Magazine « Enfants » 2015 de Caritas Suisse

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Enfants

Mars 2015

Rapport pour les marraines et parrains

Enfants à l’école : L’éducation plutôt que l’esclavage

Enfants des rues : Briser le cercle vicieux

Force de vie : Soigner les âmes


Sommaire 4 ■ Nicaragua Quand le sucre a un goût amer 6 ■ Haïti Pour ne laisser personne au bord du chemin 7 ■ T chétchénie Une base pour la vie 8 ■ Éthiopie Cuisine interdite aux chèvres 10 ■ Ouganda Lieu d’espoir 12 ■ Bangladesh Une formation plutôt que l’esclavage 13 ■ Colombie « Je porte l’école dans mon cœur » 14 ■ Miriam Cosentino (16 ans) : marraine Jeune, engagée, heureuse 15 ■ Bolivie Enfants chassés en périphérie 16 ■ Rwanda Liliane se bat pour son avenir 18 ■ Brésil Briser le cercle vicieux de la rue 20 ■ Interview de Franz Hohler « Les lettres d’enfants sont des déclarations d’amour » 22 ■ Bolivie Une nouvelle famille pour Yara et Andrés 24 ■ Tadjikistan Des enfants à l’école de la diversité 25 ■ Cuba Bien débuter dans la vie 26 ■ Palestine Oublier un peu l’épouvante 28 ■ Philippines Stopper le trafic d’enfants 30 ■ Colombie « La guerre dans les rues » 32 ■ Questions des parrains – réponses des enfants 2  Caritas   « Enfants » 2015

Le monde dans le regard de Rho Ann Gonzales (13 ans), Philippines.

Photo de couverture : Andreas Schwaiger ; rédaction : Dominique Schärer, Jörg Arnold ; graphisme : Evelyne Bieri ; papier : Carisma Silk, 100 % recyclé


Un monde plus ju ste pa s à pa s Chère marraine, cher parrain,

De quoi les enfants des projets de Caritas ont-ils besoin pour ne pas perdre en chemin leur force de vie, malgré la pauvreté, la guerre ou la vie dans la rue ? En page 20, l’écrivain Franz Hohler donne une réponse toute simple à cette question : « En premier lieu, la même chose que n’importe quel autre enfant : des gens qui les aiment – leurs parents, des frères et sœurs ou leurs grands-parents. C’est ce dont un enfant a le plus besoin. » Nous oublions parfois cette simple évidence, pris que nous sommes par les nécessités du quotidien et par les nombreuses exigences auxquelles nous devons faire face. Nous oublions combien le monde pourrait être simple, au fond. Nous oublions de lui accorder un peu d’attention. Et nous oublions que le monde de demain ne peut être meilleur que si les enfants d’aujourd’hui ont la certitude qu’on les aime. Chère marraine, cher parrain, je vous suis reconnaissante d’être de ces gens qui se soucient du monde de demain et qui investissent dans le bonheur et la force de vie des enfants. C’est un investissement qui rapportera bien plus que la donne. Dans l’une de ses histoires, Franz Hohler parle d’un enfant qui, fuyant la guerre, n’emporte que la plume d’une colombe, alors que sa mère prend des vêtements et son grand-père des réserves d’eau. Par votre parrainage, vous aidez des enfants qui vivent du côté sombre de la vie. Vous leur offrez de l’espoir et vous leur ouvrez un chemin vers le futur. C’est quelque chose de très précieux. Chère marraine, cher parrain, un grand merci d’être là pour nos enfants. Pia Käch Parrainages Caritas

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Enfants à l’école  ■ Nicaragua

Quand le sucre a un goût am er Parmi les enfants qui vivent aux alentours du centre scolaire « Los Quinchos » dans la ville de Posoltega, au Nicaragua, quatre sur cinq doivent contribuer au revenu familial en travaillant. Un aperçu de leur quotidien.

Ana Yenci a 11 ans. Sa mère est partie voici quatre ans et le père interdit aux enfants de la voir, sous peine de sanctions. Ana Yenci doit maintenant pallier les manques laissés par sa mère. Elle se lève tous les matins à quatre heures, commence par préparer le petit déjeuner pour son père, avant qu’il ne parte travailler aux champs. Puis elle nourrit les bêtes, s’occupe de ses trois cadets, dont son demi-frère d’un an Ángel Gabriel. Ana fait tout le ménage. Le matin, elle se rend à la rivière avec le reste de la fratrie pour faire la lessive, en espérant que les habits soient secs à son retour à la maison où elle prépare le deuxième repas frugal de la journée. Le quotidien d’Ana est marqué par un dur labeur et par les accès de violence de son père. Mais trois jours par semaine, la fillette peut échapper à cette triste situation et aller à l’école de Caritas « Los Quinchos » à trois kilomètres.

des pesticides utilisés dans les champs de canne à sucre. Yader n’a donc pas d’autre choix que de continuer à contribuer au revenu familial, comme sa mère et ses frères. Le projet « Los Quinchos » ne peut ni ne veut abolir le travail des mineurs. Mais il permet à 110 enfants de combiner travail et école. Cette solution réaliste leur ouvre de nouvelles perspectives d’avenir. Ana Yenci aimerait plus tard devenir une avocate au service des gens maltraités. Quant à Yader, il aimerait travailler avec des ordinateurs. Tant qu’ils vont à l’école, ils peuvent continuer de cultiver ces rêves. ■

Dans les plantations

Pour Yader aussi, il est normal de travailler en dehors de l’école. Ce garçon de 14 ans gagne sa vie comme auxiliaire dans les plantations de canne à sucre des environs. Les grands propriétaires exploitent les familles pauvres de la région. Pour un salaire de misère et presque sans pause, Yader trime de six heures du matin à dix heures du soir. Auparavant, c’était son lot quotidien. Depuis qu’il fréquente régulièrement l’école de « Los Quinchos », il ne travaille plus que deux jours par semaine. À l’école, il reçoit, comme tous les autres enfants, un repas chaud par jour, ce qui a considérablement amélioré son état de santé. Mais son père est très malade, à cause 4  Caritas   « Enfants » 2015

Trois jours par semaine, Ana Yenci (11 ans) peut échapper à sa triste situation et aller à l’école. Texte : Stefan Gribi ; photo : Asociación Los Quinchos


Nicaragua : votre part d’un monde plus juste

À l’école malgré le travail Le but des projets de parrainage de Caritas à Posoltega et San Lucas est de réduire les journées de travail des enfants et de rendre leur tâche moins dangereuse. Un maximum d’enfants doivent pouvoir suivre les cours et répondre aux exigences scolaires. Les parents et le personnel d’encadre­ment participent activement au projet.

Bon à savoir : –  D’après l’ONU, 93 % des enfants vont à l’école au Nicaragua, mais les trois quarts seulement ­terminent l’école primaire. –  Plus d’un quart des enfants souffrent de ­sous-­alimentation et de malnutrition. À l’école ­« Los Quinchos », il y a deux repas chauds par jour. –  Il s’agit aussi d’aider les parents : de petits projets permettent à 50 mères de familles d’améliorer le revenu familial. ■ www.caritas.ch/enfants/nicaragua

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Enfants à l’école  ■ Haïti

Po ur ne laisser personne au bo rd d u chem in À Trou Sable, un quartier très pauvre des ­Gonaïves en Haïti, de nombreux enfants ­rencontrent des difficultés scolaires. Avec le ­soutien de Caritas, la direction du collège de La Sainte Famille a réagi en lançant des ateliers d’accompagnement pédagogique.

« Les ateliers m’ont vraiment aidée à réussir », se réjouit Neissa Arthus, 13 ans. Élève de 7e année fondamentale, Neissa bénéficie du projet « Les enfants pauvres de Trou Sable réussissent à l’école », initié en septembre 2013. Un bilan de performance réalisé au terme de l’année 2012-2013 a en effet montré qu’un nombre important d’élèves n’obtenaient pas de bons résultats. Certains éprouvaient des difficultés en français, leur langue maternelle étant le créole. D’autres, arrivés plus tard dans cette école, devaient rattraper le niveau de leurs camarades. Journal scolaire

La direction de l’école s’est alors tournée vers Caritas Suisse afin d’obtenir un appui pour lancer des dispositifs d’accompagnement pédagogique. Des stages de remise à niveau en production écrite et des ateliers d’aide aux devoirs en mathématiques ont été mis en place. Les enseignants ont bénéficié d’un accompagnement dans la mise en œuvre de nouvelles méthodes d’enseignement. Afin d’améliorer l’écrit, la direction de l’école a lancé un journal. Lounedina Laboche, 18 ans, élève de secondaire, a participé à sa rédaction : « L’expérience a été passionnante. J’ai appris à mettre mes idées en discussion. Le journal amène bien des choses positives dans la vie de l’école. » ■

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Haïti : votre part d’un monde plus juste

Accompagner les élèves en difficulté Caritas soutient le collège de La Sainte Famille de Trou Sable. Cette école, qui accueille 1600 enfants, propose un jardin d’enfants, une école primaire et secondaire jusqu’au baccalauréat. Le programme de parrainages d’enfants de Caritas soutient aussi cinq écoles construites après le séisme de 2010. Bon à savoir : –  55 élèves de 2e cycle ont bénéficié de stages de production écrite, et trois ateliers d’aide en ­mathématiques ont bénéficié à 65 élèves de 5e et 6e années. –  Un manuel de lecture en langue française et créole coûte 4,50 francs. Un manuel de sciences expérimentales et de mathématiques coûte 5,50 francs. ■ www.caritas.ch/enfants/haiti

Texte : Vérène Morisod ; photo : Stanley Zamor


Enfants à l’école  ■ Tchétchénie

Un e ba se po ur la vie La famille de Seda (13 ans) lutte encore contre les suites de la guerre. Seda a pu fréquenter un jardin d’enfants moderne de Caritas, ce qui a été déterminant pour son développement et d’une grande aide pour ses parents.

Seda est née pendant la guerre en Tchétchénie. Sa famille a fui vers ­l’Ingouchie et a trouvé ­refuge dans un entrepôt de céréales abandonné. En 2004, la famille est revenue en Tchétchénie, dans son village de Seda (13 ans) voudrait devenir D­avidenko. Le retour a été très difficile. « Nous maîtresse d’école. avons dû reconstruire notre maison et nous n’avions aucune possibilité de ­gagner notre vie », raconte la mère. La famille a pu

s­ ubvenir à ses besoins grâce à une petite serre. En 2006, un jardin d’enfants de Caritas a ouvert ses portes dans le village et Seda, qui avait alors cinq ans, a pu le fréquenter – un coup de chance. « C’était un lieu très accueillant, et Madame Nabikhat, la maîtresse, était très chaleureuse », raconte Seda. Après un an de jardin d’enfants, elle est entrée en première primaire. Le jardin d’enfants l’avait bien préparée à l’école. La maman de Seda est convaincue de la qualité du jardin d’enfants : « Mes enfants y ont appris à aller vers les autres et à se soutenir les uns les autres. » Peu à peu, la vie est plus facile. Pas à pas, la famille a pu reconstruire la maison et la ferme, et Seda est maintenant en huitième année, où elle a de bonnes notes. Durant ses loisirs, elle aide sa mère au potager ou elle joue à l’école avec ses frères et sœurs. Elle voudrait devenir maîtresse d’école comme Madame Nabikhat. ■

Tchétchénie : votre part d’un monde plus juste

Caritas fait école Les jardins d’enfants de Caritas appliquent avec ­succès le modèle de l’encouragement précoce selon les principes de la pédagogie moderne. Ils sont ­maintenant en mesure de travailler de manière autonome selon les critères de Caritas. Le projet sera donc terminé en été 2015. Dans le cadre du projet de suivi, Caritas Suisse soutient des enfants roms en Bosnie et les aide à terminer leur scolarité et à apprendre un métier.

Texte : Ulrike Seifart ; photos : Ibragim Isaev, Initiativa

Bon à savoir : –  Depuis le début du projet en 2006, 2500 enfants ont fréquenté l’un des quatre jardins d’enfants de Tchétchénie. –  Environ 100 enseignants ont suivi depuis lors la formation continue développée par Caritas. –  Le modèle d’enseignement a été repris en 2012 par le Ministère de l’éducation tchétchène. ■ www.caritas.ch/enfants/tchetchenie

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Enfants à l’école  ■ Éthiopie

Cuisine interd ite aux chèvre s Ayantu (11 ans) a une idée claire de ce qui est juste et de ce qui est faux. Par exemple, elle connaît les bons gestes pour se laver les mains. Ce n’est pas aussi simple que cela, explique la fillette avec assurance, et elle montre aux visiteurs ce qu’elle a appris à l’école : elle s’enduit la paume des mains de savon et frotte soigneusement entre les doigts.

« L’école joue un rôle très important en matière de santé publique, explique sa maîtresse d’école Nigist Gebremariam (28 ans). Les enfants apprennent des notions ­d’hygiène quotidienne et le lien entre manque d’hygiène et maladies : pourquoi faut-il se laver les mains, le visage et les cheveux ? Pourquoi faut-il utiliser les latrines et les

nettoyer régulièrement ? Pourquoi faut-il toujours couvrir la nourriture ? » Plus ces messages sont simples, plus ils sont efficaces pour limiter les risques de maladie. Et les enfants sont les meilleurs messagers. Les enfants relaient leur savoir à la maison

« L’an passé, nous avons répété une pièce de théâtre et l’avons jouée à nos parents le dernier jour d’école. Plus de 100 parents sont venus ! », raconte Ayantu. « La représentation expliquait pourquoi les enfants tombent malades lorsqu’ils sont sales et qu’ils ont des mouches dans les yeux. » Une large part des maladies transmissibles peut être évitée grâce à une meilleure hygiène. La maîtresse d’école sait d’expérience que lorsque les enfants ne peuvent pas venir à l’école parce qu’ils sont malades, cela prend vite

Ayantu (11 ans) montre comment elle se lave les mains à l’école.

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Texte : Jörg Arnold ; photos : Noemi Grossen, Andreas Schwaiger


des proportions graves. « Une bonne santé, c’est la base du développement psychique et physique des enfants. Nous devons leur transmettre les connaissances nécessaires. Les enfants feront le monde de demain. Ils y arriveront mieux s’ils sont en bonne santé. » L’école joue un rôle d’exemple. Les enfants y apprennent à utiliser les latrines et disposent d’équipements simples pour se laver les mains, l’eau et le savon sont à disposition. Ils sont ensuite les meilleurs ambassadeurs pour l’installation de ce genre d’équipement à la maison. Toilettes séparées pour les garçons et les filles

Il est particulièrement important que les filles fréquentent l’école et y acquièrent des connaissances en matière de salubrité. Les thèmes de l’hygiène corporelle ou des menstruations restent en effet un tabou. C’est parfois plus facile de parler de cela dans les cours qu’en famille. «  Beaucoup de filles quittent l’école lorsqu’elles entrent dans l’adolescence, explique Nigist Gebremariam. Nous arrivons à les retenir en entretenant un bon contact avec les parents, mais aussi en garantissant une séparation très stricte des latrines des garçons et des filles. Il faut un lieu protégé et fermant à clef pour les filles. » Le père d’Ayantu souhaite aussi que les équipements sanitaires de l’école de sa fille soient adaptés, et propres : « Mes filles vont à l’école. Je veux qu’elles aient une édu-

« Il faut un lieu protégé et fermant à clef pour les filles. » cation. C’est donc important que l’école leur offre un environnement correct. » En contrepartie, Ayantu apporte de nouveaux standards à la maison. Depuis qu’elle a appris que l’urine et la crotte des chèvres représentent un risque sanitaire, elle leur interdit l’entrée de la cuisine. Désormais, les animaux restent dehors. ■

Éthiopie : votre part d’un monde plus juste

École pour les enfants de la campagne En Éthiopie, les enfants n’ont pas tous la chance de pouvoir aller à l’école. On a trop besoin d’eux pour les travaux, l’école est trop éloignée, la famille est trop pauvre. Grâce à Caritas, 3725 enfants peuvent aller à l’école chaque année. Caritas s’engage aussi pour une meilleure qualité de l’enseignement et des infrastructures scolaires. La scolarisation des filles est particulièrement importante, c’est une mesure efficace contre le mariage des enfants. Bon à savoir : –  Dans le Tigray, au nord-est, Caritas soutient trois écoles primaires de 700 élèves. –  Environ 500 filles et garçons y discutent de ­questions sanitaires dans dix « Hygiene and ­Sanitation Clubs  ». –  Dans une école, le matériel nécessaire à l’enseignement de l’hygiène – savon, jeux, autocollants, cartes – coûte environ 380 francs. ■ www.caritas.ch /enfants/ethiopie

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Ouganda : votre part d’un monde plus juste

Une chance pour les jeunes filles En 2014, Caritas a mené à bien son engagement envers les orphelins du sida en Ouganda et a ­transmis le projet à son partenaire, l’organisation « Sisters of Our Lady of Good Counsel ». Il y a ­nécessité d’aide dans d’autres régions. Caritas Suisse construit donc avec l’« Uganda Fund » ­l’académie « Nwoya Girls Academy » qui permettra aux jeunes filles défavorisées de suivre leur scolarité et une formation. Bon à savoir : –  L’école secondaire de la « Girls Academy » offre 200 places, et l’école professionnelle peut former 400 jeunes filles. –  La crèche peut accueillir 30 enfants des jeunes mamans. –  Les frais d’accueil d’un enfant en crèche s’élèvent à 266 francs par an. ■ www.caritas.ch/enfants/ouganda


Enfants à l’école  ■ Ouganda

Lieu d’espo ir Le district de Nwoya en Ouganda n’est pas un lieu très fréquentable pour les enfants. Les filles, surtout, y sont exploitées, elles deviennent mères très jeunes et sont souvent victimes de violence. Il est rare qu’elles y ­finissent leur scolarité. Les marraines et parrains de Caritas offrent une éducation et des perspectives d’avenir aux filles.

Un terrain de dix hectares dans le district de Nwoya, au milieu de la savane du nord de l’Ouganda, est devenu un lieu d’espoir. Là, à l’entrée du parc national de Murchison Falls, 600 jeunes filles auront la perspective d’un avenir correct. Ces jeunes filles sont devenues mères très jeunes ou ont grandi dans un environnement violent. Beaucoup d’entre elles sont orphelines et ont vécu dans des conditions de grande pauvreté. Toutes ont dû arrêter l’école ou n’y sont jamais allées, pour différentes raisons : après 20 années de guerre civile, Nwoya est un lieu de pauvreté, de privation, de travail des enfants et de violence, particulièrement envers les filles. Beaucoup sont tombées enceintes alors qu’elles n’étaient que des enfants, perdant ainsi leur droit à fréquenter l’école publique. Certaines n’ont pas l’argent pour aller à l’école, d’autres ont été mariées de force ou leurs parents ne veulent pas que leur fille soit instruite.

un lieu d’accueil, un microcosme offrant aux jeunes filles et à leurs enfants un chez-soi et un avenir. Selon leur âge, les jeunes filles fréquenteront l’école secondaire ou l’école professionnelle pour devenir couturières ou employées d’hôtel. Leurs enfants seront pris en charge à la crèche. En janvier 2015, les premières habitantes vont s’y installer. Parmi elles, Silvia, une orpheline qui veut absolument aller à l’école pour pourvoir aux besoins de son enfant, ou encore Florence, qui a vécu trois ans dans les prisons de la sinistre « Armée de résistance du Seigneur » et veut maintenant apprendre un métier pour pouvoir nourrir ses deux enfants nés en prison. En forme pour l’école

Outre la « Girls Academy », il y a aussi le programme d’aide individualisée ALP, intégré avec succès dans deux écoles primaires du district de Nwoya. Durant six mois, on aide les jeunes filles à se remettre au niveau pour réintégrer leur année d’école. On engage des enseignants spécialement formés pour ces cours particuliers, l’école reçoit du matériel pédagogique et tous les enseignants profitent de formations continues. ■

Un chez-soi et un avenir

C’est dans cet environnement difficile que va ouvrir prochainement la « Nwoya Girls Academy » – un lieu de formation avec école secondaire, école professionnelle, foyer d’habitation et crèche. Le centre est conçu comme La « Nwoya Girls Academy » hébergera de jeunes mères et leurs enfants. Texte : Ulrike Seifart ; photo : Joseph Kitsha Kyasi

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Enfants à l’école  ■ Bangladesh

Un e fo rmatio n plutôt que l’es clavag e Sabina Akhter a fui son destin de domestique – et a trouvé refuge dans une des écoles ­soutenues par Caritas.

« Quand mon père m’a dit que je devais aller travailler comme domestique à Dhaka, j’ai été très malheureuse, raconte Sabina Akhter, 12 ans. Je sais que les patrons traitent les domestiques comme des esclaves. Parfois, elles sont même battues. » Sabina a eu vraiment peur et surtout, elle a vu ses espoirs d’obtenir son diplôme de fin d’études s’effondrer. Elle savait en effet que ce diplôme était sa seule chance d’éviter la pauvreté. Élève et couturière

Boyejuddin, le père de Sabina, agissait sous le coup de la détresse : son salaire irrégulier ne suffisait pas à nourrir sa famille de huit personnes. Mais Sabina et sa sœur ont pu convaincre leur père de changer ses projets. Leur ancien professeur a lui aussi insisté sur le fait qu’il était illégal de vendre ses filles comme domestiques. Enfin, le salut est venu de la possibilité d’intégrer l’un des complexes scolaires du « Centre for Mass Education in Science » (CMES). Le concept de cette école particulière, où l’on sait que les plus pauvres ont besoin de chaque centime simplement pour survivre, est que les élèves reçoivent en plus de l’enseignement scolaire habituel une formation très pratique et qu’ils assimilent des aptitudes leur permettant de gagner un peu d’argent à côté de l’école. Aujourd’hui, Sabina aide considérablement sa famille grâce à son travail de couturière – et elle est devenue un exemple pour les familles du voisinage qui envoient elles aussi leurs filles à l’école. ■

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Bangladesh : votre part d’un monde plus juste

Écoliers et petits entrepreneurs Les parrainages de Caritas soutiennent deux des 23 « Center for Mass Education in Science » (CMES). Les élèves provenant des milieux les plus ­défavorisés y reçoivent un enseignement et une formation pratique leur permettant de gagner un revenu. Bon à savoir : –  Au total, environ 18 000 élèves fréquentent les 23 complexes scolaires du CMES. Caritas Suisse soutient deux de ces complexes à Jaldhaka et à Malgara. –  Une formation de couturière qui dure six mois coûte 76 francs. –  En 2014, environ 200 jeunes filles sont devenues de petites entrepreneuses. ■ www.caritas.ch/enfants/bangladesh

Texte : Jörg Arnold ; photo : CMES


Enfants à l’école  ■ Colombie

« Je po rte l’école dans mon cœur » Ancienne élève de l’école professionnelle d’agriculture Juan Tama, Adriana, qui a 32 ans aujourd’hui, pense avec reconnaissance à la période de sa scolarité.

« L’école m’a bien préparée à la vie », raconte Adriana María Ulabarry Zapata, gestionnaire agricole. Elle vient d’une communauté afrocolombienne dans laquelle elle dirige aujourd’hui la commission de la santé tout en produisant avec sa famille des plantes médicinales. «  Les débuts à Juan Tama ont été difficiles, se souvient-elle. Se lever Adriana (32 ans) est aujourd’hui chaque jour à quatre heures et être présente gestionnaire agricole. sur le terrain et en classe – c’était dur. » Mais Adriana insiste : « Je porterai toujours cette période dans mon cœur. » Éviter aux jeunes d’être recrutés

En Colombie, les minorités ethniques déjà vulnérables sont particulièrement menacées par la guerre civile. Les parrainages de Caritas aident les communautés menacées à s’engager pour leurs droits. Même si le soutien à Juan Tama se termine fin 2014, Caritas continue de s’engager dans ce domaine. Elle va œuvrer dans le département de Chocó, dans le nord-ouest, pour offrir un avenir aux jeunes Afro-Colombiens et indigènes et les empêcher d’être recrutés par des bandes criminelles, la guérilla ou les paramilitaires, parce qu’il n’y a pas d’autre perspective. ■

Texte : Dominique Schärer ; photos : Juan Tama, Daniel Rueda

Colombie : votre part d’un monde plus juste

Renforcer les minorités L’école professionnelle d’agriculture Juan Tama, dans le département du Cauca, propose à de jeunes Afro-Colombiens et indigènes une éducation scolaire secondaire et une formation agricole ­pratique. Comme l’école Juan Tama ne dépendra plus du soutien de Caritas, l’œuvre d’entraide ­déplace son aide dans le département de Chocó pour améliorer les chances d’avenir des enfants des communautés indigènes et afro-colombiennes de cette région. Bon à savoir : –  En 2014, quelque 180 enfants ont fréquenté l’école Juan Tama. –  Les frais d’enseignement se montent à 75 francs par élève et par mois. –  Dans le département de Chocó, presque 12 % de la population est indigène et 76 % sont afro-­ colombiens. ■ www.caritas.ch/enfants/colombie-ecole

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Jeun e, engagée, heureu se

Pour Miriam Cosentino (16 ans), les parrainages d’enfants de Caritas sont une partie seulement de son engagement pour les défavorisés. «  Il faut vivre soi-même la pauvreté pour pouvoir apprécier ce que l’on a.  » Ces paroles étonnent dans la bouche d’une adolescente de 16 ans. Mais quand on connaît mieux Miriam Cosentino, on se rend compte que ce sont les mots d’une jeune personne très engagée, avisée et attentive, avec un grand cœur. Avec leur parrainage qu’elles ont depuis 2010, ­M iriam Cosentino et sa sœur Sarah (15 ans) font partie des ­m arraines les plus jeunes de Caritas. Les jeunes filles avaient demandé ce parrainage pour Noël. « Déjà ­p etites, le mot paix se trouvait toujours sur leur liste de souhaits », se souvient leur père. « Une fois, j’ai même demandé une machine à coudre pour pouvoir faire des vêtements pour les enfants d’Afrique », se rappelle ­M iriam en riant. D ­ epuis lors, son engagement social et l’idée qu’elle se fait de son avenir sont devenus concrets.

« Il faut vivre soi-même la pauvreté pour apprécier ce que l’on a. » Après le ­souhaite continue dans un

­ g ymnase, Miriam, qui parle sept langues, étudier la médecine et suivre une formation en médecine alternative. Elle veut travailler pays en développement et au service des

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­ éfavorisés. « J’aimerais bien aider les autres », dit-elle d simplement. L’histoire de toute la famille est faite d’engagement : le père, originaire d’Italie, était lui-même bénévole auprès de personnes handicapées qu’il accompagnait dans leur quotidien. « C’est important pour chacun de nous de trouver un sens. La vie, ce n’est pas seulement posséder », dit-il avec conviction. La mère, qui vient du Portugal, a connu la pauvreté étant jeune : « Je sais ce que c’est que d’avoir faim. Je suis très reconnaissante que ça aille si bien aujourd’hui. » Parents et enfants apprennent les uns des autres

Miriam explique son engagement social en disant qu’elle l’a reçu dès la naissance. « Nos parents nous ont appris à traiter l’autre avec respect et amour et à nous montrer solidaires », dit-elle. Les parents soulignent qu’ils n’ont jamais imposé leurs convictions : « Nous donnons ce que nous vivons, et les enfants le sentent », explique le père. Dans cette famille très liée, les convictions s’échangent entre les générations : Miriam, qui aime les animaux et la nature, a convaincu ses parents de devenir végétariens. ■

Texte : Ulrike Seifart ; photo : Flurin Bertschinger/Ex-Press


Enfants des rues  ■ Bolivie

Enfants chassés en périphér ie La responsable des programmes en Bolivie, Esther Belliger, explique comment le travail avec les enfants des rues a changé dans la capitale La Paz.

En quoi la situation des enfants des rues a-t-elle changé à La Paz ?

Au centre de La Paz, on voit aujourd’hui beaucoup moins d’enfants des rues qu’autrefois. Il y a deux ­raisons à cela. Premièrement, la ville a mis en place des programmes d’occupation à leur ­intention. Des jeunes habillés en zèbres peuvent par exemple régler la circulation pour les écoliers. La deuxième raison est plus préoccupante : les enfants ­ partent dans les quartiers pauvres de la périphérie de La Paz ou dans la ville voisine d’El Alto où ils sont exposés à des bandes criminelles. Leurs conditions de vie y sont encore pires qu’au centre. Pourquoi ces enfants vont-ils à El Alto ?

De gros investissements ont été effectués à La Paz. Un centre commercial moderne a vu le jour. Le renchérissement massif des loyers a repoussé la population pauvre en périphérie et les enfants des rues ne sont plus tolérés. Comment le projet de Caritas s’adapte-t-il à la ­nouvelle situation  ?

Pour nos partenaires, il devient malheureusement de plus en plus dangereux de travailler à El Alto. C’est pourquoi nous misons de plus en plus sur la prévention et nous nous concentrons sur les enfants et adolescents contraints de travailler. Car à La Paz, près de 35 000 enfants travaillent comme domestiques ou dans la rue. Nous les aidons, pour qu’ils soient mieux informés de leurs droits et pour qu’ils puissent aller à l’école. ■ Texte : Dominique Schärer ; photos : DR, Fundación La Paz

Bolivie : votre part d’un monde plus juste

Une chance pour les enfants des rues En Bolivie, la Fundación La Paz, partenaire de ­Caritas, donne une chance aux enfants des rues et aux enfants qui travaillent par le biais de crèches, d’établissements préscolaires, de foyers et d’offres de scolarisation, de développement et de formation professionnelle. Bon à savoir : –  La Fundación La Paz, partenaire de Caritas, soutient chaque année 120 enfants et adolescents contraints de travailler, 60 enfants des rues et 300 enfants en bas âge. –  Les huit crèches constituent aussi un lieu protégé pour les enfants dont les parents travaillent. Le gouvernement local en a reconnu l’importance et va progressivement reprendre ces institutions et les développer. –  Il faut 4,50 francs par mois pour assurer les repas d’un enfant des rues. ■ www.caritas.ch/enfants/bolivie-rue

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Kinder von der Strasse  ■

Rwanda : votre part d’un monde plus juste

Protection et bienveillance À Kigali, la capitale du Rwanda, les filles des rues portent des habits de garçon et les cheveux courts. Elles évitent de dormir dans la rue, par crainte d’être violées. Celles qui n’ont plus de chez-soi dorment chez des copines ou des voisins. Les journées sont rudes aussi : elles doivent mendier ou travailler dur pour avoir de quoi manger. Le projet Abadacogora-­ Intwari, soutenu par Caritas Suisse, a débuté en 1984. Il comprend trois centres d’accueil pour les enfants

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des rues, un pour les filles, un pour les garçons et un centre mixte. Bon à savoir : –  Les trois centres accueillent actuellement 159 filles et 226 garçons de 6 à 17 ans. –  En 2014, 47 filles et 61 garçons ont réintégré l’école publique. –  Avec 188 francs, un enfant reçoit un repas chaud par jour durant une année. ■ www.caritas.ch/enfants/rwanda


Enfants des rues  ■ Rwanda

Li li an e se bat po ur so n aven ir Liliane passait ses journées dans la rue à ­mendier et à ramasser les chutes de scierie qu’elle vendait pour quelques sous. Elle a trois petits frères, tous de pères différents. Elle a été scolarisée grâce aux marraines et aux parrains de Caritas.

« Ma mère est indigente et gravement malade et mon père est un fou qui traîne dans la rue. Avec ma mère et mes frères, nous vivions au jour le jour et ne gagnions pas assez pour vivre. C’est pourquoi je suis partie dans la rue », raconte Mukeshimana Zawudjiya Liliane lors de notre visite à Kigali. Liliane est une fille calme et réservée de 12 ans. Le projet des enfants des rues d’AbadacogoraIntwari (« les courageux et les héros ») l’a aidée à quitter la rue. Après les cours d’alphabétisation, Liliane a été inscrite à l’école, avec une année de retard. D’autres enfants des rues perdent beaucoup plus de temps. Certains ne finissent l’école primaire qu’à l’âge de 17 ans.

lessive et j’aime porter des habits propres », explique Liliane. Elle habite maintenant chez sa grand-mère, car sa mère, qui survit de la mendicité et la prostitution, est rarement à la maison et laisse ses enfants livrés à euxmêmes. Liliane était d’abord une élève assidue, mais les conflits réguliers entre sa mère, qui voulait la récupérer, et sa grand-mère l’ont perturbée. Liliane est devenue irrégulière en classe et a raté les examens. Elle passait à nouveau des journées dans la rue et dormait parfois chez ses camarades. Chemin semé d’embûches

À cause de tous ces problèmes, Liliane est suivie de façon intensive par les assistants sociaux. Ils font aussi des visites familiales et ont initié un processus de médiation familiale. Ce n’est pas une tâche facile, mais Liliane sait que son avenir en dépend. Elle a promis qu’elle ne retournerait plus dans la rue et ne manquerait plus l’école. Durant son temps libre, elle fréquente à nouveau régulièrement le centre d’Abadacogora-Intwari, qui est en quelque sorte devenu sa deuxième maison. ■

Aller voir les enfants dans la rue

Les assistants sociaux d’Abadacogora-Intwari connaissent bien les endroits où vivent les enfants des rues. Ils vont leur parler et les invitent au centre. La journée y commence avec un entretien de groupe. Les enfants racontent comment ils ont passé la nuit. Diverses activités sont proposées, telles que des cours d’alphabétisation, des jeux, du bricolage et du sport. Et surtout, les enfants reçoivent un repas chaud par jour et lavent leurs habits au centre. « Mon activité favorite est de balayer et de faire la lessive. Je préfère porter des habits de garçon. Aujourd’hui, je porte une jupe, car je n’ai pas encore fait la Liliane porte un sac de chutes de scierie : un dur labeur mal payé. Texte : Katja Remane ; photo : Pia Zanetti

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« Enfants » 2015   Caritas


Enfants des rues  ■ Brésil

Br iser le cercle vi cieux de la rue Dinara a quitté sa famille à l’âge de 9 ans pour aller vivre dans les rues de Rio de Janeiro. Tout comme sa mère en son temps. Elle s’est réconciliée avec sa maman grâce à l’organisation des enfants des rues São Martinho, soutenue par Caritas. Les deux femmes veulent briser le cercle vicieux de la rue pour assurer un meilleur avenir à la petite fille de Dinara.

« J’ai quitté la maison à 9 ans. J’ai consommé de la drogue. Je frappais les gens et je volais pour aller faire du shopping. Mes frères étaient dans la rue et j’allais avec eux », raconte Dinara Almeida, qui, à 15 ans, est déjà maman d’une petite fille. « La rue a des mauvais côtés, mais il y a des bons moments aussi. Dans la rue, les enfants essaient de se divertir pour oublier les problèmes et la violence à la maison. Pour moi aussi, c’était comme ça. Ma mère se disputait souvent avec mon beau-père. » Raquel Almeida, la mère de Dinara, s’était elle aussi enfuie de la maison à l’âge de 9 ans pour aller vivre dans les rues. Raquel a quitté la rue à 16 ans, lorsqu’elle a rencontré le père de son premier fils. « Je pensais que ma vie allait s’améliorer, mais elle s’est empirée et je suis devenue l’esclave d’un drogué qui me battait », témoigne Raquel, 38 ans. « Mon homme a été arrêté et j’ai dû aller travailler. Cinq enfants sont nés l’un après l’autre. Je laissais les plus âgés veiller sur les 18  Caritas   « Enfants » 2015

plus jeunes. L’aîné avait déjà connu la rue, alors il a emmené ses frères et sœurs. On est le miroir de nos enfants, ce que j’ai fait hier, ma fille l’a reproduit. » Prendre le chemin ensemble

Dans les rues de Rio de Janeiro, Dinara a rencontré les assistants sociaux de l’association São Martinho. Ils vont à la rencontre des enfants des rues chaque matin et leur apportent à manger et à boire. « L’animatrice m’a dit : viens au centre pour prendre une douche et on va discuter et mettre en ordre ta vie. Elle a appelé l’école de basketball et il y avait une place dans l’équipe pour moi », se souvient Dinara. « Ensuite, je suis rentrée à la maison et j’ai enlacé ma mère, très fort. Ma famille est la meilleure du monde. » Aujourd’hui, Dinara vit chez sa mère qui garde sa petite fille lorsqu’elle s’entraîne à l’école de basketball. Ensemble, et avec l’aide de São Martinho, les deux femmes feront tout pour briser le cercle vicieux de la rue. « Il y a des hauts et des bas dans la famille, mais on est en train de réussir. » ■

Film « Dinara retrouve sa famille »

Le cinéaste Florian Kopp a tourné une vidéo sur le retour de Dinara dans sa famille, sur les enfants des rues de Rio de Janeiro et sur le travail de l’organisation partenaire de Caritas São Martinho. ■

www.caritas.ch/video-enfantsrues

Grâce au basketball, Dinara a retrouvé un sens à sa vie. Elle fera tout pour que sa petite fille ne finisse pas dans les rues, comme elle. Texte : Katja Remane ; photo : Florian Kopp


Brésil : votre part d’un monde plus juste

Un meilleur avenir que la rue La majorité des enfants des rues de Rio de Janeiro sont noirs ou métis et ont entre 10 et 17 ans. En moyenne, ils restent cinq ans dans la rue. São Martinho a été fondée en 1984 à Rio de Janeiro, avec le soutien de Caritas Suisse. Le but est de sortir les enfants de la rue et de les réintégrer dans les familles et à l’école. L’ONG aide aussi les jeunes des milieux défavorisés à trouver une place d’apprentissage. Au nord et au nord-est du Brésil, ­Caritas soutient les enfants et adolescents menacés avec le programme PIAJ (Programa Infância, ­Adolescência e Juventude). Bon à savoir : –  São Martinho distribue plus de 230 sandwichs et en-cas par jour aux jeunes défavorisés. –  Les assistants sociaux ont rencontré 360 enfants des rues en 2013, 288 en 2012 et 381 en 2011. –  Le projet a fourni une place d’apprentissage à 738 jeunes des milieux défavorisés en 2013. ■ www.caritas.ch/enfants/bresil

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« Enfants » 2015   Caritas


« Le s lettre s d’enfants so nt de s déclaratio ns d’amou r »

L’écrivain suisse Franz Hohler a consacré de nombreux ­ouvrages aux enfants. Il évoque la force de leur imagination et leur élan vital. Franz Hohler, vous avez écrit beaucoup de livres pour enfants et vous vous produisez devant des enfants. Qu’est-ce que ce public a de fascinant ?

Les enfants des projets de Caritas sont confrontés à la pauvreté, à la guerre, à la rue. De quoi ont-ils besoin pour ne pas perdre leur élan vital ?

Ce qui me fascine toujours, c’est la mobilité du monde des enfants. Les règles de la réalité que nous autres adultes croyons connaître ne sont pas encore bien établies pour eux. Dans leur vision du monde, il y a de la place pour les surprises magiques. Il se pourrait qu’un nain habite là dehors. Chaque histoire crée un monde possible. Je partage le ravissement des enfants devant le grotesque et l’absurde.

En premier lieu, la même chose que n’importe quel autre enfant : des gens qui les aiment – leurs parents, des frères et sœurs ou leurs grands-parents. C’est ce dont un enfant a le plus besoin. Un enfant qui peut compter sur ses proches est mieux armé contre l’adversité. Mais il est évident que les enfants confrontés à la guerre ont besoin de paix, que les enfants affamés ont besoin de nourriture, que les enfants sans instruction ont besoin d’écoles. Si nos organisations d’entraide peuvent y contribuer, c’est hautement bienvenu. Il est important qu’elles collaborent avec de bonnes structures locales et qu’elles procèdent avec la plus grande prudence, pour que l’aide arrive à destination.

Vous avez dit une fois : « Les histoires sont pour nous un besoin aussi fondamental que boire et manger. » Est-ce que cela s’applique particulièrement aux enfants ?

Oui, les histoires font partie des aliments de base. Elles constituent un prolongement de la réalité, une deuxième réalité dans la tête qui peut se répercuter sur la première réalité. Les enfants y sont particulièrement réceptifs. En Bolivie, une écolière m’a demandé : « Me regalas una historita – tu m’offres une petite histoire ? » J’ai trouvé beau qu’on considère une histoire comme un ­cadeau. 20  Caritas   « Enfants » 2015

« Votre part d’un monde plus juste », tel est l’objectif des parrainages d’enfants de Caritas. En quoi les histoires et l’imagination peuvent-elles y contribuer ?

Elles peuvent encourager les enfants à croire en un monde plus juste et à s’engager dans ce but. Il ne faut pas sous-estimer l’imagination comme moteur de l’action. Ceux qui ont de l’imagination cherchent d’autres Texte : Dominique Schärer ; photo : Christian Altorfer


solutions que ceux qui semblent privilégier la réalité. Franz Kafka a déclaré à propos de la Première Guerre mondiale qu’elle avait résulté d’un terrible manque d’imagination. Vous recevez beaucoup de lettres d’enfants. Qu’estce qui vous touche tout particulièrement ?

Je suis toujours touché que des enfants écrivent. Car c’est un gros effort pour un enfant de s’asseoir et d’écrire. Les lettres d’enfants sont de vraies déclarations d’amour, qui n’aime pas en recevoir ? Un jour, un garçon m’a écrit qu’il était content de savoir que je n’étais pas encore

« Il ne faut pas sous-estimer l’imagination comme moteur de l’action. » mort, parce que ça me permettrait d’écrire un troisième tome de Tschipo. Et depuis mon livre en vers « Es war einmal ein Igel » (Il était une fois un hérisson), je reçois beaucoup de vers. Une fillette de 6 ans a écrit : « Es war einmal ein Hase, der hatte eine Nase, die war ein bisschen krumm, das fand der Hase dumm. » (Il était une fois un

lapin au tarin un peu tordu, le lapin trouvait ça gnolu.) Génial ! L’une de vos chansons les plus connues est celle du tram qui arrive en Afrique plutôt qu’à Zurich-Oerlikon. Un symbole contre l’attitude de rejet de la Suisse ou un plaidoyer pour plus d’imagination ?

C’est en premier lieu l’histoire d’un tram qui roule vers une tout autre destination que prévu. C’est l’histoire d’une ouverture radicale des frontières, oui, mais elle comporte finalement aussi un désir profond : peut-être les gens vivent-ils tout autrement que nous en Afrique, peut-être ont-ils des valeurs moins étroites ? Un désir profond d’une plus grande vitalité. ■

Franz Hohler

est chansonnier, conteur, auteur de romans et de livres pour enfants. Il a reçu de nombreux prix et son œuvre a été traduite dans p ­ lusieurs langues. Franz Hohler est âgé de 72 ans et vit à Zurich. ■

www.franzhohler.ch

La colombe Une colombe qui survolait une région en guerre fut happée par la pale du rotor d’un hélicoptère de combat. L’une de ses belles plumes blanches flotta jusque dans la cour d’une maison où un enfant la ramassa. Peu après, les grands-parents et la mère durent prendre la fuite avec l’enfant. « Nous n’emportons que le strict nécessaire », déclara la mère en fourrant quelques habits dans une valise avec des documents, un peu d’argent et quelques bijoux. Le grand-père remplit deux bouteilles d’eau, la grand-mère emballa le dernier bout de pain, quelques pommes et un morceau de chocolat. L’enfant prit la plume. Librement traduit de : « Das Ende eines ganz normalen Tages », btb Verlag, 2010

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« Enfants » 2015   Caritas


Lebensmut für Enfants  ■ Kuba

Bolivie : votre part d’un monde plus juste

Un avenir pour les enfants ­abandonnés Cochabamba, la troisième plus grande ville de Bolivie, s’est étendue ces dernières années à une vitesse fulgurante. Le fait que beaucoup de nouveaux arrivants ne trouvent pas de travail entraîne de gros ­problèmes sociaux et il n’est pas rare que des enfants en bas âge soient abandonnés. Infante veille à leur assurer un avenir.

22 Caritas « Enfants » 2015

Bon à savoir : –  En 2013, douze garçons et huit filles ont été admis dans le programme d’Infante. Quatre enfants ont pu retourner dans leur famille d’origine, six ont été placés dans un foyer, deux ont été adoptés et huit vivent dans des familles d’accueil. –  500 enfants ont suivi des programmes de prévention chez Infante. –  Avec 50 francs, on peut acheter des médicaments pour un enfant ou financer des activités de loisir pour trois enfants. ■ www.caritas.ch/enfants/bolivie-force


Force de vie  ■ Bolivie

Un e no uvelle fam ille po ur Yara et Andrés Andrés, 17 ans, et sa sœur Yara, 13 ans, sont des adolescents très éveillés. Leur statut ­d’enfants adoptés ne fait pour eux aucune ­différence. Ils sont frère et sœur par l’amour qu’ils portent à leurs parents adoptifs.

« Après la naissance de notre fils aîné Samuel, mon mari et moi souhaitions d’autres enfants. Nous avons aussi évoqué la question de l’adoption, parce que nous étions conscients que, dans notre pays, de nombreux enfants n’ont pas de famille pour s’occuper d’eux », raconte Celia Sara Jordán de Green. Au contact d’Infante, une organisation partenaire de Caritas, ils ont été confortés dans l’idée qu’une adoption était le bon choix pour eux. Samuel a aussi été associé à cette décision importante. Il a promis de faire bien attention à son « nouveau » petit frère. « Nous sommes tous tombés amoureux d’Andrés dès que nous l’avons vu », se souvient Celia. Quatre ans plus tard, ils se sont mis à disposition comme famille d’accueil pour une fillette de sept mois. Infante a pris contact avec eux, parce que la première mère nourricière était tombée malade. L’organisation examine très soigneusement, de cas en cas, si l’enfant peut retourner dans sa famille d’origine. Comme ce n’était pas envisageable pour Yara, la meilleure solution a pris la forme d’une adoption dans la famille Jordán de Green qui portait déjà la petite fille dans son cœur.

mille biologique ou adoptive. C’est peut-être parce que j’ai été adopté très jeune », déclare Andrés. « Il faudrait faire mieux savoir que ce n’est pas simplement le sang qui lie les enfants à leurs parents, mais surtout l’amour », renchérit la jeune Yara. Et d’ajouter qu’elle est fière d’être une fille adoptée. Pourtant, elle aimerait bien faire la connaissance de ses vrais parents et leur demander pourquoi elle n’a pas pu rester chez eux. Par contre, son frère Andrés ne souhaite pas rencontrer ses parents biologiques, du moins pas encore. Tandis que Samuel, le fils aîné, étudie la psychologie, Andrés et Yara vont au gymnase. Tous les trois sont bilingues, parce que leur père, d’origine nord-américaine, leur a toujours parlé anglais. Leur mère a fondé avec le soutien d’Infante une organisation nationale de parents adoptifs qu’elle préside aujourd’hui : « J’espère qu’à l’avenir, davantage de filles et de garçons abandonnés pourront grandir entourés d’amour, d’affection et de respect dans une famille qui les protège. » ■

Le sang n’est pas déterminant

Ce qu’Andrés et Yara ont à dire aujourd’hui au sujet de leur condition d’enfants adoptés est impressionnant : « Pour moi, ça ne fait aucune différence d’avoir une faPour Andrés et Yara, ce n’est pas le sang qui lie enfants et parents, c’est l’amour. Texte : Stefan Gribi ; photos : Infante, DR

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« Enfants » 2015   Caritas


Force de vie  ■ Tadjikistan

De s enfants à l’école de la d iversi té Grâce aux marraines et parrains de Caritas, des enfants handicapés peuvent fréquenter une école tout à fait normale au Tadjikistan. Tout le monde en profite : les enfants handicapés et les non handicapés.

Autrefois au Tadjikistan, les parents cachaient leurs enfants handicapés au public ou les plaçaient à l’écart dans des foyers. Les choses ont changé, notamment grâce à l’engagement de l’organisation Sitorai Umed (« étoile de l’espoir »), partenaire de Caritas. « Aujourd’hui, ces familles sont ouvertes et conscientes de leur valeur », affirme Umeda Asadova, déléguée de Caritas Suisse au Tadjikistan. L’histoire de Buzurgmehr, 8 ans, le montre. Il n’a appris à marcher qu’à l’âge de 3 ans et avait beaucoup de peine à parler. Livrés à eux-mêmes, les parents étaient débordés. Les choses ont changé quand la famille a reçu du soutien. Grâce à la physiothérapie et à la logopédie, les parents ont découvert comment ils pouvaient stimuler leur

fils. Buzurgmehr n’a pas tardé à fréquenter le jardin ­d’enfants intégratif du projet de Caritas. Là-bas, il a ­appris à s’habiller tout seul, à jouer avec d’autres enfants et a ­repris confiance en lui. Aujourd’hui, le garçon reçoit­ l’appui nécessaire dans l’apprentissage de l’écriture, du dessin et de la parole. C’est un élève appliqué et enthousiaste. « Aujourd’hui, Buzurgmehr aide même d’autres enfants », relèvent ses parents. « L’école intégrative le montre : les enfants apprennent tellement les uns des autres », déclare Umeda Asadova. Les familles d’enfants en bonne santé en profitent également : « Ici, notre fils a appris à assumer une responsabilité vis-à-vis d’autrui », témoigne un père d’élève. ■

Tadjikistan : votre part d’un monde plus juste

Intégrer les enfants handicapés À Douchanbé, la capitale du Tadjikistan, deux écoles et deux jardins d’enfants de l’organisation Sitorai Umed intègrent les enfants handicapés dans des classes « normales ». Pour ce faire, une formation est dispensée aux enseignants, parents, travailleurs sociaux et bénévoles. Le travail d’information vis-à-vis de l’opinion publique a considérablement amélioré la situation des enfants et le modèle connaît un tel succès que d’autres écoles veulent aujourd’hui reprendre la méthode.

24  Caritas   « Enfants » 2015

Bon à savoir : –  Environ 80 % des parents participent à des formations continues et à des ateliers. –  Quinze à vingt enseignant(e)s d’autres écoles suivent chaque année une formation pour la ­méthode de promotion intégrative. –  Avec 100 francs suisses, quatre enfants handicapés peuvent être intégrés à l’école ordinaire. ■ www.caritas.ch /enfants/tadjikistan

Texte : Dominique Schärer ; photo : Sitorai Umed


Force de vie  ■ Cuba

Bien débuter dans la vie Salet María est atteinte du syndrome de Down. Malgré son handicap, la petite Cubaine de 2 ans est déjà très éveillée, grâce au programme « apprendre à grandir » de Caritas.

Salet María Muñoz Quesada a intégré le programme de promotion précoce de Caritas peu après sa naissance. Ses parents l’ont inscrite dès le diagnostic du syndrome de Down. Chaque matin, le père emmène sa fille en bicyclette au « cercle des enfants », où elle fait de la physiothérapie, de la gymnastique, des jeux et d’autres activités éducatives avec un groupe d’enfants de son âge souffrant d’un handicap mental. Sa mère vient la Salet María, 2 ans, est joyeuse. chercher à seize heures. À la maison, elle joue avec sa grande sœur de 5 ans et les enfants du voisinage. Écoles pour parents

Les parents s’occupent beaucoup de Salet María et stimulent son développement. Le projet « promotion précoce d’enfants souffrant d’un handicap mental » de Ca­ ritas part du constat que les capacités d’apprentissage des enfants sont plus élevées si l’on commence dès leur plus jeune âge. Pour cette raison, Caritas organise des « écoles pour parents » où les mères et pères d’enfants handicapés échangent leurs expériences et sont conseillés par des psychologues et médecins. Caritas motive les parents à créer des réseaux avec d’autres familles et organise un service de bénévolat comprenant des parents et spécialistes. Ceci permet de pallier les lacunes de l’offre étatique. ■ Texte : Katja Remane ; photos : Caritas Cuba, Pia Zanetti

Cuba : votre part d’un monde plus juste

Promotion précoce des enfants ­handicapés Les marraines et parrains de Caritas soutiennent la promotion précoce d’enfants souffrant d’un handicap à Cuba. Les écoles pour parents les sensibilisent aux besoins spécifiques de leurs enfants. Dans sa nouvelle phase, le projet se concentrera sur les enfants atteints d’un handicap mental dans sept diocèses de Cuba. Bon à savoir : –  Les fiches d’information sur la promotion précoce des enfants souffrant d’un handicap mental pour dix familles coûtent 20 francs (peu de Cubains ont accès à Internet). –  Quarante francs permettent d’acheter cinq à huit jeux et livres didactiques. –  Plus de 400 bénévoles, dont des spécialistes, soutiennent le programme. ■ www.caritas.ch/enfants/cuba

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« Enfants » 2015   Caritas


Force de vie  ■ Palestine

Oubl ier un peu l’ép ouvante Bombes. Mort. Destruction. Les enfants palestiniens de la bande de Gaza doivent apprendre à vivre avec cela. En été 2014, la guerre entre Israël et le Hamas a de nouveau apporté de grandes souffrances aux victimes innocentes du conflit. Caritas aide les enfants à surmonter leurs expériences traumatisantes.

Samiya a peur et elle souffre Samiya (9 ans) a été sévèrement blessée lors du bombardement de sa maison, et les médecins ont dû lui enlever la rate, un rein et une partie de l’urètre, et l’amputer d’un doigt. Samiya souffre de douleurs dans le bas-ventre et elle cache ses mains sous ses vêtements. Elle a des crises de panique, d’hyperventilation et d’anxiété.

Samed et Bessan veulent retourner à la maison Samed (9 ans) et Bessan (3 ans) ont eu de la chance : ils ont pu fuir les bombes et se sont réfugiés avec leurs parents et 35 autres réfugiés dans une école. Au début, ils n’avaient rien à manger. Ensuite, ils ont reçu une ration de deux morceaux de pain par jour, avec parfois une boîte de conserve. Samed a profité d’une brève incursion dans leur ancienne maison pour emporter un animal en peluche qu’il peut maintenant enlacer pendant la nuit. Mais Bessan n’arrive pas à retrouver la paix et a recommencé à mouiller son lit. Les deux enfants voudraient retourner à la maison. Ils demandent sans arrêt à leur mère quand ils pourront y retourner.

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Texte : Jörg Arnold ; photo : Virginie Nguyen Hoang/Caritas France


Palestine : votre part d’un monde plus juste

Aide aux enfants traumatisés

Haneen a perdu ses sœurs Dina est infirmière dans un hôpital à Gaza. Elle raconte sa journée du 5 août 2014 : « La petite Haneen, huit ans, est arrivée avec une main à moitié arrachée. La petite se tenait parfaitement tranquille. Elle avait le visage tellement enflé par les brûlures qu’elle n’arrivait plus à ouvrir les yeux. Elle m’a juste dit que sa main lui faisait mal. Et elle m’a demandé des nouvelles de son père et de ses deux sœurs. Son père était là, mais je n’ai pas pu lui dire que l’une de ses sœurs était morte. Et ensuite, lorsque son autre sœur a été retrouvée morte dans les décombres elle aussi, je n’ai rien pu dire. Toutes deux avaient moins de quatre ans. »

Nour est marqué à vie Nour a trois ans et demi. Une bombe a détruit sa maison et il est resté enseveli avec ses frères et sœurs, sa mère et sa grand-mère. Il a subi des ­brûlures au visage, à la tête et au bras droit, et une blessure au ventre. Aujourd’hui, Nour est constamment nerveux, il n’arrive pas à se concentrer et il se cramponne à son père.

Le partenaire palestinien de Caritas, le « Youth Enhancement Center » (YEC), qui prend en charge des enfants traumatisés par la guerre grâce au soutien des marraines et parrains de Caritas, gère trois centres dans la bande de Gaza, à Jabalia, Beit Lahia et Beit Hanoun. Dès le début des frappes israéliennes de l’été 2014, le centre de Beit Hanoun a été complètement détruit. Le centre provisoire monté à la hâte a lui aussi été la cible des bombardements. La violence des frappes a fait sortir les portes de leurs gonds et cassé toutes les fenêtres. Dans le bâtiment, une bombe qui n’avait pas explosé est restée là pendant plusieurs jours avant que les spécialistes de l’ONU ne la désamorcent et sécurisent ainsi le centre thérapeutique. Pour aider les survivants au mieux, les collaboratrices et collaborateurs du YEC essaient de prendre en charge les enfants traumatisés et leurs familles directement sur leur lieu d’hébergement. La prise en charge psychosociale des enfants traumatisés de Gaza est plus importante que jamais pour amoindrir la détresse psychique et surmonter l’horreur de la guerre. Bon à savoir : –  Selon une estimation du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, 377 000 ­enfants ont besoin d’une prise en charge psychosociale. –  La prise en charge psychosociale de Caritas et de ses partenaires touche 5000 enfants et leurs familles. –  Un mois de prise en charge psychosociale coûte 32 francs par enfant. ■ www.caritas.ch /enfants/palestine

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« Enfants » 2015  Caritas


Force de vie  ■ Philippines

Stopper le trafic d’enfants Comment éviter que les enfants ne soient ­victimes du trafic d’enfants? Stephanie ­Ricablanca, travailleuse sociale et mère d’un fils de 4 ans, fait un travail de prévention dans la grande ville de Cebu.

Stephanie, à quoi ressemblent vos journées de travail ?

Je quadrille les rues pauvres du quartier chaud de Lapu Lapu et je parle aux enfants des rues. Mon job est de les informer des dangers de l’exploitation et de leur éviter de tomber entre les mains des trafiquants d’enfants. Je parle avec les enfants et aussi avec leurs parents.

Quels sont les risques exactement pour les enfants ?

Beaucoup d’enfants sont abusés sexuellement ou forcés de travailler pour l’industrie de la pornographie sur Internet. Souvent, ce sont les parents eux-mêmes ou les personnes de référence qui poussent les enfants – souvent des filles, mais aussi les garçons – dans cette situation. Les trafiquants sont des hommes d’affaires et des politiciens philippins, mais aussi américains, japonais et d’autres nationalités. Comment vivent ces enfants abusés ?

Ils vivent dans la rue, sont souvent atteints de maladies vénériennes. Ils sont traumatisés par leur vécu et souffrent en général de sentiments de culpabilité. Ils ont souvent perdu toute confiance en eux-mêmes.

Dans les destinations de passage et touristiques, le trafic d’enfants est particulièrement développé.

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Texte : Stefan Gribi ; photos : Andriu Deflorin, FORGE, DR


Est-il difficile d’établir le contact avec ces enfants ?

Nous mettons l’accent sur la prévention. Nous essayons d’aborder les enfants des rues le plus tôt possible. Certains refusent de nous parler. Mais quand nous leur montrons combien l’abus sexuel peut leur faire du mal, ils comprennent pourquoi nous les cherchons. Nous les motivons pour qu’ils n’arrêtent pas l’école et les encourageons à refuser les propositions alléchantes et trompeuses qu’on peut leur faire. Le trafic d’enfants s’est-il aggravé depuis le typhon Haiyan ?

Nous avons entendu parler de cas dans les régions touchées où les trafiquants d’enfants se faisaient passer pour des groupes religieux. Difficile de dire si le trafic a pris de l’ampleur ou pas, mais je peux vous assurer que nous faisons tout pour protéger autant d’enfants que possible par notre travail. Quelle est votre motivation pour ce travail difficile ?

Ma propre expérience. J’ai moi-même été abusée lorsque j’étais enfant et j’ai enduré beaucoup de choses. À l’époque, j’ai trouvé de l’aide. On m’a montré que j’étais une victime, que je n’étais pas coupable, que ces choseslà arrivaient. J’ai pu me relever et terminer mon éducation. Je veux transmettre mon expérience et protéger d’autres enfants de ce vécu douloureux. ■

Concernant les photos

Conformément à la législation philippine et pour protéger les ­enfants menacés par le trafic d’êtres humains, cette double page ne montre aucun enfant de face.

Philippines : votre part d’un monde plus juste

Lutter efficacement contre le trafic d’enfants Dans sa lutte contre le trafic d’enfants, Caritas se concentre sur la région très peuplée de Cebu. Ses partenaires sont des organisations très expérimentées dans le domaine du trafic d’enfants : la SACMI et la FORGE. La FORGE travaille surtout sur les destinations de passage et de tourisme, comme Lapu Lapu, où le risque est particulièrement élevé. Grâce à une étroite collaboration avec les compagnies de navigation et de bus, on identifie plus ­rapidement les cas de trafic d’enfants et on peut les éviter. Bon à savoir : –  Caritas et son partenaire la SACMI font un travail d’information auprès de quelque 23 000 parents et enfants et mettent sur pied des réseaux de voisinage dans huit quartiers de Cebu. –  Avec 50 francs, on peut offrir deux jours de cours de prévention contre le trafic d’enfants à un groupe de protection de dix membres. ■ www.caritas.ch/enfants/philippines

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« Enfants » 2015   Caritas


Lebensmut für Kinder  ■

Colombie : votre part d’un monde plus juste

Les enfants essaient de sortir de la violence Dans les quartiers pauvres de Medellín, le partenaire de Caritas s’engage pour que les enfants puissent terminer leur scolarité, ne passent pas leur temps libre à traîner dans la rue et soient protégés des bandes armées, des paramilitaires et de la guérilla. En 2014, on a pu conclure une collaboration de longue haleine avec le centre de quartier de Crear Jugando, qui poursuit le même but à Bogotá, parce que le projet dispose désormais de suffisamment d’autres partenaires.

30  Caritas   « Enfants » 2015

Bon à savoir : –  88 enfants participent chaque semaine à des ­rencontres qui leur permettent de parler de leur expérience de la violence et qui les soutiennent dans leur développement. –  Le salaire d’un professeur de capoeira s’élève à 8391 francs par an. –  En 2014, le projet a bénéficié à quelque 350 ­enfants. ■ www.caritas.ch/enfants/colombie-force


Force de vie  ■ Colombie

« La guer re dans le s rues » Geiber, 12 ans, vit dans le quartier de Calasanz à Medellín. Avec ses parents et sa sœur, il a fui la violence qui contaminait son ancien lieu de domicile. Dans ses loisirs, Geiber fréquente le centre de Combos, partenaire de Caritas, où il pratique avec bonheur la capoeira et le ­tambour.

que ma sœur ou ma mère revienne à la maison. Sinon, je fais mes devoirs, je vais jouer au foot avec mes copains ou je me rends au centre de quartier Combos. Ce que je préfère là-bas, c’est la musique. Avec mon copain Julián, je joue du tambour et s’il y a une séance de capoeira, je suis heureux. Nouveau quartier

«

Je m’appelle Geiber Palacios Hurtado et j’ai 12 ans. Je vis dans le quartier de Calasanz à Medellín, avec mes parents, ma sœur et ma nièce. Ma mère travaille comme femme de ménage, mon père est gardien. En semaine, je me lève à cinq heures du matin, je déjeune et je vais à l’école. Je suis en cinquième, je suis bon en maths. Je voudrais étudier la médecine et devenir médecin. À treize heures, l’école est finie. Souvent, je ne rentre pas directement à la maison, je vais d’abord chercher ma nièce à la crèche. Ces jours-là, je m’en occupe jusqu’à ce

Le soir, on regarde encore un peu la télé et vers dix heures, je vais me coucher. Parfois, dans le quartier, il y a du bruit jusque tard dans la nuit. Pourtant, nous sommes très contents d’habiter ici malgré les nombreuses bagarres dans la rue. Nous avons déménagé il y a sept ans et ici, je n’ai encore jamais eu de problèmes. À Va­lle­juelos, où nous habitions avant, on vivait carrément au milieu d’une guerre des rues. La nuit, on devait se cacher dans les toilettes pour ne pas être touchés par une balle perdue. C’est pour cela qu’on a fui le quartier et qu’on est venu vivre ici. ■

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Une journée de la vie de Geiber (12 ans) : football, école, musique, famille.

Texte : Dominique Schärer ; photos : Luca Zanetti

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« Enfants » 2015   Caritas


Ques tions de s parrains – répo nses de s enfants Quel est ton jouet préféré ?

Sandra Galliker (41 ans) et ses fils Julius (8 ans, à gauche) et Lorenz (10 ans) voudraient savoir quel est le jouet préféré des enfants.

Aimé « Sage » Habaguhirwa (14 ans), Rwanda « J’aime tout ce qui est rond. Ballon de foot, billes, balles de tennis. »

Stephanie Sissiet (8 ans), Brésil « Mon vélo rose est la chose que je préfère au monde. »

Kevin Eduardo Soto Blandón (13 ans), ­Nicaragua « Mon ballon, car on s’amuse bien, mes copains et moi. »

Que souhaitez-vous savoir à propos des enfants qui font partie des projets de ­parrainage de Caritas? Posez vos questions par courriel à parrainages@caritas.ch ou envoyez-nous une carte postale. Caritas Suisse, Parrainages Adligenswilerstrasse 15 Case postale CH-6002 Lucerne

Téléphone : +41 41 419 22 22 Téléfax : +41 41 419 24 24 Courriel : parrainages@caritas.ch

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