Pléiades #7

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1001 Nuits #7

Samedi 28 avril Les animaux ont la parole Camping Marina Plage Allée David Guillermet 13127 Vitrolles

19h Promenade – conférence

20h36 Coucher du soleil

22h DJ Set avec Docteur Zoom

Coucher du soleil

20h36

Pléiades


1001 nuits Qu’est ce que le projet 1001 nuits ? 1001 NUITS c’est une collecte de récits et une série de rendez-vous artistiques pour passer ensemble du jour à la nuit. Le principe est d’inviter habitants de proximité et voisins métropolitains à découvrir ensemble un endroit du territoire de manière originale, au travers de rencontres et d’histoires qui entrent en résonnance avec les paysages.

Quand ? Du 17 février au 2 septembre 2018.

Où ? Dans des lieux insolites autour du sentier GR2013.

Qui ? 1001 NUITS est un projet proposé par le Bureau des guides du GR2013, coproduit par MP2018 avec le soutien de la Banque Populaire Méditerranée, en partenariat avec Bouches-duRhône Tourisme et le Comité Départemental de Randonnée Pédestre des Bouches-du-Rhône. 1001 NUITS #7 a été réalisée grâce à l’accueil du Camping Marina Plage.

Illustrations © Catherine Chardonnay Graphisme © Lindsay & Bourgeix


P L É i A D E S . Groupe de sept étoiles qui constitue un petit amas très groupé dans la constellation du Taureau et bien visible les nuits d’hiver. Par glissement, groupe de sept poètes français du 16ème siècles. Dérivé : une pléïade, une grande quantité.

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« Ma sœur, dit alors Dinarzade, je suis enchantée de ce conte, qui soutient si agréablement mon attention. » « Si le sultan me laisse encore vivre aujourd’hui, repartit Scheherazade, vous verrez que ce que je vous raconterai demain, vous divertira beaucoup davantage. » Quatrième nuit, les Mille et une nuits

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« - Il existe, tout au fond des mers, des poissons monstrueux doués de parole, gardiens d’une langue ancienne, oubliée, parlée jadis par les humains et par les bêtes aux rivages des paradis perdus. Qui osera jamais plonger pour les rejoindre et apprendre auprès d’eux à reparler et à déchiffrer ce langage ? Quel animal ? Quel homme ? Quelle femme ? Quel être ? Celui-là, s’il remontait à la surface, aurait à l’intérieur de sa bouche bleuie par le froid les fragments d’une langue disparue dont nous cherchons inlassablement et depuis toujours l’alphabet. Nous réapprendrions à parler. Nous inventerions des mots nouveaux. On retrouverait notre nom. Tout ne serait pas perdu. » Wajdi Mouawad. Anima. Corpus de l’indéfinissable. Fragment 1

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LE LOUP ET LE CHIEN Un Loup n’avoit que les os et la peau, Tant les chiens faisoient bonne garde. Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau, Gras, poli, qui s’étoit four voyé par mégarde. L’attaquer, le mettre en quartiers, Sire Loup l’eût fait volontiers ; Mais il fallait livrer bataille, Et le mâtin étoit de taille À se défendre hardiment. Le Loup donc l’aborde humblement, Entre en propos, et lui fait compliment Sur son embonpoint, qu’il admire. « Il ne tiendra qu’à vous beau sire, D’être aussi gras que moi, lui repartit le Chien. Quittez les bois, vous ferez bien : Vos pareils y sont misérables, Cancres, hères, et pauvres diables, Dont la condition est de mourir de faim. Car quoi ? rien d’assuré : point de franche lippée ; Tout à la pointe de l’épée. Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin. » Le Loup reprit : « Que me faudra-t-il faire ? - Presque rien, dit le Chien, donner la chasse aux gens Portants bâtons, et mendiants ; Flatter ceux du logis, à son Maître complaire : Moyennant quoi votre salaire Sera force reliefs de toutes les façons : Os de poulets, os de pigeons, Sans parler de mainte caresse. » Le Loup déjà se forge une félicité Qui le fait pleurer de tendresse. Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé. « Qu’est-ce là ? lui dit-il. - Rien. - Quoi ? rien ? - Peu de chose. - Mais encore ? - Le collier dont je suis attaché De ce que vous voyez est peut-être la cause. - Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas Où vous voulez ? - Pas toujours ; mais qu’importe ? - Il importe si bien, que de tous vos repas Je ne veux en aucune sorte, Et ne voudrois pas même à ce prix un trésor. » Cela dit, maître Loup s’enfuit, et court encore. J ean

de la

F ontaine


Les animaux ont changé aussi parce qu’ils nous ont changés. Si en effet ce sont bien des histoires qui découvrent et produisent le monde de nos savoirs, ce ne sont pas « que des histoires ». Evidemment, ces histoires d’animaux sont aussi les nôtres ; jusqu’à présent, il n’est pas un animal qui n’ait acquis une biographie sans que ce soit par l’intermédiaire d’un humain. Certes encore, ces histoires multiples sont le résultat de nos questions et de la manière dont nous traduisons leurs réponses ; elles sont notamment aussi ce qui donne leur pertinence à ces suggestions et à nos possibilités de donner une signification aux réponses. Est-ce à dire que nous « inventons » ces animaux ? Oui d’une certaine manière, non d’une autre. Oui nous les inventons car c’est à nos questions qu’ils répondent, ce sont nos interprétations qui donnent sens à leurs réponses et c’est notre curiosité qui les mobilise. Non car ces scientifiques qui s’adressent ainsi à eux ont cherché passionnément comment faire histoire avec eux. Vinciane Desprès, Quand le loup habitera avec l’agneau.

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De fait, les chiens comptent sur nous pour poursuivre leurs histoires, et avec eux les animaux tout entier. Tous les animaux, et pas seulement les chiens, ont les yeux sur nous, tous les animaux participent de cette joie du chien. Les grands singes peuvent être très gais. Les oiseaux peuvent être cabots. Les chevaux sont reconnaissants. Qui sait si même les insectes ne sont pas capables de tendresse. Ils savent un peu de ce que savent les chiens. C’est seulement qu’ils le montrent avec moins d’évidence. Dans « animal », il y a « anima », l’âme, l’esprit. Les animaux donc les chiens mais aussi les plantes, peut-être même les pierres s’en remettent à nous pour accomplir le destin de la terre, entretenir le cycle des saisons, veiller sur l’équilibre entre la vie et la mort, bref protéger le mythe d’Éleusis et de Pâques : le mystère de l’esprit. Et s’il est une chose susceptible de ternir la grande joie de tous ces êtres, c’est uniquement celle-là : que nous ne soyons pas à la hauteur de leurs attentes. Si nous avons un devoir à l’égard des bêtes, c’est finalement celui-là : pas tant de les protéger de la souffrance que de trahir l’espoir qu’ils ont placé en nous. Mark Alizart, Chiens.


L’ANGUILLE ET LE PÉTROLE Qui pour nous enseigner la conciliation des lignes de vie des deltas ? Les anguilles, elles, ont la science des couches sédimentaires de surface et la science des fossés profonds. Elles naissent en profondeur salée, elles grandissent en eau douce. Julio Cortázar écrit dans la Prose de l’observatoire que « nous n’avons pas encore trouvé le rythme du serpent noir, nous en sommes à peine à la peau du monde et de l’homme. Là, non loin, les anguilles battent leur immense pouls, leur cycle planétaire, tout attend pour entrer dans une danse qu’aucune Isadora n’a encore dansée de ce côté-ci du monde, troisième monde global de l’homme sans lisières, pataugeant dans l’histoire, veille de lui-même. Les anguilles tournent dans le sens inverse, leur cycle de reproduction va à rebours de celui des autres poissons migrateurs. Les anguilles sont comme un fleuve qui prendrait sa naissance dans la mer, comme le fleuve Alphée qui vient du néant de la disparition pour retrouver la terre et nous livrer son archive. Anguilla rostrata, l’anguille d’Amérique, descend le Mississippi, quitte les marais du delta et va se reproduire en mer des Sargasses. Anguilla anguilla, n’est guère différente de sa cousine américaine. Elle possède cent-quatorze vertèbres, contre cent-sept pour l’Américaine. Elle descend le Rhône, quitte les marais du delta et va se reproduire en mer des Sargasses. Les Anguilles des deux deltas se rencontrent donc en profondeur. Avant de donner naissance à leur descendance et avant de mourir, elles se donnent des nouvelles sur leurs paysages pétrochimiques respectifs. ExxonMobil, Texaco, Shell, BP, Valero, Chevron pour l’une. Total, Lyondell, Naphtachimie, Arkema, Geogaz, Esso dit l’autre. Elles connaissent tous les sédiments, elles connaissent donc le pétrole, roche sédimentaire aux cents constituants, roche mobile comme l’eau. Comme elles. Huile de roche aux pouvoirs magiques. Comme elles. Hydre du confort moderne d’où l’on distille le bitume, le fioul lourd, l’huile, le gazole, le kérosène, le naphta, l’essence, le gaz… Comme elles, les anguilles, serpents noirs aux mille vies. FEU Ce soir je brûle en leur hommage le bitume brut trouvé, tel un galet de plage, à Lavéra. Je brûle le bitume brut avec une fourchette au bout d’un manche, la « fouine » qu’utilisaient les gamins de petite Camargue pour harponner les anguilles. Le bitume brut devient pâteux et dessine en viscosité sur le tissu blanc deux anguilles entrelacées en mer des Sargasses. L’Américaine et l’Européenne. Toujours les anguilles seront les représentantes des contraires qui fouillent le sédiment. Elles sont de l’eau douce et de l’eau salée. Elles sont des sansouires et des lagunes. Elles sont des marais et des torrents. Elles sont des lacs et des petites mers… Ensemble tout cela, jusque dans la mort océanique. Mort de reproduction du cycle des contraires qui fouilleront le sédiment jusqu’à la naissance. Sous la peau du monde.

Extrait de Matthieu Duperrex, Sédiment(s), 2018 http://www.urbain-trop-urbain.fr/sediments/ 10


Extraits, Les ressources halieutiques de l’Êtang de Berre, Ifremer, 1989


L’installation de diverses industries a conduit progressivement le canal de Caronte à s’agrandir pour permettre aux gros navires de rejoindre l’étang de Berre ; le canal a donc été creusé progressivement de -3 m à -6 m et jusqu’à -9 m de fond en 1925 et il se poursuit dans l’étang lui-même par le canal de navigation. Cette liaison entre le golfe de Fos et l’étang de Berre a facilité le passage des eaux fortement salines qui sont venues occuper les parties les plus profondes de l’étang. Les principales industries implantées sont : Sur le pourtour de l’étang de Berre : - SHELL CHIMIE - SHELL BERRE - CFR - BP Sur la bordure du canal de Caronte : - CHEVRON CHEMICAL CIE - UGINE KUHLMAN - VIEILLE MONTAGNE - NAPHTACHIMIE Il convient de rappeler qu’un accord entre les pêcheurs de Berre et les industriels riverains avait amené la promulgation de la loi du 7 août 1957 qui interdisait la pêche dans l’étang, et qui prévoyait que dans les dix années l’activité devait s’éteindre. En fait, les industriels ne désirant pas voir leur expansion entravée par des conflits avec la profession, avaient versé à celle-ci une indemnisation de 5 millions de francs. L’implantation de l’usine hydroélectrique de St Chamas est la conséquence de l’aménagement hydroélectrique de la basse vallée de la Durance. L’E.D.F. a donc fait construire un canal dont l’alimentation est assurée par un barrage érigé en aval du confluent de la Durance et du Verdon. C’est après avoir traversé les usines de St EstèveJanson, Mallemort et Salon que les eaux sont déversées au Nord de l’étang, à proximité de St Chamas. Le choix de l’étang comme bassin de déversement pour ces eaux douces et turbides ne pouvait correspondre qu’à des considérations techniques et économiques. En effet, les conséquences écologiques désastreuses d’une telle agression sur un milieu aussi sensible et fragile qu’un étang saumâtre quasi fermé ne pouvaient laisser aucun doute. Les principaux effets néfastes qui se sont traduits à compter du début de ces rejets considérables (soit quatre fois le volume de l’étang par an ou cinq fois l’apport de l’ensemble des autres affluents durant la même période) sont : - Apports liquides : des variations de la salinité - Apports solides : un envasement - Apports chimiques : une arrivée de polluants chimiques industriels (notamment des hydrocarbures et des phénols) et une eutrophisation de l’eau par drainage des engrais agricoles. Extraits, Les ressources halieutiques de l’étang de Berre, Ifremer, 1989 12



Cité rose, 1950

« La prospérité de notre région, dont l’avenir industriel est immense, sera assurée lorsque les industries existantes ou à créer trouveront sur place la main d’œuvre nécessaire à leur fonctionnement. Il faut donc que cette main d’œuvre, quelle que soit la classe de travailleurs à laquelle elle s’adresse, [...] puisse se loger à Vitrolles, dans une Cité Moderne, munie de tous les conforts, qui permettent à chacun d’y vivre largement et sainement. Le Ministre de la Reconstruction tente l’expérience unique dans notre pays, de créer de toutes pièces la cité moderne, la cité modèle ici même à Vitrolles. Nous le remercions de ce choix. Nous tenterons jusqu’à usure de nos forces, de justifier ce choix, par un labeur constant et une large compréhension de l’avenir, de ne pas décevoir le Ministre. [...] Nous donnerons bientôt le premier coup de pioche pour la construction de 100 immeubles au titre de la reconstruction et de 120 logements au titre du Ministère de l’Air. » H. Loubet, Maire de Vitrolles, 17 mai 1946

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En 1964, les premières entreprises se sont installées sur la zone industrielle de Vitrolles, et leur nombre atteint maintenant 157. La partie principale est occupée à 75% et la variété des entreprises qu’on y rencontre permet au visiteur de côtoyer à peu près toutes les familles professionnelles. Sur l’extension, remodelée pour permettre à la mission d’Aménagement de l’Étang de Berre de poursuivre ses études sur les infrastructures nouvelles qu’elle projette dans la périphérie, les chantiers sont nombreux et plusieurs bâtiments déjà exploités. Tous les terrains sont vendus, et nous connaissons les quelques 215 entreprises apportant environ 7 500 emplois. [...] Par contre, la rareté des logements en location perturbe le marché du travail, empêchant les entreprises de faire appel au personnel de certaines catégories 5 [...]. Extrait Nouvelle ville, Transborder Zone industrielle des estroublans, 1963



Ils l’appelèrent « terre de printemps » Springfield est le nom de cette ville fictive, espace théâtral imaginaire où se jouent les aventures des célèbres héros d’un dessin animé satirique. C’est aussi, et pour cette référence, le surnom affectueux de cette petite ville née de l’imagination des aménageurs et porteuse de nombreux espoirs tel que l’annonçait Henri Loubet. La ville nouvelle de Vitrolles va être créée de toutes pièces donnant à ses élus et aux nouveaux habitants des airs de pionniers devant conquérir un nouveau territoire pour le façonner, et en faire leur lieu de vie. Le paysage, espace théâtral réel cette fois, est celui de la ville nouvelle et du mythe qu’il porte. Par ses paysages naturels, ses grandes avenues, Vitrolles a des airs de banlieue américaine. Les terres rouges du plateau avec ses rochers qui nous évoquent les Rocheuses, les grosses voitures, le cinéma ... : en prenant ces photographies, je contribue, par la forme que je leur donne et l’interprétation du réel que je fais, à créer ce mythe. Elles nous révèlent la ville au travers d’un regard décalé. Il n’est pas question de montrer Vitrolles en tant que telle, mais de nous la raconter à travers son surnom, telle que je la perçois. Ce travail repose sur l’imaginaire des représentations et des désirs à partir d’un point de vue qui, s’il procède d’une interprétation, s’élabore néanmoins à partir du réel.

Philippe Conti Nouvelle ville, Transborder 2013

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Déclaration de Seattle, chef indien, en 1854 « Comment peut-on vendre ou acheter le ciel, la chaleur de la terre ? Cela nous semble étrange. Si la fraîcheur de l’air et le murmure de l’eau ne nous appartient pas, comment peut-on les vendre ? » « Pour mon peuple, il n’y a pas un coin de cette terre qui ne soit sacré. Une aiguille de pin qui scintille, un rivage sablonneux, une brume légère, tout est saint aux yeux et dans la mémoire de ceux de mon peuple. La sève qui monte dans l’arbre porte en elle la mémoire des Peaux-Rouges. Les morts des Blancs oublient leur pays natal quand ils s’en vont dans les étoiles. Nos morts n’oublient jamais cette terre si belle, puisque c’est la mère du Peau-Rouge. Nous faisons partie de la terre et elle fait partie de nous. Les fleurs qui sentent si bon sont nos sœurs, les cerfs, les chevaux, les grands aigles sont nos frères ; les crêtes rocailleuses, l’humidité des prairies, la chaleur du corps des poneys et l’homme appartiennent à la même famille. Ainsi, quand le grand chef blanc de Washington me fait dire qu’il veut acheter notre terre, il nous demande beaucoup... » « Les rivières sont nos sœurs, elles étanchent notre soif ; ces rivières portent nos canoës et nourrissent nos enfants. Si nous vous vendons notre terre, vous devez vous rappeler tout cela et apprendre à vos enfants que les rivières sont nos sœurs et les vôtres et que, par conséquent, vous devez les traiter avec le même amour que celui donné à vos frères. Nous savons bien que l’homme blanc ne comprend pas notre façon de voir. Un coin de terre, pour lui, en vaut un autre puisqu’il est un étranger qui arrive dans la nuit et tire de la terre ce dont il a besoin. La terre n’est pas sa sœur, mais son ennemie ; après tout cela, il s’en va. Il laisse la tombe de son père derrière lui et cela lui est égal ! En quelque sorte, il prive ses enfants de la terre et cela lui est égal. La tombe de son père et les droits de ses enfants sont oubliés. Il traite sa mère, la terre, et son père, le ciel, comme des choses qu’on peut acheter, piller et vendre comme des moutons ou des perles colorées. Son appétit va dévorer la terre et ne laisser qu’un désert... » « L’air est précieux pour le Peau-Rouge car toutes les choses respirent de la même manière. La bête, l’arbre, l’homme, tous respirent de la même manière. L’homme blanc ne semble pas faire attention à l’air qu’il respire. Comme un mourant, il ne reconnaît plus les odeurs. Mais, si nous vous vendons notre terre, vous devez vous rappeler que l’air nous est infiniment précieux et que l’Esprit de l’air est le même dans toutes les choses qui vivent. Le vent qui a donné à notre ancêtre son premier souffle reçoit aussi son dernier regard. Et si nous vendons notre terre, vous devez la garder intacte et sacrée comme un lieu où même l’homme peut aller percevoir le goût du vent et la douceur d’une prairie en fleur... » « Je suis un sauvage et je ne comprends pas une autre façon de vivre. J’ai vu des milliers de bisons qui pourrissaient dans la prairie, laissés là par l’homme blanc qui les avait tués d’un train qui passait. Je suis un sauvage et je ne comprends pas comment ce cheval de fer qui fume peut-être plus important que le bison que nous ne tuons que pour les besoins de notre vie. Qu’est-ce que l’homme sans les bêtes ? Si toutes les bêtes avaient disparu, l’homme mourrait complètement solitaire, car ce qui arrive aux bêtes bientôt arrive à l’homme. Toutes les choses sont reliées entre elles. » « Vous devez apprendre à vos enfants que la terre sous leurs pieds n’est autre que la cendre de nos ancêtres. Ainsi, ils respecteront la terre. Dites-leur aussi que la terre est riche de la vie de nos proches. Apprenez à vos enfants ce que nous avons appris aux nôtres : que la 18


terre est notre mère et que tout ce qui arrive à la terre arrive aux enfants de la terre. Si les hommes crachent sur la terre, c’est sur eux-mêmes qu’ils crachent. Ceci nous le savons : la terre n’appartient pas à l’homme, c’est l’homme qui appartient à la terre. Ceci nous le savons : toutes les choses sont reliées entre elles comme le sang est le lien entre les membres d’une même famille. Toutes les choses sont reliées entre elles... » « Mais, pendant que nous périssons, vous allez briller, illuminés par la force de Dieu qui vous a conduit sur cette terre et qui, dans un but spécial, vous a permis de dominer le Peau-Rouge. Cette destinée est mystérieuse pour nous. Nous ne comprenons pas pourquoi les bisons sont tous massacrés, pourquoi les chevaux sauvages sont domestiqués, ni pourquoi les lieux les plus secrets des forêts sont lourds de l’odeur des hommes, ni pourquoi encore la vue des belles collines est gardée par les fils qui parlent. Que sont devenus les fourrés profonds ? Ils ont disparu. Qu’est devenu le grand aigle ? Il a disparu aussi. C’est la fin de la vie et le commencement de la survivance.» Chef Seattle, 1854

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Bestiaire pavillonaire de l’Etang de Berre

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LES FAUVES J’ai toujours été fasciné par les fauves. Leur beauté, leur classe incroyable, leur mauvais caractère et surtout l’espèce de tension qu’ils provoquent dans le public. À 14 ans, pendant les vacances scolaires, j’ai commencé à les travailler à l’insu de mes parents qui, je le savais, ne seraient pas d’accord. Un numéro à sept tigres. Je crois que je me débrouillais pas trop mal. Quand il a découvert ça, mon père est sorti de ses gonds : « Je n’ai pas fait un fils pour qu’il se fasse bouffer par un tigre. » Quelques temps plus tard, ses rapports sont devenus difficiles avec le dompteur qui, un jour, est parti en claquant la porte du chapiteau. Je l’ai remplacé alors au pied levé sans rien dire à mes parents alors absents. Ils ont appris trop tard que je présentais un numéro tous les soirs. Je sais qu’il faut se méfier des fauves et plus d’une fois j’ai pris un coup de patte. Il faut dire que j’ai fait beaucoup de conneries, surtout par fanfaronnade. Par exemple, je me suis trop approché des bêtes, ou je me suis amusé à tirer les moustaches des tigres. Longtemps, j’en ai trop fait. Total : mon thorax a été labouré par leurs griffes, littéralement. Un champ de bataille : on dirait la poitrine d’un vétéran de la bataille de Corée. Si je ne compte plus les blessures qu’elles m’ont infligées, les bêtes m’ont aussi donné beaucoup de joie et d’affection. Je pense à Gina qui me faisait tout le temps des câlins et surtout à Sophie, une adorable tigresse qui a été attaquée un jour par un tigre à la fin d’un spectacle à Berck. Elle était comme un enfant pour moi et c’est évidemment cette complicité qu’elle a payée. Dans le monde des fauves, ça ne pardonne pas. C’était une bête très douce qui aimait les abricots secs et les Bountys. Trop gentille ma tigresse Sophie : ça équivaut pour son espèce à une condamnation à mort. Après l’attaque, elle était si faible, avec tout le sang perdu, qu’on l’a mise sous perfusion. J’ai dormi plusieurs nuits avec elle dans sa cage : elle est morte dans mes bras. Le pire pour un dompteur, c’est la confiance qu’il finit toujours par accorder à ses bêtes. Les lions et les tigres vous testent tout le temps. Si vous leur laissez une chance, ils la prennent aussitôt. Sur la piste, il faut tout le temps rester en alerte. Si j’ai un coup de mou ou un coup de fatigue, je sais que je suis en danger. Le tigre est un solitaire qui, à la première occasion, vous saute dessus, directement au bulbe rachidien. Il est très intelligent et très fourbe. Avec sa patte, il calcule sans cesse la distance entre lui et vous et, croyez-moi, ce n’est pas pour jouer. Dès qu’il sent une ouverture, il attaque par derrière et vous lacère le visage en un rien de temps. Le lion est moins retors. Contrairement au tigre, il prend de face. Il vous saute dessus et les autres rappliquent aussitôt pour vous transformer en chair à pâté. Cela m’est arrivé en 2013. Les lions m’ont mis à terre et je n’étais pas fier. Je m’en suis sorti de justesse - mais blessé bien sûr - grâce à l’intervention de mon beau-frère qui était à la porte. Il est entré dans la cage pour faire diversion avec des biscuits au chocolat et me permettre de me relever. Sinon, j’aurais été bouffé. Aujourd’hui c’est ma fille Sophie qui surveille les bêtes de l’autre côté de la cage avec toujours des friandises à portée de main, des BN en particulier. Il me faut dire également tout le bonheur que m’ont apporté les éléphants que j’ai dressés naguère. C’est un animal très intelligent et très sentimental, avec une mémoire phénoménale. Quand vous avez sons affection tout devient possible. On peut tourner les choses dans tous les sens, le cirque est l’un des derniers endroits de la planète placé sous le signe de l’amour des animaux. Il nous donne chaque soir, sous les chapiteaux, la preuve vivante que, comme le disait Saint-François d’Assise, nous sommes tous des frères et soeurs.

Frédéric Edelstein Directeur et dompteur du cirque Pinder


C’est un gitan qui installait souvent son cirque de félins à Vitrolles. Ça s’appellait «Le Monde des Fauves». Il allait de ville en ville et quand il s’installait à Vitrolles, c’était toujours derrière Magicland. J’ai pris cette photo il y a une quinzaine d’années. A force de venir photographier ses félins, le dompteur, m’a laissé entrer dans la cage pour les photographier. Il avait des fauves, mais aussi des chimpanzés, une panthère et une otarie. 04/01/2011, Jean-Pierre Delage, « Le Monde des Fauves », fin des années 90’s 23



C’EST ALORS QU’UN CAMPING… Sur ces terres défoncées par les tractopelles qui avaient creusé la terre afin de remblayer la piste de l’aéroport Marseille-Provence naissant, Albert et Madeleine mirent une caravane. Lorsqu’ils sortaient tous les deux, le matin, de leur maison de fortune, le regard d’Albert balayait la campagne environnante. Alors que chacun ne voyait que des tas de gravats abandonnés çà et là par des gens indélicats, lui seul voyait des tentes et des caravanes, des touristes ravis, des enfants en maillot de bain jouant sur la plage ; sous le brûlant soleil de Provence, au bord de l’Etang de Berre. Lui seul entendait déjà, bien avant que les autres n’y croient, le bruit des niveleuses qui allaient travailler la terre, et le son sec de sa pioche qui allait bientôt s’abattre dans cette même terre, afin de la travailler, de la façonner. Une nouvelle page s’ouvrait devant Madeleine et Albert ; leurs mains, fébriles et impatientes, allaient écrire un nouveau chapitre, dont la sueur en serait l’encre. Extrait La Saga Féraud RENCONTRA UN DROMADAIRE… En 2004 le petit cirque de Lydia Zavatta s’arrête sur la chaussée à proximité du Camping Marina. Une interdiction temporaire de transporter les animaux en Corse oblige les circassiens à trouver une maison de villégiature pour leurs bêtes. Entre la famille Féraud, anciens paysans devenus patrons de camping industriel et la famille Zavatta, animaliers nomades en caravane, le courant passe tout de suite. Le Camping Marina pris soin de la ménagerie cet été là, et jamais plus ne vécu sans animaux.

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1001 nuits Qu’est ce que le projet 1001 nuits ? 1001 Nuits c’est une collecte de récits et une série de rendez-vous artistiques pour passer ensemble du jour à la nuit. Le principe est d’inviter habitants de proximité et voisins métropolitains à découvrir ensemble un endroit du territoire de manière originale, au travers de rencontres et d’histoires qui entrent en résonnance avec les paysages.

Quand ? Du 17 février au 2 septembre 2018.

Où ? Dans des lieux insolites autour du sentier GR2013.

Qui ? 1001 Nuits est un projet proposé par le Bureau des Guides du GR2013, coproduit par MP2018 avec le soutien de la Banque Populaire Méditerranée, en partenariat avec Bouches-duRhône Tourisme et le Comité Départemental de Randonnée Pédestre des Bouches-du-Rhône. 1001 NUITS #1 a été réalisée En coproduction avec la Friche la Belle de Mai.

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PLÉiADES.

Groupe de sept étoiles qui constitue un petit amas très groupé dans la constellation du Taureau et bien visible les nuits d’hiver. Par glissement, groupe de sept poètes français du 16ème siècle. Dérivé : une pléiade, une grande quantité.

« Si vous voulez bien vous approcher un peu plus. La voix porte mal avec le vent. Mais cela fait longtemps qu’il parle aux hommes… nous ferons avec lui ce soir. » Chacun y va d’un petit pas. Nous voilà bien serrés les uns contre les autres, pléiade de curieux du ciel que le ciel attire. — Ballades sous les étoiles, François Barruel


Les animaux ont la parole Où Laurent Petit, grand spécialiste de télépathie animale, tente de rentrer en contact avec des lamas, des coquillages et éventuellement des moustiques si jamais ils essayent de nous attaquer par surprise Sachant que le Camping Marina Plage est entre autres choses une sorte de maison de retraite pour animaux de cirque, on essaiera de rentrer en contact avec des dromadaires, des yacks et des lamas pour revenir sur les moments les plus marquants de leur carrière et voir quel avenir est encore possible pour les animaux de cirque qui souhaitent revenir dans la vie active. Nous profiterons de la présence exceptionnelle de l’étang de Berre pour en savoir plus sur les réactions des coquillages et des poissons après les dernières mesures phytosanitaires prises par l’Europe et la Métropole. Suivant la météo, on tentera aussi d’avoir des nouvelles des chauves souris voire des moustiques si toutefois ils se laissent approcher. Démonstrateur par l’absurde, Laurent Petit s’attaque à l’inconscient et aux pathologies des villes, avec son Agence nationale de psychanalyse urbaine (ANPU), une démarche urbanistique indissociable d’un goût pour le maniement des mots, qu’ils soient absurdes ou guérisseurs. Après avoir sillonné la France à la rescousse des maux des villes, Laurent Petit a décidé de sauver les moustiques, les animaux des villes ou encore ceux

des cirques. Une étape de plus dans son projet global de world analysis – car Laurent Petit caresse le désir abracadabrant de guérir le monde entier.

Prochaines NUITS 1001 Nuits #8 Coucher du soleil à 20h44 Pétrole Où Christian Sebille et Philippe Foch invoquent turbines, tournilles et tourbillons. [Concert électroacoustique] — Le samedi 5 mai, Macap (Aix-en-Provence)

1001 Nuits #9 Coucher du soleil à 20h50 L’ ascension d’Elzear Où Christine Breton et Clémentine Henriot nous emmènent sur les traces de l’ermite Elzear. [Récits marchés] — Le jeudi 10 mai, La Maison Sainte Victoire du plateau du Cengle (St-Antonin-sur-Bayon / Beaurecueil)

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