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Podiums en coupe du monde
Dans la tempête andorrane
MAXIMILIEN DRION
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Les 21 et 22 janvier avaient lieu deux épreuves de coupe du monde de ski-alpinisme à Arinsal, en Andorre. Seul problème, la météo annoncée… Avec le froid, les chutes de neige et le vent, maintenir cet événement a été un grand défi pour les organisateurs. Mais bon, le ski-alpinisme est un sport d’extérieur et être en mesure de s’adapter à toutes les conditions est l’essence même de notre sport.
Le vendredi soir, lors du traditionnel briefing d’avant course, on nous annonce que le parcours va être raccourci à cause de la tempête. La discipline qui nous attend est une course individuelle.
Cette discipline a lieu en dehors des pistes et est composée de plusieurs montées, portages et descentes et offre généralement un dénivelé positif total de 1 600 m. À cause de la tempête, la course ne fera que 850 m de dénivelé. À l’altitude de départ de la course (2 250 m), la température sera de -13°C et le vent de 70 km/h, et donc la température ressentie sera d’environ -25°C… Cela nous paraît tellement extrême que l’on se demande si la course aura vraiment lieu le lendemain. Malgré ces incertitudes, je parviens tout de même à rester concentré et à suivre ma routine d’avant course. Le départ de l’individuelle sera donné à 11 h 10. Je me réveille toujours 3 h 30 avant le départ, donc à 7 h 40. Je commence par un petit réveil musculaire où je vais marcher dehors et trottiner pendant 15 min. Même en bas de la montagne, le vent souffle fort. J’ai de sérieux doutes sur le maintien de la course. Je reste pourtant concentré et je respecte ma routine. Je prends mon petit-déjeuner puis prépare mes affaires. Nous sommes tous à l’affût de la moindre info. Rien ne nous parvient et l’heure de s’échauffer approche. Pour rejoindre la zone de départ, il faut monter en télésiège. Nous sommes balancés dans tous les sens et le froid nous transperce. On n’a jamais eu de telles conditions lors d’une coupe du monde !
Le départ des femmes est donné un peu avant celui des hommes. Les voir partir nous fait comprendre que ce sera bientôt à notre tour… nous accélérons notre échauffement. Chacun a sa propre stratégie pour lutter contre le froid. Certains mettent des tapes sur leur visage, d’autres décident de courir avec des moufles, un surpantalon et une veste par-dessus leur combinaison. Personnellement, je décide de simplement partir avec une veste par-dessus ma combi.
Ça peut paraître fou à certains mais j’aime bien ces conditions difficiles ou rien que le fait de tenir debout dehors est un exploit. Ces conditions me font me sentir vivant.
Notre départ est finalement donné, pile au moment d’une grosse rafale. Je me porte directement aux avant-postes. Je suis rejoint par le favori Rémi Bonnet. Le peloton s’étire rapidement et nous sommes tous les uns derrière les autres, comme si nous cherchions à nous abriter derrière le coureur devant nous. J’arrive au sommet de la première montée de 250 m de dénivelé en 4e position. En quelques secondes, je retire mes peaux et plonge dans la descente sans aucune visibilité. Les 3 coureurs devant moi me précèdent de quelques secondes et les voir m’aide à m’orienter. Après avoir remis les peaux en environ 30 secondes, je pars dans la deuxième montée de 220 m dénivelé. Nous sommes les uns derrière les autres. Le premier doit refaire la trace, le vent a rebouché les traces que les organisateurs avaient réalisées quelques minutes avant notre passage. Les deux premiers créent un petit écart et je me retrouve seul avec le 3e. Au sommet de la montée, d’autres coureurs nous ont rejoints. La 3e montée est la plus longue, fait 350 m de dénivelé et contient un portage (partie trop raide où il faut mettre les skis sur le sac). Je suis 5e au pied de cette montée. Je me sens bien et je parviens à accélérer pour revenir sur les coureurs devant moi. Je dépasse le 4e dans le portage et recolle avec l’italien Robert Antonioli au sommet. Il ne reste qu’une montée de 30 m de dénivelé, une descente de 300 m et une montée de 10 m pour rejoindre l’arrivée. Cela va se jouer dans les transitions ou au sprint final. Robert est un des meilleurs mondiaux dans ce domaine, mais j’ai fait de beaux progrès et surtout mentalement je ne lâche jamais rien. Sur le moment je ne pense pas à ça. Je me bats corps et âme. Nous sommes côte à côte au sommet de l’avantdernière montée, il retire ses peaux quelques secondes plus rapidement que moi. Il part devant moi dans la dernière descente, cela va être difficile de prendre la 3e place. La 4e place serait déjà incroyable, car mon meilleur résultat dans cette discipline est une 9e place. Dans la descente, je l’ai en ligne de mire, je reviens légèrement sur lui. Il ne nous reste plus qu’à remettre les peaux et à sprinter jusqu’à l’arrivée sur ce faux-plat montant de 100 m de distance et 10 m de dénivelé. À nouveau, il repart 2-3 secondes devant moi. Je crie pour me donner de la force et entame le sprint de ma vie. Je donne tout ce que j’ai. Il a une cible sur le dos et moi le couteau entre les dents. Je reviens sur lui centimètre après centimètre. J’arrive à sa hauteur à 20 m de la ligne ! Je passe devant, mais ne relâche pas mon effort. Je crains trop qu’il me dépasse à nouveau. Quelle explosion de joie au moment de passer la ligne en 3e position ! sent et je respecte toujours ma routine d’avant course à la lettre (réveil musculaire, petit-déj habituel, échauffement structuré).
Ils’agit de mon premier podium dans cette discipline ! Évidemment les émotions sont très fortes et c’est difficile de réaliser ce qu’il vient de se passer. Nos amis, le froid et le vent, sont toujours là et nous invitent à aller au chaud. Je me rends donc à l’abri, me change rapidement, puis je dois retourner dehors pour monter sur le podium en compagnie de Thibault Anselmet (1er) et Rémi Bonnet (2e).
On n’a pas trop le temps de faire la fête, car demain a lieu une autre compétition : la course verticale. Il s’agit d’une seule montée sur piste (sans descente) avec un dénivelé positif variant entre 500 et 750 m. Le concept est simple : on part tous ensemble et le premier en haut a gagné.
Le vent et le froid sont toujours bien présents, mais comme je me le suis déjà dit la veille, je me répète que j’adore ces conditions.
Le départ est donné et vu que la course est très courte (l’estimation de course pour le vainqueur était de 12 min), je me porte directement aux avant-postes pour être dans le groupe de tête. Après 2 min de course, un groupe de 5 (dont moi) se détache légèrement. Le suisse Rémi Bonnet parvient ensuite à se détacher et nous nous retrouvons à quatre à nous battre pour la 2e place. Chacun à son tour prend les commandes de ce petit groupe. Dans un virage, une très grosse rafale de vent nous arrête complètement. Dès que le vent s’est calmé, j’ai décidé de me porter à l’avant du groupe. Je ne cherche pas forcément à attaquer, seulement à relancer le groupe. Sans le vouloir, je crée un tout petit écart. Je me sens bien et je me dis « pourquoi pas ? ». Il ne me reste que 3-4 minutes à tenir jusqu’à l’arrivée, ça peut le faire ! Dans ma tête, bien que je sois 2e et que Rémi est intouchable, je me sens invincible. Dans le dernier mur, je me retourne rapidement et vois que j’ai une petite avance, la deuxième place sera pour moi !
Il faut donc optimiser la récupération. Je commence par 15 minutes de décrassage à ski durant lesquelles je bois ma boisson de récupération. Puis je me rends à l’hôtel pour me doucher et manger un bon repas. L’après-midi sera composé d’une sieste, d’un massage, d’une petite marche, d’un peu de méditation, de stretching et de blackroll
Le soir, on nous annonce une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne : le lendemain il y aura du soleil ! La mauvaise : le vent sera de 100 km/h sur le haut du domaine skiable. La course sera donc également raccourcie. Au lieu de 750 m de dénivelé, la montée n’en fera que 360 ! La course verticale est habituellement la discipline dans laquelle je performe le mieux et, avec la forme que j’ai affichée sur l’individuelle, je sais que je suis à nouveau candidat pour un podium. Cependant, jusqu’à présent, je n’étais jamais parvenu à enchaîner deux excellents résultats de suite. Après une très belle performance, on est davantage sollicités par les médias, sur les réseaux sociaux et par les messages et appels des amis. Les émotions prennent également de l’énergie et c’est souvent difficile de bien dormir. Mais cette fois-ci, je compte bien écrire un autre scénario…
Plus facile à dire qu’à faire… La nuit a été pitoyable. Cependant, les jambes ont l’air de répondre pré-
Deux podiums en deux jours ! Quel weekend de fou ! Maintenant je peux savourer…
MAXIMILIEN DRION
Après le passage de la ligne d'arrivée