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TERRES COMMUNES BALADES POLYPHONIQUES

RÉHABITER MARSEILLE ?

Agriculture, Architecture et Biorégion

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À l’occasion de sa venue à Marseille, l’exposition de Sébastien Marot « TAKING THE COUNTRY’S SIDE | Prendre la clef des champs » ouvre un nouveau chapitre sur les biorégions. En écho à cette proposition, nous vous proposons cinq journées thématiques, un programme de rencontres, d’interventions, d’ateliers et de marches, pour penser les terres communes de demain.

JOUR 1

Lundi 24 avril

NOURRIR LA VILLE

Subsistance alimentaire et métropole en présence de Carolyn Steel

JOUR 2

Mardi 25 avril

DESSINER UNE BIORÉGION

Le territoire, entre poétique et politique en présence de Daniela Poli

JOUR 3

Mercredi 26 avril

ORGANISER LES COMMUNS

Pratiques collectives et questions foncières en présence d’Isabelle Stengers

JOUR 4

Jeudi 27 avril

CONCEVOIR

D’AUTRES MONDES

Fin de l’urbanisme et projet rural en présence de Pierre Janin

Balades polyphoniques à la recherche des terres agricoles (pour avancer dans les SI, ré-habiter nos SOLS et nous aider humain·es des villes à trouver nos LA)

L’histoire agricole de Marseille est d’emblée une histoire urbaine, au sens où elle n’apparaît dans la forme maraîchère (qui forme la plupart des imaginaires de l’agriculture en milieu urbain) que tardivement, suite à la construction à l’aménagement lourd du canal de Marseille.

Elle passera ainsi d’une agriculture sèche et méditerranéenne au terradou, terroir fertile qui modifie les paysages, les manières de penser le jardin, la gestion des terres, et conduit la ville à connaître jusqu’à l’urbanisation des années 50 une auto-suffisance alimentaire.

SYMPHONIE AGRICOLE #1

De la Ferme du collet des comtes au Vallon des Hautes douces

Samedi 29 avril 2023 - tte la journée

SYMPHONIE AGRICOLE #2

Du MIN des Arnavaux à la Busserine

Samedi 6 mai 2023 - tte la journée

JOUR 5

Vendredi 28 avril

AGIR EN TERRITOIRE MARSEILLAIS

Arpentages et conversations hors-les-murs

Projection au Gyptis de Nul homme est une île, de Dominique Marchais

Percevoir les enjeux de l’agriculture urbaine aujourd’hui nécessite de retrouver le sens de ce terroir, de sa vie d’avant les infrastructures puis de son urbanisation massive d’après-guerre qui laisse une portion congrue du territoire à l’activité agricole. C’est aussi se re-sensibiliser à cette question de l’eau, de sa présence ou de son absence, de sa provenance et ses interdépendances qui l’accompagnent, dans un contexte de réchauffement climatique. C’est enfin repartager les questions du commun, de la propriété foncière et des manières de s’organiser dans nos usages, dans nos modes de gestion et dans nos relations urbanisées.

Ces balades sont proposées par le Bureau des guides du GR2013 et s’imaginent avec les artistes du collectif SAFI, Nicolas Mémain, les collectifs des hautes douces, de la ferme du collet des comtes, de la Tour Sainte, la cité de l’Agriculture, l’Ecole des communs de l’alimentation, l’Après M et avec la participation des chercheur·ses Michel Peraldi, Jean-Noël Consales, Frédérique Moquet et Rémi Grisal, des agriculteurs des terres arpentées, des Jardins de Julien et les étudiants de l’ENSAMM.

Une proposition collective du Bureau des guides du GR2013 et de la Cité de l’Agriculture, avec l’IMVT (ENSA-Marseille, ENSP-Marseille et IUAR) et le réseau ERPS des Écoles nationales Supérieures d’Architecture, Opera Mundi et Image de Ville, les éditions Wildproject, la MAV PACA et le CAUE13, la Friche la Belle de Mai, Radio Grenouille et les Grandes Tables.

Ces balades se feront en échos entre le Nord et l’Est de Marseille. On y rencontrera des initiatives et on partagera des conversations pour imaginer comment retrouver à la fois une capacité de production locale et les gestes de la terre, entre nécessités de production, besoins de réinvestir socialement les imaginaires de l’alimentation et honorer les chemins urgent d’une écologie des villes.

Dureza Christine Breton

R Cit V G Tal

Elle venait de saisir par les cheveux Kaïros, ce vieux petit dieu de l’antiquité, qui passait comme un texte de nuit. Elle, les gens de la terre l’appelaient parfois « celle qui mène les fleuves vers la mer », elle avait appris à saisir les situations qui passent. Mais qui aurait pu croire que Kaïros en tombe éperdument amoureux. J’ai retrouvé dans nos archives ce texte de lui que je vous livre malgré quelques lacunes ou pages manquantes. Il a pour titre :

Il était temps.

A cet instant, dans ce récit, il me fallait devenir au minimum un petit dieu malin et voilà... j’apparais.

Je suis là dans mon froufrou d’ailes. Dieu des situations, je me nomme Kaïros. J’arrive toujours à temps pour la sauver, pour lui faire traverser les guets, quand elle est arrêtée au bord de ses fleuves descendus gaiement des montagnes. Mais là elle exagère, comment vais-je marier Granites et Dureza, un cépage ? Géologie et Botanique avec leurs majuscules de savoirs accumulés ?

Je me suis tellement attachée à elle. J’aime la regarder marcher, chercher, en Vieille ou en toute jeune femme, le long de ses temps inconnus. Elle me plaît tant que je ne peux la laisser là, seule, au présent, dans l’adversité. Mais cette fois-ci comment vais-je pouvoir manipuler ses réincarnations, les apparitions que j’aime lui inventer quand elle mène les fleuves ?

Jusqu’à présent c’était facile, il me suffisait de changer ce que vous appelez les siècles et hop je la plaçais dedans discrètement, sans bruit. Ses descendants faisaient la jonction. Et l’eau suivait son cours. Qu’elle soit à Cyrène il y a 2800 ans avant votre présent, j’étais là auprès d’elle en philosophe, ami de son frère. Qu’elle soit en Palestine 1500 ans avant votre présent, j‘étais l’ermite suspendu qui l’accompagnait marchant avec Cassien, un futur saint. Ses descendantEs d’il y a seulement 700 ans chantaient sa légende sur les routes provençales médiévales et je chantais avec elles et eux. Plus complexe fut ma transformation en Vieille pour la suivre à Alger et à Marseille. Mais là, dans votre présent, face à la situation si dangereusement urgente je ne vois qu’une solution : changer mes ustensiles, pardon, mes attributs hérités au cours des temps. Je ne veux pas devenir un dieu d’avantgarde, je vais juste déposer un moment ma quincaillerie un peu trop métalliques et trop bruyants ; ça me fera des vacances par la même occasion. Je vais changer discrètement ma balance et le couteau pour un cep de vigne planté là.

Difficile à gérer, sans bouger, je ne sais si je pourrais tenir cette situation symbolique longuement. Une chose est sûre, Il n’y aura pas un historien d’art capable de voir la différence surtout dans ce temps si court que vous voulez nommer : présent. Et hop ! Je vais entendre parler la langue de Dureza et des Montagnes. Nous ne serons pas trop de trois pour l’approcher et l‘écouter.

Elle sait si bien disparaitre et là elle le fait pour sauver sa peau.

Là le texte manque.

On devine que Kaïros l’a réincarnée en botaniste, collectionneuse du début du 21e siècle. Le texte reprend dans lequel elle discute ferme avec une inconnue qui lui demande :

— Vous avez été surnommée « la collectionneuse» car vous avez créé une collection internationalement reconnue au plan génétique, botanique sur les cépages de la famille du Dureza. Vous avez mené en laboratoire des expériences uniques sur ses gènes jusqu’à découvrir un gène que les médias ont nommé « gène de la longévité ou de l’éternité ». Je comprend que vous n’aimiez pas beaucoup l’immédiat des médias.

— Vous oubliez que grâce à cette publicité idiote je vis en danger maintenant. Mais sortons un moment il me faut aller écouter mon plant de Dureza, c’est un peu mon oracle. Là, moi, le dieu Kaïros transformé en pied de vigne minuscule, je la vois mieux. Dehors, elle s’assoie sur le sol. Après m’avoir salué « la collectionneuse » libéra les mots de Dureza :

Les humains parlent parlent ; même le petit dieu des situations, Kaïros, parle ; alors moi, non-humain Dureza, je me met à parler aussi et j’en profite. Il est dit que les plantes comme moi sont des vivants arrêtés mais ce n’est pas vrai ! J’ai beaucoup bougé et je me souviens de tous mes temps. Les humains disent aussi que les plantes n’ont pas de sexualité mais ces humains ont ils été hermaphrodites ? ont ils senti la caresse des abeilles ou du vent qui portent la jouissance de la pollinisation ? Il est dit aussi que les génomes de plantes comme moi sont peu riches en gènes mais le génome du riz contient 50 000 gènes et celui des humains 23 000 ! Il est dit, du coup, que les gènes ne font pas la valeur du vivant alors expliquez moi pourquoi tous les laboratoires humains s’intéressent assez à un de mes gènes pour s’entretuer vaillamment afin de le posséder ? Il est dit que nous les plantes n’avons pas d’histoire mais mon propre génome a été étudié à l’Université de Montpellier. Oh ! divine surprise les généticiens ont découvert dans mon ADN une des plus longue et célèbre histoire de vigne et de vin. Oui je suis Dureza le cépage à l’origine de la Syrha, actuellement la star des vins des « Côtes du Rhône ». Origine ou plutôt mariage quand un de mes pépins a rencontré celui de la Mondeuse Blanche des montagnes. Oui je suis Dureza un cépage oublié des humains et abandonné dans la catégorie « anciens cépages ». Nous sommes plusieurs à être « oubliés » et du coup les historiens de la vigne manquent les maillons de connaissances qu’ils avaient encore il y a seulement 50 ans.

.... lacunes du texte :

— Mais parlons d’autre chose. Vous vouliez savoir pourquoi je collectionne ? C’est simple et terrible à la fois. Les plantes cultivées que l’humain a créé par essais, erreurs, observations et bidouillages depuis la préhistoire ont perdues leur autonomie. Elles ne peuvent plus vivre en dehors de nos soins tout comme les animaux domestiqués. Quand nous arrêtons de les soigner elles meurent et disparaissent du vivant. Nous devons intervenir constamment pour leur survie. C’est injuste et représente l’exacte modèle de toutes les dépendances collectives animales ou humaines que nous avons inventé et continuons de maintenir. Je considère comme un devoir sacré l’obligation de conserver ce que nous avons créé. Le Dureza, ce vieux cépage disparu qui fait le clou de ma collection, n’était plus soigné depuis le vol des 16 derniers pieds qui étaient cultivés et conservés prés de Tain l’Hermitage. Je suis une intellectuelle pas une agricultrice ; regardez mes mains ; je ne connais rien aux soins que d’autres savent prodiguer. Donc je collectionne des biens inaliénables, je prospecte dans le monde granitique sur toute la terre, achète, compare les pratiques de soins, conserve, analyse la plante, sa famille, comme ses gènes, ses chromosomes, comme ses terroirs. Conserver un bien public, pérenniser un savoir humain né il y a des millénaires sur les bords de l’Indus voilà mon aventure qui depuis peu me projète dans une zone à risques. J’ai été prévenue. J’assume le risque.

Autres lacunes....

Je vais vous raconter comment s’est faite cette collection devenue objet de toutes les convoitises et de tous les délits dont vous venez de vivre la violence d’un épisode. À l’origine je viens des collections publiques artistiques. Je me suis spécialisée dans l’art international contemporain. À force de côtoyer collections privées, ventes aux enchères et foires internationales j’ai été approchée par des collectionneurs peu regardant sur l’art et plus interressés par le blanchiment de leurs trafics parallèles. J’ai alors pris un violent coup de réalité. Quel gouffre entre les pseudo interprétations dont je m’alimentais innocemment, les

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