1001 Nuits #4 Coucher du soleil
20h04
Pléiades
Dimanche 1 avril Au bord de la ville Gare TER Saint-Antoine Avenue de Roquefavour 13015 Marseille
de 14h à 20h Marche-lecture
20h04 Coucher du soleil
1001 nuits Qu’est ce que le projet 1001 nuits ? 1001 NUITS c’est une collecte de récits et une série de rendez-vous artistiques pour passer ensemble du jour à la nuit. Le principe est d’inviter habitants de proximité et voisins métropolitains à découvrir ensemble un endroit du territoire de manière originale, au travers de rencontres et d’histoires qui entrent en résonnance avec les paysages.
Quand ? Du 17 février au 2 septembre 2018.
Où ? Dans des lieux insolites autour du sentier GR2013.
Qui ? 1001 NUITS est un projet proposé par le Bureau des Guides du GR2013, coproduit par MP2018 avec le soutien de la Banque Populaire Méditerranée, en partenariat avec Bouches-duRhône Tourisme et le Comité Départemental de Randonnée Pédestre des Bouches-du-Rhône.
Illustrations © Catherine Chardonnay Graphisme © Lindsay & Bourgeix
P L É i A D E S . Groupe de sept étoiles qui constitue un petit amas très groupé dans la constellation du Taureau et bien visible les nuits d’hiver. Par glissement, groupe de sept poètes français du 16ème siècles. Dérivé : une pléïade, une grande quantité.
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« Ma sœur, lui dit Dinarzade, il faut convenir que plus vous parlez, et plus vous faites de plaisir. J’espère que le sultan, notre seigneur, ne vous fera pas mourir qu’il n’ait entendu le reste du beau conte du pêcheur. — Le sultan est le maître, reprit Scheherazade ; il faut vouloir tout ce qui lui plaira. » Le sultan, qui n’avait pas moins d’envie que Dinarzade d’entendre la fin de ce conte, différa encore la mort de la sultane. Dizième nuit, les Mille et une nuits
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Bonjour et bienvenue. Bienvenue ici. Nous sommes heureux de vous accueillir pour cette 2ème balade littéraire de La Folie Kilomètre. Nous l’avons intitulée “Au bord de la ville”. Ceci n’est pas un spectacle. Il n’y a rien à voir à part tout ce qu’il y a sous nos yeux. Rien à écouter à part les mots que nous choisirons de partager. Une balade littéraire est un voyage en équilibre sur les fils tendus entre le paysage qui s’offre à nous et l’histoire qui s’échappe du livre que chacun a choisi et emporté. Arpenter un morceau de territoire, traverser le paysage, dénicher des points de vue, se laisser aller aux aspérités du terrain. Garder avec soi le livre que l’on a choisi et emporté. Jusqu’au moment opportun. L’endroit où le récit résonne dans le paysage. La rencontre entre les mots et la géographie, entre nos pas et les récits. Restons attentifs, aux aguets, en recherche… Le paysage est un écrin. Il n’y a pas d’erreurs possibles, nous marcherons les oreilles au vent choisissant nos points d’arrêts et d’écoute avec nos intuitions, nos sensations. Ce sont des tentatives. Portons nos voix au gré des hasards. Pour choisir un endroit de lecture, cherchons les évidences de contextes, les contrastes et la fantaisie, les métaphores poétiques et les envolées fictionnelles. Chuchoter, raconter, crier, scander, confier, déclarer, déclamer... Autant de manière de faire voyager nos mots au bord de la ville. Pour nous accompagner, voici la Pléiade du jour, imaginée par le Bureau des Guides. Il s’agit d’un guide d’étonnement pour nourrir notre marche, notre démarche. Pendant l’après-midi, nous vous invitons à vous emparer de ces textes si vous le souhaitez. Et afin de clore cette randonnée littéraire par un rituel crépusculaire, nous vous confions une mission de marcheur-lecteur : celle de collecter parmi tous les mots entendus aujourd’hui une série de mots qui vous plaisent particulièrement, d’une part, et de choisir votre mot-fétiche, d’autre part, selon la catégorie qui vous incombe. Marcher, lire, écouter, collecter des mots précieux. À nous de jouer… C’est parti.
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"Le livre que j'ai pris avec moi" : ——————————————————————————— ——————————————————————
Comment je joue avec les mots dans le paysage ? - avec contraste - par décalage - en harmonie - avec humour - en créant du rythme / du mouvement - en focalisant sur un élément - par un jeu d’échelle - avec équilibre - par superposition - au hasard - ———————————
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« La société du spectacle recycle sans cesse la matière de nos rêves, et si le nom de Marseille fait à présent rêver, c’est dans la seule mesure où il peut exciter le fantasme californien d’un éternel été. » Alèssi Dell’Umbria Histoire universelle de Marseille
Un jour, les sentiers se vengeront d’avoir été battus. Sylvain Tesson Aphorismes sous la lune et autres pensées sauvages
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Par ordonnance du roi LOUIS-PHILIPPE du 26 décembre 1837, une taxe additionnelle sur le droit d’octroi d’entrée des farines et du pain à Marseille sera perçue, pour faire face à l’emprunt de 10 millions destiné à la réalisation du canal. C’est surprenant, mais c’est ainsi que l’avait imaginé le Maire CONSOLAT et son Conseil Municipal, dix mois auparavant, le 13 février 1837. Le 19 novembre 1849, soit 12 ans après, l’inauguration est commentée par la presse en de longs articles dithyrambiques : «La fête destinée à solenniser l’arrivée des eaux de la Durance sur notre territoire a eu lieu hier au hameau de la Gavotte, près, de Saint-Antoine, par un temps magnifique et au milieu d’un immense concours de population» Pendant tout l’après-midi, de longues files de voitures, de cavaliers et de piétons se dirigeaient vers le sommet de la Viste. A cinq heures, le cortège officiel, composé des membres du corps et du Conseil Municipal et des autorités supérieures, parmi lesquelles on remarquait Monsieur le Lieutenant Général Comte d’Hautpoul, Monsieur le Secrétaire Général de la Préfecture, remplissant les fonctions de Préfet, Monsieur le Maréchal de camp PARCHAPPE, Monsieur REYBAUD, Député, Messieurs les Présidents des Tribunaux Civils et de Commerce et de la Chambre de Commerce, tous les Chefs de Services Publics, est arrivé à l’intersection de la route royale et du canal et s’est porté avec la masse des spectateurs jusqu’à la tranchée en aval du souterrain de Notre-Dame. Monseigneur L’Evêque, Eug. de MAZENOD, suivi de son clergé officiant, est venu occuper le centre de la plate-forme qui domine la sortie du souterrain, que l’on avait élégamment décorée de vases de fleurs, de pavillons et drapeaux aux couleurs nationales. Autour de l’enceinte et sur les talus environnants se pressait une foule compacte. Vers sept heures, les premières eaux ont commencé à paraître. Henri Carvin, Entre mer et colline
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De l’eau et des hommes Depuis que les eaux d’une grande rivière ont été amenées sur ce territoire et qu’elles s’y divisent en une multitude de canaux, béals, branches et rigoles qui arrosent les hauteurs comme les vallées, le goût des maisons de plaisance a pris un développement extraordinaire chez les Marseillais, naturellement amis de la campagne et des plaisirs rustiques. Nous ne reviendrons pas d’avantage sur les bienfaits du canal qui, prenant les eaux de la Durance en aval du pont de Pertuis, les amène à Marseille après un projet de plus de 92 kilomètres, franchissant des vallées profondes sur des constructions monumentales, et traversant des collines considérables dans de vastes souterrains. Grâce à ces eaux bienfaisantes, la face du terradou a complètement changé, et au fond, le Marseillais a bien le droit d’être fier d’une semblable transformation. Après avoir fait admirer aux étrangers sa mer et ses rochers, et leur avoir dit humblement: « Voilà l’oeuvre de Dieu! », il pourra s’écrier avec un légitime orgueil: « Voici maintenant ce qu’a fait l’homme! », et il étalera à leurs regards les résultats de sa lutte victorieuse avec une nature rebelle. »
Marius Chaumelin Promenades artistiques autour de Marseille, 1854
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Une collection de mots que j’ai entendu aujourd’hui : —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— —— ——
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Mon mot fétiche : —— —— —— —— —— —— —— ——
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Je vous construirai une ville avec des loques, moi ! Je vous construirai une ville avec des loques, moi ! Je vous construirai sans plan et sans ciment Un édifice que vous ne détruirez pas, Et qu’une espèce d’évidence écumante Soutiendra et gonflera, qui viendra vous braire au nez, Et au nez gelé de tous vos Parthénons, vos arts arabes, et de vos Mings. Avec de la fumée, avec de la dilution de brouillard Et du son de peau de tambour, Je vous assoirai des forteresses écrasantes et superbes, Des forteresses faites exclusivement de remous et de secousses, Contre lesquelles votre ordre multimillénaire et votre géométrie Tomberont en fadaises et galimatias et poussière de sable sans raison. Glas ! Glas ! Glas sur vous tous, néant sur les vivants ! Oui, je crois en Dieu ! Certes, il n’en sait rien ! Foi, semelle inusable pour qui n’avance pas. Oh monde, monde étranglé, ventre froid ! Même pas symbole, mais néant, je contre, je contre, Je contre et te gave de chiens crevés. En tonnes, vous m’entendez, en tonnes, je vous arracherai ce que vous m’avez refusé en grammes. Le venin du serpent est son fidèle compagnon, Fidèle, et il l’estime à sa juste valeur. Frères, mes frères damnés, suivez-moi avec confiance. Les dents du loup ne lâchent pas loup. C’est la chair du mouton qui lâche. Dans le noir nous verrons clair, mes frères. Dans le labyrinthe nous trouverons la voie droite. Carcasse, où est ta place ici, gêneuse, pisseuse, pot cassé ? Poulie gémissante, comme tu vas sentir les cordages tendus des quatres mondes ! Comme je vais t’écarteler !
Henri Michaux CONTRE !
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Que voit-on ? Rien ! Aucune urbanisation : seulement de modestes noyaux villageois, la campagne avec ses fermes dispersées et des collines, beaucoup de colline. Mais cette carte montre pourtant énormément de choses : rien de moins que les éléments structurants essentiels de ce territoire. Nous y voyons le village de Cabries perché sur son piton rocheux et le hameau de Calas, nous voyons ensuite des formes d’habitants dispersés caractéristiques des territoires agricoles de cette région, avec ses fermes et ses petits regroupements, tendant au hameau, quelques bastides, et puis cette étonnante Ferme des Plaines d’Arbois. Nous voyons aussi, même s’ils sont d’une grande douceur, jamais plus élevés qu’une dizaine de mètres, les reliefs qui envahissent quasiment les deux tiers de la surface communale. Au sud, une partie de la plaine de Plan-de-Campagne appartient également au territoire communal ; mais elle se situe clairement en dehors de l’écrin des collines Cabriésiennes et apparait comme une excroissance, un empiètement sur une autre unité territoriale, celle du défilé des Pennes Mirabeau. Nous voyons encore le réseau des routes et des chemins qui distribuent ce territoire depuis des siècles (traces de voies romaines à La mère et à Calas qui n’était autre que l’ancêtre de l’actuelle RN 543, la voie Massilliensis, et Apta Julia), à peine transformés par l’automobile ces dernières années. On ne voit donc pas « rien », mais l’avant-veille de grands changements. René Borruey, Susanne Hetzel, Hendrick Sturm, Jean Schneider Marcher : Connaitre un espace périurbain
Au centre de Foedora, métropole de pierre grise, il y a un palais de métal avec une boule de verre dans chaque salle. Si l’on regarde dans ces boules, on y voit chaque fois une ville bleue qui est la maquette d’une autre Foedora. Ce sont les formes de la ville aurait pu prendre si, pour une raison ou une autre, elle n’était devenue telle qu’aujourd’hui nous la voyons. À chaque époque il y eut quelqu’un pour, regardant Foedora comme elle était alors, imaginer comment en faire la ville idéale ; mais alors même qu’il en construisait en miniature la maquette, déjà Foedora n’était plus ce qu’elle était au début, et qui avait été, jusqu’à la veille, l’un de ses avenirs possibles, n’était plus désormais qu’un jouet dans une boule de verre... Italo Calvino, Les villes invisibles 19
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L’Île au trésor J’étais si content d’avoir planté là Long John, que je commençai à me divertir et à examiner avec curiosité le lieu où je me trouvais, sur cette terre étrangère. J’avais franchi un espace marécageux, encombré de saules, de joncs et de singuliers arbres paludéens à l’aspect exotique, et j’étais arrivé sur les limites d’un terrain découvert, aux ondulations sablonneuses, long d’un mille environ, parsemé de quelques pins et d’un grand nombre d’arbustes rabougris, rappelant assez des chênes par leur aspect, mais d’un feuillage argenté comme celui des saules. À l’extrémité du découvert s’élevait l’une des montagnes, dont le soleil éclatant illuminait les deux sommets, aux escarpements bizarres. Je connus alors pour la première fois les joies de l’explorateur. L’île était inhabitée ; mes compagnons, je les avais laissés en arrière, et rien ne vivait devant moi que des bêtes. Je rôdais au hasard parmi les arbres. Çà et là fleurissaient des plantes inconnues de moi ; çà et là je vis des serpents, dont l’un darda la tête hors d’une crevasse de rocher, en sifflant avec un bruit assez analogue au ronflement d’une toupie. Je ne me doutais guère que j’avais là devant moi un ennemi mortel, et que ce bruit était celui de la fameuse « sonnette ». J’arrivai ensuite à un long fourré de ces espèces de chênes – des chênes verts, comme j’appris plus tard à les nommer – qui buissonnaient au ras du sable, telles des ronces, et entrelaçaient bizarrement leurs ramures, serrées dru comme un chaume. Le fourré partait du haut d’un monticule de sable et s’étendait, toujours en s’élargissant et augmentant de taille, jusqu’à la limite du vaste marais plein de roseaux, parmi lequel se traînait la plus proche des petites rivières qui débouchent dans le mouillage. Sous l’ardeur du soleil, une exhalaison montait du marais, et les contours de la Longue-Vue tremblotaient dans la buée.
Robert Louis Stevenson
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« Ma chance, ça a été la guerre. Elle m’a permis de côtoyer des américains, qui m’ont fait rêver de machines à laver, de réfrigérateurs et de grandes surfaces... Après la guerre, je suis parti aux Etats-Unis pour voir si ça me convenait, et j’ai vu tout ce qu’ils me racontaient. Ils disaient que là-bas il y avait des discounts, des parkings plein de voitures. Et c’est contre l’avis des banquiers, qui disaient que j’avais vingt ans d’avance, que j’ai décidé de me lancer et inventer le discount en France ». E mile B arnéoud , créateur de la surface commerciale de P lan - de -C ampagne On est passé à côté là-bas d’une animalerie. A elle seule elle amène un nombre considérable de personnes car comme il n’y a pas de zoo à part celui de la Barben qui est un peu loin, et qu’il n’y a pas d’aquarium non plus les parents emmènent les enfants voir les petits poissons, des poissons clowns comme Nemo. Et d’ailleurs ils prennent bien garde de mettre des poissons comme ceux des dessins animés, on trouve Dori le petit poisson chirurgien, on trouve Nemo, on trouve tout ceux qu’on trouve dans les dessins animés, et les enfants à force de venir tous les week end finissent par en acheter un, et comme ils ne l’entretiennent pas ils en achètent souvent parce que ça meure souvent… Extrait interview Philippe Pujol
Vacances à Plan-de-campage Stephan Muntaner et Guylaine Idoux 24
On s’attache même aux pires endroits Le jour où je m’en irai, ça me fera quand même quelque chose, je le sais bien. J’aurai les yeux mouillés, c’est sûr. Après tout, c’est ici que j’ai mes racines. J’ai pompé tous les métaux lourds, j’ai du mercure plein les veines, du plomb dans la cervelle. Je brille dans le noir, je pisse bleu, j’ai les poumons remplis comme des sacs d’aspirateur, et pourtant, je le sais bien que le jour où je m’en irai, je verserai une larme, c’est certain. C’est normal, c’est ici que je suis né et que j’ai grandi. Je me revois encore, tout gosse, sauter à pieds joints dans les flaques d’huile, me rouler dans les déchets hospitaliers. Je l’entends encore, la grand-mère, me hurler de faire attention à mes affaires. Et les tartines de cambouis qu’elle me préparait pour le goûter… Et la confiture de chambre à air qui était un peu comme de l’orange amère, en plus amer… J’ai joué là au bord des voies ferrées, j’ai grimpé aux pylônes, je me suis baigné dans les bassins de décantation. Et, plus tard, j’ai connu l’amour à la casse, sur les sièges éventrés des épaves. J’ai des souvenirs qui ressemblent à des oiseaux mazoutés, mais ce sont des souvenirs quand même. On s’attache, même aux pires endroits, c’est comme ça. Comme le graillon au fond des poêles.
Joël Egloff L’étourdissement Buchet Chastel
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L’empire des signes, États-Unis 1960
NI VILLE NI CAMPAGNE, COMMENT DÉCRIRIEZ-VOUS CE LIEU ? Si, pour moi, ça relève de la ville. Comme une ville moderne qui pourrait être totalement autonome. Une ville-village par certains côtés – les gens qui travaillent là se connaissent tous. Une sorte de village hyper moderne, une mini-ville jetable. Quelque chose de très marqué années 1980-2000 (bien qu’en fait, ça date des années 1960). Un peu le reflet inverse de ces villes à l’orée des villes, ces villes-dortoirs. Ici, tu ne passes que la journée, et tu t’en vas le soir. Même si ça fonctionne aussi comme lieu de vie – on l’a testé ! Un lieu à la fois très moderne – par le bâti, les produits vendus – et très ancien – par le côté place de commerce, marché, caravansérail. Quelque chose qui répond à un besoin de rassemblement et de commerce très ancien. C’est comme un cœur battant à l’entrée des villes, dont il faut prendre la mesure, et surtout pas sous-estimer. J’ai été assez étonnée de constater qu’il y a des lotissements qui se construisent autour de Plan de Campagne. Pour plein de gens, c’est un pôle d’attraction. Chaque jour, des milliers de gens viennent aussi juste pour se promener, boire un verre, aller quelque part. Un lieu sauvage dans son aspect urbain, et en même temps très fonctionnel, qui nous ramène aussi à des choses archaïques. Je garde de ces vacances un souvenir nostalgique, une tendresse. Depuis, on n’y est jamais revenu. Je ne veux pas y retourner. Je ne veux pas gâcher mes souvenirs de vacances. Guylaine Idoux à propos de Vacances à Plan-de-Campagne
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« Est-ce que c’était beau ? » me demanda un ami à mon retour. Non. C’est loin d’être beau. À moins que vous ne trouviez beaux des murs de terre tombant en poussière, des murs d’un gris spectral, comme si la couleur en avait été avalée par le soleil. Le visiteur ne se pose que deux questions : « D’où va donc venir ma prochaine boisson ? » et « Qu’est-ce que je fiche ici ? » et cependant, au moment où j’écris, il me revient en mémoire le vent du désert cinglant les eaux vertes, le mince bleu dur du ciel, les énormes femmes qui traversent la ville de leur démarche chaloupée dans des boubous de coton d’un indigo pâle, les volets des maisons peints du même bleu dur contre des murs d’un gris boueux, des oiseaux à berceaux orange qui tissent leurs nids en corbeille dans des acacias duveteux, des jardiniers noirs à la peau luisante qui, avec amour, font écouler l’eau d’outres de cuir sur des rangées d’oignons bleu-gris, des Touaregs, maigres et aristocratiques, à l’aspect surnaturel, avec des boucliers de cuir et des lances brillantes, le visage encadré dans des voiles indigo qui, comme du papier carbone, leur teignent la peau d’un bleu de ciel d’orage, des Maures farouches avec des boucles en tirebouchon, des jeunes filles belas de l’ancienne caste des esclaves, nues jusqu’à la taille, les seins fermes, pilonnant leurs mortiers et conser vant la cadence en chantant sur des airs monotones, et de monumentales femmes songhaïes aux grandes boucles d’oreilles en forme de panier comme ceux que portait la reine de Ur quatre mille ans plus tôt. La nuit venue, la lune reflétant sa demi-calebasse dans un fleuve d’argent oxydé, ridé par l’activité des insectes, les aigrettes blanches perchées dans les acacias, le martèlement des tamtam en ville, le son d’un rire spontané s’élevant comme de l’eau pure, les grenouilles taureaux, les moustiques geignards qui vous empêchent de dormir et, du côté du désert, les lointains hurlements des chacals ou les aboiements des chiens de garde des camps nomades. Il se peut que le Tombouctou de l’esprit soit plus puissant que ce qu’on imagine. Bruce Chatwin, Parti à Tombouctou, in Anatomie de l’errance
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UNE HISTOIRE POLITIQUE DU PAYSAGE ? On a longtemps identifié le paysage, en Occident, avec “la partie du territoire qui s’offre à la vue”, ou bien avec l’image visuelle que l’on obtient d’un territoire lorsqu’on est placé devant lui, de préférence sur une hauteur. Cette définition, qui a été peut-être à l’origine une invention de peintre, est considérée désormais en relation avec un univers de pratiques perceptives et mentales qui ne peuvent plus être réduites à la sphère de l’art. En effet, il est établi aujourd’hui, de manière générale, que cette compréhension du paysage comme “vue obtenue depuis une hauteur” correspond à une production idéologique de la modernité. Le paysage, plus exactement le paysage classique, a été institué, construit, comme une relation imaginaire à la nature par l’intermédiaire de laquelle et grâce à laquelle, comme l’ont indiqué Raymond Williams, puis Denis Cosgrove, certaines classes sociales (l’aristocratie et la bourgeoisie) ont pu se représenter elles-mêmes et leur monde, ainsi que leur rôle dans la société. Cette relation paysagère au monde a, en fait, accompagné l’apparition et le développement du capitalisme, c’est à dire la transformation du territoire tout à la fois en marchandise et en spectacle à contempler visuellement de l’extérieur, depuis la hauteur d’un belvédère par exemple. Le paysage, plus précisément, a servi idéologiquement à “naturaliser” la dimension inégalitaire des rapports sociaux, en occultant la réalité des processus historiques et conflictuels qui les ont produits.
Jean-Marc Besse Le Goût du monde
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Geoffroy Mathieu
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VILLES Ce sont des villes ! C’est un peuple pour qui se sont montés ces Alleghanys et ces Libans de rêve ! Des chalets de cristal et de bois qui se meuvent sur des rails et des poulies invisibles. Les vieux cratères ceints de colosses et de palmiers de cuivre rugissent mélodieusement dans les feux. Des fêtes amoureuses sonnent sur les canaux pendus derrière les chalets. La chasse des carillons crie dans les gorges. Des corporations de chanteurs géants accourent dans des vêtements et des oriflammes éclatants comme la lumière des cimes. Sur les plateformes au milieu des gouffres les Rolands sonnent leur bravoure. Sur les passerelles de l’abîme et les toits des auberges l’ardeur du ciel pavoise les mâts. L’écroulement des apothéoses rejoint les champs des hauteurs où les centauresses séraphiques évoluent parmi les avalanches. Au-dessus du niveau des plus hautes crêtes une mer troublée par la naissance éternelle de Vénus, chargée de flottes orphéoniques et de la rumeur des perles et des conques précieuses, — la mer s’assombrit parfois avec des éclats mortels. Sur les versants des moissons de fleurs grandes comme nos armes et nos coupes, mugissent. Des cortèges de Mabs en robes rousses, opalines, montent des ravines. Là-haut, les pieds dans la cascade et les ronces, les cerfs tètent Diane. Les Bacchantes des banlieues sanglotent et la lune brûle et hurle. Vénus entre dans les cavernes des forgerons et des ermites. Des groupes de beffrois chantent les idées des peuples. Des châteaux bâtis en os sort la musique inconnue. Toutes les légendes évoluent et les élans se ruent dans les bourgs. Le paradis des orages s’effondre. Les sauvages dansent sans cesse la fête de la nuit. Et une heure je suis descendu dans le mouvement d’un boulevard de Bagdad où des compagnies ont chanté la joie du travail nouveau, sous une brise épaisse, circulant sans pouvoir éluder les fabuleux fantômes des monts où l’on a dû se retrouver. Quels bons bras, quelle belle heure me rendront cette région d’où viennent mes sommeils et mes moindres mouvements ?
Arthur Rimbaud Les Illuminations
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1001 nuits Qu’est ce que le projet 1001 nuits ? 1001 Nuits c’est une collecte de récits et une série de rendez-vous artistiques pour passer ensemble du jour à la nuit. Le principe est d’inviter habitants de proximité et voisins métropolitains à découvrir ensemble un endroit du territoire de manière originale, au travers de rencontres et d’histoires qui entrent en résonnance avec les paysages.
Quand ? Du 17 février au 2 septembre 2018.
Où ? Dans des lieux insolites autour du sentier GR2013.
Qui ? 1001 Nuits est un projet proposé par le Bureau des Guides du GR2013, coproduit par MP2018 avec le soutien de la Banque Populaire Méditerranée, en partenariat avec Bouches-duRhône Tourisme et le Comité Départemental de Randonnée Pédestre des Bouches-du-Rhône. 1001 NUITS #1 a été réalisée En coproduction avec la Friche la Belle de Mai.
www.gr2013.fr
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PLÉiADES.
Groupe de sept étoiles qui constitue un petit amas très groupé dans la constellation du Taureau et bien visible les nuits d’hiver. Par glissement, groupe de sept poètes français du 16ème siècles. Dérivé : une pléiade, une grande quantité.
« Si vous voulez bien vous approcher un peu plus. La voix porte mal avec le vent. Mais cela fait longtemps qu’il parle aux hommes… nous ferons avec lui ce soir. » Chacun y va d’un petit pas. Nous voilà bien serrés les uns contre les autres, pléiade de curieux du ciel que le ciel attire. — Ballades sous les étoiles, François Barruel
Au bord de la ville Où l’on joue avec la Folie Kilomètre à lire des histoires dans le paysage. La Folie Kilomètre vous invite à une randonnée littéraire sur le GR2013. Le principe est simple : venez avec de bonnes chaussures, un goûter, et un bouquin que vous aimez bien. Le choix du texte est complètement ouvert – extrait d’un roman, article scientifique, écrit philosophique… – , veillez juste à ce que ce ne soit pas trop long, mais sentez-vous libre! Au cours de la marche, nous chercherons ensemble les lieux appropriés à la lecture. Ces textes feront peut-être écho aux paysages que nous traverserons, à nous de trouver comment. Les possibilités sont infinies et il y a fort à parier que des connexions incongrues et joyeuses s’installeront entre la lecture, la situation de marche et les lieux que nous allons parcourir. Voici quelques éléments de paysage que nous sommes susceptibles de rencontrer pendant la balade aux Pennes Mirabeau : un croisement, une vue sur la ville, des bois, une caméra de sécurité, un rond-point, un bel arbre, un parking, un endroit bruyant, un jardin… À la croisée des chemins, le collectif pluridisciplinaire de la Folie Kilomètre imagine des expéditions, spectacles, promenades et ateliers. La place du spectateur, en tant qu’individu, et celle du groupe, en tant que collectif, sont des éléments prépondérants de leur écriture.
Au bord de la ville est une expérience où il est plus que bienvenue de s’amuser. C’est un partage, un jeu collectif pour créer des histoires à l’endroit et au moment où nous sommes.
Prochaines NUITS 1001 Nuits #5 Coucher du soleil à 20h11 Le récit de Suzanne D. Où Till Roeskens nous fait partager, au travers du récit de Suzanne, un siècle d’histoire populaire de Marseille. [Lecture] — Le samedi 7 avril, La Gare Franche (Marseille)
1001 Nuits #6 Coucher du soleil à 20h28 Le sel de la Terre Où le collectif SAFI et le chef Pierre Giannetti nous invitent à déguster le paysage.[Marche - Lecture] — Le samedi 21 avril, Chenal de Caronte (Martigues)
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