18 minute read

Escalade et grossesse, mode d’emploi

Escalade Noémie Benoit © 2017

et grossesse, mode d’emploi

Advertisement

Petite guide sur la pratique de l’escalade pour la femme enceinte

NOÉMIE BENOIT

Est-ce dans l’air du temps de voir des grimpeuses s’arrondir sur les parois? Comparé à il y a quelques années, est-ce devenu plus en vogue de communiquer sur cette phase de 9 mois? Nous n’en savons rien, mais en tout cas, il est plus que l’heure d’en parler haut et fort, et de constituer des ressources vers lesquelles se tourner quand nous accueillons un nouveau petit être au cœur de nos corps.

Contrairement à plein d’autres sports, ne serait-ce que la marche à pied, le vélo, le sport collectif ou autre, l’escalade est un sport doux, voire idéal pour la grossesse. On s’échauffe, on s’étire, on évite les à-coups, on y va à son rythme, on choisit son niveau de voie, on coordonne ses mouvements, on pousse dans l’effort si on le sent. Et avec la conscience de leur corps qu’ont les grimpeuses, l’escalade s’accorde plutôt très bien, voire parfaitement, à la grossesse. Voici donc une petite enquête sur le sujet.

À l’abordage

Nous voilà donc il y a quelques années déjà, à l’aube de l’ouverture de la salle d’escalade Biover à Gand. Au lieu de traîner sur les rives du lac de Blaarmeersen, nous passions plutôt notre temps à construire des voies pour la grande ouverture. Enceinte de quelques semaines alors et après une période de fatigue extrême, ça me chatouillait, ça me démangeait de grimper de nouveau: je commençais alors à re-grimper deux fois par semaine. Je continuais jusqu’au huitième mois, pour le plaisir et pour entretenir ce corps changeant. J’aborderai ci-après les points spécifiques de la combinaison grossesse/escalade, mais gardez en tête, mesdames (et messieurs, car c’est un sport d’équipe cette grossesse!), que pour chacune le

Page précédente : La dalle, facile mais technique pendant la grossesse – Pen-Hir, 2017 En Bas : Au pied de la falaise avec baudrier, 8 semaines avant le terme – France, 2019

ressenti sera différent. Pour l’une, ce sera un stop retentissant à cinq mois par manque de confiance, pour une autre une addiction jusqu’à la dernière minute, et d’une grossesse à l’autre, cela variera. Donc le maître mot du début à la fin est, sera et restera l’écoute de son corps et de son intuition. Pour les grimpeuses très expérimentées, prolongez votre lecture par le récit de grossesse de la vice-championne de France, Caroline Ciavaldini (une habituée des circuits de la Lead World Cup): vous y trouverez des conseils liés à des voies plus techniques et à une vie liée à l’escalade. Rappelons bien sûr la précaution de base : la pratique de n’importe quel sport en temps de grossesse est à discuter avec votre médecin qui vérifiera les contre-indications absolues, comme le diabète gestationnel, le positionnement du placenta, anémie ou autre. Passée cette étape, à vous de jouer!

Votre plus gros ennemi: l’hypoglycémie

Celle que vous ne verrez arriver ni de près ni de loin, c’est cette sournoise hypoglycémie. Alors que cela ne vous arrive jamais en temps normal, les femmes grimpeuses interrogées et ayant pratiqué l’escalade pendant leur grossesse se disent toutes avoir été concernées par cela: les coups de mou, coups de barre, hypo, vous arrivent d’un coup sans crier gare. Vous aurez donc besoin de toujours avoir le double de votre dose habituelle avec vous et cela n’est pas négociable:

vos poches doivent être remplies même en salle en paroi!

Gwendoline Attia © 2019

Quels muscles oui, quels muscles non?

Comme dans tous les sports, les muscles à ne pas solliciter pendant la grossesse sont les mêmes: les abdominaux. La même règle vaut alors pour une grimpeuse confirmée que pour une amatrice. Plus on sera «gainée», les abdominaux développés, plus on aura tendance à s’en servir et le challenge réside ici: il va falloir apprendre à ne pas les utiliser, pour qu’ils se lâchent, se relâchent, s’allongent avec souplesse et sans tension, et que le bébé continue de se sentir protégé et puisse se développer, descendre et naître. Des abdominaux très musclés vont également avoir du mal à s’ouvrir pour que le bébé prenne toute sa place par l’avant, mais aussi devoir « travailler », s’ouvrir plus lors de l’accouchement, plus long alors. Michel Odent racontait que chez les femmes pratiquant l’équitation et ayant un gainage intense, les césariennes étaient plus nombreuses, car les bébés ne «descendaient» pas. Mais pas si facile de ne plus utiliser nos chers abdominaux! Vous allez quand même voir qu’ils jouent et ne répondent plus trop présent dès le début: ils ont bien compris leur rôle. On évitera donc, quand on grimpe, de « bloquer » et de s’élancer d’une prise à une autre. J’ai personnellement trouvé passionnant de devoir changer ma technique : là où j’utilisais les abdominaux, je devais maintenant compenser par mes jambes, mes bras et trouver des astuces techniques. Mon corps changeait tellement rapidement pendant ces six premiers mois que je devais vraiment ne pas manquer une seule séance d’escalade, sinon je devais « travailler» beaucoup plus pour comprendre et me jouer de ces nouvelles limitations du corps. Ce qui aidera : continuer de bien s’étirer avant et après l’effort ainsi que de faire un travail de musculation douce pour les bras et jambes, sans forcer le ventre encore une fois. Attention aussi, en temps de grossesse, les articulations sont plus souples, donc pour celles qui ont des faiblesses en temps normal, prenez cet aspect en compte. Le sport pendant la grossesse est aussi connu pour la diminution des douleurs dorsales, et l’escalade

Ardennes & Alpes — n°207

particulièrement, car elle permet de muscler le dos en compensant les abdominaux par les muscles du dos. Cela aidera aussi inévitablement pendant les dernières semaines de grossesse où le ventre se fait plus lourd et où le dos est fortement sollicité. La grimpe permet aussi de s’étirer en position verticale, cela permet d’étirer l’œsophage et de limiter les remontées d’acidité, par exemple. Je vais ajouter ici que l’escalade me faisait un bien fou aux hanches, je gardais ainsi ma souplesse et mon équilibre pour me baisser, être accroupie, monter la jambe, la vriller… Et la vie de tous les jours s’en ressentait: en plus des bonnes hormones du sport, je restais aussi flexible et vive. Malgré le fait de rétrograder en niveau 4 dans les deux derniers mois de grossesse (ma copine me souffle que, pour elle, c’était 6b jusqu’à la fin de son huitième mois !), le corps continuait de puiser de l’énergie dans l’escalade et répondait vraiment présent à l’exercice malgré un changement de challenge drastique. Pour beaucoup d’entre nous, le plus dur sera de continuer à profiter des sensations à ce niveau qui n’est pas celui de prédilection.

Est-ce que le danger guette?

Quand on ne grimpe pas en tête, on évite les risques de chute ou de tomber sur la corde et donc de faire pression, voire de causer un choc au ventre. Quand on rate une prise ou que l’on tombe en toprope, on part en arrière, donc il n’y a pas de risques pour le ventre. J’utilisais également uniquement le « grigri » et laissais mon «reverso» favori au placard. Snif snif! L’exercice ici est de rester dans son niveau et de le « travailler » avec de nouveaux mouvements, sans chercher des grosses difficultés qui impliquent de forcer. On mettra aussi en vacances notre désir de progresser à tout prix! Mais revenons aux risques et aux questions de tout un chacun qui pourront aussi exercer de la «pression» mentale sur la femme. N’hésitez pas à comparer notre sport avec le fait de rouler à vélo en ville comme beaucoup de femmes enceintes le font (et qui est bien sûr génial!): il y a beaucoup plus de risques de chute grave et non contrôlée. Sur le même sujet, je vous invite à lire l’article de Laurence Guyon, co-fondatrice de la Fabrique Verticale, interviewant Jocelyn-William Loubriat, masseur-kinésithérapeute et rédacteur en chef de Kinescalade.com: l’avis d’un professionnel sur l’escalade, la grossesse et le post-partum.

Équipons-nous… ou pas

On a toutes et tous vu ces baudriers pour femmes enceintes au détour d’un rayon de matériel d’escalade bien avant d’être enceinte, se disant: «Génial ça existe!» Mais en fait, les avis tendent tous à converger sur: «As-tu eu besoin d’un baudrier spécial?» Non, ça ne tirait pas sur le ventre, car le baudrier passait sous le ventre. L’investissement dans ce type de baudrier étant de l’ordre de 90 à 150 €, pour quelques semaines, au plus quelques mois, il ne fait pas l’unanimité parmi les femmes enceintes grimpeuses que j’ai rencontrées. Pour vous donner une idée de ce que cela donnait: mon bébé à moi était placé très bas durant toute la grossesse et cela ne m’a jamais empêchée de grimper. Par contre, j’ai effectivement adapté ma descente du sixième au septième mois: quand je descendais, je me penchais alors vers l’arrière et devais me tenir à la corde, transférant la tension abdominale dans les bras et laissant la place à mon ventre rond. Pour assurer quelqu’un, il vaut mieux qu’il/elle grimpe dans son niveau et évite les voies avec risque de chute, histoire d’éviter le choc dans le baudrier/ventre. Pour ma part, j’ai adapté ma position quand je faisais descendre mon partenaire: à genoux pour moins utiliser mes muscles abdominaux. Mais je dus arrêter d’assurer à partir du septième mois, car le baudrier tirait trop et ne laissait plus de place au ventre. On pourrait aussi être un peu plus extrême sur ce point et proposer d’assurer le moins possible pendant la grossesse. Nous n’étions toujours pas convaincus par l’achat d’un baudrier spécial à ce moment-là, donc nous avons fonctionné avec le baudrier normal que je réglais de plus en plus grand au fur et à mesure que je grossissais… de partout! Haha!

(Pour la petite histoire) Mais où meton ce ventre que je ne saurais voir?

Est-ce que le ventre ne gêne pas? Effectivement, c’est ce qu’on pourrait penser au premier abord, mais c’est bien la dernière chose qui gêne quand on monte ! Il suffit de se tourner, de trouver de nouvelles positions, de prendre en compte le ventre dans son style de grimpe. Certaines voies demandant de raser la paroi étaient quand même impossibles à faire. Donc, il vaut mieux privilégier d’autres voies qui permettent de travailler dans l’espace et moins le nez dans la paroi. Vers les derniers mois, le vertical en léger dévers peut même devenir la solution quand le ventre masque nos pieds sur les dalles!

Gérer l’effort

Comment savoir si nous en faisons trop ? Rappelons que chaque grossesse est unique, donc la prudence et l’écoute de son corps restent les maîtres mots. Son intuition comme son envie ne sont pas que l’envers du mental, mais aussi du corps : le besoin de repos du corps peut

se cacher derrière une « non-envie ». Si le corps demande du repos, il a priorité sur votre

volonté. S’il vous vient en tête qu’il ne faut pas pousser, écoutez, prenez une pause, respirez et repartez quand vous le sentez. Il va vous falloir être plus à l’écoute de ces micro-sensations, ressentis, voire émotions, et elles vous guideront dans l’adaptation de votre pratique d’escalade le long de la grossesse. Le corps d’une femme enceinte évolue aussi dans le sport, il est plus fragile, il a de nouvelles limites, et il fonctionne aussi à pleine puissance. Pendant la grossesse, le métabolisme du corps de la femme augmente en moyenne de 20 % (Université médicale virtuelle francophone, «Modifications physiologiques de la grossesse», support de cours, 2011, www.fmp-usmba.ac.ma), car le volume sanguin doit assurer beaucoup de travail supplémentaire (votre cœur, vos poumons, l’énergie pour le fœtus, etc.). La température du corps est aussi plus haute: du coup, si vous surchauffez, le bébé aussi! On évite donc la grimpe par fortes chaleurs.

Quand je sentais que ça contractait trop, je prenais de plus grandes pauses entre chaque voie.

Se mettre à l’écoute de son corps est un véritable sport en soi et l’escalade se prête bien au jeu, car rien ne s’y fait dans la précipitation. Quand je sentais que ça contractait trop, je prenais de plus grandes pauses entre chaque voie. Je diminuais peu à peu le nombre de voies faites par séance. J’en profitais pour observer les autres grimpeurs. Certains jours, des 5b+ étaient encore possibles, d’autres jours même une 4 semblait insurmontable. Je variais, j’essayais, j’arrêtais quand je sentais que mon corps n’était plus disponible ou intéressé. Je soulignerai ici l’importance de la respiration, prendre le temps de respirer profondément et d’envoyer l’oxygène dans tout le corps. Du yoga en paroi? L’escalade et la grossesse, c’est aussi construire une autre sorte d’escalade : on réapprend cette danse aérienne dans la lenteur, en douceur, en saccadé… Dans cette nouvelle pratique, l’on crée un moment, un espace où le corps est respecté, protégé, écouté.

Petite pause dodo? On grimpe!

(La combi Patagonia, l’indispensable!) Fontainebleau, 2015

À corps changeant, mental changeant

La grossesse modifie le corps, mais également le mental. Pour certaines, il sera même difficile de vivre, suivre, assimiler tous ces changements. Même si la pratique du sport est connue pour aider à garder la forme pendant cette phase, l’escalade reste un sport idéal et complet pendant la grossesse: on travaille l’endurance quand on grimpe, on module son souffle en fonction de l’effort, on est au plus proche de son rythme cardiaque et on peut le sentir varier pendant ces mois de transformation. La pratique régulière de l’escalade renforce l’écoute de notre corps et la conscience qu’on a de lui tout en nous apprenant à appréhender ses modifications. L’escalade m’a permis de me ré-approprier chaque semaine ce corps qui se transformait à vitesse grand V. Je l’ai apprivoisé, j’y apprenais à m’y sentir moi, j’en touchais les limites en paroi, j’en écoutais les modulations, l’escalade jouant comme un miroir ou un dialogue entre mon corps et moi. L’escalade m’a apporté une grande confiance dans ce nouveau corps arrondi. Cela reste un exemple, car chaque femme va l’appréhender à sa façon, et cela me fera penser à Caroline Ciavaldini qui, elle, si elle ne se sentait pas vraiment d’aplomb à terre, commençait à revivre en paroi où son corps s’épanouissait. À vous donc d’explorer. Mais nous avons oublié ici un point crucial de l’escalade ! La grimpe, c’est un plaisir partagé, une activité sociale, où l’on se croise et discute avec les amis. Et dans cette grossesse où le challenge de ses voies diminue, il reste ce plaisir de la rencontre, de venir, non pas uniquement pour grimper, mais aussi pour faire partie des projets des autres. Je me souviens que, quand j’ai arrêté au huitième mois, je venais chaque semaine avec mon fauteuil de camping pour observer les autres, et participer à ce moment d’escalade (petite note: j’ai eu

par contre froid certains jours, donc prenez la précaution de bien vous couvrir, beaucoup plus qu’en temps normal, car avoir froid augmente considérablement la fatigue.)

Le post-partum, la reprise

Voilà, vous avez accouché, ce fut la note finale de neuf mois de changements, mais le trimestre qui arrive est un des plus bourrés de défis ! Chaque accouchement va laisser la femme avec ses propres traces (éventuellement) : épisiotomie, déchirure, hémorroïdes, césarienne, crevasses, dépression, fatigue extrême pour n’en citer que quelques-unes. Nous ne serons pas égales dans cette phase de post-partum et je rêverais qu’on en parle à bâtons rompus de nos jours. Les trois premiers mois sont durs, même si on ne se souvient qu’après coup que de la «première année» dans sa globalité. Haha! Dans ces premières semaines, on va devoir reconstruire ce corps, en prendre soin, le re-déployer, mais aussi reprendre confiance dans ses capacités alors qu’en même temps, toute notre attention est tournée vers un nouveau petit être. Là encore, prenons l’escalade comme un outil intéressant.

Avant la grimpe, on apprend et on renforce

Rappelons-nous qu’il y a un délai conseillé de six à huit semaines après l’accouchement pour laisser le temps aux muscles du périnée de se remettre en place et de se re-muscler, mais aussi que la pratique du sport doit être hyper régulée pour re-muscler les abdominaux graduellement, en douceur, et pour ne pas les voir se raidir sans se joindre de nouveau: le diastasis abdominal. Les livres de Bernadette de Gasquet (Périnée, arrêtons le massacre !1 ainsi que Mon corps après bébé, tout se joue (ou presque) avant 6 semaines2) sont des musts à lire en tout début de grossesse, car ils vous permettront déjà de ressentir votre périnée, de découvrir comment il est composé, d’en assimiler l’adaptation pendant la grossesse et de le travailler en même temps. La conscience que vous en retirerez vous servira incroyablement pour l’accouchement et le post-partum ! Aujourd’hui, le périnée est négligé jusqu’après l’accouchement, où de trop rares praticiens font de vraies rééducations effectives. Mais beaucoup de femmes gardent des faiblesses pendant des années: fuites urinaires ou autres, en cas d’effort, éternuements, pression, ou autre grossesse. Pour pratiquer avant et après la naissance, rendez-vous sur «Rééducation périnée» et utilisez leur application gratuite3. Super facile et en douceur! Pratiquer le portage quotidien de votre petit va vous aider à déjà re-muscler le périnée et les abdos sans forcer (ma recommandation ici: Boba4 et Manduca de 0 à 3,5 ans, l’investissement qualité Patagonia pour les porte-bébés).

Ardennes & Alpes — n°207

Noémie Benoit © 2015

Ensuite, on applique ce qu’on a appris!

L’escalade va aider en douceur à reprendre possession de ce corps, et vous serez prévenues: vous n’aurez plus d’abdos, plus de périnée, les muscles du dos et des jambes seront fatigués, voire endormis, le bassin bougera encore (à cause des hormones) et vous n’aurez pas forcément le mental au niveau compét. Au premier abord, vous allez ressentir les muscles qu’il vous reste et ceux à qui vous ne pouvez pas encore refaire confiance et qu’il vous faudra reconstruire. Vous allez sentir que ça «travaille». Moi, ça me démangeait tellement que j’ai recommencé à grimper le deuxième mois, mais gentiment. Un conseil qui m’avait été donné par la kiné post-partum : si je devais contracter les abdos, toujours commencer par contracter le périnée puis les abdos ensuite. Mais c’est hyper difficile ! Il faut s’entraîner à l’avance ! J’ai donc essayé cela, mais vu la difficulté de penser au

1 - www.amazon.fr/Périnée-arrêtons-massacrequotidienne-maternité/dp/2501070143 2 - www.decitre.fr/livres/mon-corps-apresbebe-9782501128872.html

3 - shorturl.at/tQU68

4 - boba.com

périnée pendant une route, je me concentrais plutôt sur le fait de ne pas utiliser les abdominaux comme pendant la grossesse : cela fonctionnait mieux avec le mental.

Bien sûr, j’ai recommencé à un niveau 4! Haha! Qu’importe! L’escalade m’a permis de reconstruire les muscles, de ne pas forcer et surtout de redonner une dynamique, de l’énergie dans ma semaine de femme allaitante, s’occupant de son bébé 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Bien sûr aussi, on oubliera le bloc, car trop intense pour les abdominaux et on privilégiera l’endurance, la souplesse, l’équilibre et la reconstruction lente des muscles (le dièdre est pratique pour y aller en douceur!). Attention à bien s’échauffer, plus que d’habitude, car les hormones rendent votre corps plus élastique et fragile, surtout pour les femmes qui allaitent: le corps ne retrouvera sa solidité d’avant qu’après la fin de l’allaitement.

L’escalade m’a permis [...] de redonner une dynamique [...] dans ma semaine de femme allaitante.

Pour les femmes qui allaitent, il y aura peutêtre un défi supplémentaire: cela prend beaucoup d’énergie, surtout les premiers mois où il y a des pics de croissance et où le bébé demande à téter davantage à certains moments donnés. Le corps doit alors s’adapter à «produire plus». L’allaitement demande de s’hydrater énormément, et si vous transpirez trop, cela a une incidence sur la production de lait: elle diminue. Du coup, il faut doser l’activité sportive, quelle qu’elle soit. Mentalement, vous vous sentirez limitée, mais mieux vaut ne pas prévoir de consacrer trop d’énergie à la reprise du sport pour ne pas être déçue et vous sentir frustrée. Mais cela dépendra encore du métabolisme de chacune.

Autre point d’attention, encore les articulations et maux de corps: après trois ou quatre semaines, j’ai commencé à avoir des élongations dans les bras à force de porter ma petite et de grimper (Pas assez d’échauffement ? Trop d’efforts ? Corps encore trop fragile ? Cocktail d’hormones explosif ?). Je dus arrêter l’escalade pendant de nombreux mois à mon grand regret. À bon entendeur, salut, prenez votre temps ! Ne soyez pas trop gourmande ! Il ne vous faut que quelques mois le moment venu pour remonter à votre niveau d’avant, donc prenez votre temps. Cette phase de reconstruction détermine aussi votre santé future : périnée + abdos, donc pas moyen de faire l’impasse.

Et si la voie d’escalade était un accouchement…

Une amie évoquait l’accouchement comme une escalade… Comme une voie d’escalade.

On est dedans, on souffle, on respire, on expire, on cherche la prochaine prise, on s’arrête, on attend, on doit garder de l’énergie pour la prochaine prise. On le sait, mais c’est dur. La prochaine prise, on n’en connaît pas la difficulté. On ne sait pas non plus combien de prises il y aura. Ni pendant combien de temps on en aura. Le but c’est de parvenir en haut. On sait qu’il y a une fin. On ne peut pas faire demi-tour. On ne peut pas redescendre. On doit avancer. Coûte que coûte. On peut pleurer. On peut crier. On a le droit d’être démunie, d’être perdue, de se sentir seule, de sentir que c’est insurmontable, d’avoir mal, d’être fatiguée. On bloque, on ne trouve pas comment s’y prendre. Mais on sait qu’on veut monter, finir cette voie, contourner la difficulté, la faire sienne, trouver une combine, embrasser la difficulté, ouvrir son corps, lâcher prise, trouver le chemin, se hisser plus haut, plus loin. Cette voie, on la monte en tête, pendant des heures – deux, trois niveaux au-dessus du nôtre d’habitude. Elle est impossible, mais on sait qu’on va y arriver. On ne sait pas comment. Toutes les émotions nous traversent. On ira puiser au plus profond de soi pour y aller, on devra découvrir des ressources immenses cachées au fond du corps, dans chaque respiration, dans chaque lâcher-prise, dans la transe, on se laissera guider par son intuition, prenant chaque appui, chaque éclat de roche étant comme une seconde, une minute de moins vers la délivrance.

Avec bienveillance,

NOÉMIE BENOIT

Pour aller plus loin sur la maternité,

plein d’astuces pour vivre au naturel avec un bébé/enfant, le zéro déchet, la sobriété, etc., rendez-vous sur mon blog! laviegenialedenoemie.com

This article is from: