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Les Cordettes
ÉLISE MASQUELIER
Un peu (beaucoup?) de folie, plein de câlins, de sport et de muscles: voici un bon résumé des Cordettes! On s’est rencontrées toutes les quatre lors d’un voyage en parapente dans le Queyras et on s’est trouvé une passion commune: du challenge, de la grimpe et des envies de voyages et d’expéditions en tous genres. Depuis on file le parfait amour, organisant des vacances ensemble dès que l’occasion se présente. Notre première grande expédition était à Orpierre l’été dernier.
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Pourquoi, Orpierre me demanderez-vous? Pour commencer, cet endroit a la grande qualité d’être entouré de plein de magnifiques falaises. Il se trouve non loin de notre petit pays belge, mais surtout il a la qualité de proposer un bon nombre de voies d’escalade avec un équipement qui ne date pas de Mathusalem. Je vous l’accorde, trois points sur un mètre et demi, c’est ce qu’on appelle «suréquipé», mais ça nous a permis de nous familiariser un peu plus avec la grimpe en falaise sans hyperventiler à chaque point. Bien que nous soyons de grandes adeptes de l’adrénaline et du dépassement de nos limites, on a encore beaucoup à apprendre. Commençons par le début et laissez-moi vous développer un peu plus comment nous sommes arrivées à pratiquer des activités extérieures entre filles.
Nous avons toutes les quatre eu la chance de découvrir la montagne en famille. Dès notre plus jeune âge, nos parents nous ont donné l’envie de partir à l’aventure en nous emmenant faire de la randonnée, de l’escalade ou du ski dans les montagnes. Je dirais que notre introduction aux activités extérieures s’est limitée à cela. On a toutes les quatre eu envie d’aller plus loin et d’en découvrir davantage. Durant plusieurs années, il nous a été assez difficile de trouver des personnes de notre âge intéressées par les sports
De gauche à droite:
Sophie, Romane, Élise et Agnès
d’aventures. Je pense que la clé est d’arriver à se construire un réseau qui peut commencer de plein de manières différentes. Pour ma part, j’ai rencontré Sophie, qui désirait se remettre à grimper. On a toutes les deux pris un abonnement à Entre Ciel et Terre. On n’avait pas vraiment un bon niveau, on était loin d’être expertes dans le domaine. On s’est lancées et l’on a rencontré de plus en plus de gens qui partageaient notre passion. Sophie a rencontré Agnès et Romane grâce aux « kots à projet ». Elle a décidé d’organiser des vacances en rassemblant tout le monde, et les Cordettes étaient nées. Le groupe a vite bien roulé, le partage de passions communes étant un réel atout. Je pense que réaliser des vacances uniquement entre filles change complètement notre optique de voyage. On se met beaucoup moins de pression sur nos performances. On n’a pas l’impression de devoir égaler les hommes, de devoir prouver que nos performances sont bonnes et qu’on a aussi notre place dans ce domaine. On ne doit pas réaliser des activités toujours plus risquées pour avoir l’air cool. Quand on est ensemble, on se sent très libres. Si l’une d’entre nous est fatiguée et préfère bouquiner toute la journée, il est important qu’elle puisse le dire. On aime partager ensemble nos rêves, nos émotions, nos envies, nos passions. On a commencé les vacances à Orpierre sur les chapeaux de roues, comme on dit chez nous, puisqu’Agnès et moi sommes arrivées à vélo depuis la Belgique. Pas le temps de se reposer, une fois que Sophie et Romane nous ont rejointes, on s’est rapidement mises à grimper. L’objectif des vacances était assez simple: passer du temps entre filles, progresser en grimpe et surtout prendre du plaisir. On a commencé par des couennes assez faciles pour ensuite se trouver des petits projets. Pendant que Sophie et Agnès réalisaient leur première grande voie du séjour, on a décidé d’aller faire des couennes avec Romane. Nous sommes toutes les deux les moins expérimentées du groupe, mais ça nous donne une certaine complicité. On apprend à évoluer ensemble. On nous avait prêté un topo qui était assez vieux, certaines voies étaient légèrement sous-cotées. On décide donc de se lancer dans une voie supposée assez facile pour notre niveau. On pose le premier point, puis le second, et là, bardaf ! La voie semblait être une belle succession de crux en tous genres. Pendant une heure, nous nous sommes relayées pour aller placer les dégaines à tour de rôle pour pouvoir finir la voie. La peur au ventre, nous devions chaque fois continuer, essayer de trouver une meilleure technique que la précédente pour pouvoir avancer. Il n’était pas question de laisser des dégaines en place et de devoir demander à Agnès et Sophie de revenir les récupérer le lendemain. Après une longue heure de travail d’équipe, fatiguées, nous arrivons enfin au bout. C’est avec fierté que nous redescendons au campement.
Ardennes & Alpes — n°207
Durant ce séjour à Orpierre, nous sommes également parties à quatre pour réaliser une grande voie. Agnès et Sophie devaient en faire une à côté de la nôtre. Avec Romane, on avait réalisé quelques mini grandes voies pour s’entraîner, mais on n’avait jamais rien fait de si long ni de ce niveau. La journée commence bien, garnie de petits pains au chocolat et de chocolat tout court. Quoi de mieux pour commencer l’ascension ? À Orpierre, la journée atteint rapidement une chaleur cuisante. La première longueur se déroule bien. On arrive au relais, et Romane doit repartir en tête dans la longueur la plus difficile de la journée, une section en fissure comme elle n’en avait jamais fait. Après quelques essais infructueux, la peur la bloque et l’on se retrouve toutes les deux suspendues à ce relais à devoir prendre une décision. Sophie et Agnès nous rejoignent. On est toutes les quatre serrées au relais, elles essayent de nous rassurer et de nous aider à prendre une décision. Ce qui se passe entre nous quand on est suspendues au-dessus du vide est vraiment fort. On ne sait absolument rien se cacher. L’émotion est intense lorsqu’on est confronté à l’autre dans ces circonstances. C’est probablement une des choses qui fait que notre groupe fonctionne si bien. On a appris à se connaître par et pour le sport. Quand on part en vacances, chacune est pleinement elle-même. Les Cordettes, c’est un
Romane en pleine concentration dans une couenne.
espace incroyable où l’on se sent libres de rêver grand, viser haut et se donner des challenges, tout en étant un groupe qui permet d’être pleinement soi sans devoir forcer (la vie, ça n’est pas que du forcing). Profiter parfois d’être dans le plaisir plutôt que dans la quête du toujours plus dur, plus impressionnant, plus majeur. Romane et Sophie sont redescendues en rappel et ont continué leur périple autour d’une glace au village d’Orpierre. Agnès me regarde et me lance: «Bon, Élise, tu veux arriver en haut? On continue?». Nous voilà reparties à midi, avec une trentaine de degrés et une demi-bouteille d’eau pour arriver au sommet. Avec Agnès, on sait se pousser vraiment loin. On reste prudentes, mais on aime dépasser nos limites physiques. Quand notre corps commence à être épuisé par l’effort, on arrive dans des moments psychologiques forts et enivrants. C’est dur, la soif se fait rapidement sentir. Agnès me propose de boire la fin de la bouteille d’eau, acte qui me paraît totalement fou sur le moment. On finit par arriver en haut en fin de journée, assoiffées, mais profondément heureuses de s’être tirées vers le haut pour arriver. Avec les quatre Cordettes, on ressent souvent ce sentiment d’émulation qui nous pousse et nous encourage. Les Cordettes, ça nous a donc donné cet espace de motivation de filles qui partagent les mêmes passions et des projets. En effet, il n’est pas toujours facile de trouver des filles prêtes à partir grimper, se balader sur des rochers, faire du ski de rando ou courir des trails, et en développant ces centres d’intérêt on ne trouve pas forcément directement les personnes avec qui les partager.
Élise et Romane s’entraînent pour la grande voie du lendemain !
S’il y a bien une chose qu’on aimerait vous faire passer, c’est de ne pas hésiter à sortir de chez vous, aller dans les salles d’escalade pour rencontrer d’autres personnes passionnées, donnez-vous les moyens de réaliser ce dont vous rêvez. Les sports d’aventures ne sont pas réservés à une élite sportive de la gent masculine, les femmes ont également leur place. Les hommes peuvent nous montrer leurs biscotteaux et leur torse nu tant qu’ils veulent, on aura toujours des «pecs» plus gros que les leurs. Diminuez la pression sur vos performances et vos résultats, chaque petit pas compte. Toutes les expériences sont importantes et valent la peine d’être tentées. Notre corps et notre mental nous étonnent souvent.
ÉLISE MASQUELIER
Si vous désirez garder un œil sur ce qu’on fait
ou nous poser des questions, n’hésitez pas à nous contacter sur notre page Instagram @lescordettes.