La spectacularisation du littoral : les cas de Sète et d'Ajaccio

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ensase Mémoire 2017-2018

LA SPECTACULARISATION DU LITTORAL

LES CAS DE SÈTE ET AJACCIO Camille Grisoni



Mémoire de Master

Camille Grisoni

La spectacularisation du littoral Les cas de Sète et Ajaccio

2017-2018 Écrit sous la direction de Noémie Boeglin ENSASE : École Nationale Supérieure d’Architecture de Saint-Étienne


« Homme libre, toujours tu chériras la mer ! » Charles Baudelaire, L’homme et la mer, extrait de Spleen, dans Les Fleurs du Mal, 1857

Merci à Noémie Boeglin, pour m’avoir accompagnée tout le long de cet exercice de réflexion et de pensée sur l’architecture et le littoral. Merci à Jorn Garleff, pour m’avoir guidée dans le choix du sujet.


SOMMAIRE Préambule Introduction

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I. Évolution d’un imaginaire spectaculaire : vers le domptage d’un monde incontrôlable 1. La mer comme ennemi frontalier, porteur de peur 2. Pensée aquatique : entre rêverie et cauchemar 3. Dompter par l’accessibilité et la mise en réseau

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II. Spectaculariser l’exceptionnel : faire territoire 1. Marchandiser le paysage 2. Aménager

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III. Spectaculariser le quotidien : faire lieu 1. Résidentialisation 2. S’éloigner de la limite

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Conclusion

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Bibliographie _ Sources

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Iconographie

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Annexes Territoire 1 : Le littoral français métropolitain Territoire 2 : La ville de Sète Territoire 3 : Le golfe d’A jaccio Architecture 1 : Le théâtre de la mer (Sète) Architecture 2 : Les tours génoises (Corse) Chronologie 1 : Aménagement du littoral Chronologie 2 : Textes de loi autour du littoral Chronologie 3 : Loi Littoral du 3 Janvier 1986 Poésie 1 : Le cimetière marin, Paul Valéry, 1920 Poésie 2 : L’homme et la mer, Charles Baudelaire, 1857 Poésie 3 : La mer, Charles Trenet, 1946

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PRÉAMBULE Le littoral est un territoire désiré et exploité par nombres de personnes aujourd’hui. Il fait l’objet d’un profond désir d’évasion du quotidien et répond à un imaginaire de vacances, d’exceptionnel. Il apparaît pour la plupart comme un lieu le quotidien et ses routines n’ont pas lieu d’être, où l’on va pour vivre une expérience hors du commun. C’est d’ailleurs là-dessus que jouent les autorités pour attirer encore plus de monde. Originaire de Haute-Corse, j’ai depuis longtemps eu l’opportunité de parcourir ces territoires particuliers mais au quotidien et non seulement dans une optique d’expérience exceptionnelle. Lourds d’une forte connotation d’imaginaire et de rêve, les territoires apparaissent tout de même pour moi comme de véritables paysages spectaculaires. Les ambiances et atmosphères sont tellement changeantes que chaque vision est différente suivant les moments et les personnes. « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve.1 » Ce proverbe tiré de la philosophie d’Héraclite illustre bien le perpétuel changement de la vie. L’eau, et la mer, sont en mouvement constant. De plus, l’être n’est jamais le même lorsqu’il se présente en ce lieu. Son expérience, sa culture et même ses sens lui donnent une nouvelle perception de ce qui l’entoure. C’est là toute la dimension du paysage et c’est ainsi que je qualifierai donc le littoral de territoire paysager, soit un territoire qui, par sa constitution même, fait appel à un fort imaginaire et une grande perception paysagère. Il s’agit d’un site ou la plupart sont touchés parce qu’ils voient et ressentent. Il fait donc appel à une culture commune, un imaginaire collectif. Largement désiré dans le but d’expérimenter soi-même cette réalité qui prend des allures de rêverie, le littoral connaît une grande évolution de sa démographie au cours des derniers siècles. Nombreux sont ceux qui veulent découvrir ce territoire et y habiter. Nombreux, oui, mais tout de même moins que ceux qui veulent ou ont les moyens uniquement de le parcourir. Le littoral se retrouve assailli par une foule de touristes et voyageurs durant la saison chaude, meilleure époque pour profiter pleinement de la chaleur, du beau temps et des plages. On peut alors noter un grand déséquilibre saisonnier dans l’activité mais surtout la démographie. L’été, au sens large, devient alors le théâtre de la rencontre, de la cohabitation et parfois même de la confrontation entre populations résidentes et populations de passage. Considéré comme temps préféré de l’année par les touristes, l’été devient alors une épreuve dans sa pratique de la vie de tous les jours, où les trajets doublent en terme de durée, où les lieux sont surbondés… Cette situation extrême est un état actuel du littoral. Il est d’autant plus étonnant qu’il y a peu, un peu plus de trois siècles, cet état n’avait pas lieu. Le littoral était alors un territoire sauvage et inexploité. La mer apparaissait comme un monde terrifiant dont peu en revenaient et surtout d’où venaient les nombreux étrangers qui envahissaient les côtes. De plus, les sites largement gorgés d’eau, étaient le lieu de la propagation de nombreuses maladies et épidémies. Les hommes étaient alors dans l’incapacité de s’installer à long terme. Ce sont ces changements d’état et d’imaginaire relativement récents qui font pour moi l’objet d’un grand étonnement et donc sont le commencement de ce mémoire. Je cherche donc à comprendre fondamentalement cette transformation de la pensée du littoral et de sa constitution en soi. Qu’est-ce qui a pu faire que ce changement profond s’opère et persiste aujourd’hui ? Je cherche donc les moyens mis en œuvre pour son aménagement et à transcrire la culture et l’expérience architecturale sur des territoires similaires à celui qui m’a vu grandir, similaires dans leur caractère littoral mais sensiblement différent dans leur morphologie et leur typologie.

1. Héraclite, philosophie, IVe siècle avant Jésus-Christ

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PrĂŠambule

Fig. 2

Faire paysage : cadrer

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INTRODUCTION La pensée double de ce territoire qu’est le littoral, partagé entre une vision terrifiante et indomptable et une autre plus maîtrisée dans un grand désir d’occupation, marque entre autres le début de cette réflexion. Cette dernière repose sur l’interrogation des interactions et des rapports entre les hommes et cet élément liquide qu’est l’eau et particulièrement la mer. En quoi influence-t-elle les hommes et leurs pratiques et en quoi eux-mêmes influencent-ils la mer à leur tour ? Le rapport est double et se fait dans les deux sens mais dans quelles proportions ? Longtemps considéré comme un territoire sauvage, laissé sous l’entière autorité du domaine marin, les hommes sont aujourd’hui largement présents sur le territoire. La mer reste pour les hommes un élément à la fois terrifiant et fascinant comme envoûtant des sociétés entières et les attirant à sa rencontre. En quoi la mer et le littoral, à travers l’élément eau, attirent-ils autant les hommes ? Les fascinent autant qu’ils en ont peur ? Et puis, pour répondre à cet envoûtement, comment les hommes se sont-ils finalement installés sur le littoral ? Comment sont-ils parvenus à dompter ce territoire qui ne semblait répondre qu’à l’autorité de la mer, et cela de manière autant mentale que physique ? L’un des enjeux du littoral est entre autres qu’il est le lieu d’une forte pratique du paysage, c’est pourquoi, rappelez-vous, que nous le qualifions ici de territoire paysager. Or la pratique du paysage voit le jour, tardivement de la même manière que la pratique du littoral. Elle prend son origine au XVe siècle dans le nouvel intérêt que les artistes développent en s’intéressant et en représentant uniquement le monde qui s’offrent à eux sous divers impressions et moments. Étymologiquement, le paysage, ou die landshaft en allemand, associe les termes land et schaft signifiant respectivement le pays et la société. C’est ainsi que l’on peut repérer la définition qui lui est propre. Le paysage est une lecture du monde indissociable de son observateur. C’est donc la perception d’un territoire observé qui ne prend sa réelle dimension qu’à travers la vue mais aussi les autres sens d’un individu. Ce phénomène est fait de manière consciente ou parfois inconsciente mais n’est valable qu’à travers toute subjectivité. Différencions d’abord acte conscient ou inconscient. Le premier est une action réfléchie et pensée, où l’esprit et le corps prennent totalement connaissance de ce qu’ils sont tous deux en train de faire, alors que l’acte inconscient intervient plus dans le domaine de l’instinct, il n’est en aucun cas connu par le sujet, et se fait donc à son insu. La subjectivité renvoie quant à elle à l’aspect personnel de la réflexion de l’individu, en opposition à l’objectivité qui est sensée être purement neutre. C’est l’apanage du sujet, de l’individu tout entier, de sa relation au monde, à travers son propre corps, sa propre personnalité, son expérience personnelle, uniques pour chacun. Le paysage, ou la lecture du territoire est donc exclusivement personnelle, mais peut également faire à une culture, une éducation ou un imaginaire communs. Elle répond alors à des codes d’une société qui elle-même répond à un ensemble mais ce n’est qu’un aspect partiel de sa nature. Le phénomène peut alors prendre une dimension plus collective. L’homme illustre alors toute son individualité face à une nature composée de multiples éléments mais qui forme un tout. Le monde naturel est incapable d’exprimer une individualité propre, même si chaque être possède son propre milieu, ses propres interactions avec le monde2. La lecture d’un paysage n’est possible que dans un certain état d’esprit. Il est d’ailleurs appelé le stimmung par Georg Simmel3. Les hommes se doivent d’être totalement désintéressés, ne répondant à aucune motivation résultant du travail, de la religion, de la protection de la nature. Ils doivent se confronter au territoire et subir sa valeur paysagère de manière totalement indifférente pour pleinement 2. Voir la pensée de Von Uexkül, Jakob dans Mondes animaux et monde humain suivi de La théorie de la signification, 1934, traduction française, Réédition sous le titre Milieu animal et milieu humain, Édition Rivages, Paris, 2010 ; où il fait clairement la différence entre le milieu humain et le milieu animal, où tous deux voient le monde en tant que sujet, par les interactions qui s’y passent mais que seul le premier voit le monde en tant qu’objet. Il fait par exemple de l’arbre, uniquement un matériau, un outil alors que l’animal y voit uniquement sa dimension de milieu dans lequel il vit, avec lequel il interagit. L’auteur y fait également la différenciation entre environnement en tant qu’espace et milieu (traduction d’Umwelt), en tant qu’ensemble d’interaction entre être et monde. 3. Simmel, Georg, Chapitre Philosophie et paysages, Extrait de La tragédie de la culture et autres essais, Édition Rivages, Paris, 1912 (1988).

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Introduction

l’apprécier, exercer une première appropriation du monde, y apposer une première autorité et en faire un territoire. La représentation du paysage et sa pratique peuvent être matérielles à travers les travaux des artistes, qu’ils soient picturaux ou tout autre, mais également mentales. Cet exercice est un premier pas dans la manière d’habiter le monde, d’être au monde, d’établir une relation avec lui. Plutôt, la pratique du paysage pouvait, disions-nous, être le résultat d’un acte inconscient provoqué lorsque l’individu se retrouve devant l’omniprésence du paysage. Ce dernier est présent partout et envahit l’esprit de l’individu. Il lui impose sa présence. L’esprit est alors frappé par ce qui se trouve autour de lui et entame mécaniquement une action inconsciente de cadrage, de sélection. C’est ainsi que Michel Corajoud définit le paysage. « Le paysage, c’est l‘endroit où le ciel et la terre se touchent. (…) Le paysage nous assaille de son omniprésence.4 » Cette définition peut, elle-même être complétée par celle établie par Frédéric Pousin. « L’idée du paysage est liée à celle de l’horizon. Un lieu devient un paysage en s’offrant au regard parce qu’il possède un horizon qui le limite et l’illimite à la fois. Ouvrant en lui profondeur dans laquelle se jouent les rapports entre visible et invisible.5 » Tous deux placent le paysage dans l’horizon. C’est le lieu même de la rencontre entre deux éléments forts que sont la terre et les cieux. Il peut présenter plusieurs formes ou silhouettes qu’il soit dessiné par un territoire naturel fait d’arbres ou de montagnes ou par un territoire plus artificiel comme la skyline d’une ville ou même une parfaite ligne horizontale. Cette dernière situation est présente sur les territoires du littoral qui sont, aujourd’hui, l’objet de notre réflexion. L’horizon est alors le lieu de la rencontre entre la mer et le ciel que nous attribuerons respectivement aux domaines terrestres et célestes. Il prend alors une nouvelle dimension, dans sa nature de parfaite horizontalité, en accentuant les phénomènes de limites et d’illimité évoqués précédemment. Les hommes s’évadent dans leurs pensées en observant l’infinité de l’horizon, rêvant d’évasion vers des mondes inconnus dont l’horizon est la matérialité même de cette limite entre ces domaines connus et inconnus, visibles et invisibles. Les littoraux sont les territoires parfaits pour l’expression de ces phénomènes, c’est pourquoi ils font, aujourd’hui l’objet de notre réflexion. Le littoral prend racine dans le latin litus qui signifie rivage. Il s’agit d’un adjectif désignant tout ce qui appartient au bord de mer et par analogie, devient le synonyme de côte ou de rivage. Le littoral est donc la fine limite sinueuse entre la terre et la mer (Fig.3). C’est le lieu de rencontre mais

Fig. 3

Schéma définissant le littoral

Fig. 4 Schéma définissant la sous-division du littoral

4. CORAJOUD Michel, « Le paysage, c’est l’endroit où le ciel et la terre se touchent », Extrait de Mort du paysage ? Philosophie et esthétique du paysage, Édition Champ Vallon, 1981, 238 pages. 5. POUSIN, Frédéric, « La création de paysage au risque de l’urbain », Les Annales de la Recherche Urbaine, n°85, 1999, [en ligne] http://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1999_num_85_1_2277?q=paysage, (pp.32-41) (consultation : 11.12.2017) (p.33)

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également de conflit entre ces deux éléments forts. Les territoires littoraux sont le parfait point de vue pour observer, rencontrer et prendre conscience pleinement de la mer, l’horizon et les paysages qui en découlent. Le littoral, par sa nature, travaille dans son épaisseur, plus ou moins fine. Il agit comme un seuil entre le territoire des hommes et celui de la mer et donc appartient autant au domaine des hommes qu’au domaine de la mer. Il est sous l’autorité de l’un comme de l’autre, sans oublier celle de la terre et même du ciel. C’est donc le lieu de conflits, de confrontations, de rencontres, et parfois de cohabitation entre toutes ces entités fortes comme le rappelle la citation : « Cette bande de terre qui sépare étendue maritime et étendue terrestre peut souvent être appréhendée comme une frontière entre deux mondes ; il serait particulièrement opportun de la considérer comme une interface, un carrefour les reliant.6 » Cette fine épaisseur, qui définit le littoral, se divise elle-même en deux épaisseurs (Fig.4) chacune répondant à des caractéristiques et à des enjeux socio-économiques très différents entraînant une ségrégation sociale et intergénérationnelle. C’est la course à celui qui aura le lien le plus fort avec la mer. Ces deux épaisseurs sont : le trait de côte qui est le lieu des plus grands enjeux touristiques et d’équipements dans un lien profond avec la mer comme matière à part entière ; et les terres qui le bordent, ou la bordure comme je les nommerai par la suite, lieu plus réservé aux habitats et à la résidence en faisant de la mer, que l’on aperçoit qu’au loin, le décor de la vie quotidienne. Le littoral est un territoire d’enjeux pour les populations et les collectivités en charge, présentes et futures, et ce, en termes de confort de vie, de politique ou d’économie résultant en grande partie du tourisme. Rappelons-le, nous qualifions plutôt le littoral de territoire paysager, soit un territoire qui suscite plus facilement que d’autres la pratique du paysage. Allons maintenant plus loin en déclarant que le littoral est un lieu de spectacularisation. Prenons sa définition : il s’agit de l’acte de rendre quelque chose spectaculaire soit « qui frappe la vue, l’imagination par son caractère remarquable, les émotions, les réflexions suscitées » et « qui suscite la surprise7 ». Étymologiquement, spectaculaire vient de spectaculum en latin qui signifie spectacle et qui se compose lui-même du verbe spectare signifiant regarder. La spectacularisation réside donc dans l’action de rendre quelque chose exceptionnel pour l’individu qui découvre le monde d’abord par la vue et ensuite par les autres sens. La pratique du paysage est une manière, en soi, de spectaculariser le territoire en lui donnant une nouvelle dimension esthétique, à travers le choix et le cadrage, la subjectivité. Le littoral possède également de réels enjeux d’aménagements et fait l’objet de la volonté des hommes de s’installer. Ce sont donc de vraies motivations quant à la transformation de ce territoire, surtout que, dans un premier temps, il était inadapté à l’occupation des hommes. Ces derniers ont dû dompter ce territoire et en changer sa dimension spectaculaire et terrifiante en une dimension spectaculaire et désirée. L’acte de la spectacularisation renvoie également à la pratique paysagère qui intervient de manière immédiate et presque automatique. On ne peut pas forcer l’émotion, la rendre positive ou négative mais on peut fortement la guider. C’est un des enjeux de la spectacularisation : faire du territoire une machine à émouvoir et faire pencher la balance de l’émotion jusqu’à rompre l’équilibre et provoquer une forte réaction vis à vis du spectacle. Ce dernier apporte la dimension de surprise et de choc. On est profondément frappé par ce qu’on voit, on ne peut y échapper. Le phénomène de spectacularisation tend vers l’exceptionnel. L’enjeu du littoral est donc de faire de ce territoire, un théâtre spectaculaire, exceptionnel pour la vie quotidienne et pour les gens de passage. Préserver ou transformer le territoire sont deux moyens d’en choisir une lecture artificielle ou fictive, si seul demeure l’état de projet, et donc d’en faire paysage, d’en faire exception, d’en faire spectacle. Ces deux actions sont le résultat de phénomènes, d’aménagements ou de moyens mis en 6. Club Territoires maritimes et portuaires de la fnau, « Territoires littoraux, des lieux complexes et convoités à aménager », Urbanisme, n°401, Eté 2016 (pp.61-65). 7. CNRTL, définition de spectaculaire, [en ligne] http://www.cnrtl.fr/lexicographie/spectaculaire (consultation : 05.2017).

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Introduction

œuvre par les hommes ou même par les éléments afin de révéler au mieux le littoral et d’en tirer le meilleur parti. Le littoral est déjà sujet à une spectacularisation négative lorsqu’il apparait comme le lieu d’un conflit perpétuel entre les éléments eau et terre. Lorsque tous deux se déchaînent, le phénomène est tel qu’il fascine et éloigne les hommes. Au vu de ces trois définitions, notre réflexion va se porter ici sur les actions transcrites sur les territoires du littoral et cela à travers la problématique suivante : Par quels moyens mis en œuvre, le renforcement de la spectacularisation du littoral, pensé comme territoire paysager, est-il possible ? Le littoral oui, mais quel littoral ? La France est un territoire très riche en termes de frontières maritimes qui représentent 60% de son périmètre total8. En plus, d’être riche, il est très diversifié, plus ou moins aménagé, plus ou moins urbanisé… Nous avons pu repérer trois types de transformation du territoire côtier : le littoral urbanisé comme sur la Côte d’Azur ou la moindre parcelle de terre est bétonnée ; le littoral mité entre urbanité et nature ; et enfin, le littoral protégé où la nature bien que maîtrisée prend une grande importance. De plus, la France côtoie, à la fois l’Océan Atlantique et la Mer Méditerranée, deux entités appartenant à l’élément mer et très différents dans leur nature. Le premier est plus sauvage alors que le second prend ses limites dans un contenant terrestre. Nous choisirons de nous intéresser plus précisément aux domaines de la Mer Méditerranée, déjà très riches en soi, et plus précisément aux villes de Sète9 et d’Ajaccio10 pour appuyer notre réflexion. Ces deux villes, de taille moyenne sont des lieux de villégiature et de résidence reconnus dans le sud de la France. Toutes deux, bien que très différentes, sont nées avec la création de leur(s) port(s). Moins connues que certaines de leurs congénères, ces deux villes n’ont pas fait l’objet de grandes études et analyses, ce qui laisse la possibilité de les traiter plus librement. M’étant d’abord complètement inconnu, j’ai pu me rendre sur place cet été et ainsi les pratiquer ces deux territoires littoraux sans aprioris et me laisser porter par ma déambulation sur place et sur le moment. L’ensemble du développement se fera donc principalement autour de l’étude et de mon expérience de ces deux villes mais sera également ponctué de comparaisons avec des exemples de villes plus connus comme Nice ou Marseille, que j’ai moi-même eu l’occasion de pratiquer et qui font écho à un plus grand nombre de personnes. Nous aborderons d’abord cette étude par le changement très marquant de la spectacularisation du littoral, à travers une première partie plus contextuelle. Cette dernière est passée d’un caractère terrifiant et dangereux pour les hommes à un caractère d’une grande beauté et rêvé par les hommes, et cela, en seulement trois siècles. Ce changement de pratiques et de perception s’accompagne d’un changement mental et d’imaginaire. La mer et le littoral demeure dans une grande dualité entre rêve et cauchemar. Ce grand changement s’opère également de manière physique à travers la mise en réseau du territoire du littoral qui reste la première des façons d’y accéder et de le dompter. Par la suite, à travers les deux autres parties, nous mettrons en parallèle le fait que le littoral est profondément marqué par des enjeux doubles, chacun correspondant à une population de passage ou de résidence, à une pensée globale ou locale, à une volonté de spectaculariser l’exceptionnel ou le quotidien, de faire territoire ou de faire lieu. La question est permanente, faut-il se protéger de la mer ou la désirer ? Faut-il s’en rapprocher ou s’en éloigner ? Le littoral et ses paysages deviennent une marchandise que nombre des hommes désirent faire leur dans leurs pratiques du voyage ou une source de revenu dans leur pratique de l’habiter. La mer devient le décor de la scène qu’est le littoral dans sa vie quotidienne ou de voyage. 8. Cf. l’annexe Territoire 1 : La diversité du littoral français métropolitain. 9. Cf. l’annexe Territoire 2 : la ville de Sète. 10. Cf. l’annexe Territoire 3 : le golfe d’Ajaccio.

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« L'époque classique, à de rares exceptions près, ignore le charme des plages, de la mer, de l’émotion du baigneur qui affronte les vagues, les plaisirs de la villégiature maritime. Une chape d’images répulsives gène l’émergence du désir du rivage. », Alain Corbin 11

Évolution d’un imaginaire spectaculaire Vers le domptage d’un monde incontrôlable

La mer est depuis quelques temps considérée comme un espace désiré, convoité mais tel n’a pas toujours été le cas. Pendant longtemps, le littoral ne pouvait accueillir l’homme. Ce dernier pour s’y installer a dû dompter ce territoire incontrôlable, le maîtriser en le transformant profondément et l’ancrant dans un puissant réseau de transport. L’eau de manière générale et la mer donc, ont toujours, d’une certaine manière, intrigué les hommes.

11. Corbin, Alain, Le territoire du vide : l’Occident et le désir du rivage, 1750-1840, Édition Aubier, Paris, 1988. Fig. 5 Turner, William, Tempête de neige en mer, 1842, huile sur toile, Tate Britain, Londres, (91,4 x 121,9 cm).


1. LA MER COMME ENNEMI FRONTALIER, PORTEUR DE PEUR « La mer c’est d’abord la peur immémoriale : peur de l’infini et de l’abîme, de l’assaut, des flots furieux et des envahisseurs, des naufrages et des voyages. Limite sauvage où commence un univers inhumain, la grève est primordialement un seuil mortifère... » Jean-Didier Urbain12 Même s’il appartient aujourd’hui à la féerie, le littoral est d’abord considéré comme un territoire hostile sous l’unique autorité de la mer déchaînée. Cette dernière apparaît à l’homme présent comme un véritable spectacle pour les yeux. Porteurs du sens de la vue, ils sont largement sollicités par ce que la mer provoque à travers les reflets des éclairs, son mouvement constant et rageur, ses multiples couleurs ou encore son alternance entre transparence et opacité. Ce phénomène spectaculaire est d’autant plus multiplié par la provocation des autres sens. Le toucher est convoqué par exemple, par les assauts sur la peau, du vent, alourdi par une multitude de gouttelettes salées, iodées, convoquant à son tour le goût et l’odorat ; l’ouïe, enfin, se retrouve agressée par les cris du vent et des vagues qui viennent frapper la grève ou les falaises. Nombre des âmes qui tentent finalement de braver les flots terminent noyées ou perdues dans ces mondes inconnus. Les corps sont rejetés sur le sable comme un avertissement à celui qui oserait s’aventurer vers l’horizon et les contrées mystérieuses qu’il accueille. La mer est trompeuse, tantôt calme et d’huile, elle peut soudainement se soulever et faire alors preuve d’une grande violence, ballottant, maltraitant les navires jusqu’à finalement les détruire et disperser les âmes qu’ils transportaient. C’est également quand elle est d’huile que l’homme a peur d’elle. Immobile, elle permet le reflet net du monde et impose la tranquillité et la contemplation à son observateur. Elle apparaît alors sans aucun mouvement ce qui arrive bien moins souvent et présage souvent une violente tempête. Ne dit-on pas « c’est le calme avant la tempête ». La mer et le littoral, dernière limite terrestre, s’ancrent alors dans un domaine terrifiant et impressionnant, dernière image d’un territoire connu et maîtrisé. Cependant, les eaux rompent 12. Urbain, Jean-Didier, Chapitre Aller à la plage, aller à la mer, Extrait de Toulier, Bernard (dir.), Tous à la plage ! Villes balnéaires du XVIIIe siècle à nos jours, Édition Cité de l’Architecture et du Patrimoine/Lienart, Paris, 2016. Fig. 6

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Plan de fortification du port de Sète, 1777


Évolution d’un imaginaire spectaculaire : d’un monde incontrôlable à son domptage

Fig. 7

Vue du Golfe d’Ajaccio depuis la départementale 3 près d’Ocana

momentanément leur frontière et envahissent la terre des hommes. Le littoral serait donc une limite sinueuse en constante évolution, en constant mouvement, entre les actions des hommes et celles de la mer. Sous l’invasion perpétuelle de la mer sur les terres, les hommes sont alors dans l’incapacité de s’installer sur le littoral à long terme sans risquer d’attraper une maladie, propagée rapidement par des multitudes de moustiques, friands de zones humides et chaudes. Les terres sont irrémédiablement gorgées d’eau, et donc non-propices à la culture des terres ou aux constructions des hommes sans de lourds moyens mis en œuvre. Afin d’illustrer ce propos prenons l’exemple de la Corse et des villages qui viennent la peupler. Ses habitants, historiquement, n’ont pas l’habitude de venir habiter les côtes, mis à part dans la microrégion du Cap-Corse, à l’extrême Nord de l’île, où ses occupants se considèrent davantage comme des marins et développent les ports et la marine. Ce phénomène très localement ciblé est surement dû à la finesse de cette excroissance terrestre et qu’elle offre un littoral plus torturé et escarpé apportant une meilleure protection et surveillance au lointain aux différentes populations (Fig.7). Quant aux autres territoires, plus marécageux et hostiles comme ceux de la Plaine Orientale, également sujets aux assauts constants des envahisseurs envieux ils repoussent toutes tentatives de s’installer. L’implantation des villages découle alors d’une certaine volonté de défense, ils sont positionnés de telle manière à pouvoir observer toute approche en surplomb ou pour n’être vus qu’à la dernière minute, que lorsque le visiteur pénètre enfin dans le village, après un long enfoncement dans les terres. Ce dernier effet est aujourd’hui réduit par la présence très nette des routes et leur signalisation qui indiquent parfaitement le chemin à suivre. Le littoral et par extension la mer, font toujours l’objet de la fascination des hommes mais ils préservent une certaine distance entre ces éléments violents afin de se préserver eux-mêmes. Finalement, c’est cette distance qui accentue l’effet de spectacle où les hommes restent spectateurs et ne pénètrent pas la scène. 1730 marque un basculement dans la pensée et l’occupation du littoral13. Alors que jusqu’alors peu de villes se construisent le long des côtes, cette date correspond au commencement de l’âge d’or des stations balnéaires thermales avec la création de la première d’une longue série à Brighton en Angleterre par le Docteur Russel14. La construction de ces stations balnéaires témoigne d’une volonté de se rapprocher de la mer pour répondre à un bien-être. La mer est nouvellement vue comme la source de bienfaits thérapeutiques entre héliotropisme et bains salés et d’algues. Certains hôpitaux s’installent même le long des plages pour bénéficier pleinement de ces atouts. C’est le cas notamment de l’Ospedale del Mare15 du Lido à Venise qui accueillait surtout les enfants atteints de tuberculose ou plus récemment, 13. Cf. l’annexe Chronologie 1 : Aménagement du territoire. 14. Toulier, Bernard (dir.), Tous à la plage ! Villes balnéaires du XVIIIe siècle à nos jours, Edition Cité de l’Architecture et du Patrimoine/Lienart, Paris, 2016. 15. « Hôpital de la Mer », traduction personnelle de l’italien.

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Fig. 8

Plans et élévation de la Tour génoise de Miomo

l’institut Saint Pierre à Palavas-les-Flôts (Hérault). Cependant, la plupart de ces villes nouvelles sont exclusivement réservées à l’activité des pêcheurs et de leur famille. Le port est bien souvent la naissance des villes du littoral, c’est le majeur lieu des activités et des échanges qui s’y organisent. Les pêcheurs partent en mer, reviennent sur les terres avec les pêches quotidiennes, nettoient et vendent leurs produits à la criée ou partent vers les terres pour diffuser les fruits de la mer. C’est le cas notamment de la ville de Sète, alors appelée Cette. C’est avec le début des travaux de la construction de son port le 29 juillet 1666 par l’initiative de Louis XIV, Paul Riquet et le Chevalier de Clerville, que l’on situe aujourd’hui la naissance de la ville16. Ensemble et ce, avec l’aide du ministre Colbert, ils ont la volonté de trouver au territoire français une nouvelle rade, soit un espace marin permettant le mouillage de la flotte royale de galères, ainsi qu’un nouveau port d’exportation des produits mais également de trouver une fin pour le Canal du Midi afin qu’il se jette dans la Méditerranée. Le territoire complexe de Sète répond parfaitement à ces objectifs entre le Mont Saint Clair qui surplombe la mer, l’étang de Thau qui termine le canal et cette fine bande de terre entre étang et mer, appelé un lido, au pied de la colline pour accueillir le port et la ville en devenir. Sur le plan de 177717 (Fig.6), on peut apercevoir le môle qui ferme et protège le port. Il s’agit du premier élément constitutif construit au XVIIe siècle. Il s’accompagne d’un canal qui vient relier l’étang de Thau au Nord à la Mer Méditerranée au Sud et finalement couper la ville en deux. Le canal et la ville viennent, en définitive buter, contre cette grande digue qui s’impose comme l’ultime limite du territoire maîtrisé, vient ensuite l’étendue sauvage de la mer jusqu’à perte de vue. Malgré le fait qu’elle devient finalement anthropisée, cette limite sinueuse entre terre et mer reste d’une grande fragilité qui subit constamment les assauts de la colère de l’élément liquide. A chaque mauvaise saison, les tempêtes ravagent, et les terres, et les rares navires partis en mer. L’élément liquide y est en mouvement constant. C’est ce perpétuel va-et-vient qui ronge petit à petit les côtes, chaque vague, à chaque rencontre avec la terre, en emporte une petite partie. Phénomène naturel, il s’agit de l’origine même de la création de la plupart du sable qui recouvre nos plages. Chaque parcelle de terre arrachée est ballottée, encore et encore, et se déconstruit jusqu’à devenir minuscule. Le littoral recule alors chaque année de plus en plus sous les effets de l’érosion. Ces derniers varient en puissance suivant la nature du sol attaqué, qu’il soit constitué de plages ou de falaises, de granit ou de calcaire et cette variation dépend également de la force des vagues, qu’il y ait des tempêtes ou une simple houle. Cette détérioration se fait également sous l’effet du vent qui peut emporter au loin les grains tout juste détachés. Les hommes tentent de s’en prémunir, depuis leur appropriation du littoral. Dans son discours à la Chambre des Pairs en 1846, Victor Hugo évoque la mer et surtout l’océan comme un ennemi frontalier qu’il faut à tout prix 16. Site de l’Office de Tourisme de Sète. 17.Inconnu, Plans des ports de France, Atlas cartographique manuscrit, s. l., 1777, Vue n°48 : Cette, [en ligne] http://gallica.bnf. fr/ark:/12148/btv1b53010782c/f48.item, (consultation 23.11.2017).

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combattre et repousser ses actions au-delà des frontières que sont les côtes et le littoral. « Maintenir le territoire, c’est-à-dire surveiller l’étranger. Consolider le littoral, c’est-à-dire surveiller l’océan.18 » Déjà, il prône des travaux de grande envergure de manière à minimiser au maximum les effets destructeurs des vagues, premières responsables des dégâts occasionnés. Il faut répondre vite, bien et fort sur l’ensemble du territoire concerné. La mer recule mais ce n’est que pour mieux avancer. C’est ce mouvement constant et parfois si violent qu’il faut tenter de contrecarrer. Il prône alors la construction de digues et de môles à grande échelle afin de casser ce phénomène d’érosion et de vague tant redouté. Cette politique doit également se faire sur l’ensemble du territoire côtier, sans négliger aucune zone même si certaines semblent plus aptes à se protéger d’elles-mêmes, par la résistance de leur sol par exemple ou par la fréquence moins importante des tempêtes. En plus des assauts de la mer, viennent les assauts des envahisseurs venus des contrées par-delà les eaux. Frontaliers plus distants qui traversent les eaux tumultueuses pour étendre leurs propres terres, pouvoirs et influences. Pour leur défense, les hommes se tournent alors vers la mer. Ils cherchent alors à surplomber pour mieux observer l’horizon et être tout de suite prévenus en cas d’attaque ennemi. Pour l’homme, l’instinct de conservation prend alors le dessus et il en vient à construire des architectures de défense et d’observation du lointain. C’est ainsi que sont érigées de nombreuses tours sur l’ensemble du pourtour de l’île de Beauté comme des postes frontaliers qui viennent clôturer et protéger le territoire. L’île, du fait de sa place centrale dans la Méditerranée est largement convoitée à travers les siècles et ce, par une multitude de pouvoirs, de peuples. Étrusques, Sarrasins, Maures, Grecs, Syracusains, Carthaginois, Vandales, Aragonais, Français, Italiens, Génois… et, le peuple corse lui-même se succèdent à travers l’histoire à la gouvernance de l’île. Les tours, elles, sont construites sous les directives de la Républiques de Gène à partir de 1530 en réponse à la prise de Constantinople par les Turcs et ce, afin de défendre leur territoire. Sensiblement toutes différentes, elles répondent néanmoins à un même modèle architectural. Le golfe d’Ajaccio accueille à lui seul près de 7 tours différentes, comme celle de la Parata qui termine la célèbre Route des Sanguinaires, mais ce sont les plans de celle de Miomo dans le Cap-Corse que nous découvrons ici avec le diagnostic de l’atelier d’architecture ARC en vue de sa restauration en 201519 (Fig.8). Ce dernier repose sur une tour circulaire d’une quinzaine de mètres de haut et d’une huitaine de mètres de diamètre pour 2 à 6 hommes qui veillent et guettent l’horizon et la mer sans répit cachés derrières de fines meurtrières. En cas d’attaque, les torregiani, comme on les appelle, font sonner le culombu (combe marine) ou allument un grand feu au sommet afin d’être vus ou entendus du village ou des tours voisines. Le message peut ainsi parcourir l’intégralité de l’île et laisser la possibilité aux habitants de réunir famille, vivres et bêtes afin s’enfuir dans les terres plus profondes et le maquis, dédale végétal. En plus des tours, on peut également retrouver, encore aujourd’hui, certaines citadelles construites en bordure de mer comme celle d’Ajaccio. Cette dernière conserve toujours son autorité militaire et n’est donc pas accessible au public alors que d’autres comme celle de Calvi ou même de Bastia accueillent maintenant de nombreux logements, restaurants et même un musée. Elles sont devenues un véritable atout culturel et touristique pour leurs villes en offrant une vision spectaculaire de leur port de plaisance et de l’horizon. Au fil des siècles, la vision spectaculaire du littoral et de la mer a donc bien évolué jusqu’à devenir une véritable convoitise. L’eau renvoie profondément à une pensée et un imaginaire qui évoluent en parallèle de ce spectacle et de la perception que l’on peut en avoir. Avant de comprendre comment l’homme en est venu à changer cet imaginaire et à dompter ce territoire qui semblait incontrôlable, il faut d’abord comprendre la fascination constante des hommes pour la mer, et donc pour l’eau, puisqu’en fin de compte, il semblerait qu’ils finissent toujours par se tourner vers elle. 18. Hugo, Victor, Chapitre « Consolidation et défense du littoral_27 Juin et 1er Juillet 1846 », Extrait de Actes et paroles _ Avant l’exil, Édition J. Hetzel & Cie, Paris, 1841-1848, [en ligne] https://fr.wikisource.org/wiki/Chambre_des_Pairs_1845-1848, non paginé. 19. Diagnostique de la tour de Miomo par l’atelier d’architecture Roeder Casier (ARC) et Laurent Guenoun.

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2. PENSÉE AQUATIQUE : ENTRE RÊVERIE ET CAUCHEMAR « L’eau purifie, mais contamine. L’eau éteint le feu, mais inonde des vallées. L’eau est lavée avant de laver, invraisemblable paradoxe de la modernité. » Thierry Paquot20 L’élément eau dans sa philosophie est double : il conjugue à la fois un aspect rêvé, faisant référence à la pureté et un autre aspect cauchemardesque, renvoyant quant à lui à la mort. Elle est autant calme et sereine qu’agitée et sauvage, redonnant la vie autant qu’elle peut la prendre. L’eau est d’abord féminine, douce et docile. Informelle, elle nécessite qu’on la contienne pour trouver une certaine stabilité et prendre un caractère immobile, contenu et calme. Sinon, elle glisse, entame un mouvement perpétuel et remplit l’espace. On ne peut venir la contraindre, exercer sur elle une quelconque pression. On ne peut que lui barrer le passage et la guider vers une nouvelle voie. « L’eau est souple parce qu’elle est incompressible. Elle glisse sous l’effort. Changée d’un côté, elle échappe de l’autre, c’est ainsi que l’eau se fait onde. La vague est une liberté.21 » Elle entame alors une douce danse, se faufilant avec grâce vers un nouveau chemin. Elle fuit alors toute contrainte, libre de s’écouler où bon lui semble. La vague et la mer expriment parfaitement cette liberté. Il s’agit là d’un phénomène en constant mouvement et qu’il est difficile d’arrêter ou même de freiner. Elles imposent à la terre leur puissance en cas de tempête, malgré les divers brise-lames et digues mis en place. Celui de Sète par exemple voit le jour dans les années 1950 (Fig. 9) afin de protéger le port de leur assaut, et se voit grandement prolongé, près de 30 ans plus tard (Fig. 10). L’eau peut être parfaitement contenue et immobile mais ce phénomène est difficile à obtenir étant donné son caractère informel qui lui permet de se glisser dans la moindre aspérité. Constituée d’une multitude de gouttelettes, son état le plus petit, il est alors nécessaire d’utiliser des matériaux parfaitement étanches pour la contenir, comme du métal ou du plastique. Contenants et jointures se doivent alors d’être parfaitement hermétiques pour pouvoir contenir et arrêter l’eau. Si cela n’est pas le cas, l’eau entame alors un mouvement, un écoulement pour finalement s’échapper. Elle est alors symbole d’une liberté sauvage qu’on ne peut arrêter. La vague est l’expression même de cette liberté. La mer apparaît alors comme un élément indomptable et libre, elle fait écho aux hommes dans leur envie d’évasion, de partir par-delà l’horizon. La contenir pleinement n’est possible que dans un récipient parfaitement hermétique et peut s’avérer être une tâche ardue mais tout à fait réalisable. L’eau ne peut alors s’en échapper et renvoie à une immobilité profonde et une horizontalité parfaite. Elle y est statique et souvent parfaitement transparente, limpide et claire. C’est ainsi qu’elle renvoie à la pureté, à la lumière et finalement éblouit. Elle se révèle alors toute entière, jusque dans sa substance et fait l’étalage de son être le plus profond. L’eau est transparente, et ce, au sens propre comme au figuré. En son caractère limpide, on peut donc voir au travers, et ainsi deviner ce qui est derrière mais on peut aussi prendre pleinement conscience de sa pureté, de sa contenance en soi. D’un seul coup d’œil, on peut s’y plonger et deviner si elle contient quelques matières étrangères ou si elle est totalement pure. Cette notion est très importante, c’est à travers cette dimension que l’eau et la mer prennent leur réel intérêt. Ainsi, elles auront un véritable atout pour la santé mentale et physique. La pureté de l’eau se doit d’être aussi bien substantielle qu’active, elle doit résider autant dans sa nature même que dans son action. Pour que le phénomène soit total, la pureté se doit d’être optimale et favorable. C’est là le rôle, entre autres, des scientifiques qui vérifient constamment la qualité des eaux de baignade. Il ne faut cependant pas restreindre la qualité purificatrice de l’eau en cette seule qualité scientifique, en ce caractère potable ou favorable à la baignade ou au plaisir qu’elle procure. Purifier n’est pas uniquement nettoyer, c’est aussi un acte intime 20. Paquot, Thierry, Géopolitique de l’eau, hommage à Gaston Bachelard, Édition Eterotopia, Paris, 2016. 21. Hugo, Victor, Chapitre « Consolidation et défense du littoral_27 Juin et 1er Juillet 1846 », Extrait de Actes et paroles _ Avant l’exil, Édition J. Hetzel & Cie, Paris, 1841-1848, [en ligne] https://fr.wikisource.org/wiki/Chambre_des_Pairs_1845-1848, non paginé

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et profond sur l’être concerné. Sa dimension est bien plus complexe que ce seul caractère scientifique. La qualité des eaux possède également une dimension totalement subjective, outre l’aspect scientifique, elle dépend de chacun de nous, de notre perception du monde et des critères de confort et de propreté que l’on peut lui attribuer. Gaston Bachelard nous rappelle notamment dans son essai sur la matière et l’élément eau, qu’ « une goutte d’eau pure suffit à purifier un océan ; une goutte d’eau impure suffit à souiller un univers.22 » Ainsi, une certaine appréciation et le bouche à oreille peuvent faire d’un lieu de baignade agréable une place largement ignorée ou même condamnée, moralement d’abord puis physiquement par une baisse significative des fréquentations. La valeur de ce spectacle dépend de son appréciation induite par les spectateurs. Le message est porté et largement diffusé, et cela, d’autant plus que l’abondance des médias et de la mondialisation permettent aux avis d’être toujours plus nombreux et de circuler encore plus rapidement. Nombreux sont les avis mais il suffit d’un seul de ces jugements pour que l’imaginaire collectif bascule et change radicalement. Le lieu est alors délaissé ou apprécié par les baigneurs qui en arrivent à se fermer à la puissance purificatrice et rayonnante de l’eau ou tout simplement s’y abandonnent pleinement. La pratique de la nage est d’ailleurs reconnue comme une action bien plus héroïque que celle de la marche étant donné qu’elle fait appel à la peur de la noyade. C’est l’illustration même d’une lutte pour la survie. Avec assez de profondeur, l’homme n’a plus pied et s’il se laisse faire, finit inexorablement par couler dans les grands fonds et finalement par se noyer. Une fois l’équilibre trouvé, l’homme y prend pourtant beaucoup de plaisir. Le bain a de grandes vertus purifiantes et bienfaitrices pour le corps mais aussi pour l’esprit. On en ressort grandi, presque ressuscité. C’est la base même du mythe de la Fontaine de Jouvence. L’eau y procure la vie éternelle, le soin de toutes les blessures. Il en va de même pour le bain dans la mer. Ses bienfaits sont à l’origine de l’installation des stations balnéaires durant le XVIIIe siècle. Il s’agit alors de la grande quête de l’héliotropisme et de la mer. Le bain a le pouvoir de détendre les muscles et les personnes. La mer plus que l’eau douce par son caractère salé permet un autre degré de relâchement. La teneur en sel de l’eau de mer permet une plus grande résistance à la coulée des corps. La pratique de la planche est alors possible : le baigneur peut se mettre sur le dos face au ciel et se laisser porter par les vagues et le courant. L’abandon et le relâchement total sont alors possibles, et donc pratiqués. Après le bain, vient le temps de la sieste ou tout du moins du repos sur la serviette. On peut alors se laisser bercer par le bruit des vagues, en mouvement constant, elles imposent leur rythme à quiconque peut les entendre. Le spectacle sensoriel passe d’un sens à l’autre, de la seule sensation du vent et de l’eau sur le visage durant la pratique de la planche ou du seul son du fracassement des vagues sur le sable. Le baigneur se retrouve complètement bercé physiquement et mentalement par la mer et son environnement. La perte d’accroche à la réalité est totale. 22. Bachelard, Gaston, L’eau et les rêves, Édition José Corti, Mayenne, 1942 (p.193)

Fig. 9

Plan de la création du brise-lame de Sète, 1860 Fig. 10

Plan du prolongement du brise-lame de Sète, 1900

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Il faut toutefois poser un bémol sur l’appréciation des bienfaits des bains de mer. Une fois sorti de la mer, le baigneur se sent détendu mais comme souillé par le sel qui reste sur la peau. Il s’empresse alors de se rincer à l’eau claire et douce. La pureté et la fascination des hommes pour l’eau et la mer passent également par sa captation de la lumière. Lorsqu’elle est immobile l’eau crée une surface plane et réfléchissante. Elle reflète alors le monde dans une grande lumière et dans une stabilité parfaite. Le moindre mouvement vient perturber et troubler cette nouvelle image du monde. Il s’agit d’une nouvelle perspective, d’autant que cette dernière en est une version retournée. Elle apparaît à l’observateur comme la scène la plus fascinante entre l’environnement réel ou son image reflétée. Elle impose sa suprématie sur l’autre. Le reflet est d’ailleurs le lieu du ballet des lumières durant la nuit surtout mais aussi le jour. Cette surface plane devient le miroir, la scène et le décor d’une action du monde qui se déroule devant nous. Même dans un léger mouvement, la surface de l’eau reflète la réalité mais dans une netteté bien moindre. L’image est alors brouillée mais prend alors une dimension bien plus mystérieuse et fascinante. La lumière vacille, se reflète, mute, ondule… à la surface de l’eau sous les assauts des vents violents par exemple. Les impressionnistes et bien d’autres artistes s’intéressent et se perdent souvent dans la contemplation et la représentation de ces subtilités d’effets lumineux. Les variations de lumière accompagnent un léger mouvement de la surface, une ondulation. Thierry Paquot lui donne un caractère de musculature, tel un être vivant à part entière et se fascine pour ce mouvement jusqu’à lui donner un caractère quelque peu érotique. « Avez-vous déjà vu un océan jouer des muscles ? Bander ses vagues ? Écumer de rage ? 23 » De la même manière qu’un être vivant, la mer cache ses entrailles. Bien que mouvante, la qualité de surface réfléchissante et opaque permet de cacher ses grandes profondeurs. Ce monde caché apparaît alors comme un monde mystérieux, sauvage et dangereux que l’homme ne peut découvrir qu’en plongeant et nageant, tout en luttant constamment pour sa survie. Le challenge est alors double et puissant. Finalement, les profondeurs ne se dévoilent pas et restent sans lumière, cachées aux yeux de l’observateur. Nous l’avons vu, l’eau fait référence à la vie et peut même en un sens la redonner et engendrer une renaissance par le bain. Cependant, à ce même titre, l’eau et la mer peuvent donner la mort aux êtres qui viennent les pénétrer. Initialement, peu revenaient de leur périple en mer. C’est aujourd’hui bien moins le cas mais les tempêtes sont toujours présentes et provoquent encore de nombreux accidents et naufrages. Beaucoup de civilisations renvoient au fleuve et à l’eau pour le dernier voyage funeste qu’est la mort. C’est ainsi le cas des vikings qui brûlaient la dépouille de leur chef sur leur bateau alors que celui-ci était lâché au gré du courant. C’est aussi le cas des civilisations romaines et grecques durant l’Antiquité qui développaient le mythe de Charon et du Styx, illustré ici dans le tableau de Litovchenko (Fig. 11). Le premier était un être chargé de surveiller le passage des personnes tout juste décédées et de leur servir de guide vers l’Elysée, dernière demeure des âmes dans la mythologie antique. Le voyage sur le Styx, grand fleuve des Enfers, ne s’effectuait jamais sans une certaine compensation donnée au passeur. Cette dernière traversée fait directement référence à un mouvement éternel, à l’écoulement et au fleuve de la vie. Le parcours se fait alors de manière linéaire, sans retour possible, et cela, vers une destination finale et éternelle. L’homme éprouve régulièrement le besoin d’une nature environnante dans sa pratique du monde au quotidien. La nature apporte une grande valeur visuelle, c’est une nouvelle couleur dans la palette mais également une référence au temps. Elle répond constamment à un cycle, celui des saisons, en perpétuel recommencement. Mais plus qu’un apport visuel, cette nature et donc, cette végétation, apportent une multitude d’interactions, un milieu. La présence de cette nature appelle à la venue 23. Paquot, Thierry, Géopolitique de l’eau : hommage à Gaston Bachelard, Édition Etérotopia, Paris, 2016 (p55)

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d’autres espèces telles que des oiseaux ou des insectes. L’abondance appelle à l’abondance. C’est dans cette optique que nombre de grandes villes entrent dans une politique de végétalisation de leur aire urbaine, que ce soit de manière ponctuelle par la présence de jardins ou de verdure sur les immeubles et leurs balcons ou par la construction de murs et toits végétalisés ; ou de manière plus radicale par l’édification de rues et promenades vertes ou même de parcs. Cependant, les villes du littoral jouissent souvent d’un environnement plus sec et aride, rendant plus difficile la pousse de certains végétaux. C’est le cas notamment de Sète et Ajaccio. Juste pour préciser, ce phénomène n’est pas une généralité en soi, même s’il est très répandu surtout pour le littoral sud. Par exemple, la région du bassin d’Arcachon n’est pas concernée, elle est largement recouverte de grandes pinèdes. Revenons sur les villes qui nous intéressent, elles appartiennent toutes deux à des régions plus sèches et donc bien moins végétalisées ou tout du moins ne comportant pas le même type de végétation. Plus basses, et moins pourvues de vert, ces plantes ne suffisent malheureusement pas à contenter le désir de nature de l’homme. C’est pourquoi sur le littoral, il se tourne plutôt vers la mer et ses richesses naturelles. Le lieu des interactions change alors de place, passant de la terre à la mer. Les enjeux mutent également. Il faut maintenant trouver le moyen d’interagir avec cette nouvelle nature, y accéder, rentrer en contact avec elle. C’est là qu’intervient toute la puissance de la mise en réseau du littoral. Il se doit d’être accessible dans le plus grand confort, pour le plus beau spectacle et pour le plus grand nombre.

Fig. 11

Alexander Dmitrievich Litovchenko, Charon faisant traverser le fleuve Styx, Huile sur toile, 1889, The State Russian Museum, St. Petersburg (dimensions inconnues)

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3. DOMPTER PAR L’ACCESSIBILITÉ ET LA MISE EN RÉSEAU « Routes fréquentées créent prospérité23 » Slogan des Belles routes de France Pour pouvoir pleinement profiter de ce territoire sauvage du littoral, l’homme doit passer par sa maîtrise, son apprivoisement, son domptage. Cela est alors rendu possible par la mise en réseaux et l’accessibilité à la mer. La proximité à la mer signifie aussi la mise en réseaux par les eaux. Le littoral possède en ces termes un caractère bien particulier, le seul moyen d’utiliser le bateau comme moyen de transport est de se rendre d’abord au littoral. Les navires servent à relier une terre à une autre par la mer et la seule limite qu’elles ont en commun : le littoral. Les traversées sont longtemps restées des périples en soi. Elles ont été rendues bien plus aisées avec les innovations techniques dans le domaine naval. Aujourd’hui, les navires sont de plus en plus grands, accueillant toujours plus de monde et toujours plus résistants… De bois d’abord, ils sont désormais en acier, bien plus étanches. Les accidents et les naufrages sont bien moins répandus aujourd’hui, que durant ces deux derniers siècles. On se souvient néanmoins du naufrage du navire de croisière, le Costa Concordia en janvier 2012 au large de la Toscane en Italie. Celui-ci a entrainé la mort de 33 personnes, c’est peu quand on pense aux 4 000 personnes qui étaient à bord. Les impacts ont été très importants, d’un point de vue écologique, économique… notamment à cause de la marée noire et des moyens mis en œuvre pour son redressement et son démantèlement. Le littoral devient le spectacle des innovations navales entre aménagements des ports et constructions de navires toujours plus gros. Les ports de Sète et d’Ajaccio occupent des places importantes dans le bassin méditerranéen (Fig. 12). Nombreuses sont les traversées et les lignes régulières qui relient le continent à l’Île de Beauté ou encore le nord de l’Afrique du Nord ou même l’Italie. Sète permet notamment de relier Tanger et Ajaccio la Sardaigne. Toutes deux accueillent également les bateaux de croisière. Ces énormes navires, de près de 200 mètres de long, peuvent permettre la venue, bien que brève, d’un million de personnes par an. Malgré les grandes controverses qu’ils déclenchent au vu des dégâts importants qu’ils provoquent dans les fonds marins, ces immenses navires sont un réel atout économique pour les villes concernées. Tous les ports ne peuvent pas accueillir ces géants, ils se doivent d’être assez grands et aménagés pour pouvoir gérer ces flots de personnes. Les ports sont bien souvent à l’origine des villes du littoral et font l’objet de grands aménagements réguliers afin de gérer les avancées technologiques et l’augmentation constante du nombre de voyageurs. Le port de Sète va d’ailleurs se voir munir d’un nouveau quai, quatre fois plus grand que l’ancien, pour un investissement de 45 millions d’euros. La venue des croisiéristes provoque une réelle économie pour la ville et ses commerçants. Elle engendre près de 1 500 emplois en extra pour gérer ce nouveau flux de personnes, très ponctuel et jusqu’à un milliard d’euros de retombée économique. L’un va financer l’autre et de nouveau l’alimenter. Les croisiéristes sont en constante évolution, le nombre de navires a augmenté de 50% depuis l’année dernière dans le port de Sète, 70 navires cette année. Malgré ce nouvel intérêt pour la mer, les premières approches et aménagements restent timides. D’abord, seules les familles les plus riches peuvent se rendre au bord de la mer pour profiter de ses bienfaits thérapeutiques. Cependant, il est inconfortable de marcher dans le sable. Afin d’éviter ce désagrément, les ingénieurs construisent des petits véhicules, appelés cabines hippomobiles (Fig. 13). Ils permettent de passer des grandes promenades de bois à au-dessus de l’eau directement grâce à l’aide de chevaux. Il ne reste plus alors qu’à sortir et se baigner et profiter pleinement des bienfaits de la mer. Ces petites cabines envahissent littéralement alors les plages et permettent aux baigneurs de jouir d’une certaine intimité en sortant de l’eau. Elles ne sont que l’expression de la transposition des 24. Slogan des Belles routes de France, années 1950, cité dans Klein, Richard, Chapitre « Les bords de mer pour tous : nouveaux programmes et villes nouvelles (1930-1975) », extrait de Toulier, Bernard (dir.), Tous à la plage ! Villes balnéaires du XVIIIe siècle à nos jours, Édition Cité de l’Architecture et du Patrimoine/Lienart, Paris, 2016 (pp.72-97).

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Évolution d’un imaginaire spectaculaire : d’un monde incontrôlable à son domptage

Fig. 12

Relevé du trafic maritime à travers la Méditerranée, Atlas of Places

Fig. 13

Carte postale ancienne de Boulogne-sur-Mer, les cabines hippomobiles envahissent la plage

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pratiques thermales à celle du bain de mer. L’action se fait de manière individuelle avec peu d’espace laissé à l’eau ou le sable. La balance, entre désagréments et bienfaits, est peu à peu modifiée. Tous les moyens sont bons pour faire basculer la supériorité de l’un sur l’autre. Plus le temps passe et plus les aménagements prennent de l’importance en terme d’échelle et d’impact sur le paysage. Le spectacle se doit d’être grandiose et pouvoir être apprécié dans le plus grand confort. Par la suite, les hommes entament de nombreux projets de grande ampleur pour accéder à ce territoire, afin de le maîtriser dans le meilleur confort et pour le plus de monde possible. C’est dans cette optique que sont développés de nouveaux moyens de transport et infrastructures tel que le train ou les autoroutes. Durant la seconde moitié du XIXe siècle, les stations balnéaires sont en plein essor et profitent de la révolution industrielle25 et des avancées en matière de technologies. C’est ainsi que les premières grandes voies ferroviaires sont implantées de manière à desservir plus rapidement le littoral depuis les grandes villes. Les communes du littoral s’organisent alors autour des nouvelles gares pour une meilleure proximité à la mer et aux commodités. Les citadins viennent profiter du spectacle et des bienfaits de la mer le week-end, en quelques heures seulement. En 1852, quatre compagnies ferroviaires du sud de la France fusionnent pour former la Compagnie du chemin de fer de Lyon à la Méditerranée avant de se prolonger jusqu’à Paris, cinq ans plus tard. La première voie ferrée non industrielle du sud, crée en 1836 et reliant Montpellier à Sète fait notamment partie de cette union. La dimension de villégiature peut commencer dès le trajet vers les stations balnéaires, et ce, par exemple, par la position des voies qu’elles soient ferrées ou routières, aériennes ou maritimes. Ajaccio privilégie, entre autres, une arrivée en gare en plein centre-ville et ce, en longeant la côte. En reliant Calvi, la ligne rejoint plusieurs fois le littoral et le voyage s’accompagne alors d’un grand confort visuel, voire spectaculaire. Le train borde la côte et laisse découvrir le paysage dans son entièreté. Le confort visuel prime alors sur le confort physique et de déplacement, c’est le cas du trinighellu ou le tremblotant (Fig. 14). Le spectacle doit venir du paysage et non du confort du trajet en lui-même. Le train démultiplie cette sensation étant donné que le passager n’a pas à conduire, à se préoccuper du chemin à prendre. Au XIXe siècle, les populations pouvant se rendre au bord de la mer étaient d’origine élevée. Il n’est alors pas chose aisée de s’y rendre, c’était surtout très long. De nos jours, la diversité des moyens de transport démocratise cette pratique. Dans les années 1950 et 1960, naissent les premières autoroutes françaises. L’objectif est de toujours aller plus loin et plus vite dans un meilleur confort et pour plus de monde. Les voitures sont toujours plus nombreuses et largement démocratisées. L’A6 puis l’A7, reliant Paris et Marseille en passant par Lyon, sont d’ailleurs appelées L’Autoroute du Soleil. Elles permettaient et ce, encore aujourd’hui, de rallier le sud de la France durant les assauts des congés payés et des vacances. Les routes sont également l’occasion de découvrir la mer visuellement et de manière inattendue avant de pouvoir la rejoindre de façon plus concrète. A plusieurs reprises, le réseau peut offrir une soudaine vue spectaculaire sur la mer que l’on vient découvrir. En haut d’une montée, l’étendue marine et l’horizon se découvrent aux véhicules et leurs passagers. Ces deniers entament alors la descente vers la mer avec l’impression de s’y jeter. Au dernier moment, la voie bifurque et le plongeon est évité mais la sensation est bien là (Fig. 15). Cette spectacularisation du trajet marque le début de l’évasion des vacances liée au voyage dans le littoral. Outre les autoroutes, un grand intérêt est donné au réseau routier afin de permettre une vue pittoresque, spectaculaire et continue sur la mer et l’horizon. Henri Prost, en tant qu’architecte-urbaniste, est l’un des pionniers de la discipline d’urbanisme en France ainsi que de la loi Cornudet de 1919 aux côtés de Léon Jaussely, Tony Garnier ou Jean Claude Nicolas Forestier26. Cette loi oblige la mise en place 25. Hodebert, Laurent, « Les influences et pratiques du «système de parcs» de Jean-Claude Nicolas Forestier sur le travail de Henri Prost », Les Cahiers thématiques, n°13, 2014, [en ligne] http://www.academia.edu/9457727/Les_influences_ th%C3%A9oriques_et_pratiques_du_Syst%C3%A8me_de_parcs_de_Jean-Claude_Nicolas_Forestier_sur_le_travail_d_Henri_ Prost_en_France._Exp%C3%A9riences_crois%C3%A9es_1913-1934 (consultation : 12.2017).

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Fig. 13

Photographie du chemin de fer entre Île Rousse et Calvi

Fig. 14

Séquence sur la Route Territoriale 30, en arrivant sur Île Rousse

d’un plan d’embellissement et d’extension, dans les trois ans, pour les villes de plus de 10 000 habitants ainsi que les villes considérées comme pittoresques ou sinistrées. Les caractères particulier et paysagiste intègrent les villes du littoral dans ces critères, elles doivent donc répondre à ces ambitions esthétiques et d’évolution afin de satisfaire pleinement les attentes des voyageurs. Dans la continuité de cette loi, Henri Prost est chargé de l’aménagement paysagiste du réseau routier des côtes varoises en 192327. L’enjeu est alors de créer toute la structure d’un nouveau réseau routier tout en prônant la protection et la mise en valeur du littoral du département du Var. Dans ce but, Prost va parcourir les 250 km et les 26 communes concernées afin de prendre pleinement conscience du terrain et du paysage pour mieux les révéler. Il en va de la disposition des belvédères et des zones d’arrêt pour offrir la meilleure des vues possibles aux voyageurs. Le projet se développe autour de trois dispositifs : la voie touristique du front de mer qui permet de désenclaver les villages et de desservir les stations balnéaires ; un principe de coupes évolutives, en quatre étapes, des axes routiers pour permettre l’anticipation de l’évolution des villages ; et les parkways (Fig. 16) à flanc de coteau et à mi26. Cf. l’annexe Chronologie 2 : textes de loi autour du littoral.

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pente des collines, offrant une vision dynamique du territoire. L’ensemble du projet attache une grande importance à la topographie et la respecte au mieux. Le dernier dispositif, celui des parkways, consiste en la séparation des deux sens de circulation qui opèrent comme une danse, alternant rapprochement et éloignement successifs. Les voies s’intègrent parfaitement dans le paysage et semblent presque disparaître, dans les bois. Elles offrent plusieurs arrêts avec des vues particulières pour que le spectacle soit autant dans le mouvement que dans la pause et la contemplation. L’architecte-urbaniste se sert également de la topographie et de la différence de niveau entre les deux sens pour donner la mer à voir, autant dans un sens que dans l’autre. La corniche Kennedy à Marseille fait appel à un dispositif similaire (Fig. 17 et 18). La voie piétonne, surplomb de la mer, est légèrement en contrebas des voies routières pour laisser le champ libre autant aux véhicules qu’aux piétons. De plus, la séparation est marquée par le banc le plus long du monde permettant une contemplation du paysage et une plus grande sécurité vis à vis des différences de vélocité entre marche et motorisation. La corniche est largement appréciée par les résidents qui la pratiques régulièrement, que ce soit pour des promenades à pied ou à vélo. Les joggeurs sont d’ailleurs nombreux à venir profiter de cette voie sécurisée et donnant à voir le spectacle de l’horizon et la mer. Afin de compléter les réseaux ferroviaires et routiers, les villes du littoral, entre autres, sont desservies par une multitude de lignes de bus ou de pistes cyclables. Le bus permet de se rendre facilement commodités au centre-ville aux quartiers plus touristiques, d’accéder aux différentes plages. Mais il permet également de rejoindre ces deux entités depuis des quartiers résidentiels plus éloignés. Les pistes cyclables, quant à elles, servent autant à relier ces quartiers que d’offrir une réelle promenade. La vitesse bien plus faible que celle de la voiture, permet à travers un léger effort de parcourir des distances plus grandes que la marche tout en profitant pleinement du paysage, de l’horizon et de la mer. Ces pistes sont souvent le long des côtes ou tout du moins dans des lieux plus favorables à la promenade. Elles procurent alors des sensations visuelles et physiques plus agréables. Ajaccio, à la différence de Sète, est même pourvu d’un aéroport permettant de relier quotidiennement l’île au continent. Il propose notamment des lignes régulières pour rejoindre Paris, Marseille, Nice et Lyon, et cela toute l’année. Durant la saison estivale, les lignes se multiplient autant en terme de destinations que de fréquences. Les liaisons sont alors même à l’international et partout en France. Souvent, pour les aéroports du littoral, la piste est positionnée de telle manière à donner la sensation d’atterrir ou de décoller de la mer elle-même. C’est notamment le cas pour Marseille, Nice ou Ajaccio. De plus, l’avion permet d’avoir une nouvelle vision du monde par une position de surplomb. Le Corbusier par exemple, était fasciné par les vues aériennes et prenait souvent l’avion pour pouvoir lui-même expérimenter ce phénomène et prendre conscience du paysage d’une autre façon. Vue d’audessus, le monde est perçu différemment. Il se couvre et découvre grâce aux nuages, est éblouissant par les reflets du Soleil sur la mer… Le spectacle est bien là. Toutes ces interventions s’inscrivent dans une politique de faire territoire, à grande échelle et sous la direction de l’État mais également de manière locale et in situ. Depuis 1963, la Délégation Interministérielle à l’Aménagement du Territoire et à l’Attractivité Régionale (datar) coordonne toutes ses actions d’aménagement du territoire avec l’aide des communes28. Les volontés sont doubles entre attraits économiques liés au tourisme à grande échelle et attraits du quotidien et de la résidentialisation. Faire territoire ou faire lieu ? telles sont les deux enjeux de l’aménagement et du développement du littoral.

27. Toulier, Bernard, Chapitre « Le phénomène balnéaire : invention et âge d’or des stations de bord de mer (1760-1929) », extrait de Tous à la plage ! Villes balnéaires du XVIIIe siècle à nos jours, Édition Cité de l’Architecture et du Patrimoine/Lienart, Paris, 2016 (pp.46-71) 28. Cf l’annexe Chronologie 1 : Aménagement du littoral.

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Évolution d’un imaginaire spectaculaire : d’un monde incontrôlable à son domptage

Fig. 15

Aménagement des côtes varoises par Henri Prost : étude d’un virage dangereux en perspective

Fig. 16

Coupe de la Corniche Kennedy à Marseille

Fig. 17

Photographie de la Corniche Kennedy à Marseille

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« Un territoire est appropriable, possède des limites et porte un nom. » Thierry Paquot 29

Spectaculariser l’exceptionnel Faire territoire

Le littoral est un territoire qui se retrouve, chaque année, envahi par des millions de touristes et fait donc l’objet d’une politique globale par l’État ou les collectivités et institutions concernées. L’objectif est de permettre à cet espace géographique d’accueillir, mais surtout de divertir, pleinement tous ces visiteurs, de faire de leur séjour éphémère quelque chose d’exceptionnel, afin qu’ils s’en rappellent et finalement reviennent.

29. Paquot Thierry, « Qu’est-ce qu’un territoire ? », Vie sociale, n°2, Fév. 2011 Fig. 19 Les sables d’Olonne, 1959, ©Robert Doisneau


1. MARCHANDISER LE PAYSAGE « Ce phénomène majeur de la civilisation contemporaine exige la recherche et la découverte d’une nouvelle architecture : l’architecture du loisir.30 » George Candilis Le littoral est marqué par de réelles volontés d’en faire un territoire à part entière, sous l’autorité de l’Etat et répondant à des enjeux économiques nationaux par des politiques d’aménagement à grande échelle. Cette interface est l’objet d’enjeux socio-économiques majeurs et c’est dans cette optique qu’il est sujet à une multitude de visites, et ce de tous les horizons, que ce soit dans une échelle régionale, nationale ou même internationale. Cette nouvelle économie est génératrice d’emplois, qu’on peut qualifier de saisonnier, et d’expériences exceptionnelles. La France est la première destination mondiale, accueillant en 2015, près de 84,5 millions de visiteurs étrangers. Son littoral ne fait évidemment pas exception à cette envolée touristique. Par exemple, les villes de Sète et Ajaccio augmentent leur population d’approximativement et respectivement 15 à 25 % durant la belle saison, d’avril à octobre. Fait exceptionnel, la commune de Porticcio, limitrophe à celle d’Ajaccio et qui prend pleinement le rôle de station balnéaire dans le golfe, multiplie sa population par 10. Ainsi, Elle passe de 5 000 à 50 000 habitants le 10 Août 2016. Cet afflux massif de personnes est profondément lié à la saison estivale, plus favorable à la baignade, et donc, provoque un grand déséquilibre saisonnier, entre population résidente et de passage. Comme on dit, « le client est roi » et aujourd’hui, le client est cette population en déplacement. Depuis longtemps sédentaires, les hommes partent à la recherche de nouvelles sensations par le mouvement, le voyage. La pratique de celui-ci est complexe et existe depuis la nuit des temps, elle prend cependant une nouvelle dimension à travers la pratique touristique. Bien qu’appartenant toutes deux au déplacement, elles sont fondamentalement très différentes. Thierry Paquot consacre tout un livre à la comparaison de ces deux pratiques et dans sa préface, Marc Augé en donne une définition : « Le voyageur est un esprit curieux qui ne se satisfait pas du charme de l’habitude. Il va voir ailleurs et ne déteste pas découvrir les habitudes des autres. Mais il ne fait que passer, ne s’attache et reprend sa route.31 » Le voyage est l’expression d’une recherche de nouveauté, d’un désir profond de curiosité envers le monde et ce qu’il a à offrir. Les personnes entament alors un déplacement spatial bien sûr et limité dans le temps, elles quittent leur habitat du quotidien et provoquent de nouvelles expériences. Le voyageur décide de son départ et de sa destination mais une fois sur place, il se laisse porter par les moments vécus et les habitants rencontrés. Son parcours n’est pas décidé à l’avance, seul le présent le mènera sur des nouveaux chemins. Il se mêle à la population résidente et y apprend ses coutumes, son histoire, ses pratiques, leurs modes de vie… Néanmoins, la cloche du départ peut sonner à tout moment. Tout voyage appelle au retour, si l’homme part de chez lui c’est pour mieux y revenir, plus grandi et plus fort, nourri d’une multitude de nouvelles expériences et rencontres. Le tourisme, quant à lui, marque l’évolution contemporaine du voyage et du déplacement. Le voyage devient une réelle économie et un enjeu important pour les régions les plus pittoresques. Pour développer cette attirance et faire venir les touristes, les régions mettent l’accent sur la communication. De nombreuses images, vidéos et photographies, sont largement diffusées. Le touriste connaît la destination et la substance de son voyage avant même de partir. Il connaît les espaces et lieux qu’il va visiter, son objectif est de le voir de ces propres yeux et lui-même, faire une photographie de ces monuments, construits et paysagers connus de tous. Il sait ainsi tous les détails de son déplacement, de la date de départ à celle du retour, en passant par toutes les étapes. Il va planifier tout son parcours afin de voir et faire un maximum de choses. « Le touriste, l’homme des tours, a un programme, spatial et temporel, auquel il se plie. Sédentaire irréductible, il peut se contenter d’un séjour fixe, épicé de quelques spectacles servis à domicile.32 » Le touriste se déplace 30. Candilis, Georges, « Analyse critique de la place des loisirs dans l’architecture et l’urbanisme contemporains », L’architecture d’aujourd’hui, n°131, avril-mai 1967, p.14, cité dans Klein, Richard, Op. Cit., p.23. 31. Augé, Marc, préface de PAQUOT, Thierry, Le voyage contre le tourisme, Édition Etérotopia, Paris, 2014. 32. Agué, Marc, Ibid.

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Spectaculariser l’exceptionnel : faire territoire

Hôtel

Axe principal de la gare

Établissement de bain - Plage Fig. 20

Fig. 21

Fig. 22

Casino Schématisation du triptyque balnéaire

Schématisation du triptyque balnéaire à Ajaccio

Schématisation du triptyque balnéaire à Sète

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et pratique dans le plus grand confort possible. Il est même prêt à se faire dorloter et chouchouter au cœur même du lieu qu’il habite, pour cette courte période. Il lui arrive alors de ne même pas sortir des limites de sa chambre, de son logement, de son hôtel. La proximité et le moindre effort lui siéent à merveille. Le touriste est, d’après Olivier Lazzarotti, « un habitant se déplaçant temporairement vers des lieux situés dans l’espace-temps hors du quotidien afin d’y développer des pratiques récréatives.33 » L’objectif numéro 1 du touriste est de sortir de sa routine quotidienne. Il est en vacances, c’est-à-dire qu’il est libéré de son travail ou de toutes obligations et contraintes. Il peut se consacrer alors totalement à son propre bien-être et son propre loisir. Rien ne doit interférer ni perturber ce voyage. Tout doit correspondre à son programme, qui est le plus concret et élaboré possible. Le touriste se doit alors de touristiquer au maximum. « Ainsi le touriste ne balade pas, il est baladé.34 » C’est là que réside toute la différence entre ces deux pratiques, entre voyage et tourisme. Le voyageur prend le temps de l’errance et de la contemplation. Sa pratique fait écho à celle du flâneur, évoqué par Walter Benjamin, se laissant porter ses émotions du moment. Le tourisme, quant à lui, est porté l’influence des médias et grandes campagnes de communication. Pour pousser le jeu, ces actions pourraient presque être comparées à de la propagande, en guidant les personnes en plein déplacement à choisir telle ou telle destination, et tel ou tel monument à visiter. Ces pratiques du voyage et surtout du tourisme atteignent, aujourd’hui, des proportions impressionnantes. Les villes du littoral, les régions et même l’État leur décernent une réelle importance et en font une véritable économie. Le tourisme brasse, de nos jours, des milliards de dollars et de personnes dans le monde entier et ce, tous les ans. Sur l’économie liée à la Mer Méditerranée, 92 % sont liés au tourisme marin et côtier alors que 2 % seulement correspondent au marché de la pêche et de l’aquaculture35. C’est dans cette optique que, historiquement, les stations balnéaires sont basées sur un triptyque de loisir : le casino, l’hôtel et l’établissement de bain (Fig. 20). A eux trois, ils forment la représentation la plus fidèle de l’âge d’or des stations balnéaires. Il s’agit de l’expression des trois besoins des visiteurs : le jeu, l’hébergement et les bienfaits du bain, marin parfois. Bien sûr, les stations balnéaires comportent de nombreux hôtels mais on prend ici le plus marquant dans la ville et bien souvent l’un des plus luxueux. Appartenant au sud, Sète et Ajaccio ne comportent pas d’établissements de bain à proprement parler mais on peut y confondre cette construction spécifique avec les plages aménagées en centre-ville. Ce triptyque s’accompagne le plus souvent d’un axe principal qui mène à la gare. Le train reste historiquement le moyen de transport le plus apprécié et le plus rapide pour rejoindre la mer, même si aujourd’hui, il est largement dépassé par la voiture. Ce triptyque marque dans la ville le lieu de tous les loisirs, de toutes les rencontres de la ville du littoral. Son rayon d’action marque les limites de la nouvelle centralité tournée vers la mer et ses activités. Ajaccio pose son triptyque dans sa partie historique et place en son centre la place du Général de Gaulle, communément nommée la place Diamant par ses habitants en raison des galeries Diamant qui en définissent les limites (Fig. 21). Depuis la gare, l’arrivée se fait, entre autres, par la rue Fesch, entièrement piétonne et bordée de chaque côté d’une multitude de commerces, qui sont perpétuellement assaillis autant par les résidents que les touristes et voyageurs. La rue est bondée et plutôt étroite. Le champ de vision est donc très restreint. Le marcheur arrive alors sur la place et son regard se libère totalement. Il fait alors face à la mer et au spectacle qu’elle lui procure. Il peut ensuite profiter du jeu, du bain et finalement de l’hébergement. Le casino se situe sous la place elle-même. Bénéficiant de cette différence de niveau, il offre au visiteur une vue dégagée depuis la place, mais également dès son entrée et à 33. Lazzarotti, Olivier, « Wimereux : station balnéaire de villégiature (1860-1930) : la machine à habiter », In Situ Revue des patrimoines, n°9, Avril 2008, [en ligne] https://insitu.revues.org/4031 (consultation : 29.04.2017). 34. PAQUOT, Thierry, Le voyage contre le tourisme, Édition Etérotopia, Paris, 2014. 35. Inconnu, « La mer Méditerranée menacée par le tourisme de masse, selon WWF », FranceInfo, 09 Septembre 2017, [en ligne] http://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/la-mer-mediterranee-menacee-par-le-tourisme-de-masseselon-wwf_2390966.html (consultation : 12.11.2017)

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Spectaculariser l’exceptionnel : faire territoire

100 mètres

Fig. 24

Modèle urbain

Fig. 25

Plan et coupe du Théâtre de la Mer

Fig. 25

Schéma du tissu urbain ajaccien

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plus forte raison depuis la plage en contrebas. De cette manière, la façade ne fait pas obstacle et sert même de repère lorsqu’on regarde la ville de loin. Elle marque ainsi la position du triptyque, de la centralité. Le Grand Hôtel Continental, construit autour de 1830, est légèrement en retrait, agrandissant du même coup le champ d’action de la centralité36. Il marque le début du quartier des Étrangers, qui s’étend vers l’est et qui accueillait les plus grandes familles venues pour profiter de la station balnéaire et de ses bienfaits. La ville suit ici un modèle urbain alliant grille régulière et orthonormée avec un point rayonnant. Il s’agit du parvis de la cathédrale, qui, comme vous pouviez le deviner, se situe en limite de la place Diamant (Fig. 25). Ces modèles sont repérés par Roland Vidal dans son travail de thèse et exprime un réel intérêt de faire cette fine limite avec la mer, une interface, un enjeu à part entière (Fig. 24). Les villes s’organisent autour d’elle et la mer devient le décor et de la vie quotidienne, et du voyage exceptionnel. Sète, quant à elle, pose son triptyque balnéaire à bonne distance de son centre historique. Ce dernier n’est d’ailleurs pas tourné vers la mer à proprement parlé, même s’il a un fort rapport à l’eau, comme nous le verrons plus tard. Reprenons donc, la ville privilégie, du côté est du Mont Saint-Clair pour y développer son centre-ville mais également du côté ouest, une seconde centralité. Cette partie de la ville plus moderne recèle la plupart des enjeux touristiques et de loisir. Ainsi, le triptyque définie cette deuxième centralité dans un plus grand lien avec la mer. Le casino fait ici aussi repère dans le tissu urbain, en étant positionné en tête d’un carrefour, en extrémité du triptyque et surtout sur la ceinture routière qui fait le tour du mont (Fig. 22). D’un côté comme de l’autre, il est possible de rejoindre le centre-ville et la gare cependant, les deux axes sont bien différents dans leur typologie. Le premier, passant par le nord et bordant l’étang, dessert la plupart des résidences. Cet axe comporte des parties à quatre voies favorisant la vitesse. L’autre axe, passant par le sud et longeant, cette fois-ci, la Mer Méditerranée, prône une balade plus lente avec un contact visuel constant et en position de surplomb avec l’eau. L’hôtel se pose en limite même de la mer, au bout d’un cap, profitant ainsi pour ses multiples chambres de la meilleure vue sur le lointain et l’horizon. Plus qu’un hôtel, il s’agit même d’une immense résidence hôtelière, procurant à ses occupants toute une série d’activités et de confort liés à l’eau. Enfin, les plages à proximité sont aménagées de manière à prodiguer un maximum de confort dans la descente progressive vers la mer. Elles sont d’ailleurs protégées de l’assaut des vagues par la présence de plusieurs digues. Ces dernières viennent enclore les baigneurs, les sécuriser. Ainsi ces espaces sont le lieu d’une pratique rassurante des bains et des loisirs marins. C’est l’idéal pour initier les enfants et les débutants à l’exercice, par exemple, de la planche à voile. Une fois les premiers gestes appropriés, les jeunes marins s’élancent au-delà de la digue vers le large, affronter l’inconnu et la mer. Ainsi, à Sète sur la route du sud qui relie le triptyque au centre-ville et plus loin la gare, on peut trouver un équipement fort pour la ville, dédié au loisir, et qui présente un lien important avec la mer. Il s’agit du Théâtre de la Mer37. Son programme s’inscrit dans la réhabilitation du Fort militaire SaintPierre par l’architecte Lucien Berthier en collaboration avec l’acteur Jean Deschamp et le scénographe Claude Perset. Le projet réside dans le fait de profiter de la position privilégiée du fort et sa composition en paliers multiples pour donner un grand intérêt à la scénographie et à la mise en spectacle de la mer. Au vu de son plan et de sa coupe, on peut s’apercevoir que la scène se trouve en extrême limite de la mer et à plus de 100 mètres au-dessus de celle-ci. La scène ne comporte pas de fond, de mur opaque construit. La mer sert elle-même de décor à part entière pour les artistes qui viennent se produire, depuis les années 1960. Le fond est spectaculaire dans sa nature elle-même et est totalement indépendant de la volonté des hommes. Le paysage marin sert ainsi à donner une nouvelle dimension, faisant d’un concert une expérience exceptionnelle autant pour la prestation de l’artiste que pour ce qui peut bien se passer derrière. Certains intervenants se mettent d’ailleurs dos au public mais face à la mer afin de prendre conscience du double spectacle qui se déroule alors. Ils s’inspirent alors de la mer 36. Cf l’annexe Territoire 3 : le Golfe d’Ajaccio 37. Cf l’annexe Architecture 1 : le Théâtre de la Mer

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Spectaculariser l’exceptionnel : faire territoire

autant pour leur écriture que pour leur interprétation. Lors des concerts, la mer est le lieu du spectacle mais également du public. Les Sétois ont pris pour habitude de prendre leurs bateaux et de partir en mer en contrebas du théâtre. Ils peuvent alors profiter du spectacle sans payer, sur la mer elle-même, subissant son doux mouvement constant. Les sensations sont alors uniques. Le projet de ce théâtre est donc un des moyens de monnayer le paysage marin et de l’intégrer pleinement à l’économie touristique de la ville. C’est dans cette optique que paradoxalement, les tours génoises, qui servaient autrefois à la défense de l’Île de Beauté, font aujourd’hui complètement partie de cette politique de tourisme marchand. Pleinement intégrées au paysage, nombre de gens en viennent à se déplacer uniquement pour les voir. Elles prennent alors une valeur de patrimoine remarquable et font l’objet de nombre de convoitises visuelles. Leur visite est gratuite en soi mais par exemple, à Ajaccio, le parking à l’entrée de la promenade jusqu’à la tour de Parata (Fig. 26) lui, ne l’est pas. Il est bien sûr possible de s’y rendre autrement qu’en voiture comme en prenant le bus ou le vélo mais cela reste une pratique assez rare dans les pratiques. De plus, on peut noter la présence d’un bateau qui permet de faire le tour, depuis la mer, du cap et des Îles Sanguinaires. La balade est bien évidemment payante, et le tarif peu modeste. De la même manière, Sète propose des Canauxrama, il s’agit de promenades payantes, guidées et commentées en bateau dans le but de faire le tour des canaux et ainsi découvrir l’histoire de la ville. C’est l’occasion de voir du point de vue de la mer, les différents aménagements à plus ou moins grande échelle qui composent le territoire. Les infrastructures de défense comme les digues ou les brise-lames et les ports, y compris dans leur dimension industrielle et de fret, deviennent à leur tour des sujets d’intérêt pour le touriste. Ainsi, il veut tout voir, tout faire dans un temps court et imparti, peu importe l’argent dépensé, même si au regard des années passées, le budget des familles se fait plus restreint. Nombreux sont les restaurants, hôtels, hébergements de tout type, bars… qui proposent des attractions diverses les pieds sur la plage, dans le sable ou même directement dans l’eau. Les places en extrême limite de la mer sont rares et largement désirées, c’est pourquoi elles sont aussi chères. Elles répondent ainsi pleinement à la dure loi de l’offre et de la demande. Il existe même un terme spécifique pour les golfs qui possèdent une vue en littoral, avec une vue sur la mer. On les appelle les Links à l’instar de celui de Sperone, à l’extrême sud de la Corse. Le tourisme appelle donc aujourd’hui à une réelle économie du littoral, à une marchandisation du paysage, qui passe autant par le péage de certains lieux que par l’achat de ses représentations multiples. Afin de pouvoir satisfaire cette population en mouvement, l’enjeu premier des villes du littoral réside dans la proximité maximale avec la mer et passe donc dans l’aménagement de sa limite.

Fig. 26

Les îles Sanguinaires et la Tour génoise de la Parata, Ajaccio

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2. AMÉNAGER LA LIMITE « Cette bande de terre qui sépare étendue maritime et étendue terrestre peut souvent être appréhendée comme une frontière entre deux mondes ; il serait particulièrement opportun de la considérer comme une interface, un carrefour les reliant.38 » Club Territoires maritimes et portuaires de la fnau Rappelons-le, l’intérêt majeur du littoral réside dans sa nature même, celle d’être la limite spatiale et matérielle entre la mer et la terre, et d’être ainsi le lieu, l’interface influencé autant par l’un que par l’autre. C’est le lieu de tous les enjeux, il fait écho à tous les visiteurs, et tous veulent le pratiquer, accéder à la mer, parcourir cette dernière limite et finalement la dépasser. Aménager cette limite est donc l’un des objectifs majeurs des politiques territoriales des autorités concernées. Aménager pour rendre confortable et spectaculaire la contemplation du paysage marin, pour protéger cette limite, cette frontière, pour prévenir tout envahissement. Le passage de la mer à la ville est une séquence très importante. Elle définit le seuil même de la limite entre la terre et la mer, du domaine marin au domaine des hommes. C’est cette fine épaisseur qui est le lieu de tous les enjeux. Les personnes qui s’y trouvent, côtoient alors à la fois l’influence urbaine et le contact profond et physique de l’eau. Le littoral s’étend même au-delà de la plage. L’influence des hommes et de la ville se propagent jusque dans les eaux de baignades. C’est surtout le cas des zones surveillées par les maîtres-nageurs. Délimitées physiquement par la présence de bouées, elles assurent un sentiment de sécurité au milieu de cet élément mystérieux et sauvage. Le baigneur se méfie des profondeurs qui lui restent cachées, il prend beaucoup moins peur dans une eau claire et limpide, à travers laquelle il peut percevoir ses propres pieds, voir même les poissons qui lui grignotent les orteils. Même si elles ravissent certains plongeurs et chasseurs, la plupart des baigneurs ne sont pas rassurés dans les grands fonds où tout rocher ou tout banc d’algues cachent des dangereux prédateurs ou de simples poissons. Mais comment savoir ? Ainsi, l’homme n’est ainsi pas rassuré de pénétrer pleinement dans le domaine marin, il préfère garder un œil sur la ville, le territoire anthropisé, garder une certaine maîtrise. Il tient à rester à cheval entre ces deux influences. Le baigneur habite alors pleinement la limite, le seuil. Que ce soit au-dessus ou en-dessous de la surface, la mer fascine autant qu’elle dérange. Mais avant ou après le bain, le passage jusqu’à la ville est important. Cette séquence est le lieu des enjeux et des attraits de tous. Nombreux sont ceux qui cherchent, dans leur voyage ou leur quotidien à toucher cette limite, la dépasser pour la seule occasion du bain et parfois la surplomber. Cette fine limite est le lieu de nombreux aménagements et surtout le lieu d’une politique très puissante en termes de tourisme. Hôtels, restaurants, casinos et tout autre équipement lié à l’économie touristique, entament constamment une lutte acharnée pour avoir la meilleure place, celle au plus proche de l’eau et de la vue. Les places sont chères et rares. Étudions les différentes séquences de la mer à la ville que l’on peut retrouver, d’abord à travers les deux cas d’étude puis dans des exemples de villes plus connus pour en faire une comparaison. Pour commencer, la ville de Sète offre une longue promenade le long de la Mer Méditerranée, orientée au sud, au pied du Mont Saint-Clair (Fig. 27_3). Longue de 1,4 kilomètres, elle a été réhabilitée par l’architecte Olivier Kauffman en 200539 suite à une demande de la mairie, deux ans plutôt. L’ancienne route nationale 112 devient une voie communale que la ville décide alors de transformer afin de révéler au mieux le paysage naturel environnant, d’offrir de meilleures conditions de confort pour la circulation et ce, quel que soit le moyen de transport utilisé. L’enjeu est également d’inverser le rapport entre 38. Club Territoires maritimes et portuaires de la fnau, « Territoires littoraux, des lieux complexes et convoités à aménager », Urbanisme, n°401, Eté 2016 (pp.61-65). 39. Kauffman, Olivier, « La Promenade de la corniche à Sète », Site officiel de l’architecte dplg, [en ligne] http://www.kauffmannarchitecte.fr/SitedeolivierKauffmann/La_corniche_de_Sete.html (consultation : 07.01.2018).

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Spectaculariser l’exceptionnel : faire territoire

1 _ Nice, Promenade des Anglais

Casino

2 _ Ajaccio, Boulevard Pascal Rossini et la place Diamant

3 _ Sète, Promenade Maréchal Leclerc

Fig. 27

Séquences de la mer à la ville, par la photo aérienne et par la coupe, Nice, Ajaccio et Sète

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la voiture et le piéton. Précédemment, cette route proposait trois voies à double sens de 9 mètres pour 1 seul mètre de passage à pied. Le nouveau projet, quant à lui, offre uniquement deux voies de circulation à 5,75 mètres seulement afin de réduire quelque peu la vitesse des voitures, ainsi qu’une voie piétonne et cycliste de près de 3 mètres. Les deux modes de transport, rapide et doux, sont séparés par une bande végétale afin d’assurer la sécurité et le confort de chacun. Les piétons et les vélos sont eux-mêmes séparés par une série de bancs qui permettent la pause et la contemplation du paysage. Le projet est marqué par une bonne alternance de différentes séquences de dispositifs et épaisseurs variés. Ainsi, tel ou tel élément du passage est alors mis en valeur. Le projet peut offrir tour à tour une seconde série de bancs, une série de balcons en surplomb de la mer, ou même des belvédères avec un naturel préservé, qui procurent des sensations bien différentes, d’une épaisseur bien plus importante. Ce projet urbain est dessiné dans les moindres détails, de l’échelle urbaine au dessin du mobilier ou de détails signalétiques en mosaïque. Tout fait écho à l’imaginaire marin et au bateau, de la silhouette du garde-corps à la mosaïque bleue, en passant pas la seule contemplation de l’horizon. Les promeneurs sont nombreux et la promenade devient un véritable atout dans la pratique de la ville. Elle permet de relier les deux centralités urbaines, relier le centre-ville à ce quartier balnéaire, tout en offrant une balade agréable le long de l’extrême limite, entre terre et mer. Tous en profitent, marcheurs du dimanche, joggeurs, promeneurs de chiens, promeneurs qui viennent s’arrêter lire sur un banc ou tout simplement regarder le paysage… La marche en est agréable et le regard oscille entre le chemin à suivre, le but à atteindre et une contemplation du spectacle offert par la mer. De l’autre côté de la voie, se trouve le Mont Saint-Clair. Il accueille de nombreuses maisons et résidences bien au-dessus et n’interfère pas vraiment dans les sensations perçues durant la promenade. Ce phénomène ne fait qu’accentuer le désir de regarder l’horizon. Le contact se fait visuellement et à travers les autres sens par le vent et les embruns mais les promeneurs ne peuvent pas rejoindre la mer sauf s’ils s’amusent à tenter le plongeon. Ce n’est pas le cas.

1

2

3

Fig. 28

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Localisation des séquences, de la mer à la ville dans Marseille


Spectaculariser l’exceptionnel : faire territoire

1 _ Corniche Kennedy

2 _ Plage du Prado

3 _ Calanques des Goudes

Fig. 29

Séquences de la mer à la ville, par la photo aérienne et par la coupe, Marseille

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Cette promenade semble similaire, à une moindre échelle bien sûr, à la Corniche Kennedy à Marseille. Elle est depuis longtemps, l’objet de nombreux rêves et fictions, de Marilyn Monroe au film de Dominique Cabrera, sorti en 2017 (Fig. 29_1). Bien plus longue, près de 4 kilomètres, pour quatre voies à double sens et une promenade piétonne avec le plus long banc du monde. La Corniche est également caractérisée par une légère différence de niveau entre les piétons et les voitures, offrant une vue sur la mer pour les deux partis. L’équilibre, ici, est plus incertain que pour la promenade de Sète. Fidèle à sa politique globale, la ville de Marseille donne plus d’importance à la voiture qu’aux piétons. Au vu de la vitesse des véhicules, les piétons ne se sentent pas complètement rassurés mais cela n’empêche pas la pratique entière de cette espace. Tout du moins, à certains endroits et pour certaines personnes. Nombreux sont les plongeurs avides de sensations forte qui viennent tenter le grand saut jusqu’à la mer. La Corniche est aussi la piste de nombreux joggeurs qui viennent profiter du coucher de soleil sur la Méditerranée. Ajaccio, quant à elle, propose un accès direct à la plage en plein centre-ville. Pour cela, elle met en place une série d’escaliers pour relier la place Diamant à la mer elle-même (Fig. 27_2). Dans sa typologie, cette séquence fait largement écho à une démarche touristique et de station balnéaire. Tout d’abord, il faut noter la seule présence du casino et de la plage, faisant pleinement partie du triptyque balnéaire que nous avons évoqué plus tôt. Deux des trois parties sont ainsi présentes ici, exprimant toute l’importance de cette place dans le tissu urbain. Ainsi, cette séquence est grandement marquée par une série de plans horizontaux et verticaux, c’est une ascension progressive - ou une descente, tout dépend dans quel sens, on cherche à la pratiquer - où il faut toujours contourner un grand pan de mur pour poursuivre la route. Les niveaux sont multiples et tous dégagent le regard vers l’horizon. Le casino, dans sa position à moitié-enterré, profite d’une façade et d’une entrée face à la mer tout en permettant l’accessibilité de son toit et ainsi de gagner de la hauteur et de la vue. Les palmiers choisis comme seule végétation, permettent également ce dégagement total par leur grande taille et la finesse de leur tronc. Rien ne fait plus obstacle et tout est donné à voir. La circulation se fait devant le casino, maximisant son accessibilité, et se compose de deux voies à double sens ainsi que de deux rangées de stationnement. La voiture y a donc une place importante. Le piéton, cependant, ne perd pas tout au change : il profite avec les cyclistes d’une voie réservée et les cyclistes au plus proche de la mer. Voitures et piétons sont alors séparés une bande végétale basse, n’obstruant pas la vue mais donnant à voir l’horizon et sécurisant le déplacement. Un immense mur et une différence de niveau conséquente séparent la plage de cette circulation plutôt dense. A cet endroit précis, la séquence s’élargit avec la présence de la place, apportant une certaine respiration au tissu urbain. Mais plus loin, les immeubles s’alignent sur le casino et la rue s’élevant assez haut pour profiter au maximum de la vue. Ce boulevard Pascal Rossini continue sa course jusqu’à l’extrémité du golfe et rejoint ainsi la célèbre Route des Îles Sanguinaires. La typologie change quelque peu, minimisant la présence de grands immeubles mais toujours persiste cette distance avec la plage ainsi que le grand mur vertical. Cet axe est le théâtre de la vie touristique, et presque luxueuse, avec d’abord l’emplacement des hôtels et locations puis avec la présence d’une multitude de maisons secondaires ou non mais de familles plutôt aisées. La limite et la séquence s’en retrouvent très maîtrisées, rendant confortable sa pratique et surtout le passage entre les différents niveaux. Très fréquentée, elles assurent la continuité de la ville et l’orientation du visiteur. Cette typologie peut être comparée à celle de la Promenade des Anglais à Nice (Fig. 27_1) mais, comme pour Marseille, les dimensions n’ont rien de comparable. Pour 20 mètre de large à Ajaccio, du muret avant la plage aux immeubles bordant la rue, à Nice, on peut noter une largeur de 50 mètres, soit plus du double. La place du piéton y est aussi importante que celle de la voiture malgré les six voies à double sens. De manière similaire au boulevard ajaccien, la ville choisit de planter une série de palmiers et de répondre à une politique touristique. Néanmoins, on peut quand même noter que la

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Spectaculariser l’exceptionnel : faire territoire

Promenade est pratiquée autant par les touristes que les résidents. Sa largeur confortable et sa vue sur la mer attirent nombre de personnes. Ses dimensions permettent entre autres qu’aucune circulation n’est gênée par une autre. Son traitement du mobilier est bien plus sobre que celui de Sète mais cette promenade favorise tout autant la déambulation. Tous peuvent venir y courir, faire du vélo ou du roller, du skate ou même aujourd’hui de l’overboard, ou tout simplement marcher ou contempler la mer. Marseille, en plus de la Corniche Kennedy propose plusieurs typologies de séquences et d’aménagements de la mer à la ville. Toutes n’ont ni les mêmes enjeux ni les mêmes destinataires. La plage du Prado et sa grande esplanade offrent un dernier parc avant la jonction avec la mer (Fig. 29_2). C’est le lieu de rencontre et d’événements de très grande envergure tels que la retransmission des matchs de l’Euro 2016. Il s’agit d’un espace populaire largement pratiqué par les habitants. Il répond à une politique de sport et de loisir. La plage artificielle est très large comme le reste des éléments qui composent cette séquence de manière à accueillir un maximum de monde. On peut noter alors une dimension optimale pour le rassemblement humain. Ce sont ces grandes esplanades d’herbe et de sable qui sont le lieu de jeux et petits groupements. Cette séquence marine est très accessible depuis le centre-ville. Elle marque le début de la Corniche desservie par nombreux bus et voitures. Le site présente également quatre voies à double sens et deux rangées de stationnement, laissant une place plutôt importante à la voiture. Les immeubles en bordure de la côte sont ici en grande majorité des hôtels avec des restaurants et terrasses en rez-de-chaussée. Ils permettent, tous autant qu’ils sont, d’offrir une grande vue sur la plage et la mer plus loin, et ce, malgré le filtre des voitures qui passent régulièrement. Enfin, on peut retrouver une autre séquence particulière, à Marseille. Elle se situe au niveau des différentes calanques qui marquent la limite sud de la ville. Elles sont bordées par un environnement puissant, extrêmement naturel. Prenons l’exemple de la séquence de la calanque des Goudes (Fig. 29_3). Elle marque une ascension très progressive de la mer jusqu’au sommet d’une colline. La ville est à peine visible, elle se confond presque dans le paysage. On ne peut remarquer seulement une double voie ainsi qu’une rangée de cabanons de pêcheurs. Les aménagements sont légers et le terrain laissé dans son caractère naturel. Cette nature appartient totalement au Parc Naturel des Calanques, ce qui veut dire que cet environnement se doit d’être protégé et surtout vide de grands aménagements. Ce quartier est laissé au bon vouloir des populations résidentes même si, nombre de visiteurs viennent découvrir ces paysages extraordinaires. L’eau est turquoise et limpide et les roches viennent y mourir, le spectacle en est d’autant plus impressionnant. Le littoral est une limite fragile, constamment frappée par les assauts de la mer. Nombreux sont les aménagements mis en œuvre sur cette limite qui servent à la protéger de cet ennemi qu’est la mer et de l’érosion qu’elle provoque. L’érosion est un phénomène naturel, responsable de la création de nos plages mais également du recul des terres, puisqu’il provoque le dégradation lente et progressive des terres emportant à chaque vague une infime partie du rivage. Les vagues sont puissantes et provoquent de grands dégâts, c’est surtout le cas durant les tempêtes. La dernière en date, Eleanor, le 3 et 4 Janvier dernier, a fait de multiples et grands dégâts40. Nombreuses ont été les digues à se rompre, comme celle de Wimereux, alors que leur présence servait uniquement à protéger le littoral et les villes, des assauts puissants de la mer. « D’abord dans violence, l’eau prend une colère spécifique (…) Cette colère, l’homme se vante assez rapidement de la mater. Aussi l’eau violente est bientôt l’eau qu’on violente. Un duel de méchanceté commence entre l’homme et les flots.41 » L’homme se croit parfois supérieurs à la force de la nature, mais régulièrement celle-ci lui son autorité et sa suprématie. Le spectacle des tempêtes attire et fascine de nombreux passants, ils affrontent alors le danger en s’approchant de la côte. La mer envahit subtilement les quais et promenades. Suite aux tempêtes, les plages prennent un certain temps 40. Journal télévisé quotidien, 20h, France 2, Semaine du 01.01.2018, [en ligne] https://www.france.tv/france-2/journal-20h00/ 41. BACHELARD, Gaston, L’eau et les rêves, Édition José Corti, Mayenne, 1942, Introduction (p 21).

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pour retrouver leur place initiale, on parle de semaines ou même parfois d’années au maximum. Cela démontre toute la puissance des vagues et de leur impact sur le domaine terrestre. Il faut toutefois préciser que ces tempêtes sont bien plus puissantes en plein océan en raison du coefficient des marées. En Méditerranée, elles sont tellement plus minimes qu’elles ne sont pas perceptibles. La mer se retire pour finalement frapper plus fort. Nombreux aménagements sont donc mis en place pour se prémunir de ces assauts et protéger le littoral tant désiré de cette érosion. Ils sont souvent présents autour des ports afin de protéger les bateaux amarrés. Le célèbre brise-lame de Sète a été construit dans les années 1850, comme l’indique son nom, cette infrastructure sert à briser la force de la vague. Victor Hugo, dans son Discours à la Chambre des Pairs, l’indiquait comme le meilleur moyen de contrecarrer l’ennemi qu’est la mer42. « Amortissez, détruisez le choc de la vague, vous sauvez la configuration du littoral (…) Le choc de la vague est le danger, le brise-lame serait le remède. » L’une des autres solutions est donc l’enrochement du littoral. Cette technique consiste à consolider la limite fragile par le positionnement de lourds rochers qui subissent moins l’érosion que la terre friable et cassent la force de la vague. Certaines roches et terres comme celles contenant une forte quantité d’argile ou de craie, sont bien plus sensibles à l’érosion43. L’inconvénient de cette technique est qu’elle n’est efficace qu’aux endroits où elle est mise place. Dès que le dispositif de défense s’arrête, le phénomène d’érosion se démultiplie. Ces sites enrochés rendent difficiles l’accès à la mer et sont donc défavorables aux politiques touristiques et de pratique du bain. Outre le brise-lame, les posidonies sont un moyen naturel de protéger nos plages. Il s’agit de plantes sous-marines (et non d’algues !) qui tapissent les fonds de la Méditerranée et qui perdent leurs feuilles durant l’automne. Ces dernières se déposent alors sur les plages et les protègent de l’érosion durant l’hiver en formant des banquettes. Cependant, une fois l’été revenu, elles sont très désagréables à la baignade. Les feuilles amassées se collent aux jambes et dégagent une odeur nauséabonde chassant les baigneurs et ruinant le spectacle. De plus, elles rendent l’eau opaque et presque similaire à de la potée… Leur amassement dépend uniquement des courants et est donc impossible à prévoir. Certaines années les plages restent immaculées alors que pour d’autres, elles sont envahies par ces banquettes. Quelques mairies prennent le parti pris alors de les retirer durant la saison estivale avant de les remettre une fois l’automne revenu. Ainsi les baigneurs ne sont pas dérangés et les plages protégées des tempêtes hivernales. Le littoral est un territoire tiraillé d’abord comme nous avons pu le voir entre les autorités des hommes et celle de la mer, mais également entre une politique et des enjeux touristiques et économiques forts et une nouvelle dimension écologique d’un environnement à défendre. Cette année, la wwf a sorti un rapport accusant le tourisme de masse de menacer le littora44. Ce denier met en évidence l’importance de l’économie touristique mais également les dégâts qu’occasionnent par exemple les bateaux de croisière dans les fonds marins. Ainsi, il prône un plan sur le long terme en six priorités pour un avenir durable. Il conseille entre autres de mettre en place une meilleure gestion maritime cohérente axée sur les écosystèmes ou une économie plus respectueuse de l’environnement et des ressources ou encore de débloquer les potentialités du patrimoine naturel… La loi littoral du 3 Janvier 1986 est également un outil puissant dans sa protection. Elle met notamment en place une bande de 100 mètres depuis la mer où il est strictement interdit d’établir toutes nouvelles constructions pérennes. Cette bande et sa gestion relèvent d’ailleurs de l’ordre public et les entrepreneurs se doivent donc de laisser un libre accès total à la mer. Par ailleurs, il n’est pas surprenant de voir de nombreuses paillotes ou petites roulottes qui proposent quelques denrées aux visiteurs. Seules ces petites réalisations 42. HUGO, Victor, Chapitre Consolidation et défense du littoral_27 Juin et 1er Juillet 1846, Extrait de Actes et paroles _ Avant l’exil, Édition J. Hetzel & Cie, Paris, 1841-1848, [en ligne] https://fr.wikisource.org/wiki/Chambre_des_Pairs_1845-1848, non paginé. 43. Cf. l’annexe Territoire 1 : La diversité du littoral français métropolitain 44. Randone, Mauro (dir.), Di Carlo, Giuseppe (coll.), Costantini, Marco (coll.), Reviving the economy of the Mediterranean sea : Actions for a Sustainable Future, wwf, 25.09.2017, 33 pages, [en ligne] https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2017 09/170927_rapport_reviving_mediterranean_sea_economy.pdf

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mobiles sont acceptées sur la bande puisqu’elles peuvent être enlevées à tout moment, et ce, surtout durant l’hiver. Cependant cette loi est constamment remise en question, entre autres parce qu’elle est peu appliquée par les communes qui privilégient parfois leurs intérêts économiques et touristiques. Finalement, les acteurs en viendraient à protéger le confort du spectacle mis en place au détriment peut-être de la conservation de ce littoral.

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« Portion d’espace déterminée de l’espace. Intrinsèque : étendue même d’un corps, qu’il emporte avec lui si on le déplace. Extrinsèque : étendue que le corps occupait et que l’on considère comme demeurant en place, tandis que le corps la quitte.45 »,

Spectaculariser le quotidien Faire lieu

Un endroit ne prend sa pleine dimension de lieu que lorsqu’il se lie au(x) corps, c’est-à-dire, qu’il est pratiqué par les hommes. Il prend alors plus ou moins de valeur suivant sa fréquentation et les pratiques et usages que l’on peut y faire. Le corps devient le point de repère et tout le milieu n’est alors vu qu’à travers lui. Le territoire se complète déplace son autorité sur une échelle plus locale et tente de satisfaire les populations résidentes à travers leur quotidien.

45. cnrtl, Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales Fig. 30 Potthast, Edward Henry, A July Day, 1914, huile sur toile, collection privée (31,75 x 40,64 cm)


1. RÉSIDENTIALISATION « Vers la ville balnéaire46 » Jean-Michel Mestres Nous avons vu que le littoral est un territoire en proie à deux grandes autorités, celle de la mer et celle de la terre, mais également à une politique de tourisme fort. Les enjeux du littoral résident dans sa nature-même de limite entre terre et mer. Le littoral est une terre d’accueil pour les voyageurs et touristes en quête de ce rapport si précieux qu’on peut avoir avec la mer. C’est à travers la volonté de les satisfaire et de les attirer que le littoral répond à une politique territoriale répondant à l’autorité et aux volontés de l’État, de la région ou du département concernés. Il s’agit alors d’une démarche globale répondant à des enjeux qui vont jusqu’à l’international. Néanmoins, le littoral est avant tout un lieu, c’est-à-dire qu’il prend sa pleine dimension suivant sa fréquentation, la pratique qu’on peut en avoir. Ainsi, l’objectif est aussi d’attirer un maximum de monde en vacances mais également de façon permanente. Nombreux sont ceux qui veulent habiter les communes du littoral, elles recèlent d’ailleurs plus de 60 % de la population mondiale. La densité moyenne de ces régions est d’ailleurs bien plus élevée, plus du double, que la moyenne nationale, 285 habitants/km2 pour 98,847. Cependant, la rareté et le caractère spécifique de ces régions rendent l’achat difficile et les prix élevés. Le nombre seul de personnes présentes ne suffit pas à faire un lieu, il faut que ces personnes restent et habitent la région. De plus, un grand nombre des logements, surtout les maisons individuelles, sont des logements secondaires, occupés seulement quelques semaines dans l’année. Près de 85 % des logements neufs du Languedoc-Roussillon sont construits afin d’être des logements secondaires, lieu de vacances et de villégiatures aux habitants des villes de l’intérieur48. Elles ne participent donc pas pleinement à la dynamique locale. Nous pouvons donc noter une politique récente de résidentialisation du littoral, soit de passer de la station balnéaire à la ville balnéaire. L’enjeu est d’attirer des résidents à l’année de manière à créer des évènements, des activités, des pratiques, des coutumes dans une région et de les perpétuer. Le résident, à la différence du voyageur et du touriste, représente l’ensemble de la population qui restent dans la ville du littoral, qui l’habite. C’est-à-dire qu’ils possède toutes les clés de compréhension, tous les savoirs du site. Il y pratique ses habitudes dans le temps et l’espace, d’après Marsion Segaud, « C’est maîtriser un espace ou une série d’espaces en y accomplissant des pratiques quotidiennes. Le logement n’est qu’un élément d’une chaîne.49 » La pratique d’habiter peut donc s’étendre en dehors du logement seul, l’espace public et la ville peuvent également être habité. Ainsi, l’individu pose sur le site une autorité, et même plus, une intimité dans laquelle il peut se retrouver. La pratique passe, entre autres, par la pose de limites de son propre espace personnel, de son appropriation de l’espace environnant. Nous pourrions nous étendre plus longtemps sur cette notion complexe qu’est celle de l’habiter mais ici, nous n’en sortirons que sa dualité entre spatialité et temporalité. Ainsi, le résident est le sédentaire par excellence, c’est lui qui demeure en place, et même si, à son tour, il lui arrive d’entamer un déplacement et de devenir lui-même voyageur ou touriste, il reviendra toujours sur ses terres. Le résident est en définitive celui qui habitent le territoire toute l’année. Cette nuance est très importante pour les villes du littoral puisqu’elles sont largement assaillies par des millions de voyageurs et touristes chaque année. Ces deux populations présentent deux manières bien distinctes de pratiquer le territoire. Dans un premier temps, la temporalité elle-même est différente. Le voyageur et le touriste par nature, ne restent qu’un temps, ils n’ont ainsi pas le temps de s’intégrer complètement au paysage et aux pratiques exercés. Ils sont tous deux dans une démarche bien particulière de découverte, et ce, surtout durant la saison estivale. Le résident, quant à lui, profite du territoire durant l’année entière, quelles que soient les saisons. Il tirera toujours partie de l’environnement qui l’entoure étant donné qu’il en 46. Mestres, Jean-Michel, Entretien avec Xavier Druhen « Vers la ville balnéaire », Urbanisme, n°401, Eté 2016 (pp.56-58) 47. Le Délézir, Ronan, « Défense d’un littoral pluriel », Urbanisme, n°401, Eté 2016 (pp.45-47) 48. Le Délézir, Ronan, Ibid. 49. SEGAUD, Marion, Anthropologie de l’espace : Habiter, fonder, distribuer, transformer, Édition Armand Colin, deuxième édition, s.l., 2010, 248 pages.

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connaît tous les secrets. Le temps joue en sa faveur et lui permet de jouir d’une connaissance et d’une expérience d’abord transmises par les générations précédentes et puis, personnelles qui sont établies par son propre jugement. Durant la saison chaude, la saison estivale, des millions de touristes et voyageurs viennent découvrir ces villes du littoral et repartent une fois les mauvais jours arrivés. Une fois l’hiver installé, les populations toujours présentes sont bien moins nombreuses. C’est alors que nous pouvons noter un profond déséquilibre saisonnier et démographique entre ces deux temporalités. L’été, les villes du littoral sont surpeuplées en comparaison à l’hiver (Fig. 31). Il s’agit principalement d’une population de passage qu’il faut satisfaire et impressionner. Dans ce but, de nombreux restaurants, bars, hôtels, campings ouvrent leurs portes durant la saison estivale. Dès octobre, ces établissements ferment de nouveau. La ville semble alors rentrer dans une période d’hibernation et ce, jusqu’à avril (Fig. 32). Le littoral passe alors du théâtre de tous les possibles à celui de ses coulisses et de sa mise en place. Le secteur économique tertiaire, soit les services, sont en plein expansion dans les régions touristiques, mais la majeure partie de ce secteur se fait de manière saisonnière. Ainsi, les emplois sont de courte durée, même s’ils peuvent être renouvelés chaque année. L’économie se pose alors entre

Fig. 31

Forte fréquentation estivale du Boulevard Lantivy et sa plage, Ajaccio

Fig. 32

Fréquentation hivernale presque inexistante de la Plage du Midi, Cannes

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une population qu’il faut satisfaire et une population résidente qui détient l’ensemble des emplois. De plus, le développement de la région ne sait plus vraiment qui servir, une population de passage ou une bien plus pérenne mais qui rêve constamment de faire de son territoire un territoire attractif. Il s’agit alors d’une économie presque éphémère qui dépend exclusivement de la fréquentation de passage durant la haute saison. C’est d’ailleurs le moment de tous les enjeux. L’hiver sert principalement à préparer la saison suivante. Commence alors le grand ballet des travaux d’aménagement. Les territoires du littoral reposent également d’un secteur primaire et secondaire presque exclusivement dépendante et consacrée à la mer. Les industries reposent alors sur leur proximité avec les flots et se caractérisent principalement par de grandes infrastructures portuaires facilitant le transport de nourriture. Sète est par exemple le lieu de grands échanges commerciaux avec de grands partenaires internationaux. Elle est l’une des portes du Sud de l’Europe et de la Méditerranée. Cette industrie portuaire est profondément liée à celle de l’agro-alimentaire et sert ainsi sa distribution à travers le monde. La ville en tire même le parti de mettre ce secteur en valeur, d’en faire un véritable spectacle de la vie quotidienne. De très grands travaux sont mis en place pour toujours dynamiser et moderniser ses interfaces d’échange. La grande dernière politique d’aménagement demande un investissement de 46 millions d’euros pour l’année 2016. La pêche est également un pôle important pour la ville et son économie, et ce, qu’elle soit à grande échelle ou exercée par le particulier. Elle fait notamment appel à une histoire bien ancrée et des coutumes ancestrales dans la ville. Cette dualité de population et d’enjeux crée une certaine ségrégation sociale et intergénérationnelle qui se lit dans l’espace. Rappelons-le, le littoral se constitue de deux séquences successives : le trait de côte et sa bordure. Ces deux espaces sont chacun le lieu d’enjeux bien différents. Le premier serait plus consacré à une politique de tourisme même si, il fait également partie de la vie quotidienne et est l’emplacement même des grandes industries et des ports. C’est l’extrême limite qu’on cherche toujours à approcher et qu’on privilégie pour les populations de passage afin de les attirer et de les satisfaire. C’est sur elles que repose la majeure partie de l’économie locale. Les populations résidentes sont presque reléguées à l’intérieur des terres. Par exemple, la ville de Sète pose un ensemble de grands immeubles, similaire à une cité, en périphérie de la ville, en extrême limite de l’étang, et non de la mer. Ce quartier est renvoyé en périphérie, profitant de la vue et des activités de l’étang mais qui semble presque interdit d’aller à la mer. De plus, les populations subissent grandement le déséquilibre saisonnier. Etant donné la surpopulation estivale, les espaces deviennent difficiles dans leur pratique et les trajets se rallongent considérablement. Cela en devient parfois tout un périple de pénétrer dans une ville du littoral ou de se garer. Une fois l’hiver revenu les populations résidentes peuvent à nouveau pleinement profiter du spectacle de la mer et des espaces mis à disposition. De nombreuses réglementations différencient considérablement ces temporalités de l’année mais également les populations. Par exemple, les collectivités de Bretagne et de Corse cherchent à faire établir un statut de résident afin de restreindre les constructions de maisons individuelles aux non-résidents ce qui permettrait entre autres de diminuer le taux de logements secondaires, vides une grande partie de l’année. Toutes deux se reposent sur une politique similaire qui a été mis en place en Nouvelle-Zélande. A plus petite échelle, certaines communes rendent leur stationnement gratuit durant l’hiver. La priorité bascule sans cesse entre population résidente et populations de passage, et toutes deux se disputent l’accès à l’extrême limite et finalement à la mer. Les équipements doivent alors jongler entre deux capacités extrêmes et choisissent de se positionner au milieu afin de garder un certain équilibre. L’un des enjeux de la résidentialisation, étrangement, est de faire des cimetières un véritable spectacle. Il s’agit de proposer une dernière demeure à la hauteur du caractère spectaculaire que nous aurions pu observer toute notre vie en tant que résident du littoral. C’est la dernière représentation de la mer sur l’homme, l’accompagnant dans son dernier voyage, pour lui et ses proches. A travers ces

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Fig. 33

Cimetière Marin, Sète

Fig. 34

Vue de l’allée principale de l’ancien cimetière d’Ajaccio

Fig. 35

Modèle urbain

Fig. 36

Schéma urbain du cimetière d’Ajaccio

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aménagements, le littoral rappelle sa dualité profonde entre territoire terrifiant et fascinant. La mer vient guider la mort tout en lui apportant un caractère spectaculaire et presque merveilleux. Nombreux artistes, architectes ou auteurs ont choisi comme dernière demeure le littoral. Le Corbusier, à la fin de sa vie avait notamment choisi de s’isoler avec sa femme dans son cabanon à Roquebrune-Cap-Martin. Il se nourrissait alors pleinement du spectacle de la mer, s’inspirant profondément de ce qu’il avait sous les yeux. Il y vivait une vie simple et précaire, goûtant aux plaisirs simples que lui offrait le littoral. Il y a d’ailleurs perdu la vie en 1965 et la mer est devenue sa dernière demeure. Sa tombe et cimetière ont également fait l’objet d’un intérêt particulier de mise en valeur de la mer. Elle passe notamment par sa contemplation et sa position dans la pente. Paul Valéry, poète originaire de Sète, écrit un long poème sur le cimetière marin de sa ville natale50. Ce dernier se situe sur le Mont Saint-Clair, profitant de la forte pente pour faire face à la mer et à l’horizon (Fig. 33). Il décrit notamment son désir d’y reposer et ses longues heures passées à regarder la mer. Il évoque qu’il faut se méfier des apparences et qu’il faut se laisser porter par la contemplation, dépasser la première apparence et embrasser le savoir qu’elle recèle et son véritable visage. Elle est l’expression même du temps infini, comme évoquant le dernier voyage qui n’en finirait jamais. L’auteur la compare même à une maison, faisant pleinement référence à la pratique d’habiter la mer comme dernière demeure. « Je hume ici ma future fumée, Et le ciel chante à l’âme consumée Le changement des rives en rumeur » Ainsi, il évoque la fin d’une vie, de toutes choses, mourant dans les eaux sombres de la mer. Cette perspective terrifie autant qu’elle le soulage. Il se laisse égarer dans les différents états et impressions que peut revêtir la surface de l’eau. Reflétant le ciel, le monde, la lumière, cette étendue cache les choses profondes qu’elle recèle. Cependant, le regard s’arrête sur cette première facette et s’égare à sa surface, scrutant le moindre détail. Les vagues deviennent les rides du visage de la mer. Le poète en appelle aux vents et à la puissance des vagues pour finir de briser son corps et libérer son âme afin qu’elle puisse rejoindre les flots et en ressortir plus vivante que jamais et cela même dans la mort. « Brisez, mon corps, cette forme pensive ! Buvez, mon sein, la naissance du vent ! Une fraîcheur, de la mer exhalée, Me rend mon âme... Ô puissance salée ! Courons à l’onde en rejaillir vivant ! » Le cimetière marin est également la dernière demeure de Georges Brassens et nombreux sont ceux qui viennent leur rendre un hommage. Ainsi, le cimetière fait l’objet de visites perpétuelles et les visiteurs viennent autant se perdre dans leur chagrin que dans la contemplation de la mer et l’horizon à l’image de ses penseurs disparus. La ville d’Ajaccio a également choisi une position proche de la mer pour la dernière demeure des hommes, comme un dernier hommage à la mer. L’ancien cimetière se situe sur la Route des Sanguinaires et son entrée fait face à l’horizon. La pente n’est pas malheureusement pas assez importante pour créer une sensation aussi puissante qu’au Cimetière Marin. Néanmoins, la mer est bien là et accompagne le défunt et ses proches par sa présence dans le lointain (Fig. 34). Certains le diraient presque qu’il s’agit d’un cimetière vivant, chaleureux où il est agréable de flâner. Il invite donc à la promenade. De 50. Cf l’annexe Poésie 1 : Le cimetière marin, Pau Valéry, 1920 51. Le Délézir, Ronan, Op. Cit

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plus, il repose sur un des modèles de Vidal que nous avons évoqué précédemment. Il s’agit d’un plan rayonnant où l’allée centrale s’axe sur la mer et distribue plusieurs autres de manière rayonnante autour d’un point bien précis (Fig. 35 et 36). Ainsi, les tombes se déploient de manière à ce que les visiteurs finissent leur parcours par la grande allée et finalement par cette vue sur la mer. C’est la dernière surprise avant de repartir, une dernière contemplation et pensée pour cet élément si fascinant. La résidentialisation réside dans une dynamique d’attraction de populations résidentes tout en leur procurant un certain cadre de vie particulier avec la mer comme décor et scène de leur vie quotidienne. « L’enjeu est donc de redéfinir des projets de vie pour ces territoires littoraux, adaptés à leurs contraintes et mettant en valeur leurs potentialités dans un cadre soutenable.51 » Il ne faut donc pas oublier un certain degré écologique et de protection du milieu dans lequel les populations évoluent. Cette volonté répond plutôt à une politique plus globale de faire lieu, soit d’augmenter sans cesse la population résidente. Dans ce sens, depuis quelques années, les régions littorales et surtout du sud ont vu leur population augmenter considérablement (Fig. 37). Elles font, notamment, l’objet d’un solde migratoire au sien même du territoire français, surtout de la part des personnes âgées qui recherchent le soleil et la mer comme bienfaits pour leur retraite. Afin de satisfaire pleinement les résidents et afin de donner à leur vie quotidienne un décor qui relève du spectacle, il est parfois nécessaire de s’éloigner de cette extrême limite, et donc de la mer.

Fig. 37

Évolution des populations en 2015, insee

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2. S’ÉLOIGNER DE LA LIMITE « Il faut rejoindre les limites extérieures de la ville retrouver l’horizon et la matérialité du monde pour que l’idée manifeste de paysage en soi ressentie.52 » Michel Corajoud L’objectif majeur d’habiter le littoral réside dans sa nature de seuil entre la terre et la mer, les hommes cherchent ainsi à se rapprocher au maximum de cette limite. Quel plaisir de pratiquer le seuil, se faire ballotter par deux influences forte, entre ville et nature, entre terre et mer, entre surface et profondeur. Cependant, il arrive que pour mieux apprécier nos relations avec la mer, il faille parfois s’en éloigner. Nous pouvons alors prendre un peu de distance pour découvrir une nouvelle relation, celle du lointain. C’est dans cette optique, et en partie influencée par les politiques touristiques et économiques qui favorisent l’hébergement court et la présence d’équipements sur la limite, que les maisons individuelles et autres logements sont construits à sur la bordure extérieure du littoral. Les hommes cherchent alors à faire de la mer le décor, plus que la scène elle-même, de leur vie quotidienne, de leur habitation. Les logements les plus privilégiés sont donc construits sur les hauteurs, en position de surplomb de la mer pour gagner en horizon. Avec la hauteur, le champ de vision s’élargit et se dégage de tout obstacle. Les hommes ont toujours cherché à prendre de la hauteur pour surveiller les alentours d’abord et puis les contempler. Nous nous éloignions pour mieux observer, prendre du recul et comprendre ce que nous voyons dans son entièreté. La ville de Sète est un territoire bien particulier du littoral, puisqu’elle ne possède pas une seule limite avec l’eau mais toute une multitude. Cependant, une seule se fait avec la mer à proprement parlé. Les autres se caractérisent dans leur nature de séparation entre la terre et les canaux ou la terre et l’étang. Malgré la présence de l’eau, l’imaginaire convoqué est en partie différent. Les eaux sont bien plus calmes et reposantes et elles font moins appel au voyage. C’est pourquoi nos préciserons ici que s’éloigner des limites avec la mer peut être un rapprochement avec celles de l’eau. Ce phénomène va nous permettre dire que finalement Sète n’est pas une ville complètement tournée vers la mer. Sa structure urbaine, tout du moins dans son centre historique, repose sur une grille orthonormée presque régulière comme le montre le modèle de Vidal (Fig. 40). Les rues principales s’organisent parallèlement aux quais et aux canaux et à la présence dans bateaux dans la ville même. Des rues plus étroites viennent croiser ces parallèles et les relier entre elles. Les canaux deviennent la véritable limite avec l’eau qui prend de l’importance (Fig. 41). Ils sont d’ailleurs le lieu des joutes qui se déroulent tous les étés. L’eau et la mer sont donc très présentes dans l’imaginaire de la ville et de ses habitants dans leur vie quotidienne. Néanmoins, cette dernière s’en voit grandement maîtriser et contrôler. Les populations évoluent derrière des infrastructures de défense tel que le brise-lame et ne communiquent à travers un premier contact avec la mer que lorsqu’elle vient d’écouler lentement dans les canaux jusqu’à rejoindre les eaux saumâtres de l’étang. La pêche reste l’un des plus grands revenus de la ville qu’elle soit pratiquée dans l’étang, au bord de la mer ou au large. Les sétois sont des marins dans l’âme, mais partir au large demande une attitude bien plus courageuse que la première. Le Mont Saint-Clair fait office pour Sète de point de repère depuis le large, pour les marins partis en pleine mer, mais également de point d’observation. Aujourd’hui, nous pouvons y trouver deux belvédères tous deux aménagés avec une table d’orientation. L’information est aussi bon moyen de protection de l’environnement afin de sensibiliser les gens à la préservation des paysages qui les fascinent tant. Cette colline accueille donc une grande partie des habitations qui suivant leur position se tournent vers l’étang ou la mer. Ainsi, chaque fenêtre de chaque maison cherche à se tourner vers l’un de ces deux points. Chacun veut avoir la meilleure vue sur l’horizon. La mer prend légèrement le pas sur les recherches immobilières, elle invite plus au voyage et à l’évasion. Les habitants ont alors le loisir de pouvoir s’évader de leur quotidien par la simple contemplation de ce qu’il découvre par leur fenêtre. Au 52. Corajoud Michel, « Le paysage, c’est l’endroit où le ciel et la terre se touchent », Extrait de Mort du paysage ? Philosophie et esthétique du paysage, Édition Champ Vallon, Ceyzérieu, 238 pages, 1981

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Spectaculariser le quotidien : faire lieu

fil de la journée, les lumières défilent à la surface de l’eau et renvoient dans les maisons des ambiances variées et exceptionnelles. Le spectacle n’en finit pas Il est en perpétuel recommencement tous les jours, de la même manière que peuvent les pièces d’un théâtre, chaque jour la représentation est différente. De plus, dans le temps, toutes les familles cherchaient à grimper le mont afin d’y pique-niquer à son sommet. C’était alors l’évasion, du dimanche. La ville était alors presque exclusivement concentrée autour des canaux. La vie quotidienne était alors tournée plus vers cette eau plus tranquille que vers le large et ces flots plus sauvages. Cette balade dominicale était le moyen de retrouver un rapport plus fort avec la mer malgré la distance. Cette expérience était plus rare qu’aujourd’hui mais faisait pourtant pleinement partie des habitudes et donc de la pratique d’habiter. Les rues y sont d’ailleurs très semblables à des chemins dans lesquelles on peut se perdre facilement. Le parcours peut être tortueux mais le voyage en vaut la chandelle. Au détour d’un arbre ou d’un muret, nous pouvons nous faire surprendre par le paysage qui se dévoile sous nos yeux. La mer se découvre par intermittence, grâce notamment à la topographie qui offre des points de vue au-dessus de tout obstacle (Fig. 38). A Ajaccio, la Route des Sanguinaires procure à ses habitants des sensations similaires à celles du Mont Saint-Clair. Elle accueille ainsi les villas les plus grandes tout en faisant de la mer le spectacle du quotidien. C’est également de la commune voisine Porticcio, nombreuses des villas profitent de la topographie et font ainsi face à la mer, et surtout au golfe tout entier (Fig. 39). Orientées en partie à l’ouest, elles profitent de magnifiques couchers de soleil dans la mer derrière les Îles Sanguinaires qui se découpent dans le lointain. Les impressions et les images sont alors grandioses et plongent le spectateur dans un état profond de contemplation. Il se perd peu à peu dans les reflets et les variations de lumières, disparaissant progressivement avec le soleil. Cependant, tous les habitants n’ont pas cette chance. La topographie et les divers extensions urbaines ont fait de la périphérie nord le lieu des nouveaux logements plus modestes. C’est l’expression de la ségrégation provoquée par les enjeux touristiques et surtout économiques qui font des parcelles ayant une vue sur la mer, une denrée et une victime de la pression foncière. Les prix s’enflamment et rares sont ceux qui peuvent y prétendre. Comme vous le supposez surement, la périphérie en plein développement perd tout contact avec la mer qu’il soit physique ou visuel. Le déplacement est alors

Fig. 38

Vue depuis le Mont Saint-Clair, Sète

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nécessaire pour tenter de la retrouver. S’éloigner de la limite revient parfois, simplement, à s’éloigner de la limite. Toute pratique spontanée avec le seuil s’en retrouve perturbée. C’est d’ailleurs l’une des raisons aux déplacements horaires qui provoquent nombre d’embouteillage ainsi que le désagrément des populations résidentes. Les travailleurs du port ou de la pêche sont contraints de parcourir plusieurs kilomètres avant de pouvoir rejoindre leur lieu de travail. Ce phénomène est facilité par l’évolution technologique des moyens de transport. Ils permettent d’aller toujours plus loin pour moins de temps. Certains équipements nécessaires à la vie quotidienne, tels que les écoles ou autres équipements de loisir, sont heureusement situés proches des habitations de manière à réduire les déplacements trop longs et de privilégier les moyens de transport doux. Cette distance avec le trait de côte est également mise en place dans un souci de protection du littoral. C’est le principe de la relocalisation soit « un replis stratégique des activités53 ». Le phénomène d’érosion s’accentue toujours plus depuis quelques années et provoque ainsi un recul très net des terres. Les constructions, trop proches du bord, s’en retrouvent désormais menacées. Le Conservatoire de l’espace littoral créé en 197554, a pour mission de racheter aux particuliers l’ensemble des parcelles en limite direct avec la mer afin de les garder vides et d’en assurer la protection, et parfois même la restauration. Il a comme objectif d’en posséder près d’un tiers d’ici 2050. L’avancée est longue et complexe. Les nouvelles volontés politiques consistent donc à déplacer les activités déjà en place plus loin dans es terres si elles ne nécessitent pas un contact direct avec le domaine marin. Il serait bien difficile de délocaliser le port au milieu des terres. Cette démarche est mise en place en parallèle à celle de l’enrochement. Elle pose cependant le problème des volontés des habitants de pouvoir pratiquer au maximum sans faire des kilomètres pour y parvenir. Des moyens et des aménagements sont même mis en place pour que les personnes à mobilité réduite puissent s’y baigner également. C’est le cas notamment à Sète où la résidence hôtelière principale propose une descente progressive jusqu’à la mer avec finalement la présence d’un tapis qui permet aux fauteuils de rouler sans s’enfoncer dans le sable. Cela démontre cette envie perpétuelle des êtres à vouloir se baigner, à se rapprocher de la limite. Mais paradoxalement, l’homme peut alors en venir à nuire le territoire et les paysages qu’il désire tant. Nous avons évoqué précédemment la Loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral ou loi littoral, votée le 3 janvier 1986 , et la bande neutre qu’elle installe le long de la côte. Ce dispositif est par nature une mise à distance des hommes par rapport à la mer et ce, pour la sécurité, et des populations résidentes, et du trait de côte. Paysage et population sont ainsi en partie préservés. Cette loi ne réside pas uniquement dans la définition de cette bande neutre. Elle marque également que le littoral est le lieu d’innovations quant aux particularités et aux ressources spécifiques du littoral. Elle identifie également quatre zones d’intervention ou de non-intervention sur le littoral : la bande neutre où aucune nouvelle construction n’est autorisée ; l’extension limitée de l’urbanisation proche du rivage, lieu de toutes les convoitises mais qu’il faut profondément réglementer ; l’extension des urbanisation vers les terres intérieures dans la continuité des axes principaux ; et les espaces déjà urbanisés où seuls sont engagés des travaux de rénovation et de réhabilitation de l’existant. Enfin les nouvelles routes de transit doivent être positionnées au minimum à deux kilomètres du rivage et celles de desserte ne peuvent plus être le long des côtes. Cette loi est aujourd’hui remise en question, elle a même fait l’objet d’une révision au début de l’année dernière. Peu appliquée par les communes ou alors très largement interprétée, nous pouvons donc trouver une multitude d’infractions à sa mise en place. Les envies de proximité à la mer prônent donc sur la protection de ce rivage. Certains entrepreneurs passent même outre les permis déposés et dépassent allègrement les limites et les coefficients d’extension autorisés. Une controverse, lancée par l’association U Levante, plane au-dessus, par exemple, de l’hôtel Misincu, à quatre étoiles dans le Cap-Corse, depuis cet été. Il a notamment été condamné à détruire sa paillote 53. Lagrave, Renaud cité dans Paillard, Arnaud, « Lacanau à l’heure de l’érosion accélérée », Urbanisme, n°401, Eté 2016 (pp.41-44) 54. Cf l’annexe Chronologie 3 : Loi Littoral du 3 Janvier 1986

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Spectaculariser le quotidien : faire lieu

sur la plage désignée comme soi-disant éphémère, alors qu’elle venait à peine de sortir de terre. La dernière révision de la loi littoral consistait en l’assouplissement de ses règles concernant la discontinuité des tissus existants et se vouait à combler ces vides pour une meilleure cohérence. Néanmoins, la loi littoral est très appréciée par la population qui redoute un quelconque changement à son sujet, de peur que les enjeux touristiques prônent trop sur les volontés écologiques. De plus, les acteurs du littoral pourraient augmenter leurs interprétations de la loi et détourner ces objectifs premiers. Le littoral est donc un territoire largement désiré mais également très controversés dans les enjeux qu’il faut mettre en place. Son caractère spectaculaire, tant désiré, dépend de sa nature et surtout de sa préservation. Néanmoins, trop s’en approcher ou le pratiquer pourrait accélérer sa dégradation et donc amenuiser sa dimension de spectacle. La mer égaye le quotidien des habitants mais aussi celui des visiteurs venus la trouver. Aménager le trait de côte est-il une finalité en soi pour sa pratique et sa contemplation ?

Fig. 39

Fig. 40

Vue du Golfe d’Ajaccio, depuis une villa à Porticcio

Modèle urbain

Fig. 41

Schéma du tissu urbain sétois

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CONCLUSION Historiquement, la spectacularisation du paysage passe par l’autorité de la mer, elle est sauvage, incontestable, inviolable… Le littoral est le lieu de rencontre et de conflit entre deux éléments forts de la nature : l’eau et la terre. Le spectacle est alors terrifiant et violent pour les hommes qui ne peuvent s’installer sur cette fine et sinueuse limite mais également pour le territoire qui se détériore progressivement. Il faut alors protéger les populations et le terrain de la forte influence physique et mentale de la mer par des architectures de défense et d’observation du lointain. C’est le monde inconnu d’où viennent les assauts de la mer et les assauts des hommes envahissant de nouveaux territoires. Le domptage et le contrôle de cette autorité marine semblent presque illusoire mais malgré tout, les hommes s’abandonnent à la fascination de la mer et en viennent finalement à occuper le littoral. L’horizon y a une plus grande influence par sa nature parfaitement horizontale, limite nette et précise entre le ciel et la mer. Ce phénomène invite au voyage autant qu’il terrifie. Telle est la dualité de l’eau, constamment entre pureté et destruction, entre rêverie et cauchemar, entre eau féminine et douce, et eau masculine et puissante. La surface de l’eau est en elle-même le reflet du monde dans la lumière éblouissante et le masque des profondeurs cachées. Afin de contrer l’influence, souvent bien trop puissante, de la mer, l’homme cherche donc à exercer sa propre autorité sur le littorale. Pour cela, de nombreux moyens sont mis en œuvre pour renforcer cette spectacularisation de ce territoire paysager, autant par l’imaginaire que par l’aménagement physique. La première des grandes politiques et d’opérer une mise en réseaux. Occuper un territoire c’est d’abord pouvoir y accéder, et ce de manière confortable, agréable et en masse. Pouvoir arriver au bord de l’eau est une des raisons à l’innovation des infrastructures et des moyens de transports mis en place. Trains, routes et autoroutes, bateaux et avions diversifient et complètent le réseau. Tout est fait en sorte pour émerveiller le voyageur à son arrivée sur le littoral et lui donner à découvrir la mer et l’horizon. Le paysage devient un véritable enjeu et les gens se pressent pour pouvoir l’admirer de ses propres yeux. C’est la base d’une réelle économie de la région, l’économie touristique. La masse de voyageurs et de touristes est telle que le paysage devient une vraie marchandise, et le littoral un réel atout où il faut débourser pour pouvoir l’apprécier. La limite entre les deux domaines, terrestres et marins, n’est plus seulement un lieu de conflit mais également un lieu de villégiature. Elle devient aussi le lieu des volontés d’aménagement et de protection. L’économie touristique est alors utilisée pour financer tous ces travaux, bien souvent, de grande envergure. Protéger la limite, c’est protéger son territoire et aménager cette limite, c’est une manière d’habiter le seuil. Le littoral fait également l’objet d’une occupation plus longue des hommes. Ce sont les populations résidentes qui habitent pleinement ce territoire et y exercent leur autorité. Elles subissent cependant une certaine ségrégation sociale et intergénérationnelle bien visible spatialement parlant. Le trait de côte en extrême limite de la mer est plus le lieu des enjeux touristiques, contenant nombre des équipements nécessaires à l’accueil des populations de voyage responsables en grande partie de l’économie locale, comme les hôtels ou les casinos. La bordure, quant à elle, est plus le lieu du quotidien et des coutumes. Les hommes finissent par s’éloigner quelque peu de la limite pour mieux l’observer du lointain. La mer et l’horizon deviennent le décor de la vie quotidienne, de l’habitat. Le spectacle est complété par un ensemble d’événements et d’activités qui font du contact routinier avec la mer quelque chose de plus exceptionnel. Le contact est plus succinct mais prend une dimension plus profonde. Il accompagne les hommes de la naissance à la mort, accompagnant chaque étape de la vie. Le littoral comme tout espace est partagé entre son caractère de territoire, répondant à une certaine autorité, et son caractère de lieu, marqué par sa fréquentation. Cependant, il est également gouverné par la présence de la mer et de sa spectacularisation. Collectivités, communes et Etat prônent une grande volonté touristique afin d’y développer une forte attraction et une forte économie basée sur le contact et la vue de la mer. Ensemble, ils décident de manière globale des directions d’aménagement et de protection du littoral tout en faisant de la mer un spectacle exceptionnel pour les populations

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Conclusion

Fig. 42

Photomontage du projet Lilypad, ĂŽles flottantes Ă Monaco, par Vincent Callebeaut, architecte, 2008-2016

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de passage et résidentes. Certaines fois, ces volontés ministérielles se confrontent à des volontés plus locales et préservatrices qui cherchent à faire un spectacle de la vie quotidienne, faisant de la mer, le décor de l’habitat. Toutes ces grandes directions sont l’illustration de l’aménagement et l’acte d’habiter le seuil, la limite entre le domaine terrestre et le domaine maritime, amenuisant l’autorité, et de la mer, et de la terre afin d’y appliquer la propre autorité des hommes. Depuis la seconde moitié du XXe siècle, les professions responsables du dessin des villes et du littoral, architectes, ingénieurs et artistes, cherchent à dépasser cette limite marine afin de venir habiter la pleine mer22. Ils alors dans la recherche d’une réponse aux nouveaux enjeux et problématiques écologiques et de l’habitat. Les sociétés prennent conscience de leur impact sur l’essence et les ressources de la planète qui nous accueillent tous aujourd’hui mais pour combien de temps encore ? Ces travaux et recherches sont menés à travers l’analyse critique des aménagements actuels du littoral. L’idée est de venir contrer totalement l’autorité de la mer afin de pleinement l’habiter par la construction de mégastructures innovantes, qui sont flottantes, fixes ou immobiles, ancrées ou amarrées, posées sur pilotis ou tout simplement en répondant à un caractère d’île artificielle. Les enjeux et les problématiques sont complexes et semblent impossibles à contrer. Les moyens techniques et innovants mis en œuvre serviraient à contrer l’influence de la mer, illustrée par la force de sa houle, les tsunamis, son aspect informe permettant de s’infiltrer partout mais également dans un soucis d’évacuation des déchets et des populations en cas de danger. La ville de Dubaï est aujourd’hui, et cela depuis 2001, le théâtre de ces expériences d’îles et terres artificielles empiétant sur le territoire de la mer, et étendant celui des hommes. Cependant nombres des projets d’habiter la mer n’ont pas vu le jour. C’est le cas du projet Lilypad, de structures flottantes pouvant accueillir près de 50 000 personnes, dessiné par l’architecte Vincent Callebeaut pour la baie de Monaco (Fig.25). De manière générale, ces projets ont été critiqués pour leur caractère utopique, représentant des réalités idéales et sans défauts mais irréelles, sans aucune possibilité d’existence dans un espace. De plus, ils semblent avoir un impact trop important sur la nature par leur mégastructure de béton et d’acier, ou dans le paysage, comme le dit Michel Ragon. « Sous prétexte de prendre possession de la mer, peut-on craindre qu’un nouveau «front de mer», se bâtisse cette fois-ci face à la plage, cette plage désormais coincée entre un front de mer terrestre et un front de mer maritime.23 » Le rapport à la mer et la spectacularisation du littoral s’en retrouveraient totalement retournés. Entre relocalisation et transformation ou dépassement de la limite dans un objectif de protection du littoral et de ses populations, nous pouvons donc nous demander si l’aménagement est une finalité en soi, d’autant que le littoral est un territoire paradoxal par nature, étant donné qu’il a fallu le dompter afin d’accueillir des populations, et cela en masse mais que ces mêmes populations sont à la recherche d’une profonde relation avec cette nature, cet élément sauvages… L’équilibre entre confort d’un mode d’habiter, passant par la maîtrise de la nature, et le désir de rencontrer ces espaces libres à l’origine de ces paysages spectaculaires, est là tout l’enjeu des professions qui pensent et dessinent le territoire.

22. Ragot, Gilles, « Les villes flottantes : une source inépuisable d’utopies », extrait de Toulier, Bernard (dir.), Tous à la plage ! Villes balnéaires du XVIIIe siècle à nos jours, Édition Cité de l’Architecture et du Patrimoine/Lienart, Paris, 2016 (pp.212-223) 23. Ragon, Michel, « Allons-nous vers une architecture et un urbanisme spécifique à la mer ? », Neuf, mai-juin 1975 (p44)

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Conclusion

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BIBLIOGRAPHIE _ SOURCES LIVRES

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ARTICLES

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RAPPORTS

Tempier, Alain (dir. publication), Quant’île, insee, n°26, Janvier 2014, 6 pages

Randone, Mauro (dir.), Di Carlo, Giuseppe (coll.), Costantini, Marco (coll.), Reviving the economy of the Mediterranean sea : Actions for a Sustainable Future, wwf, 25.09.2017, 33 pages, [en ligne] https:// www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2017-09/170927_rapport_reviving_mediterranean_sea_economy.pdf Tempier, Alain (dir. publication), Tirroloni, Angela (dir. rédaction), Bilan annuel du tourisme en Corse de 2014 et 2016, insee, Juin 2015 et Mai 2017, 20 pages) Selarl Eupalinos, Dufois, Laurent et Lhenri, Gael Architectes, « Ville de Sète : Fort Saint-Pierre dit Théâtre de la mer tnp Jean Vilar », Diagnostic historique, 14 Juin 2011, 47 pages

62


Bibliographie

Villechenoux, Hervé, « Grands Travaux du Théâtre de la Mer : Prospectives et propositions », Octobre 2006 à Mars 2010, actualisé le 27 Février 2017, 20 pages

EXPOSITIONS

École Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier, élèves de quatrième année, sous la direction de Cusy, Gilles, « Théâtre de la mer : Proposition d’aménagement », du 23.05 au 30.06.2017, Musée de la Mer, Sète, visite le 27.06.2017 Collection Permanente du Musée Paul Valéry, Beaux-Arts, visite le 26.06.2017, Sète, voir : http:// museepaulvalery-sete.fr/index.php Collection Permanente du Musée Fesch, Beaux-Arts, visite le 03.08.2017, Ajaccio, voir : http://www. musee-fesch.com/index.php/musee_fesch

VIDÉOS

Reportage Une station balnéaire en hiver : Bernodet, distrib. ortf, 23.04.1974 (6’08’’), [en ligne] http://fresques. ina.fr/ouest-en-memoire/fiche-media/Region00294/une-station-balneaire-en-hiver-benodet.html Bdida, Ambrine, Turbot, Philippe, Weyl, Justine, Reportage Tourisme : Le filon des croisières, france.TV, 19.05.2017 (5’57’’), [en ligne] https://www.france.tv/france-2/journal-13h00/141947-edition-du-vendredi19-mai-2017.html

WEB

cnrtl, Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, http://www.cnrtl.fr/ Larousse, dictionnaire de français, http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais Légifrance, le service public de la diffusion de droit, https://www.legifrance.gouv.fr/ Wikipédia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Wikip%C3%A9dia:Accueil_principal Bibliothèque Galica, http://gallica.bnf.fr/accueil/?mode=desktop Office de tourisme de Sète, http://www.tourisme-sete.com/ (consultation le 22.11.2017) Port de Sète, Sud de France, http://www.sete.port.fr/fr/le-port/un-peu-dhistoire (consultation : 31.12.2017) Site officielle de la ville d’Ajaccio, http://www.ajaccio.fr/ (consultation : 23.11.2017) insee, Institut national de la statistique et des études économiques, https://www.insee.fr/fr/accueil Atelier d’Architecture Roeder Casier et Laurent Guenoun, architecte du patrimoine, Diagnostic autour de la Tour génoise de Miomo, 2014-2015, http://www.atelier-arc.eu/projets/infos/tour-de-miomo Change.org,Pétition Ne touchez pas à la loi littoral ! lancé par Jean-Laurent Felizia, https://www. change.org/p/ne-touchez-pas-a-la-loi-littoral-loilittoral/fbog/31687136?recruiter=31687136&utm_ source=share_petition&utm_medium=facebook&utm_campaign=autopublish&utm_term=autopublish

63


ICONOGRAPHIE Coucher de soleil sur la mer des Caraïbes, photographe inconnu

Fig. 1

1ère c.

Fig. 2

p7

Faire paysage : cadrer, Marine de Pino, 2012, ©Camille Grisoni

Fig. 3 Fig. 4

p9 p9

Schéma définissant le littoral, 2017, personnel Schéma définissant la sous-division du littoral, 2017, personnel

Fig. 5

p 13

Fig. 6 Fig. 7

p 14 p 15

Fig. 8

p 16

Fig. 9 Fig.10 Fig. 11

p 19 p 19 p 21

Fig. 12

p 23

Fig. 13 Fig. 14 Fig. 15

p 23 p 25 p 25

Fig. 16

p 27

Fig. 17 Fig. 18

p 27 p 27

Turner, William, Tempête de neige en mer, 1842, huile sur toile, Tate Britain, Londres (91,4 x 121,9 cm) Plan de fortification du port de Sète, Atlas, 1777, Plans des Ports de France, Vue du Golfe d’Ajaccio depuis la départementale 3 près d’Ocana, 02.08.2017, ©Camille Grisoni Plans et élévation de la Tour génoise de Miomo, 2014-2015, ©Atelier d’Architecture Roeder Casier Plan de la création du brise-lame de Sète, 1980, fond d’archive Plan du prolongement du brise-lame de Sète, 1900, fond d’archive Alexander Dmitrievich Litovchenko, Charon faisant traverser le fleuve Styx, Huile sur toile, 1889, The State Russian Museum, St. Petersburg (dimensions inconnues) Relevé du trafic maritime à travers la Méditerranée, « Mediterranean Sea Collection », Atlas of Places, 2016, sources : nasa - usgs - strm - modis - Terra Carte postale ancienne de Boulogne-sur-Mer, les cabines hippomobiles envahissent la plage Photographie du chemin de fer entre Île Rousse et Calvi, ©Philippe Mirville, années 2000 Séquence sur la Route Territoriale 30, en arrivant sur Île Rousse, prises de vue StreetView, téléchargées le 15.12.2017 Aménagement des côtes varoises par Henri Prost : étude d’un virage dangereux en perspective, 1922-1939, fond d’archive Coupe de la Corniche Kennedy à Marseille, personnelle, 2017 Photographie de la Corniche Kennedy à Marseille, ©DR, année 2000

Fig. 19 Fig. 20 Fig. 21 Fig. 22 Fig. 23 Fig. 24 Fig. 25 Fig. 26 Fig. 27

p 29 p 31 p 31 p 31 p 33 p 33 p 33 p 35 p 37

Fig. 28 Fig. 29

p 38 p 39

64

Les sables d’Olonne, 1959, ©Robert Doisneau Schématisation du triptyque balnéaire, 2017, personnelle Schématisation du triptyque balnéaire à Ajaccio, 2017, personnelle Schématisation du triptyque balnéaire à Sète, 2017, personnelle Plan et coupe du Théâtre de la Mer, 2017, personnel Trame régulière, modèle urbain, tiré de la thèse de Vidal, Roland, 2003 Schéma du tissu urbain ajaccien, 2017, personnel Les îles Sanguinaires et la Tour génoise de la Parata, Ajaccio, 03.08.2017, ©Camille Grisoni Séquences de la mer à la ville, par la photo aérienne et par la coupe, Nice, Ajaccio et Sète, 2017, personnelles Localisation des séquences, de la mer à la ville dans Marseille, 2017, personnelle Séquences de la mer à la ville, par la photo aérienne et par la coupe, Marseille, 2017, personnelles


Iconographie

Fig. 30 Fig. 31

p 45 p 47

Fig. 32

p 47

Fig. 33 Fig. 34 Fig. 35 Fig. 36 Fig. 37 Fig. 38 Fig. 39 Fig. 40 Fig. 41

p 49 p 49 p 49 p 49 p 51 p 53 p 55 p 55 p 55

Potthast, Edward Henry, A July Day, 1914, huile sur toile, collection privée (31,75 x 40,64 cm) Forte fréquentation estivale du Boulevard Lantivy et sa plage, 03.08.2017, ©Camille Grisoni Fréquentation hivernale presque inexistante de la Plage du Midi, Cannes, date inconnue, inconnu Cimetière marin, Sète, 2009, ©Sylvie Vincent Vue de l’allée principale de l’ancien cimetière d’Ajaccio, 10.2017, © Elisabeth Bonnefoi Plan rayonnant, modèle urbain, tiré de la thèse de Vidal, Roland, 2003 Schéma urbain du cimetière d’Ajaccio, 2017, personnel Évolution des populations en 2015, publié en Décembre 2017, insee Vue depuis le Mont Saint-Clair, Sète, 26.06.2017, ©Camille Grisoni Vue du Golfe d’Ajaccio, depuis une villa à Porticcio, 01.08.2017, ©Camille Grisoni Plan rayonnant et trame régulière, modèle urbain, tiré de la thèse de Vidal, Roland, 2003 Schéma du tissu urbain sétois, 2017, personnel

Fig. 42

p 57

Photomontage du projet Lilypad, îles flottantes à Monaco, 2008-2016, ©Vincent Callebeaut

Fig. 43

4e c.

Coucher de soleil sur la mer des Caraïbes, photographe inconnu

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TERRITOIRES Le littoral français métropolitain La ville de Sète Le golfe d’A jaccio ARCHITECTURES

68 70 76

82 83

Le théâtre de la mer (Sète) Les tours génoises (Corse)

CHRONOLOGIES

Aménagement du littoral Textes de loi autour du littoral Loi Littoral du 3 Janvier 1986

84 85 86

Annexes

POÉSIE

Le cimetière marin, Paul Valéry, 1920 L’homme et la mer, Charles Baudelaire, 1857 La mer, Charles Trenet, 1946

88 90 91


TERRITOIRE 1 : LA DIVERSITÉ DU LITTORAL FRANÇAIS MÉTROPOLITAIN DESCRIPTION DU LITTORAL FRANÇAIS Le territoire français est connu pour posséder une grande diversité dans ses paysages et en particulier dans les littoraux. Le littoral représente près de 60% des frontières françaises et de plus, elles appartiennent à plusieurs types d’eaux salées telles que l’Océan Atlantique ou la Mer Méditerranée, et cela uniquement pour la métropole. Le littoral est également très diversifié dans son aménagement comprenant une densité 2,5 fois supérieure à la moyenne nationale: certaines zones sont largement urbanisées accueillant nombres de populations résidentes ou en voyage, ; d’autres sont mités ce qui correspondant à une occupation parsemée principalement par des maisons individuelles ; et enfin, les dernières sont interdites à toute occupation et sont donc protégées. Le territoire français est donc marqué par une multitude de littoraux très diversifiés et présentant plusieurs caractéristiques différents comme l’occupation des sols, les populations ou la protection des milieux... Quelques chiffres pour le littoral français : Frontières françaises : 10 795 km Terrestres : 4 082 km (37,8 %) Littorales : 6 713 km (62,2 %) Côtes Métropolitain

:

5 533 km

Côtes Atlantique Côtes Méditerranée Côtes Manche

: : :

2 960 km 1 703 km 870 km

Territoire urbanisé Territoire mité Territoire protégé

: : :

1 000 km (18,2 %) 2 000 km (36,3 %) 2 500 km (45,5 %)

1

MANCHE

2

OCÉAN ATL ANTIQUE

3

4

5

SÈTE

6

MER MÉDITERRANÉE

A JACCIO

cf. la page suivante pour les descriptions des littoraux

LES RISQUES D’ÉROSION Aujourd’hui, on reconnait que près de 20 % des côtes métropolitaines reculent sensiblement tous les ans à cause du phénomène de l’érosion. Il s’agit de l’arrachement des sédiments qui composent les côtes, qu’elles soient falaises, plages, marais ou autre..., par la mer et vers la mer. C’est un phénomène totalement naturel mais qui s’est grandement modifié ces dernières années suite aux nombreux aménagements des côtes, qui en viennent à le décupler ou à le réduire.

68

Territoire soumis à la submersion marine Population soumise à la submersion marine

> :

700 000 ha 1,5 millions d’habitants


1_ Falaises en péril : Étretat sur la Côte d’Albâtre La côte d’Albâtre est marquée par de grandes falaises de craie et de nombreuses stations balnéaires et thermales. Cette composition les rend particulièrement sensible à l’érosion étant donné que ces roches sont très friables. Les rares plages font l’objet d’un grand aménagements par la création de stations balnéaires qui à l’époque étaient très cotées mais qui aujourd’hui ont perdu de leur attrait. 2_ Falaises granitiques : Plougasnou en Bretagne Les falaises bretonnes et granitiques quant à elles sont largement moins affaiblis par l’érosion Les roches y sont naturellement très dures par leur composition. Les environs sont très peu occupés et peuplés par les hommes. Des petits villages surplombent l’océan et gèrent un ensemble de terres agricoles. Les côtes sont également parsemées par une multitude de petites plages. 3_ Risques naturels : Cap Ferret et Bassin d’Arcachon Le territoire aquitain est très touché par l’érosion à cause de la rencontre permanente avec l’océan dans l’interface particulière qu’est le milieu de la dune. Peu d’espaces sont urbanisés et sont largement protégés afin de préserver au maximum les écosystèmes qu’ils accueillent. Les villes se tournent ici plus du côté du bassin d’Arcachon qui assure une certaine protection aux populations installées-là. 4_ Villes nouvelles des années 1960 : Cap D’Agde Durant les années 1960, les sociétés rencontrent un nouvelle intérêt pour la mer et alors des villes sont créées dans un grand modernisme. De hauts immeubles en pyramide se tournent vers l’horizon et créent un tissu urbain particulier et géométrique. On note également une urbanisation et un développement des ports de plaisance. Les plages sont marquées par des digues qui viennent les protéger de l’érosion. 5_ Sururbanisation : Cannes sur la Côte d’Azur La côte d’Azur est grandement marquée par une grande urbanisation qui ronge l’ensemble du territoire. Ce dernier est entièrement aménagé et anthropisé, et cela à différentes échelles. Même certaines des plages sont artificielles. Ces territoires sont marqués par un grand attrait par nombres de populations et connaissent donc un grand déséquilibre entre les saisons froides et chaudes. 6_ Station balnéaire récente : Porto-Vecchio en Corse La Corse, dans un développement et un attrait récents au tourisme balnéaire, ponctue ses côtes par plusieurs villes qui essayent de répondre surtout à une population du voyage et de l’attraction. Les territoires sont alors grandement occupés par des maisons individuelles ou des ports de plaisance. Les plages tentent de préserver leur caractère naturel et préservé de leur beauté.

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TERRITOIRE 2 : LA VILLE DE SÈTE (CETTE) DESCRIPTION DE SÈTE

4

6

SÈTE MER MÉDITERRANÉE

A JACCIO

MONTPELLIER

SÈTE L ANGUEDOCROUSSILLON

Région

:

Département Préfecture

: :

Occitanie (anciennement Languedoc-Roussillon) Hérault Montpellier

Bien qu’elle se situe proche d’elles, Sète ne fait pas partie des villes nouvelles construites durant la mission Racine de 1963. Elle voit son origine dans la construction de son port à travers la volonté de trois hommes : Paul Riquet, Louis XIV et le Chevalier de Clerville. L’emplacement actuel de Sète correspondait alors à la construction du Canal du Midi, auquel il fallait trouver une fin dans la Méditerranée ; d’un port d’exportation et d’une rade pour les galères (permettant le mouillage de la flotte). 23 Juillet 1596 : premier projet de port sous la coupelle de Henri IV mais il n’aboutit pas. 29 Juillet 1666 : pose des premières pierres de la mole de 650m qui vient protéger le nouveau port et premières joutes pour la Saint-Louis. 25 Juillet 1710 : attaque des Anglais qui provoque une nouvelle fortification de la ville (cf le Plan de 1777, p14). 20 Janvier 1928 : abandon de l’écriture Cette pour celle de Sète. QUELQUES CHIFFRES SUR LE TOURISME Nombre d’habitants (à l’année, en 2011) Nombre de voyageurs estimé

:

43 408 habitants

:

7 000 habitants

Soit une augmentation de 16 % durant la belle saison Source : insee, Site de l’office de tourisme de Sète Étang de Thau

Quartier de la Pointe Courte

Théâtre de la mer

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Mer Méditerranée


Annexes

ZONING AUTOUR DE LA MER

MISE EN RÉSEAUX

ée an

r er

it éd

M

re siè oi ) aroc Cr er (M Tang

Plages : loisirs et contact direct Centre-ville : équipement et attractivité Port : loisir, commerce, transport et industrie Résidences : habitation la mer comme décor

Train : proximité, régional et national par Montpelier Aéroport : inexistant Bateau : proximité, régional, national et international Voiture : proximité, régional et national

Il faut ajouter les quartiers nord bien plus tournés vers l’étang Il faut ajouter la quinzaine de lignes de bus qui desservent et la pèche plus traditionnelle. l’ensemble de la ville et quelques villes alentours.

JOUTES SÈTOISES, FÊTE DE LA SAINT-LOUIS Les joutes, sur le Canal Royal, sont encore aujourd’hui très appréciées par les résidents et les touristes de passage dans la région. Elles s’accompagnent de grandes festivités comme un défilé en tenue et en musique traditionnelles suivis de plusieurs tournois durant tout l’été. Les combats sont bercés par l’acclamation de la foule et de la fanfare qui encouragent les combattants. La saison se termine autour du 25 Août avec le tournoi final de la Saint-Louis. QUARTIER DE LA POINTE COURTE Il s’agit d’un tout petit quartier d’allure traditionnelle à l’entrée du Canal Royal. Ce quartier agit comme le grau de Sète, comme un estuaire en langue occitane. Il avance sur l’étang de Thau à la manière d’une proue de bateau. Malgré les années, le quartier n’a pas changé depuis le début du siècle dernier et a ainsi préservé sa nature. Sur une trame régulière et orthonormée, les maisons basses s’alignent le long de l’étang où se rangent les bateaux de pêche, à l’abri d’une petite digue. Étroites, elles prolongent la pratique d’habiter à l’extérieur et s’accompagnent de cabanes et ponton, de bois et bricolées de manière précaire.

71


EXPÉRIMENTATION PAR LE VOYAGE : DU 25.06.2017 AU 27.06.2017

J’ai pu me rendre dans la ville de Sète à la fin du mois de Juin dernier, afin d’y passer deux nuits. Je suis partie dans l’otique de déambuler un maximum ce territoire de manière à pouvoir voir un maximum d’espaces différents. Sète est un territoire d’une très grande richesse, et seulement, dans sa fine épaisseur. Ainsi, elle répond tout à fait à son caractère littoral, qui se définie par l’étroite limite entre la terre et la mer. Arrivée, par le train, j’ai pu expérimenter une entrée dans la ville similaire à celle des visiteurs de la station balnéaires. De plus, je me suis laissée portée par la ville et la déambulation de la marche. A travers, ma promenade urbaine, j’ai pu pratiqué une partie de cette diversité. J’ai alors privilégié un logement dans le centre ville et surtout chez l’habitant, enfin, une location airbnb. J’ai ainsi pu rencontrer le propriétaire de l’appartement et discuter avec lui. Il a su me conseiller sur les choses qui font de Sète ce qu’elle est. Le premier soir, à peine arrivée, je suis partie découvrir le centre-ville pour me sustenter, j’ai eu la surprise de me retrouver au milieu d’une joute sètoise. Ce fut une expérience très agréable et surprenante. La ville était en liesse, supportant les jouteurs en lice. La présence forte du port et des bateaux dans la ville m’a profondément marqué aussi. Le second jour a été l’opportunité de parcourir un maximum de ce territoire varié. J’ai choisi de faire le tour du Mont Saint-Clair mais surtout de le gravir afin d’avoir un aperçue en surplomb de la mer mais aussi de la ville entière. Je suis redescendue côté nord de manière à pratiquer autant ce rapport à l’étang que celui à la mer. Par la suite, plus au sud, j’ai eu l’occasion d’arpenter le quartier plus touristique. Sous quelques gouttes de pluie mais en profitant toujours de la découverte. J’ai fini mon parcours par la promenade Maréchal Leclerc, nombreux promeneurs la pratiquait également, à pied, à vélo, à roller ou tout simplement en voiture. Le dernier jour m’a permis de prendre un bain de mer, et de visiter le Musée de la Mer et celui de Paul Valéry. Le Théâtre n’était malheureusement accessible que par l’extérieur à cause d’un concert. Finalement, j’ai entamé une démarche similaire à celle du voyageur, sans réel programme, me laissant porter par la marche, et ce, au début de la saison estivale, alors que les rues n’étaient pas encore complètement envahies par les touristes et sous des températures avoisinant les 20°C.

Vue du belvédère du domaine des Pierres Blanches, sur le Mont-Clair, source : site de l’office du tourisme de Sète

Jour 1

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Jour 2

Jour 3


Annexes

Nord

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1

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Annexes

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12

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16

75


TERRITOIRE 3 : LE GOLFE D’AJACCIO (AIACCIU) DESCRIPTIF D’AJACCIO Région Département Préfecture Nombre d’habitants (à l’année, en 2014)

4

6

SÈTE MER MÉDITERRANÉE

A JACCIO

: : : :

Corse Corse-du-Sud Ajaccio 68 587 habitants

Ajaccio prend son origine dans la nécessité d’une surveillance du Golfe des arrivées ennemies. Ce sont les génois qui initient ce mouvement avec la construction du château fort, transformé au XVIe siècle en citadelle militaire. Très touristique, la ville fait même concurrence aux stations balnéaires de la Côte d’Azur telle que Nice avec 1000 visiteurs en hiver, en 1900 ! et d’autant plus l’été. 1492 : fondation de la ville par les génois. 1801 : plan d’extension et d’embellissement demandé par Napoléon 1er avec la démolition des remparts et le tracé des eaux par les Ponts et Chaussés. 1830 : second plan d’extension par l’architecte Padovani, avec l’extension du Cours Grandval vers l’ouest jusqu’à la grotte Napoléon avec le quartier des Étrangers. 1855 : troisième plan d’extension par Jérôme Maglioli vers le nord avec entre autre la création de la gare.

A JACCIO CORSEDU-SUD

QUELQUES CHIFFRES SUR LE TOURISME Nombre d’habitants en Corse (à l’année, en 2016) Nombre d’habitants en Corse (le 10.08.2016)

:

330 354 habitants

:

413 000 habitants

Soit une augmentation de 25 % durant la belle saison Source : insee avec le Bilan annuel tourisme en Corse - 2016

Quartier des Étrangers Cimetière

Tour de la Parata

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Agglomération de Porticcio


ZONING AUTOUR DE LA MER

MISE EN RÉSEAUX

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Plages : loisirs et contact direct Centre-ville : équipement et coupure Port : loisir, commerce, transport et industrie Résidences : habitation la mer comme décor

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Train : proximité de l’île Aéroport : proximité de l’île, national et international Bateau : proximité de l’île, national et international Voiture : proximité de l’île

Précisons que la périphérie nord, accueille autant de résidence Il faut ajouter la quinzaine de lignes de bus qui desservent qu’une zone industrielle mais ne se tourne pas vers la mer. l’ensemble de la ville et quelques villes alentours.

QUARTIER DES ÉTRANGERS Considéré comme un grand lieu de villégiature aussi bien estival que hivernal, elle attire de nombreuses familles à caractère aisée et venant de l’étranger. Le quartier des Étrangers comme l’indique son nom, accueille les grandes maisons secondaires, de style colonial de ces familles venues de l’étranger. Miss Thomasina Campbell, une noble écossaise, vient notamment s’y installer et fait largement la propagande de la station hivernale à travers l’un de ses livres. Il accueille également le Grand Hôtel Continental et confirme la grande renommée de la ville à l’époque en tantquelieudevacances,etce,jusqu’àlaGrandeGuerre. CAS PARTICULIER DE PORTICCIO, COMMUNE DE GROSSETO-PRUGNA Parler d’Ajaccio, c’est également évoquer l’agglomération de Porticcio qui joue pleinement le rôle de station balnéaire dans le Golfe. On y retrouve la plupart des hôtels de luxe, campings et résidences secondaires de la microrégion. Tous et toutes cherchent à posséder une vue sur l’horizon, le Golfe et Ajaccio.

Nombre d’habitants (à l’année, en 2014) Nombre d’habitants (belle saison, estimation)

:

2 867 habitants

:

50 000 habitants

Soit une augmentation x15 durant la belle saison !

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EXPÉRIMENTATION PAR LE TOURISME : DU 01.08.2017 AU 03.08.2017

J’ai eu l’occasion de me rendre à Ajaccio en rentrant chez mes parents en Corse pour les vacances d’été. J’y ai passé deux nuits avec mon frère et ma cousine, n’étant pas seule, je n’ai pas pu déambuler comme je l’aurais voulu. J’ai donc pratiqué cette ville comme une véritable station balnéaire. Nous sommes donc arrivés, tous trois, en voiture depuis Bastia. En cherchant notre hôtel, nous nous sommes trompés de route et nous avons également découvert la mer en bordure de route, ainsi que l’aéroport. Nous avons alors pris possession de notre chambre dans un hôtel caché en bordure de ville, au milieu des pins. Nous avons eu la grande opportunité de profiter d’une villa, de sa piscine et de sa vue dans la commune voisine, qu’est Porticcio et qui recèle le plus de touristes. J’ai pu découvrir une vue sur l’ensemble du golfe, de nuit comme de jour. Le second jour, nous avons découvrir les terres plus profondes, nous permettant de surplomber le territoire ajaccien dans son ensemble. Enfin, le denier jour a été le plus complet. Nous avons entamé une découverte du centre-ville et de ses richesses culturelles : le musée Fesch et les différentes églises. Une fois la voiture garée près du port, nous parcouru la rue Fesch jusqu’à la place Dimant,, découvrant soudainement la mer au sortir de l’étroitesse des rues piétonnes. Elle s’est dévoilée à moi sous la chaleur écrasante de la place, pratiquement vide. La plage et le boulevard en contrebas étaient quant à eux bien plus fréquentés. Les gens étaient alors à la recherche de la moindre fraicheur, d’un contact direct à l’eau. Une bonne baignade pour se rafraîchir ! Nous sommes alors allés jusqu’à la citadelle espérant pouvoir y rentrer mais le lieu reste toujours un domaine militaire interdit au public. Finalement, nous avons terminé notre périple ajaccien en allant au bout du bout du golfe. Nous avons alors pu admirer la tour de la Parata et les Îles Sanguinaires au loin, ainsi qu’une nouvelle vue de loin de la ville et des bateaux de plaisance dans les criques. Un dernier plaisir nous attendait dans la brasseri eavant de repartir : une bonne glace sous cette chaleur. Au final, ma pratique d’Ajaccio a été plutôt de l’ordre de celle du touriste, établissant un programme, bénéficiant de la voiture et dormant à l’hôtel. Il fallait alors à l’essentiel, voir un maximum de choses. C’était en plein pic estival, entre le 15 Juillet et le 15 Août et sous la canicule.

Vue d’Ajaccio depuis l’espace par Thomas Pesquet, publiée le 13 Mars 2017

Jour 1

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Jour 2

Jour 3


Annexes

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Nord

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Annexes

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ARCHITECTURE 1 : LE THÉÂTRE DE LA MER (SÈTE) 1743-46 : construction du Fort Saint Pierre 1959-60 : réhabilitation en Théâtre de la Mer par Jean Deschamp (acteur), Lucien Berthier (architecte) et Claude Perset (scénographe)

E DE SETE

AINT- PIERRE dit

E DE LA MER EAN VILAR

TIC HISTORIQUE Juin 2011

L EUPALINOS nt DUFOIX et NRY Architectes

Cliché ville de Sète 1

Le fort s’installe en surplomb à l’extrême limite de la côte afin d’observer l’horizon et prévenir des attaques anglaises. Sa configuration de hexagone irrégulier et de sept plates-formes en forme d’amphithéâtre permet de favoriser le changement de programme, en passant du fort militaire au théâtre. En 1914, il est réquisitionné pour servir d’hôpital et accueillir les troupes venant d’Afrique. Il est alors cédé aux hospices de la ville et c’est encore l’hôpital qui en est aujourd’hui le propriétaire. L’ensemble des plateaux servent alors à créer la pente nécessaire aux gradins. Sa proximité et sa position de surplomb à la mer permet de créer un vrai fond de scène avec la mer comme décor. D’abord préconisé exclusivement pour le théâtre, le bâtiment est révélé par Claude François dans les années 1960. Plusieurs artistes prennent possession de la scène et de la vue jusqu’à chanter dos au public pour mieux profiter de cet autre spectacle. Les sètois prennent leur bateau et naviguent en contrebas du fort pour assister aux concerts depuis la mer. Capacité Surface

: :

1 486 places 2 250 m2

Plan et Coupe du Théâtre de la Mer 100 mètres

Sources : Rapports et document fournis aux élèves de quatrième année de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier en vue de propositions d’aménagement du Théâtre de la Mer.

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ARCHITECTURE 2 : LES TOURS GÉNOISES (CORSE) 67 tours génoises ponctuent encore le littoral corse. D’abord érigées sous la direction de la République de Gênes à partir de 1530 pour prévenir et contrer les tentatives de conquêtes à répétition, elles font aujourd’hui pleinement partie du patrimoine architectural et paysager de l’île. En 1730, elles sont près de 120 et sont assez nombreuses pour parcourir l’ensemble du pourtour de l’île afin de pouvoir transmettre des messages rapidement. En cas de danger, chaque tour peut faire sonner le columbu (combe marine) ou allumer un feu à son sommet et être vue de ces deux voisines. L’alerte est alors propagée de la même manière et les populations ont alors la possibilité de prendre familles, vivres et bêtes pour fuir à l’intérieur des terres. Pourtant très nombreuses, les tours répondent toutes à un modèle d’architecture de défense. Il s’agit d’une tour à plan, la plupart du temps circulaire pour éviter au mieux les tirs de canon, mais parfois carrée, d’une hauteur comprise entre 12 et 17 mètre et d’un diamètre de 8 à 10 mètres. Elles accueillent ainsi 2 à 6 hommes en permanence pour guetter l’horizon, ce sont les torregiani. Elles se déploient sur 4 niveaux afin de surplomber le territoire et se préserver des attaques. L’entrée se fait notamment par le premier étage auquel on accède par une échelle mobile. Exemple : Tour de Miomo (Cap-Corse), Atelier Roedder Casier

Répartition des tours autour de l’île

Elle comporte la guardiola (sentinelle) et permet la défense et la transmission de messages par la création d’un feu et de fumées. Sommet, la terrasse C’est d’ici que les torregiani (hommes de la garnison) guette par les fines meurtrières tous les dangers venus des mers. R+2, la salle de garde

Élévation Sud-Ouest

Il s’agit du seul espace de vie de la tour où les hommes se retrouvent et partager le lit et le couvert. L’entrée peut y être coupée par le retrait de l’échelle. R+1, l’entrée et la salle de repos

On y préserve les denrées alimentaires, l’eau potable ou le matériel militaire. RDC, la réserve

Coupe

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CHRONOLOGIE 1 : AMÉNAGEMENT DU LITTORAL

152

159

2

6 0

176

9

182

4

4

6

196

3

198

3

198

6

Littoraux artificiels

5

Création de la loi pour la protection et la mise en valeur du littoral

149

2

Fin de la Mission de Racine

Création du conser vatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres

197

Pour tous

Début de la mission pour l’aménagement touristique du Languedoc-Roussillon par Pierre Racine Création de la DATAR

Mise en place des premiers congés payés par le Front Populaire

193

Premier bain de mer à Dieppe (France) par la Duchesse Berry Lois Cornudet rendant les plans d’aménagement obligatoires pour les stations balnéaires

Age d’or curatif

192

Etablissement de bain à Brighton par le Docteur Russel

173

Littoral malsain

Création du port de Sète

Bouclage du premier tour du monde par l’équipage de Fernand de Magellan

Reconstruction d’Ajaccio par les génois

Publication du mémoire sur les bains de mera et qualités curatives par le Dr Maret

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CHRONOLOGIE 2 : TEXTES DE LOI AUTOUR DU LITTORAL 16 Septembre 1807 Loi, Article 35

«Tous les travaux de salubrité qui intéressent les villes et les communes seront ordonnés par le Gouvernement et les dépenses supportées par les communes intéressées.»1 Les propriétaires sont tenues d’entretenir leurs parcelles mais les travaux de grandes envergures et considérés comme d’intérêt public sont gérés par les institutions.

27 Juin et 1er Juillet 1846

«Eh bien, messieurs les pairs, cette frontière, elle existe, c’est le littoral, cet ennemi, il existe, c’est l’océan.»2 Discours de Victor Hugo à la Chambre des Pairs pour le vote d’une loi en faveur d’équipements de protection contre les assauts de la mer et des dégâts occasionnés contre le littoral, les populations riveraines, la navigation et la marine. Il y prône également une plus grande envergure à cette loi.

14 Mars 1919

Loi émise par le député Honoré Cornudet imposant sous 3 ans l’élaboration d’un plan d’aménagement et d’embellissement pour les villes de plus de 10 000 habitants ainsi que celles considérées comme pittoresques ou sinistrées (soit les villes du littoral).

1er Juillet 1924

Limitation des proliférations anarchiques de lotissements à la périphérie des villes. Certains terrains sont préservés pour accueillir des espaces verts ou des espaces publics.

10 Juillet 1975 Loi n°75-602

Création du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (celrl) sous la tutelle du Ministère de l’Écologie - Acquisition progressive des espaces du littoral pour leur conservation et restauration - 1/3 du littoral d’ici 2050

4 Août 1976 Instruction

Enjeux menés par le Premier Ministre : - Éviter l’urbanisation linéaire du bord de mer - Éloignement des constructions du rivage - Séparation des zones naturelles et des zones urbanisées Premières bases et dispositions mais pas de réels impacts et surtout pas d’opposition aux documents d’urbanisme et d’architecture

25 Août 1979 Décret 79-716 Code de l’urbanisme

Directive d’aménagement national « Ormano » : - Mise en place d’une bande de préservation d’une largeur de 100 mètres le long du rivage ou plus si la sensibilité des milieux ou l’érosion le justifient - Généralisation des principes d’assainissement Depuis 2004, cette bande de protection de 100 mètres est appliquée également aux rives des estuaires les plus importants soit la Loire, la Seine et la Gironde.

7 Janvier 1983 Loi 83-8

Mis en place de schémas directeurs urbains pour la mise en valeur de la mer, disponibles dans l’article L.111-1-1 du code de l’urbanisme - Zonage des espaces dédiés à l’univers portuaire, industriel, marin, de loisirs ou de protection

3 Janvier 1986 Loi n°86-2

Réforme du dispositif de protection et de mise en valeur du littoral - Protection des côtes d’une urbanisation mal maîtrisée

3 Janvier 1986

Loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral (Loi Littoral), Article L.146-1 à L.146-9 du Code de l’Urbanisme

1. Légifrance, le service public de la diffusion de droit, https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte. do?cidTexte=LEGITEXT000006074249&dateTexte=20081027 (consultation : 09/11/17) 2. Hugo, Victor, Chap. Consolidation et défense du littoral_27 Juin et 1er Juillet 1846, Ext. de Actes et paroles _ Avant l’exil, Ed. J. Hetzel & Cie, Paris, 1841-1848, 264 pages

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CHRONOLOGIE 3 : LOI LITTORAL DU 3 JANVIER 1986 APPLICATION, CHAMP D’ACTION ET OBJECTIF Contexte

- Prise de conscience de la valeur patrimoniale et économique du littoral, ainsi que des dégâts occasionnés par l’urbanisation des côtes Méditerranéennes autours des frontières espagnoles et italiennes. - Protection des côtes vis à vis du bétonnage massif. - Préservation de la diversité géographique, écologique, floristique ou faunistique mais également culturelle, artisanale, sociale… sans minimiser les apports économiques ou touristiques.

Objectifs

- Innovation : «la mise en œuvre d’un effort de recherche et d’innovation portant sur les particularités et les ressources du littoral» - Préservation de l’environnement : «la protection des équilibres biologiques et écologiques, la lutte contre l’érosion, la préservation des sites et paysages et du patrimoine» - Pérennité d’une économie aquatique : «la préservation et le développement des activités économiques liées à la proximité de l’eau, telles que la pêche, les cultures marines, les activités portuaires, la construction et la réparation navales et les transports maritimes» - Pérennité d’une économie non aquatique : «le maintien ou le développement, dans la zone littorale, des activités agricoles ou sylvicoles, de l’industrie, de l’artisanat et du tourisme»

Article L.321-1 Code de l’environnement

Champ d’action

« sont considérées comme communes littorales [...] les communes de métropole et des départements d’outre-mer riveraines des mers et océans, des étangs salés, des plans d’eau intérieurs d’une superficie supérieure à 1 000 hectares. » Action prolongée depuis 2004 : - aux voisines aux deltas et des estuaires - et à leurs voisines participant au maintien des équilibres écologiques et économiques littoraux.

Application

Décision d’aménagement de l’Etat et orientations d’aménagement locales pour : - documents d’urbanisme : opposable aux Directives Territoriales d’Aménagement (DTA) puis, aux Schéma de Cohérence Territoriale (scot) et enfin aux Plans Locaux d’Urbanisme (plu) - autorisations individuelles d’occupation des sols : opposabilité directe sauf en cas de contradiction à une directive territoriale d’aménagement. Pas d’imposition possible pour « les installations, constructions, aménagements de nouvelles routes et ouvrages nécessaires à la sécurité maritime et aérienne, à la défense nationale, à la sécurité civile et ceux nécessaires au fonctionnement des aérodromes et des services publics portuaires autres que les ports de plaisance, lorsque leur localisation répond à une nécessité technique impérative »

Urbanisation

On identifie 4 zones d’urbanisation avec leur développement propre : - les espaces déjà urbanisés : opérations de rénovation et de réhabilitation et l’amélioration, l’intention ou la reconstruction des constructions existantes - l’extension de l’urbanisation : en continuité des agglomérations ou villages et dans leur respect, des constructions liées aux activités agricoles ou forestières incompatibles avec la proximité de zones habitées ou des ouvrages de production d’énergie liés au vent - l’extension limitée de l’urbanisation proche du rivage : motivé par le PLU et des critères de configuration des lieux ou à l’accueil d’activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau. Le rivage, sa proximité, sa vue, sa distance par des espaces urbanisés ou l’urbanisation limitée sont des éléments importants - l’inconstructibilité dans la bande des 100 mètres : aucune construction possible sauf en cas de services publics et d’activités économiques obligeant la proximité directe à l’eau.

Article L.146-4 Code de l’urbanisme

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Annexes

Nouveaux réseaux routiers Rapport

Rapport Piquard de 1973 par la datar inspire l’implantation de nouveaux axes routiers suivant la fragilité et la rareté de l’espace littoral contigu qui nécessite une répartition par nature, du rivage vers l’intérieur des terres pour une meilleure mise en valeur de l’arrière-pays. Ces nouvelles routes sont autorisées sous l’accord de la Commission Départementale des Sites et en cas de : - contraintes liées à la configuration des lieux ou à l’insularité - « nécessité de service public ou d’activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau » Les nouvelles routes de transit doivent être à plus de 2 km du rivage et celles de desserte ne sont ni sur le rivage ni le longer.

RAPPORT ET REMISE EN QUESTION 10 Octobre 2007 Rapport

Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État à l’Écologie annonce qu’une attractivité résidentielle et économique et touristique toujours plus élevée avec une augmentation de 530 000 d’habitants entre 1986 et 2006. Loi très populaire, pour 94% des Français, mais pas tellement efficace, seuls 53% pensent que le littoral a améliorer sa condition en 20 ans. Le Conservatoire a pu acquérir 67 000 ha sur 102 000 à protéger.

29 Janvier 2014 Rapport

Jean Bizet et Odette Herviaux pour la Commission du développement durable, des infrastructures, des équipements et de l’aménagement du territoire, font un bilan de la loi littoral : - nécessaire à la gestion de la forte pression - problème de son application dû à son hétérogénéité, de l’incohérence des élus locaux, de l’abondance des contentieux, recours ou même constructions abusives - improvisations et interprétations trop nombreuses et possibles - non-respect par les collectivités territoriales - pas de confiance pour les élus locaux de la part de l’administration - interprétation laissé au jugement parfois au détriment de la volonté initiale du législateur Retour autours de 12 recommandations regroupées en 5 thèmes : - interprétation décentralisée aux élus locaux qui se doivent alors d’appliquer strictement les réglementations - ajustements de trois lois d’urbanisme - volet économique plus axé sur un « lissage » de la rente foncière, la solidarité financière et l’élargissement du champ d’action du Conservatoire - « Réaliser un travail prospectif pour intégrer les nouveaux défis » - Unifier la doctrine administrative et rendre les élus et agents public plus compétents à penser et agir

7 décembre 2015 Instruction

Sylvia Pinnel, ministre du logement, annonce que les outils de qualité se doivent désormais d’être capitalisés et qu’il faut favoriser l’échange entre les services dans une volonté de mutualisation des expériences, afin de « renforcer la sécurité juridique des documents d’urbanisme et celle des autorisations de construire ».

31 Janvier 2017 Révision de loi

Adoption d’une révision de la loi par l’Assemblé Nationale, sans aller jusqu’à la remise en cause par le Sénat. Nouvelle prise en compte du trait de côte (rivage) qui bouge et évolue chaque année, et surtout recule avec l’érosion. Elle prévoit notamment une indemnisation suite aux interdiction d’habitation et une certaine acceptation d’une plus grande urbanisation. L’assemblée a rendu possible l’implantation en discontinuité des agglomérations et des villages, des exploitations agricoles, forestières ou de culture marine. Elle cherche à régler le problème des espaces vides entre des constructions existantes où il est interdit de construire.

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POÉSIE 1 : LE CIMETIÈRE MARIN, PAUL VALÉRY, 1920 Ce toit tranquille, où marchent des colombes, Entre les pins palpite, entre les tombes ; Midi le juste y compose de feux La mer, la mer, toujours recommencée ! Ô récompense après une pensée Qu’un long regard sur le calme des dieux !

Ô pour moi seul, à moi seul, en moi-même, Auprès d’un cœur, aux sources du poème, Entre le vide et l’événement pur, J’attends l’écho de ma grandeur interne, Amère, sombre et sonore citerne, Sonnant dans l’âme un creux toujours futur !

Quel pur travail de fins éclairs consume Maint diamant d’imperceptible écume, Et quelle paix semble se concevoir ! Quand sur l’abîme un soleil se repose, Ouvrages purs d’une éternelle cause, Le Temps scintille et le Songe est savoir.

Sais-tu, fausse captive des feuillages, Golfe mangeur de ces maigres grillages, Sur mes yeux clos, secrets éblouissants, Quel corps me traîne à sa fin paresseuse, Quel front l’attire à cette terre osseuse ? Une étincelle y pense à mes absents.

Stable trésor, temple simple à Minerve, Masse de calme, et visible réserve, Eau sourcilleuse, Œil qui gardes en toi Tant de sommeil sous un voile de flamme, Ô mon silence !... Édifice dans l’âme, Mais comble d’or aux mille tuiles, Toit !

Fermé, sacré, plein d’un feu sans matière, Fragment terrestre offert à la lumière, Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux, Composé d’or, de pierre et d’arbres sombres, Où tant de marbre est tremblant sur tant d’ombres ; La mer fidèle y dort sur mes tombeaux !

Temple du Temps, qu’un seul soupir résume, À ce point pur je monte et m’accoutume, Tout entouré de mon regard marin ; Et comme aux dieux mon offrande suprême, La scintillation sereine sème Sur l’altitude un dédain souverain.

Chienne splendide, écarte l’idolâtre ! Quand solitaire au sourire de pâtre, Je pais longtemps, moutons mystérieux, Le blanc troupeau de mes tranquilles tombes, Éloignes-en les prudentes colombes, Les songes vains, les anges curieux !

Comme le fruit se fond en jouissance, Comme en délice il change son absence Dans une bouche où sa forme se meurt, Je hume ici ma future fumée, Et le ciel chante à l’âme consumée Le changement des rives en rumeur.

Ici venu, l’avenir est paresse. L’insecte net gratte la sécheresse ; Tout est brûlé, défait, reçu dans l’air À je ne sais quelle sévère essence... La vie est vaste, étant ivre d’absence, Et l’amertume est douce, et l’esprit clair.

Beau ciel, vrai ciel, regarde-moi qui change ! Après tant d’orgueil, après tant d’étrange Oisiveté, mais pleine de pouvoir, Je m’abandonne à ce brillant espace, Sur les maisons des morts mon ombre passe Qui m’apprivoise à son frêle mouvoir.

Les morts cachés sont bien dans cette terre Qui les réchauffe et sèche leur mystère. Midi là-haut, midi sans mouvement En soi se pense et convient à soi-même... Tête complète et parfait diadème, Je suis en toi le secret changement.

L’âme exposée aux torches du solstice, Je te soutiens, admirable justice De la lumière aux armes sans pitié ! Je te rends pure à ta place première : Regarde-toi !... Mais rendre la lumière Suppose d’ombre une morne moitié.

Tu n’as que moi pour contenir tes craintes ! Mes repentirs, mes doutes, mes contraintes Sont le défaut de ton grand diamant... Mais dans leur nuit toute lourde de marbres, Un peuple vague aux racines des arbres A pris déjà ton parti lentement.

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Annexes

Ils ont fondu dans une absence épaisse, L’argile rouge a bu la blanche espèce, Le don de vivre a passé dans les fleurs ! Où sont des morts les phrases familières, L’art personnel, les âmes singulières ? La larve file où se formaient des pleurs.

Non, Non !... Debout ! Dans l’ère successive ! Brisez, mon corps, cette forme pensive ! Buvez, mon sein, la naissance du vent ! Une fraîcheur, de la mer exhalée, Me rend mon âme... Ô puissance salée ! Courons à l’onde en rejaillir vivant !

Les cris aigus des filles chatouillées, Les yeux, les dents, les paupières mouillées, Le sein charmant qui joue avec le feu, Le sang qui brille aux lèvres qui se rendent, Les derniers dons, les doigts qui les défendent, Tout va sous terre et rentre dans le jeu !

Oui ! Grande mer de délires douée, Peau de panthère et chlamyde trouée De mille et mille idoles du soleil, Hydre absolue, ivre de ta chair bleue, Qui te remords l’étincelante queue Dans un tumulte au silence pareil,

Et vous, grande âme, espérez-vous un songe Qui n’aura plus ces couleurs de mensonge Qu’aux yeux de chair l’onde et l’or font ici ? Chanterez-vous quand serez vaporeuse ? Allez ! Tout fuit ! Ma présence est poreuse, La sainte impatience meurt aussi !

Le vent se lève !... Il faut tenter de vivre ! L’air immense ouvre et referme mon livre, La vague en poudre ose jaillir des rocs ! Envolez-vous, pages tout éblouies ! Rompez, vagues ! Rompez d’eaux réjouies Ce toit tranquille où picoraient des focs !

Maigre immortalité noire et dorée, Consolatrice affreusement laurée, Qui de la mort fais un sein maternel, Le beau mensonge et la pieuse ruse ! Qui ne connaît, et qui ne les refuse, Le crâne vide et ce rire éternel !

Valéry, Paul, 1920

Publié par Frères, Émile-Paul Recueilli dans Charmes, 1922

Pères profonds, têtes inhabitées, Qui sous le poids de tant de pelletées, Êtes la terre et confondez nos pas, Le vrai rongeur, le ver irréfutable N’est point pour vous qui dormez sous la table, Il vit de vie, il ne me quitte pas ! Amour, peut-être, ou de moi-même haine ? La dent secrète est de moi si prochaine Que tous les noms lui peuvent convenir ! Qu’importe ! Il voit, il veut, il sent, il touche ! Ma chair lui plaît et jusques sur ma couche, À ce vivant je vis d’appartenir ! Zénon ! Cruel Zénon ! Zénon d’Élée ! M’as-tu percé de cette flèche ailée Qui vibre, vole, et qui ne vole pas ! Le son m’enfante et la flèche me tue ! Ah ! le soleil... Quelle ombre de tortue Pour l’âme, Achille immobile à grands pas ! Portrait de Paul Valéry, ©Laure Albin-Guillot, 1935

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POÉSIE 2 : L’HOMME ET LA MER, CHARLES BAUDELAIRE, 1857 Homme libre, toujours tu chériras la mer ! La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme Dans le déroulement infini de sa lame, Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer. Tu te plais à plonger au sein de ton image ; Tu l’embrasses des yeux et des bras, et ton cœur Se distrait quelquefois de sa propre rumeur Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage. Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets : Homme, nul n’a sondé le fond de tes abîmes ; Ô mer, nul ne connaît tes richesses intimes, Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets ! Et cependant voilà des siècles innombrables Que vous vous combattez sans pitié ni remord, Tellement vous aimez le carnage et la mort, Ô lutteurs éternels, ô frères implacables ! Baudelaire, Charles, 1857

Extrait de Spleen, dans Les Fleurs du Mal, Édition Auguste Poulet-Malassis, Alençon, 25 juin 1857

Portrait de Charles Baudelaire, ©Félix Nadar, 1855

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POÉSIE 3 : LA MER, CHARLES TRENET, 1946 La mer La mer Qu’on voit danser le long des golfes clairs À des reflets d’argent La mer Des reflets changeants Sous la pluie La mer Au ciel d’été confond Ses blancs moutons Avec les anges si purs La mer bergère d’azur Infinie Voyez Près des étangs Ces grands roseaux mouillés Voyez

Ces oiseaux blancs Et ces maisons rouillées La mer Les a bercés Le long des golfes clairs Et d’une chanson d’amour La mer À bercé mon cœur pour la vie

Trenet, Charles, 1946

Musique, paroles et interprétation

Portrait de Charles Trenet, Montréal, Conrad Poirier, 1946

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La mer a toujours été une entité spectaculaire pour les hommes, et ce, depuis la nuit des temps. Elle fascine autant qu’elle terrifie. Le littoral est dans sa nature, la dernière limite, sinueuse et changeante, entre le domaine marin et le domaine terrestre. Ces deux entités exercent d’ailleurs, sur même territoire, leur propre autorité. Le littoral est sans cesse en proie à la conquête respective de ces deux phénomènes, entre érosion et éboulement. Cette limite est finalement caractérisée par une grande mouvance, une définition non pérenne et incertaine au fil du temps. Par tous ces caractères, le littoral français est extrêmement varié et fait écho à de nombreuses personnes. Beaucoup cherchent aujourd’hui à y accéder pour finalement aller prendre un bain de mer, alors qu’il n’y a pas si longtemps, ce territoire était tout simplement inaccessible, malsain et inhospitalier. Qu’elle que doit leur dimension, coléreuse ou sereine, la mer et le littoral offrent un immense spectacle. Désormais, le littoral est une terre d’accueil et de désir pour de nombreux voyageurs, touristes ou nouveaux résidents. Ce territoire est donc en proie à une multitudes d’enjeux socio-économiques, et est marqué par un fort déséquilibre saisonnier, une ségrégation intergénérationnelle et spatiale, tout en proposant une réelle économie basée sur la pratique du paysage et sur sa spectacularisation. Ce mémoire prend appui sur deux cas d’étude que sont Sète et Ajaccio. Il s’agit de deux villes du littoral méditerranéen que j’ai pu pratiquer durant mes voyages et qui surtout illustrent ces enjeux. Peu étudiées, elles sont toutes deux une expression des enjeux et politiques de spectacularisation du littoral. Faut-il aménager ? Protéger ? S’éloigner ? Se rapprocher ? ou même dépasser cette limite pour la rendre d’autant plus spectaculaire et favorable à sa contemplation ?

L i t to r a l Limite

Spectacularisation T e r r i t o i r e

M e r Lieu

A jaccio S è t e

The sea has always been a spectacular entity for the men and since the beginning of the time. She is fascinating as much as she is terrifying. Coast is natural to her but there is sinuous and changing limit between marine realm and ground realm. These two entities work on the same territory their own authority. The coast is always in prey to the respective conquest of these two phenomena, between erosion landslide. This limit is finally characterized by great everchanging, a long-lasting and uncertain definition over the years. By all his characteristics, French coast is extremely varied and echo to many people. Many of them today are looking to reach it to finally just take a sea bath, although not a long time ago, this territory was only unattainable, unhealthy and inhospitable. Whatever their dimension, angry or calm, sea and coast bring us a great show. From now on, coast is a land of welcome and desire for many travelers, tourists and new residents. This territory is in prey to many socio-economic issues and labeled by a strong seasonal unbalanced, an intergenerational and spatial segregation, and proposing at the same time a real economy based on the practice of the landscape and his spectacularization. This paper rises in support on two case studies that are Sètes and Ajaccio. They are two cities of Mediterranean coast that I had the opportunity to practice during my trips and whom especially illustrate these issues. Little-studied, they are both of them an expression of this issues and politics of spectacularization of the coast. Shall we fit it out? Protect it ? Stay away from it ? Get closer to it ? Or even exceed that limit to make it even more spectacular and favorable to his contemplation ?

Coastline L i m i t

Spectacularization T e r r i t o r y

S e a Locus

A jaccio S è t e


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