Pléiades #1

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1001 Nuits #1

Samedi 17 février Conversation dans la pente (alt. 22 m) Toit de la Friche la Belle de Mai 41 Rue Jobin, 13003 Marseille

À 13h15 Randonnée dans les quartiers de Marseille avec les Excursionnistes marseillais

À 18h11 Rassemblement pour le coucher du soleil sur le toit de la Friche

Entre 19h et 1h Coucher du soleil

18h11

Pléiades

Performance d’Ici-Même (Gr.) en accès libre en continu sur le Toit-terrasse, Panorama


1001 nuits Qu’est ce que le projet 1001 nuits ? 1001 Nuits c’est une collecte de récits et une série de rendez-vous artistiques pour passer ensemble du jour à la nuit. Le principe est d’inviter habitants de proximité et voisins métropolitains à découvrir ensemble un endroit du territoire de manière originale, au travers de rencontres et d’histoires qui entrent en résonnance avec les paysages.

Quand ? Du 17 février au 2 septembre 2018.

Où ? Dans des lieux insolites autour du sentier GR2013.

Qui ? 1001 Nuits est un projet proposé par le Bureau des Guides du GR2013, coproduit par MP2018 avec le soutien de la Banque Populaire Méditerranée, en partenariat avec Bouches-duRhône Tourisme et le Comité Départemental de Randonnée Pédestre des Bouches-du-Rhône. 1001 NUITS #1 a été réalisée en coproduction avec la Friche la Belle de Mai.

www.gr2013.fr


P L É i A D E S . Groupe de sept étoiles qui constitue un petit amas très groupé dans la constellation du Taureau et bien visible les nuits d’hiver. Par glissement, groupe de sept poètes français du 16ème siècles. Dérivé : une pléïade, une grande quantité.


CONTE : nom masculin, a longtemps désigné l’énumération et la narration de choses vraies. Au 16 ème et 17 ème siècle, il prend l’acceptation péjorative de « récit fait pour abuser », est fortement concurrencé depuis par «histoire». Le sens moderne de « récit inventé » apparaît nettement au 17 ème siècle.

Fictions « Pourquoi sommes-nous inquiets que la carte soit incluse dans la carte et les mille et une nuits dans le livre des Mille et une nuits ? Que Don Quichotte soit lecteur du Quichotte et Hamlet spectateur d’Hamlet ? Je crois en avoir trouvé la cause : de telles inversions suggèrent que si les personnages d’une fiction peuvent être lecteurs ou spectateurs, nous, leurs lecteurs ou leurs spectateurs, pouvons être des personnages fictifs. » José Luis Borges, Fictions

Leonardo Sciascia écrit que la vérité est au fond d’un puits. Vous regardez dans un puits : vous y voyez le soleil ou la lune, mais si vous jetez dans le puits il n’ya plus ni soleil ni lune ; il y’a la vérité. Ce qui m’intéresse, dans ces histoires vraies, ce n’est pas la vérité nue mais le soleil ou la lune qui se reflète sur l’eau éteinte au fond du puits. Il s’agit d’abord de raconter l’histoire, d’écouter. Leonardo a raison : la vérité est au fond d’un puits. Faisons bien attention à la laisser où elle est, tout au fond pour son bien. Car la belle invisible, dans le fond, nage libre. Elle sort du puits quand elle veut, brandissant un miroir, pour nous aveugler ou nous rendre lucides. Le reste du temps elle se fait oublier. Quand le monde en surface devient irrespirable, on se jette pour mourir et renaitre auprès d’elle.

Vrai Certains croient aux fées, d’autres en Dieu, d’autres en rien. Certains prêtent foi aux histoires de fantômes. D’autres s’en moquent. Certains voient des apparitions. D’autres ne voient rien. Quelques-uns racontent leurs allers-retours dans l’au-delà. Mais des scientifiques expliquent que ce sont des phénomènes neurochimiques. Ici on parle de miracles et là d’événements irrationnels. On peut regarder le monde dans une boule de cristal ou à travers l’oeilleton du microscope. Il n’y qu’une Vérité (sinon elle s’appellerait autrement) mais personne ne dit vrai quand il prétend la posséder. Au milieu de toute cette horrible confusion, le poète amérindien Simon J. Ortiz écrit : « Il n’y a pas de Vérités, seulement des histoires.» Sylvain Tesson , Géographie de l’instant

François Beaune, La lune dans le puits 4


« Bon Dieu ! ma sœur, dit alors Dinarzade, que votre conte est merveilleux ! – la suite est encore plus surprenante, répondit Scheherazade, et vous en tomberiez d’accord, si le sultan voulait me laisser vivre encore aujourd’hui et me donner la permission de vous la raconter la nuit prochaine. » Schahiar, qui avait écouté Scheherazade avec plaisir, dit en lui-même : « j’attendrai jusqu’à demain ; je la ferai toujours bien mourir quand j’aurai entendu la fin de son conte ». Première nuit, les Mille et une nuits

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Baklava

Baguette magique, n°4

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Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie

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Invitation à la dérive, 1854 « Mais pourquoi toutes ces considérations inutiles ? » me dira un lecteur impatienté : « Nous venons lire votre titre et votre sommaire, aussi vous avez fermement l’intention de nous guider dans tous les recoins du terradou ; nous avons assez de préambules. Hâtez-vous d’accomplir vos promesses ! » Je m’incline donc, cher lecteur, et me reconnais digne de votre haute animation. Je suis tout à mon sujet : Incipiam. Si le système d’agrandissement dans lequel notre ville est entrée depuis une vingtaine d’années vient à se poursuivre, comme il n’y a guère à en douter, Marseille deviendra, non seulement tout autre que la vieille colonie des Phocéens qui se bornait aux quartiers de Saint-Jean et de la Major, tout autre que la ville de Louis 14 qui avait pour limites la rue Saint , le cours Saint-Louis, la rue d’Aix et la Tourette, tout autre que celle de Louis 16, tout autre enfin que la grande ville de nos jours qui a doublé d’étendue depuis quarante ans. Alors viendra un temps où la plupart des villages que nous décrivons ne seront plus que des faubourgs comme l’est devenu Saint-Charles ou même des quartiers urbains comme les Chartreux et la Croix-de-Reynier. Villas, bastides et cabanons seront enveloppés dans cet envahissement général ; les jardins seront des places macadamisées, les allées des rues, les pinèdes des îlots de maisons, les tonnelles des guérites … Tout changera de destination ; et quelque boutiquier, pliant sa marchandise dans ce feuilleton devenu inutile s’apercevra peut-être, en y jetant un regard distrait, qu’une serre magnifique existait vingt ans auparavant à la place de son comptoir ! » UNE VALLÉE AU LOINTAIN DES BAUMES Je faisais toutes ces réflexions en sortant de Marseille par les rues neuves qui avoisinent Longchamp ; j’était émerveillé de la rapidité inouïe avec laquelle les maisons se dressent et se groupent pour former des quartiers nouveaux ; j’avais déjà franchi le triple viaduc du boulevard successivement appelé d’Orléans et National, j’avais pris à ma droite une ruelle bordée de maisons et je me trouvais dans le petit hameau de Belle-de-Mai, sans m’être aperçu que j’avais quitté la ville. Le nom seul de Belle-de-Mai annonce je ne sais quoi de gracieux, de verdoyant, et nos bons aïeux firent assurément preuve de bon goût en l’appliquant au charmant vallon où je voyais éparpillés tant de riantes bastides. Ce bassin est un recoin pittoresque de la longue et belle vallée qui, commençant à Saint-Charles, se poursuit jusqu’au village de Baumes-Saint-Antoine, le long de la route d’Aix, et porte le nom général de vallon des Aygalades.

Marius Chaumelin Promenades artistiques autour de Marseille

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verte.

Plan d’Urbanisme Directeur de 1959. Š Archives de la Ville de Marseille


DIALOGUE Entre deux BELLEs ACTE I SCÈNE 3 LES ROUGES, LES SOEURS ET LES CORSES. MONIQUE - DANIELLE Place de Saint-Mauront. Deux dames sont assises, ensemble, sur un banc et des chaises pliables. Elles prennent le soleil. MONIQUE : Je suis née en septembre 1929, au 63 de la rue Clovis Hugues, juste à côté d’ici ! À l’époque, elle se nommait la rue Bleue, en l’honneur des groupes de femmes en blouse bleue qui, matin et soir, descendaient et remontaient la rue pour aller travailler à la manufacture. Mon grand-père avait d’abord acheté un appartement au numéro 65, puis il l’a revendu pour acheter le 63. Moi, j’ai acheté au numéro 61 deux ruines que j’ai aménagées et rassemblées. Il était plus grand que le 63 alors j’ai vendu le 63 pour être là. DANIELLE : Ma grand-mère est née ici, dans ma rue, en 1895 ! Sa famille était venue d’Italie. Ils tenaient un bar dans la traverse Bon-Secours. Mon père est né en 1907 au numéro 5 et moi en 1947 au numéro 7. J’habite aujourd’hui au numéro 9. MONIQUE : Mon grand-père paternel était un avocat italien, sarde, venu en France pour défendre les travailleurs italiens qui étaient mal payés ou avaient des problèmes avec leurs patrons. Bien évidemment il s’est installé ici, au coeur de la cité italienne. Il était issu d’une grande famille et parlait parfaitement français. C’était l’avocat des immigrés ! Mes grands-parents maternels vivaient aux Cabauds. Lui était un homme important de la vie politique marseillaise. Quand mes parents se sont mariés, ils sont venus s’installer ici, à la Belle-de-Mai. Mon père était un commercial. Il était toujours impeccablement habillé, avec son costume et son chapeau. Il ne sortait jamais sans eux, jamais sans le « support chaussettes » non plus, y compris quand il y avait une alerte pendant la guerre. Mon Dieu, ça lui prenait des heures de se préparer, nous devions l’attendre patiemment alors que les sirènes se faisaient plus insistantes et que les bombes s’apprêtaient à... Ma mère, elle, ne s’est jamais sentie à l’aise ici ; elle était de droite et c’était un quartier rouge, communiste. Tous les soirs, dans mon lit, j’entendais les gars chanter dans le bar d’en face : « Ma blonde, ma blonde, entends-tu les briques... », et le matin c’était au tour des femmes de l’entonner en coeur lorsqu’elles montaient la rue pour se rendre à la manufacture des tabacs. À force, je la connaissais par coeur. Et pourtant, jamais je n’aurais été autorisée à la chanter chez moi. Pour un chrétien, le communiste, c’était le couteau entre les dents, celui qui égorge. Et pour le curé, c’était le diable incarné.

Marie D’Hombres D’une belle à l’autre, parcours de vie de migrants à Marseille

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Vue aérienne Gare St Charles, 19e siècle, lithographie Le lieu est au point de rencontre d’une vision, d’une pratique, et d’une réflexion. Il n’est pas seulement l’endroit où l’on se tient ; il compte d’abord par sa relation avec d’autres lieux, par ses rapports entre l’intérieur et l’extérieur. Et c’est ce mouvement tel qu’on le perçoit qui lui donne du sens. Marcel Roncayolo, Le géographe dans sa ville

LÉGENDE : nom féminin, désigne d’abord le récit de la vie d’un saint qu’on lisait au réfectoire dans les couvents. Par extension, légende s’applique à tout récit merveilleux d’in évemnement du passé, fondé sur une tradition plus ou moins authentique.

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DIALOGUE SUR UN TOIT D’USINE Racontez-moi quelques années plus tard… Madeleine Chiche : 1999 ? Le Toit et Vous êtes ici ! Mais attention, nous commençons en 1997 ! Nous découvrons le Toit en 1996, quand Philippe décide d’y faire la conférence de presse de Heu ! et autres bruits … Bernard Misrachi : Avant ça, nous avions déjà tourné avec les danseurs des images pour ce spectacle … A la fin de la conférence de presse, un journaliste nous demande quel est notre projet après Heu ! et autres bruits et je réponds : “une résidence sur la Terrasse !” Mais rien du projet n’est écrit… Madeleine Chiche : Nous venons d’avoir un coup de foudre ! (...) Bernard Mirachi : Ce lieu nous a tout de suite semblé évident dans l’envie que nous avions de travailler sur l’espace intime, l’espace public et notre relation à la ville. Mais ça n’a pas eu l’air d’être évident pour tout le monde … Vous l’avez transformé en un lieu inouï d’installation ! Madeleine Chiche : Trois ans de travail pour une proposition inédite, d’abord pour nous, parce que nous n’avons jamais fait ça, investir un lieu si vaste, en extérieur. Une fois de plus, j’ai la trouille. Je dis à Bernard : «C’est trop grand» et il s’énerve ; pour lui, c’est tout ou rien. Nous n’avons pas de commanditaire et nous voulons aussi aller à la rencontre des habitants. Il faut tout imaginer : le principe de production, le processus de travail pour rencontrer les gens et l’installation elle-même. Bernard Misrachi : Il y avait cette phrase qu’on aimait bien et qui venait de Bezons : «Jusqu’où est-on capable d’aller hors de chez soi en pantoufles ?» Elle exprime bien cette relation d’intimité qu’on noue avec les lieux qu’on habite, la maison, la rue, le quartier... Le Toit est le lieu idéal pour damer physiquement cette sensation de ce que sont les liens intimes à un paysage et à la ville qu’on habite : espace où l’on se sent protégé des agressions par cette position suspendue, et en même temps lieu de projection sur cette ville dans laquelle on se reconnaît et qui procure des émotions. En étant sur cette terrasse, le visiteur pénétrait un univers d’images et de sons avec des effets de zoom qui pouvaient l’interroger sur sa relation à la ville et sur sa propre capacité à habiter cet espace immense dans une liberté de déplacement sans parcours préétabli, sans injonction d’aucune sorte. Le plus beau compliment qu’on nous ait fait, c’est quand les spectateurs nous ont dit : «Nous avons un sentiment de liberté formidable. »

Fabrice Lextrait La friche terre de culture

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cartes postales A Maurillia, le voyageur est invité à visiter la ville et à considérer dans le même temps de vieilles cartes postales qui la représentent comme elle était avant : la même place toute pareille avec une poule là où maintenant est la gare des autobus, le kiosque à musique à la place de la passerelle, deux demoiselles avec des ombrelles blanches à la place de la fabrique d’explosifs. Pour ne pas décevoir les habitants, il convient de faire l’éloge de la ville telle qu’elle est sur les cartes postales et de la préférer à celle d’à présent, mais en ayant soin de contenir son regret des changements dans des limites précises : le voyageur doit reconnaître que la magnificence et la prospérité de Maurillia maintenant qu’elle est devenue une métropole, si on les compare à ce qu’était la vieille Maurillia provinciale, ne compensent pas une certaine grâce perdue, laquelle cependant ne peut se goûter qu’à présent sur les vieilles cartes postales, tandis qu’auparavant, avec sous les yeux la Maurillia provinciale, on ne voyait à vrai dire rien de cette grâce, et on en verrait aujourd’hui moins que rien, si Maurillia était restée telle quelle, et en tout état de cause la métropole a cet attrait supplémentaire, qu’au travers de ce qu’elle est devenue on peut repenser avec nostalgie à ce qu’elle était. Gardez-vous bien de leur dire que parfois des villes différentes se succèdent sur le même sol et sous le même nom, naissent et meurent sans s’être connues, sans jamais avoir communiqué entre elles. Quelque-fois même les noms des habitants restent les mêmes, et l’accent de leurs voix, et jusqu’aux traits de leurs visages ; mais les dieux qui demeurent sous les noms et sur les lieux sont partis sans rien dire, et à leur place se sont nichés des étrangers. Il est vain de se demander si ceux-là sont meilleurs ou pires que les anciens dieux, puisque entre eux il n’y a aucun rapport, de la même façon que les vieilles cartes postales ne représentent pas Maurillia telle qu’elle était, mais une autre ville qui par hasard s’appelait aussi Maurillia.

Italo Calvino Les villes invisibles

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MARSEILLE TROPICALE J’ai quitté mon pays en 26 septembre 99 C’était un jeudi à 13 heures Je passe par Madrid Madrid-Paris En avion Paris je reste quatre jours Je rejoins mon frère qui est médecin Qui était médecin à l’hôpital Nord Il n’y avait personne pour m’acceuillir Il n’y avait personne mais je me suis débrouillé De Paris jusqu’à Bondy C’est une banlieue de Paris J’ai pris le RER jusque chez mon copain Là je suis resté trois jours ou quatre jours le temps de se voir et tout Et j’ai débarqué à Marseille Retrouver mon frère qui était médecin à l’hôpital Nord La différence entre le climat qu’il y’a à Marseille et la Mauritanie C’est que vous vous avez le Mistrral et nous on a le vent de sable Oui il arrive ici le vent de sable Il y’a deux semaines il est arivé ici Franchement j’étais content quand j’ai vu le vent de sable Et là j’étais très content Ca m’a rappelé chez moi ca m’a fait plaisir C’était le même Nous chez nous c’est pire ncore Parce que c’est le vent du Sahara qui nous tombe là-dessus Cet été quand il faisait excessivement chaud Je penias que j’étais en Mauritanie en Afrique Sans problème Marseille quand même restera pour n’importe quel Africain de l’Ouest C’est-à-dire quand je dis Afrique de l’Ouest c’est Sénégal, Mali, Mauritanie, le Niger , le Nigeria et tout ca Ca restera un coin Africain Moi personnellement je considère que Marseille est une ville tropicale Au même titre qu’une ville africaine

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Même au niveau des populations les Marseillais sont beaucoup plus sympas que des Toulousains Ou des Limousin ou des Parisiens Là-bas les gens sont trop froids quand tu leur parles ils te répondent même pas Ici on retrouve l’environnement Les mêmes habitudes de manger de s’habiller de boiire le thé Tranquille sans aucun problème Ce qui m’a étonné à Marseille ? Absolument rien ne m’a étonné à Marseille C’est-à –dire que j’ai appris à connaître Marseille sans y mettre les pieds J’ai appris à connaÏtre Marseille en entendant Papa parler de Marseille Ou en entendant Papy parler de Marseille Quand ils ont débarqué Et ça m’est reste dans la tête C’est comme si j’avais fait Marseille Et d’autant plus que depuis mon plus jeune âge étant un fervent supporter de l’équipe De Marseille Je savais tout ce qui se passait au niveau du football Non mais moi Marseille m’a fasciné depuis chez moi J’ai toujours aimmé Marseille Et à un moment, je devais avoir 10 ans, je pensais que c’était Marseille la capitale de la France Pour moi Paris n’était qu’une province Mon père a débarqué à Marseille il avait 18 ans Et il a fait la guerre aorès il esr retourné en Afrique qprès les indépensances Il est décédé en 87 Et Papy c’est la première guerre mondiale Il a débarqué par Marseille lui aussi Ils ont fait les deux guerres et ils sont rentrés Certains Africains ont fait les deux guerres et ils ont préféré rester en France Des Mauritaniens, des Sénégalais, des Maliens Effectivement Et ceux qui n’ont pas fait les deux guerres Qui sont là depuis les années 60-50 Et qui restent définitivement Et qui ont fondé des familles Et tous leurs enfants sont nés ici

Café Verre 15 Entretien avec Mr E réalisé par Claire Warren au Foyer Sonacotra Zoccola

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RÉCIT : nom féminin, forme littéraire consistant en la mise dans un ordre arbitraire et spécifique des faits d’une histoire. Pour une même histoire, différents récits sont donc possibles.

Photo aérienne des quartiers détruits « de derrière la Bourse »

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QUI A DIT ÇA? « Je crois que Marseille est incurable à jamais » « Il faut nous débarrasser de la moitié des habitants de la ville » « Pour que les gens soit mélangés, il faut que certains partent. » De l’inventaire de petites phrases assassines, rassemblées dans ce livre émane un relent de préjugés, de craintes et de mépris. Tout les symptômes d’une phobie, irrationnelle certes, mais qui, chez les décideurs s’est muée en obsession : il faut changer radicalement Marseille, car Marseille n’est pas une ville comme il faut. Depuis des décénnies, voires des siècles, les puissants rêvent de mettre au pli ce port trop populeux. Quitte à lui faire tourner le dos à sa propre histoire. En cela, l’enjeu dépasse la problématique local. Le cas Marseillais est un des épisodes les plus parlants – car l’un des plus tardifs et laborieux – de la guerre menée partout contre les cultures citadines : l’argent est placé au centre, les êtres humains sont déplacés en périphérie. On a souvent châtié Marseille pour la protéger d’elle-même, de ses excès. « Je te tue, mais c’estpour ton bien. » Ainsi, bien qu’éloignées dans le temps, des déci¬sions politiques, militaires, urbanistiques convergent vers une même négation de la ville. Pointer les canons des forts sur ses quartiers, comme l’a fait Vauban. La déchoir de son nom, comme l’ont fait les Jacobins en janvier-février 1794 avec l’arrêté du 17 nivôse, an II. La placer sous tutelle administrative extraordinaire, comme l’a fait le décret-loi du 20 mars 1939 — et ce jusqu’à la Libération. En dynamiter le coeur à la faveur d’une guerre, comme l’ont fait le gouvernement de Vichy et l’armée allemande en février 1943. La bombarder de cinq mille mètres d’altitude pour la libérer, comme l’a fait l’aviation américaine le 27 mai et le 14 août 1944. Et puis la dire laide, insalubre, dangereuse, envahie,’ décadente, pour mieux en rejeter la faute sur ceux qui pâtissent de cet abandon, ses habitants. Séparer le port de la cité, comme l’a fait l’État en créant le port autonome. Dénigrer et refouler les échanges qui la lient à ses voisins naturels. Faire travailler des pools de sociologues pour habiller avec des concepts généreux une opération urbanistique dont le véritable moteur est l’intérêt privé. Utiliser des artistes pour insuffler un peu d’humanité à une réhabilitation qui prévoit d’évincer nombre d’ha¬bitants actuels. Associer argent public et fonds privés pour doper les chantiers de l’épuration. Lui greffer une nouvelle population anonyme, interchangeable, sans existence publique. Tenter de la rendre semblable à n’importe quelle autre ville, ce qui équivaut à lui lifter un visage sans lèvres pour se raconter. Cette ville innommable est aujourd’hui en déconstruction autour de nous.

Bruno Le Dantec La ville sans nom 21


Son astre brillait plus que le mien sous la grande toile Pourquoi ne suis-je pas né sous la même étoile La vie est belle, le destin s´en écarte Personne ne joue avec les mêmes cartes Le berceau lève le voile, multiples sont les routes qu´il dévoile Tant pis, on n´est pas né sous la même étoile Je peux rien faire Je peux rien faire, spectateur du désespoir

Bruno Le Dantec, La ville sans nom

IAM Nés sous la même étoile

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Baguette Magique n°2, Cartaconta


Mektoub, c’est écrit La conquête connait plusieurs étapes parce qu’elle nécessite des batailles contre plusieurs algéries, celle du régent d’Alger tout d’abord, celle de l’émir Abd el-Kader, celle de la Kabylie et enfin, un demi-siècle plus tard, celle du Sahara, des Territoires du Sud comme on les appelle en métropole et ce nom est à la fois mystérieux et banal. De ces algéries multiples, les Français font des départements français. Ils les annexent. Ils les rattachent. Ils savent déjà ce qu’est une histoire nationale, une histoire officielle, c’està-dire une vaste panse dans laquelle peuvent être incorporés de larges pans de terre pour peu que ceux-ci acceptent qu’on leur attribue une date de naissance. Lorsque les nouveaux venus s’agitent à l’intérieur de la grande panse, l’Histoire de France ne s’inquiète pas plus que l’homme qui entend son ventre gargouiller. Elle sait que le processus de digestion peut prendre du temps. L’Histoire de France marche toujours au côté de l’armée française. Elles vont ensemble. L’Histoire est Don quichotte et ses rêves de grandeur, l’armée est Sancho Pança qui trottine à ses côtés pour s’occuper des sales besognes. L’Algérie, à l’été 1830, est clanique. Elle a des histoires. Or quand l’Histoire se met au pluriel, elle commence à flirter avec le conte et la légende. La Résistance d’Abd el-Kader et de sa smala, bourgade ambulante qui paraît flotter dans le désert, résistance de sabres, de burnous et de chevaux semble tout droit tiré des Mille et nuits quand on la regarde depuis la métropole. C’est charmant d’exotisme, ne peuvent s’empêcher de murmurer quelques parisiennes en repliant leur journal. Et dans le « charmant », il faut bien sur entendre que ce n’est pas sérieux. L’Histoire plurielle de l’Algérie n’a pas le poids de l’Histoire officielle, celle qui unifie. Alors les livres des français avalent l’Algérie et ses contes et ils les transforment en quelques pages de leur Histoire à eux, celle qui parait être un mouvement précis, tendu entre les jalons de dates apprises par cœur dans lesquelles le progrès soudain s’incarne, se cristallise et irradie. Le centenaire de la colonisation en 1930 est une cérémonie de l’avalement au cours de laquelle les arabes sont de simples figurants, décoratifs comme des colonnades d’un autre âge, comme des ruines romaines ou une plantation d’arbres exotiques ou anciens. Déjà pourtant des voix s’élèvent de part et d’autre de la Méditerranée pour que l’Algérie ne soit pas que le chapitre d’un livre qu’elle n’a pas le droit d’écrire. Pour le moment, semble t-il, personne ne les entend. D’autres acceptent les versions officielles avec joie et ses livrent à des compétitions de rhétorique pour mieux vanter l’œuvre civilisatrice qui suit son cours. D’autres encore se taisent parce qu’elles s’imaginent que l’Histoire se déroule dans un univers parallèle au leur, un monde de rois et de guerriers dans lequel elles n’ont pas de rôle à jouer. Ali, lui, croit que l’Histoire est déjà écrite et qu’au fur et à mesure qu’il avance elle ne fait que se dérouler, se révéler. Toutes les actions qu’il accomplit ne sont pas les possibilités de changement mais de dévoilement. Mektoub, c’est écrit. Il ne sait pas bien où, peut-être dans les nuages, peut-être dans les lignes de la main, ou à l’intérieur du corps en caractères minuscules, peut-être dans la prunelle de Dieu. Il croit au Mektoub par plaisir, parce qu’il trouve agréable de ne pas avoir à décider de tout. Il croit aussi au Mektoub parce qu’un 24


peu avant ses trente ans, la richesse lui est tombée dessus presque par hasard et penser que c’était écrit lui permet de ne pas se sentir coupable de sa bonne fortune. C’est peutêtre la malchance d’Ali : avoir connu la chance qui tourne sans y avoir été pour rien, avoir vu se réaliser des espérances sans avoir eu besoin d’agir. De la magie est entrée dans sa vie et cette magie là - ainsi que les comportements qu’elle entraine avec elle - il est difficile de s’en défaire. La chance brise les pierres, dit-on parfois la haut, sur la montagne. C’est ce qu’elle a fait pour Ali.

Aline Zeniter l’Art de perdre

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HISTOIRE : nom féminin, emprunt adapté, d’abord sous la forme istorie (déb. XIIe s.), au latin historia « récit d’ événements historiques », « objet de récit historique », mais aussi « récit fabuleux, sornettes», lui-même pris au grec historia «recherche ; enquête, information» et «résultat d’une enquête». Le mot appartient à la famille de endenei : «savoir».

CONVERSATION : nom féminin, échange de propos sur tout ce que fournit la circonstance. Une conversation est un échange d’informations entre au moins deux individus, portant généralement sur un sujet précis. La conversation est une forme courante de communication qui permet à des personnes de faire connaissance.

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1001 nuits Qu’est ce que le projet 1001 nuits ? 1001 Nuits c’est une collecte de récits et une série de rendez-vous artistiques pour passer ensemble du jour à la nuit. Le principe est d’inviter habitants de proximité et voisins métropolitains à découvrir ensemble un endroit du territoire de manière originale, au travers de rencontres et d’histoires qui entrent en résonnance avec les paysages.

Quand ? Du 17 février au 2 septembre 2018.

Où ? Dans des lieux insolites autour du sentier GR2013.

Qui ? 1001 Nuits est un projet proposé par le Bureau des Guides du GR2013, coproduit par MP2018 avec le soutien de la Banque Populaire Méditerranée, en partenariat avec Bouches-duRhône Tourisme et le Comité Départemental de Randonnée Pédestre des Bouches-du-Rhône. 1001 NUITS #1 a été réalisée En coproduction avec la Friche la Belle de Mai.

www.gr2013.fr


PLÉiADES.

Groupe de sept étoiles qui constitue un petit amas très groupé dans la constellation du Taureau et bien visible les nuits d’hiver. Par glissement, groupe de sept poètes français du 16ème siècles. Dérivé : une pléïade, une grande quantité.

« Si vous voulez bien vous approcher un peu plus. La voix porte mal avec le vent. Mais cela fait longtemps qu’il parle aux hommes… nous ferons avec lui ce soir. » Chacun y va d’un petit pas. Nous voilà bien serrés les uns contre les autres, pléÏade de curieux du ciel que le ciel attire. — Ballades sous les étoiles, François Barruel


Conversation dans la pente (alt. 22 m) Où le sentier se perd, non loin d’Ici-même (Gr.) Entre dérive vocale et épopée nocturne, une balade de toit, une table paysage, des nappe-mondes, une couverture pour six et une vue imprenable : la situation sera à vivre, assis, debout, penché, mais bien là ! Depuis plusieurs années déjà, nous “marchons Marseille et conversons la ville”. Au fil des souvenirs et des conversations du jour, des figures passantes et visages inconnus apparaissent, incorporés dans le paysage. Venez prendre place dans le cercle des conversations pentues… Dans la lignée du Conseil extraordinaire créé en août 2017 au Mucem, Ici-Même [Gr.] vous convie à un voyage au cœur d’une polyphonie fabriquée à partir des conversations collectées sur les places et aux coins des rues. Pour cette ouverture des 1001 nuits, ils reviennent sur leurs lieux de flirt avec le tracé du GR 2013 et nous proposent une déambulation sonore imaginée avec la complicité de Radio Grenouille. Conversation dans la pente (alt. 22 m) est aussi à écouter sur Radio Grenouille 88.8

Prochaines NUITS 1001 Nuits #2 Coucher du soleil à 18h38 Le Tarot de Roquevaire Où les cartes de Tarot de Martine, Voyante des territoires, révèlent les dessus et les dessous de Roquevaire. [Parcours - Veillée théâtrale] — Le samedi 10 mars, Cours Négrel Féraud (Roquevaire)

1001 Nuits #3 Coucher du soleil à 18h48 Le trésor des Infernets Où l’on découvre grâce au Trekdanse de Robin de Courcy, qu’en plus d’être des herbivores, nous avions une tête d’aigle, des oreilles de chevaux, le derrière d’un lion et que notre ventre était peut-être celui d’un Protocératops de Provence. [Randonnée dansée] — Le dimanche 18 Mars, Grotte et balcon des infernets (Auriol)


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