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Rencontre avec Anak Verhoeven

Ardennes & Alpes — n°207

DAVID LEDUC

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David Leduc – Un de tes meilleurs souvenirs en compétition? Anak Verhoeven – Arco (Italie) en 2016. C’était ma première victoire en coupe du monde. J’avais été très proche plusieurs fois et finalement ce moment spécial est venu. Le jour des «qualifs», j’ai toppé les deux voies. Le lendemain j’étais la seule à enchaîner la demi et la finale! Un scénario de rêve.

Mais ce beau souvenir persiste aussi grâce aux réactions positives. Plein de gens venaient me féliciter, même mes concurrentes et leur coaches. Les gens me disaient que je le méritais. C’était comme si tout le monde avait attendu cette victoire avec moi et me le souhaitait. Ça me faisait tant de bien. Trois de tes meilleures «perfs» en compétition? • Médaille d’or aux jeux mondiaux de Wrocław en 2017 • Trois victoires en coupe du monde • Championne d’Europe à Campitello di Fassa en 2017

Un instant en falaise que tu n’oublieras jamais? Mon premier 8c avec Fish Eye à Oliana (Catalogne) en 2013. Ce jour-là, j’avais déjà fait deux essais et il était tard, mais j’ai quand même décidé de mettre un dernier run avant le jour de repos. Mon but était de passer le «mouve» où j’étais tombée l’essai d’avant. Quand je l’ai passé, j’ai fait le choix de continuer malgré la fatigue. Le seul problème, c’était qu’il commençait à faire nuit. Du coup, j’ai dû grimper la fin de la voie presque sans lumière. En me reposant sur une bonne prise juste avant le dernier crux, j’ai mis une tache de magnésie sur un petit pied crucial pour ne pas le rater en faisant les derniers «mouves» durs. Quand j’ai enchaîné la voie, j’étais hyper soulagée et je ne pouvais presque pas croire que je l’avais réellement faite. C’était juste génial. Niveau atteint en falaise en ce moment?

9a+ (avec Joe mama et Sweet neuf) Tu t’es blessée au doigt récemment. Y a-t-il des choses que tu as apprises pendant ta rééducation qui pourrait aider des grimpeurs qui sont actuellement blessés?

Les premiers jours après ma rupture de poulie étaient très durs mentalement. Tout d’un coup, je devais arrêter l’escalade pendant plusieurs mois. Les messages que j’ai reçus d’autres grimpeurs me faisaient du bien, surtout quand ils parlaient de leurs propres expériences avec la même blessure et comment ils avaient retrouvé leur forme d’avant.

John Janssens © 2020

• Date de naissance: 15 juillet 1996 • Taille: 163cm • Ville de résidence: Schriek (un petit village), province d’Anvers

• Tes débuts en escalade:

en 2000 au Verdon, sur une petite falaise d’enfants (Le Galetas)

Wim Verhoeven © 2000

Après ces premiers moments de choc, j’ai essayé d’accepter la réalité. Je voulais voir chaque jour comme un jour de plus vers le moment où je pourrais de nouveau toucher les prises, au lieu de le voir comme un jour de plus qui m’éloignait de ma dernière séance d’escalade. J’ai commencé à fêter les petites victoires de la rééducation: plus d’attelle, les premiers exercices, tenir une prise pour la première fois, ma première séance sur le mur, etc. J’ai aussi trouvé du plaisir en cherchant des méthodes pour faire des choses simples à un bras. C’était comme un défi contre moi-même et ça a rendu le processus un peu plus chouette. Je suis actuellement encore en route vers le rétablissement complet. Un souvenir particulier en compétition nationale? Mon premier championnat de Belgique senior en 2010. J’avais treize ans, et j’étais toute contente de participer hors catégorie chez les grandes et de grimper en finale avec des grimpeuses comme Chloé Graftiaux, Muriel Sarkany, Mathilde Brumagne, Magali Hayen… Une falaise que tu adores? J’aime bien La Ramirole. C’est une énorme falaise avec plein de voies très longues et dures. En plus, l’endroit est magnifique avec une vue plongeante sur le Verdon. Et j’adore tout simplement le sud de la France. Quelles voies en falaise étaient les plus «belles» selon toi, mais pas nécessairement les plus dures? «Spanish Caravane» (à La Ramirole), «L’émêché» (aux Auberts en Vercors), le «Pilier de la Cala Goloritze» (en Sardaigne)… Quel style de voies préfères-tu? Longue, un minimum de repos, et une grande variété de prises et de mouvements. Être une femme au top de l’escalade…: quels étaient les défis? Presque toutes les voies ont été ouvertes et cotées par des hommes. Cela veut dire que, quand je veux tenter une première féminine, je dois souvent accepter que certaines méthodes d’hommes morphologiquement ne marchent pas pour moi. Je continue alors à chercher mes propres solutions sans savoir si je vais les trouver. Ce n’est pas évident de savoir à quel moment je dois accepter que c’est effectivement impossible pour une femme de ma taille. Persévérer à chercher d’autres méthodes ou abandonner le projet ? Ça, c’est un réel défi. Qu’est-ce que tu aimes beaucoup en escalade et que tu penses que tu ne trouverais pas dans d’autres sports ou activités? Le fait que c’est un sport qui se fait à la fois en salle ainsi qu’à l’extérieur. C’est génial de pouvoir pratiquer son sport dans la nature. Les possibilités illimitées pour faire de l’escalade: du sportif, les grandes voies, le bloc, le «trad’», différents types de rocher, la variété de prises, les différents mouvements, les compétitions, le deep water solo, etc. C’est infini.

Vas-tu un jour tenter des grandes voies, du «trad’», voire de l’alpinisme? Si c’est possible: oui, absolument! Pas sûre pour l’alpinisme: on verra. Un endroit où tu aimerais aller grimper un jour? Le Yosemite.

Un rêve qui n’est pas secret? Habiter dans un van pendant une longue période. Où pouvons-nous suivre ton parcours? Je poste régulièrement des nouvelles sur Instagram: anak.verhoeven. Encore quelque chose que tu veux ajouter? Merci à Ardennes & Alpes pour cette présentation dans le magazine. Aux grimpeurs belges: à bientôt en salle et en falaise j’espère!

Première voie en tête

DAVID LEDUC

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