Yoann BOY Master Architecture & Cultures Constructives
STAGE RECHERCHE ST3 Laboratoire Craterre UNITé de recherche Ae&CC
maître de stage : anne-monique bardagot directeur de stage : nicolas dubus Année universitaire 2015 - 2016 École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble
Organisme d’accueil Laboratoire de recherche Craterre, ENSAG, 60 avenue de Constantine, CS 12636 – 38036 Grenoble cedex 2 Maître de Stage : Anne Monique Bardagot Directeur de stage : Nicolas Dubus Programme du stage : 1 - Dans le cadre du parcours recherche découvrir le fonctionnement du laboratoire, la diversité des recherches qui y sont développés, le travail effectué ; 2 – Participer au projet Typha, prendre connaissance des objectifs, du cadre et du contexte de ce projet mené en collaboration avec des partenaires sénégalais, élaborer des échantillons terre-typha et effectuer différents tests. Activités du stagiaire au sein de l’organisme : 1 – Démarrage d’un état de l’art sur une question de recherche et cadrage du sujet entamé dans la perspective d’une mention recherche en lien avec le Projet de Fin d’Études (PFE) 2 – Observation et compréhension du Projet Typha et investissement dans ce programme 3 – Participation et accompagnement de différentes phases du projet typha mené par Étienne Samin, Architecte DPLG – DSA Terre, Chercheur au Craterre, sous la responsabilité scientifique de Thierry Joffroy, Architecte DPLG, Président de Craterre, Directeur/ Responsable du Labex AE&CC 3 – Élaboration et analyse d’échantillons tests, terre-typha, en laboratoire 4 – Immersion dans le monde de la recherche, démarches, protocoles, méthodes, suivis, rapports, réunions... en vue d’un prolongement du travail après le stage ST3.
Illustrations de couverture Terrafrica 2014, Yoann BOY, PNEEB-Typha, Etienne SAMIN, Craterre, Thierry Joffroy et Sébastien MORISET
stage recherche st3
rapport de stage laboratoire craterre BOY Yoann
maître de stage : anne-monique bardagot directeur de stage : nicolas dubus Année universitaire 2015 - 2016 laboratoire de recherche craterre unité de recherche ae&CC École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble
RECHERCHE FONDAMENTALE MENTION RECHERCHE RECHERCHE-ACTION PNEEB-TYPHA
Remerciements A l’équipe du Craterre d’abord pour m’avoir accompagné dans ce travail, dans mes découvertes et tout au long de ce stage. A Anne-Monique Bardagot pour ses conseils avisés, son soutien et son accompagnement dans les épreuves rencontrées. A Etienne Samin pour m’avoir ouvert les portes d’un monde qui m’était encore inconnu, pour sa gentillesse, son sens du partage et sa confiance. Merci à Thierry Joffroy, président du Craterre, pour me donner la possibilité de poursuivre mon expérience au-delà du cadre du stage. Merci aux chercheurs, étudiants, intervenants extérieurs au laboratoire pour leurs échanges riches et passionnés. Merci a Lalaina Ratokomalala et Arnaud Misse pour m’avoir accueilli au sein de l’équipe PNEEB-Typha et me donner toujours un peu plus de grain à moudre. Merci a Adélaïde Couillerot pour son soutien moral, ses sourires et le travail abattu pendant cette année de PFE.
Merci enfin, au monde et aux hommes pour me donner chaque jour matière à réfléchir.
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«L’architecture se rapproche des conditions du monde réel quand elle prend des risques, adoptant de nouvelles formes d’action et d’apprentissage. [...] Prendre des risques, cela veut dire se tromper, ne pas avoir peur de faire des erreurs ou de ne pas être parfait. [...] Mieux vaut faire des choses nouvelles et créatives, même si elles se traduisent inévitablement par quelques échecs, que vivre dans l’ombre et la sécurité éternelle de ce qui a déjà été fait et refait.»1
Ce rapport fait état de mes activités au sein du laboratoire de recherche Craterre au cours de l’année universitaire 2015-2016. Il retrace de manière thématique et chronologique mon investissement et ma participation au sein de l’unité de recherche au cours de ma dernière année de formation. L’occasion m’a été donnée de rejoindre l’équipe pluridisciplinaire du Craterre dans le cadre de mon Stage de Master (ST3). Attiré par la recherche et fort d’une expérience concluante pour mon mémoire de Master en quatrième année de formation à L’École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble (ENSAG) au sein de la thématique Architecture et Cultures Constructives (A&CC), il m’a été possible de démarrer le parcours mention recherche en septembre 2015. Après une présentation de l’organisme d’accueil, des professionnels qui m’ont encadrés et des personnes avec qui j’ai pu collaborer, le présent document témoigne de mon parcours personnel en vue d’obtenir une «mention recherche» en lien avec mon Projet de Fin d’Études. Ce premier volet se place dans le prolongement des réflexions entamée lors de la rédaction de mon mémoire de Master 1. Dans un second temps sera présenté le programme PNEEB Terre-Typha mené par le Craterre ; comment celui-ci s’inscrit-il dans mon parcours, comment entre-t-il en résonance avec mes expériences passées et quelles opportunités m’offre-t-il dans le prolongement de ma formation d’une part et dans mon insertion progressive au milieu professionnel d’autre part. Dans une dernière partie, une synthèse tente d’aborder des notions acquises, au cours de cette dernière année de formation à L’ENSAG, dans le monde de la recherche et les «à côtés» de la pédagogie du master. Celles-ci permettent d’énoncer les perspectives professionnelles et personnelles qui s’offrent à moi en cette fin d’année universitaire. Laboratoire de Recherche Craterre, organisme d’accueil
1 MAZZANTI Giancarlo, « Du projet social au sentiment de solidarité », CONTAL Marie-Hélène, (Dir.), Ré-enchanter le monde, l’architecture et la ville face aux grandes transitions, Paris, alternatives – Gallimard, 20 p. 53
3
PARTIE I
INTRODUCTION
3
Laboratoire de Recherche Craterre, organisme d’accueil
6
Craterre
laboratoire de recherche et association 1901
Le Craterre,
entité du Labex AE&CC
Un lien entre formation et recherche
Labex AE&CC et Thématique de master AE&CC
Anne Monique Bardagot, Maître de Stage
Etienne Samin,
Coordinateur des essais matériaux, Projet PNEEB-TYPHA
une équipe de Recherche
Projet PNEEB-Typha
PARTIE II
8
10
11 11
12
retour sur les années passées, Distanciations et prolongements Du Mémoire de Master 1 à la mention recherche
15
le mémoire, une expérience fondatrice
15
Vers la mention recherche, approfondissement d’une démarche
16
De l’année de césure au projet PNEEB Terre-Typha
17
4
7
Chroniques d’un aller-retour en Afrique subsaharienne, suites
17
Grains d’Isère 2015, Rencontre aux Grands Ateliers
18
Investissement progressif dans un projet de recherche structuré
18
14
sommaire Programme pneeb-typha
20 21
Projet PNEEB – Typha, Laboratoire Craterre 21
Contextualisation du projet
21
Présentation du programme et de ses objectifs
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Planning et organisation de la recherche
24
Terre/Typha, Réalisation d’échantillons tests 24
R&D, de la matière au matériau
24
Travail de laboratoire, analyses
26
Inscription des données dans le processus de recherche
28
31
projet typha PARTIE III
Projet PNEEB –Typha, Suites du programme 28
Guide Bioclimatique
28
Recherche-action France-Sénégal
30
En route pour l’Afrique
Retour personnel 32
32
33
Le temps de la recherche,
notion trop souvent laissée pour compte
Transversalité et universalité du travail, Architecte et/ou chercheur ?
La recherche-action
une méthodologie défendue par le CRA-terre
34
CONCLUSION
36
BIBLIOGRAPHIE
5
LABORATOIRE
PARTIE I
DE RECHERCHE
6
CRA-terre
Organisme d’accueil
CRA-Terre
Laboratoire de recherche & association 1901 J’ai eu la chance de pouvoir faire mon stage de master dans une structure forte de son expérience longue de plusieurs décennies et reconnue internationalement pour son expertise. Afin de présenter au mieux celle-ci, j’ai fait le choix de citer ci-après, les textes de présentation de l’organisation. Depuis 1979, CRA-terre, Centre international de la construction en terre, œuvre à la reconnaissance du matériau terre afin de répondre aux défis liés à l’environnement, à la diversité culturelle et à la lutte contre la pauvreté. Dans cette perspective, CRAterre poursuit trois objectifs : • • •
Mieux utiliser les ressources locales, humaines et naturelles, Améliorer l’habitat et les conditions de vie, Valoriser la diversité culturelle.
Équipe pluridisciplinaire et internationale, CRAterre est un Laboratoire de recherche de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble et une Association 1901, qui rassemblent chercheurs, professionnels et enseignants, et travaillent avec de nombreux partenaires à travers le monde dans les domaines du patrimoine, de l’habitat et de la science des matériaux, ce qui permet d’établir des liens innovants et des synergies entre recherche fondamentale, R&D, recherche-action de terrain, formation et diffusion des connaissances. La démarche de projet de CRAterre se fonde sur une cohérence forte entre concepts, méthodes et objectifs en facilitant la participation active des parties prenantes (institutionnelles, professionnelles et communautaires). Cette approche lie de façon dynamique diagnostic, recherche, expérimentation et application. Elle renforce les compétences et valorise les coopérations scientifiques et universitaires ainsi qu’avec les acteurs professionnels et institutionnels. L’analyse des « Cultures Constructives » permet à CRAterre de développer des filières de construction et des méthodes de projets adaptées aux contextes locaux. CRAterre a également mis au point des pédagogies innovantes allant de la connaissance de la matière jusqu’au chantier formation. Ses capacités d’innovation et d’intégration pluridisciplinaire sont reconnues et inspirent de nombreuses institutions de par le monde. A cet égard, des projets d’envergure, comme les Grands Ateliers, la Chaire UNESCO « Architectures de terre » et les projets régionaux développés en Afrique subsaharienne et en Asie centrale illustrent de manière exemplaire ce potentiel.
7
CRAterre déploie des activités dans trois domaines principaux : • • •
La conservation et la gestion des patrimoines architecturaux en terre et autres matériaux locaux ; La constitution des bases scientifiques et techniques pour la construction et l’architecture de terre et en matériaux locaux ; Les établissements humains, l’habitat et la cohésion sociale et territoriale en lien avec l’amélioration des conditions de vie.2,3
CRA-Terre
Entité du Labex AE&CC
Depuis Janvier 2011, le laboratoire Craterre s’est associé au laboratoire cultures constructives (2002), tous deux présents dans les locaux de l’école nationale supérieure d’architecture de Grenoble. Cette coopération a permis la mise en place d’une unité de recherche Architecture, Environnement et Cultures constructives (AE&CC), qui depuis sont évaluation bénéficie des financements dédiés LABoratoires d’EXcellence (Labex)4 dans le cadre des investissements d’avenir5. Le projet de recherche de l’unité est structuré par le triptyque Habitat – Matériaux – Patrimoine, hérité de l’approche développée par le laboratoire Craterre. L’intérêt de l’unité réside dans la volonté de croiser ces 3 thématiques et diffuser son savoir au niveau international. Voici ci-dessous la résumé des principaux axes de recherche : Thème 1, Habitat : En liant les sciences humaines et sociales avec les sciences de l’ingénierie et de l’architecture, la recherche vise l’amélioration de l’habitat et la « soutenabilité » du milieu de vie. Ce thème Habitat est structuré en deux programmes de recherche : 1. Habitat éco-responsable 2. Gestion des risques et reconstruction. Thème 2, Matériaux : L’étude des cultures constructives anciennes et récentes permet d’identifier les déficiences et les potentiels de l’existant, ce qui sert de base à la réflexion sur le développement de nouveaux matériaux et de nouveaux modes de production. Ce thème Matériaux est structuré en deux programmes de recherche : 1. Histoire des cultures constructives 2. Recherche fondamentale sur matière/matériaux. Thème 3, Patrimoine : l’utilisation de méthodes et de stratégies interdisciplinaires d’étude des patrimoines permet la reconnaissance de leurs valeurs et l’évaluation de leur potentiel pour, selon les cas, la préservation, restauration, réhabilitation, mise en valeur, ou encore la réutilisation de leurs aspects matériels (biens eux-mêmes) ou immatériels associés (savoirs, savoir-faire). Ce thème Patrimoine est structuré en trois programmes de recherche : 1. Conservation et gestion du patrimoine ; 2. Archéologie et conservation 3. Patrimoine mondial.6 2 http://craterre.org/ [consulté le 24,07,2015] 3 AERES, Dossier d’évaluation AERES de l’unité de recherche AECC, 2015 http://culturesconstructives-aecc.com/media/ENSAG.Dossier-devaluation-Unite-de-recherche-AECC.2014-2015. pdf 4 “L’appel LabEx (Laboratoire d’Excellence) avait pour objectif de doter de moyens significatifs les unités de recherche ayant une visibilité internationale, pour leur permettre de faire jeu égal avec leurs homologues étrangers, d’attirer des chercheurs et des enseignants-chercheurs de renommée internationale et de construire une politique intégrée de recherche, de formation et de valorisation de haut niveau.” Source : http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid55551/investissements-d-avenir-projets-laboratoiresd-excellence-par-region-et-domaine.html [consulté le 24,07,2015] 5 Lancés entre 2008 et 2009 à travers un plan de relance de la croissance et de l’innovation de près de 30 Milliards d’euros. Ces financements ont été mis en place par la la loi de finances rectificative du 10 mars 2009. https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2010/3/9/BCFX1000694L/jo#JORFSCTA000021943750 (art. 10) 6 http://aecc.hypotheses.org/105 [consulté le 24,07,2015]
8
Figure 1. Triptyque de recherche Croisement des thématiques de recherche D’après éléments de fonctionnement du laboratoire, Craterre et Unité de recherche AE&CC, labélisée LaBex
Figure 2. Instances et coordination D’après éléments de fonctionnement du laboratoire, Craterre et Unité de recherche AE&CC, labélisée LaBex
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Un lien entre formation et recherche
Labex AE&CC et thématique de master A&CC
Inscrit depuis 2015 au sein de la thématique de master «architecture et cultures constructives» j’ai pu, tout au long de mes deux années de formation entrer en contact avec différents professionnels, architectes, chercheurs, ingénieurs, enseignants et aussi étudiants (master, doctorants, DSA terre7). La première année dispensée par le master AE&CC s’attache à la propédeutique8 des matériaux. Au travers de cours, de séminaires, de visites de filière de production mais aussi et surtout par le projet (dessin/conception) et l’expérimentation à l’échelle 1 de la matière et des matériaux (Grands Ateliers de l’Isle d’Abeau), 4 modules nous ont été proposé en 2015-2016, à savoir bois, acier, pierre et terre. Ces enseignements engagés dans le savoir et le faire, découlent d’une évolution historique d’une pédagogie initiée par le Craterre et quelques personnes satellites à l’organisme. Depuis de nombreuse années elle s’attache à faire vivre la matière aux étudiants afin de mieux l’appréhender pour le projet d’architecture. De patrice Doat ou encore de Sergio Ferro9 à Patrice Rollet, les allers-retours du dessin au chantier et du chantier au dessin ont toujours été, pour Craterre, une évidence. Pour les enseignements dispensés à l’école d’architecture de Grenoble ou encore au sein de la thématique de master « Architecture et Culture constructive », la matière et l’architecture, le cerveau et la main, le savoir et le faire sont restés des questions centrales. Selon les années et les promotions l’exploration de celles-ci a pris des formes différentes en constante évolution (expérimentations, protoypes, modules, etc...). Présenter cette philosophie de transmission des connaissances et des compétences permet d’une part de resituer l’influence historique du Craterre sur la formation que j’ai suivie mais permet d’illustrer aussi une partie des interactions qui existent entre le laboratoire de recherche, ses enseignants, ses chercheurs, ses étudiants chercheurs et la thématique de master A&CC. Dans le cadre des séminaires, des studios de projets ou encore aux grands ateliers, les passerelles vers l’unité de recherche Craterre-AE&CCC ont été nombreuses. Dans le cadre de ce rapport de stage je parlerais succinctement de la participation de ma promotion au festival Grain d’Isère en 2015. J’ai aussi eu la chance d’être encadré par Hubert Guillaud10 et par Anne-Monique Bardagot11, tout deux rattachés au laboratoire de recherche Craterre, pour une première initiation à la recherche par la recherche12 dans le cadre de la rédaction de mon mémoire de Master 113. Ce n’est qu’après leurs recommandations et par intérêt personnel pour la recherche que j’ai choisi de donner suite à mon premier écrit. C’est alors que je me suis inscrit dans le parcours mention recherche dispensé en master 2 à l’école Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble. 7 Le Diplôme de Spécialisation et d’Approfondissement en Architecture de Terre, DSA-Architecture de Terre, mention « architecture et patrimoine » a pour objectif de répondre à la demande sociale internationale dans les domaines relatifs aux métiers de l’architecture de terre. Il est dispensé par le Craterre dans le cadre de la chaire UNESCO «Architecture de terre, cultures constructives et développement durable», Commission Nationale Française pour l’UNESCO. Cette formation n’a pas déquivalent de part le monde. http://craterre.org/enseignement:dsa-terre/ 8 Propédeutique, substantif féminin, PHILOS. ,,Éléments de connaissance constituant une préparation nécessaire à l’étude plus approfondie d’une science`` (Thinès-Lemp. 1975). source : CNTRL/propédeutique 9 FERRO Sergio, Dessin/Chantier, Paris, Ed. de la Villette, Coll. Ecole d’architecture de Grenoble, 2005, 159p. 10 Architecte DPLG, CEAA-Terre, HDR en sciences humaines et amménagement (UPMF, ED n°454) , Professeur en sciences et techniques de l’Architecture, 11 Ethnologue, maître-assistant, champ : Sciences Humaines et Sociales pour l’architecture, titulaire depuis octobre 2002, chercheure au CRAterre, Unité de recherche Architecture, environnement et cultures constructives (LABEX) 12 Séminaire d’initiation a la recherche par la recherche //www.grenoble.archi.fr/pdf/etudes/master-thematique-3.pdf 13 BOY Yoann, L’éco-conception est aussi affaire d’humanisme, Grenoble, ENSAG, 2015
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Anne-Monique Bardagot
Maître de stage
Nous sommes trois étudiants à avoir suivi le parcours « mention recherche » au sein du laboratoire Craterre. Nous étions alors sous la responsabilité d’Anne-Monique Bardagot à la fois enseignante, conseillère, tutrice et élément clef de notre motivation pour mener à bien ce travail en parallèle de notre Projet de Fin d’Études. Je tiens à préciser que si pour ma part, je n’ai pas achevé la mention, Anne-Monique m’a été d’une grande aide tout au long de mes dernières années de formation et plus particulièrement de celle qui s’achève. Elle a été à mes côtés tout aussi bien pour le suivi de l’avancement du travail (mention et PFE), que pour les discussions, les conseils de lecture ou encore les choix pour l’avenir. Issue d’une formation en sciences humaines (diplôme IEP, maîtrise de sociologie) elle est entrée dans le cercle restreint de l’enseignement en architecture de par ses rencontres. Titulaire d’un doctorat en Ethnologie elle a participé et participe encore à de nombreux programmes de recherche au sein du laboratoire Craterre et de l’école nationale supérieure d’Architecture de Grenoble. Chercheuse mais aussi enseignante, elle dispense de nombreux cours dans les différentes années de formations à l’ENSAG, de la licence 2 au doctorat en passant par le master A&CC et le DSA terre. Pour ce qui est de ses activités liées à la recherche814 au sein du Laboratoire CRAterre et de l’unité de recherche AE&CC elle s’appuie sur sa formation (ethnologie, sociologie et sciences politiques) sur ses recherches antérieures et ses nombreuses expertises de terrain pour accompagner nombre de missions et de chercheurs (ou étudiants chercheurs) au sein du Craterre. Elle fournie un appui méthodologique et participe activement à l’élaboration de nombreux outils d’enquête et d’analyse. Son profil spécifique est mis à profit principalement dans le volet habitat du triptyque de recherche. Elle allie les dimensions humaines et sociales aux programmes de recherche du Craterre en leur conférant une large ouverture. Son engagement en faveur de la promotion d’un habitat éco-responsable15 et sa vision pluridisciplinaire m’ont apporté beaucoup de choses. Tant d’un point de vue méthodologique, théorique, que pratique. Lors de ma formation et de manière privilégié lors de ce stage, mes nombreux échanges ont nourri ma vision d’une architecture plus efficiente, écologique et humaniste.
Etienne Samin
Coordinateur des essais matériaux, Projet PNEEB-TYPHA Architecte DPLG promotion 2007 à l’Ecole Nationale Supérieure de Nancy (ENSAN), il a aussi validé un master en aménagement urbain à l’École nationale supérieure en génie des systèmes et de l’innovation (ENSGSI) à Nancy. Il a validé son diplôme suite à un travail de plusieurs mois sur un projet de centre culturel pour la ville de Budapest (TURZRAKTAR project). Fort de cette expérience il s’essaye à l’architecture en europe avant de partir pour le Cambodge ou il résidera plus d’un an en travaillant pour la Royal Angkor Fondation à la préservation de l’environnement, la restauration du patrimoine et au développement local. Ce n’est que part la suite, alors au Népal, qu’il découvre l’architecture de terre en participant avec un collectif de volontaires hongrois au programme CSOMA’s Room16, alliant la restauration d’un temple tibétain à un programme d’éducation et de développement soutenable. 14 Pour plus de détails : voir le CV en ligne http://www.grenoble.archi.fr/ecole/enseignants-et-chercheurs-cv.php?cv=bardagot-anne-monique 15 « socialement équitable, écologiquement soutenable et économiquement viable. » GAUZIN MULLER Dominique, Habiter écologique : quelles architectures pour une ville durable ? Paris, Actes Sud, 2009 16 http://csomasroom.kibu.hu/en/description [Consulté le 24,07,2016]
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Suite à cela, il intègre la formation post-master dispensé par le Cra-Terre à l’ENSAG, le Diplôme de spécialisation en Architecture de terre (DSA-Terre). Par la suite il travaillera pour le laboratoire et l’association 1901 du Craterre sur plusieurs missions avant de rejoindre l’équipe du programme PNEEB-Typha17 à laquelle il prend part activement aujourd’hui en tant qu’expert matériaux, sur le volet recherche et développement autour du Typha et des mélanges terretypha. Ma rencontre avec Etienne s’est faite lors de ma première année de formation au sein du master A&CC lors du festival Grains d’Isère en juin 2015 organisé par le Craterre. J’ai été étonné de voir à L’isle d’Abeau des personnalités Sénagalaise, rencontrée lors de mon année de césure18 suite à un voyage entre le Sénégal et le Maroc. Ce fût mon premier contact avec la mission PNEEB-Typha. Engagé dans le parcours mention recherche en 2015-2016, il me fallait effectuer au sein du Craterre l’équivalent de 8 semaines (280 heures) de stage. Ayant mis un terme à ma recherche entre Janvier et Février 2016, je me suis alors ,avec l’aval d’Anne-Monique Bardagot, rattaché au travail d’Etienne et de l’équipe PNEEB-Typha. C’est ainsi qu’a commencé ma collaboration au programme PNEEB-Typha et plus particulièrement mon travail avec Etienne. Cette contribution s’est vue s’intensifier suite à ma soutenance de diplôme en Juin 2016 et perdure jusqu’alors.
Une équipe de recherche
Projet PNEEB-Typha
C’est dans la deuxième partie de mon stage qu’il m’a été proposé de suivre le travail d’une équipe de recherche pluridisciplinaire composée de plusieurs membres du Cra-terre. La présente partie n’introduit pas encore les objectifs de leur mission mais permet d’embrasser la diversité des profils rencontrés et d’appréhender les multiples partenariats mis en place pour répondre aux objectifs fixés. Dans un premier temps seront présentés les acteurs rattachés au Cra-terre puis les différents partenaires français et européens. Dans un second temps, la mission PNEEB-Typha étant issue d’une stratégie de Co-développement entre la France et le Sénégal, seront présentés les acteurs sénégalais investit dans le programme. Au sein du Craterre19 :
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Thierry Joffroy : architecte, president du CRAterre, supervision du projet Lalaina Rakotomala : ingénieure, responsable de la coordination de projet Etienne Samin : architecte, responsable de la R&D Arnaud Misse : architecte independant specialisé sur la construction en terre crue (Nama architecture), concepteur de l’Eco-Pavillon PNEEB-TYPHA (et 3D des systemes constructifs), travail preliminaire d’identification et d’analyse du contexte, Hugo Gasnier : architecte specialisé sur la construction en terre crue, travail preliminaire d’identification et d’analyse du contexte, Franz Volhard : architecte specialisé sur la construction en terre crue, specialiste de la terre allégée (Schauer-Volhard) Adam Bihari : etudiant en architecture, stagiaire Noël Geay : etudiant en construction écologique, université de Strasbourg, stagiaire
La diversité des profils permet au laboratoire de recherche de répondre de manière globale aux missions qui lui sont confiées. Cette pluri-expertise lui permet de d’apporter des réponses multiples. Dans le cas du programme PNEEB-TYPHA il lui a été possible de mener à bien ; l’identification et de l’analyse du contexte, la conception d’un pavillon tout en passant par une phase de recherche et développement (R&D) sur les matériaux. 17 PNEEB Terre-typha, typha seront des termes explicités plus en détails par la suite. 18 BOY Yoann, TERRAFRICA 2014, Chroniques d’un aller-retour en Afrique subsaharienne, sur les traces des architectures de terre, rencontre avec avec l’inattendu, Grenoble, ENSAG, 2014, 19 CRAterre, SAMIN Etienne, Rapport technique de capitalisation des résultats de la R&D à mi-parcours, Grenoble, CRAterre, décembre 2015
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Engagé à promouvoir sa philosophie, sa méthodologie et ses actions, le Craterre n’hésite pas à solliciter et à faire participer des étudiants en formation professionnelle ou issus des formations dispensées à l’ENSAG. C’est par ce biais que j’ai pu intégrer l’équipe PNEEBTypha. La nature du travail étant amenée à évoluer au fil des mois, si certains acteurs sont sollicités tout au long du projet, certains ne le sont qu’à certaines phases d’avancement. Cette organisation du travail permet une grande malléabilité de l’équipe et une certaine efficacité dans le travail. Elle impose toutefois de faire de nombreuses réunions afin de coordonner les actions des différentes personnes investies dans le programme de recherche.
Avec des partenaires privilégiés,
Toutefois le Craterre ne mobilise pas uniquement ses propres ressources, si la structure fait aussi appel à ses étudiants (DSA-Terre) elle est aussi en contact avec d’autres structures et organisations rattachées de manière plus ou moins forte. C’est le cas par exemple de l’atelier AMACO20, investit dans la recherche pédagogique appliquée aux matériaux. De même, il a été possible de collaborer avec l’atelier design de l’ENSAG ainsi qu’avec le master A&CC. Investit dans une recherche à large échelle, le craterre n’hésite pas à multiplier ses collaborations en dehors de ses partenaires habituels. C’est ainsi qu’un projet de thèse entre l’université de Reims (France) et l’université de Thiès (Sénégal) mené par Ibrahim Niang vient compléter l’approche et les moyens techniques du Craterre tout en s’inscrivant dans les objectifs et la démarche mis en place par le programme PNEEB-Typha. Ce premier pont entre France et Sénégal permet alors de présenter les acteurs investit à l’étranger dans le programme et illustre le la facette internationale du Craterre et ses volontés de co-développement.
Avec des partenaires Sénégalais
Au Sénégal, plusieurs partenaires sont impliqués dans le programme de recherche. Initiateurs, bénéficiaires ou collaborateurs ils peuvent être rassemblés en deux grandes catégories à savoir les partenaires institutionnels et les professionnels du bâtiment. L’équipe PNEEB-Typha Sénégal assure la gestion du programme et un petit volet d’expertise. Elle est sous la tutelle du ministère de l’environnement et du développement durable sénégalais. Le CEDT-G15 et le CSFB-BTP de Diamniadio, deux structures vouées à la formation professionnelle font partie intégrante du programme. En effet, leur participation permet au programme d’être appréhender dès ces prémisses par les futurs professionnels du bâtiment. Leur investissement est essentiel afin de répondre aux objectifs du programme. Des partenaires professionnels participent aussi activement aux recherches. Convaincus du bien-fondé des objectifs du programme et séduits par les possibles retombées et résultats de la démarche Elementerre et la Coopérative Ouvrière du Bâtiment participent aux différentes phases du programme. Ces deux entités prennent part essentiellement aux volets d’expérimentation sur place et assure un soutien logistique et matériel non négligeable. Ces multiples partenaires locaux assurent au programme sont ancrage dans le contexte national sénégalais. En plus de lui conférer une visibilité et un crédit, ces participations mettent en lumière la volonté du programme PNEEB-Typha d’assurer une co-production des savoirs, à la fois entre des institutions et professionnels sénégalais et des partenaires internationaux. C’est en vue de répondre à cet objectif que participe le Craterre, selectionné pour son expertise en construction terre mais aussi pour sa démarche globale de recherche.
20 Cette structure, est subventionnée par un projet IDEFI (Initiatives d’Excellence en Formations Innovantes) pour une durée de 7 ans. Elle a pour but la compréhension de la matrière à travers la collaboration de nombreux professionnels issus d’univers différents (terrain, recherche, ingénieurie, architecture etc...). Elle est née en 2012 de la collaboration de plusieurs partenaires et acteurs régionaux, Ecoles d’architecture, laboratoire de recherche, école d’ingénieurs, collectivités locales. Investit dans la recherche action et l’expérimentation, c’est natuellement qu’elle s’est installée aux abords des Grands Ateliers de l’Isle d’Abeau.http://www.amaco.org/,
13
retour sur les annĂŠes passĂŠes
distanciations &
PARTIE II
Prolongements
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Mon travail au sein de la structure s’est vu influencé par une suite d’événements et d’expériences. D’abord inscrit dans le parcours mention recherche, le prochain point fera état des éléments qui m’ont amenés à suivre cette option, de mon intérêt pour la recherche et des questionnements que j’ai nourris afin d’obtenir le diplôme d’État d’Architecte. Dans un second temps, seront abordés mes derniers mois au sein du Laboratoire, en effet, après avoir quitté le parcours recherche, il m’a été proposé de rejoindre une mission transversale du Craterre, le programme PNEEB-TYPHA. Un retour chronologique sur mon parcours personnel (professionnel et formation) permettra de mieux comprendre comment et pourquoi j’ai intégré cette mission. Enfin, un point permettra de mettre en lumière les difficultés que j’ai rencontrées dans le parcours recherche et s’attachera à illustrer comment j’ai pu finir ce stage tout en restant inscrit dans les dynamiques de la recherche.
Du mémoire de master 1 à la mention recherche
Le mémoire, une expérience fondatrice Comme déjà énoncé plus tôt, le point de départ de ce dernier stage se situe en amont de ma dernière année de formation. Depuis la fin de ma licence et le premier exercice d’introduction à la recherche21, j’ai développé un raisonnement et des questionnements autour des thèmes du développement durable, de l’éco-construction/conception, du rapport de l’homme à la nature au travers de l’architecture et de la place de la culture dans les processus de conception. Un premier écrit22, analyse du travail de l’architecte australien Glenn Murcutt, a été publié l’année suivante avec 19 autres articles d’étudiants23 sous forme d’abécédaire de l’architecture. Un an et demi plus tard, une option recherche au premier semestre de master 1 (S7) m’a donné l’occasion de revenir sur ce travail et de le prolonger. J’ai alors étoffé le corpus théorique et croisé l’analyse du travail de Murcutt avec un regard porté sur les réalisations de l’architecte français Philippe Madec24. C’est sur la base de ce deuxième écrit que j’ai composé mon mémoire. Ma rencontre et les discussions avec Hubert Guillaud m’ont ouvert à un corpus théorique nouveau. De nombreuses lectures m’ont permis d’affûter mon argumentaire et de construire un cadrage théorique, constitué de bases solides. En parallèle, l’accompagnement d’Anne-Monique Bardagot m’a obligé à mettre en place un corpus plus large de réalisations architecturales. Ayant tiré certaines conclusions du regard porté sur les travaux de Murcutt et Madec, j’ai choisi, au regard de celles-ci de constituer un corpus d’architectures. Situées et reconnues pour leur démarches, inscrites dans une dynamique de développement durable, je les ai mis en perspectives à travers mon cadrage théorique. Cette expérience m’a permis d’enrichir mes connaissances, d’ouvrir ma réflexion à de nouveaux modes de pensée et de nouvelles idées. L’apport méthodologique et théorique de l’exercice m’a contraint à enrichir et préciser mon argumentaire. Ayant approfondi ma réflexion personnelle sur le rôle de l’architecte et le sens de l’architecture, j’ai pu grâce à cet exercice préciser mon positionnement. Fort du raisonnement mené et des conclusions tirées, cet écrit à fortement influencé ma manière de travailler et plus particulièrement de faire du projet. 21 L6V2 «Approches théoriques de l’architecture » coordonné par Juliette Pommier, à l’École nationale supérieure d’architecture de Grenoble, durant l’année 2012-2013 22 BOY Yoann, Glenn Murcutt, L’éco-concéption est aussi affaire d’humanisme, Grenoble, ENSAG, 2013 23 Coord. POMMIER Juliette, Penser l’architecture et la ville, un abécédaire, Grenoble, ENSAG, 2013 24 BOY Yoann, Philippe Madec, L’éco-concéption est aussi affaire d’humanisme, Grenoble, ENSAG, 2014
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Vers la mention recherche
Approfondissement d’une démarche Suite au résultat obtenu pour l’exercice du mémoire, mes enseignants m’ont encouragés à poursuivre mon travail l’année suivante. Enthousiaste à l’idée de prolonger ma réflexion et d’approfondir mes questionnements, j’ai décidé de suivre le parcours mention recherche. Dans sa forme, ce travail de recherche devait se rattacher de près ou de loin aux éléments développés dans le cadre du Projet de Fin d’Étude. Ayant choisi pour site de projet la commune drômoise de Lus-la-Croix-Haute, nous avons, en collaboration avec deux autres étudiants25 du master A&CC, développé une stratégie de projet pour le Chef-Lieu de cette bourgade de 500 habitants. Axé sur un programme transversal, Activité – Logement – Cadre de vie, notre PFE a questionné le renouveau du centre-bourg à travers une série d’opérations architecturales et urbaines26. Mon travail de mention s’est d’abord placé dans le prolongement de mes recherches précédentes avec pour thème central la bienveillance27. Alors que, petit à petit, notre stratégie de projet se définissait, il m’a été possible de cadré de mieux en mieux le sujet de la mention recherche. La phase d’analyse, préalable aux projets développé dans le PFE, m’a permis de mettre en lumière un phénomène qui s’observe à Lus-la-Croix-Haute mais aussi dans de nombreux centres-bourg ruraux en France. De cette manière, j’ai pu rattacher, à la problématique ouverte en studio de projet, un questionnement plus général sur les potentiels des nouvelles ruralités28. Après un état de l’art sur le réaménagement des centres-bourg et des processus de projet dans le réaménagement urbain des petites communes françaises, j’ai commencé à déterminer un corpus de projet et une méthodologie d’analyse. Toutefois, la mise en perspective avec mes travaux précédents n’a pas été si évidente. Entre le travail de projet et la mention, il m’a été difficile de faire la part des choses. Le travail de projet nécessitant un investissement conséquent, j’ai eu du mal à poursuivre mes travaux de recherche. Cependant, des outils méthodologique, à la croisée des deux sujets, m’ont permis de développé, au sein de mon groupe de travail, des outils d’enquêtes intéressant. Malheureusement, faute de temps, d’organisation et soumis à un planning de travail rythmé tout au long de l’année, je n’ai pu poursuivre cette mention plus loin. Bien que motivé par l’idée de poursuivre les réflexions entamées les années précédentes, la charge de travail imposée par le PFE, les difficultés rencontrées au sein de mon groupe et notre volonté commune d’aboutir à des projets, aussi bien architecturaux qu’urbains, de qualités, ont fait que, petit à petit, je me suis écarté de mon travail de recherche. Enfin, après un début de second semestre difficile, j’ai fait le choix de mettre fin au parcours recherche pour me consacrer pleinement, avec mon trinôme, à la concrétisation de notre projet de Fin d’Études. Cependant, afin qu’une partie du travail soit valorisée, j’ai, lors de la rédaction du document final, réussi à faire quelques ouvertures sur des thèmes rencontrés lors des différentes lectures. Plusieurs points de la réflexion menée conjointement ont été nourri de mes recherches. J’ai alors pris conscience du fort intérêt d’un apport théorique au processus de projet. Ces connaissances et les sensibilités développées à leurs égards ont permis de porter plus loin nos projets à toutes leurs échelles, territoriales, urbaines, architecturales, sociales, écologiques, économique et surtout culturelle. Si mon travail en parcours recherche a permis de donner une dimension théorique et prospective à notre PFE, d’un autre côté, les outils développés, un jeu et une enquête auprès des habitants, ne sont toutefois pas perdus. À charge pour moi de les réutiliser, en les faisant évoluer, lors d’une expérience future. 25 COUILLEROT Adélaïde et BRAVO DEL RIO Cuauhtlehuanitl Hunahpu 26 BOY Yoann, BRAVO DEL RIO Cuauhtlehuanitl Hunahpu, COUILLEROT Adélaïde, Stimulus, Bien vivre, travailler et habiter dans le centre bourg,Impulsion d’une nouvelle dynamique, Grenoble, PFE A&CC, ENSAG, 2016 27 BIENVEILLANCE, subst. fém.A.− MOR. [La bienveillance comme vertu ou comme comportement général] : 1. Disposition généreuse à l’égard de l’humanité. Bienveillance universelle. 2. Qualité d’une volonté qui vise le bien et le bonheur d’autrui. Bienveillance mutuelle [...]. source : cnrtl/lexicographie/bienveillance 28 BOY Yoann, «Demain, vers une nouvelle ruralité» dans BOY Yoann, BRAVO DEL RIO Cuauhtlehuanitl Hunahpu, COUILLEROT Adélaïde, Stimulus, Bien vivre, travailler et habiter dans le centre bourg,Impulsion d’une nouvelle dynamique, Grenoble, PFE A&CC, ENSAG, 2016 d’après un concept développé par RIEUTORT Laurent, « Du rural aux nouvelles ruralités »,Revue internationale d’éducation de Sèvres, n°59, 2012, pp. 43-52.
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Une fois la décision prise de ne plus apporter de mention au PFE, j’ai eu la chance d’être rattrapé par mes rencontres. En préparation depuis plusieurs années à l’après diplôme, plusieurs portes se sont ouvertes, l’une d’entre elle, à laquelle je ne pensais pas m’a replongée dans mes expériences passées, c’est ce point qui sera abordé ensuite.
De l’année de césure au projet PNEEB Terre-Typha
Chroniques d’un aller-retour en Afrique Subsaharienne, suites J’ai eu la chance en 2013-2014, de pouvoir faire une année de césure pendant mes études à l’ENSAG. Il me semble important de revenir sur cette expérience, elle s’avère être à l’origine de nombreuses autres vécues jusqu’alors. La licence en poche, il m’a fallu faire une pause, faire sortir l’architecture des murs de l’école, sortir de France, sortir d’Europe. Un grand besoin de choc culturel s’est fait sentir après trois années à l’ENSAG et à Grenoble. J’ai, grâce à l’aide de Marianne Veillerot réussi à obtenir un statut étudiant en année de césure qui m’a permis, tout en étant inscrit à l’école et suivi pédagogiquement, de faire quelques expériences sur le terrain. Après plusieurs mois passé sur des chantiers en entreprises de maçonnerie traditionnelle, patrimoine et matériaux naturels29, j’ai pris la route pour le Sénégal. L’intérêt de cette partie ne réside pas dans le fait de raconter une histoire déjà couchée sur le papier30, mais plutôt de revenir sur mes objectifs, plusieurs de mes rencontres et découvertes. Parti sur les traces des architectures de terre en Afrique Subsaharienne, je me suis rendu au Sénégal. J’ai d’abord été déçu de voir que grand nombre avaient disparues ou bien qu’elles n’avaient existé que dans mon imaginaire. Ce n’est pas pour autant que j’ai baissé les bras, après quelques visites de sites et plusieurs prises de contacts, il m’a été possible de rencontrer des acteurs de la construction contemporaine sénégalaise. Promoteurs, constructeurs, architectes, centre de formation, j’ai, autour de Dakar pris contact avec une dizaine de professionnels. J’ai vu des lignes de productions de BTC31, des villas toutes en terre, des tas de latérite, des tas de briques mais aussi des salles d’enseignement et quelques logos du PNUD32... Ce n’est que plus tard durant mon séjour que je me suis rendu en Casamance au sud du Sénégal. J’y ai vu des constructions traditionnelles, nouvelles, contemporaines, en briques en bauge, bref en terre. Après trois mois de visites et de rencontres il m’a fallu repartir, j’ai de nouveau traversé le Sahara et ai poursuivi mes prospections sur le sol marocain, de la vallée du Drâa aux cités impériales en passant par l’Atlas33. Revenu en France après plusieurs mois de voyage, engagé à faire un retour sur mes expériences vécues en Afrique, je me suis attaché à retranscrire au mieux mes aventures dans un rapport intitulé, Terrafrica, chroniques d’un aller-retour en Afrique Subsaharienne, sur les traces des architectures de terre, à la rencontre de l’inattendu. Plusieurs semaines après, j’ai eu la chance d’avoir un certain nombre de retours positifs, tant de mes proches, de mes camarades de promotion que d’enseignants. C’est alors que j’ai compris que j’avais réussi mon pari. Mon voyage n’a pas été vain, il s’est placé dans une suite logique d’éléments mettant en lumière certaines de mes affinités et de mes volontés qui, petit à petit, me font construire mon projet professionnel d’une part et ma culture architecturale d’autre part. 29 SARL Chaux Dedans Chaux Dehors, membre du réseau «Artisans du Patrimoine» CAPEB 53, http://www.chauxdedans-chauxdehors.fr/ 30 BOY Yoann, Terrafrica 2014, Chroniques d’un aller-retour en Afrique Subsaharienne, sur les traces des architectures de terre, à la rencontre de l’inattendu, Grenoble, ENSAG, 2014 31 Ibid. «Briques de terre compressées» pp.36-42 32 Ibid. 33 Ibid. «Partie 2 : Maroc» pp.94-114
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Vers la mention recherche
Approfondissement d’une démarche Mon profil a su séduire, j’ai pu intégrer la thématique de master A&CC. Comme expliqué ci-avant34, j’ai eu l’occasion de participer à plusieurs ateliers thématiques sur les matériaux. Le dernier, celui sur la terre, se déroule lors du festival Grains d’Isère, organisé par le Craterre. Cette 14ème édition s’est déroulée aux Grands Ateliers de L’Isle d’Abeau. DSA, étudiants du master mais aussi des étudiants étrangers, se sont retrouvés auprès de dizaines de professionnels du monde entier, acteurs de la valorisation du matériau terre. Rencontres, débats, conférences, tables rondes mais surtout des ateliers nous ont permis, durant deux semaines, de comprendre la matière terre, de découvrir le travail du Craterre et de nombre de ses partenaires. Notre groupe a mis en place un pavillon de démonstration des différentes techniques de constructions en terre crue, adobes, BTC, torchis, terre allégée, pisé, pisé pré-fabriqué, bauge, terre coulée, enduits et c... Nous avons pu aussi participer aux différents ateliers installés durant ces deux semaines35. L’un d’entre eux à particulièrement suscité mon intérêt, l’atelier Typha, Terre – fibres36. Animé conjointement par Lalaina Rakotomalala (coordinatrice du projet terre-typha) Arnaud Misse (architecte), Etienne Samin (responsable R&D projet terre-typha) et Frantz Volhardt (architecte, expert en terre allégée). Ils ont été aidés par 6 étudiants du DSA ainsi que 4 personnalités sénégalaises, porteuse du projet PNEEB-Typha. J’ai été étonné de retrouvé lors de cet atelier Serigne Ahmet Diop Responsable pédagogique CSFBTP de Diamniadio, rencontré un an plus tôt au Sénégal. Après de nombreux échanges avec toutes ces personnes, j’ai pris conscience que je me retrouvais sur les traces de mon voyages, entre France et Sénégal. J’avais en effet entendu parler lors de mes rencontres là-bas de la mise en place d’un programme de recherche autour du typha placé sous l’égide du PNUD. Quelle coïncidence de retrouvé à 5 000 km ces travaux et les personnes qui y sont rattachées. C’est lors de cette édition de grains d’Isère, que j’ai fait la rencontre d’Etienne. Il m’a présenté l’ensemble du programme, les éléments d’avancement de la recherche ainsi que les différents dispositifs à l’étude lors du festival, test échelle 1:1, métier à tisser le typha, ligne de presse manuelle pour briques et c... Les rencontres et les échanges ont étés riches en enseignements et en émotions. Je suis reparti de l’Isle d’Abeau heureux d’avoir pu retrouver un peu de Sénégal en Isère, d’avoir retrouvé les terres d’Afrique aux côté des terres d’ici, bref d’avoir renoué avec mon voyage à travers mon parcours de formation. Si le voyage s’est placé en prolongement de mes études, il est clair que mes études se sont aussi, par la suite, placé dans le prolongement de mon voyage.
Investissement progressif
Dans un projet de recherche structuré Comme cité ci-avant, il a été, à un moment dans l’année, difficile de poursuivre la mention. Toutefois, conscient de mon investissement (contrat de stage) dans la structure d’accueil, intéressé par la recherche et désireux d’en apprendre toujours plus, j’ai proposé mes services à l’équipe du Craterre. C’est avec plaisir qu’Étienne m’a convié à rejoindre ses travaux de recherche et développement sur les matériaux. D’abord au laboratoire d’analyse des matériaux puis dans les garages de l’école puis dans les bureaux du Craterre, j’ai pu, petit à petit me joindre au travail de l’équipe PNEEB-Typha. Même si l’arrêt de la mention a été un coup dur, le fait d’intégrer la mission m’a permis de cultiver mon attrait pour la recherche. S’il ne m’a pas été possible de mener à bien mon propre travail, c’est avec plaisir que j’ai complété celui des différents chercheurs et architectes investi dans le programme PNEEB-Typha. 34 Voir «Partie II, Du mémoire à la mention recherche» p. 15 35 CRATERRE, «Enjeux Terre, 14ème édition du festival Grains d’Isère, Autour des architectures de terre» Grands Ateliers de L’Isle d’Abeau, Juin 2015 36 CRATERRE, Rakotomalala Lalaina, Bilan Atelier Typha, Terre-Fibres, Grands Ateliers de L’Isle d’Abeau, Juin 2015
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Figure 3. Pavillon terre démonstration des différentes techniques de construction en terre crue Etudiants du master A&CC,Juin 2015 Photo : GASNIER Hugo
Figure 4. Presse Manuelle Pour la production d’éléments de construction en terre-Typha Craterre et l’Atelier Paysan Photo : SAMIN Etienne
Figure 5. Animation de l’atelier typha, terre - Fibres Craterre, Prototype PNEEB-Typha, volet expérimentation Photo : CRAterre
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projet typha
programme
PARTIE III
PNEEB-Typha
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J’ai pu alors prendre conscience de ce qu’est un programme de recherche et comment il se structure. J’ai appréhendé le fonctionnement du laboratoire et certaines des valeurs défendues par ses actions. J’ai surtout participer à une chose qui me tenait à cœur de découvrir depuis plusieurs années : un programme de co-développement international. J’y ai porté d’autant plus d’intérêt qu’il se situait à la croisée de la France et du Sénégal. Ces différents points seront détaillés par la suite. La partie ci-avant me permet de contextualiser mes actions et mon travail en amont de mon stage puis au sein du laboratoire. Elle illustre les nombreuses opportunités qui se sont tissées pour moi en fin de formation et l’ouverture progressive de mon parcours au monde de la recherche. Mon intérêt pour la discipline, ma curiosité pour la construction terre et mes nombreuses rencontres m’ont permis de vivre une expérience à la fois formatrice et inattendue. La deuxième partie de ce rapport relate le second temps de mon travail au Craterre au sein de l’équipe PNEEB-Typha. La mission sera présentée et expliquée. Ensuite sera présentée une partie de mon travail en collaboration avec Etienne Samin entre le laboratoire d’analyse des matériaux du Craterre et les garages de l’ENSAG. Enfin seront abordées les suites que m’offre cette expérience, entre le laboratoire Craterre et le Sénégal.
Projet PNEEB – Typha, Laboratoire Craterre
Contextualisation du projet
Sur le continent africain, le secteur des bâtiments (résidentiel et tertiaire) représente 80% des consommations énergétiques (hors bois de feu et biomasse) et des émissions de gaz à effet de serre (G.E.S). Aujourd’hui si l’Afrique entière ne contribue qu’à hauteur de 4% des émissions de G.E.S mondiales, cette contribution pourrait fortement augmenter à l’avenir. Les causes de cette augmentation sont la croissance démographique, l’urbanisation massive et l’exode rural conduisant davantage d’habitants à accéder à des énergies commerciales ainsi qu’à l’augmentation du P.I.B. par habitant. Il est donc essentiel de maîtriser à la fois la hausse des émissions de G.E.S. et la facture énergétique des ménages, des entreprises et du pays par une meilleure maîtrise de la consommation énergétique d’origine fossile.37 Engagé comme de nombreux autres pays du monde à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES), le Sénégal cherche des solutions afin de palier à ce problème. S’ajoute à cela une problématique locale, le roseau Typha. Cette plante, actuellement envahissante notamment dans les fleuves et lacs du nord du pays, est considérée comme nuisible. Toutefois, dans certains pays, des plantes similaires sont transformées et mises en œuvre de manière écologique. Si traditionnellement, sont déjà fabriqués de nombreux produits dérivés, que le typha est utilisé comme matériau dans l’habitat vernaculaire, plusieurs recherches ouvrent des voies vers d’autres modes d’utilisation (construction, combustible, artisanat...). Plutôt que l’éradication, il semblerait que l’exploitation durable de cette ressource soit une piste pour contribuer à un développement local durable au Sénégal.
Présentation du programme
Et de ses objectifs
Face à ce premier constat a été créé le Programme national de réduction des émissions GES à travers l’Efficacité Énergétique dans le secteur du Bâtiment (PNEEB). Soucieux de mettre en valeur les ressources locales tout en instaurant un développement durable, le PNEEB cherche des solutions à la fois écologiques, économiques et sociales. Cherchant à lier la problématique du typha et de son exploitation à ses recherche, le PNEEB s’est intéressé à savoir comment il était possible de valoriser cette plante dans la construction afin de répondre aux objectifs de diminution des émissions de GES et de la raréfaction des ressources fossiles d’une part et de la facture énergétique des ménages et entreprises d’autre part. 37 CRATERRE, PNEEB, Guide de sensibilisation a l’architecture bioclimatique et à l’efficacité énergétique des bâtiments au Sénégal, Ministère de l’écologie et du développement durable, Dakar, 2016 p.3
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C’est dans ce cadre qu’a été lancé le Projet PNEEB / TYPHA «Transfert de technologie : Projet de production de matériaux d’isolation thermique a base de Typha». Pour la mise en œuvre de son volet matériau, ce Projet a engagé CRAterre afin de fournir des services qui concernent la production et l’utilisation au Sénégal de matériaux à base de Typha et de terre. Ainsi Craterre participe à la valorisation des ressources naturelles locales, tout en répondant à des problématiques environnementales, économiques et sociales. Ce programme s’inscrit dans le triptyque de recherche du Craterre à savoir : • • •
«Habitat» : À travers l’efficacité énergétique et l’amélioration du confort dans l’habitat «Matériaux» : À travers un programme d’identification, d’analyse, de développement et de caractérisation de matériaux à base de terre-typha, de terre et de typha. «Patrimoine» : À travers un état de l’art et une analyse du contexte bâti et de l’utilisation du typha dans ce dernier mais aussi en cherchant des solutions adaptables au contexte bâti existant. Un recherche qui s’inscrit donc dans une évolution du processus de production du cadre bâti, sans être en rupture avec celui-ci.
Afin de mieux comprendre les interactions entre le Craterre et ses partenaires séngalais et de présenter la méthodologie de recherche mise en place dans ce programme, il m’a semblé important de revenir sur le terme de « transfert de technologie ». À ces fins, un paragraphe d’introduction d’un des documents publié par le Craterre38 semble résumé au mieux l’attitude adoptée par les chercheurs du laboratoire. L’expérience de terrain de CRAterre, qui atteindra bientôt 40 années, l’a amené à affiner son approche sur le terrain en matière de propositions d’innovations répondant à des besoins exprimés. Un simple « Transfert de technologie » (comme cela a longtemps été proposé dans le cadre des projets adoptant le concept de « technologies appropriées ») est donc mal adapté. En effet, celui-ci ne permet pas de valoriser les connaissances, savoirs et savoirs faire locaux. Cela laisse peu de chances de succès à long terme, en raison de la faible appropriation du projet par les acteurs locaux. C’est ainsi que, forte de cette connaissance des mécanismes liés aux projets de développement, l’équipe de CRAterre s’est attachée depuis le début de ce projet à la meilleure prise en compte des caractéristiques du secteur du bâtiment au Sénégal, ainsi que des demandes formulées par les professionnels sénégalais. Ceci s’est concrétisé par une attitude liant l’écoute, l’observation et la participation à la décision. Ainsi, les propositions techniques résultant des expérimentations ont été présentées, discutées et sélectionnées en diverses occasions avec les partenaires locaux du projet et ont été considérées comme des réponses adaptées aux critères techniques, à la demande du marché, mais aussi aux contingences des PME sénégalaises.39 Cette approche transversale des problématiques invoquées par le programme et la méthodologie de recherche mise en place par le laboratoire et l’équipe de recherche, permet à Craterre de donner les clefs à ses partenaires pour s’engager dans une dynamique nouvelle. La capitalisation des savoirs (théoriques et pratiques) s’inscrit dans un processus long, itératif et basé sur l’échange. Appréhendée par les acteurs locaux, elle leur permet une réelle autonomie d’action en apportant une réponse globale et durable à des problématiques spécifiques.
Planning et organisation
de la recherche
Afin de répondre à la demande du PNEEB, le Craterre a organisé sa réponse en 4 volets.40 • •
• •
Volet 1 : Identification qui comprend un état de l’art global, une analyse du contexte sénégalais ; Volet 2 : Expérimentation qui comprend la recherche développement, les tests de construction et de formation a l’échelle 1 en France, la restitution des premiers résultats et la formation des producteurs de matériaux au Sénégal ; Volet 3 : Démonstration pour la conception, la construction, et l’animation de deux séminaires pour la large diffusion des matériaux produits ; Volet 4 : Application.
38 CRAterre, SAMIN Etienne, Rapport technique de capitalisation des résultats de la R&D à mi-parcours, Grenoble, CRAterre, décembre 2015 39 Ibid. p.10 40 Ibid. p.11
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Ayant été lancé en 2014, j’ai rejoint le programme en fin de volet 2. Toutefois il est bon de noté que le travail du Craterre n’est pas linéaire, sans cesse, des allers-retours sont fait entre recherche fondamentale en laboratoire et recherche sur le terrain, en France et au Sénégal. Alors que le volet 2 touchait à sa fin, tandis que le volet 3 avait été en partie mené (lors du festival Grains d’Isère 2015), les bases du volet 4 étaient posées (conception d’un éco-pavillon). Afin de mettre en place un processus de coproduction des savoirs, des rapports faisant état de l’avancement des recherches sont publiés périodiquement. Aussi, les chercheurs du Craterre se sont rendus plusieurs fois au Sénégal afin de partager leurs résultats, mener des ateliers, des séminaires, chercher des solutions avec les acteurs locaux afin qu’elles s’adaptent le plus justement possible au contexte local et à ses ressources (humain, environnemental, technique, économique, etc...). Le planning de Gantt ci-joint permet de lister les différentes phases du projet tout en illustrant leurs enchaînements. Il restitue aussi les actions menées en France et celles au Sénégal.
Figure 6. Planning Initial du déroulement du Projet Craterre, Projet PNEEB-Typha, Rapport technique, décembre 2015
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Terre/Typha, Réalisation d’échantillons tests
R&D, de la matière au matériau
Une grosse partie du travail du Craterre dans ce programme de recherche concerne le volet matériau. La question posée est de savoir, comment avec de la terre et du typha ou seulement l’un des deux (ressources), il est possible d’obtenir le matériau (ressource transformée) et l’exploiter en des éléments employables dans la construction. ? La première partie du travail a été de faire un état de l’art sur le Typha, l’utilisation des roseaux dans la construction de part le monde et sur les pratiques constructives au Sénégal. Elle consiste à mettre en lumière et à rassembler l’ensemble des connaissances disponibles à ce jour sur le sujet. Elle a donné lieu à deux publications41 réalisées conjointement par le Craterre et ses partenaires (Amaco). N’y ayant pas participé, je ne développerais pas cette partie. Toutefois elle s’avère essentielle pour poser les bases du travail. Pour la phase R&D il a fallu d’abord comprendre et connaître la plante, ses propriétés, ses différents comportements (biologiques, mécaniques, etc. ). En quelque sorte, il a fallu faire la propédeutique du typha afin d’esquisser des hypothèses de recherche. Pour ces dernières, la méthode de coproduction des savoirs est essentielle, elle permet de faire naître des intuitions en s’appuyant sur des modes de compréhension différents. C’est lors de ces phases qu’avance la connaissance de la matière et des matériaux42. Elle constitue en quelque sorte un « état des lieux évolutif » de la connaissance. Petit à petit, l’ensemble des connaissances et des méthodes d’approche pour y parvenir ont été regroupées et reproduites à plusieurs reprises. Il a alors été possible de tester différents scénarii de ligne de production. Il a alors été possible d’imaginer ce que pourrait être les lignes de production de matériaux terre, typha et terre-typha au Sénégal. L’articulation de ces deux composantes constitue le cœur de la démarche de RechercheDéveloppement, en ce sens qu’elle a induit un double processus : • Un déroulement progressif d’apprentissage allant de la « matière première » à l’« architecture », • Un mouvement itératif liant la théorie à la pratique.43 La terre
Travail de laboratoire Analyses
Lorsque j’ai rejoint la mission, Etienne était en train de réaliser une série de tests en laboratoire. Alors que plusieurs pistes avaient été étudiées, il fallait maintenant les confirmer et multiplier les essais afin de trouver la « meilleure recette ». Des matériaux (différentes terres et du typha) ont étés livrés à l’ENSAG. Il a alors été possible de mener les tests classiques de laboratoire sur les terres (3 différentes) afin de connaître les caractéristiques. Si les tests d’analyse granulométrique, de liquidité, de limites de plasticité, de retrait, d’absorption avaient étés effectués il restait un protocole à mener. J’ai participé à définir le degré de cohésion des terres étudiées, aussi appelé «test du 8 ». Protocole. (simplifié, les valeurs ne sont pas indiquées) 1. Après tamisage, obtenir la bonne granulométrie et y ajouter de l’eau jusqu’à état plastique et teneur en eau définie par le protocole. Si nécessaire l’échantillon passe à l’étuve afin de régler le taux d’humidité. 2. Une fois le mélange optimal obtenu, remplir le moule (8) en compressant la terre, démouler. On obtient alors un 8 plein en terre. 3. Le 8 est suspendu et on y accroche un récipient (pesé) un système de réservoir permet de verser progressivement dans celui-ci du sable, qui sert alors de lest. On procède ainsi jusqu’à rupture. Le récipient est alors pesé avec le sable, le résultat est reporté sur un abaque (graphique) qui permet d’obtenir le degré cohésion.
41 PNEEB-Typha, Recueil bibliographique des ouvrages et travaux sur le typha, PNEEB-Typha, Dakar, Juin 2014 PNEEB-Typha, Capitalisation des résultats de recherches et expériences sur le typha, PNEEB-Typha, Dakar, Juin 2014 42 Se repporter Partie 1, au chapitre I, point D, partie II méthodes de la démarche de recherche et développement. CRAterre, SAMIN Etienne, Rapport technique de capitalisation des résultats de la R&D à mi-parcours, Grenoble, CRAterre, décembre 2015 p.20 43 Ibid. p. 21
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Figure 7. De la ressource à l’élément de construction De la plante à la brique Typha - Botte - Broyat - Brique terre-typha Montage : Yoann BOY
Figure 8. Typha angustifolia & Typha latifolia Prof. Dr. Otto Wilhelm Thomé Flora von Deutschland, Österreich und der Schweiz 1885, Gera, Germany (www.biolib.de)
Figure 9. Test de cohésion/«test du 8» Illustration du protocole Moule du 8 - Terre - Test du 8 - Résultat Montage : Yoann BOY Photos : Etienne SAMIN
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Le protocole décrit permet d’appréhender la démarche scientifique mise en place pour caractériser les terres. Si plusieurs tests d’identification sont possibles sur le terrain, pour entrer dans le détail il est nécessaire de passer par l’étude en laboratoire. L’ouvrage pionnier du Craterre « construire en terre »44 publié pour la première fois en 1979, présente ces tests. Le typha La plante étant composée de différents éléments, plusieurs échantillons ont été réalisés avec la tige, les feuilles, les fleurs, seuls ou mélangés. Plusieurs méthodes de broyage ont été étudiées afin de comparer les broyas obtenus. Le typha se présentant sous forme de botte, sur un échantillon donné, ont été établi les propriétés de la botte (rapport poids/volume/rendement de broya). Par la même occasion, il a fallu étudier les machines disponibles et leurs possibilités. Les broyages réalisés dans les garages de l’école ont permis de mettre en lumière les atouts et les inconvénients de la technique. Après plusieurs essais il a été possible de caractériser les broyats de typha et de mettre en place une ligne de production, du moins d’en déterminer les principaux dispositifs (stockage, manœuvre, broyage, tamisage etc.) Pour le typha, en plus d’avoir caractérisé la matière, il a fallu poursuivre les recherches afin de savoir comment il était possible de l’allier avec la terre. Matériaux terre-typha Pendant une année, la terre et le typha ont été mélangés, pressés, compressés. De nombreuses recettes ont été testées et ont permis d’obtenir plusieurs éléments de construction, leur utilisation a été vérifiée lors de l’atelier Grain d’Isère 2015 sur une construction échelle 1:1. La phase de R&D a permis d’obtenir des briques mais aussi des panneaux, des entrevous et d’autres éléments de construction en typha seulement.45 Lors de ma participation, la multiplication des broyas obtenus grâce aux différentes machines utilisées, a donné suite à la fabrication de nouvelles briques et leurs différents tests en laboratoires. Le mélange entre deux terres du Sénégal n’ayant pas les même propriétés à aussi été exploré. Pour chacun de ces tests, il est important de suivre un protocole rigoureux. Un seul paramètre doit varier à la fois. Chacun des tests doit se référer à un témoin établi (par exemple dans le cas des briques de terre-typha, une brique de terre-chanvre française déjà caractérisée) cette méthode permet de confirmer ou non certains résultat et d’avoir un élément de comparaison. Si plusieurs résultats et recettes ont portés leurs fruits, le travail de caractérisation ne s’arrête pas là, il a d’autres visées.
Inscription des données
dans le processus de recherche
Afin de ne pas perdre le fil dans l’identification de la recette, il a fallu composer un tableau récapitulatif qui rassemble tous les tests et leurs différents paramètres (compression, taux terre-eau-fibre, temps d’attente, type de broya, type d’élément fabriqué, etc.). Cet outil permet d’avoir une vue d’ensemble sur les essais menés. S’il permet d’affirmer des résultats, il permet aussi d’écarter des pistes de recherche. Si des éléments de la recette et de la méthode de fabrication sont définis, il permet aussi de ne pas repartir de zéro à chaque fois. L’objectif principal de cette phase de R&D étant la caractérisation d’éléments de construction en terre-typha, en plus des tests réalisés au Craterre, il a fallu envoyer des échantillons à un autre laboratoire d’analyse des matériaux à l’université de Reims. Si le Craterre est à même de caractériser les terres, il lui est encore impossible de faire tous les tests pour les matériaux terre/fibres (caractéristiques différentes et matériel différent). C’est alors que nous avons produits des échantillons. S’ils reprennent l’ensemble des paramètres définis pour les mélange terre-typha, ce ne sont en aucun cas des éléments de construction. Destinés à suivre un protocole ils n’ont pas grand-chose à voir avec les « produits ». 44 GUILLAUD Hubert, HUBEN Hugo, CRATerre, Traité de construction en terre, Paris, Parenthèse, 3eme édition, 2006 (1ère ed. 1979) 45 CRATERRE, Rakotomalala Lalaina, Bilan Atelier Typha, Terre-Fibres, Grands Ateliers de L’Isle d’Abeau, Juin 2015
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Figures 10 à 16. Ligne de production du typha - De la botte au broya Bottes - Pesée - Broyage - Broyeur Tamisage - Etat des Garages de l’ENSAG Photos : Etienne SAMIN
Figures 17 à 24. Différents broyas En long en large et en travers Identification des broyas - Résultats Montage : Yoann BOY Photos : Etienne SAMIN
Figure 25. Laboratoire d’analyse des matériaux Laboratoire Craterre - ENSAG Photos : Etienne SAMIN
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Les échantillons envoyés à Reims ont permis d’établir les caractéristiques thermiques, acoustiques, hygrométriques, etc. des différents mélanges terre-typha. Hérités des méthodes de laboratoires pour les matériaux industriels, les protocoles mis en place pour tester les matériaux terre-fibres ne sont pas toujours adaptés. La terre a subi les même déconvenues, souvent testée comme le béton. Toutefois la caractérisation pleine et complète était nécessaire, elle faisait partie des objectifs fixés dans le cadre du programme PNEEB-Typha. Aussi ; plusieurs paramètres étudiés l’ont été dans le but de créer un logiciel de calcul simple d’utilisation. L’ensemble des résultats collecté sert alors de base de donnée pour le programme. Concrètement, le logiciel sert à déterminer la quantité de typha, de terre et d’eau nécessaire pour un nombre de briques voulu. Il permettra aussi de déterminer, pour un élément de construction donné, en fonction des caractéristiques de la terre mise en œuvre, le type de broyat à utiliser. D’autres données peuvent être exploitées. Pour parvenir à une esquisse de ce programme, il a fallu multiplier les données et les essais. Toujours en phase bêta, ce logiciel demande un nombre de tests conséquent et requiert encore de nombreux mois de recherche/production pour être affiné. C’est un des éléments du projet qui s’inscrit sur le long terme.
Projet PNEEB-Typha,
Suites du programme Durant les mois de juin à septembre, le projet PNEEB-Typha a subi quelques déconvenues. Le Craterre ne maîtrisant pas l’ensemble des paramètres, les suites du programme sont soumises aux aléas des organisations participantes au programme. S’il restait quelques écrits à produire, un appel d’offre pour la construction d’un éco-pavillon (objectif 3 : démonstration) se retrouvait empêtré côté sénégalais. Il a fallu reformuler cet appel et le relancer à plusieurs reprises. Ce genre de contre-temps bouleverse le planning de recherche et impose aux chercheurs de réorganiser leur travail. La souplesse de l’équipe, la diversité des objectifs à remplir et la méthodologie itérative mise en place permet heureusement de continuer à travailler.
Guide Bioclimatique Un guide de conception bioclimatique46, fait partie des attentes du PNEEB. Sa rédaction entamée par Lalaina Rakotomalala en lien avec un ingénieur bioclimatique spécialisé dans les climats tropicaux, touche à sa fin. Si la partie générale de présentation des bonnes pratiques est achevée, les études de cas en fonction des aires climatiques propres au Sénégal, reste à mettre en place. En parallèle, la production d’éléments graphiques (illustrations) est entamée par Arnaud Misse tandis que je participe activement à la mise en page du guide. Ce travail doit être parachevé avant la prochaine mission sur le terrain afin qu’une première version puisse être présentée aux différents acteurs sénégalais présents lors des prochaines séances de restitution au Sénégal.
Recherche-action France-Sénégal Une séance d’échange est prévue au Sénégal pour le mois de novembre. Ajouté à la restitution des avancées du projet, est censé se dérouler la mise en place d’une (ou deux) ligne de production de briques en terre-typha. Pour ce faire, Étienne se rendra sur place durant trois à quatre semaines. L’appel d’offre lancé, concerne cette partie du programme. En effet, en amont de la construction de l’éco-pavillon, il est nécessaire de mettre en place une ligne de production de briques. À cette occasion, les hypothèses formulées en phase R&D, les machines mises à l’étude et le protocole de production établi seront testés. Une fois encore le projet se place dans la dynamique de co-production des savoirs. Ce programme d’échanges sur place permettra à l’équipe de vérifier ses avancées tout en les ajustant avec les partenaires locaux (entrepreneurs, ouvriers, chercheurs, etc.).
46 CRATERRE, PNEEB, Guide de sensibilisation a l’architecture bioclimatique et à l’efficacité énergétique des bâtiments au Sénégal, Ministère de l’écologie et du développement durable, Dakar, 2016
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Figure 26 à 33. Réalisation d’échantillons test Pesée - mélange - moulage - compression - Vérification du taux de compression mesure de densité Photos : Etienne SAMIN
Figure 34 à 40. Catalogue d’échantillons Réalisés pour les tests de caractérisation Photos : Etienne SAMIN
Figure 41 à 43. Test de résistance A la flexion, lestage jusqu’à rupture Photos : Etienne SAMIN
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En Route pour l’Afrique En parallèle, afin de profiter du déplacement pour faire avancer les différents volets du programme, une semaine de séminaire est prévue dans le nord du pays à Saint Louis. Elle permettra de faire part à une coopérative de femmes employant le typha, des différentes pistes de recherches étudiées ces derniers mois et des perspectives ouvertes. Il sera alors question de savoir comment il est possible de travailler conjointement à l’utilisation du typha dans la production d’éléments de construction. Finalement, lors d’un déplacement se seront trois éléments du programme de recherche qui seront prolongés : ligne de production, exploitation du typha pour la construction et mis en place du chantier de l’éco-pavillon. Un programme dense pour lequel Étienne a besoin d’aide. Toujours investi dans le programme même après la fin effective de mon stage (29 juillet), en plus de ma participation à l’élaboration du guide bioclimatique, il m’a été proposé d’accompagner Étienne sur le terrain. Après avoir suivi le programme depuis plusieurs mois, me voilà en préparation pour y donner suite au Sénégal. C’est avec une chance inouïe et une grande joie, que j’ai accepté de partir dans les semaines qui viennent. Le travail ne fait que commencer, de nombreuses réunions et des journées de préparation sont programmées, des détails administratifs restent à régler avant de pouvoir vivre cette expérience exceptionnelle.
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RETOUR personnel
Après avoir présenté les fondements de ma démarche, l’imbrication des derniers éléments de mon parcours, la dualité entre la formation et le stage, j’aimerais revenir sur plusieurs thématiques rencontrées, vues, appréhendées durant cette année 2015-2016. Audelà du stage au laboratoire, je tente à travers trois notions, d’avoir une approche transversale de mes dernières expériences. Cette analyse globale de mon année de fin de cycle à l’ENSAG, tentera d’esquisser des perspectives réflectives pour mon avenir professionnel.
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Le temps de la recherche,
Notion trop souvent laissée pour compte
Comme je l’ai expliqué pour mes propres thématiques de recherche, il me semble que le temps est un élément essentiel de la recherche, j’ai pu appréhender cette notion au fil des années. De mes premiers écrits à la mention, la réflexion menée s’est faite d’allers-retours, de synthèse progressives, d’enchaînements logiques. Sur les bancs de l’école, dans les livres, sur le terrain ou encore dernièrement au laboratoire, j’ai pris conscience de l’importance du temps. Il sert la recherche car elle lui laisse l’occasion de maturer, évoluer, voir parfois se retourner. En m’inscrivant dans l’équipe PNEEB-typha j’ai de nouveau rencontré cette notion. Le programme y est soumis, la production des savoirs aussi. En choisissant de suivre le travail d’une équipe de chercheurs sur le long terme (9 mois de stage effectué au coup par coup) il m’a été donné l’occasion d’observer le déroulement du travail dans le temps et donc de comprendre le développement d’un programme de recherche. Toutefois, dans ma formation comme au laboratoire, il semblerait que le temps n’a pas assez de place. Toujours soumis aux calendriers, aux dates butoirs, le temps de la réflexion se voit contraint par le planning. Comment alors concilier qualité réflective, résultats de recherche et échéances ? N’est il pas paradoxal de vouloir mener à tambour battant un processus inscrit dans le long terme ? Il semblerait qu’une des qualités requises par le chercheur, comme pour l’architecte, soit la synthèse. Cette dernière doit être accompagnée sans cesse d’un esprit de satisfaction car même si le travail ne semble pas fini, l’idée aboutie, l’action inachevée, il faut au fur et à mesure faire état des avancées, poser des repères, répondre aux attentes. Si cette attitude est parfois frustrante, elle est une condition nécessaire au déroulement d’un projet, qu’il soit architectural ou de recherche. Ma démarche, au fil des mois, a évoluée. De l’observation, je suis passé à un stade de compréhension. J’ai eu la chance de pouvoir, petit à petit m’investir avant d’être accompagné. A l’heure actuelle, j’effectue diverses tâches pour l’équipe en vue d’obtenir une autonomie relative dans cette dernière. Ce point me permet de mettre en parallèle le temps de la recherche avec le temps du travail. D’une certaine manière, s’il faut du temps pour mener à bien un programme, il en faut aussi pour trouver ses marques et faire sa place. Les dernières propositions qui m’ont été faites par le Craterre et Thierry Joffroy me permettent de prolonger mon expérience au-delà du temps de stage et du temps de formation. Je m’inscris au fur et à mesure dans le temps de la recherche, celui-ci faisant alors partie intégrante du temps de mon projet professionnel. Entamé dans mes premières années de formation, ce dernier se précise. Entre terrain/chantier et laboratoire de recherche, mes expériences vécues tentent de jalonnées mon parcours en vue de devenir architecte.
Transversalité et universalité du travail,
Architecte et/ou chercheur ?
Travailler au Craterre m’a donné la possibilité de découvrir le lien entre le travail de l’architecte et le travail du chercheur. Si le chercheur à parfois besoin de l’aide de l’architecte, il en va de même dans l’autre sens. Les choses deviennent d’autant plus intéressantes lorsque certaines des personnes investies dans un programme de recherche portent les deux casquettes. Je l’ai vu lors de ma formation, l’exercice du projet requiert sans cesse des retours en arrière, des réinterprétations, des remises en cause. Chaque projet se nourri d’une somme de connaissances acquise au fil des problématiques rencontrées. Il semble qu’il en va de même pour la recherche. Ce sentiment partagé entre formation et travail au laboratoire est sans aucun doute lié à la philosophie de la recherche défendue par le Craterre et par la pédagogie mise en place par mes enseignants. Car comme je l’ai expliqué dans la première partie, ces deux approches sont étroitement liées.
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Ce qui m’a séduit dans le programme PNEEB-Typha, c’est qu’à travers un programme de recherche (R&D, résultats, publications, action de terrain) l’équipe touche à l’architecture. Elle tente à travers une approche transversale (habitat – matériau – patrimoine) de mettre en place une dynamique globale de développement. De la matière à l’architecture, de la recherche fondamentale à l’amélioration du confort dans le logement, c’est une logique générale au service de l’Autre47 qui est défendue. De la filière à la brique avec de la formation et un prototype voir plus tard des opérations pilotes, c’est une véritable machine à produire le cadre bâti qui est mise en place. La recherche ne se limite pas à ses préceptes fondamentaux, elle les transcende à travers l’action. Une recherche qui répond à un programme tente de répondre aux besoins de plusieurs millions d’habitants et aux problèmes auxquels ils font face. Il semblerait que dans le cas du programme PNEEB-Typha, la corrélation entre travail d’architecte et travail de chercheur tende vers le caractère universel de l’architecture. La fin n’est pas le projet, le projet est le moyen. Cette démarche défendue par le laboratoire pousse toujours plus loin la recherche fondamentale.
La recherche-action,
Une méthodologie défendue par le CRAterre Introduite dans la partie présentant le programme PNEEB-typha, je souhaite ici revenir sur cette notion fondamentale développée par le Craterre. Comme expliqué ci-avant, cette démarche participative est inscrite dans la méthodologie du laboratoire. C’est une logique de coproduction des savoirs qui est défendue à travers cette recherche. Pro-active, elle inclut tous les acteurs dans le processus d’innovation. Les tests effectués en laboratoire sur la matière servent avant tout un objectif plus large. En reprenant la notion explorée dans le point précédent, il est alors possible d’illustrer le fait que la recherche ne s’arrête pas à son approche fondamentale. La recherche-action tente de mettre en place les outils pour échanger les savoirs et faire en sorte que les acteurs extérieurs au laboratoire s’approprient la recherche. Rompant avec la tradition d’une production savante des savoirs, cette méthodologie de la rechercheaction, même si elle se nourrit de recherche fondamentale (R&D) s’inscrit dans le réel, dans la culture. Les objectifs du programme PNEEB-Typha l’illustrent parfaitement : Identification, expérimentation, démonstration, application. Depuis une recherche fondamentale sur les matériaux (comment faire une brique en terre-typha ?), c’est une recherche appliquée qui est mise en place. Depuis la démarche « classique » de l’ingénierie matériau et du rôle d’expert du chercheur, c’est l’ensemble du contexte (social, professionnel, ressources) qui est interrogé et dynamisé. Cette méthode cherche alors à mettre en place une stratégie de développement (action), ici la mise en place d’une nouvelle filière de production d’éléments de construction au Sénégal. Cette recherche vise finalement à travers l’utilisation de ressources locales, de création d’emploi, d’amélioration de l’habitat, etc., un nouveau projet de société. « Architectes du quotidien, concepteurs des espaces d’aujourd’hui et des lieux de demain, nombreux sont les praticiens ayant conscience que l’architecture n’est pas une fin en soit mais plutôt un moyen. Militants d’un nouveau vivre ensemble, ils revendiquent une architecture bienveillante, au service des hommes, au service de l’interaction homme-environnement. La prise en compte de la culture dans les processus de conception devient incontournable. Les démarches sont multiples et amènent de nouvelles manières de mener le projet. Le projet d’architecture devient projet de société. »48 Si toutefois, une distance perdure entre la recherche et la réalité, la recherche action tente d’amoindrir l’écart entre ces deux mondes. Le processus de coproduction des savoirs y participe activement. En m’inscrivant dans la démarche du Craterre pour le projet PNEEBtypha j’ai pu rencontrer de multiples facettes (méthodologie) de la recherche. Il me semble alors d’autant plus important qu’en tant qu’architecte, praticien ou chercheur ou encore les deux, nos actions ne se limitent pas à quelques fins (une réalisation, des résultats) mais participent plutôt au développement d’une infinités de moyens (pistes, hypothèses, projets, etc.) qui, petit à petit je l’espère, permettront à la profession et plus largement aux sociétés actuelles et à venir de réinventer notre rapport à l’espace, au monde à la nature : de faire évoluer nos cultures. 47 Les Autres comme «L’ensemble de ceux qui vivent sur notre planète, qu’ils soient nos contemporains ou qu’ils constituent les générations futures» JOURDA Françoise-Hélène, Les 101 mots du développement durable à l’usage de tous, Paris, Archibooks + Sautereau, 2011. 48 BOY Yoann, L’éco-conception est aussi affaire d’humanisme, Grenoble, ENSAG, 2015 p.69
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conclusion
Par rapport à mon parcours personnel, dans lequel j’ai cherché chaque fois à allier théorie et pratique, architecture et artisanat, ce stage de fin de formation me permet de rajouter une corde à mon arc : la recherche. Cette expérience m’a permis de clarifier mes envies, de définir une vision de mon activité future. Fort d’un triptyque maçonnerie, architecture et recherche il me reste alors à continuer sur cette voie. J’ai trouvé dans la recherche appliquée (recherche-action) une évolution de ma vision du métier d’architecte qui mêle théorie et pratique, laboratoire et travail de terrain. Je ne parle pas encore d’agence ou d’atelier car mon retour critique sur l’expérience du PFE m’éloigne encore un peu plus aujourd’hui de la maîtrise d’oeuvre. A la manière de Philippe Madec en son temps, je me pose encore les questions du pour qui ? Pour quoi ? Et du comment faire de l’architecture ? Si je n’ai pas encore les réponses, la parenthèse ouverte au Craterre durant cette année universitaire m’a permis d’engranger connaissances, méthodes et contacts. Je cherche alors à prolonger cette expérience et mes apprentissages. Demain, il me faudra utiliser connaissances et parcours professionnel pour faire émerger des projets. Il me semble encore devoir apprendre et rencontrer pour continuer à définir une vision pour ma pratique. Pour l’instant, il n’est pas question de HMO-NP ni encore de doctorat, si le DSA terre m’attire a priori, il me semble pré-maturé d’y entrer. Faire une formation d’accord mais pour y apprendre quoi, chercher quelles réponses, formuler quelles hypothèses ? Il me semble opportun aujourd’hui d’attendre avant de postuler, continuer à apprendre et découvrir ce pour quoi il faudrait que j’entre en DSA. Pour se faire, je pense continuer le plus possible mon chemin au sein du laboratoire Craterre tant que des opportunités s’offrent à moi. J’aimerais aussi prolonger mes expériences sur le terrain, en chantier ou à l’étranger. L’expérience de la connaissance par la théorie et la recherche me semble être une voie à explorer et à poursuivre. Il me permet de continuer à me nourrir pour aborder la complexité du monde qui m’entoure. Je commence à prendre conscience que mon apprentissage du métier d’architecte passe avant tout par ses à côtés, par ce qui fait la richesse de ce métier : ses multiples facettes. Si le fait de ne pas achever ma mention reste encore aujourd’hui quelque chose de difficile, je suis content d’avoir mené à bien mon Projet de Fin d’Études et d’y trouver des prolongations. De faire mon stage au Craterre et de réussir à le poursuivre au-delà de ses objectifs, avec un nouveau statut et un rôle de plus en plus important (autonomie et responsabilités) me donne de l’assurance pour mon insertion professionnelle. Cette dernière expérience en tant qu’étudiant en architecture m’a donné une large ouverture, elle précise ma vision. Elle me donne des bases supplémentaires pour mon avenir, qui, je le sais aujourd’hui, se nourri d’inattendus.
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bibliographie
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JOURDA Françoise-Hélène, Les 101 mots du développement durable à l’usage de tous, Paris, Archibooks + Sautereau, 2011. FERRO Sergio, Dessin/Chantier, Paris, Ed. de la Villette, Coll. Ecole d’architecture de Grenoble, 2005, 159p.
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BOY Yoann RAPPORT DE STAGE RECHERCHE ST3 - LABORATOIRE CRATERRE