avoir mon avis sur la question. Timidement, je relevais la tête et soufflais du bout des lèvres : à vous écouter, il me semble que tous les hommes sont dans la nature ! Ils sont sauvages et hostiles, sages et dociles… non ? À ces mots, on se mettait tous à pousser des hurlements. On hurlait en famille dans la joie et la bonne humeur, chacun imitant le cri de son animal préféré. C’était une belle époque !
« Échecs & Vivre ! » Proses pathétiques Recueil de proses poétiques publié aux Éditions Ouaknine Avril 2008, 16 € à commander sur www.ouaknine.fr
SLAM
Ceci n’est pas un Spam mais un Slam ! Ceci n’est pas un Spam mais un Slam A pied, à vélo, en roller ou en tram Je fais entendre ma voix à qui veut bien tendre son oreille
les géants et pour les gnomes, des mini slams pour les bébés cadum, du slam rural du slam urbain du slam pour n’importe quel quidam, du slam en album ou en plusieurs tomes, du slam tam-tam qui résonne de Panam jusqu’au Dom Tom
En train, en bus, en taxi ou en Mégane J’écris pour ceux qui désespèrent et ceux qui s’émerveillent
Le slam, ma plume, mon calame, ma calligraphie arabique, j’écris des calamités et des félicités
Chui dans l’import/export de verbes, de phrases et d’images Patron d’une PME, spécialisé dans la manufacture de rimes J’ai 26 salariés qui taffent à plein temps et qui trime C’est à leur dévouement que je rends hommage
Le slam, ma coutume, mon sésame, ma chirurgie artistique j’écris du sucré salé Pour les mots, j’ai le béguin Comme une meuf qui kiffe son lascar en baggy et qui danse le boogy
26 lettres que je m’héberge chez moi dans mon garage C’est du sous-sol de mon âme que sortent les plus belles strophes A mes trousses et sur mes traces, Interpole Qui m’accuse parce qu’autrui j’apostrophe et j’interpelle
Mais ce n’est pas demain la veille, ni aujourd’hui hier, Du thé, j’en ai plein ma théière
Mon art est une vocation Une discipline que je ne pratique jamais juste par évocation
@
Du slam frugal ou du slam raffiné pour les gastronomes, du slam pour les femmes et pour les bonhommes, du slam pour
Le slam, mon sémaphore, travailler sur les métaphores, c’est mon fort Et quand je me sens fort mal, le slam est la bonne formule Pour me sortir du formol du stress qu’inflige les formalités quotidiennes
© Textes & photos de l’article : Majead At-Mahel
Ma parole à leurs yeux ne vaut pas un Kopeck Ils voudraient que je me fasse tout petit comme Willow le peck Et que je ferme ma gueule en mangeant des pastèques.
Ceci n’est pas un Spam mais un slam
Ceci n’est pas un Spam mais un slam
Libre à vous de le filtrer, de le supprimer ou de le faire suivre…
UN APPÉTIT OBSCUR
INÉDIT
Les eaux usées
Cruelles Solitudes
Il gagne son eau à la sueur de ses aisselles Il gagne son pain à la transpiration de ses pieds Il gagne sa vie à la bave de sa bouche
qui ont mordus dans les cœurs Et les mâchent en silence !
Il économise sa salive Pour l’écume de ses vieux jours
DU BROUILLON ! Qu’est ce que la vie
La Vie n’est qu’effusion !
si ce n’est une multitude de brouillons qu’il faut sans cesse
© DR
remettre au propre !
*
Pour plus d’information : http://www.mediapart.fr/club/blog/majead E-mail : at-mahel@hotmail.fr
{Juillet
2010}
Boucan
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Simone Lagrand KIKOIDONKOU ? • D’où viens-tu ?
© William Zebina
Issue d’une grande famille très modeste, j’ai trouvé dans la lecture la plus fidèle des compagnes et la source de connaissance la plus libre qui soit. Le goût des livres m’a conduite naturellement vers l’écrit. Après mes études de LEA (Langues Étrangères Appliquées) je ne savais pas vraiment se où aller, que faire. Je me suis Poète paroleu dirigée vers l’édition. À force de lire et d’évaluer les manuscrits des autres, j’ai eu envie de m’y mettre, et de prolonger une expérience déjà entamée quand j’avais 17 ans avec l’édition d’un recueil de nouvelles. Très vite, je me suis trouvée coincée entre plusieurs envies. Écrire c’était bien, mais il me manquait quelque chose. Je n’étais pas attirée par le théâtre mais je ressentais que l’oralité de ma culture martiniquaise m’appelait. Un beau jour la réponse est tombée. En passant devant un bar où se déroulait un tournoi de poésie : slam de poésie, j’ai trouvé ce qui me manquait. Ce bar s’appelle Culture rapide, cabaret populaire et l’intitulé seul dresse le tableau de ce qui s’est passé dans ma tête. La semaine suivant, j’arrivais dans ce bar avec deux textes et depuis je n’ai pas arrêté. • De quoi parles-tu ? Mes textes parlent des choses que je connais, qui me touchent, qui me questionnent ou que je questionne moi-même. Être une femme… Qu’est-ce qui ne tourne pas rond dans le monde contemporain (martiniquais et ailleurs)… Le rapport entre les hommes et les femmes… tout cela à travers le prisme de quelques thèmes prépondérant dans ma réflexion : le
Paris la belle Paris la belle a accouché d’une île Rejeton bicéphale aux allures négritudes Arraché aux forceps matrice ultramarine Le poupon a des bleus rougis par l’amertume Paris la belle a fait un bébé toute seule Et voudrait maintenant l’noyer dans l’eau du bain Romulus et Remus tètent la république Une voix crie AU LOUP ! Lycanthrope solitude La bergerie n’a pas de porte, le loup a pris ses habitudes. Vous avez de grandes dents ! Cannibale attitude Marianne au bois dormant ne sommeille que d’un œil Et veille sur ses ouailles comme une mère maquerelle Car la métropole grouille de troupeaux révoltés Mais trop polis parfois. On a dit Liberté ?
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Boucan {Juillet
2010}
dedans et le dehors, l’envers et l’endroit mais aussi une éternelle interrogation sur l’esthétique de l’inachevé si présente dans ma construction d’insulaire dans le monde. • Où vas-tu ? J’ai initié une scène ouverte bi mensuelle à la scène nationale de Martinique : Atrium et j’espère que ce rendez-vous sera réitéré à la saison prochaine. De retour en Martinique depuis deux ans, je nourris le rêve de créer un bar culturel itinérant et j’espère pouvoir concrétiser ce projet. La parole et la promotion de l’écrit-dit comme élément de développement personnel (insertion, programme scolaire, pédagogie, vulgarisation) sont en tout cas au centre de mes projets. Que ma petite entreprise : Dinamo (générateur de courant alternatif poétique !!!), survive à la crise ! Et puis, peut-être une formule récital poético-musical… J’attends la rencontre avec celui ou celle qui saura combiner son univers musical (voire esthétique… vidéo, art plastique etc.) au mien. • Ce que tu aimes ? J’aime aimer. C’est déjà quelque chose de très important me concernant. En véritable épicurienne, je suis une passionnée de cuisine et de création culinaire. J’en parle car c’est un art à part entière auquel j’attribue une valeur poétique. Je suis aussi une grande fan de ciné. Une passion un peu frustrée par l’absence de salle adaptée à mes goûts en Martinique. Car j’aime le cinéma au cinéma. La peinture et les installations plastiques (en particulier celles incluant la vidéo) sont souvent sources d’écriture chez moi. Mes références sont éparses, de Toto Bissainthe, Eugène Mona, Frida Khalo, Marius Cultier, Jackson Pollock, en passant par les Saint Soleil, Alain Légarès, Pedro Juan Gutierrez, Damas, Man Ray, Coltrane, Maya Angelou… il faudrait un journal entier pour que je les répertorie en fonction de mes humeurs, du lieu où je suis, de mon activité… Il y a des musiques, des auteurs, des images pour chaque chose, chaque moment. • Ta philosophie ? Tout kô sé kô mé sé lèspri kô ki mèt kô
Leurs rêves sont policés au fond de poly tess : poly-ethniques cités. Pleines de peaux licites mais qui n’ont pas leur place. Empire policé cicatrisant les traces La métropole hautaine est bien trop occupée à chasser tous les cancres Qui usent leurs culottes au fin fond des banlieues Paris berce son île et lui promet la lune Bâillonne des colères qui bouleversent les urnes Paris a accouché un jour d’une île en France Petit poucet perdu au cœur de l’Ile de France Nina m’a dit que ses enfants d’ici dan ne savent plus qui ils sont Et Gwada dit q’ c’est l’dawa depuis qu’on a loupé le coche Post colonisation qui dès l’ départ te ment Égalité ! Rime pas toujours avec département
Le king d’la métropole mégalo te rie au nez À la mégalot’rie du bizness plan, on s’fait soDOMiser ATOMisés comme des TOMy COMiques DOMinés et loboTOMisés 971, 972, 973, 974, 100% des gagnants auront tenté leur chance Bienvenu au baptême de la belle île de France ATOMisés comme des TOMy COMiques DOMinés et loboTOMisés Ils ont dit French West Indies Sais-tu q’la terre est ronde ? Ils ont dit DFA Oh comme vous êtes foncés ! Merci mon général Paris la belle a accouché d’une île Rejeton bicéphale aux allures négritudes Arraché aux forceps. Matrice ultramarine Une voix crie AU LOUP ! Lycanthrope solitude La bergerie n’a pas de porte, le loup a pris trop d’habitudes.
SLAM
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Pawòlakafèt La pensée et les rêves, même éveillés, ne s’imaginent pas de frontières ni de limites. Tout juste quelques notions de temps, celles des contraintes logistiques à vaincre, à gérer. Si l’Atrium est un indéniable outil d’affirmation d’une ambition culturelle martiniquaise, c’est peut-être parce qu’il n’entend pas voir limiter ses ambitions et ses réalités aux temps, à la présentation de spectacles ou à la production. Culture, création, performance, slam, poésie...parole... Le quotidien nous apprend combien les mots sont fragiles et complexes, ces mots que personne ne conteste, ces mots qu’on peut pourtant galvauder, qu’on peut user et affaiblir pour mieux en trahir les valeurs. J’ai voulu les envisager comme des chantiers permanents où le public-acteur pourrait affirmer ce qu’ils signifient tout en cherchant ce qu’ils contiennent encore de nouveau et d’inédit, ou encore de non dit.
Simone en performance lors du « Mizik ek pawòl » avec la participation de Ninoska Espiñola, chanteuse chilienne
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http://www.myspace.com/simone_slam http://www.myspace.com/slamsimone E-mail : lagrands@hotmail.com
Mon écriture se nourrit d’un regard sur l’envers et l’endroit du monde comme pour sortir du « véglaj » ambiant qui pousse trop souvent à chercher pour trouver.
DÉCA-DENSE Le regard de la nuit Lit l’essence de vies vécues Rêves perdus ou retrouvés Etreintes au goût de sueur Stupéfactions trafiquées Marketing sur le trottoir On perçoit du bling et des paillettes Si pleines de stress que les strass s’éteignent Comme des bêtes à feu sans âme Si pleines d’ivresse que les délivrances s’astreignent à trouver d’autres trames Excès tout accès Action toutes options Mystique toute lipstick Pas glop le gloss too much qui sillicone des baisers vite donnés, vite oubliés A la faveur de la nuit le sexe sait se décomplexer mais s’esquive et s’efface sous la pression de l’outrance Le dance floor se fait masturber sans gêne Et le Saturday night fever devient si hot, si graphiquement porno, si erotico chic Que les chairs deviennent banales et divulguent dans l’air des relents de sperme et de champagne Les corps opulents assument leurs charmes tant et si tant qu’ils rivalisent d’impudeur La volupté cède la place à la corrosion du vulgaire Et Les strings se font cordes aux cous de leurs propriétaires
Tenues en laisse par la provocation qui se mue en démonstration Démo pour ne rien dire, pour se faire voir Ailleurs sans doute, parce que le show sonne creux Et à trop faire du cirque, les bimbos boum boum dérivent en attraction La nuit déraille à coup de cocaïne, de rhum coca, pays de cocagne rêvés Cacophonie écho de la phobie du silence, de l’absence de celles qui veulent tant exister en excitant les sens Noces fauves et burlesques entre amants éphémères Pas encore hommes, pas encore femmes Mais si tellement over Bookés Dosés Ganmés Mais le game over n’est pas loin Les aléas jactent de l’est à l’ouest et les un et les unes perdent le Nord si vite Petites filles encore, délaissant leur chupa chups pour les robinets des chiottes des discothèques pour grands Leurs wonderbra sentent encore le pop corn iophylisé saveur caramel et le chewin-gum à la cola Mais dans ces nuisances sans existence, la décadence fait des faux pas Ils ont oublié l’enfance Ne savent pas ce qu’elle sait Ils prennent des cours de décadence Dans la tête des contes défaits
{Juillet
2010}
Boucan
© Textes de l’article : Simone Lagrand
© William Zebina
Simone aux côtés de Christophe Rangoly aka papa Slam
© William Zebina
Les mardi de l’Atrium
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Boukan dans la cité
Ebony On m’a dit Barbie, j’ai répondu Ebony On m’a dit coiffeur, mais j’ai pas su quoi faire Alors j’ai répondu identité, authenticité, que sais-je : simplicité… Et on m’a simplement ri au nez ! Dressés sur ma tête, tels des soldats au garde à vous Mes tifs se crêpent le chignon de la racine jusqu’au bout Ils en ont connu des luttes décoiffantes Sous des onguents à la chimie étouffante De permanentes en défrisage. De peignes en peines en un laborieux défrichage Tels des fils de laine en boucle de crin Échevelés écheveaux emmêlés
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Boucan {Juillet
2010}
sous mes mains Décrépis sous l’assaut d’ammoniac et de soude Tout ça pour être une femme façon Barbara Gould Toi ma fille épouseras un babtou Ta marmaille à peau sauvée aura le cheveu lisse et doux Toi ma fille, souffriras en silence Capillairement correcte et belle à la mode d’en France Chivé popote, chivé l’état, il paraît que c’est à la mode, à la mode, à la mode Mais la petite sirène, Blanche neige, Cendrillon, c’est pas mes codes Je ne veux pas être une poupée au carnaval des bwa bwa J’suis une négresse, chivé krépu, produit made in Madinina Mes boucles de coton font tout pour résister À toutes les balivernes des canons
de beauté Diktat des magazines. Esthétique caucasienne Qui veulent mettre en marge ma pilosité africaine J’ai longtemps ignoré leurs signaux de détresse Jusqu’à leur accorder du répit sous des tresses Pour les affranchir enfin de leur chimique étreinte Et les laisser ainsi respirer sans contraintes Tels des soldats au garde à vous Mes tifs racontent mon histoire de mes racines jusqu’au bout Maman Congo, papa Madras, prière égrainée au peigne fin du passé J’veux pas qu’on m’prenne pour une poupée On m’a dit Barbie, j’ai répondu ebony. J’veux pas qu’on m’prenne pour une poupée
© Textes de l’article : Simone Lagrand
Tintamarre si sonore qu’il vide le silence Les cages d’escalier n’auront pas assez de barreaux Pour enfermer le cancan du boucan du coin de la rue Alors qu’il bâtit l’insurrection des cloisons Qu’il charpente le fétay des révolutions désaxées Il se fait parole, il se fait écho, il se fait mouvement, se fait cadence il se fait danse Densité dans le Pa ni ayen social, le pa ni ayen sans convictions, sans volitions Pa ni ayen ? Saw fè ? Pa ni ayen Quand la question s’interroge sur le faire et que la réponse ne propose qu’un Rien Quand le toi, le moi, le nous se perdent en chemin Que dehors ya pas un chat, mais que dedans des chatt pas nets bavardent en silence entre 4 murs Que MSN et Bill gates se font gardiens de la cité Sors et écoute, dehors la ville est là. La vie est là Et si tu dis que ta cité est si tacite que tu ne l’entends pas, que tu ne la vois pas Fais donc taire ta cécité et Vois Vois plus loin que le bout du nez Du négatif, du n’importe quoi, du névralgique Fais un pas de côté et regarde An pa asou koté pou gadé Pou gadé sa ka fèt Pou gadé saw fè
Pou gadé sa ki ni Pou gadé Sa’y di ya ? Sa’y di ya ? I di ke isidan sé pôté mannèv pou rèv nou pa aksidanté Ken ou sé an dansité disisdan ka disidé si nanm yo ni dwa de citer Si la cité est condensée par trop de faits divers Laisse-le pour le journal télévisé Et vise les faits, le faire Fouté fè pou pa vinn fou anba fè Ralé senn-la nan la riya mè pa pou fè aktè Sé pa an komédi, non Sé an kominiyon fôs èvè lèspri Annou fè Fout Ne plus prendre du fer mais prendre le verbe faire aux maux. Le croire sur parole, mais ne pas en faire qu’un mot Une parole au vent sans densité, enfermée dans les cages d’escalier Derrière les barreaux, elle ne peut pas dire Derrière les barreaux, elle ne peut pas agir Derrière les barreaux, elle ne peut pas percuter et mettre KO les pré jugés Derrière les barreaux, elle ne peut pas danser Fais-la libre Fais la exister, Exciter tes rêves Et les mener hors des barreaux, des cages, des halls, des blocs Exit-la du ciment Si man té pé Si man té sav Si man té ka Fais danser ta cité Hors des cloisons, des poisons Hors des sentiers battus, des battages médias Hors des murs, des murmures Fais danser ta cité
© William Zebina
Quand le boucan cancane au coin de la rue Et bout tel brouhaha Tel bouladjèl Tel boutique du quartier Tel bout d’ficelle Selle de ch’val Valentin Tintamarre
Döry
SLAM
KIKOIDONKOU ?
© Döry
• D’où viens-tu ? Je suis une jeune slameuse guadeloupéenne. J’ai toujours
se… Poète, slameu
baigné dans un environnement musical, littéraire et créatif, ce qui m’a naturellement guidé vers l’écriture de textes en créole, français et anglais. J’ai été révélée lors dès premières slam sessions organisées par le collectif slamblag et a remporté en 2006, le premier championnat de slam de Guadeloupe. • De quoi parles-tu ? La nature, la culture, la femme, l’argent, les injustices et bien d’autres… • Où vas-tu ? Je sillonne depuis 2007 les établissements scolaires et culturels où j’anime des ateliers d’écriture, moyens permettant aux plus jeunes d’aimer ou de se réconcilier avec la lecture et l’écriture dans une époque où les écrans ont pris le dessus sur les autres modes d’expression. • Ce que tu aimes ? Animée d’une énergie créative particulière, je multiplie les collaborations depuis trois ans, mûrissant un style à travers divers projets mêlant musique, mode, théâtre, opéra, danse et même le graff ! • Ta philosophie ? « An sé pawtisyon lavi a nonm ki bizwen senfoni a nanm pou viv ansanm ansanm èvè NONM »
---------------------- EXTRAIT --------------------« Onsèl nonm, onsèl fanm, dé poto , onsèl fòs pou lanmou solid, onsèl anmitan pé pa kyenbé »
Döry en pleine performance lors du concert de Bélo à l’Artchipel en janvier 2010
Döry puise dans les échanges qu’elle entretient avec les autres : « TOUT MOUN, timoun, gran moun, vyé moun, moun la kilti, moun tout koté », elle photographie avec ses mots des instants, des tranches de vie et d’histoire.
Pour en savoir plus… • Döry, militante ?
C’est ce besoin de dire les choses telles qu’elle les vit, c’est son attachement à ses racines et son histoire, ce sont ses participations à des projets « mawon ». Döry a aussi pu se faire une place dans le milieu reggae dance-hall lors de sound system hommage à Bob Marley ou lors de journées commémoratives « Mé 67 », abolition de l’esclavage. On trouve la trace de sa plume sur certains projets discographiques comme ceux de Sambia Jil, Sugamoss (Rastape), Steeve Nuissier ou encore Didier Juste.
• Scènes, collaborations
- Opéra Soleil de Carole Venutolo au centre des arts en 2007 - Performance lors du défilé Afroexentrik dédié au cheveu crépu en Février 2008 - Concert Akiyo « Lesprikason » en 2009 En featuring avec Dominique Coco En featuring avec le groupe de jazz caribéen Bwakoré - 5e festival Gwoka Jazz de Paris en 2009 - Concert de l’artiste haïtien Bélo. - Temps des poètes en Guadeloupe et en Martinique « Carême de la parole »
{Juillet
2010}
Boucan
© Textes de l’article : Döry
© Patrick Lambin
Onsèl
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SLAM
---------------------- EXTRAIT ---------------------
Método…
Zo pas négrès di « que ce soient les Zafricains ou les Zantillais, yo tout dézoblijan » _ pran on désizyon, vométan on zorèy a ti zizi é kyè a-y ka bat ba-w ki on négro a gwo koko ki pa’a ba-w on zing
---------------------- EXTRAIT ---------------------
Aide à la lecture : en se lit [in], ky = [tch], ny = [gn]
Tèt a papa-w !
Kijan an ka fè-y? Pour moi, créer un slam se décompose en 3 étapes : l’écriture « maké-y » qui est fondamentale, la déclamation « di-y », et la mise en scène « tann li, vwè-y ».
Yo kriyé nou « jénérasyon kritik fasil » Paka aji, yo di nou ka pèd fil Yo di « pran balan » mè sé lavi la ka ba-w fil An aprann tout biten ka fèt èvè filon Pi bèl mango toujou pousé si bèl bitasyon Ki moun ki pèd ? lézansyen oben lajénès an pèwdisyon ? Avan lavi té dous kon mango Lézansyen fouté tout an kò a yo, di-y bon ! Alè sé grenn é fil pri an chiko ki ka rété ban nou Kijan zò pa’a vwè jénès la BON ! Chimen chyen.
En effet, je cherche à surprendre mon public tant dans le choix des thèmes, la manière de les développer (techniques, rythmes et jeux de langue) que dans la performance scénique que je veux vivre chaque fois, comme une expérience unique.
MES INFLUENCES
Au cours de la phase d’écriture, après une période de recherches, de lectures, de discussions, d’écoute et d’observation, j’utilise ma langue natale, le créole, riche de sa musicalité et de son caractère imagé afin de susciter les émotions de mon auditoire.
Simone Schwarz-Bart, Fanswa Ladrezeau, Spike Lee, Lauryn Hill, Joël Nankin, Kassav, Mos Def, Euzhan Palcy, Anaïs Verspan, Sonny Rupaire, Patrice Lumumba, Gerard Lockel, Marie Josée Pérec, Pierre Akendengue, Bobby Mc Ferrin, Luc Hubert Séjor…
« Mémwa pou kilti KRéYòL, manké toufé anba fransé, lang a kolon dominan , réyisi dominé asi lang a nonm a wonm é domino kréyòl pou nou paté kontinyé palé kréyòl. E èsprrrimé nou byen, prrran tan arrrtikilé pou tout moun pé sa tandé kijan an frrransé le RRRR nou ka rrroulé garrrçon !!!! Yo paté sav wonm ka brilé, kon difé ka fè lafimé chayé mésaj kréyòl a jénérasyon an jénérasyon kifè jòdi timoun aprann li-y maké-y palé-y lékòl. » Mémwa Les écrits de Döry sont imbibés et nourris tant par la beauté insolite de ses paysages que par la richesse culturelle de la région qui l’a vue grandir : Anse Bertrand. Elle nous fait part de son amour du pays et de son histoire, traite des particularités et stigmates propres à la « société antillaise », avec humour, provocation ou tendresse dans des flots et jeux de mots déclamés à des rythmes qui lui sont propres.
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Boucan {Juillet
2010}
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http://www.myspace.com/slamadory Dory SélèspriKA sur Facebook E-mail : slamadory@gmail.com
© Textes & photos de l’article : Döry
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Chrisnel Alexis Poète, slameur
SLAM
KIKOIDONKOU ? • D’où viens-tu ? Je suis haïtien. Je viens de l’île de la Gonâve, qui se trouve dans
r Kama Multimedia © Karlill François pou
le département de l’ouest d’Haïti à proximité de Port-au-Prince. Actuellement je vis en Guadeloupe. J’ai commencé à écrire très jeune, un jour à force de voir mon père écrire, à force de le voir raconter sa vie, ses douleurs et sa joie, j’ai éprouvé l’envie d’en faire autant. Quand je suis arrivé en Guadeloupe Alain Caprice, Jean-Marie Abela m’ont conseillé de me lancer dans le slam, après beaucoup de réflexion et réticence, j’ai finalement accepté et au festival de Gwoka de Sainte-Anne en 2004, le coup d’envoi est donné. Voilà comment tout a commencé... • De quoi parles-tu ? Je traite des sujets qui tournent autour des phénomènes de société notamment : la citoyenneté, la maladie, la drogue et aussi la politique sans hygiène du monde actuel. • Où vas-tu ? Je vais au bout de ce dont j’ai toujours rêvé qui consiste à transformer mes rêves en perspective de réalité puis en réalité pure. Mon but visé, mon objectif à atteindre est issu du champ lexical suivant : Honneur, Valeur, Devoir, Sacrifice, Engagement, Charité, Liberté, Respect, Egalité, Dignité, Fraternité, Justice, Intégrité, Bravoure, Maitrise de soi, Estime de soi. • Ce que tu aimes ? J’aime la lettre, la musique, l’autre ou encore le connu et l’inconnu. J’aime me battre pour réaliser mes rêves. J’aime beaucoup Edzer Vilaire, un auteur haïtien et aussi Charles Alexis Oswald Durand ainsi qu’Aimé Césaire. • Ta philosophie ? Ma philosophie est un combat qui vise ce monde œil pour œil, sang pour sang.
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Performance donnée au lycée des Droits de l’homme de Petit-Bourg lors de la 2e édition Slam’art organisée par le Centre des Arts du 4 au 6 mars 2010 (en présence de Grand Corps Malade).
Je suis heureux et je n’ai même pas un « yota » Tu vois !?… le bonheur ça ne se vend pas Ton niveau social qui te fait croire à l’extrême Ne suffit pas pour te mettre à côté de celui que tu aimes Ton degré de pauvreté qui selon toi, pose un problème Ne suffit pas pour t’empêcher d’être dans les bras de celle que t’aime. « De la souffrance du début à la faim » Recueil de Slam et création graphique, à paraitre prochainement.
© Textes et photos de l’article : Chrisnel
DR
La patience paie
http://www.youtube.com/watch?v=0BT-LIIhjVAhttp://www.youtube.com/watch?v=PwQBOPaCbz8
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Je parle de ma vie, des mes expériences, de mon pays, Haïti chérie, de la souffrance de mon peuple, du comportement de la France ex colonisateur d’Haïti, Haïti une colonie exploitée, humiliée, maltraitée par les Français à l’époque du système colonial esclavagiste ou encore l’enfer colonial. Je parle aussi des colons nègres, des nègres qui ont une mémoire courte, des nègres qui oublient vite la TRAITE NÉGRIÈRE, des humiliations ineffables de l’immigration.
J’ai sorti un album qui s’appelle « La faim du monde » il a une tendance roots and groove acoustique, du Slam « Spoken word ». Je compte partir à l’étranger bientôt faire la promotion. L’album a six titres dont : 1- Enfant du tiers monde 2- Ma philosophie 3- L’homme animal social 4- Le lendemain de 1804 5- Je viens de quelque part 6- Je chante ce qui me perturbe {Juillet
2010}
Boucan
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SLAM
Ma philosophie
INÉDIT
---------------------- EXTRAIT --------------------Enquête d’une thérapie La poésie, j’ai trouvé cette philosophie Rassuré à vrai dire Je commence à écrire. J’écris en métaphore Des strophes, des lettres d’or J’ai expliqué ma peur, Mes envies pour le bonheur ; Pour vaincre mes adversaires, J’ai lutté à la Martin Luther.
J’adore l’hypocrisie Pas les hypocrites, Les traîtres Pas la trahison, La curiosité Pas la culture du « cran cran » La chasse aux terroristes Pas les terroristes Font la chasse aux terroristes. J’adore la négritude Pas le venin d’aspic, La folie Pas la perte de la raison, La diplomatie Pas l’escroquerie, Les doctrines Pas endoctriné. J’adore la différence Pas être différent, L’imbécillité Pas les imbéciles sans conscience, La croissance de la science Pas la décroissance des consciences, La philosophie Pas l’ignorance. J’adore les parents Pas les propriétaires d’enfants, Les femmes, Pas les épées à double tranchants, L’intimité Pas tous les secrets. J’adore le Macoutisme Pas les tigres ensanglantés, L’idée de la démocratie Pas la démocratie, J’adore les problèmes à problématique Car tous problèmes sans problématique Sont des problèmes à solutions problèmes
Quelle heure est-il ? La vie est une longue histoire Compliquée, je te l’jure mon gars Se battre pour le meilleur N’est pas une mince affaire, Car le difficile de l’existence est le plus sûr Et la facilité rassure… …Ne compte pas sur la chance Pour ne pas être déçu Pour ne pas avoir à dire : j’aurais dû. Pourquoi quand tout va bien Tout est joli ? Quand tout va mal C’est du souci ? T’as l’impression que les pétrins Sont plus forts que le mental !? J’ai appris à accepter l’inacceptable Supporté l’insupportable Crois-moi même si ça à l’air d’être incroyable La vie est plus qu’une triste fable De nature ineffaçable. Qui ne cherche rien, trouve probablement Qui cherche trouve sûr et certainement. Envie de lire la suite ? Ce slam est sur l’album « La faim du monde »
© Monique Greiner
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Boucan {Juillet
2010}
www.facebook.com/chrisnel.alexis www.myspace.com/chrisnel.a chrisparexcel@hotmail.com
© Textes et photos de l’article : Chrisnel
Le vrai visage de la réalité
Ninja Boy
FOCUS
Sous les
paLmiers…
l’apesanteur C’est le hasard de la vie qui a permis à Philippe Virapin d’embrasser la pratique photographique. Parfois, des rencontres judicieuses nous montre un chemin que nous n’aurions pas osé ni même rêvé prendre. Alors, suivons Philippe dans la danse, la danse tétraèdre du temps, de l’espace, du corps et de l’âme…
{Juillet
2010}
Boucan
23
FOCUS
muTation T Tation
Saut à Sainte-Anne
L
comme Lumière
Ici, on nous a laissé sans lumière. Cet astre qui sert à nous guider, qui nous indique la voie. Je ne redoute pas la lumière, je l’ai apprivoisée : lumière du jour, lumière du flash, lumière artificielle, clair obscur, contre-jour elle essaie par ses multiples formes de s’esquiver. Ce flux, serpent de vie – car sans lumière, nous sommes condamnés à vivre dans un monde aveugle – je la malaxe comme de la glaise, je lui fais prendre forme, les formes qui sont nécessaires à envelopper mes sujets. Elle m’appartient mais pas dans une optique égoïste, non, j’apporte la lumière à ces jeunes danseurs, je la leur transmets pour qu’ils puissent eux aussi en jouer. De l’invisible, ils émergent en quelques millièmes de secondes, leur mouvement prend la pose et ils déposent les armes chorégraphiques…
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Boucan {Juillet
2010}
C comme couleur
Les couleurs sont des tragédiennes, elles vivent indépendamment du sujet de la photo. Dans la pièce qu’elles jouent, l’intrigue est l’histoire, l’histoire d’une jeunesse métisse qui refuse d’assimiler sans recréer. Les acteurs-danseurs sur l’île-théâtre interprètent leur identité, leur photo d’identité. C’est un syncrétisme d’un nouveau genre qui se déroule devant nos yeux : du gwo ka, du sable, des palmiers, des corps en apesanteur...
{Juillet
2010}
Boucan
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créaTion
FOCUS
Sonis Hop
Philippe Virapin, photographe - Première rencontre avec la photographie grâce aux « Studios Hachette Filipacchi ». En métropole, Philippe collabore alors avec les magazines Elle, Paris Match, Femme Actuelle, etc. - Arrivée en Guadeloupe en 2002 : changement de cap, ses clients sont le Centre des Arts, France-Antilles, l’Université des Antilles-Guyane, le Musée Edgar Clerc entre autres. C’est aussi pour lui l’occasion de commencer un projet esthétique personnel. - Philippe travaille, en studio ou en lumière naturelle à l’extérieur. Il maîtrise aussi bien des photos mises en scène que d’autres plus spontanées. philippe.virapin@gmail.com 26
Boucan {Juillet
2010}
N comme numérique
« Le seul charme du passé, c’est qu’il est le passé. » Oscar Wilde Le passé a ses non-couleurs : le blanc et le noir. Moi, je vis au présent… Le « 010101 » du numérique n’est ni mieux ni moins bien que la pellicule photosensible, ce ne sont pas des frères ennemis. Mais force est de constater que l’arrivée de cette innovation a favorisé la démocratisation de l’usage photographique avec pour effet pervers de faire croire à certains qu’ils étaient devenus photographes. Le savoir-faire, le métier de photographe ne s’improvise pas dans la multiplication des images. Mon geste est unique car la photo que je cherche l’est aussi. C’est de cette exigence de l’acte photographique, du laisser-aller au heureux hasard (parfois) que sont nées ces visions imprimées sur PVC.
R comme regard
Mon regard sur le hip hop : cela fait 5 ans que je le nourris d’échanges, de rencontres. Je n’ai pas besoin de recadrer, ni de retoucher les images, car le travail se fait en amont, au niveau rétinien. Le grand format (2 m x 1,30) c’est volontaire : il fallait marquer les visiteurs d’une autre dimension photographique et puis cela permettait au mouvement des danseurs de se déployer, de leur donner l’impression de danser près de toi. Parfois théâtralisé, parfois en mode reportage ou « rafale » mon regard témoigne du potentiel de cette jeunesse sans concession.
M comme mutation
Chez les anciens égyptiens le mot mort « Mouth » signifie mutation, changement d’état et non cessation de vie. C’est la même racine que
Scorpy
Contre-jour bleu
Maat (vérité). Chez les Hébreux le mot mort est « Moth ». Cette racine a aussi donné mère, maturation, matière… Mes photos parlent de naissance, de passage, de transformation par le biais d’un rituel chorégraphié. Ces jeunes en allant audelà de leurs limites, en repoussant leur potentialité physique, accèdent à leur dignité d’adulte. Leurs histoires personnelles font échos à l’histoire de la société guadeloupéenne, une société en mutation malgré ou grâce à son insularité. Pour conclure, je pourrais résumer les enjeux qui se trament « sous les palmiers » de cette façon : « Nous ne sommes pas assimilés car nous nous valorisons, nous ne sommes pas acculturés car nous nous enrichissons, nous ne sommes pas aliénés car nous nous transformons : nous sommes acteurs de notre présent, nous vivons notre devenir, nous inventons notre futur. »
{Juillet
2010}
Boucan
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FOCUS
Une photo inédite proposée par Philippe Virapin
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Boucan {Juillet
2010}
Cela fait plusieurs fois que je viens le voir. flashback -« bonjour, ça va ? ». La première fois, je lui ai juste dit quelques mots… Je suis revenu le lendemain, je lui ai pris de l’eau de coco. Il m’a reconnu. Il était intrigué par l’appareil photo. Mais il n’a rien dit. Au bout de plusieurs jours, on se parlait un peu. Il connaît bien le coin, sa mère habitait à deux rues. Aussi, il a décidé d’installer son camion de coco sur le bord de mer. Oh ! Il en voit passer du monde, mais pas tellement de « monsieur avec un appareil photo » comme le mien. « C’est que ça doit coûter cher, ce machin-là... » Mais il n’est pas bête, il sait déjà pourquoi je suis là, pourquoi je reviens. Il sait que j’attends qu’il soit prêt. C’est la relation qui fait la photo. Il faudra du temps, des paroles, une présence intéressée, sincère pour qu’il me dise : « eh alors, on y va ? » Je ne suis pas un voleur d’image, je recherche le consentement libre et éclairé.
© Toutes les photos de l’article : Philippe Virapin
Coupeur de coco
{Juillet
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Boucan
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GOISSE
AN
Le hors-champ est une pensée flottante et angoissante. Une énigme qui réside à l’extérieur et à l’intérieur de nous. Cette partie de nous qui semble vide parce que nous ne la connaissons pas. Les Non-dits… Stigmate d’un passé (une transmission familiale inconsciente), d’un présent (actualité, crise, maladie…), et d’un futur incertain. Être conscient de ces craintes pour pouvoir les dépasser, passant d’un état cathartique à la résilience, l’évasion, la distanciation et la méditation.
http://www.youtube.com/watch?v=KwMfyaFjuHQ
C’est le moteur du lâché prise. Certes, nous ne pouvons pas occulter nos craintes mais les observer d’un autre point de vue, avec parfois humour, ironie ou dérision. « Créer, c’est résister » G. Deleuze Je reconstruis ma constellation familiale constituée de proches et d’inconnus autour d’un espace commun, le canapé, le divan, le banc, espace à la fois public et privé.
LIENCE
RÉSI
http://www.youtube.com/watch?v=YXiQz4LoOGA&feature=related 30
Boucan {Juillet
2010}
Vidéo-type Vidéo, n.f. Technique relative aux images filmées « Type », en anglais caractère d’imprimerie
© Textes et extraits vidéo : Tatiana Chaumont
http://www.youtube.com/watch?v=-6GGNyr3K5A
UPTÉ
VOL
Tatiana Chaumont
Là ou l’inspiration devient respiration
vagabondent
SENSations Rouge, l’idée qu’un jour mon travail puisse être reconnu comme tel
Une vieille pipe en terre, fine, sans fioriture, au bec noir, qui transpire le tabac, n’importe où…
Née à Paris en 1984, comédienne de formation, j’entre à l’école Supérieure des Beaux-arts de Cornouaille (France, Bretagne) en 2006 puis aux Beaux-arts de Martinique (IRAVM Caraïbe) en 2008. J’entreprends, dès lors, une recherche sur l’angoisse qui se déclinera au fil du temps, comme une errance. Cherchant toutes formes de concepts par l’intermédiaire de la peinture, du photo montage, de la vidéo, de l’installation et de la performance. Le portrait n’est qu’un prétexte. J’évoque des questionnements philosophique, psychologique, sociologique et poïétique. J’instaure un fil conducteur passant de l’angoisse à la résilience pour atteindre la caresse de la volupté. http://tatiouchkaya.ifrance.com/ http://tatiouchkaya.over-blog.com/ tatiana.chaumont@hotmail.fr © Christine Duchâtel
l’échange, l’amour
C’est le plaisir des sens, des saveurs, se sentir transporté par un échange avec un être humain, la nature, les odeurs, les sons… C’est avoir confiance en soi, se laisser inonder, entrer dans une méditation, sentir le désir nous submerger, caresser l’illusion, se dépasser. Je mets mon corps au service de l’art, je me mets à nu, je me laisse bercer par la musique. J’oublie que je suis timide et pudique, j’oublie les tabous, je laisse mon corps me guider, dans l’exploration de l’expression libre.
{Juillet
2010}
Boucan
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Le trait de
l’esprit
INTERVIEW
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Boucan {Juillet
« Marionnette vivante » de la série « Entités mythiques » technique mixte sur toile - 90 x 65 cm
Yudit Vidal, rencontrée au détour d’un lien virtuel, pratique une peinture sans concession. Ses créatures transpirent nos peurs et nos désirs. Elles se projettent dans une dimension onirique entre songe et réalité, elles nous donnent les clés de l’« entre-deux-monde ». 2010}
« La supplication », de la série « Rejouer le contre-sens » technique mixte sur toile - 70 x 50 cm
Q
uels sont les artistes les plus importants pour toi, ceux qui t’inspirent au quotidien ? En ce qui concerne les arts plastiques, les œuvres qui me charment le plus sont celles du Bosco, de Michel-Ange, Léonard de Vinci, Rembrandt ou Botticelli... En musique, je pencherais en premier pour la musique classique, mais j’aime aussi beaucoup Jim Morrison, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Pink Floyd. Au niveau photographie, mes idoles et inspirateurs sont plutôt des pionniers comme Aaron Siskind, Berenice Abbott, Eugène Atget ou Alberto Díaz (Korda).
Comment surgissent les thèmes que tu développes dans ton œuvre ? Les thématiques que je développe partent le plus souvent du quotidien. Celles-ci contiennent notamment – et ce de manière implicite – une évaluation psychologique de tout être humain et des problèmes qu’il affronte jour après jour. Mes idées peuvent aussi provenir de rêves ou de prémonitions prégnants.
« Étoiles venant d’une trompe », de la série « Nocturne illuminé » encre et crayon sur carton - 65 x 50 cm
Dans ton œuvre tu oscilles entre une peinture de portraits très réalistes et une peinture que je dirais plus surréaliste, comment arrivestu à négocier ce contraste ? En réalité la plupart du temps, les portraits >>
{Juillet
2010}
Boucan
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« Chapeau chimérique », de la série « Entités mythiques » - technique mixte 83 x 80 cm
>> des dames « fait à l’ancienne », ne
sont rien d’autres qu’une critique de l’aristocratie décadente. Question qui continue de primer aujourd’hui, parce que nous coexistons dans un monde agressif, vivier de constantes pertes des valeurs humaines et d’êtres dégoûtés de leur destin. En ce qui concerne le thème abordé, il varie en fonction du paysage épique ou du personnage illustré. Il peut s’agir de la représentation d’héroïnes bibliques, de vierges ou même de héros modernes. Je pense aussi que c’est une bonne manière de représenter de simples femmes, aux prises avec leur quotidien, ou de réaliser une critique subtile de certains traits négatifs de la société. Ceux-ci sont restés les mêmes depuis la nuit des temps, d’où le nom de la série de peintures « Dichotomie intemporelle ». En fait si tu re34
Boucan {Juillet
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gardes bien, le thème (l’humain) ne varie pas d’une série à l’autre, seulement la manière d’en traduire plastiquement les idées. Dans la série surréaliste, on retrouve la problématique humaine, seulement cette fois il s’agit d’une critique de l’être intérieur (et non de l’apparence comme dans la série des dames). Ce « soi-même », que nous abritons, je le représente de manière différente car nul doute qu’il existe réellement dans une autre dimension et par conséquent il ne peut pas être identique à l’être que nous voyons dans la réalité dans laquelle nous évoluons. C’est pour toutes ces raisons, qu’il m’est facile de basculer d’une manière à l’autre, d’un univers à l’autre suivant le sujet traité. Dans tous les cas, au niveau technique tu noteras que c’est le dessin qui prend le pas sur la couleur. >>
« Submergée et accompagnée de poissons », huile sur toile - 69 x 100 cm
INTERVIEW
Yudit VIDAL FAIFE 1979 : Naissance à Santa Clara (Cuba) 1998 : Diplômée de l’école professionnelle d’arts plastiques « Oscar Fernández Morera », spécialités : peinture, graphisme et technique de l’aquarelle
2008 : Licence en arts plastiques à l’Institut supérieur d’art (la Havane), restauration et conservation d’objets Expose à Cuba, en Italie, au Luxembourg, en Hollande et en Équateur Chevelure-Mante, technique mixte sur carton - 49,5 x 69 cm
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INTERVIEW
« Derrière la sensation cachée du risible », de la série « Entités mythiques » technique mixte - 128 x 69 cm
à un trait incisif, parfois ironique, toujours sincère
© Toutes les photos Yudit Vidal Faife
bascule du réel « Jeà l’irréel grâce
» « L’ironie de la vie », huile sur toile - 95 x 66 cm
>>
Il y a beaucoup d’hybridations homme-insecte et homme-objets : cette « violence » à l’encontre de l’intégrité corporelle peut parfois perturber autant qu’interpeller. Peux-tu nous en dire plus ? Les hybridations viennent essentiellement de ma série « Entités mythiques ». Cette série – une des plus fantasques – est riche en représentations d’êtres irréels, appartenant à mon imagination créatrice personnelle. Je recrée des personnages du monde intérieur propre à chacun. Pour ainsi dire: « ce sont des caricatures de l’autre moi, celui que nous avons tous à l’intérieur. » Nous sommes face ici à une manière plus singulière de représenter l’Homme, dans laquelle se distingue tout particulièrement la technique du dessin. Ces traits expressifs, façonnent l’idée que je souhaite faire émerger chez le spectateur, qui peut se trouver captivé par le côté énigmatique de ces êtres surnaturels. Par l’utilisation d’un tracé désin36
Boucan {Juillet
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volte au fusain et d’une description proche de la parodie, je mets en lumière les particularités de l’être humain. En somme c’est une façon de refléter ou d’exorciser les démons intérieurs de l’homme et de son âme. Le but étant d’arriver à représenter l’anti reflet de l’être humain comme conséquence de ses actes irresponsables envers la nature et envers son entourage social. (Cette série est elle-même sous divisée en diverses orientations en accord avec le thème traité). Que symbolisent la bicyclette, l’insecte et le chapeau dans ton vocabulaire plastique ? Ils reviennent avec fréquence dans tes tableaux. Tout au long de ma carrière, j’ai essayé de mettre l’accent sur l’étude des recours iconographiques de l’art dans l’histoire. J’en suis venue à la conclusion qu’une partie de la personnalité de l’œuvre et de son créateur dépend du vocabulaire qu’il utilise pour communiquer ses
idées. De plus, cela lui permet d’être reconnaissable et reconnu par ses spectateurs. C’est pour cette raison que j’ai intégré dans mes toiles une série d’objets quotidiens qui enrichissent mon vocabulaire plastique. L’insecte est cet être naturel en lequel nous pourrions un jour être transformés. Mes peintures utilisent donc des détails de sa physionomie pour représenter ce que nous désirons ou les défauts que nous avons. Par exemple, les ailes représentent le désir d’atteindre ses rêves, la forme des papillons symbolise la plupart du temps la beauté intérieure qui nous fait défaut. D’autre part, le chapeau est l’élément de la garderobe qu’il n’y a pas si longtemps, distinguait une classe sociale d’une autre, ou définissait une époque ou une mode. J’ai repêché ce symbole et l’utilise comme un trait de personnalité : de son intérieur peuvent surgir les idées ou les désirs de chacun. La biclyclette, quant à elle, incarne la locomotion, le mouvement,
À chaque numéro, Boucan invite des artistes à proposer des inédits. Yudit nous présente sa « Glicerine Soap », acrylique sur toile 70 x 60 cm
le progrès ou l’émigration, qui au fil du temps, font partie de la vie de chaque être humain. Il me semble que le dessin construit ton œuvre, et que la couleur est secondaire. Ton trait est très incisif, est-ce que tu pratiques la gravure ? Pour être honnête, je n’ai que très peu pratiqué la gravure, mais cela m’arrive d’en faire et cela me procure une grande satisfaction. Néanmoins, le dessin est pour moi la manière la plus forte de faire venir des idées, l’impact de la ligne et l’épaisseur des traits peuvent définir un moment psychologique, un état d’âme, une idée. C’est en soi le principe de l’ébauche. Le dessin est primordial dans ma démarche artistique et je pense que sans lui, mon œuvre manquerait de puissance gestuelle. Je reconnais d’ailleurs être très influencée pour les grands maîtres du dessin tels que : De Vinci, Michel-Ange, Escher...
Phrase sur le dessin : « Nous avons tous un double qui vit aux antipodes, mais il est très difficile de le rencontrer parce que les doubles tendent toujours à effectuer un mouvement contraire. »
« Vivant aux antipodes », encre sur carton - 35 x 47 cm
« Vie commune aux antipodes », de la série « Entités mythiques » huile sur toile - 90 x 64 cm
ANALYSE : Sur ce dessin, on peut voir deux figures vivant à l’intérieur d’un vêtement symbolisant un pied (d’homme). C’est le pied de l’équilibre, de l’appui et de la fermeté. Mais cette fermeté parfois chancelle, à cause de décisions erronées prises par l’autre « moi ». Il est attaché par une chaîne qui va du pied à la main et qui symbolise « les entraves morales ». Dans ce double, l’un à les yeux ouverts et l’autre fermés. Il arrive que nous cherchions la solution plus loin que nous le devrions, sans penser qu’en réalité la réponse se trouve à l’intérieur de nous. Ces deux êtres (l’intérieur et l’extérieur) ne peuvent vivre ni ensemble ni séparés, ils ne peuvent pas non plus se faire face, sans qu’il arrive un désastre universel. C’est notre destin de négocier le va-et-vient entre le Dr Jekyll et le Mr. Hyde de nos propres personnalités.
Quelles techniques préfères-tu ? Pour quelles raisons ? L’encre et le fusain sont mes préférés, car avec eux, le dessin est prédominant. Sinon, je ne fais pas de distinction et naturellement, au moment de choisir une technique s’impose plutôt que l’autre. Avant toute chose et suivant le message, je choisis celle qui correspond le mieux à la réalisation. Ce qui fait que je travaille de la même manière avec l’huile et l’acrylique, entre autre. Quels sont tes projets actuels ? Le projet « Êtres de la minuscule immensité » a été et est toujours pour l’instant mon projet le plus récent. Il m’a rempli de satisfaction et d’inspirations. Je continue de le développer avec l’ambition de l’exposer prochainement à La Havane. La thématique du monde et de l’ingénuité enfantine est très enrichissante. Elle est une source
intarissable d’imagination. Ce projet a aussi l’avantage de me donner la possibilité d’exercer ma vocation d’éducatrice artistique auprès des enfants. L’exposition compte 12 de mes œuvres, inspirées des peintures enfantines, 19 peintures réalisées par les enfants eux-mêmes, et 7 installations en papier mâché d’environ 3 mètres, résultat de notre travail commun. Cette exposition est le fruit d’un projet mené depuis 6 mois à Trinidad avec la collaboration du cercle pour enfants « Clodomira Acosta », unique enclave du centre historique de la ville. Son objectif principal est le suivant : utiliser le processus de création comme moyen d’enseignement propice à corriger certains traits négatifs dans le développement de l’enfant et stimuler l’acte de création comme une nécessité d’expression gestuelle-spirituelle de l’être humain.
{Juillet
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Boucan
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TALENT
Conscience graphiQue Remarqué à l’exposition Corps/Identité, organisée à l’Atrium en Martinique par l’artiste Tatiana Chaumont, Christophe Vielet encore étudiant à l’IRAVM s’affirme sur la scène caribéenne comme un artiste engagé. Critique satirique, il maîtrise aussi bien le détournement, le photo-montage, le graphisme que la peinture. Bienvenu dans la 4e dimension, celle de la conscience…
« Dépenser-Penser » affiche, 2010
{Juillet
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Boucan
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TALENT
«
En dépit du fait que je me destine à travailler dans le graphisme et dans la communication visuelle, la création reste pour moi une préoccupation essentielle. J’entends par là toujours chercher à produire des créations riches de sens, qui questionnent, qui critiquent, qui interrogent celui qui les regarde. L’essence même de l’art n’est-elle pas de remettre en question le monde qui l’entoure ?
» « Avoir le bras long », photomontage réalisé pour l’exposition collective « Corps/dentité » à l’Atrium en Martinique, juin 2010
« Guerre en Martinique » photomontage, 2009
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Boucan {Juillet
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« Système global » photomontage, 2010
© Photos de l’article C. Vielet
Participation au concours de la ville de Chaumont en 2009 sur le thème « Avoir 20 ans »
20 ANS ILLUSTRATION PHOTOMONTAGE ARTS VISUELS CHAUMONT « Behind the eyes » illustration, 2008
Contact : http://christophevielet.carbonmade.com/ E-mail : christophe.vielet@gmail.com Tél. : 06 96 71 07 30
« Satire-iPod » fresque, 2009
{Juillet
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Boucan
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TYPO
vie
I Vs -à-
:
disposition humaine mettant l’une en face de l’autre, deux vies.
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Boucan {Juillet
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