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Le voyage à vélo estil écolo ?
DEBRY & SOPHIE BERTHE
Nous voilà au Kenya, après plus de 4 mois de vélo. Notre voyage a commencé dans la capitale bruyante d’Égypte, j’ai nommé : le Caire.
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Le but est d’atteindre Cape Town, en un an, et tout ça à la force de nos jambes. Ce rêve un peu fou est né dans ma tête il y a des années, alors que j’étais encore sur les bancs de l’école primaire. Et si un jour, je faisais le tour du monde à vélo ? Cette idée reste dans un coin de ma tête, jusqu’à ce que je rencontre Loïc. Il me semble être le partenaire idéal pour m’accompagner dans cette grande épopée. J’aimerais commencer par une traversée du continent africain, tout simplement parce qu’il faut bien commencer quelque part ! La première fois que je lui fais part de ce projet, la réponse est catégorique : c’est non. Heureusement, je ne suis pas du genre à baisser les bras et, comme je sentais qu’à deux, on allait bien rigoler, j’ai un peu insisté. Je lui ai montré quelques belles images par-ci, par-là. Je lui envoyais des vidéos de voyage vélo « juste comme ça ». Et puis un jour, sur l’oreiller, Loïc me dit : « Allez, on part ! ». Bingo ! Il me donne quand même une condition, que j’accepte sans discuter : il ne veut pas quitter l’escalade pendant toute une année. C’est ainsi qu’on embarque, dans nos fontes, chaussons, crash pads et poutre d’entraînement. On espère ouvrir plein de blocs sur la route (spoiler alert : on n’en a pas encore trouvé beaucoup pour le moment) et, surtout, arriver en forme en Afrique du Sud, et plus précisément, à Rockland.
Jusqu’ici, le voyage s’est plutôt bien passé. Nous découvrons des paysages incroyables et nous faisons des rencontres inoubliables. Nous aimons découvrir cette nouvelle façon de voyager et nous n’avons même pas mal aux fesses (enfin, peutêtre juste un tout petit peu) !
Ce qu’il faut savoir, c’est que de base, nous ne sommes pas des cyclistes. Et du coup, on nous demande souvent : « Mais alors, pourquoi le vélo ? ». Et en général, les gens supposent que nous faisons ça spécifiquement pour limiter notre empreinte carbone. D’ailleurs, lorsqu’on nous a demandé d’écrire cet article, le but était d’expliquer, je cite : « (…) Le projet, et alors peutêtre axer sur l’impact environnemental très faible, voire zéro de votre expédition en liant ça au vélo et à la mobilité douce de manière générale. Pourquoi ce choix, qu’est-ce que ça implique, etc. (…) ». Mais donc, notre voyage a-t-il réellement un impact carbone très faible ?
Rentrons un peu dans les chiffres pour y voir plus clair…
Imaginons qu’à la place du vélo, nous avions décidé de voyager en van, parce que c’est trop stylé d’avoir un van quand on est un grimpeur ou une grimpeuse. Traverser l’Afrique, du Caire à Cape Town (soit à peu près 12 000 km) en van émettrait 4,7 tonnes d’émission de CO21. Ces émissions prennent en compte la totalité des émissions produites par le van : le diesel brûlé dans le moteur pour parcou-
1 - CO2.myclimate.org, consulté le 20/02/2023, https ://CO2.myclimate.org/fr/car_calculators/new
Ci-contre : Vélo au petit matin dans le désert Égyptien avant Abu Simbel rir tous les kilomètres, la production du van, les émissions liées à la construction, à l’entretien des infrastructures routières, etc. Nous consommerions donc 2,35 tonnes de CO2 par personne.
Quant à nos vélos, ceux-ci n’ont émis que 200 kg de CO2 lors de leur production (100 kg de CO2 en moyenne par vélo produit).2
En regard de ces chiffres, il semble assez clair que le vélo semble être le meilleur moyen de transport pour diminuer son impact carbone. Il vaut donc mieux privilégier ce type de voyage.
Oui, mais… Nous avons pris l’avion pour nous rendre au Caire. Et si nous ne trouvons pas de bateau pour le retour, nous devrons prendre l’avion pour refouler la terre du plat pays (Cape Town-Belgique).
Reprenons nos chiffres
Prendre l’avion de Bruxelles au Caire émet 0,55 tonnes de CO2 par personne et prendre l’avion de Cape Town à Bruxelles émet 1,6 tonnes de CO2 par personne (ces émissions prennent en compte la totalité des émissions nécessaire au vol : le kérosène brûlé dans les réacteurs, la production de l’avion, la construction des infrastructures de l’aéroport ou encore le nombre de sièges moyen réellement occupés dans l’avion).3
À deux, nous consommerons donc 4,3 tonnes de CO 2 si nous prenons effectivement l’avion pour rentrer.
À noter que dans ces calculs, nous prenons en compte nos seules consommations liées à nos moyens de transport. Il est évident que pour faire avancer notre vélo, nous devons manger. Nous préférons aussi nous laver de temps en temps pour sentir bon et, parfois, nous dormons dans un lit, qui se trouve lui-même dans un hôtel. Nous utilisons également Internet pour pouvoir communiquer sur notre voyage et, surtout, avec nos proches. En bref, nous sommes loin de respecter les 2 tonnes/an par personne qui est la consommation requise si nous voulons rester sous la barre des +1,5 degrés avant 2050.4 Quand on voyage, on consomme.
2 - Sustainability report Trek, 2021, consulté le 20/02/2023, https ://view.publitas.com/trek-bicycle/ trek-bicycle-2021-sustainability-report/page/6
3 - CO2.myclimate.org, consulté le 20/02/2023, https ://CO2.myclimate.org/fr/flight_calculators/new
4 - 2tonnes.org, consulté le 20/02/2023, https ://www.2tonnes.org/
Alors à la question : « Le voyage à vélo est-il écolo ? », la réponse est : « Pas forcément ». Et dans notre cas, la réponse est non. Il nous semble important d’être honnêtes face à cette question. Et nous sommes souvent étonnés et dérangés de voir que de nombreux voyageurs à vélo surfent sur la vibe « écolo-bobo » de la bicyclette pour faire des likes, alors qu’en même temps, ils et elles n’hésitent pas à prendre plusieurs fois l’avion sur leur trip pour aller rouler sur les plus belles routes du monde. Bien entendu, nous ne sommes personne pour donner la morale (vous connaissez le serpent qui se mord la queue ?). Cependant, il est tout de même important de faire preuve de transparence afin que chacun·e ait toutes les (bonnes) cartes en main avant d’entreprendre ce genre de voyage.
Alors, au final, pourquoi avons-nous choisi de voyager à vélo ?
Si vous avez bien suivi, on ne peut pas dire que l’on voyage de cette façon pour diminuer notre empreinte carbone : ce serait comme si l’on disait voyager en van électrique pour être écolo.5
Par contre, nous avons d’autres raisons. La première raison est le challenge sportif. Ça fait bien longtemps qu’on n’a pas fait chauffer nos cuisses et, ayant tous les deux l’âme de la compétition, le voyage à vélo nous semblait idéal. Effectivement, on ne s’était pas trompé !
Ensuite, il faut avouer qu’on aime vraiment pas mal l’aventure. On adore les galères, mais on aime encore plus la découverte. Depuis le départ, nous apprenons beaucoup, tous les jours. Il faut s’adapter en permanence, et c’est le bonheur.
5 - La production de grosses batteries pour véhicules électriques est très énergivore. L’électricité consommée par ce genre de véhicules peut aussi être source de grandes émissions de gaz à effet de serre en fonction du mode de production de celle-ci. (Quel est l’impact écologique d’une batterie, consulté le 20/02/2023, https://greenly.earth/fr-fr/blog/ actualites-ecologie/empreinte-carbone-batterie)
De haut en bas : Une grosse montée comme on en trouve beaucoup en Ethiopie Pause devant les chutes du Nil bleu en Ethiopie Escalade devant les pyramides de Méroé au Soudan
Nous voyageons aussi à vélo parce que cela nous permet de voyager lentement. Pour passer d’un point touristique à un autre, nous devons rouler sur la route qui les sépare. Et il y a tant de choses à y voir ! Animaux, paysages à couper le souffle, spots de bivouacs magnifiques, etc.
Enfin, le vélo nous permet d’apprécier encore plus nos moments de repos et nos destinations. Et surtout, nos moments de grimpe :).
Si vous voulez en apprendre encore plus et connaître tous les détails croustillants de notre voyage, n’hésitez pas à nous suivre sur Instagram (@soph_et_lo) et sur Polarstep (« Soph et Lo à travers l’Afrique »).
On cherche aussi un lift de retour en voilier depuis Cape Town vers l’Europe pour l’automne 2023 : contactez-nous si vous avez une connaissance qui a une tata qui a un ami qui a une fille ou un fils qui possède un voilier et qui serait prêt(e) à nous embarquer avec nos vélos (Via Instagram ou par mail : sophberthe@gmail.com ou loicdebry@gmail.com).
Toute autre piste est bienvenue !