Le magazine de Caritas décembre 2020

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CARITAS N°6 / Décembre 2020

Actualité

Coronavirus : 40 projets pour contrer la pauvreté Page 6

Point fort

Climat

Solidaires

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Beyrouth : le destin du Liban est en jeu

Le Tadjikistan combat l’érosion

Contre le coronavirus en Bolivie


Lettre ouverte

Hugo Fasel, directeur de Caritas Suisse jusqu’au 31 décembre 2020

Peter Marbet, directeur de Caritas Suisse à partir du 1er janvier 2021

Chères donatrices, chers donateurs, La crise du coronavirus a bouleversé notre vie quo-

de Suisse et dans les milieux spécialisés des trois ré-

tidienne et ébranlé certaines certitudes. C’est sur-

gions linguistiques. En même temps, il a été le bar-

tout sur le plan social qu’on constate de lourdes

reur visionnaire de notre organisation qui a su initier

répercussions : beaucoup de personnes ont perdu

des réformes marquantes et la conduire à travers les

leurs moyens de subsistance du jour au lendemain.

changements en profondeur de la société. ­Chapeau,

Plus urgentes que jamais, la solidarité et la cohésion

Hugo, et merci de tout cœur de tout ce que tu as

prennent une nouvelle signification.

­accompli pour Caritas.

« Hugo Fasel part à la retraite après douze ans d’engagement inlassable »

En mars, Caritas a tout de

Le 1er janvier, Peter Marbet prend la direction de

suite réagi, dès qu’on a décou-

Caritas Suisse. De par ses diverses activités profes-

vert l’ampleur de la pandémie.

sionnelles et politiques, Peter Marbet réunit toutes

Notre directeur Hugo Fasel a im-

les conditions requises pour poursuivre le parcours

médiatement reconnu l’urgence

couronné de succès de Caritas. Je lui souhaite la

de la situation. Sans hésiter, il a

bienvenue et lui adresse mes meilleurs vœux pour

trouvé des réponses à la crise et engagé avec vous,

cette tâche. Je suis sûre que, pour ce faire, il pourra

chers donateurs et donatrices de Caritas, des me-

compter non seulement sur l’appui du Présidium,

sures appropriées. D’ici la fin de l’année, nous au-

du Comité, ainsi que des collaborateurs et collabo-

rons pu affecter plus de 10 millions de francs à l’aide

ratrices, mais aussi sur votre fidèle soutien à vous,

aux personnes dans le besoin en Suisse et plus de 5

chères donatrices et chers donateurs.

millions dans le monde. En ce moment, notre organisation traverse aussi un changement important. Hugo Fasel part à la re-

Je vous adresse par avance un chaleureux mille grazie.

traite après douze ans d’engagement inlassable et couronné de succès à la tête de Caritas Suisse. Notre directeur a toujours défendu les personnes en situation de pauvreté avec éloquence et véhémence.

Mariangela Wallimann-Bornatico

Et non sans influence, comme le prouvent ses in-

Présidente de Caritas Suisse

nombrables apparitions dans les principaux médias

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Photos : Nique Nager, Franca Pedrazzetti


Sommaire

Face à la pandémie La pandémie de coronavirus a mis notre pays sous haute tension. De plus en plus de personnes sombrent dans la pauvreté et ne savent pas ce que l’avenir leur réserve. Caritas a développé plus de 40 projets pour soutenir ces personnes en ces temps incertains. Nous vous en présentons deux et vous informons de l’évolution de la situation. Page 6

12 Point fort : explosion à Beyrouth

Avant même l’explosion, le Liban était déjà au bord du gouffre : une chronologie des crises.

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Climat  : des vergers contre l’érosion

Pour la population du Tadjikistan, le changement climatique est une dure réalité. Des images satellites permettent une action ciblée contre l’érosion.

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olidaires : Richard Haep, S gestionnaire de crise

Richard Haep s’efforce de protéger les plus pauvres en Bolivie : il distribue des masques, des kits d’hygiène et soutient les autorités.

IMPRESSUM Le magazine de Caritas Suisse paraît 6 fois par an. Adresse de la rédaction : Caritas Suisse, secteur Communication et Marketing, Adligenswilerstrasse 15, case postale, CH-6002 Lucerne, Courriel : info@caritas.ch, www.caritas.ch, Tél. +41 41 419 22 22 Rédaction : Lisa Fry (lf) ; Fabrice Boulé (fbo) ; Stefan Gribi (sg) ; Anna Haselbach (ah) ; Vérène Morisod Simonazzi (vm) Abonnement : l’abonnement annuel coûte 5 francs. Il est prélevé une seule fois sur les dons sans affectation. Graphisme : Urban Fischer Photo de couverture : Pierre Montavon Imprimerie : Druckerei Kyburz, Dielsdorf Papier : 100 % recyclé Dons : PC 60-7000-4

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Écho

Campagne en ligne de Migros : « Tous ensemble, faisons un don » Avec une campagne de dons en ligne pour Noël, Migros offre à ses clients la possibilité d’atténuer la pauvreté et la détresse en Suisse. Des projets de Caritas peuvent ainsi être soutenus, qui donnent un nouvel espoir aux personnes dans le besoin partout en Suisse. Le montant des dons sera entièrement versé aux œuvres d’entraide participantes. Cette année aussi, Migros arrondira le montant des dons. (lf) Plus d’informations : migros.ch/charity

« Wanda, mein Wunder » et Caritas Care

Un film consacré aux soins aux personnes âgées sort dans les salles cet hiver. Le nouveau succès du cinéma suisse « Wanda mein Wunder » jette un regard plein d’humour sur la société suisse à deux vitesses et sur les soins à domicile. Caritas Care, qui place des auxiliaires de vie chez les personnes âgées, en est le partenaire officiel. Les auxiliaires de vie de Caritas assurent un accompagnement et un soutien à domicile 24 heures sur 24.

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Elles travaillent en Suisse en toute légalité, dans des conditions équitables. Anatole Taubman joue l’un des rôles principaux dans le film de Bettina Oberli. Cliquez sur le lien pour lire l’interview de cet acteur suisse et découvrir son avis personnel sur les soins à domicile. (lf)

Plus d’informations : caritascare.ch/taubman

Dans les médias Le Matin Dimanche | « Appel pour mesurer la pauvreté » | 27.9.2020 La pauvreté existe aussi en Suisse. Mais quelle est son importance ? Et quelles sont les personnes à risque ? Des personnes âgées ? Des mères célibataires ? Des gens peu formés ? En l’état, il reste difficile de répondre à ces questions, tant les données sont lacunaires. Caritas Suisse s’est entendue avec la HES bernoise pour concevoir un monitorage de la pauvreté qui permettrait aux cantons de suivre l’évolution de la situation sur une base comparable. RTS La 1ere, Vacarme | « Adieu travail, bonjour sonnailles » | 22.9.2020 Ils viennent de la ville, sont coincés à l’année dans un bureau et rêvent d’alpage. La pandémie aidant, cet été, le programme de séjours chez des paysans de montagne de Caritas-Montagnards a connu un bel engouement. Entre éco-anxiété et volonté d’aider, les motivations sont légion. La Liberté | « En finir avec la faim », 8.9.2020 Hugo Fasel, directeur de Caritas, appelle à mieux lutter contre la sous-alimentation dans le monde. La Suisse est en mesure d’aider bien davantage les pays nécessiteux. Il faut commencer par sensibiliser l’opinion publique. Ensuite, la Direction du développement et de la coopération (DDC) doit définir une stratégie contre la faim en Afrique. Enfin, Caritas demande au Conseil fédéral d’étudier l’impact que peuvent avoir les subventions à l’agriculture suisse sur la sécurité alimentaire dans les pays du Sud. RTS La 1ere, « L’invité de La Matinale », 16.9.2020 « Les pauvres, en politique, on les oublie » : le directeur de Caritas Suisse Hugo Fasel fait part de son dépit de voir la pauvreté gagner du terrain dans le pays en raison de la crise sanitaire.

Photos : DR


Actuel

Les Épiceries Caritas répondent aux attentes Les tout petits budgets peuvent y acheter des produits de qualité. Ce sont également des entreprises sociales qui insèrent les personnes dans le marché du travail. Caritas Suisse et les Caritas régionales améliorent toujours l’offre des Épiceries Caritas. Durant la crise du coronavirus, les Épiceries Caritas ont démontré leur engagement dans la lutte contre la pauvreté. Les 21 épiceries du pays sont restées largement ouvertes. Elles ont fait appel à des

« Nous proposons aujourd’hui quelque 1000 produits de qualité à bas prix » bénévoles pour remplacer le personnel à risque. Les épiceries ont distribué plus de 40 000 bons de 10 francs (financés par la

Chaîne du Bonheur). Elles poursuivent la distribution d’un masque d’hygiène gratuit par client et propose le paquet de 50 pièces à 12.50 francs. Des demandes des milieux politiques En août dernier, le Parti socialiste d’Aigle (VD) réclamait une Épicerie Caritas à la Municipalité pour faciliter l’alimentation des plus démunis. Au printemps 2019 déjà, alors que Caritas Vaud renonçait à son Épicerie mobile en raison de coûts trop élevés, c’est un député cantonal qui cherchait des solutions afin de prolonger la prestation. C’est que malgré leur utilité,

Riza Nkosi, le gérant de l’Épicerie d’Yverdon, est félicité par Simonetta Sommaruga, la présidente de la Confédération, pour son engagement durant la crise.

Photo : Caritas Vaud

ouvrir et gérer une Épicerie Caritas ne se fait pas d’un coup de baguette magique. « Trois conditions sont nécessaires, explique Pierre-Alain Praz, directeur de Caritas Vaud et vice-président de la Coopérative des Épiceries Caritas. Un bassin de population d’ayants droit suffisant, des programmes d’insertion professionnelle et l’aide de bénévoles pour faire baisser les coûts d’exploitation. » Vaud compte aujourd’hui trois épiceries, elles seront quatre en 2021. Le défi de la rentabilité Si les épiceries sont financées pour l’essentiel par le produit des ventes, aucune ou presque n’est bénéficiaire. SV Fondation contribue financièrement de façon importante à l’offre en fruits et légumes frais. Des communes subventionnent parfois le loyer. À Bienne, les Églises ont apporté un soutien considérable pour l’ouverture d’une épicerie. Fribourg prévoit une ouverture l’année prochaine. « Nous sommes présents sur la durée, avec de la qualité, pour la sécurité de nos clients », se réjouit Pierre-Alain Praz. « Mais Caritas Vaud verse entre 50 000 et 80 000 francs par année pour compléter le financement de chaque lieu de vente, précise-t-il. Une prise de risque plus difficile à assumer pour de plus petites Caritas régionales. » « Nous sommes toujours plus visibles, modernes, attractifs et ouverts au changement », s’enthousiasme Thomas Künzler, directeur de la Coopérative des Épiceries Caritas, qui propose aujourd’hui quelque 1000 produits de qualité à bas prix. (fbo)

Plus d’informations : epiceriecaritas.ch

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Reportage

Coronavirus : de nouveaux projets pour soutenir les personnes dans le besoin Texte : Lisa Fry Photos : Pierre Montavon et Marc Renaud

Mélanie Morillo est tout heureuse de reprendre son vélo réparé avec soin.


Reportage La crise du coronavirus a mis Caritas au défi dès le premier jour. Caritas est immédiatement intervenue avec des paiements directs pour soulager les personnes en détresse (page 9). Beaucoup de ceux qui arrivaient à peine à joindre les deux bouts ont sombré dans la pauvreté. Caritas a développé plus de 40 projets offrant une aide à long terme aux personnes touchées par la crise du coronavirus. Coup d’œil sur deux de ces projets. La zone industrielle de Delémont semble un peu morose en ce jour de pluie. Cela rend d’autant plus agréable la bonne ambiance qui règne dans l’atelier de vélos de Caritas Jura, situé ici. On entend une douce musique de fond et le tintement occasionnel de pièces métalliques. Mélanie Morillo (36 ans) vient chercher son vélo aujourd’hui. En se rendant chez son

« Je n’aurais pas pu me permettre la réparation ailleurs » amie, elle s’est soudain retrouvée à pédaler dans le vide. Le plateau des vitesses venait de rendre l’âme. Voilà quelques semaines, elle avait déjà fait réparer le vélo de sa fille par l’atelier de Caritas Jura. Elle avait été très satisfaite de la réparation, du service et surtout du prix : « Je n’aurais pas pu me permettre la réparation ailleurs », dit-elle. Mikael Costa (33 ans), le responsable de l’atelier, attend Mélanie. Son vélo est réparé et nettoyé. La jeune femme aux cheveux rouges le reprend avec enthousiasme. Elle fait un tour d’essai à l’extérieur pour s’assurer que tout va bien. Test réussi ! Elle paie volontiers la petite somme due pour la réparation. Même si son salon de coiffure se porte bien et qu’elle a une clientèle fidèle, elle élève seule ses trois enfants de 12 ans, 7 ans et un an et demi. Il faut bien gérer ses dépenses. Et la pandémie l’a plongée dans une grande détresse : « Pendant le confinement, j’ai dû fermer mon salon comme tout le monde et, du jour au lendemain, je n’ai plus eu de revenus, raconte-t-elle. Le peu que j’avais économisé s’est vite envolé. » Elle a dû demander le chômage partiel pour son employé et contracter un prêt auprès de la Confé-

dération : « Le prêt est sans intérêt, mais je dois quand même le rembourser. Je n’aime pas m’endetter. » Mais elle a eu de la chance dans son malheur. Elle a un grand cercle d’amis et est également très appréciée de ses clients. Beaucoup l’ont aidée : on lui a donné de l’argent et apporté des cadeaux. Elle a également pu compter sur sa famille. Mais la crise laisse des traces. Aujourd’hui, beaucoup de gens ont un budget réduit, ils vont moins chez le coiffeur. Et maintenant que le nombre de cas augmente à nouveau, Mélanie se fait du souci et craint de devoir refermer son salon. On répare aussi les vélos bon marché Mélanie Morillo, comme beaucoup d’autres, utilise sa bicyclette plus souvent qu’avant. De nombreuses personnes ont acheté des vélos ces derniers mois parce qu’elles avaient peur d’uti-

liser les transports publics à cause du virus. Caritas Jura a profité de cette occasion pour réaménager son atelier de vélo qui auparavant réparait de vieux vélos et les vendait. Maintenant, l’atelier offre des réparations à tout le monde. Des vélos bon marché qui ne seraient pas acceptés dans les magasins spécialisés sont aussi réparés ici. « Actuellement, nous réparons en moyenne dix vélos par semaine, explique Mikael. Nous avons deux postes de travail, mais nous voulons en créer deux autres afin d’en faire plus. » Quatre réfugiés reconnus travaillent aussi dans l’atelier dans le cadre d’un programme d’intégration. Ils sont à temps partiel et représentent à eux quatre l’équivalent d’un poste à temps plein. « Au fur et à mesure que l’atelier grandira, nous pourrons former et encadrer plus de monde », dit Mikael avec fierté. L’atelier vélo de Caritas Jura aide les personnes qui ont un petit budget à éviter les transports publics grâce à leur vélo, un véhicule peu coûteux, et ainsi à se protéger. Et des personnes sans emploi ont la possibilité de recevoir une formation et de s’intégrer dans la société.

Murtaza Baqiri (22 ans) apprend à réparer un vélo de manière professionnelle.

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Reportage

Le livreur de La Toque Rouge apporte à Sylviane son repas de midi.

Livraison de repas à domicile à Neuchâtel Comme tous les jours, Sylviane B. (65 ans), de Neuchâtel, attend son dîner. Assise à sa fenêtre, elle guette le jeune homme de La Toque Rouge qui lui livre son repas. Depuis deux ans maintenant, elle reçoit son dîner de La Toque

« Je courrais un risque élevé si j’attrapais le coronavirus » Rouge, un projet de Caritas Neuchâtel. Elle souffre de la maladie de Crohn depuis des années et n’a plus la force de cuisiner elle-même. La Toque Rouge crée des menus équilibrés avec des produits régionaux. Depuis le début de la crise, la Toque Rouge a doublé ses livraisons de repas à domicile. De nombreuses personnes âgées et malades font appel à ses services. La plupart d’entre elles font partie des groupes à risque en raison de leur âge, souvent aussi en raison de maladies existantes.

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Sylviane apprécie son menu confectionné avec des produits régionaux.

Dans les cuisines de La Toque Rouge, trois cuisiniers et douze aides travaillent sept jours sur sept. Les cuisines embaument les parfums de différentes épices. Tout le monde se concentre, criant de courtes instructions, remuant les casseroles et dégustant les sauces. Dès que les repas sont prêts, on les place dans des boîtes dans lesquelles la soupe, le plat de résistance et le dessert sont bien emballés et restent chauds. Dès 9h30, les livreurs partent dans toutes les directions. Une grande souplesse « Nous cuisinons 500 repas par jour, explique Vanessa Falciola, l’une des responsables du projet. Nous livrons des repas, mais nous avons également une salle où environ 40 personnes peuvent manger à un prix très raisonnable. » La Toque Rouge propose également des repas végétariens, sans gluten ou sans lactose. Les clients qui utilisent le service de livraison à domicile apprécient cette grande souplesse. Jusqu’à 8h30 du matin, ils peuvent commander leur repas ou l’annuler. Cela permet aux clients, pour

la plupart âgés, de planifier leur journée à court terme. Protection des groupes à risque Le livreur est maintenant arrivé chez ­Sylviane. Elle prend la boîte. Sa nourriture est coupée en petits morceaux pour qu’elle puisse mieux la digérer. Aujourd’hui, c’est du porc rôti, de la polenta et une tomate braisée. Elle apprécie la nourriture. Sylviane a toujours le sourire aux lèvres : « Je suis contente qu’on me livre des repas aussi bons, dit-elle. Avec mon âge et ma maladie, je courrais un risque élevé si j’attrapais le coronavirus. » Ces livraisons lui permettent d’éviter au maximum les courses au supermarché. La Toque Rouge réintègre aussi des personnes au chômage sur le marché du travail. Six personnes bénéficient de ce programme. Elles aident à la cuisine, livrent les repas et retrouvent ainsi des qualifications pour le marché du travail.


Reportage

Aide directe avec un éventail de projets Depuis le début de la pandémie de coronavirus, Caritas vient en aide aux personnes en détresse. Les seize Caritas régionales ont déjà alloué des paiements directs à plus de 11 000 personnes dans le besoin. Elles y ont consacré à ce jour plus de trois millions de francs. « Nous avons reçu parfois jusqu’à 50 appels par jour sur le service d’assistance téléphonique mis en place à cet effet », rapporte Mélanie Dieguez de Caritas Vaud. « Nous avons eu au bout du fil beaucoup de personnes qui avaient perdu du jour au lendemain leur revenu déjà modeste. Ces gens ne peuvent plus payer leur loyer et n’achètent plus que des aliments de première nécessité. » Caritas intervient quand une aide s’impose de toute urgence, quand des personnes attendent désespérément des paiements de la Confédération ou quand elles n’ont pas droit à l’aide de l’État.

Caritas a étendu ses prestations telles que le service Dettes conseils et la consultation sociale. Les Épiceries ont approvisionné leur clientèle sans interruption depuis le premier confinement et considérablement baissé leurs prix. Les aliments de base tels que la farine, le lait, l’huile ou les pâtes ont été particulièrement demandés et toujours en stock. Pas moins de 400 000 masques ont été distribués gratuitement aux clients pour qu’ils puissent faire leurs achats en toute sécurité. Une quarantaine de projets Caritas a par ailleurs développé une quarantaine de projets pour aider les personnes en détresse. Outre l’atelier de réparation de vélos dans le canton du Jura et le service de livraison de repas à Neuchâtel, il existe d’autres nouveautés. No-

tamment un service de consultation en Argovie qui aide les personnes en situation de pauvreté à remplir des formulaires et à demander de l’aide en ligne. Dans le canton de Thurgovie, C ­ aritas distribue à des personnes touchées par la pauvreté des denrées alimentaires qu’elle a reçues de divers fournisseurs. À Lucerne, de nouveaux emplois ont été créés pour l’intégration de bénéficiaires de l’aide sociale. Caritas tente ainsi d’aider avec souplesse là où la détresse est la plus grande. À côté des dons directs, Caritas a aussi pu compter sur les fonds de la Chaîne du Bonheur dont elle est partenaire. Dix millions de francs sont à disposition jusqu’à fin 2020 pour soutenir les victimes de la crise du coronavirus. C’est une nécessité urgente, car la deuxième vague les confronte à de nouveaux défis cruciaux.

Le coronavirus accroît la pauvreté en Suisse

Protection de la personnalité : nom et image modifiés

Anna F.* gagne sa vie tant bien que mal en faisant des ménages pour un salaire horaire. La crise du coronavirus n’a fait qu’aggraver la détresse de cette mère de 34 ans qui élève seule sa fille. Voilà l'un des trois destins que Caritas Suisse a choisis pour montrer dans sa nouvelle campagne comment la crise actuelle accroît la pauvreté en *nom modifié Suisse. Plus d’informations : caritas.ch/covid

La Suisse apprend à vivre sans argent liquide. Rien de nouveau pour Anna F. : elle compte déjà chaque franc depuis 3 ans. CAR_MAG_CCH_Anna_180x78_dfi.indd 1

Le coronavirus accroît la pauvreté en Suisse. Par votre don, vous aidez les personnes en détresse. www.caritas.ch/covid

04.11.20 10:31

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Interview

Pendant les douze ans au cours desquels il a dirigé Caritas, Hugo Fasel s’est toujours battu pour que la classe politique s’intéresse à la question de la pauvreté.

« La pauvreté est synonyme d’exclusion » Douze années durant, Hugo Fasel a marqué Caritas Suisse de son empreinte. La fonction de directeur de Caritas est une tâche fascinante « au cœur de la tourmente », déclare-t-il dans cet entretien à l’occasion de son départ. Un entretien centré sur le bouleversement en profondeur que la société vit en ce moment en Suisse et dans le monde. Beaucoup de monde, y compris dans la classe politique, estime qu’il n’y a pas de pauvreté en Suisse, pays prospère. Comment réagissez-vous à cela ? La pauvreté en Suisse est une réalité. Elle est mesurée par l’Office fédéral de la statistique. Quand on est proche des gens, on ne peut pas l’ignorer. La pauvreté sera le défi majeur de la politique sociale de la Suisse pour les années à venir. Les changements rapides vont reléguer de plus en plus de personnes en marge de la société. À Genève, des milliers de personnes ont fait la queue pendant des heures au printemps pour un sac de nourri-

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ture. Ces images ont choqué. Quelle est la portée du changement social provoqué par la crise du coronavirus ? Ces images montrent sans détour que certaines personnes n’ont pas les moyens de se payer des biens d’usage courant. Mais elles ne décrivent qu’une petite partie des répercussions du coronavirus. Ce que nous vivons en ce moment va beaucoup plus loin : des familles qui parvenaient tout juste à garder la tête hors de l’eau en exerçant un deuxième emploi le soir ou le week-end ont maintenant perdu leur revenu d’appoint. Les personnes qui perçoivent des indemnités de chômage partiel perdent par consé-

quent 20 % de leurs revenus. Pour l’instant, elles essaient encore de se débrouiller avec l’argent qu’elles ont péniblement économisé. Cela laisse présager une aggravation de la situation au cours des deux prochaines années : le chômage va continuer à augmenter, de même que le nombre de personnes endettées qui ­finiront par s’adresser à l’aide sociale. Dans l’émission « La Matinale » sur RTS La 1ère, vous avez récemment déclaré que dans la crise du coronavirus, la classe politique a tout simplement oublié les personnes en situation de pauvreté. Que manquet-il dans le train de mesures d’aide alloué par le Conseil fédéral ? Dès le mois d’avril, nous avons appelé les autorités fédérales à soutenir par des paiements directs les familles et les

Photo : Nicolas Brodard


Interview ­ ersonnes dont les revenus se sont efp fondrés. Nous avons demandé pour ce faire un milliard de francs, ce qui n’est pas énorme par rapport aux plus de 30 milliards engagés pour faire face à la crise du coronavirus. Il est effrayant de constater que les personnes en situation de pauvreté et surtout celles vivant au seuil de pauvreté figurent une fois de plus parmi les oubliés. Le problème n’est reconnu

« Cette situation va encore s’aggraver ces deux prochaines années » que lorsqu’elles se retrouvent à l’aide sociale, stigmatisées et dépouillées de toutes leurs économies. Cela montre à quel point une grande partie de la classe politique est éloignée des réalités sociales de la Suisse. Une crise financière secouait le monde quand vous avez pris la direction de Caritas Suisse en 2008. Peu après, Caritas a appelé à réduire de moitié la pauvreté en Suisse d’ici 2020. Nous sommes très loin de cet objectif. Qu’est-ce qui est allé de travers ? Avec la campagne de Caritas « Pauvreté, faisons-la disparaître!  », nous avons réussi à faire parler de la pauvreté et à ancrer le thème dans les médias. Ça a été un grand succès. À partir de là, il est maintenant possible d’aborder systématiquement le sujet et de développer des instruments politiques visant à réduire la pauvreté. Notamment les prestations complémentaires pour les familles, des salaires qui assurent la subsistance, la promotion précoce, l’intégration et la formation continue, pour ne citer que quelques approches. Sur le plan politique, la pauvreté est un thème transversal qui touche plusieurs domaines. C’est ce qui fait qu’une partie de la classe politique tente encore de l’occulter et de la reléguer au rang de problème individuel.

Caritas Suisse combat la pauvreté dans le monde. Si les uns estiment qu’on ferait mieux d’apporter de l’aide dans notre pays, d’autres sont d’avis qu’il n’y a de véritable pauvreté que dans le Sud. Comment conciliez-vous ces deux points de vue ? La pauvreté ne connaît pas de frontières géographiques. Elle est mondiale. La pauvreté se définit toujours en relation aux autres et à l’environnement dans lequel on évolue. C’est pourquoi elle peut prendre des formes très diverses : la pauvreté en Suisse n’est pas la même qu’en Haïti, au Mali, au Cambodge, en Russie ou aux États-Unis. Mais ses conséquences sont toujours les mêmes, à savoir une exclusion de la société, une absence de perspectives et une impossibilité d’évoluer. Dans beaucoup de pays, la pauvreté implique aussi la faim. La faim dans le monde progresse en ce moment. Quelles sont les rencontres qui vous ont marqué lors de vos voyages dans les pays pauvres ? J’éprouve toujours une certaine retenue à en parler, car cela pourrait être perçu comme du romantisme kitsch. Pourtant, quand un homme de 50 ans, qui a fui la Syrie pour se retrouver dans une tente au Liban, me serre dans ses bras et me dit juste : « Ne nous oubliez pas ! », j’en suis profondément touché. Comme je me sens concerné quand je rencontre au Tchad une femme qui me dit que son enfant souffre d’une maladie facile à traiter, mais qu’elle n’a pas les moyens de l’emmener chez le médecin. Cela m’attriste et m’incite à mobiliser tout mon engagement. Quand je constate partout dans le monde que les femmes n’ont pas leur mot à dire et ne peuvent pas aller à l’école, juste parce qu’elles sont des femmes, ça me révolte.

de C ­ aritas : le changement climatique. En quoi Caritas peut-elle agir face à ce problème ? Dans le fond, la question du climat n’est pas compliquée. C’est une question de justice. En réchauffant le climat par nos émissions de CO2, nous précipitons les populations du Sud dans la pauvreté et la faim. Il s’agit d’une responsabilité causale. Ceux qui produisent du CO2 doivent payer. Réduire les émissions de CO2 jusqu’à ce que notre économie et notre comportement n’aient aucun impact sur le climat n’a rien d’impossible. Ce n’est qu’une question de volonté. À cet égard, la politique est à la traîne par rapport à la société. Les jeunes pour l’action climatique et le mouvement qu’ils ont fédéré sont tout simplement grandioses. Vous n’avez jamais hésité à prendre clairement position sur des sujets politiques. Quelles ont été les réactions des donatrices et donateurs ? Ma grande joie des douze dernières années a été de constater que les donatrices et donateurs comprennent très bien le lien entre les projets et la politique. Les lettres de protestation au sujet de

«Une grande partie de la classe politique est éloignée des réalités sociales de la Suisse»

Il y a un thème sur lequel vous avez toujours mis l’accent depuis votre entrée en fonction à la tête

notre engagement politique se comptent sur les doigts d’une main, alors que celles qui réclament plus de politique, d’explication et d’analyse remplissent des armoires, pour le dire de façon imagée. Quel message transmettez-vous à votre successeur Peter Marbet ? Je peux lui garantir que la tâche qui l’attend est l’une des plus passionnantes de cette époque : il s’agit d’une mission ­variée, fascinante, qui suscite un écho, au cœur de la tourmente. Propos recueillis par Stefan Gribi

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Point fort

Caritas a démarré l'aide d'urgence le soir même de la catastrophe de Beyrouth. Elle a pu compter sur la grande solidarité des nombreux bénévoles locaux.

Une explosion dans un Liban déjà à terre L’explosion survenue à Beyrouth a frappé un pays qui est déjà au bord de l’effondrement économique et social, cela en pleine pandémie de coronavirus. Depuis 2012, Caritas apporte son aide au Liban dans le cadre de la crise des réfugiés de la guerre en Syrie. Aujourd’hui encore, elle se tient aux côtés des plus vulnérables. Brève chronologie des crises et d’une aide plus urgente que jamais. Janvier 2016 Une société d’accueil dans le besoin Le Liban abrite actuellement près de 1,5 million de Syriens. Leur nombre n’a pas baissé pour l’instant. La plupart de ces réfugiés vivent dans des conditions catastrophiques. Les infrastructures, le marché du travail et le système scolaire sont absolument surchargés. La population libanaise s’appauvrit elle aussi à vue d’œil. Les tensions sont de plus en plus vives entre les réfugiés et la société d’accueil. Par ses projets au Liban, Caritas soutient les plus vulnérables, réfugiés syriens et Libanais défavorisés.

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Octobre 2019 Plus d’argent liquide aux distributeurs Une grave crise financière s’annonce. L’inflation augmente. D’ici l’été 2020, la livre libanaise aura perdu 80 % de sa valeur et les prix des denrées alimentaires auront augmenté de près de 90 %. Le 15 mars 2020 Le coronavirus au Liban Cette date marque le début de plus de deux mois de confinement national imposé notamment pour soulager les hôpitaux dans la crise du coronavirus. En

raison de la crise financière, il est impossible de payer le personnel et de remplacer les appareils vétustes. Beaucoup n’ont même pas accès aux soins médicaux nécessaires. Le 30 juillet 2020 La pauvreté gagne du terrain Face à la hausse rapide des cas de coronavirus, le gouvernement impose de nouvelles mesures de confinement. Le chômage frappe près de la moitié de la population. Les plus pauvres peinent à se payer de la nourriture et des soins de base. « Même la classe moyenne s’effondre suite à la forte augmentation du coût de l’instruction », déclare Frederic Wiesenbach, responsable de programme au Liban. À côté de l’aide à la survie, les projets dans le domaine de la formation sont maintenant au cœur du travail de Caritas au Liban.

Photos : Carmen Yahchouchi / Fairpicture


Point fort Le 4 août 2020 Partout des décombres et des blessés «  L’onde de choc m’a projeté à dix mètres  », témoigne Hamid, un jeune coiffeur. Peu après 18 heures, une violente explosion dévaste le port de Beyrouth. Plus de 150 personnes perdent la vie et 300 000 se retrouvent à la rue. Les principaux hôpitaux sont également touchés. « Aux urgences, on aurait dit la guerre », se souvient Lauren, assistante médicale. Caritas Liban, l’organisation partenaire de Caritas Suisse, a démarré l’aide d’urgence le soir même.

Septembre 2020 Une aide en espèces et un soutien psychologique Grâce à la grande solidarité des donatrices et donateurs de Suisse, Caritas peut démarrer un projet à long terme : une aide en espèces permettra aux ­familles particulièrement vulnérables d’acheter des biens de première nécessité et de financer les réparations. Caritas Suisse leur apportera en outre une assistance psychologique.

Novembre 2020 Un avenir incertain Le projet lancé en septembre aura atteint 8800 personnes d’ici la fin avril 2021. ­Caritas poursuit par ailleurs ses projets en cours, en vue d’améliorer la formation et d’offrir des logements décents au Liban. Le nombre de cas de coronavirus continue à augmenter et la spirale inflationniste semble sans fin. Le destin du ­Liban est en jeu. « Mon pays meurt à petit feu, constate Hamid. On ne s’en sortira pas sans l’aide internationale. » (ah)

Le 5 août 2020 Repas chauds et médicaments Des personnes blessées et privées de toit errent dans les rues. ­Caritas assure une permanence et a monté des tentes dans les quartiers touchés. Ces points de contact lui permettent de dispenser une aide médicale, de distribuer médicaments et nourriture, et de servir des repas chauds. Le 7 août 2020 Des vies brisées On déblaie partout. Les équipes de ­Caritas aident à évacuer les décombres, tout en assurant un soutien psychologique. Beaucoup de personnes sont maintenant confrontées au néant : « Nous dormons dans une maison qui risque de s’effondrer », relève Zara, une secouriste. « Mon salon de coiffure est en ruine. De quoi vais-je vivre ? » s’inquiète Hamid. Le 30 août 2020 « Nous sommes unis » Les premières mesures d’aide de C ­ aritas ont bénéficié à 50 000 personnes. L’œuvre d’entraide a pu compter sur une grande solidarité : beaucoup de bénévoles locaux ont fait tout ce qu’ils pouvaient, malgré la peur d’une contamination par le coronavirus. Ils n’ont perdu ni leur humour ni l’espoir, et déclarent : « Nous sommes unis à Beyrouth ! »

L’histoire de Taima et Abbas Le soir du 4 août, Taima Khaltoum s’active en cuisine dans son minuscule appartement de Beyrouth. Les enfants jouent à côté. Taima est en train de préparer le souper quand une panne d'électricité l’interrompt. Au Liban, cela se produit plusieurs fois par jour. Son mari Abbas vient vérifier que tout est en ordre à la cuisine. C’est là qu’une terrible explosion fait trembler la maison. Instinctivement, Taima pousse ses enfants contre le mur et les protège de ses bras. Des éclats de verre, des planches et des pierres pleuvent sur le petit groupe. Deux des quatre filles sont blessées. Les portes et les fenêtres éclatent, la cuisine et la salle de bains ne sont plus qu’un champ de ruines.

C'est déjà la deuxième fois que Taima et Abbas subissent la destruction de leur maison. Ils ont déjà vécu cela en 2015, pendant la guerre en Syrie. La famille s’est ensuite réfugiée au Liban, Abbas ayant réussi de justesse à leur faire passer la frontière. Mais depuis la crise financière, il a de moins en moins de travail. La pandémie de coronavirus aggrave encore la situation. Abbas s’inquiète beaucoup à l’idée qu’il ne pourra bientôt plus nourrir sa famille. Taima apprend maintenant à coudre, mais cela ne lui rapporte pour l’instant aucun revenu. Toute la famille est très reconnaissante à Caritas de la soutenir en ces temps difficiles. (ah)

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Climat

Safarbi Latifova est heureuse des progrès accomplis: ses collègues masculins apprécient ses conseils sur l'entretien des vergers.

Vergers et images satellites pour lutter contre l’érosion Le Tadjikistan est l’un des pays les plus exposés au changement climatique. Mais la population n’est pas laissée sans défense face à ses conséquences dramatiques telles qu’inondations et sécheresses, comme le montre un projet réussi de Caritas Suisse dans la région du Khatlon oriental. Pour la population des régions montagneuses du Tadjikistan, le changement climatique est une dure réalité. Les températures ont nettement augmenté, les sécheresses succèdent aux intempéries et aux inondations, les glissements de terrain se multiplient. Les familles de petits agriculteurs voient les terres sur lesquelles elles font pousser leurs céréales et paître leurs troupeaux être emportées par les eaux. Depuis 1991, la superficie des forêts a diminué drastiquement et passé de 20 % à 3 %. La population pauvre a besoin de bois pour se chauffer pendant l’hiver, car l’électricité, le gaz naturel et le charbon manquent dans cette

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ancienne république soviétique, autrefois florissante, ensuite ravagée par une impitoyable guerre civile.

jet commencé en 2011. Le projet s’est attaché en priorité à sensibiliser la population au changement climatique et à ses risques. En outre, il a appris aux gens à protéger les ressources naturelles et à pratiquer l’agriculture de manière à assurer leurs moyens de subsistance et à les rendre durables.

Existence durable et sûre Avec l’effondrement de l’industrie, une grande partie de la population est redevenue dépendante de l’agriculture. Parallèlement, leur base la plus importante, le sol fertile, de plus en plus surexploité, s’est constamment dégradé, ce qui a entraîné une diminution du rendement des cultures. Pour contrecarrer cette évolution, Caritas Suisse, avec le soutien de la Direction du développement et de la coopération (DDC), a mis en œuvre un pro-

Moins de vaches, plus de lait L’une des mesures phares du projet a été d’améliorer l’élevage. Saida Mirzœva, agricultrice du village de Dehlolo dans la région du Khatlon oriental, raconte : « Dans les cours de formation de Caritas Suisse, j’ai appris que nous pouvons augmenter la productivité de notre bétail avec moins de bêtes auxquelles nous donnons un fourrage plus nutritif. Aujourd’hui, je tire de mes deux vaches une plus grande quantité de lait avec une te-

Photos : Caritas Suisse


Climat

2012 : le sol était alors complètement exposé à l’érosion.

neur en matière grasse plus élevée qu’auparavant avec mes cinq vaches. Je produis et vends plus de yogourt. » Grâce à une gestion plus prudente et communautaire des pâturages, on protège également les pentes contre l’érosion et les glissements de terrain.

Les images satellites montrent aux agriculteurs où il y a des risques d’inondations et de glissements de terrain Une fière spécialiste de la culture des fruits L’installation de vergers a également permis d’améliorer la situation. Ici aussi, la protection des sols se conjugue avec la création de nouvelles sources de revenus. Et on arrive à dépasser les rôles traditionnels de genres, comme l’explique Safarbi Latifova, agricultrice du village de Dendistan : « Dans notre société, on dit souvent qu’une femme ne peut pas donner de conseils agricoles. Mais comme j’ai prouvé que je pouvais prendre soin d’un verger, aujourd’hui les hommes me demandent des conseils sur la greffe ou sur le type d’engrais à utiliser. »

2019 : grâce aux vergers, le sol peut absorber plus d’eau et le risque d’inondation est réduit.

Les images satellites permettent une action ciblée Les méthodes techniques utilisées pour soutenir le projet sont innovantes. Caritas utilise des images satellites qu’elle met à disposition des paysannes et paysans. Elles montrent où il y a des risques d’inondations et de glissements de terrain. Elles montrent également très bien où la nature dégradée est redevenue verte et fertile ces dernières années. « L’une des plus importantes réalisations du projet est que les catastrophes naturelles, en particulier les inondations, ont diminué. L’érosion est en recul, explique Jumakhon Safarov, respon­

sable du Département de l’agriculture du district de Muminabad. Les plantations d’arbres et de plantes vivaces ont stoppé la dégradation et augmenté la fertilité des terres. La plupart des pentes situées dans la zone du projet ne risquent plus de glisser. » Les changements positifs sont durables : les autorités vont continuer d’appliquer les approches développées avec Caritas, en collaboration avec la population, après l’achèvement du projet. (sg)

Plus d’informations : caritas.ch/programme-tajikistan

Des stations météorologiques pour les familles d’agriculteurs La météo est cruciale pour les agriculteurs pauvres — le timing des périodes de gel, de chaleur et de pluies détermine le rendement et la qualité de la récolte, tout comme la fréquence et la gravité des catastrophes naturelles. Souvent, les paysans manquent d’informations sur ces événements. Un nouveau projet de Caritas Suisse au Tadjikistan vise à rendre ces informations vitales accessibles aux agriculteurs « sur le dernier kilomètre » : grâce à des stations météorologiques, ils devraient pouvoir pratiquer une agriculture rentable et durable et mieux se préparer aux dangers naturels.

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Solidaires

Pendant la crise du coronavirus, Richard Haep aide les habitants les plus pauvres de Bolivie.

Il rend visite aux populations autochtones et les informe des mesures à prendre pour se protéger.

Gestionnaire de crise en Bolivie Richard Haep, responsable des programmes de Caritas Suisse en Bolivie, est devenu gestionnaire de crise avec le coronavirus qui menace particulièrement les plus pauvres. Il se bat pour eux sans relâche. Richard Haep (55 ans) gère en ce moment l’un des plus grands défis de sa vie professionnelle. Il a pris la direction des programmes de Caritas Suisse en Bolivie début 2018. La crise du coronavirus exige beaucoup de lui. Après l’apparition des premiers cas en mars, le pays a été

Les familles enterraient les morts de nuit, à côté de leur maison soumis à un strict confinement jusqu’à la fin juin. « Le système de santé s’est assez vite effondré, un tiers des médecins et du personnel infirmier ayant été contaminés, explique-t-il. Il n’y avait que 238 places en soins intensifs pour l’ensemble du pays. Dans un premier temps, il n’y avait ni masques, ni appareils à oxygène. Ensuite, des barrages routiers ont empêché de transporter l’oxygène produit en plaine. » Richard s’est vu confronté à une montagne de tâches de coordination et d’information : « Nous avons collecté des fonds pour l’aide d’urgence, établi des protocoles de sécurité pour notre propre

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personnel comme pour les organisations partenaires, obtenu des dérogations pour pouvoir travailler. Et nous avons bien entendu dû protéger les personnes qui venaient chercher de l’aide dans les divers projets. » Il a fallu placer en quarantaine les filles qui avaient trouvé refuge au foyer de Munasim Kullakita pour échapper aux violences sexuelles. Les réfugiés vénézuéliens hébergés dans les différents centres des partenaires de Caritas ont également dû s’enfermer pendant trois mois, avant de pouvoir retourner dans la rue où ils gagnent leur vie en vendant des bonbons ou en nettoyant les vitres des voitures. « Comme ils auraient risqué de contaminer les femmes et les enfants en retournant dans les centres, nous avons ensuite dû leur chercher de nouveaux foyers d’hébergement », ajoute Richard. 50 chauffeurs morts et des tombes à côté des maisons En dépit des conditions de logement exiguës qui règnent à El Alto, un bidonville de la banlieue de La Paz situé à 4000 mètres d’altitude, Richard Haep a organisé l’aide aux plus pauvres. Parmi

les personnes qui vivent au jour le jour, beaucoup n’ont pas pu rester à la maison, parce qu’elles devaient coûte que coûte se procurer de la nourriture et un revenu minimum. Pour se rendre au marché, elles se serrent dans des minibus. Le risque de contamination est donc élevé. Cinquante chauffeurs sont déjà morts du Covid-19. En Bolivie, les chiffres officiels sont nettement sous-estimés. Un test sur deux est positif. « Dans les villages, les familles qui avaient un membre malade ont été stigmatisées, rapporte Richard. C’est pourquoi elles cachaient la maladie de leurs proches. Elles gardaient souvent les morts à l’intérieur pendant des jours et les enterraient de nuit à côté de leur maison. » Beaucoup d’autochtones sont décédés, parce que le bruit a d’abord couru qu’ils étaient immunisés. Nulle part les gens n’ont été informés des mesures à prendre pour éviter la maladie, comme les gestes d’hygiène, la distance sociale et la quarantaine. Avec d’autres organisations, Caritas a rédigé des rapports hebdomadaires à l’attention du gouvernement, de l’ONU et des ambassades. Le Ministère bolivien des affaires étrangères a récemment honoré ces ONG pour leur solidarité et leur aide. Laquelle se poursuit, car la Bolivie est encore loin d’en avoir fini avec le coronavirus. (lf)

Photos : Caritas Suisse


Monde

Coronavirus dans les pays pauvres : l’aide de Caritas est indispensable Provoquant une crise sanitaire et économique, le coronavirus fait des ravages dans les pays du Sud. Selon la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), entre 90 et 120 millions de personnes dans les pays en développement seront confrontées à une pauvreté extrême. Caritas Suisse s’active dans 14 pays touchés par le coronavirus : mesures d’hygiène et aide humanitaire sont indispensables. Dans les pays en développement, la pandémie de coronavirus a un impact dramatique sur la santé car les possibilités

Entre 90 et 120 millions de personnes dans les pays en développement seront confrontées à une pauvreté extrême de traitement font très souvent défaut. L’Amérique latine est ainsi la région du monde qui compte le plus grand nombre

Des kits d’hygiène sont distribués à Kadiolo (Mali).

Photo : Frédéric Sidibé

de décès. Au Brésil, Caritas soutient la population dans le nord-est du pays en distribuant des kits d’hygiène et en fournissant des informations sur les mesures d’hygiène et de prévention. En Haïti, Caritas Suisse a fourni des stations de lavage des mains et distribué des kits d’hygiène. En Afrique, Caritas Suisse a aussi lancé des campagnes d’information. Au Mali, au Burkina Faso, au Tchad, en Éthiopie, au Somaliland et au Soudan du Sud, des collaborateurs de Caritas fournissent aux populations des kits d’hygiène et les informent sur les mesures de

prévention. La sensibilisation passe aussi par des reportages radio et des affiches en langues locales. Le coronavirus aggrave la faim Les répercussions de la pandémie sont encore plus dramatiques. Le coronavirus aggrave la faim dans le monde. La fermeture des écoles prive des millions d’enfants d’instruction et souvent du repas le plus important de la journée. Le confinement a privé de nombreuses personnes de leurs sources de revenus. Deux milliards de personnes travaillent dans le secteur informel et vivent au jour le jour. Elles ont vu leurs revenus s’effondrer, tandis que les prix des denrées alimentaires ont augmenté. Une aide alimentaire est donc indispensable. Dans le nord-est du Brésil, ­Caritas distribue aux familles défavorisées des colis alimentaires. La nourriture est achetée auprès des producteurs locaux. Caritas Suisse a aussi distribué une aide alimentaire à plus de 3500 personnes de la région de Bandiagara, au centre du Mali, ainsi qu’aux plus démunis au Burkina Faso et en Ouganda. À plus long terme, l’accès aux marchés des personnes touchées est primordial dans l’action de Caritas, pour leur assurer un revenu. Il y a urgence : la pandémie et les bouleversements qui y sont associés menacent de faire reculer de 20 ans les progrès dans la lutte contre la pauvreté dans le monde. (vm)

Informations détaillées et actuelles sur notre aide dans le monde : caritas.ch/covid-pandemie

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Bon à savoir Almanach social 2021

Monitorage de la pauvreté

La pauvreté exclut La pauvreté restreint à plus d’un égard la participation à la vie sociale. L’Almanach social 2021 se penche pour la première fois sur les mécanismes de cette exclusion sociale et sur la manière dont ils se conjuguent avec la problématique de la pauvreté. On voit ainsi apparaître des rapports de pouvoir débouchant sur l’exclusion de certains membres des sociétés démocratiques dont les droits sociaux et politiques sont pourtant garantis. L’analyse montre comment le marché du travail a progressivement perdu sa fonction d’intégration, sans que la société n’apporte de réponse adéquate. Comme l’a révélé la crise du coronavirus, les personnes occupant des emplois mal rétribués sont les plus menacées par le chômage. En même temps, un emploi n’est plus forcément garant d’inclusion. La précarité des conditions de travail ne se répercute pas seulement sur la situation financière, mais augmente aussi le risque d’isolement social. D’une manière générale, la domination de l’économie dans tous les domaines de la vie a fortement augmenté le potentiel d’exclusion. Dans l’Almanach social, il est

aussi question des solutions : que faut-il changer pour renforcer l’inclusion, tout en combattant la pauvreté en même temps que l’exclusion sociale ? (msp)

L’annuaire de Caritas sur la situation sociale en Suisse Éditions Caritas, Lucerne, janvier 2021, 320 pages / 36 francs Commande en ligne : shop.caritas.ch ou par courriel : info@caritas.ch

La crise du Covid-19 montre qu’un grand nombre de personnes vivent dans des conditions très précaires en Suisse. Jusqu’ici, nous n’avons qu’une image lacunaire de la situation de la pauvreté. Plusieurs cantons ne savent pas grandchose de la situation de leur population ni des groupes de population susceptibles d’être plus vulnérables que les autres. Comparaison durable entre les cantons Sans un suivi régulier et fondé de la pauvreté, la prévention et la lutte contre la pauvreté ne sont pas possibles. Caritas Suisse et la Haute École spécialisée bernoise ont développé un modèle de monitorage permettant aux cantons de suivre leur situation dans ce domaine. Une comparaison de la situation de la pauvreté entre les cantons sur une longue période est cruciale. C’est la seule façon de mesurer l’impact des mesures politiques et des prestations de l’État-providence pour lutter contre la pauvreté. (lf) Plus d’informations: caritas.ch/monitorage-pauvrete

Almanach Politique du développement 2021

Sortir de la crise alimentaire Le nombre de personnes souffrant de la faim augmente à nouveau depuis plusieurs années. En raison des bouleversements provoqués par la crise du coronavirus, cette tendance n’est pas près de s’arrêter. Comment pourrait-on faire avancer le droit élémentaire à l’alimentation pour tous ? Il ne s’agit pas seulement d’assurer l’alimentation, mais aussi d’éviter des carences. L’Almanach Politique du développement donne un aperçu de la dimension mondiale de la crise alimentaire et questionne sur la manière dont on peut réussir une transformation sociale et écologique. (msp)

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L’annuaire de Caritas sur la Suisse humanitaire Éditions Caritas, Lucerne, septembre 2020, 260 pages / 39 francs Commande en ligne : shop.caritas.ch ou par courriel : info@caritas.ch

Photo : Nique Nager


Ensemble

Événements 5 décembre 2020 youngCaritas-Award, 18h30 Dynamo, Zurich Live Streaming : www.youngcaritas.ch/award 12 décembre 2020 Action « Un million d’étoiles » à partir de 16 heures dans toute la Suisse. Lieux et informations sur www.unmilliondetoiles.ch

de radio. n atelier dans le studio pied d’œuvre lors d’u Une des bénévoles à

Un podcast pour les jeunes … mais pas que

29 janvier 2021 Forum Caritas « La pauvreté exclut » Eventforum Berne 9h30 –15h30 Inscription : caritas.ch/forum-f ou 041 419 22 22

Un groupe de jeunes bénévoles de youngCaritas a lancé une série de podcasts. Objectif : se confronter à la coopération au développement, aux interconnexions mondiales et à la responsabilité de la Suisse. Ils sont d’avis qu’une coopération au développement durable et efficace passe par un authentique dialogue et une large base de discussion. Notre monde va au-devant de défis d’envergure planétaire. Le changement climatique, la pauvreté ou la crise du Covid-19 ne peuvent pas être résolus par des États isolés. Mais quel rôle la Suisse est-elle appelée à jouer dans cet enchevêtrement ? Et quel rapport avec la coopération au développement ? Des bénévoles ont planché sur ces questions. Après un atelier dans un studio de radio, ils ont enregistré les premières séries de podcasts sous le slogan « #Häschgwüsst – Was du über Entwicklungszusammenarbeit noch wissen wolltest » (#le savais-tu – ce que tu aimerais encore savoir sur la coopération au développement). Courtes et percutantes, les quatre premières séries de podcasts servent d’introduction à la thématique de la coopération au développement. Des expertes informent les auditeurs au sujet de la po-

Photo : youngCaritas

litique de développement et du rôle de la Suisse. Mais les jeunes prennent aussi la parole et débattent de la manière dont on peut s’impliquer. Le mieux est de te faire une idée par toi-même en écoutant Spotify sur youngCaritas ou sur www.youngcaritas.ch/häschgwüsst Anina Schuler

Agir : Ton engagement compte. Les podcasts ont éveillé ta curiosité, tu as tes propres idées et envie de participer ? Tu peux toi aussi participer à la création d’une série de podcasts ou à une action dans l’espace public sur le thème de la coopération au développement. Il suffit de nous contacter sur : www.youngcaritas.ch/eza

Cartes de Noël de Caritas En signe de solidarité envers les personnes touchées par la pauvreté, vous pouvez acheter des cartes de Noël de Caritas. Ces belles cartes sont conçues par de jeunes artistes. Une feuille d’insertion et une enveloppe sont incluses. Choisissez parmi 34 créations : shop.caritas.ch

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Rien de nouveau pour Lars M. : il n’a jamais pu se payer un billet.

Le coronavirus accroît la pauvreté en Suisse. Par votre don, vous aidez les personnes en détresse. www.caritas.ch/covid

Protection de la personnalité : nom et image modifiés

La Suisse apprend à se passer des grandes manifestations.


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