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Kilimandjaro 2022

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Paul De Genst

Paul De Genst

Climb for Kids

FERNAND SOUPLY-PIERARD

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La Tanzanie… À peine arrivés à l’aéroport, nous sommes plongés dans un tout autre monde, confrontés à une autre culture. Nous voici en Afrique, terre de vastes étendues sauvage et berceau de l’humanité. Le temps nous semble déjà passer différemment (en étant presque à l’équateur, c’est bien normal me direz-vous).

Lorsque nous sortons du petit aéroport du Kilimandjaro, Sébastien, Ludovic et moi sommes directement pris en charge par notre chauffeur, direction Moshi et notre hôtel/camp de base pour retrouver le quatrième membre de notre expédition, Paul, arrivé la veille. Moshi est une petite ville (de presque 200 000 âmes tout de même) qui s’est développée autour de l’économie touristique découlant de la montagne toute proche, sillonnée par quelques routes bitumées et par un dédale d’allées et chemins de terre. Nous passons à côté du marché local où nous nous baladerons après l’ascension et nous découvrons un autre aspect de l’économie tanzanienne : l’agriculture. Les étals débordent de produits frais : carottes, aubergines, tomates, oignons, ail, épices en tout genre… Un plaisir pour les yeux et pour le nez.

Après une première nuit de rencontres (Sébastien et moi ne connaissions pas encore Paul, l’ami de Ludovic) et de discussions concernant l’ascension à venir, nous nous retrouvons avec le guide, Freddy, et son assistant, Dastan (alias Rasta Man pour le reste de l’aventure), pour faire l’inventaire du matériel nécessaire et un briefing sur ce qui nous attend durant les 6 jours suivants (initialement nous devions faire la voie Lemosho en 7 jours, mais nous la ferons finalement en 6 jours seulement). Une fois les préparatifs achevés, nous voici partis à bord d’un bus rempli (nous quatre ainsi que les porteurs, guides et le cuisto), direction la Londorosi Gate, point de départ pour nous. Au cours de la grosse heure de trajet qui nous sépare de la fameuse porte de départ de la Lemo- sho Road, nous avons la chance de croiser singes, zèbres et girafes sur notre route, de quoi nous mettre dans l’ambiance de la savane africaine.

Bien arrivés au départ, nous prenons un lunch copieux pendant que Freddy s’occupe des formalités administratives (il est interdit de se balader sans guide dans le parc national du Kilimandjaro).

La nourriture nous aura vraiment surpris tout au long du parcours : bonne, généreuse, fraiche, et chaude une à deux fois par jour… Nous avons presque à chaque fois eu trop à manger : des crêpes au petit déjeuner au poulet-frites du soir en passant par le popcorn du goûter, tout était délicieux et revigorant. Le staff nous a vraiment chouchoutés pour nous amener là-haut dans les meilleures conditions possibles, le tout dans une bonne humeur permanente.

Cette première journée se poursuit ensuite par une marche d’environ 7 km (les distances et les dénivelés/altitudes sont pour le moins… approximatifs… Vous savez, le Nord, le Sud…) à travers la jungle, et par quelques leçons de swahili. Nous avons la chance d’évoluer sur des sentiers bien secs et de croiser des singes aux abords. Le guide et son assistant commencent déjà à évaluer notre rythme et nous avançons « pole-pole » (petit à petit en swahili, ou doucement) en admirant la nature sauvage et en constatant que l’expression « jungle impénétrable » prend ici tout son sens. Nous nous établirons enfin au camp Mkubwa pour la nuit, à près de 2 700 mètres d’altitude, dans la forêt.

La deuxième journée démarre tôt, après une nuit chahutée et peu reposante pour moi. Entre les bruits du camp, des animaux sauvages et l’excitation, difficile de trouver le sommeil. Il faut aussi se réhabituer à dormir par terre (certes sur un matelas gonflable, mais loin du confort d’une chambre d’hôtel, heureusement). Cette deuxième journée sera l’une des plus longues en nombre de kilomètres, nous en aurons plus de 17 à parcourir sous un grand soleil (bon d’accord, rien d’extraordinaire, mais tout de même). Les paysages changent rapidement, la forêt laissant place à un maquis avec une végétation de plus en plus basse à mesure que nous prenons de l’altitude. En milieu de journée, nous nous arrêtons au camp de Shira 1 (3 600 mètres d’altitude) pour déguster un lunch bien mérité à l’ombre d’une petite bâtisse. Le plateau qui s’étend devant nous est immense et la montagne, bien qu’encore lointaine, imposante. Notre guide nous montre au bout de cette étendue le camp de Shira 2 que nous rejoindrons pour notre deuxième nuit, à 3 850 mètres d’altitude si l’on en croit les panneaux (mais comme je l’ai mentionné, tout ça est très… très… très approximatif), après avoir traversé cette immense étendue de champs de lave s’étant formés il y a plus de 2 millions d’années. Bien que poussiéreux, le parcours est très simple et nous progresserons rapidement vers le camp. Il y fait encore bien chaud en fin de journée, mais dès que le soleil se couche, vers 18 h 30, le froid nous envahit et il est bien vite temps de filer au chaud dans les sacs de couchage. Lorsqu’on se relève la nuit pour assouvir un besoin pressant, en lien avec une nécessité d’hydratation très importante pour une bonne acclimatation, c’est un ciel plus étoilé que jamais avec une voie lactée incroyable qui se dévoile devant nos yeux. Un moment incroyable, hors du temps, perdu dans le cosmos. Je me sens infiniment petit et humble face à toute cette immensité resplendissante.

Troisième jour, temps parfait ! Le soleil nous réchauffe rapidement et nous nous mettons en route à 8 h, une heure plus tard que la veille. En effet, notre guide Freddy, qui a déjà eu le temps de nous cerner et estime que nous avons un niveau homogène et une excellente condition physique, nous a informés la veille au soir que nous allions pouvoir partir plus tard et prendre directement notre repas du midi sur le camp suivant, au lieu de nous arrêter à la fameuse Lava

Ci-dessus

Tower. Rien d’étonnant vu nos pédigrés respectifs : marathonien pour moi, randonneur ayant fait le PCT pour Sébastien, trails/randos pour Ludovic, et une vie d’expérience pour Paul (notre doyen a 60 ans sur le papier, mais nettement moins dans les jambes… et dans la tête). Ludo et Paul se sont d’ailleurs connus sur le GR20.

Cette renommée Lava Tower se trouve déjà à 4 600 mètres d’altitude et est relativement exposée au vent. Nous sommes donc assez contents de ne pas spécialement nous y attarder, même si l’endroit en vaut le détour pour deux raisons évidentes : il est impressionnant et c’est un excellent passage pour l’acclimatation active. Passage impressionnant donc, qui fait résonner l’écho lointain d’un déchainement titanesque de notre Terre, formant cette immense structure de lave. On peut sentir à quel point ces éruptions ont dû être cataclysmiques.

Nous en descendons ensuite, en direction d’une après-midi et d’une nuit de repos sur le charmant campement Barranco situé à 3 900 mètres d’altitude, dans une petite « vallée » coincée entre les hauteurs que nous venons de quitter et le Barranco Wall. Nous sommes presque dans un petit canyon abrité du vent, et où une végétation dépaysante a su trouver sa place (on peut notamment y admirer les « kilimanjaro trees », étonnant héritage d’un passé lointain), surplom- bant une mer de nuage qui nous accompagnera de manière presque permanente. Durant le briefing du soir, nous décidons, en accord avec notre guide et après avoir constaté l’excellente acclimatation de chacun d’entre nous, de monter directement au camp de base le lendemain, sans nous attarder sur le camp Karanga où nous aurions du passer une nuit de plus.

Pour notre quatrième jour, nous prenons donc la direction du camp Barafu, ledit camp de base, situé à 4 600 mètres d’altitude sur une arrête rocheuse étroite un peu exposée aux vents. Afin de retrouver le chemin qui nous fera progresser jusqu’au départ de l’ascension sommitale, il nous faudra d’abord passer par le Barranco Wall, haut d’environ 150 mètres. Aucun passage vraiment aérien n’est à faire remarquer, mis à part, peutêtre, le kissing rock (petit passage ou le sentier devient plus étroit et où les moins confiants pourront se coller à la paroi rocheuse pour traverser sur moins de deux mètres). Nous nous aidons tout de même régulièrement de nos mains pour évoluer sur le sentier qui serpente vers le haut de ce « mur ». La vue, en haut, est splendide, que ce soit sur la vallée que nous abandonnons, ou sur la montagne qui se rapproche désormais de nous. Le sommet reste invisible, mais on peut vraiment contempler l’ampleur de la tâche du lendemain et l’assaut à faire sur le sommet. Cette nuit, malgré l’excitation, je dormirai bien et serai parfaitement reposé pour un réveil nocturne.

4 h du matin, c’est l’heure à laquelle nous nous levons pour boire un thé, manger un peu de popcorn et attaquer l’ascension du sommet. Nous avons décidé que démarrer plus tard nous permettrait de progresser plus agréablement : moins

Première collecte de dons pour les enfants

Gravir des montagnes pour mieux les déplacer, c’est l’objectif que nous nous sommes fixés. Avec une première ascension réussie sur les 7 prévues, nous nous attaquons maintenant à notre première collecte de dons pour les enfants.

Vous pouvez y participer (avec une déduction fiscale pour les dons de 40 € et plus) et soutenir l’enfance avec nous :

• via ce lien https ://donate.kbs-frb.be/ actions/GC-ClimbForKids ?lang=fr_FR

• ou en réalisant un versement sur le compte de la Fondation Roi Baudouin pour Climb for Kids (Compte BE10 0000 0000 0404 – BPOTBEB1 – *** 623/3706/90057 ***).

Les fonds ainsi récoltés seront intégralement utilisés pour permettre à des enfants de découvrir les environnements naturels que nous affectionnons tant et de prendre conscience de la nécessité de les préserver.

Nous vous invitons aussi à nous suivre et/ou à prendre contact avec nous via notre page Facebook : facebook.com/ClimbforKidsProject longtemps dans le noir, plus vite dans la chaleur du soleil, sans personne au sommet quand nous y arriverions. Ce choix était vraiment excellent pour nous. Nous avons profité d’un beau lever de soleil en étant déjà assez haut, bien qu’un voile de brume enveloppait l’horizon (nous n’avons donc pas manqué un lever de soleil extraordinaire au sommet, sans regrets donc) et de sa douce chaleur, contrebalançant le froid de la très haute montagne. Les pentes sont parfois raides, mais ne représentent aucune difficulté majeure. La trace monte en lacets, sans discontinuer, jusqu’à Stella Point et ses 5 756 mètres de haut, au terme d’un effort maitrisé par un rythme adapté à notre groupe et à l’effort requis. Il n’y a pas eu de neige (ni de glace) sur la route du sommet, mais nous en apercevons sur les pentes avoisinantes, tout comme nous apercevons les reste de glaciers en contrebas, sur le chemin entre Stella Point et Uhuru Peak, long d’une toute petite demi-heure.

Il ne nous aura fallu, du camp de base au sommet, qu’un petit effort de 5 h 30 pour gravir les 1 300 mètres de dénivelé et atteindre ainsi le toit de l’Afrique, le sommet du Kilimandjaro à 5 895 mètres d’altitude, sans rien ni personne autour de nous. La joie est immense, comme le sentiment d’accomplissement. On l’a fait, pour nous et pour les enfants, nous sommes au sommet pour Climb for Kids ! Nous prenons quelques photos, nous déployons le drapeau de l’expédition, nous prenons le temps d’admirer le monde qui nous entoure et de prendre conscience de la chance que nous avons d’être là. Nous contemplons aussi, malheureusement, l’impact du changement climatique, plus visible que jamais avec le recul et la fonte dramatique du glacier qui aura, à ce rythme, disparu dans une dizaine d’années.

Après la quinzaine de minute qui nous est impartie au sommet, il est déjà temps de redescendre vers le monde des vivants, de quitter cet environnement austère et rude, mais combien incroyable, d’une beauté brute et originelle. Quitter un sommet pour lequel des jours d’ascension ont été nécessaires est toujours un moment un peu particulier, mais cette fois, en plus, j’ai vraiment le sentiment d’avoir accompli quelque chose d’extraordinaire pour la bonne cause. C’est

Page suivante : ce sentiment qui m’accompagnera, ainsi que mes camarades, tout au long de la descente. Merci à vous, Sébastien Laurent, Ludovic Dalla Corte et Paul Putzeys pour cette incroyable aventure !

Je souhaiterais conclure ce récit par quelques mots au sujet du projet « Climb for Kids ». L’idée m’est venue, en 2021, de réaliser le 7 summits challenge. Mais j’avais envie de donner un sens à cette démarche, de ne pas le faire que pour le plaisir de l’ascension, mais pour combiner le sport et quelque chose de plus grand, de plus important. En Belgique, 1 enfant sur 4 vit toujours sous le seuil de pauvreté et doit faire face à de grandes inégalités, d’autant plus lorsqu’il est porteur de handicap. Étant moi-même papa de deux bouts de choux, j’ai voulu combattre, à ma manière, ces inégalités. Climb for Kids était né et le projet allait grandir au fil des mois, soutenu par Deca- thlon Belgique (et leur marque Simond), l’UMons et la société Gexham. Quelques mois plus tard, Sébastien Laurent prenait contact avec moi pour me rejoindre dans l’aventure. Il a mis sur pied une ASBL de sport outdoor inclusif, Onvamarcher.be, avec laquelle nous nous associerons pour organiser des activités à destination d’enfants porteurs de handicap et/ou issus de milieux défavorisés, au terme d’une collecte de dons encadrée par la Fondation Roi Baudouin et sous le Haut Patronage de Leurs Majestés le Roi et la Reine.

À très bientôt !

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