Perceptions photographiques

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PERCEPTIONS PHOTOGRAPHIQUES Camille GRISONI



PERCEPTIONS PHOTOGRAPHIQUES La photographie comme médium de perception de l’architecture : Démultiplication récente des images et diffusion à grande échelle

Camille GRISONI Sous la direction de Didier DALBERA S6_Année 2016_ENSAM


« Il existe un monde, certes infini mais bien réel, accessible, connaissable et maîtrisable par les moyens modernes, en premier lieu par la photographie », Danielle Benzonelli

Merci à Didier DALBERA pour m’avoir accompagnée à travers cet exercice de réflexion et de pensée sur l’architecture et la photographie.


SOMMAIRE PRÉAMBULE INTRODUCTION I. La photographie comme capture d’une vue 1. Prédominance du sens de la vue 2. La photographie-document : mémoire du passé 3. La photographie-document : partager avec les autres II. La photographie comme remplacement d’une visite 1. Multiplication des points de vue 2. Découvrir des références sans visiter 3. Architecture, un espace parcouru III. La photographie comme preuve de la réalité 1. Photographies d’amateurs : sans savoir-faire 2. Vers plus de réalisme 3. Architecture, un espace vécu CONCLUSION GLOSSAIRE BIBLIOGRAPHIE _ SOURCES

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PRÉAMBULE Aujourd’hui, nous sommes envahis par une multitude d’images par les réseaux numériques. Les informations deviennent accessibles à tous et dans une qualité toujours plus grande. C’est grâce à la dernière révolution de l’information et de l’ère numérique, que les connaissances nous parviennent de manière automatique, presque brutale, en particuliers si elles sont propagées par les images et la photographie. À notre époque, le monde et surtout l’architecture est gouvernée par la prédominance d’un seul des cinq sens, celui de la vue. Les architectures iconiques, conçues en dehors de leur contexte se démultiplient à travers le monde. Comment appréhender l’architecture sous cette avalanche de photographies ? Et que devient sa place dans le monde aujourd’hui ? Est-elle imaginaire ou réaliste ? La photographie est un moyen de capturer l’image de notre vue à un moment donné pour le faire partager ou le garder en mémoire. On donne une notion de pérennité et de collectif à quelque chose d’éphémère et de personnel. Rappelons-nous que nous percevons le monde qui nous entoure par nos sens et notre corps. Il est le véhicule de nos sensations et perceptions du milieu dans lequel nous évoluons. C’est ainsi que nous pouvons le comprendre pleinement, en usant de tout ce qui est à notre disposition. La photographie ne fait appel qu’à notre vue, un seul de nos cinq sens. Cependant, elle fait appel à notre mémoire et nos émotions pour ravivez l’ensemble des sensations que nous avons pu avoir ce jour-là. Les données visuelles apportées par la photographie sont complétées par cet ensemble de connexion. La profusion des images photographiques permet de multiplier les points de vue d’un même objet architectural. Elle permet de reproduire la promenade architecturale que l’on a pu visiter ou même vivre l’architecture uniquement par le point de vue des autres. L’architecture est un art vécu par les habitudes mais surtout par le mouvement. L’architecture 4


est avant tout une affaire de sens et de perception propre à chacun. L’acte d’habiter n’est-il pas un sentiment individuel ? La perception de l’architecture par la photographie est-elle suffisante pour prendre pleinement conscience de sa complexité et son entièreté ? Les photographies professionnelles mettent peut-être en valeur l’objet architectural et dans une grande qualité de rendu, mais elles manquent souvent de vie et reposent souvent sur des prises de vue illusoires. L’architecture n’est plus alors perçue comme un espace vécu. Cependant, elle est le vecteur des publications et de la propagation des architectures et de leurs architectes, afin d’être connus par tous. C’est la photographie d’amateurs qui permet de redonner sa valeur d’espace parcouru et vécu à l’objet architectural. Elle est moins recherchée et en soi plus réaliste sur la perception de l’espace. Le photographe amateur se contente souvent de prendre ce qu’il voit à hauteur des yeux. De plus, il ne peut empêcher les autres visiteurs de déambuler à ses côtés et sont forcément présents sur les photographies. L’espace est capturé dans son entièreté d’espace vécu. Aujourd’hui, même les photographies d’amateurs sont de très bonne qualité, d’un point de vue technique. Les nouvelles technologies permettent une plus grande facilité de produire des images.

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INTRODUCTION Au cours de l’histoire, les moyens de représentation de l’architecture et du monde ont bien évolué et se sont diversifiés. Du croquis, au dessin technique en passant par la peinture ou la photographie, les médiums ont chacun leur rôle et leurs caractéristiques. Les représentations techniques telles que le géométral, illustrent le projet dans sa phase de conception. Elles sont réservées aux initiés dans la lecture de plans alors que les photographies ou peintures que l’on ne peut réaliser qu’après la construction, sont de nature plus populaires. Ces deux représentions de l’objet terminé ne font pas appel à l’imagination du spectateur mais seulement à ses sens. Il en vient à percevoir l’architecture. LA PHOTOGRAPHIE EST-ELLE SUFFISANTE POUR PERCEVOIR L’ARCHITECTURE DANS SA TOTALITÉ ÉTANT DONNÉ SA GRANDE PROFUSION AUJOURD’HUI ? Depuis l’ère industrielle, la photographie a pris le pas sur les autres médiums de représentation de l’objet architectural construit. Ce phénomène connaît une nouvelle dimension avec le grand développement des techniques de diffusions et de capture du réel. Les appareils deviennent de plus en plus performants et démocratisés ; de plus, internet et les revues spécialisées diffusent d’autant plus vite les architectures à travers le monde entier. C’est l’ère de l’information et de la mondialisation, mais aussi l’ère de la vue et de l’apparence. Tout est donné à voir. C’est dans cet univers visuel qu’évolue la photographie d’architecture. Elle reste donc LE moyen le plus utilisé pour représenter et percevoir l’architecture édifiée. Par sa dimension humaine et d’usage, cette dernière renvoie pleinement au corps et aux sens. Pour l’appréhender totalement, il faut la parcourir et la vivre. Le monde est vaste, voire infini. Pour le comprendre, les hommes ne peuvent le voir qu’à travers une vue réduite. L’homme, par nature, pose des limites ; la photographie 6


est un moyen de capturer une vue, ce qui va lui permettre d’appréhender un petit bout du réel. De nos jours, la vue est le sens prédominant dans nos sociétés. Nous cherchons à sauvegarder ce que nous avons vu pour enfin le partager avec les autres. Nous voulons nous faire bien voir. Les images diffusées sont ainsi le moyen de voir le monde à travers le regard des autres. Celles-ci se répandent en grande quantité et à grande vitesse. Les points de vue sont nombreux et remplacent peu à peu les voyages. Les sociétés modernes recherchent la simplicité et la rapidité, l’instantanéité. Pourtant, l’architecture se veut d’être parcourue par les hommes, dans quelle mesure le font-ils donc aujourd’hui ? Représenter, c’est exprimer le réel, même en partie. C’est par la connaissance de la réalité que nous pouvons comprendre et appréhender l’architecture et le monde. Il faut chercher à l’exprimer de la meilleure des façons. Amateurs et professionnels se sont donnés à ce difficile exercice. Le manque de savoir-faire permet une pleine objectivité dans la représentation du réel. Nous quittons donc lentement le monde de l’imaginaire pour une représentation la plus réaliste possible, la plus vraie. Nous remettons en cause la nonprésence des hommes sur les photographies d’architecture puisque cette dernière est conçue pour une dimension humaine.

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La photographie comme capture d’une vue

Fig. 3


Fig. 4 10

Le Heydar Aliyev Center par Zaha Hadid


Prédominance du sens de la vue À travers les siècles, le sens de la vue, l’apparence ou le visuel, ont pris une ampleur dans les sociétés. On note une surproduction des images et même un traitement des images avancé pour qu’elles correspondent d’autant plus à ce que nous recherchons. Les hommes en viennent parfois à refaçonner le monde à leur manière pour qu’il réponde ainsi à leurs besoins et leurs envies. Leur perception de ce qui les entoure est ainsi définie par leur culture et leurs attentes. Juhanni Pallasmaa, dans Le regard des sens1, parle alors pour les sociétés occidentales de centrisme oculaire* ou comment les hommes réduisent leur propre champ de vision, en se focalisant sur des choses bien précises, ou en faussent même quelques fois le contexte périphérique pour qu’il colle parfaitement à nos intentions. L’évolution des technologies suit le même chemin à travers le développement en premier lieu de la capture de la lumière et donc d’images statiques avec la photographie puis mouvantes avec le cinéma. N’oublions pas que le cinéma était au départ muet. C’est le mouvement qui prime alors sur le son. Il en a été de même durant la Renaissance avec l’apparition de la perspective. Cette dernière est venue redéfinir les dessins d’architecture et de perception du monde. La photographie, par son mécanisme même, pose un cadre et restreint le champ visuel. L’appareil vient saisir la lumière qu’il reçoit et cette dernière est renvoyée par l’objet. La zone de perception est ainsi restreinte par l’objectif et l’œil vient se concentrer sur un sujet en particulier, occultant tout le reste. La vision périphérique est oubliée, ou plutôt mise volontairement de côté. Quand on regarde dans le viseur et qu’on fait la mise au point, l’image capturée nous apparaît tout de suite et seul compte le résultat visé, voulu. Le photographe prend une partie du réel qu’il a sous les yeux, la fige et la dévoile aux autres. La photographie n’est en soi que le résultat d’une découpe d’un tout.

1_Juhanni PALLASMAA, Le regard des sens, Ed. du Linteau, 2010

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Fig. 5 12

La Fondation Louis Vuitton par Frank O. Gehry


Cette prédominance de la vue se manifeste d’autant plus durant le XXe siècle avec le développement de l’architecture moderne. Les architectes pensent alors à la table rase et que les avancées technologiques sont la réponse aux problèmes de l’habitat. En 1929, l’architecture moderne et d’avant-garde est en plein essor. Les architectes pensent alors de plus en plus à créer des objets dans la ville nouvelle qu’ils désirent bâtir. L’architecture ne devient plus seulement la pensée de dispositifs spatiaux intérieurs mais bien le résultat d’une vue extérieure. Les bâtiments possèdent dorénavant une forme forte, une enveloppe qui fait phare dans la ville. L’ornementation de l’architecture devient sa forme elle-même, dans sa plus grande pureté. « L’architecture extérieure semble avoir intéressé les architectes d’avant-garde aux dépends l’architecture intérieure. Comme si une maison devait être conçue pour le plaisir des yeux plus que pour le bien-être de ses habitants ! », Eileen Gray2 Ainsi, cette idée d’aspect visuel puissant se développe impactant la ville et surtout occultant son contexte. On voit donc naître à partir des années 1970, des architectures dites iconiques3 qui ont pour rôle d’apparaître à tous, par leur forme peu classique, constituée de courbes et d’angles non-orthonormés. Elles agissent comme des logos, reconnaissables du premier regard. Un seul coup d’œil suffit à les saisir dans leur aspect formel et urbain. Nous ne ressentons pas la nécessité de pousser le regard pour les appréhender ou les comprendre. Ainsi, ces architectures jouent parfaitement leur rôle de logo ou de repère dans leur contexte. On retrouve Zaha Hadid ou Frank O. Gehry dans les architectes qui se spécialisent dans ce genre d’architectures extérieures. Ici, respectivement, le Heydar Aliyev Center et la Fondation Louis Vuitton sont des architectures complexes dans leur forme non régulières voire courbes. Le premier bâtiment est le résultat de gestes que l’on viendrait effectuer sur une seule et même matière, que l’on vient ici plier ou courber de manière à lui donner une grande fluidité. Le second bâtiment est quant à lui composé d’un assemblage de volumes de béton et d’une enveloppe décomposée en verre. L’objet architectural aux 2_Eileen GRAY, Description de E1027 à Roquebrune Cap Martin, revue L’architecture vivante, automne 1929 3_Jacques LUCAN, Conférence à l’ENSAM, Précisions sur un état présent de l’architecture : sortir de l’iconisme, 21 Mars 2016

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Fig. 6 14

Circulation intérieures par Zaha Hadid Fig. 7

Circulations intérieures par Frank O. Gehry


allures d’objet design vient ponctuer le contexte urbain tel un repère que l’on verrait de loin. Ces bâtiments peuvent être totalement décontextualisés et s’adapter ainsi à tout site. C’est le visuel, le profilé, le design, en lui-même qui devient architecture. Comme nous pouvons le voir sur les photographies de ces deux bâtiments, les architectures semblent sortir à même du sol et dans un contexte proche, vidé de toute autre construction ou de contexte majeur. L’objet est alors mis en scène sur un piédestal, un socle à la manière des sculptures dans les musées. L’architecture apparaît réellement comme un objet conçu et pensé pour apparaître. Elle est mise en valeur par un vide dominant autour d’elle, profitant d’un vaste espace public pouvant accueillir un large public. Les architectures ainsi pensées et construites font naître des espaces intérieurs particuliers, souvent déstabilisant pour le confort de l’homme. Elles se positionnent dans une volonté de performance. Elles répondent très souvent à des programmes de grandes envergures et à destination publique. C’est la pensée architecturale première du projet qui est déterminée par cette forme particulière, souvent donnée par le programme et rendue possible en autre par l’utilisation de l’ordinateur et ses outils de conception. « Le processus fondamental des temps modernes, c’est la conquête du monde en tant qu’image. », Martin Heidegger4 Même à son époque, Heidegger présentait le développement du statut de l’image dans les sociétés comme une suprématie sur les autres sens. Il précise que cette prédominance de la vue est différente de celle des temps précédents puisqu’elle est accompagnée d’un grand développement des techniques qui permettent la production et la diffusion des images. L’homme des temps modernes va partir en quête de la saisie du monde dans son entièreté par la photographie. En plein essor, cette dernière va jouer un rôle de capture de la vision. Elle va permettre par sa profusion, cette dominance très marquée de la vue sur les autres sens. L’homme vient à la rencontre des objets qu’il crée et non l’inverse. Il porte son regard et son attention, se concentrant, se focalisant, cadrant sa vue avant de la saisir grâce à la photographie pour la garder pour soi et dans le temps ou la partager avec les autres. 4_Martin HEIDEGGER, La question de la technique, Essais et conférences, Ed. Tel Gallimard, 2008, écrit en 1938

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Fig. 8 16

Une promenade urbaine Ă la Rue de la Seine


La photographie-document : mémoire du passé « La photographie-document, une image parfaitement analogique, totalement fiable, absolument infalsifiable, parce que automatique, sans homme, sans forme, sans qualité. », André Rouillé5 La photographie tient d’abord un rôle de photographie-document*. Elle a ainsi pour but de faire office de preuve du réel. La lumière captée par l’appareil ne ment pas sur les objets devant lui, ni sur leur forme et ni sur leurs détails. Tout est représenté sur la photographie ainsi obtenue. Dans son aspect mécanique, elle supprime toute erreur de l’homme et de son manque parfois de savoir-faire. L’appareil capte et enregistre tout ce qu’il voit dans son viseur, sans mentir, ni rien omettre. L’appareil photographique est alors considéré comme une machine à vision, il ne favorise pas l’interprétation mais seulement la capture et la sauvegarde du moment, de l’instant, de l’événement souhaité. Nous allons alors pouvoir revenir sur des moments qui ne sont plus qu’un souvenir ou un témoignage dans notre mémoire. Cette dernière va prendre une vraie valeur matérielle à travers le tirage papier. « Tout bâtiment est destiné, à plus ou moins long terme, à être démoli. », Gilles Aymard6 En effet, comme le rappelle le photographe d’architecture, Gilles Aymard, même si elle se veut la plus pérenne possible, l’architecture est affectée par le temps et finit tôt ou tard par être détériorée voire détruite par la nature ou les hommes. Le XXe siècle notamment est marqué par une destruction incessante du patrimoine architectural ; le travail du reportage photographique va ainsi permettre la sauvegarde de la mémoire historique pour parfois reconstruire à l’identique. Ainsi, Eugène Atget se lance, au début du siècle dernier, dans une longue déambulation à travers Paris dans le but de sauvegarder par l’image tout ce qui va 5_André ROUILLE, La photographie, entre document et art contemporain, Ed. Folio Essai, 2012 6_Gilles AYMARD, Photos d’architecture, Ed. Eyrolles, 2010

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Fig. 9 18

Le chantier de l’Unité d’Habitation par Le Corbusier


disparaître. Il ne s’attarde pas uniquement aux monuments remarquables mais s’attarde sur toute architecture parisienne, car tout élément a son importance pour le patrimoine. De son travail long et fastidieux, il en tire une nouvelle vision de la ville. Il s’arrête régulièrement exécutant une longue promenade urbaine et regarde la ville avec attention, captant sa totalité, du plus grand boulevard à la plus petite rue. Le XXe siècle est aussi le moment d’apporter un nouvel intérêt aux différentes phases du projet, telles que la conception ou le chantier. Nous venons y trouver un caractère esthétique et humain dans la construction des objets architecturaux, qui sont alors aperçus et compris dans leur entièreté. Jusqu’alors l’architecture n’apparaissait que comme un objet fini. Elle exprime alors toute sa valeur d’objet construit par les hommes dans le chaos qu’est la nature, en plus de sa valeur d’objet vécu et habité. Le bâtiment développe ainsi plusieurs intérêts en fonction de ses phases de conception et de réalisation, ou en fonction du temps qui passe. Il redevient pleinement un objet d’abord pensé puis édifié, habité et enfin détruit. L’architecture est par nature éphémère et temporaire même si elle cherche à se préserver du temps qui passe. La photographie permet également de conserver plus facilement les étapes et les techniques de construction mais surtout de la pensée, en capturant par l’image, les maquettes, souvent volumineuses. Aujourd’hui d’autant plus, la photographie est vraiment un moyen de conserver la mémoire, de manière économique, stratégique et peu encombrante, de l’ensemble du travail de conception, de réalisation et d’habitat, d’appropriation de l’objet architectural. Lucien Hervé devient le pionnier de cette volonté de capturer l’évolution de la réalisation de l’architecture, lorsqu’il photographie les chantiers des travaux de Le Corbusier. Ensemble, ils sont à la recherche de la capture et de la mise en valeur du caractère humain et rigoureux de la construction architecturale. Lors du chantier de l’Unité d’Habitation de Marseille, Lucien Hervé met en scène dans ses photographies les ouvriers, travaillant sur le chantier, avec leurs outils. On donne alors une nouvelle dimension et une nouvelle importance à ces phases de projet qui n’existent que pour un temps. La photographie fait alors office de mémoire et de partage collectif des valeurs et du savoir-faire des ouvriers. Le 19


Fig. 10 20

La Galerie des Machines

Fig. 11

La destruction au Gand Littoral


photographe met en évidence et compose la main d’œuvre et son travail sur la matière. Le matériau demeure et le penseur révèle. Certaines architectures sont même conçues à la base du projet pour être éphémères, dans le cadre par exemple d’une exposition universelle, de la Serpentine Gallery ou d’une biennale. La photographie permet alors de capturer, une partie de la courte vie du bâtiment, quelques fois démontable et pouvant être déplacé dans un nouveau lieu. Nous venons saisir la place qu’il prend dans un site avant qu’il ne vienne s’approprier un nouvel espace ou disparaître. Dans le cas des expositions universelles, le bâtiment construit est pensé comme temporaire dans une démonstration des savoir-faire de l’époque. C’est ainsi que l’un des seuls témoignages que l’on possède de la Galerie des Machines de l’exposition de Paris en 1889 est composé d’une série de photographies de l’édifice de l’intérieur et de l’extérieur. Ce bâtiment a été détruit en 1909 pour, entre autre, libérer la perspective sur le champ de Mars. Les photographies en noir et blanc révèlent les impressionnantes structures de métal et les grandes portées. C’est la démonstration pure de l’ère industrielle, de la machine et du métal, dont l’utilisation est tout juste assimilée par les ingénieurs et architectes. On connaît également un nouvel engouement pour la destruction en elle-même des bâtiments, lié au temps dans des lieux abandonnés ou aux hommes vers une nouvelle appropriation de l’espace libéré. C’est dans cette optique que le photographe André Mérian qui parcourt les espaces périurbains capture le réaménagement du paysage du Centre Commercial du Grand Littoral à Marseille. Il fixe ainsi l’acte de démolition sur sa photographie. C’est un arrêt sur image de l’action en elle-même, au milieu de son processus, comme la transition entre un bâtiment habité, abandonné, et un espace totalement libre d’accueillir une nouvelle architecture.

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Fig. 12 22

InterprĂŠtation de la Tour de Pise


La photographie-document : partager avec les autres « Au début, et pour les décennies suivantes, la photographie ne représentait pour l’architecture rien de plus qu’un transfert des travaux réalisés dans un langage adapté à la diffusion à travers les publications de presse. », Pierluigi Nicolin7 La photographie est également le moyen de capturer la vision personnelle d’un individu, dans toute son entièreté, de manière physique. On vient matérialiser quelque chose d’éphémère et surtout de conceptuel. La pensée devient forme et elle peut ainsi être partagée. On fait de quelque chose de très personnel, un objet collectif que nous sommes fiers de partager avec les autres. C’est dans cette optique-là que l’album photographique prend de la valeur dans les foyers modernes. Il est la preuve et le résultat d’un voyage effectué. Il est l’inventaire de sa propre vie, de son propre parcours et surtout des actes que nous avons accomplis. Nous possédons tous les mêmes photographies des monuments visités les plus connus. Mais cette photographie, c’est nous qui l’avons faite ! … ce n’est pas quelqu’un d’autre. On s’approprie alors un espace, un bâtiment, on l’habite. La photographie prend donc de l’ampleur dans les foyers et se démocratise avec les avancées techniques. Quand elle est partagée avec les autres, la photographie prend une certaine valeur subjective, plus ou moins importante, une démonstration d’une pensée, d’une impression. Elle devient un jeu que tout le monde peut essayer de mettre en forme sans trop de difficultés. Dans cette optique, on peut retrouver des détournements de bâtiments connus tel que la tour de Pise que tout le monde a vue ou rêvé de voir dans sa vie. Les photographes amateurs essayent d’aller vers l’originalité. Ils prennent pour cela, conscience du bâtiment et de ses particularités Des poses particulières et drôles leur apparaissent alors. La photographie est donc bien moyen d’appropriation de l’architecture. 7_Pierluigi NICOLIN, Architettura e fotografia : tre storie, l’influenza della fotografia sull’architettura, revue Lotus International, n°129, 2009

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Fig. 13 24

La Maison Miller par Richard NEUTRA


Durant le XXe siècle et encore plus aujourd’hui, la photographie est l’outil premier pour diffuser le travail des architectes à travers le monde. En plus d’avoir fait ladite photographie du monument, il nous était déjà familier. Nous l’avions tous déjà au moins une fois vu en photographie ou à la télévision. L’architecture moderne profite des moyens techniques modernes pour se diffuser à travers le monde. C’est là qu’interviennent les différentes revues spécialisées en architecture. En grand développement au début du siècle dernier, elles étaient alors le seul moyen, outre le voyage, de parfaire sa propre culture architecturale. Les objets architecturaux sont alors présentés dans les revues grâce à un unique cliché, une parfaite représentation du concept et de l’objet architectural, conçue et produite dans les meilleures conditions pour exprimer le bâtiment sous son meilleur jour. En plus de la maquette, les photographies sont également un moyen de présenter les projets d’un architecte à ses clients potentiels. Elles sont un moyen clair et précis d’exprimer les projets construits à des non-connaisseurs en matière de lecture de plans. Elles sont visibles et compris par tous quelles que soient les origines, les ressources, l’éducation… C’est ainsi que Julius Schulman raconte qu’une seule de ses photographies a pu convaincre un couple de s’engager envers Richard Neutra pour construire sa propre maison. Cependant, une fois la villa construite et habitée par le couple pendant un temps, il est revenu vers le photographe l’accusant de vendre, à travers ses travaux, une architecture parfaite alors que tel n’était pas le cas. Le photographe professionnel dévoile alors son âme d’artiste et sa subjectivité dans la représentation idéale de l’architecture. « J’ai constaté que le témoignage d’une seule photographie peut entraîner l’adhésion immédiate parce qu’elle satisfait des exigences graphiques élémentaires. », Julius Schulman8 Grâce aux avancées techniques, les nouveaux modes de tirages et de production de photographies accentuent ce phénomène. C’est ainsi que les photographes longtemps habitués à la chambre photographique*, qui permet de réduire les effets de perspective en décentrant l’objectif, se tournent peu à peu vers des appareils de type reflex, qui donnent la 8_Julius SCHULMAN, Julius Schulman et sa photographie, Ed. Taschen

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Fig. 14 26

Planche pour l’Unité d’Habitation de Marseille


possibilité de réaliser un plus grand nombre de négatifs pour un même temps. Lucien Hervé est l’un des premiers à faire ce choix, cassant les codes de la représentation de l’architecture et de la photographie unique. Il réalise près de 650 clichés de l’Unité d’Habitation en une journée et les envoie toutes à l’architecte. Cet exploit est rendu possible par l’utilisation d’un Rolleiflex*, un appareil photographique reflex bi-objectif. Ensemble, ils réalisent des planches de composition des clichés réalisés. L’architecture se lit désormais à travers une multitude de photographies. À la différence des planches-contact* traditionnelles, celles que réalisent l’architecte et le photographe organisent et composent les clichés sur des feuilles cartonnées et colorées. Aujourd’hui, toutes ces planches réalisées par les deux hommes permettent d’inventorier et de révéler le travail de Le Corbusier, mais également celui de Lucien Hervé. Cependant à l’époque, les revues rejettent le photographe et ses travaux étant donné qu’ils ne répondent pas aux codes de la représentation de l’architecture par LA photographie. Son travail va prendre de la valeur pour les autres professionnels dans le second temps de sa vie.

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La photographie comme remplacement d’une visite

Fig. 15


Fig. 16 30

La Chapelle Saint Benedikt par Peter ZUMTHOR


Multiplication des points de vue « Triomphe de l’esprit objectif sur l’esprit subjectif, de la quantité sur la qualité. », Georg Simmel9 Au fil des années, l’architecture est représentée dans les revues, de plus en plus, par une multitude de clichés et non plus par une unique photographie, la plus forte possible dans son expression du projet. Ce sont les avancées techniques et matérielles qui permettent aux photographes de produire des images de plus grande qualité et avec une production d’autant plus importante. Avec l’apparition, d’abord des appareils de type réflex, puis des appareils numériques*, le tirage des photographies devient moins coûteux et surtout plus rapide. Ce n’est plus la performance d’une unique photographie qui compte mais un grand nombre d’images et de points de vue de cette architecture. Ainsi, la quantité surpasse la qualité, même si les clichés produits et distribués restent composés et réfléchis. La grande quantité des documents permet entre autre de divulguer un ensemble de données très rationnelles au lieu de laisser libre court à l’expression de sentiments que nous pouvons mettre dans une seule photographie. Pour qu’elle ait un très fort impact, il arrive au photographe d’y introduire sa pensée. La photographie devient alors subjective et ne joue plus totalement son rôle de photographie-document. À l’inverse, le tirage devient plus automatique, tel un réflexe inconscient, même si le photographe définit le cadrage et le point de vue de manière réfléchie. Par exemple, l’agence Courtesy of Felipe Camus réalise un ensemble de 24 photographies pour diffuser le travail de Peter Zumthor sur la toile via le site Archdaily. Le photographe produit deux photographies à partir du même cadrage et du même point de vue. La première est donnée en noir et blanc exprimant l’ensemble du projet vu de l’extérieur et donne une impression de pérennité, d’un seul unique ensemble avec le reste du site. La seconde, exactement la même mais en couleur, ne procure en aucun cas le même 9_Georg SIMMEL, Philosophie de la modernité, Ed. Payot & Rivages, 1989

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Fig. 17 32

8 photographies de la Chapelle Saint Benedikt par Peter ZUMTHOR


effet ; on remarque alors les différences de couleurs entre les verts des arbres alentours, le bleu du ciel et les bruns du bâtiment proposé par l’architecte. Ainsi, le projet se détache du site et répond à ce dernier par une différence de couleurs complémentaires, on distingue alors clairement la limite entre nature et architecture. De plus, les autres photographies proposées diversifient les échelles définissant le projet ; du grand paysage à celle de la technique ou celle de la matière. On découvre le bâtiment par son extérieur mais aussi par ses espaces intérieurs. L’intérêt des photographes et des architectes pour la réalité constructive et l’illustration du caractère esthétique de la structure est récent. Les nouvelles performances des zooms des appareils photographiques permettent d’avoir un maximum de détails mis en évidence. Le numérique change le rapport qui existe entre le photographe et ses productions et en particulier avec l’édition de l’image après coup. Les outils informatiques permettent aujourd’hui de revenir sur l’image produite et de la transformer pour qu’elle réponde aux besoins. En parallèle, on retrouve également l’impact de l’ère de l’information et par extension de l’informatique. On peut décrire internet comme un réseau qui s’étend sur un seul plan mais aussi dans toutes les directions. Il envahit notre monde et permet de communiquer avec l’ensemble de celui-ci en un instant. C’est ainsi, que naissent les réseaux sociaux avec Facebook en 2004. À partir de 2010, certains réseaux sociaux se spécialisent dans la communication et le partage de photographies et d’images comme Pinterest ou Instagram. L’internaute est depuis lors bombardé d’une multitude d’images sur le net. Même les revues se numérisent et partagent en grande partie leurs articles et leurs bibliothèques d’images à travers les réseaux sociaux ou la toile. Ces deux dernières communautés proposent de s’abonner à des utilisateurs ou à des thèmes, l’ordinateur effectue une sélection d’images susceptibles de nous plaire. Le tri est affiné à chaque nouvel enregistrement d’image. Elle peut venir de la toile ou de notre propre bibliothèque. Le but est de partager entre internautes du monde entier des hobbies ou des passions à travers des albums photographiques, ou bien de sauvegarder dans un coin toutes références ou articles qui nous auraient plu. L’utilisateur peut alors suivre 33


Fig. 18 34

Aperçu de ma bibliothèque sur Pinterest


ses amis ou encore un inconnu qui partage les mêmes centres d’intérêt. Il peut parcourir la grande bibliothèque mise à disposition à partir d’une première sélection personnelle ou par l’utilisation de mots-clés pour affiner les recherches. Ce site est un outil précieux pour la recherche de références étant donné que son panel de documents en matière d’architecture est vaste. Il est possible également de croiser les recherches avec les autres arts pour développer sa propre sensibilité. Les architectures sont dévoilées sur le net et ainsi découvertes par cette multitude d’images et de photographies. Le nombre de documents en grande circulation sur les réseaux permet une meilleure compréhension et connaissance de ces bâtiments. La culture architecturale de chaque architecte peut se développer plus facilement. Il ne faut pas céder à la facilité et faire le tri de tous ces documents, au milieu de tout ce bombardement d’images. Il faut alors aiguiser son sens critique pour trouver LA référence qui correspond au mieux à nos intentions de projet ou encore ne pas être trop séduit par la beauté de toutes ces belles images. Le voyage devient peu à peu secondaire pour découvrir les différentes architectures de par le monde.

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Fig. 19 36

Promenade urbaine Ă la Place Meynard


Découvrir des références sans visiter « Nous rapportons l’univers en portefeuille, sans que nous quittions notre fauteuil. », Louis de Cornemin10 La multiplication des points de vue et des photographies permet d’appréhender énormément le bâtiment observé. De plus, les internautes sont bombardés d’images sur les architectures du monde entier dès qu’ils pénètrent sur la toile. De ce fait, les architectes en quête de connaissances, ne sentent plus la nécessité de se déplacer pour appréhender et comprendre un bâtiment dans sa totalité. Les images et les savoirs obtenus si facilement remplacent peu à peu le voyage. Les hommes deviennent avides de rapidité, voire d’instantanéité vis à vis de la culture qu’ils veulent posséder. Les réseaux se multiplient, s’étendent, se diversifient dans le monde entier. Peu de personnes demeurent épargnées par la mondialisation ou l’ère nouvelle de la communication. Les gens deviennent des touristes et ne voyagent plus à proprement parler. C’està-dire qu’ils ne laissent plus libre court à leur flânerie, ils programment, commandent et achètent. L’inattendu et la surprise ne sont plus désirés. Comme l’a dit un certain Caesar, « Vini, vidi, vici. »11. Les touristes répondent à une liste de bâtiments et d’expériences dites incontournables, dans une absence d’intégration avec le territoire d’accueil. Ils viennent, voient, vainquent et surtout… repartent. Le verbe vaincre est ici utilisé dans le sens où les visiteurs viennent seulement capturer photographiquement le monument, une fois la mission achevée, ils repartent sans plus faire attention à l’architecture à proprement parlé. Ils ne pratiquent plus totalement l’architecture ou la ville qui leur est proposée. La flânerie offre au visiteur la possibilité de mieux connaître la ville et de découvrir des sensations inédites à travers des petits détails inattendus, des petits défauts dans le tissu urbain. Lors 10_Louis de CORNEMIN, « À propos de Égypte, Nubie, Palestine et Syrie, de Maxime Du Camp », La Lumière (1852), in André ROUILLÉ, La photographie en France, Ed. Macula, 1989 11_Jules Caesar, rapport militaire au Sénat romain après la victoire près de Zéa, (Asie mineure), 47 av. J-C

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Fig. 21 38

Centre Commercial de Plan-de-Campagne


d’une promenade dans les rues de Bordeaux, j’ai notamment été surprise de trouver deux maisons en retrait des autres alors que l’assemblage des pierres de taille de ces dernières semble avoir été conçu pour accueillir un voisin mitoyen et dans le même alignement. La liaison est rompue et pourtant, il faut y prêter attention pour s’en apercevoir. Les gens deviennent fainéants et ne prennent donc plus la peine de se déplacer pour aller voir, ou plutôt parcourir par eux-mêmes. Les photographies dont les architectes prennent connaissance à travers internet, les revues et les livres d’architecture, leurs suffisent apparemment à comprendre les références qu’ils veulent utiliser pour leurs futurs projets. L’architecture se pratique pourtant dans les trois, voire les quatre dimensions si on prend en compte le temps par le mouvement. « De plus en plus, représenter les choses (…) que les spectateurs n’ont jamais vues ; et qui leur resteront totalement inaccessibles. », André Rouillé12 Les personnes qui n’abordent l’architecture et la ville qu’à travers les photographies, ne découvriront jamais pleinement ce qu’ils cherchent. Ils n’en auront qu’un petit aperçu. Même si quelques fois les photographies font appel à la mémoire et qu’elles renvoient à un souvenir passé accompagné de sensations bien précises. Avec ce médium de représentation, seul le sens de la vue est exploité, elles ne font pas appel aux quatre autres sens du corps humain et ni aux sensations qu’offre le mouvement. L’appréhension de l’architecture et du monde s’en retrouve très restreinte. L’architecture est un des moyens de créer des sensations particulières à offrir. Elle permet de développer un maximum sa propre kinesthésie, soit l’ensemble des sensations relatives aux mouvements du corps. Des architectes dits sensibles sont spécialisés dans ce type d’architecture qui fait particulièrement appel aux différents sens. Ils portent un grand intérêt aux matières et au travail de la lumière. Les japonais sont particulièrement forts dans la conception d’objets architecturaux très expressifs et spirituels. Tadao Ando travaille le béton avec soin et y mêle d’autres matériaux tels que la lumière, la végétation ou 12_André ROUILLE, La photographie, entre document et art contemporain, Ed. Folio Essai, 2012

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Fig. 20 40

Le Benesse House Museum par Tadao ANDO


même l’eau. Ses architectures entraînent souvent le visiteur à travers un parcours très fort en sensations. On retrouve ce travail au Benesse House Museum. Il s’agit d’un complexe composé d’un musée d’art contemporain et d’un hôtel sur l’île de Naoshima. Le bâtiment comporte notamment un bassin elliptique dans un grand patio de même géométrie. L’espace propose aux habitants de l’hôtel une promenade tout autour du bassin. Ce dernier offre une multitude de reflets sur le monde, ainsi qu’une nouvelle dimension de l’espace qui l’entoure. Cette sensation si particulière est difficile à représenter uniquement par la photographie. Les photographes essayent d’exprimer au mieux ce qu’ils y ressentent et produisent ainsi des clichés très poétiques et artistiques mais ils ne reflètent pas totalement la complexité et la réalité de cette expérience. Les photographies apparaissent alors comme des œuvres d’art très esthétiques, qui n’expriment pourtant pas la réalité. Elles montrent un espace vide d’hommes et qu’on ne peut percevoir que d’un seul point de vue. Pourtant, l’architecture offre un espace qui se doit d’être parcouru et vécu par le mouvement et l’usage. L’architecture proposée reste hors de portée des personnes qui ne les découvrent que par la photographie, sans jamais oser voyager et découvrir le monde par leur propre corps et leurs propres sensations.

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Fig. 22 42

25 Captures d’écran de la vidéo HouseLife


Architecture, un espace parcouru « Toute architecture est un cadrage du mouvement. », Xavier Fabre13 Les objets architecturaux sont avant tout des espaces habités que nous ne pouvons percevoir pleinement qu’à travers le mouvement, la vitesse et la pratique des usages qu’ils tendent à offrir. La photographie, qui n’est que la capture d’un moment de la vie et de l’action d’un bâtiment, ne peut donc être seule pour représenter toute la complexité de l’architecture. Les architectures modernes sont d’autant plus difficiles à appréhender par la photographie unique puisqu’elles sont pensées pour le mouvement et surtout la vitesse chère aux hommes modernes. C’est notamment avec le grand développement des moyens de transport de plus en plus rapides que l’homme découvre le monde d’une manière différente. Les architectes modernes vont alors essayer de la retranscrire dans leurs projets. Jan Brickman et Leender van der Vlugt construisent ensemble l’usine pour l’entreprise Van Nelle dans un important travail du programme et des circulations. Différentes passerelles permettent d’aller d’un volume à l’autre du bâtiment très largement vitré. Le transport des matières premières est pensé de manière pratique et élégante à travers l’ensemble du bâtiment et ce, après chaque étape de transformation. La photographie obtenue reste quelque chose de figée même si elle met en évidence les dispositifs mis en place pour circuler dans tout la construction. Cependant, sa composition est marquée par de grands axes et dynamiques procurées par les passerelles et la structure métallique très vite identifiable. Le sujet représenté donne ici un élan, presque un mouvement alors que la photographie est quelque chose de matériellement fixe. Ce phénomène est le résultat d’une seule photographie, alors qu’aujourd’hui avec 13_Xavier FABRE, Tout architecture est un cadrage du mouvement, entretien pour la revue Repère, cahier de danse, n°18, Février 2006

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Fig. 23 44

16 Captures d’écran de la vidéo ARTE Architecture, épisode 10


la multiplication des points de vue et leur grande production, le domaine de la photographie peut augmenter son rôle de représentation de l’architecture. Elles sont démultipliées et associées les unes avec les autres. Une composition réfléchie est alors construite pour établir un lien entre toutes les images mais surtout établir un parcours à travers le bâtiment. Le spectateur prend alors conscience du site, photographie après photographie. Cette idée aboutit à l’utilisation de la vidéo dans la propagation de l’architecture, à plus forte raison avec la dominance progressive de la télévision dans les foyers modernes. On voit donc apparaître de plus en plus de documentaires sur les architectures du monde. En soi, une vidéo est une série de photographies prises et mises en série à un très petit intervalle de temps entre chaque image. C’est dans cette optique que Living Architecture réalise un film sur la villa Lemoine de Rem Koolhass. Cette maison individuelle particulière construite pour un handicapé moteur grave est en grande partie mécanisée pour faciliter sa vie dans sa propre maison. Le réalisateur choisit de suivre la femme de ménage dans ses pratiques quotidiennes de l’espace complexe offert par l’architecte. Tous les jours, elle parcourt la maison pour exercer son métier. Avec elle on découvre peu à l’espace à sa manière. Cette méthode est la mise en valeur d’une appropriation personnelle du bâtiment. Elle passe par toutes les pièces et les circulations verticales, exploite tous les détails constructifs qui rendent cette maison praticable. Le film documentaire se lit donc comme un parcours, une promenade à travers l’ensemble de la villa et de ses étages. Elle fait la démonstration de l’architecture dans son mouvement, sa pratique quotidienne et la démonstration de sa mécanisation. Cette architecture de logement repose entre autre sur une pièce entière qui se déplace verticalement sur trois niveaux grâce à un système de vérins. Il s’agit d’un bureau-bibliothèque qui joue ce rôle d’ascenseur. Le réalisateur utilise alors des prises de vue fixes où seule la maison se met en mouvement. Il met ainsi en valeur la robotisation de l’espace personnel du logement par une photographie animée. La chaîne franco-allemande ARTE utilise également cette technique dans sa série documentaire Architecture où chaque épisode de vingt-six minutes est consacré à l’explication 45


Fig. 24 46

L’Usine Van Nelle par Jan Brickman et Leendert van der Vlught


et la décortication d’un objet architectural majeur des fondations aux couvertures. Les films comportent de nombreuses prises de vue fixes avec des gens qui évoluent dans l’espace proposé. Cela permet d’appréhender les visiteurs dans leur milieu et leurs usages d’un point de vue de l’observateur et non de l’acteur. Le seul mouvement de la caméra qui est donné à voir, est un léger tournoiement autour de l’objet architectural depuis un hélicoptère ou un drone, plus récemment. On découvre alors lentement le profilé extérieur du bâtiment. Quel que soit le film, il est marqué par deux mouvements, celui de la caméra qui engendre le parcours et celui des acteurs qui évoluent devant l’objectif, qui donne à voir la vie. Les épisodes comportent aussi une mise en évidence de la structure du bâtiment et de ses systèmes de trame et composition par un stop-motion d’une maquette qui se monte et démonte devant l’appareil photographique. Cette technique vidéo consiste à assembler des photographies prises à des étapes différentes pour représenter un mouvement à un plus ou moins grand intervalle de temps. Plus les photographies sont nombreuses et les étapes détaillées et plus elles vont illustrer un sentiment de vitesse. Les mouvements donnés à voir restent saccadés mais ils illustrent une maquette qui semble s’assembler d’elle-même pour correspondre aux commentaires techniques de la voix-off. De ce fait, on pourrait croire que la vidéo est le meilleur moyen de représenter l’architecture en l’illustrant à travers le parcours humain. N’oublions pas que l’architecture est un espace parcouru par les hommes qui viennent l’habiter. Les objets architecturaux se doivent alors d’être lus dans le mouvement et à hauteur des yeux. Cependant, la technique la plus utilisée reste le cadrage fixe qui met en évidence les pratiques des hommes dans un espace donné, mais surtout très restreint. La découverte du bâtiment dans sa complexité pratique n’est rendue possible que pour une partie seulement, et non pour sa totalité.

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La photographie comme preuve du rĂŠel

Fig. 21


Fig. 25 50

Vue imaginaire de la Grande Galerie du Louvre en ruines par Hubert Robert


Photographies d’amateurs : sans savoir-faire « Nulle main humaine ne saurait dessiner comme dessine le soleil. », Jules Janin14 La photographie est une discipline que tous peuvent expérimenter ; sa réalité technique et mécanique permet de réaliser facilement de bons clichés sans aucun savoirfaire. Aucune dextérité ni coup de crayon ne sont nécessaires pour représenter au mieux le réel. De plus, les appareils photographiques de bonne qualité deviennent de plus en plus monnaie courante dans les foyers modernes ; aujourd’hui, la photographie s’est démocratisée. Jusqu’au XIXe siècle et la révolution industrielle, le mode de représentation du réel le plus utilisé était la peinture. Les peintres étaient bien plus nombreux qu’aujourd’hui et étaient appelés pour réaliser les portraits des grandes familles, les représentations des grands évènements ou encore les monuments qui ponctuent la ville. C’était la grande ère des Beaux-Arts ; sculpture, dessin et peinture gouvernaient les représentations de tout type. Cependant, toutes ces disciplines demandent une grande dextérité, une grande discipline et un grand savoir-faire. Elles nécessitent un sérieux coup de main et un entraînement régulier. Rappelons-nous que les artistes étaient alors appelés des maîtres et que leur enseignement était très respecté et recherché par nombre d’apprentis. Alors que les sociétés se développent, l’homme recherche toujours plus de nouvelles technologies, plus rapides et plus performantes. L’ère industrielle voit alors le jour à travers une volonté de faire disparaître la part de l’homme dans la production et la représentation d’objets. Les appareils photographiques sont l’une des réponses quant à la manière d’exprimer le monde sans aucune dextérité. Au contraire de la main commandée par l’homme et sa pensée, la lumière et par extension le Soleil, sont entièrement capturés révélant tous les détails présents dans le viseur. Les seuls choix et savoir-faire qui persistent au fil du temps, résident dans le choix du cadrage, du point de vue et de la composition. 14_Jules JANIN, Le Daguerotype (sic), L’Artiste, novembre 1838 - avril 1939, in André ROUILLÉ, La photographie en France

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Fig. 26 52

Vision professionnelle de la villa au Cap Ferret par Lacaton & Vassal


L’avantage de la photographie réside aussi dans la rapidité de production en comparaison à la peinture qui nécessite un grand temps de réalisation. Les Beaux-Arts peuvent également faire appel à l’imagination et à une grande subjectivité de la part de l’artiste, alors que la photographie ne peut que capturer le réel ; même si aujourd’hui l’utilisation des outils informatiques peut permettre de revenir sur l’image saisie. Dans l’expression de l’imaginaire, on peut notamment retrouver le peintre Hubert Robert qui peint en dix ans une trentaine de vues du Musée du Louvre dans un état rêvé et en ruines . Il imagine alors des vues d’un monument parcouru par nombre de parisiens et de visiteurs du monde entier. On ne reconnaît quasiment plus ce bâtiment connu de tous, que le temps ou les hommes ont détérioré. On le devine seulement par son aspect général ou l’ornement des colonnes. Le décor, malgré quelques altérations, est toujours là mais les usages qui y sont pratiqués changent du tout au tout. Ils appartiennent à l’imagination et à la touche du peintre. Imaginaire et réel se mêlent pour composer une nouvelle scène sous les coups de pinceau du maître. De nos jours, la photographie a pris le dessus sur les Beaux-Arts. En grand développement, les appareils photographiques sont de plus en plus performants et répandus dans nos foyers. Leur utilisation devient quotidienne et sa pratique d’autant plus aisée. Miniaturisés, les appareils sont insérés, entre autre, dans les téléphones portables et conservent malgré tout une grande résolution*. Outre les professionnels, les amateurs réalisent leurs propres photographies de leur vie au quotidien ou des monuments qu’ils ont eux-mêmes vu. L’aspect mécanique est de nos jours automatisé en ce qui concerne le choix du temps d’ouverture* et d’exposition*. Le résultat est d’une grande qualité et d’une grande satisfaction sans avoir à faire beaucoup de réglages. Le photographe amateur n’a plus qu’à appuyer sur le déclencheur. L’aspect professionnel du photographe réside, quant à lui, dans les choix des différents types d’appareils, des temps d’expositions, de cadrage ou de composition pour révéler au mieux le sujet. Comparons ensemble deux photographies, une d’un professionnel et une d’un amateur prenant tous deux pour sujet la villa au Cap Ferret de Lacaton et Vassal. Le point de vue est similaire mais l’architecture n’apparaît pas du tout de la même façon. Dans la première photographie, nous pouvons nous apercevoir 53


Fig. 28 54

Vision d’amateur de la villa au Cap Feret par Lacaton & Vassal


que les pins se confondent avec les poteaux de la maison puisqu’ils sont ici en contre-jour dans un très fort contraste avec le bleu sombre du ciel. La lumière du soleil couchant qui n’éclaire que la sous-face du bâtiment accentue la sensation de lévitation. Le bâtiment apparaît sous son meilleur jour, ou plutôt sous sa meilleure nuit. La seconde photographie quant à elle, est caractérisée par une dominance de gris entre les matériaux du bâtiment et le ciel couvert ; les deux éléments se mêlent. L’architecture se soulève du sol par la présence d’une sous-face plus sombre. Toutes deux similaires et en même temps très différentes, ces deux photographies représentent le même sujet mais ne l’expriment pas de la même manière. La photographie professionnelle est plus forte dans ses intentions mais celle de l’amateur semble plus réaliste dans la mesure où la déformation due à la perspective est toujours présente. Alors que les amateurs capturent le réel tel qu’ils le voient, les professionnels et artistes expriment un projet, des intentions et répondent à une commande. L’idée prend le pas sur la réalité. Nous pouvons alors nous demander quelle part de réalisme doit subsister dans les photographies d’architecture pour qu’elles soient les plus expressives possible.

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Fig. 29 56

Vision d’amateur de la Piazza del Popolo par Gian Lorenzo Bernini


Vers plus de réalisme « La responsabilité du photographe consistait à présenter l’édifice architectural "tel qu’il est" (…) le lecteur ne demande pas de la "belle architecture", il veut simplement voir ce qui est là. », expert du Progressive Architecture Magazine15 Faisant suite à une tendance, depuis longtemps dominante, de la photographie unique très puissante pour exprimer l’architecture, les édifices, quant à leur représentation, répondent à de nouvelles mœurs consistant en une multitude de points de vue et d’images. Les modes de publication tendent d’une manière générale vers une grande objectivité plus qu’une forte subjectivité ; soit de la quantité plus que de la qualité et pourquoi pas au final plus de réalisme que d’imaginaire. Les non-initiés à l’architecture recherchent en particulier une représentation typique du réel et non un paysage illusoire de la ville. Les hommes sont en général toujours en quête de vérité. Le photographe amateur reste, selon moi, le meilleur dans l’expression de la réalité et de l’objectivité. Ses photographies ne sont souvent, ni truquées, ni prises à partir de points de vue que le visiteur ne connaîtra jamais. Il capture ce qu’il voit, tel qui le voit et quand il le voit. Il joue ainsi sur la spontanéité ; contrairement au photographe professionnel qui, puisqu’il doit répondre à une commande, recherche le meilleur moment de la journée ou de l’année pour illustrer au mieux son sujet. En plus de satisfaire sa propre volonté esthétique, il se doit de satisfaire le commanditaire, et par extension, tous les lecteurs des articles et ouvrages concernés. Soumis à moins de contraintes, l’amateur ne réalise de photographies que pour se satisfaire lui-même et garder une trace matérielle de ses souvenirs. Dans cette optique, j’ai moi-même réalisé une photographie de la Piazza del Popolo à Rome pour garder une trace de cette référence architecturale et urbaine rencontrée durant un de mes voyages. Elle fait appel à la mémoire et donc à d’autres sensations. La réalité de ce 15_expert pour le Progressive Architecture Magazine, 1977

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Fig. 30 58

Vision professionnelle de la Piazza del Popolo par Gian Lorenzo Bernini


moment a été saisie et conservée pour un prochain usage. Son plein profit n’est réellement possible que complété par ma propre mémoire rappelée intellectuellement ou rapportée oralement. L’image n’existe qu’à travers cet ensemble de sensations. Irène Kung a produit également une photographie de cette célèbre place . Cependant, elle y insère son propre savoir-faire professionnel et sa vision personnelle. Elle agit alors en tant qu’artiste et non plus en tant que représentant de la réalité. Ses photographies appartiennent au domaine du rêve. Grâce aux nouveaux outils informatiques, elle parvient à faire disparaitre la ville, les gens, le mobilier et tout le contexte environnant de manière à isoler l’architecture. Seule cette dernière garde son existence entière et est, d’autant plus, révélée. Les monuments se détachent lentement de leur fond sombre dans un doux jeu de lumière. Outre les photographes amateurs, certains professionnels et artistes, spécialisés dans la photographie d’architecture, tendent vers une représentation systématique de la réalité. Leurs intentions réalistes résident alors dans les choix du tirage et d’échelle de production. Les photographies qu’elles soient tirées en grand ou en petit format n’apportent pas la même sensation au spectateur. Les tirages de petite taille invitent au souvenir et à prendre part, paradoxalement, à l’image par le toucher. Nous avons alors envie de tenir le cliché dans nos mains et le rapprocher de notre visage, la pénétrer physiquement. Les grands formats, quant à eux, font référence aux dimensions du réel. Plus l’échelle se rapproche de l’échelle-1 et plus le spectateur se sent évoluer parmi le sujet. Ici, c’est ce dernier qui sort de la photographie et non l’inverse. L’artiste italien Massimo Vitali réalise des tirages de lieux de rassemblement à grande échelle , tels que des plages ou des discothèques (page suivante). Les lieux sont bondés, occupés, réalistes dans leurs couleurs et leur exposition. Les clichés conservent ainsi leur fonction de capture de la réalité et existent pour mettre en évidence un usage massif. Le spectateur s’imagine évoluer au milieu de tous ces gens captant leurs attitudes et leur état d’esprit du moment. Leur existence devient égale et même, conjointe. La représentation et la réalité du spectateur s’associent pour ne plus faire qu’un. Ses photographies donnent une nouvelle dimension humaine à ces espaces pratiqués. 59


Fig. 31 60

Orange Yellow Blue par Massimo Vitali


Représenter la réalité, sans user de trop d’artifices sur la photographie, réside également dans le fait de saisir ce qu’on voit et surtout la pratique qu’on peut faire du bâtiment. Souvent vidé de tout habitant, les édifices, capturés par la photographie professionnelle, perdent leurs qualités d’espace vécu, dans le temps, le mouvement, la pratique et surtout, par l’appropriation de ses occupants. Sans composition ni mise en place, les photographies d’amateurs capturent l’édifice dans complexité d’espace pratiqué. Au regard de leurs propres qualités, ne pourrions-nous pas alors utiliser les photographies d’amateurs et les réalistes de certains professionnels pour représenter les architectures à travers le vécu, usage premier de ce domaine ambigu qu’est l’architecture ?

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Fig. 32 62

Les Tokyo Apartments par Sou Fujimoto


Architecture, un espace vécu « Désormais, j’utilise l’architecture comme une thématique et un contexte pour écrire des récits sur la vie dans un environnement bâti. », Iwan Baan16 L’architecture reste une discipline à destination des hommes, conçue pour satisfaire les besoins du corps et de protection vis à vis des autres. Tirant son origine de la cabane, son usage premier, avant sa valeur d’esthétisme, répond aux besoins des hommes qui recherchent un abri. La dimension d’espace habité et vécu ne peut ainsi être placée en second. L’architecture est nécessaire et ne devient «belle» que plus tard dans l’Histoire. Elle est l’habitat de la vie et des usages. Malgré tout, l’architecture, sur les photographies, est souvent représentée en tant qu’objet vidée de ses occupants. Ce sont pourtant eux qui pratiquent et font vivre l’espace en lui-même. Il ne prend toute sa valeur que lorsqu’il est habité et parcouru. Les projets d’architecture sont conçus pour répondre à un programme et des usages bien précis. Ils remplissent un cahier des charges tout en produisant des qualités spatiales particulières et un confort agréable pour ses occupants. Habitat individuel ou collectif, espace culturel ou administratif, complexe sportif ou de méditation… les programmes sont nombreux, complexes et variés ; s’adressant au public ou au privé. Répondre à un programme revient à répondre à des besoins, des usages quotidiens. L’architecture donc est faite pour être pratiquée, sa dimension humaine est bien plus importante que sa vérité constructive ou esthétique. C’est la combinaison des trois qui caractérise une bonne architecture mais un espace inconfortable pour l’homme, thermiquement ou spatialement déstabilisant dans sa pratique quotidienne, ne sera jamais pleinement apprécié par ses occupants malgré sa grande valeur esthétique. 16_Iwan BAAN, Around the world, Diary of a year of architecture, Florence SARANO, Ed. Villa Noailles, 2011

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Fig. 33 64

La Roof House par Tezuka Architects


Iwan Baan est un photographe professionnel qui cherche à révéler l’architecture dans son ensemble soit à travers son intégration dans le site et son caractère habité par les hommes. Nombre d’architectes reconnaissent sa volonté d’illustrer le caractère humain et de vie dans leurs propres projets. Ils les découvrent à travers une nouvelle dimension alors que c’est cette dernière qui a guidé leurs pensées durant la phase de conception. Les hommes sont le sujet principal des photographies, dans leurs pratiques quotidiennes. Le lieu dans lequel ils évoluent ne devient que le décor de leur vie. Ses photographies deviennent alors le lieu de la rencontre entre l’humanité et l’architecture. Cette dernière est le produit de la première pour elle-même mais surtout pour les autres. Une architecture habitée avec plaisir et confort est une architecture réussie. Les habitants semblent pleinement apprécier les appartements de Tokyo de Sou Fujimoto (page précédente). Ils viennent s’approprier l’espace proposé et le photographe arrive alors à capturer cet instant de pur confort. Pour répondre au mieux au programme mais surtout au confort de ses habitants, les architectes détournent quelques fois dans leurs projets la fonction première des éléments d’un bâtiment pour qu’il devienne habitable pour l’homme. Ils essayent d’exploiter au mieux l’ensemble de la construction à travers un parti pris fort. Tout élément est alors habité. Les hommes sont alors particulièrement doués pour s’approprier les espaces qui leur sont offerts. Ils détournent alors ce lieu, cet élément de sa fonction première et s’y installent pour profiter d’un endroit au calme ou profitant d’une vue particulière. L’espace tend vers une appropriation particulière, un usage peu commun. Ces interprétations de la construction sont souvent réservées à la maison individuelle, le programme habité par excellence. L’architecte se doit alors de construire un habitat personnel et répondant précisément à chaque demande du commanditaire. Le dialogue avec l’autre est constant. Osamu Tezuka propose d’offrir, à une famille, une maison individuelle dont le toit, légèrement en pente, est parfaitement habitable. Outre son rôle de protection contre les intempéries, le toit devient un espace à part entière où la famille peut se réunir pour profiter de l’extérieur de la même manière qu’une terrasse. En plus, de son accès conçu pour rappeler la cabane grâce à une échelle qui traverse le toit, son inclinaison est tout 65


Fig. 34 66

Appropriation Ă la Plage des Catalans


particulièrement réfléchie : elle permet d’évacuer au mieux les eaux de pluie, tout en offrant un confort d’usage et une vue optimale sur le site. Un nouveau point de vue est alors donné à voir en prenant de la hauteur. La vue se retrouve dégagée de tout obstacle et l’inclinaison relative renvoie le regard à ce qu’il y a de mieux à voir. Le cadrage s’opère par la position du corps. La photographie de ce projet une appropriation totale de ce nouvel espace dans une ambiance conviviale et confortable. L’architecture, outre sa valeur esthétique, se doit d’offrir une dimension d’usage et de confort dans sa pratique quotidienne. Les photographies représentatives des bâtiments sont pourtant la plupart du temps vides de toute présence. Elles montrent le projet seulement comme un objet construit et non pas comme un espace pratiqué. Pourtant, le rôle du photographe est de représenter au mieux l’architecture et cela, dans toutes ses dimensions. Ne pourrions-nous pas penser alors que les photographes professionnels échouent dans leur propre mission ?

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CONCLUSION L’architecture construite et sa représentation photographique n’appartiennent pas au même médium. Il devient alors difficile, et même, impossible d’illustrer dans sa totalité cet objet si complexe. La photographie crée une réalité en trois dimensions, un espace tridimensionnel dit virtuel que l’on vient reconstruire à partir de deux dimensions seulement. De plus, elle fait appel uniquement au sens de la vue, restreignant forcément la perception que nous pouvons avoir du monde. L’homme évolue dans la réalité à travers les trois dimensions spatiales mais fait aussi appel celle du temps et à celle du mouvement. Une architecture réussie nécessite l’expression de tous ces aspects, puisqu’elle est conçue pour être parcourue et vécue par les hommes. Malgré sa grande démocratisation et son grand développement en terme de qualité et de quantité, la photographie reste une représentation et donc une vue partielle du réel. La perception de l’architecture et du monde s’en trouve donc tronquée. La photographie ne doit alors en aucun cas remplacer le voyage et la possibilité de vivre une architecture pour pleinement la comprendre et la saisir. Les différents points de vue possibles ne suffisent pas à tout couvrir et ne remplacera jamais la simultanéité des sensations durant une visite. De plus, professionnels et artistes essayent d’illustrer au mieux l’objet architectural qui fait l’objet de leur commande. Pour cela, ils en viennent parfois à tricher avec la réalité et les points de vue, souvent hors de portée des hommes qui la parcourent et pour qui il est fait. Les amateurs agissent quant à eux dans une attitude plus spontanée, sans réflexion. Le projet n’est alors peut-être pas représenté sous son meilleur angle ou meilleur jour mais la vue est plus réaliste et représentative du réel. Elle fait alors totalement référence à la vision qu’il a pu avoir à ce moment précis et dans les mêmes conditions. Elle en est d’autant plus une capture du réel. La photographie reste un bon moyen de représenter l’architecture mais elle ne doit pas suffire ou même remplacer l’expérience de la visite d’une architecture pour pleinement 68


la comprendre. Elle permet de faire appel au souvenir et de conserver une référence matérielle pour un projet que l’on a pu trouver signifiant. La photographie peut également mettre en évidence les qualités architecturales majeures de la construction proposée, même si elle n’est aucunement une expérience architecturale à proprement parlé. Au final, la photographie reste un médium de représentation architecturale et non, l’objet construit et vécu en lui-même. Son appréhension et sa compréhension s’en trouvent alors réduites. Quelle que soit la quantité des points de vue, seul le sens de la vue est appelé et la perception de la construction s’en retrouve également amoindri. L’architecture n’est perçue que partiellement et ce phénomène empêche toute appropriation, même intellectuelle. En tant qu’architectes, nous sommes plus aptes à nous projeter dans les espaces représentés par les photographies, aussi nombreuses qu’elles peuvent l’être. Ce n’est cependant pas le cas de toutes les personnes concernées par l’architecture, soit toute personne qui habite ce monde. Elle reste donc en partie inaccessible à la plupart des hommes, ceux-là mêmes qui pratiqueront les espaces que nous construirons pour eux, que nous devrons séduire pour qu’ils acceptent nos projets. La photographie reste donc un médium et un objet séduisants. Grâce aux récents outils numériques, elle prend une nouvelle dimension dans cette direction, en tant que représentation de l’objet construit mais aussi de l’objet pensé. Par l’insertion paysagère et le photomontage, l’utilisation et la modification de la photographie permet d’exprimer concrètement une pensée immatérielle dans un site matériel afin de séduire le maître d’ouvrage par l’évidence-même de la nécessité de la construction. LA PHOTOGRAPHIE TENDRAIT-ELLE, DE PLUS EN PLUS, VERS UNE PERFORMANCE ESTHÉTIQUE PLUS QU’UNE REPRÉSENTATION FIDÈLE DE LA RÉALITÉ DANS SA COMPLEXITÉ ? 69


Fig. 35 70

Entrep么t MacDonald


GLOSSAIRE CENTRISME OCULAIRE

Terme utilisé par Juhanni PALLASMAA dans Le regard des sens Acte des hommes, volontaire ou non, quand ils se focalisent sur une chose précise, occultant tout le reste autour d’eux. On distingue alors le centre de leur vue et leur vision périphérique, qui perd, à leurs yeux, tout son sens.

PHOTOGRAPHIE-DOCUMENT

Terme utilisé par André Rouillé dans La photographie Type de photographie qui répond à un rôle de mémoire ou d’archive. L’acte de photographier ne hiérarchise en aucun cas ce qui est dans l’objectif. Tout est capturé, dans les moindres détails.

PHOTOGRAPHIE-EXPRESSION

Terme utilisé par André Rouillé dans La photographie Type de photographie qui exprime un événement mais ne le représente pas. On passe alors de l’illustration de choses matérielles à des évènements et des impressions totalement immatérielles. La photographie devient alors objet d’art et matériau d’art.

TIRAGE-CONTACT

Procédé photographique qui permet d’obtenir la version positive d’un négatif, sans agrandissement. Le négatif est posé directement sur le papier argentique et tout deux sont éclairés. Il permet de faire connaissance une première fois de la pellicule avant de commencer les essais plus poussés en laboratoire.

PLANCHE-CONTACT

Tirage de tous les négatifs d’une même pellicule sur un seul papier argentique. Cela permet 71


d’avoir une vue d’ensemble de la pellicule, comme un sommaire du voyage, avant travailler les tirages suivants. Lucien Hervé dans son travail avec Le Corbusier, ne réalise pas des planches-contact traditionnelles. Il vient tirer toutes ses photographies et les organisent sur une feuille cartonnée et colorée par thème ou moment. C’est pas le résultat automatique de la pellicule mais un travail réfléchi de composition.

CHAMBRE PHOTOGRAPHIQUE

Appareil photographique inventé au XIXe siècle, permettant de réaliser des tirages grands formats (plus de 6 x 9 cm). Ce système permet seulement d’effectuer peu de tirage (deux par pellicule). La chambre est beaucoup utilisée par les photographes d’architecture car elle permet d’orienter l’objectif, de le décentrer, de façon à réduire l’effet de perspective dû à la contre-plongée.

ROLLEIFLEX ou appareil photographique reflex bi-objectif

Appareil photographique, inventé en 1929, ayant comme particularité de posséder deux objectifs à l’avant du boitier, un pour la visée et le second pour la prise de vue. Il utilise un film argentique en bobine de format 120, pour réaliser, le plus souvent, des moyens formats de 6x6 cm. Lucien Hervé s’en sert en autre pour capturer l’Unité d’Habitation de Marseille.

PHOTOGRAPHIE ARGENTIQUE

Processus photochimique, comprenant l’exposition d’une pellicule sensible à la lumière. Une fois exposée, elle fixe l’image saisie et il faut ensuite la développer dans un laboratoire photographique, ou chambre noire, pour obtenir les négatifs puis un tirage papier au format désiré.

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PHOTOGRAPHIE NUMÉRIQUE

Processus qui fixe l’image par un capteur électrique. Elle est notamment caractérisée par une mémoire flash facilement transportable qui permet une prise et un stockage de photographie rapide et presque illimitée aujourd’hui. Une fois l’image capturée, il suffit de l’imprimer sur la parier et le format souhaités. Ce processus réduit considérablement les étapes et le temps du tirage, rendant la photographie accessible à tous.

EXPOSITION ou lumination

Quantité de lumière reçue par la surface sensible où est capturée la photographie (pellicule argentique ou capteur numérique) pendant la prise de vue. Une même photographie n’a pas le même effet qu’elle soit bien exposée, sur-exposée ou sous-exposée. La sur-exposition révèle les détails dans les zones d’ombres au détriment de ceux présents dans la lumière. En cas de sous-exposition, c’est l’inverse.

RÉSOLUTION

Capacité d’une image à distinguer des détails fins. Avec l’ère du numérique, cette notion prend de l’ampleur étant donné qu’elle désigne la qualité d’une image, si elle est pixelisée ou non. Plus la résolution est grande et plus les détails seront précis. Cette donnée est très importante pour les images imprimées ou projetées en grand format. La résolution d’une image joue aussi sur la taille du fichier. Une image comportant beaucoup de détails sera lourde numériquement parlant.

OUVERTURE

Réglage qui permet de jouer sur la diamètre d’ouverture du diaphragme. Elle permet de jouer sur la dose de lumière qui éclaire la pellicule afin contrôler l’exposition adéquate de la photographie pour exprimer au mieux le sujet. 73


BIBLIOGRAPHIE _ SOURCES CORPUS LIVRES

ROUILLÉ, André, La photographie : Entre document et art contemporain, Ed. Folio Essai, 2005, 706 pages _PALLASMAA, Juhanni, Le regard des sens, Ed. Parenthèses, 2010, 109 pages _YOUNÈS Chris (dir.), BONNAUD, Xavier (dir.), /Perception/Architecture/Urbain, Ed. InFolio, 2014, 348 pages _PICON, Antoine, Culture numérique et architecture : une introduction, Birkhäuser, 2010, 224 pages _JUNGMANN, Jean-Paul, L’image en architecture : de la représentation et de son empreinte utopique, Les éditions de la Vilette, 1996, 190 pages _TANIZAKI, Junishirô, L’éloge de l’ombre, Ed. Verdier, 2011, 90 pages _ANDRIEUX, Béatrice, BAJAC, Quentin, RICHARD, Michel, SBRIGLIO, Jacques, Le Corbusier/ Lucien HERVÉ : Contacts, Ed. Seuils, 2011, 292 pages _HERVÉ, Lucien, Introduction de BEER Olivier, Photopoche, 2013, 144 pages _SCHULMAN, Julius, L’architecture et sa photographie, Taschen, 1998, 300 pages _AYMARD, Gilles, Photos d’architecture, Eyrolles, 2010, 129 pages _SARANO, Florence, Iwan Baan around the world : Diary of a year of architecture, Ed. Villa Noailles, 2011, 122 pages _MÉRIAN, André, The Statements, Images en Manœuvres Editions, 2006, 160 pages _FESSY, Georges, photographe d’architecture, Ed. Le temps qu’il fait, la photographie à Aixen-Provence, 2008, 52 pages _KUNG Irène, La ville invisible, Ed. Xavier Barral, 2012, 112 pages

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CONFÉRENCES

_LUCAN, Jacques, ENSA-Marseille, Précisions sur un état de l’architecture : sortir de l’icônisme, 21 Mars 2016

REVUES

WEB

_The Architecture of light, Lotus international, 1993, n°75, _Architettura e fotografia : tre storie. L’influenza della fotografia sull’architettura, Lotus international, 2007, n°129 _POITEVIN, Mathieu, Le cadavre exquis de Mathieu Poitevin, Architecture d’aujourd’hui, n°411, 21 Mars 2016 _FABRE, Xavier, Tout architecture est un cadrage du mouvement, entretien pour la revue Repère : cahier de danse, Février 2006, n°18 _Lacaton et Vassal : http://www.lacatonvassal.com/ _Photophiles : http://www.photophiles.com/index.php

_Machines à voir : http://www.galerie-photo.com/photographie-architecture-theorie.html#_edn9 _Archdaily : http://www.archdaily.com/418996/ad-classics-saint-benedict-chapel-peter-zumthor Pinterest : https://fr.pinterest.com/

VIDÉOS

_COPANS, Richard, NEUMANN, Stan, Série des documentaires Architecture par la chaîne franco-allemande ARTE, depuis 1996 (26 min) _COPANS, Richard, ARTE Architecture, épisode 10 : Les thermes de Vals de Peter ZUMTHOR, 2001 (25’32) _Living Architecture, Houselife, visite de la villa Lemoine de Rem KOOLHASS, 1998 (58 min) 75


IMAGES

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Fig. 1

1ère c.

Escalier, Travaux Personnels, Architecture Noir et Blanc, ©Arnaud Cochon Photographies

Fig. 3 Fig. 4 Fig. 5 Fig. 6 Fig. 7

p9 p 10 p 11 p 13 p 13

Fig. 8 Fig. 9

p 16 p 18

Fig. 10

p 20

Fig. 11 Fig. 12 Fig. 13 Fig. 14

p 20 p 22 p 24 p 26

Route de l’aéroport de Schoenfeld, Berlin, ©André MÉRIAN Heydar Aliyev Center, Zaha Hadid, Baku, Azerbaïdjan, 2013, ©Hufton+Crow Fondation Louis Vuitton, Frank O. Gehry, Paris, 2014, ©Iwan BAAN Heydar Aliyev Center, Zaha Hadid, Baku, Azerbaïdjan, 2013, ©Hélène BINET Fondation Louis Vuitton, Frank O. Gehry, Paris, 2014, ©Courtesy of L’Observatoire International Rue de la Seine, Paris, Fin du XIXe siècle, © Eugène ATGET Chantier de l’Unité d’Habitation de Marseille, Le Corbusier architecte, 1949, ©Lucien HERVÉ Galerie des Machines, Ferdinand DUTERT et Charles Léon Stephen SAUVESTRE, exposition universelle, Paris, 1889, photographe inconnu Destruction au Gand Littoral, Marseille, 1996, ©André MÉRIAN Tour de Pise, photographe inconnu Maison Miller, Richard NEUTRA, 1937, ©Julius SCHULMAN Planche pour l’Unité d’Habitation de Marseille, Le Corbusier, 1949, ©Lucien HERVÉ

Fig. 15 Fig. 16 Fig. 17

p 29 p 30 p 32

Fig. 18 Fig. 19 Fig. 20

p 34 p 36 p 38

Galerie Lafayette, Berlin, Jean Nouvel, 1997, © Georges FESSY Chapelle Saint Benedikt, Peter ZUMTHOR, Sumvitg, 1988, ©Courtesy of Felipe Camus 8 photographies, Chapelle Saint Benedikt, Peter ZUMTHOR, Sumvitg, 1988, ©Courtesy of Felipe Camus Capture d’écran de ma bibliothèque sur Pinterest, le Mer 18.05 à 23h48 Place Meynard, Bordeaux, 2016, ©Camille Grisoni Centre Commercial, Plan-de-Campagne, ©André MÉRIAN


Fig. 21 Fig. 22 Fig. 23

p 40 p 42 p 44

Fig. 24

p 46

Fig. 25 Fig. 26

p 49 p 50

Fig. 27 Fig. 28 Fig. 29 Fig. 30 Fig. 31 Fig. 32 Fig. 33 Fig. 34

p 52 p 54 p 56 p 58 p 60 p 62 p 64 p 66

Toit-terrasse de l’Unité d’Habitation, Le Corbusier, 1953, ©Lucien HERVÉ Vue imaginaire de la Grande Galerie du Louvre en ruines, Hubert Robert, Musée du Louvre, 1,15x1,45m, 1796, ©Angèle DEQUIER Villa au Cap Ferret, LACATON & VASSAL, 1998, ©Philippe RUAULT Villa au Cap Ferret, LACATON & VASSAL, 1998, ©Adèle PERRACHE Piazza del Popolo, Gian Lorenzo BERNINI, Rome, 2011, ©Camille GRISONI Piazza del Popolo, Gian Lorenzo BERNINI, Rome, 2015, ©Irène KUNG Orange Yellow Blue, Cefalù, 2008, ©Massimo Vitali Tokyo Apartments, Sou FUJIMOTO, 2010, ©Iwan BAAN Roof House, Tezuka Architects, 2009, photographe inconnu Appropriation à la Plage des Catalans, Marseille ©Camille GRISONI

Fig. 35

p 70

Entrepôt MacDonald, Paris, 1970, ©11h45

Benesse House Museum, Tadao ANDO, Naoshima, 1992, ©G. de la Chapelle 25 Captures d’écran de la vidéo HouseLife, Living Architecture 16 Captures d’écran de la vidéo ARTE Architecture, épisode 10 : Les thermes de Vals (5’55) Jan Brickman et Leendert van der Vlught, Usine Van Nelle, Rotterdam, 1931, ©Jerry Lampen/AFP

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La photographie est aujourd’hui le médium le plus utilisé pour représenter l’architecture construite. Sa capture, de manière mécanique, du réel est très appréciée et très répandue dans le monde entier et sur la toile. La multiplication des images et des points de vue permet une meilleure appréciation des architectures. Elles se découvrent pourtant pleinement par les cinq sens et par la pratique des usages. Jusqu’à quel point la photographie permet-elle de percevoir et de comprendre l’architecture si complexe en tant qu’espace construit et vécu ?

60 500 signes PHOTOGRAPHIE - PERCEPTION - SENS - IMAGE - ESPACE PARCOURU ESPACE VÉCU - DIFFUSION - PRODUCTION - ARGENTIQUE - NUMÉRIQUE

ENSAM - ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARCHITECTURE DE MARSEILLE DIRECTEUR DE MÉMOIRE - DIDIER DALBERA - S6 - 2016 RAPPORT D’ÉTUDE PERCEPTIONS PHOTOGRAPHIQUES


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