Magazine « Enfants 2013 » de Caritas Suisse

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Enfants

Mars 2013

Rapport pour les marraines et parrains

Les enfants à l’école : le courage d’entreprendre

Les enfants des rues : qui veut s’en débarrasser ?

Force de vie : offrir sécurité et confiance


Sommaire 4 ■ Bangladesh Le petit miracle de Malabor 6 ■ Colombie «L’école, c’est mon bonheur» 7 ■ Ouganda De l’élève modèle à l’enfant à problèmes 8 ■ Haïti et Tchétchénie Le chemin vers l’indépendance passe par l’école 11 ■ Éthiopie «Comment enseigner à une classe de 60 élèves ?» 12 ■ Nicaragua Plus d’école et moins de travail 14 ■ Portrait d’un donateur «Un brin de justice» 15 ■ Bolivie «Je veux quitter la rue» 16 ■ Brésil Les enfants sont-ils bons à jeter ? 18 ■ Rwanda Réintégrer la famille 20 ■ Interview «Tout enfant a besoin d’amour et de sécurité matérielle» 22 ■ Cuba «Mon enfant a sa place quelque part» 24 ■ Philippines La fin du cauchemar 26 ■ Tadjikistan «Les parents cachaient les enfants handicapés» 28 ■ Bolivie «L’important est d’avoir une famille» 29 ■ Palestine La peur et la pauvreté dévorent les âmes 30 ■ Colombie «Pour toi, il n’y a pas de retour» 32 ■ Questions des parrains – réponses des enfants 2  Caritas   «Enfants» 2013

Le monde vu par un enfant des rues du Rwanda.

Photo de couverture : Pia Zanetti ; Rédaction et conception : Caritas Suisse ; Papier : Carisma Silk, 100 % recyclé


Un monde plus ju ste pas à pas Chère marraine, Cher parrain, Quel genre d’arbre donne un jeune plant qu’on piétine jour après jour ? Quel genre d’adultes deviennent les enfants qui souffrent de la faim, qui subissent la violence, qui ne vont pas à l’école et qui intègrent l’idée qu’ils n’ont aucune valeur ? La misère et la détresse creusent un profond sillon dans le cœur de ces petits qui, un jour, devront pourtant mener une vie autonome et prendre soin d’eux-mêmes, ainsi que de leurs familles. «Il faut absolument lutter contre la discrimination et contre la pauvreté. Quel avenir offre-t-on aux enfants qui sont marginalisés ?», demande dans cette brochure la sage-femme et conseillère aux États Liliane Maury Pasquier, elle-même mère de quatre enfants et grandmère de cinq. Et d’ajouter : «La pauvreté est l’une des plus grandes violences faites aux enfants.» Vous, chère marraine, cher parrain, avez une réponse à donner à Madame Maury Pasquier. Vous refusez cette fatalité. Par le biais d’un parrainage ou même de plusieurs, vous vous engagez pour que des enfants trouvent la protection, l’amour et l’aide nécessaires. Nous vous donnons un aperçu varié et plein de vie des projets pour enfants de Caritas. Des enfants témoignent de leur propre histoire ; des collaborateurs ­exposent les défis et les succès rencontrés dans le cadre des projets. C’est une brochure haute en couleurs qui vous montre la vie des enfants, avec leurs joies, leurs peines, leur confiance. Je me réjouis que vous puissiez ainsi prendre part à la vie de vos filleuls et découvrir ce que nous ­faisons de vos contributions de parrainage. Et je vous remercie de tout cœur pour votre généreux soutien. Therese Burach Parrainages d’enfants 3

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Les enfants à l’école  ■ Bangladesh

Le peti t m iracle de Malabor Les journées de Surji Rani sont bien remplies : de 7 à 9 heures du matin, cette jeune fille de 15 ans coud des vêtements ; de 10 à 15 heures, elle va à l’école, puis elle se consacre à la production de lombricompost, avant de se remettre à la couture. « Le succès est la récompense d’un bon travail », estime la jeune entrepreneuse de Malabor, une localité du Bangladesh.

écoles du CMES (Center for Mass Education in Science) soutenues par les parrains et marraines de Caritas. Cet événement a changé le cours de sa vie. «Ce n’est pas une école ordinaire», souligne Surji. «On m’a enseigné que les filles peuvent elles aussi être indépendantes. Ensuite, j’ai appris à confectionner des habits et à produire des engrais pour l’agriculture en élevant des vers.» Une issue à la pauvreté

L’atelier de couture et la production d’engrais organiques lui rapportent 70 francs par mois. Un montant honorable au Bangladesh. Surji Rani en investit une partie dans son fonds de commerce pour l’achat d’une nouvelle machine à coudre et de tissu au mètre qu’elle commande à un commerçant de la ville. Elle en consacre une autre partie à sa propre formation, car elle finance elle-même la taxe pour ses études seconLa jeune entrepreneuse Surji daires. Enfin, elle souRani est un exemple pour tient sa famille par un les jeunes femmes de son village. montant mensuel de 12 francs. «Depuis, mes parents me demandent conseil avant d’effectuer des achats d’une certaine importance», raconte fièrement Surji. La valeur d’une jeune fille

Le parcours de Surji était tout sauf tracé d’avance. En tant que fille d’un paysan pauvre qui peinait à nourrir les neuf membres de sa famille, elle avait peu de chances d’échapper au cercle vicieux de la pauvreté et de la misère. Mais à l’âge de 11 ans, Surji a été admise dans l’une des 4  Caritas   «Enfants» 2013

À côté de la lecture, de l’écriture et du calcul, ce sont ces cours pratiques qui ont insufflé l’esprit d’entreprise à Surji dont le parcours a rapidement été couronné de succès. «Je savais par mon père ce que coûtent les engrais chimiques. L’engrais de lombricompost que j’ai appris à produire à l’école fonctionne tout aussi bien. Et il est beaucoup plus avantageux. C’est ma grand-mère qui m’a prêté l’argent pour la première production. Au début, elle était sceptique. Mais ça a fonctionné et je peux vendre l’engrais à un bon prix.» L’esprit d’entreprise

Surji a aussi fait preuve de beaucoup de talent d’entrepreneuse quand il s’est agi de monter son atelier de couture. Elle s’est confrontée à la question de la concurrence et a réfléchi à l’importance de la mode : «Ça coûte cher d’aller en ville, mais c’est seulement là-bas qu’on trouve des habits avec des couleurs et des motifs à la mode. J’achète une belle étoffe et je confectionne ces habits pour les femmes du village.» Du haut de ses 15 ans, Surji Rani est un exemple pour beaucoup d’autres filles et jeunes femmes de son village. Et elle ajoute, sans ­aucune arrogance : «Je les encourage toutes à aller à l’école et à développer leurs capacités.» ■ Son propre atelier de couture, sa propre production de compost : Surji Rani prend sa vie bien en main. Texte : Jörg Arnold ; Photos : Maja Hürlimann / Caritas Suisse


Bangladesh : Votre part d’un monde plus juste

Les petites entrepreneuses Les parrainages d’enfants de Caritas soutiennent les écoles du « Center for Mass Education in Science » ( CMES ). Grâce à cette initiative du physicien Ibrahim Muhammad, près de 20 000 élèves de condition très modeste ont aujourd’hui accès à l’instruction. Dans une filière unique en son genre, ils suivent une formation scolaire de base doublée d’une formation p ­ ratique qui leur permet de développer leurs propres moyens de subsistance.

Bon à savoir : –  En 2012, les écoles de Jaldhaka et Malgara, toutes deux soutenues par Caritas, ont formé en tout 1042 enfants et adolescents. –  Au cours du dernier semestre, les élèves de toutes les écoles du CMES se sont engagés dans leurs communes respectives en présentant 1430 pièces de théâtre et actions en faveur de la justice sociale. –  La somme de 90 francs permet d’acheter des fournitures scolaires ( livres d’écoles, cahiers et crayons ) pour une année à 30 élèves de primaire.

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Les enfants à l’école  ■ Colombie

«L’éco le, c’es t mon bo nheu r» Yesid Giovanni Trochez est un jeune garçon de dix ans, vif et fier d’appartenir au peuple Páez : il fréquente l’école d’agriculture Juan Tama. Et il en est très heureux.

Pourquoi es-tu si heureux de pouvoir aller à l’école Juan Tama ?

Cette école, c’est ma deuxième maison. J’y rencontre des gens d’autres cultures, par exemple des afro-colombiens ou des métis. On joue ensemble, on s’amuse et on apprend beaucoup de choses. Qu’apprends-tu exactement ?

Il y a bien sûr les cours normaux comme les maths et tout le reste. Mais aussi des cours d’agriculture biologique où l’on apprend à prendre soin de notre TerreMère. Qu’est-ce qui te plaît le plus ?

D’apprendre des choses que me seront utiles pour ­l’avenir. Ça me permettra par exemple de devenir un bon chef de tribu. J’appartiens au peuple Páez et, plus tard, je transmettrai tout mon savoir à ma communauté.

Colombie : Votre part d’un monde plus juste

Apprendre pour la vie Dans le département de Cauca, l’école d’agriculture Juan Tama propose un diplôme d’études secondaires à des enfants pour la plupart indigènes, ainsi qu’une formation dans le domaine de l’agriculture écologique et durable. Grâce à l’attitude neutre de l’école vis-à-vis des acteurs armés et à une grande habileté dans les négociations, une sorte d’îlot de paix a vu le jour.

Y a-t-il aussi des choses qui te déplaisent ?

Comme on n’a pas d’accès Internet, certains devoirs sont presque impossibles à faire. C’est pénible de chercher des informations sans Internet. J’aimerais qu’on ait des ­ordinateurs et un accès Internet à l’école. ■

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Bon à savoir : –  En 2012, 240 enfants et adolescents ont ­fréquenté l’école. –  Les classes sont composées de diverses ethnies indigènes ( par exemple Páez ou Wounaan ), ainsi que d’élèves d’origine afro-colombienne et blanche. –  Un uniforme scolaire coûte 10 francs.

Texte : Dominique Schärer ; Photos : Juan Tama


Les enfants à l’école  ■ Ouganda

De l’élève modèle à l’enfant à prob lèm es L’Ouganda a été un élève modèle dans la lutte contre le sida et le VIH. Mais une page s’est tournée ces dernières années et le taux d’in­ fection a de nouveau pris l’ascenseur. Une ­tendance fatale, en particulier pour les enfants.

L’ONU estime à 1,2 million le nombre d’orphelins du sida. Durant l’été 2012, de nouveaux chiffres tout aussi effarants ont montré que la situation ne s’améliorerait pas dans un proche avenir. En cinq ans, le taux de personnes séropositives ou sidéennes est passé de 6,4 % à 7,3 %. Le nombre de nouvelles contaminations inquiète les spécialistes. La tendance révélée par les statistiques officielles à l’échelle nationale se vérifie aussi au niveau du projet de parrainage d’enfants soutenu par Caritas Suisse. «De plus en plus d’orphelins du sida viennent à nous. Ils frappent à notre porte et demandent un soutien financier», observe Sœur Liliane de l’organisation «Sisters of Our Lady of Good Counsel», la partenaire de Caritas à Mbarara. Quelles sont les raisons de ce brusque revirement après les succès obtenus dans la prévention du sida en Ouganda dans les années 1990 ? L’une des explications

tient au fait que le message central de la prévention du sida a changé voici dix ans. Sous l’influence des milieux évangéliques, l’injonction à l’abstinence et à la fidélité est passée au premier plan, au détriment de la sommation à utiliser des préservatifs, surtout dans les programmes de prévention financés par les États-Unis. ­L’accessibilité des médicaments contre le sida a aussi contribué à faire baisser la peur de la maladie et le ­caractère dissuasif des comportements à risque. «Les gens ne se préoccupent pas de leur santé», relève Sœur Liliane. «Les orphelins du sida ont besoin d’un traitement et de conseils. Mais nous les encourageons surtout à être comme les autres, à prendre courageusement leur vie en main et à aller à l’école», précise Sœur Liliane. ■

Ouganda : Votre part d’un monde plus juste

Une chance pour les orphelins du sida L’organisation « Sisters of Our Lady of Good Counsel », partenaire de Caritas, permet aux orphelins du sida de fréquenter l’école, malgré leur pauvreté. Les enfants et leur entourage familial bénéficient d’un soutien et de conseils pédagogiques.

Texte : Stefan Gribi ; Photo : Sisters of Our Lady of Good Counsel

Bon à savoir : –  140 orphelins peuvent aller à l’école et sont pris en charge par une assistante sociale. –  Dans des ateliers, les enfants apprennent à ­surmonter la pauvreté, la maladie et les problèmes psychiques. –  L’uniforme scolaire coûte 15 francs par élève.

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Les enfants à l’école  ■

Haïti : Votre part d’un monde plus juste

La formation contre la pauvreté En Haïti, la moitié de la population vit dans une très grande pauvreté. Les deux projets de ­ parrainage de Caritas s’engagent pour améliorer la formation scolaire. Les marraines et parrains ­soutiennent ainsi l’école de Trou Sable qui offre aux familles les plus pauvres du bidonville des ­Gonaïves un jardin d’enfants, une école primaire et un second cycle m ­ enant jusqu’au ­baccalauréat. Caritas soutient aussi 15 écoles dans la ville

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des Cayes au sud-ouest d’Haïti et favorise la formation des enseignants. Bon à savoir : –  Quelque 1500 enfants et adolescents suivent ­actuellement des cours à Trou Sable. –  2400 enfants fréquentent les écoles des Cayes au sud-ouest d’Haïti. –  Une journée de cours avec un encadrement professionnel pour le soutien psychique de 10 ­enfants coûte 450 francs.


Les enfants à l’école  ■  Haïti et Tchétchénie

Le chem in vers ­l’indépendance passe par l’éco le Les enfants doivent pouvoir se développer sans souci ni ennui de santé. C’est seulement ainsi qu’ils profiteront de l’école et pourront ­bâtir des bases solides pour leur vie future. En Haïti et en Tchétchénie, la santé psychique de nombreux enfants ne souffre pas seulement de la pauvreté, mais aussi des conséquences traumatisantes des catastrophes naturelles et de la guerre. Il est possible de les aider efficacement, au jardin d’enfants et à l’école.

D’après les indications du gouvernement haïtien, pas moins de 750 000 enfants ont été affectés par le tremblement de terre dévastateur de janvier 2010. La crainte qu’ils soient tous traumatisés ne s’est heureusement pas vérifiée : «Beaucoup de ces enfants ont eu la force personnelle et l’environnement nécessaire pour retourner rapidement à une vie normale après le choc», explique la doctoresse Jeanne Marjorie Joseph, coordinatrice de l’organisation Uramel. Cette spécialiste du traitement des traumatismes se fait du souci pour les enfants qui ont subi de profondes blessures psychiques et dont les problèmes n’ont jamais été correctement diagnostiqués. «Les symptômes les plus fréquents sont des troubles de la concentration et une baisse des performances scolaires. Certains enfants deviennent nerveux et méfiants. Ils dépensent beaucoup d’énergie pour éviter de penser aux événements tragiques», explique la doctoresse ­Joseph. Des maux de tête et de ventre, des états d’anxiété, une profonde tristesse et de l’hyperactivité sont d’autres symptômes à prendre en considération. L’organisation

Uramel, partenaire de Caritas, constate que les traumatismes ne se rapportent pas tous au tremblement de terre. Il n’est pas rare qu’ils soient également dus à de violentes disputes au sein de la famille. Comprendre les besoins des enfants

Pour le projet de parrainage réalisé dans la ville haïtienne des Gonaïves, Caritas a fait appel à l’organisation Uramel. L’école du quartier pauvre de Trou Sable a accueilli des enfants de familles qui avaient fui Port-au-Prince après le séisme. «Nous avons d’abord travaillé avec les enseignant(e)s pour les inciter à adopter une attitude positive. Notre but était de les amener à comprendre les besoins des enfants et à pouvoir identifier ceux qui ont besoin d’un soutien particulier.» Dans les cours, on a ensuite abondamment recouru au jeu : par le dessin, le théâtre et le chant, les enfants ont pu exprimer des sentiments liés à des événements douloureux. Ils ont ainsi appris à diminuer le stress et à se détendre. «Une fille qui, pendant des mois, refusait régulièrement de se nourrir a retrouvé un rapport normal à l’alimentation suite à nos rencontres», rapporte la doctoresse Joseph. Ce sont ces succès qui lui montrent qu’elle est sur la bonne voie.

Rescapée du tremblement de terre de 2010, Jessica, 11 ans, surmonte son ­traumatisme par des activités créatives. Texte : Stefan Gribi ; Photo : Simon Degelo / Caritas Suisse

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Tchétchénie : autre situation, mêmes besoins

À des dizaines de milliers de kilomètres plus à l’est, en Tchétchénie, la situation est certes tout autre, mais les besoins des enfants restent les mêmes. «Les enfants ne se soucient pas tant de savoir pourquoi l’inquiétude ou la violence règnent au sein de leur famille», déclare le responsable de projet de Caritas, Peter Staudacher. Ils n’ont eux-mêmes aucun souvenir de la guerre qui a coûté la vie à 30 000 personnes et qui s’est formellement achevée en 2009, mais souffrent néanmoins de ses conséquences.

Ce sont leurs parents qui vivent sous stress. Considérant désormais l’espace public comme dangereux, ils préfèrent garder les enfants à la maison. Les jardins ­d’enfants de Caritas agissent contre cette tendance et permettent un développement complet. Contes, chansons, jeux de rôle, bricolage avec différents matériaux : les activités quotidiennes ressemblent beaucoup à celles d’un jardin d’enfants en Suisse. «Notre but est que les enfants puissent si possible se développer dans l’insouciance», résume Peter Staudacher. ■

Tchétchénie : Votre part d’un monde plus juste

Le plein d’assurance Caritas s’engage pour que les enfants tchétchènes bénéficient d’une stimulation précoce d’après les principes de la pédagogie moderne. Un épanouissement complet des enfants favorise le développement pacifique d’une société ravagée par la guerre. Une formation continue est dispensée aux maîtresses des jardins d’enfants.

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Bon à savoir : –  Les jardins d’enfants de Caritas accueillent actuellement 320 bambins de quatre villages. –  Depuis 2006, 1600 enfants ont passé par les jardins d’enfants de Caritas. –  Les enfants atteints d’un handicap physique ou mental ont eux aussi leur place dans les jardins d’enfants de Caritas. –  Un montant de 50 francs permet de remplir une grande caisse de plots en bois produits dans une menuiserie tchétchène.

Photo : Initiativa / Grosny


Les enfants à l’école  ■ Éthiopie

«Com ment enseigner à une classe de 60 élèves ?» Deux enseignantes lucernoises, Andrea ­Bühlmann et Anita Rüegg, donnent des cours d’anglais dans une école soutenue par les ­marraines et parrains de Caritas à Midagdu, un village de montagne situé à l’est de ­l’Éthiopie. Une aventure.

ment personne de l’ancienne génération n’est allé à l’école. Autrefois, les femmes n’avaient pas d’autre choix que de se marier très jeunes et d’avoir des enfants. ■

»

La St. Mary School «compte 14 enseignants pour 800 élèves. Il est difficile de trouver des enseignants pour une école de campagne, car les salaires sont très bas. Le directeur nous présente les enfants et nous explique en amharique Anita Rüegg ( à gauche ) et que nous devrons leur Andrea Bühlmann ( à droite ) avec une des enseignantes donner des cours d’anlocales de l’école de Midagdu, glais pendant les cinq proun village à l’est de l’Éthiopie. chaines semaines. Nous constatons alors que la classe compte plus de 60 élèves. Assis à quatre sur un même banc, ils sont jusqu’à huit à se partager un seul livre. L’école coûte un franc par semestre, les cahiers 10 centimes, les livres 50 centimes et l’uniforme 6 francs.

« Nous sommes très heureuses de voir qu’il y a une école à Midagdu. » Des dépenses que les parents ne peuvent pas tous se permettre pour chacun de leurs enfants. Malgré les nombreuses améliorations qu’il y aurait à faire (plus de livres, de plus petites classes), nous sommes très heureuses de voir qu’il y a une école à Midagdu et qu’elle est à ce point fréquentée. Cela ne va pas de soi, car au village, pratiqueTexte : Anita Rüegg, Andrea Bühlmann ; Photos : école de Midagdu

Éthiopie : Votre part d’un monde plus juste

Une école pour les enfants d’agriculteurs Les enfants de la campagne doivent eux aussi avoir accès à une école. C’est le but des écoles tenues par Caritas à l’est et au nord de l’Éthiopie. Ces établissements complètent l’offre du gouvernement qui ne couvre de loin pas l’ensemble du territoire. Bon à savoir : –  Dans les campagnes de l’est de l’Éthiopie, ­Caritas Suisse soutient huit écoles primaires et un jardin d’enfants pour 3000 bambins. –  Dans la région du Tigray au nord, Caritas soutient 18 écoles primaires, une école secondaire et trois jardins d’enfants ; une infrastructure dont profitent 3800 enfants et adolescents. –  Dix ballons de volley pour les leçons de ­gymnastique coûtent 150 francs et huit filets de volley pour les huit écoles, 65 francs.

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Les enfants à l’école  ■

Nicaragua : Votre part d’un monde plus juste

Limiter le travail des enfants Dans les localités nicaraguayennes de San Lucas et Posoltega, Caritas et ses partenaires locales font en sorte que les enfants qui travaillent puissent aller à l’école. Aucun des deux projets ne permet de supprimer à court terme le travail des mineurs, mais ils en réduisent les risques et la durée.

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Bon à savoir : –  Grâce à l’Instituto de Promoción Humana ( INPRHU ) et à l’Asociación Los Quinchos, deux organisations partenaires de Caritas, 860 enfants peuvent aller à l’école. –  350 parents sont associés aux activités. –  Un paquet contenant des crayons, des cahiers et un cartable coûte environ 13 francs.


Les enfants à l’école  ■ Nicaragua

Plus d’école et moins de travai l Au Nicaragua, le travail des enfants fait partie de la vie quotidienne. Grâce à Caritas, une scolarisation est malgré tout possible. Lígia Moreno, coordinatrice de Caritas à Managua, explique pourquoi école et travail ne s’excluent pas.

nement s’est donné pour but d’abolir le travail des enfants d’ici 2020. Mais dans la pratique, il n’y a pas assez d’investissements ni dans l’instruction publique, ni dans la sensibilisation et la formation continue des parents. Comment Caritas et ses organisations partenaires contrent-elles le travail des enfants ?

Le travail des enfants est une réalité au Nicaragua – connaît-on l’ampleur du phénomène ?

On estime que, dans notre pays, près de 240 000 enfants de moins de 15 ans ont un travail. Cela représente 15 % des enfants. Le Nicaragua est ainsi l’un des pays d’Amérique latine où le travail des mineurs atteint les plus fortes proportions. Quel genre de travail accomplissent les enfants ?

Le problème est particulièrement grave dans les régions rurales pauvres où les enfants doivent accomplir des tâches pénibles dans l’agriculture : ils récoltent du maïs ou du café, gardent du bétail ou coupent du bois. Les grandes plantations ont certes l’interdiction d’engager de la main-d’œuvre de moins de 14 ans, mais les contrôles laissent à désirer. Dans les villes, les enfants travaillent sur les marchés ou comme vendeurs de rue, dans un environnement loin d’être adapté à leurs besoins. Que fait le gouvernement ?

En 1990, le Nicaragua a signé la Convention relative aux droits de l’enfant et reconnu par là que les droits de l’homme s’appliquent aussi à ce groupe de population. Une bonne loi a par la suite été promulguée et le gouverUn travail dur dans les plantations de canne à sucre : le quotidien des enfants au Nicaragua. Texte : Dominique Schärer ; Photos : Elba Ileana Molina / Kanal 10, DR

Nous collaborons avec les familles, les écoles et les autorités. Les enfants doivent pouvoir combiner travail et école en réduisant leur horaire de travail et en rattrapant les cours qu’ils ont manqués. Nous distribuons aussi du matériel scolaire et servons des repas à midi. Ces mesures augmentent la probabilité que les enfants aillent à l’école. Comment se passe la collaboration avec les autorités et les écoles ?

Nos organisations partenaires forment des «instructeurs de campagne» qui complètent le travail des enseignants, soulagent les parents dans leurs tâches et donnent aux enfants la possibilité de rattraper le soir les cours manqués pendant la journée. Car, à la campagne justement, la situation des écoles est précaire, puisqu’on dénombre jusqu’à 120 élèves par enseignant. Caritas ne contredit-elle pas ses propres principes en tolérant le travail des enfants ?

Le travail des mineurs est effectivement un problème lié à la pauvreté et une violation des droits humains. Mais c’est uniquement par le biais de la formation que les intéressés peuvent revendiquer leurs droits et échapper à la pauvreté. À court terme, il s’agit ainsi de permettre aux enfants d’aller à l’école, tout en évitant une perte de revenu pour la famille. Les plus jeunes doivent aussi accomplir des tâches adaptées à leur âge et sans danger : par exemple garder des poules et arroser des jardins plutôt que de couper du bois avec des machettes dangereuses. ■ 13

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«Un brin de ju stice»

Reto Weber finance depuis 16 ans six parrainages d’enfants de Caritas. Il veut partager sa chance. Deux choses comptent pour Reto Weber, 39 ans : la protection de l’environnement au quotidien et l’en­ gagement social par le biais de dons. Cet agent du ­mouvement ferroviaire a toujours eu la passion des transports publics ; il a travaillé en tant que coursier à vélo et passé une saison au service de la Compagnie de

Des dons efficaces

Dans le cœur de Reto Weber, il y a aussi de la place pour l’engagement social : après sa formation, il a d’abord envisagé de travailler dans ce domaine. Durant quatre ans, il a occupé un emploi de vendeur à temps partiel dans le magasin Unica de Lucerne. «J’ai toujours aimé

« J’aimerais compenser un peu la chance que j’ai eue de naître dans un pays aussi riche que la Suisse. » navigation du lac des Quatre-Cantons, avant de revenir, voici dix ans, aux CFF où il avait déjà effectué son apprentissage. ­A ujourd’hui, il accueille les gens au ­g uichet du Centre de voyages de la gare de Lucerne, «un travail dans l’air du temps et le tourbillon du ­quotidien», pour reprendre son expression. Il se définit comme un homme de la mobilité douce, à travers ses loisirs qui, des tours à vélo à la randonnée, en passant par les excursions, ont tous pour cadre la nature. Pour les vacances, pas question pour lui et sa femme de prendre l’avion : «On peut aussi partir en Tunisie ou au Maroc en train et en bateau», déclare-t-il joyeusement, avant d’évoquer son épopée à vélo de Lucerne à Istanbul. 14  Caritas   «Enfants» 2013

la vente et c’était bien de travailler pour une organisation qui fait un travail utile», résume-t-il. Par le biais du commerce équitable, il a découvert les parrainages ­d’enfants ; en 16 ans, il en a déjà financé six. «Les enfants sont les membres les plus faibles de notre société, en particulier dans les pays en développement», commente Reto Weber. Par son soutien, il aimerait compenser un peu la chance qu’il a eue de naître dans un pays aussi riche que la Suisse, par pur hasard. Par souci d’efficacité, il limite ses dons aux parrainages d’enfants de Caritas, sans porter trop d’attention à leur contenu. «J’espère que mon don rétablit un peu de justice et je fais confiance à Caritas pour l’utiliser efficacement», déclare Reto Weber avec pragmatisme. ■ Texte : Dominique Schärer ; Photo : Pia Zanetti / Caritas Suisse


Les enfants des rues  ■ Bolivie

« Je veux quitter la rue » Elizabeth, 17 ans, vit dans les rues de La Paz. Au centre de la Fundación La Paz, partenaire de Caritas, elle se sent en sécurité et en de bonnes mains. En général, je passe «la nuit dans un hôtel miteux. Le matin, je cherche mes amis. Nous nous regroupons pour mendier, voler et parfois pour nous prostituer. Il nous faut de l’argent pour la nourriture et la drogue. Échapper à la rue : Tous mes amis sniffent un objectif commun d’Elizabeth de la colle : on appelle ça «planer». Ça nous aide à et de la Fundación La Paz. oublier la faim, le froid et les douleurs. Quand il me reste de l’argent, j’achète des sucreries à mes frères et sœurs cadets. Je vis dans la rue depuis l’âge de douze ans. Ma mère nous a quittés

très tôt. Mon père est le plus souvent ivre. Il ne m’a pas aidée, même quand mon demi-frère a abusé de moi. C’est pourquoi je suis partie de la maison. Je me suis habituée à vivre dans la rue, mais je suis bien contente de pouvoir prendre un repas chaud au centre de la Fundación La Paz et de participer ensuite à un atelier. On cuit du pain, on bricole et on fait notre lessive. On réalise aussi qu’on a autant de valeur que n’importe qui d’autre. C’est important pour moi de prendre soin de ma santé, parce que je suis séropositive. Au centre, je me sens calme et en sécurité. J’aimerais quitter la rue. Mais ça me fait peur de me séparer de mes amis, car ils sont comme une nouvelle famille pour moi. ■

»

Bolivie : Votre part d’un monde plus juste

Départ pour une nouvelle vie La Fundación La Paz, partenaire de Caritas, donne une nouvelle perspective d’avenir aux enfants et ­adolescents qui vivent dans la rue, en planifiant et ­réalisant avec eux un « projet de vie ». Le programme comporte des crèches et des établissements préscolaires, des possibilités d’hébergement, des ateliers, ainsi que des offres de formation scolaire et professionnelle ou de développement de la personnalité.

Texte : Dominique Schärer ; Photos : Fundación La Paz

Bon à savoir : –  Grâce aux parrainages d’enfants de Caritas Suisse, près de mille enfants des rues ont chaque année la chance d’améliorer leurs conditions de vie. –  Un retour à la maison n’est possible que pour 10 à 20 % des enfants rejetés par leurs familles. –  Un examen médical coûte environ 20 francs par enfant.

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Kinder von der Strasse  ■

Brésil : Votre part d’un monde plus juste

Un droit à l’avenir À Rio de Janeiro, Caritas protège les enfants des rues et tente de les ramener à une vie normale, en colla­ boration avec l’organisation São Martinho. Des travailleurs sociaux effectuent un travail d’encadrement dans la rue. Des repas de midi, des cours d’appui et diverses activités de loisirs structurent les journées. Les jeunes sont préparés au monde du travail et placés dans des entreprises. Pour leur éviter de se retrouver à la rue, Caritas soutient par diverses offres de loisirs les enfants et adolescents particulièrement menacés au nord et au nord-est du Brésil et les aide à revendi-

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quer eux-mêmes leurs droits. Le travail de lobbyisme en faveur des droits des enfants constitue une autre priorité. Bon à savoir : –  Un travailleur social qui encadre 45 enfants des rues gagne 240 francs par semaine. –  Chaque année, près de 300 adolescents suivent le cours de l’organisation São Martinho pour se préparer à un apprentissage. –  Un montant de 80 francs permet de servir un petit déjeuner et un repas de midi à un enfant des rues pendant un mois.


Les enfants des rues  ■ Brésil

Le s enfants so nt -i ls bo ns à jeter ? Ces prochaines années vont être celles des superlatifs au Brésil. Avec la Coupe du monde de football 2014 et les Jeux olympiques de 2016, le pays veut se montrer sous son meilleur jour. On évacue tout ce qui risque de brouiller l’image prestigieuse de Copacabana. Notamment les enfants des rues.

Au Brésil, les préparatifs des plus importants événements sportifs au monde battent leur plein. La Coupe du monde de football 2014 et les Jeux olympiques de 2016 à Rio de Janeiro suscitent des investissements qui se chiffrent en dizaines de milliards. L’infrastructure se développe fiévreusement : de nouveaux stades, hôtels et aérodromes voient le jour. L’amélioration de la sécurité de l’espace public fait également partie de ces investissements. L’État brésilien y consacre environ 1,7 milliard de francs suisses. L’une des mesures consiste à évacuer les enfants des rues. Car des mendiants de six ans, des adolescents toxicomanes et des gangs de jeunes voleurs jurent avec l’image qu’on veut donner de Rio de Janeiro à des milliards de téléspectateurs dans le monde. Loin des yeux, loin du cœur

la pauvreté et la violence qui régnaient chez eux. Ils ont besoin d’une perspective plus intéressante que la liberté fallacieuse de la rue. Par les violences policières, l’État sape complètement leur confiance en l’existence d’une telle perspective.» Traqués par la police

La répression des forces de l’ordre a pour principal effet d’inciter les enfants des rues à se cacher. Pour les œuvres d’entraide comme São Martinho qui s’engage en leur faveur avec le soutien de Caritas, il devient de plus en plus difficile d’entrer en contact avec eux. «La vie dans la rue est devenue plus dure», témoigne Andrea, 17 ans. «Maintenant, on est toujours en train de fuir la police.» Un important travail politique

Sur le plan politique, Caritas s’engage aux côtés de São Martinho pour éviter que les mesures répressives n’aggravent la détresse des enfants des rues. Les deux organisations s’impliquent dans des conseils dits «de citoyens» et tentent de faire ainsi pression sur les ­décideurs politiques. Le but de Caritas est de préserver les droits des enfants des rues, ainsi que leurs chances d’échapper au cercle vicieux de la violence et de la ­pauvreté. ■

Avec le soutien de la police militaire, les services sociaux de Rio de Janeiro ont commencé à ramasser les enfants des rues pour les conduire de force dans des logements où personne ne s’occupe d’eux, très à l’écart du centreville. «Les enfants sont violemment chassés de la rue. Cela ne fait que renforcer leur détresse», constate avec inquiétude Leonardo Costa, de l’organisation São ­Martinho, partenaire de Caritas. «Ces enfants ont fui Les enfants des rues de Rio de Janeiro fuient à la vue d’un uniforme. Texte : Jörg Arnold ; Photo : Jaime Silva

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«Enfants» 2013   Caritas


Les enfants des rues  ■ Rwanda

Réintégrer la fam ille Grâce aux investissements de la Chine, la ­capitale rwandaise Kigali connaît un boom économique. Mais les nouvelles richesses sont mal réparties. L’écart entre riches et pauvres ne cesse de se creuser. Tout en bas de l’échelle, les enfants des rues mènent une triste existence. Caritas les aide à réintégrer leur famille.

Les rues de Kigali regorgent d’enfants. Beaucoup ont fui de chez leurs parents et survivent par leurs propres moyens : ils sniffent de la colle et ont depuis longtemps déserté les écoles. Plus les enfants vivent longtemps dans

la rue, plus il leur est difficile de réintégrer leur famille ou le réseau familial. Protection et affection

Avec le soutien de Caritas, l’organisation locale Abadacogora-Intwari s’occupe des enfants des rues, dans trois centres pour enfants et adolescents entre six et quinze ans. Ces centres dont le but est de favoriser la réinsertion sociale, familiale, scolaire et professionnelle dispensent des cours d’alphabétisation, de rattrapage ou de langues étrangères, ainsi que des soins psychologiques et médicaux. Ils sensibilisent les adolescents à des questions de santé telles que le sida, servent des repas et proposent

Jeu et détente : Jonathan ( le deuxième à gauche ) s’amuse avec d’autres enfants des rues au centre tenu par l’organisation Abadacogora-Intwari, partenaire de Caritas.

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Texte : Ulrike Seifart ; Photos : Nadja R. Buser / Caritas Suisse


diverses activités de loisirs. Il s’agit aussi d’aider les plus jeunes à reprendre le chemin de l’école publique et les plus âgés à trouver une place d’apprentissage dans diverses petites entreprises. Un objectif important est d’inciter les enfants à retourner dans leur famille. Car en dépit de la pauvreté, c’est là que les intéressés ont le plus de chances de trouver un environnement social stable. Jonathan Ndagijimana, douze ans, a fait le pas.

Aujourd’hui, Jonathan vit à nouveau avec sa mère et ses quatre frères et sœurs. Avec le soutien d’AbadacogoraIntwari, il va à l’école et est même devenu premier de classe : «Maintenant que je ne vis plus dans la rue, je vais chaque jour à l’école. Je fais de bonnes notes et ma mère est fière de moi», assure-t-il en riant. ■

« Je ne suis pratiquement plus allé à l’école. »

Jonathan a vécu dans la rue pendant deux ans. «Je gagnais de quoi m’acheter à manger en récupérant de la ferraille. Ça ne me laissait pas le temps d’aller à l’école», se souvient-il. Un jour, des collaborateurs l’ont invité au centre de Nyamirambo. «J’ai pensé qu’on me donnerait quelque chose et je suis allé voir. Et j’ai trouvé trop bien. On pouvait s’amuser, danser et il y avait des adultes qui me comprenaient.» Il a pourtant fallu un certain temps pour tisser avec lui une relation de confiance qui permette d’envisager de prendre contact avec sa famille. «La réinsertion familiale est un assez long processus», explique Gisele Bankun-

« Maintenant, je vais chaque jour à l’école. Je fais de bonnes notes et ma mère est fière de moi. » diye, responsable de projet d’Abadacogora-Intwari. «Il y a d’abord des visites préparatoires chez les parents, puis le retour de l’enfant et le suivi que nous assurons jusqu’à ce que la situation se soit à nouveau stabilisée.» Le retour requiert parfois des préparatifs très intenses, car la relation parents-enfant doit pratiquement être ­reprise à zéro. De nouveau à la maison

Pour Jonathan, tout s’est bien terminé. Sa mère Séraphine débordait de joie lorsqu’elle s’est enfin trouvée face à lui, après plus de deux ans sans nouvelle. «Après le départ de Jonathan, je n’arrivais plus à dormir. Je l’ai cherché partout», raconte cette femme qui élève seule ses cinq enfants. Séraphine fait tout son possible pour subvenir aux besoins de sa famille, mais la vie est dure : «Chaque jour, je fais du porte-à-porte pour proposer des heures de ménage. Je ne trouve pas toujours du travail, mais nous nous débrouillons.»

Rwanda : Votre part d’un monde plus juste

Sécurité pour les enfants des rues Au Rwanda, la pauvreté pousse beaucoup d’enfants à la rue. L’organisation Abadacogora-Intwari, partenaire de Caritas, accueille les enfants des rues dans trois centres où elle leur dispense un soutien psychologique et médical, une formation et des repas. Les enfants jouent dans un environnement sûr et reçoivent de l’affection. Il s’agit en même temps d’essayer de les réinsérer dans leurs familles respectives. L’objectif premier étant de leur permettre de retrouver un environnement stable et de meilleures chances d’avenir. Bon à savoir : –  Selon une nouvelle étude, on dénombre au ­Rwanda entre 7000 et 11 000 enfants des rues. –  Les centres de Caritas accueillent 500 enfants. –  80 % des enfants accueillis dans les centres vont à l’école. Un montant de 100 francs permet de couvrir les frais de scolarité annuels pour trois enfants dans le secondaire.

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«Enfants» 2013   Caritas


«Tout enfant a besoin d’amour et de sécuri té matér ielle »

La sénatrice et sage-femme Liliane Maury Pasquier estime que la pauvreté freine l’enfant dans son développement. Madame Maury Pasquier, selon vous qui êtes ­sage-femme, quels sont les besoins fondamentaux d’un enfant dès sa naissance ?

Tout enfant a besoin d’amour, donc de sécurité affective, mais aussi de sécurité matérielle, qui va permettre à ses parents de s’occuper de lui sans être accaparés par d’autres préoccupations. La sécurité matérielle est essentielle pour assurer un développement harmonieux tout au long de l’enfance jusqu’à l’adolescence. Il faut chercher à donner cette sécurité à tous les parents du monde, en tenant compte des différents standards nationaux. Par exemple – c’est la sage-femme qui parle –, montrer à la femme comment elle peut accoucher sans mettre en ­danger sa vie et celle de son enfant. La diminution de la mortalité ­maternelle et infantile fait partie des Objectifs du Millénaire pour le développement. Quoi qu’on en dise, ce sont le plus souvent les femmes qui sont en charge des enfants. Donc la priorité va au soutien des mères, qui vont assumer l’alimentation, les soins et l’éducation des enfants.

valorisé dans nos sociétés patriarcales. Il s’agit de lutter contre toutes ces inégalités. Il faut notamment éviter les avortements de fœtus féminins, comme en Inde, par exemple. Les inégalités se poursuivent durant l’enfance, dans l’accès à l’école, puis à l’adolescence, dans l’accès à un métier. À votre avis, quels sont les thèmes les plus urgents concernant les enfants qui grandissent dans les pays en développement ?

Dans les pays en développement . . . il y a tellement à faire. Tout d’abord, ce serait à eux de les définir. Il est important que les personnes concernées jouent un rôle actif dans leur développement. Le problème est qu’il y a beaucoup d’enfants et généralement pas de perspectives de formations et d’emplois pour les jeunes, donc pas d’espoir de mener une vie digne. Le défi est d’assurer un vrai développement durable à tous les enfants du monde.

Les filles et les garçons partent-ils à chances égales dans la vie ?

Que pouvons-nous faire pour améliorer les ­perspectives d’avenir des enfants qui vivent dans ces pays ?

Selon les statistiques mondiales, les petits garçons sont allaités plus longtemps que leurs sœurs, le garçon étant

Le défi à relever est celui de la solidarité et il s’adresse à chaque individu, mais aussi à nos politiques, à nos

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Texte : Katja Remane ; Photo : Stéphane Maury


économies et à l’ordre mondial. À titre d’exemple, la suppression des barrières douanières dictée par l’Organisation mondiale du commerce fonctionne bien pour

sabilité de l’aîné(e), mais avec le soutien d’une personne de référence qui les accompagne pour les questions ­scolaires ou de santé, en plus du soutien matériel indis-

« La pauvreté est l’une des plus grandes violences faites aux enfants. » le commerce international, mais, dans les pays pauvres, il n’y a plus que de l’agriculture d’exportation si on procède de la sorte. Or, l’agriculture de rente engendre la dépendance totale aux fluctuations du marché, ainsi que la destruction de l’agriculture de subsistance, au détriment de la sécurité alimentaire des enfants. On ne peut pas avoir les mêmes exigences dans les pays du Sud. En tant que présidente du Conseil national, vous vous êtes rendue en visite officielle en Afrique du Sud. Quelle est la situation des enfants sur place et comment pouvons-nous les aider ?

J’ai choisi d’y aller pour suivre deux programmes ­d’actions suisses, dont un soutient particulièrement les enfants. Ce programme s’engage dans la lutte contre le VIH-sida, qui est un problème majeur en Afrique du Sud et auquel je suis particulièrement sensible, en tant que présidente de la Fédération suisse des sages-femmes et ancienne membre du Conseil de fondation de la Fondation Santé sexuelle suisse. La situation est si dramatique que des générations entières ont été sacrifiées. Dans ­certains villages, il n’y a presque plus de parents ni d’enseignants. Dans un village, j’ai vu une femme mourante, avec ses enfants à côté d’elle. J’ai aussi rencontré des enfants livrés à eux-mêmes. Un des projets permet à des fratries d’orphelins de rester ensemble, sous la respon-

pensable. Il offre aussi un appui à des grand-mères, qui peuvent avoir plus d’une dizaine de petits-enfants sous leur responsabilité. Vous êtes active politiquement en Suisse. Quels sont les défis à relever pour assurer un développement optimal à tous les enfants vivant dans notre pays ?

Il faut absolument lutter contre la discrimination et contre la pauvreté. Quel avenir offre-t-on aux enfants qui sont marginalisés, comme les Roms par exemple ? Le fait que des enfants grandissent dans la pauvreté, en Suisse ou ailleurs, constitue une atteinte aux droits de l’enfant, car les risques sont grands que ces enfants soient étouffés dans leurs possibilités de développement. La pauvreté est l’une des plus grandes violences faites aux enfants. ■

Liliane Maury Pasquier

Sage-femme de profession et présidente de la Fédération suisse des sages-femmes, la conseillère aux États socialiste Liliane Maury Pasquier s’engage notamment pour les droits de la femme, l’aide à la maternité et la sécurité sociale. Elle a présidé le Conseil national de novembre 2001 à novembre 2002. Elle est née à Genève en 1956, a quatre enfants et cinq petits-enfants. www.maurypasquier.ch

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«Enfants» 2013   Caritas


Force de vie  ■ Cuba

«M on enfant a sa place quelque part » Il n’y a guère de place à Cuba pour les enfants autistes. Les parents s’engagent avec Caritas pour une promotion individuelle de leurs enfants handicapés.

Les yeux sombres de Gabriela, 12 ans, regardent dans le vide. Son visage reste impassible. À quoi pense-t-elle ? Que ressent-elle ? Personne ne le sait. La petite avait trois ans quand le diagnostic est tombé. Autisme. Pour sa mère, le monde s’est effondré : «J’ai tellement pleuré», se souvient Mercedes Castro. Personne n’a pu lui expliquer en quoi consiste cette maladie, ce qui touche son enfant, ni ce qu’elle perçoit du monde qui l’entoure. Mercedes a dû renoncer à son travail d’infirmière à l’hôpital de la ville pour un poste d’assistante sociale à temps partiel. Elle a ainsi eu plus de temps à consacrer à sa fille. Pendant ses heures de travail, elle a confié Gabriela au centre étatique pour l’autisme «Dora Alonso». Voici quelques années, elle a dû céder la place à «des cas plus difficiles» et s’est dès lors résolue à rester à la maison avec sa fille. L’État cubain verse une petite rente aux parents qui s’occupent de leur enfant handicapé à domicile, mais Mercedes ne reçoit que quelque 30 francs par mois. Pour boucler les fins de mois difficiles, elle compte sur l’aide de son entourage ou sur la vente de pizzas faites maison.

thérapie, le centre pour enfants et parents organise ­régulièrement de petites excursions. Mercedes attache beaucoup d’importance à ces rencontres : «Ici à Caritas, nous sommes libres de nous organiser comme bon nous semble et de mettre en place ce qui est le plus important pour nos enfants», déclare-t-elle. Ces rencontres sont en outre l’occasion d’échanger de précieuses expériences. En savoir plus sur l’autisme

«Nous en savons encore très peu sur l’autisme», explique la coordinatrice du centre de La Havane, Gilliam Gutiérrez. Grâce à Caritas, cette spécialiste de l’autisme a pu participer à un échange avec des groupes d’entraide aux États-Unis. Les résultats obtenus sont maintenant enregistrés et utilisés au centre. Comme le nombre d’enfants autistes est en expansion à Cuba, Caritas Cuba prévoit d’ouvrir un deuxième centre spécialisé à Santiago de Cuba. Ces efforts constituent un grand progrès aux yeux de Mercedes. Aujourd’hui encore, elle-même apprend chaque jour de nouvelles choses sur cette maladie : «En traitant Gabriela avec beaucoup de ménagement, j’arrive à entrevoir un monde qui reste étranger à la plupart des gens.» ■

Une aide professionnelle

Mais Mercedes Castro ne voulait pas se contenter de rester à la maison. Elle entendait en faire davantage pour sa fille. Voici cinq ans, elle a ainsi fondé, avec Caritas La Havane et d’autres mères concernées, un petit centre de jour pour enfants autistes. Des spécialistes dûment formés y réalisent à titre bénévole des mesures de promotion de la petite enfance et des thérapies comportementales. Gabriela s’y rend maintenant deux fois par semaine avec 52 autres enfants. À côté des séances de 22  Caritas   «Enfants» 2013

Créer de la place pour les enfants autistes : Gabriela au centre de jour de Caritas La Havane. Texte : Ulrike Seifart ; Photo : Pia Zanetti / Caritas Suisse


Lebensmut für Kinder  ■  Cuba : Votre part d’un monde plus juste

Un espace pour les enfants ­handicapés Dans onze diocèses, Caritas soutient les enfants atteints d’un handicap tel que l’autisme ou la trisomie. Les parents, accompagnés par des spécialistes, se regroupent pour pouvoir mieux répondre aux besoins de leurs enfants. Ceux-ci bénéficient d’un suivi ­psychologique et médical, de repas chauds et d’un espace protégé où développer leurs aptitudes.

Bon à savoir : –  Caritas Suisse soutient au total 1600 enfants et membres de leurs familles à Cuba. –  440 bénévoles s’engagent dans le programme et suivent des formations continues. –  Des formations spécialisées sont proposées à 60 coordinatrices et coordinateurs du Réseau Caritas.

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«Enfants» 2013   Caritas


Force de vie  ■ Philippines

La fin du cauchemar Aux Philippines, d’innombrables filles et jeunes femmes sont victimes d’abus. Certaines trouvent la paix et la sécurité au foyer de l­’organisation Preda. Des ­spécialistes les aident à réorienter leur vie.

la population philippine vivent avec moins d’un dollar par jour, 60 % doivent se débrouiller avec deux dollars. Les enfants sont utilisés comme main-d’œuvre ; il n’est pas rare que des fillettes soient vendues comme esclaves sexuelles ou prostituées. Extérioriser les tourments

La ville d’Olongapo City est pour beaucoup un lieu de plaisirs sexuels. Des filles y sont proposées à vil prix. La ville est connue pour ses innombrables hôtels de passe, bars et saunas. Selon les estimations d’Ecpat International, un réseau international pour la protection des enfants, l’industrie du sexe exploite près de 500 000 femmes dont un cinquième sont mineures. La prostitution est le fruit de la pauvreté. Alors que plus de 20 % de

Dans le foyer de l’organisation Preda, les filles et les jeunes femmes trouvent le calme et la sécurité. La partenaire philippine de Caritas lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants. Elle sauve les filles qui ont subi des abus dans des maisons closes, dans la rue ou dans leur propre famille. Des filles comme Rina, J.B., Jessa, Sheila et Rose. Leur nouveau foyer se trouve en périphérie d’Olongapo

L’envol vers l’avenir commence au foyer de l’organisation Preda, la partenaire philippine de Caritas.

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Texte : Ulrike Seifart ; Photos : Kristine Wee


City, sur une colline entourée d’arbres. Un lieu idyllique où les enfants traumatisés peuvent habiter, jouer, ­apprendre, se détendre et surtout recouvrer la santé. «Au début, j’étais très nerveuse. Mais maintenant je me sens bien», assure Rina. Victime d’abus de la part de son propre père, elle surmonte maintenant ses expériences traumatisantes chez Preda. Dans le cadre de la thérapie, les filles extériorisent leurs tourments par des cris. «Mais il faut aussi savoir écouter les cris muets», déclare María Eresa Catubig, psychothérapeute à Preda. «Chaque jour, je donne le meilleur de moi-même. Mais pour moi aussi, c’est terrible d’entendre les histoires des enfants», ajoute la thérapeute.

Avec l’aide de spécialistes, les enfants peuvent oser un nouveau départ. Les filles traumatisées deviennent ainsi, au fil du temps, des jeunes femmes joyeuses et conscientes de leur valeur. «Malgré la pression émotionnelle, j’ai le sourire à la fin de la journée. Car je sais que j’ai amélioré la vie non pas d’un seul enfant, mais de plusieurs», résume fièrement Ivy Christine Manzano, infirmière au centre Preda. ■

Reprendre confiance

Il y a J.B. dont le martyr a commencé à l’âge de 12 ans. Après avoir lui-même abusé d’elle, son père l’a proposée dans des bars. À 17 ans, cette jeune fille a derrière elle trois avortements et de nombreuses tentatives de suicide. Il y a aussi Jessa, 15 ans, violée par un ami de la famille ; Sheila, 14 ans, qui a subi des abus de la part de son grand-père depuis l’âge de 9 ans ; Rose que des ­trafiquants ont déportée à Manille et forcée à se prostituer. Marilyn Carpio-Richter, travailleuse sociale à Preda, connaît toutes ces histoires. La plus difficile, mais la plus importante de toutes les tâches est de gagner la confiance des filles. Le fait d’être elle-même une enfant de Preda lui est très utile. Elle peut ainsi raconter sa propre histoire aux filles. «Par mon parcours et mon exemple, j’espère aider les enfants à surmonter leurs pires cauchemars, pour qu’en dépit du passé, ils se réjouissent de l’avenir et l’envisagent avec confiance.» Des jeunes femmes conscientes de leur valeur

Le «programme» de Marilyn semble fonctionner : chez J.B., le processus de guérison est en bonne voie grâce à des médicaments et à une thérapie. Cette fille qui ne savait ni lire ni écrire à son arrivée à Preda est maintenant l’une des meilleures élèves de l’école. «J’aimerais un jour aller au collège», déclare-t-elle. Jessa partage son enthousiasme : «Maintenant, je peux étudier tous les jours. L’anglais est ma branche préférée ; je sais que si je le maîtrise bien, j’ai de bonnes chances d’avenir.» Les filles sont ainsi préparées à leur réinsertion dans les écoles publiques ; quant aux aînées, elles bénéficient en outre de cours de couture et de cuisine.

Philippines : Votre part d’un monde plus juste

Protéger les enfants contre les abus L’organisation Preda s’engage aux Philippines en faveur des enfants victimes d’abus sexuels. Par des mesures thérapeutiques, ainsi que par une formation scolaire et professionnelle, elle les prépare à une nouvelle vie. Preda aide aussi les filles dans les procédures juridiques, par exemple quand il s’agit de porter plainte contre les criminels. Bon à savoir : –  Le foyer Preda peut accueillir chaque année 70 filles victimes d’abus sexuels. –  Preda accompagne pendant une année une soixantaine de filles et leur entourage. –  La somme de 100 francs permet de financer un examen médical pour quatre enfants.

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«Enfants» 2013   Caritas


Lebensmut für Kinder  ■

Tadjikistan : Votre part d’un monde plus juste

Les écoles intégratives Grâce au soutien de Caritas Suisse, deux écoles intégratives et deux jardins d’enfants intégratifs ­accueillent des enfants handicapés à Douchanbé, la capitale du Tadjikistan. Les enfants et les ­enseignants sont suivis par quatorze spécialistes de l’ONG Sitoraï Umed, le partenaire local de Caritas.

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Bon à savoir : –  Durant la phase pilote du projet de 2007 à 2011, seize enfants ont terminé avec succès l’école ­primaire et onze d’entre eux ont été admis dans une école traditionnelle. Sur les six enfants qui ont terminé le jardin d’enfants, trois ont passé en classe intégrative et trois dans des écoles ­traditionnelles. –  En 2012, 86 enfants handicapés ont été inscrits dans les écoles intégratives et 36 enfants dans les jardins d’enfants intégratifs.


Force de vie  ■ Tadjikistan

« Les pare nts cachaient les enfants hand icapés » Au Tadjikistan, les enfants handicapés n’étaient pas scolarisés. L’école intégrative de Caritas leur offre de nouvelles perspectives. Interview de Safargul Kurbanova, directrice de l’ONG Sitoraï Umed, le partenaire local de Caritas.

Quelles sont les possibilités d’éducation pour les enfants handicapés au Tadjikistan ?

Avant le lancement du projet d’éducation intégrative de Caritas, les enfants handicapés n’étaient pas ­ ­admis dans les jardins d’enfants et les écoles publiques. Les parents n’avaient que deux possibilités  : ­cacher leur enfant handicapé à la maison ou le placer dans un foyer spécifique qui ne dispensait aucune formation. Au Tadjikistan, la mère d’un enfant handicapé était considérée comme punie par Dieu. Souvent, son mari divorçait. La mère en voulait alors à son enfant, car par sa faute elle était exclue de la société et n’arrivait pas à trouver du travail.

qui naissent avec un handicap sont enregistrés. Nous avons reçu une autorisation spéciale pour obtenir leurs adresses. Nous sommes allés dans les maisons pour ­expliquer aux parents que ces enfants ont besoin de contacts sociaux pour leur développement et les alter­ natives qu’offrent les écoles intégratives. Avant de les scolariser, nos spécialistes vont voir ces enfants pour les socialiser. Ils leur apprennent à boutonner leur chemise correctement et à jouer. Certains étaient juste couchés par terre. Nous avons envoyé des physiothérapeutes chez eux pour leur apprendre à marcher. Comment fonctionnent ces écoles intégratives ?

L’idée était d’ouvrir les jardins d’enfants et l’école primaire aux enfants handicapés et de les intégrer dans les classes avec les autres enfants. Les enfants apprennent beaucoup en imitant leurs pairs. Les enseignants ont été spécialement formés. Dans les classes intégratives, les leçons sont interactives avec des jeux et autres exercices qui favorisent l’apprentissage. À côté des cours, les ­enfants handicapés sont suivis par des pédagogues, des logopédistes, des musicothérapeutes, des physiothérapeutes et des psychologues.

Comment est la situation à Douchanbé aujourd’hui ?

Grâce aux écoles intégratives et à la campagne de sen­ sibilisation de Caritas, la situation s’est améliorée. Les enfants handicapés sont mieux acceptés dans la société tadjike. Au début, nous avons dû aller chercher ces ­enfants et convaincre leurs parents. Aujourd’hui, de plus en plus de mères viennent elles-mêmes inscrire leur enfant handicapé dans les écoles intégratives. Auparavant, j’ai travaillé comme gynécologue à l’hôpital. Les enfants

Qu’advient-il de ces enfants après l’école primaire ?

Certains réussissent à passer en cinquième année dans une école traditionnelle. D’autres redoublent la quatrième classe. Pour les enfants souffrant d’handicaps plus sévères, il existe quelques initiatives privées comme ­l’Association de parents d’enfants handicapés (APCD). Dans le foyer de l’APCD, les jeunes handicapés apprennent notamment à faire la cuisine et la couture. ■

Mirzo, 8 ans, est en 1ère année primaire de l’école intégrative à Douchanbé. Texte : Katja Remane ; Photos : Pia Zanetti / Caritas Suisse

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«Enfants» 2013   Caritas


Force de vie  ■ Bolivie

« L’impo rtant es t d’avoir une fam ille » Gaby a été adoptée à l’âge de trois mois. ­Aujourd’hui, elle a 11 ans et estime avoir eu beaucoup de chance d’avoir été accueillie par des parents comme les siens.

Dans son autoportrait, Gaby se présente comme «une fille de Cochabamba heureuse». «Je suis souvent en train de chanter et de danser et j’aime aller à l’école. Mais le plus important, c’est ma famille : mes parents et Selon Gaby, « l’important est mon frère sont ce que j’ai de plus précieux.» d’avoir une famille ». Gaby est née dans un centre d’accueil pour femmes battues. À l’âge de trois mois, elle a été confiée à Marcelo et Inés Mejía qui ­désiraient ardemment un enfant depuis plus de dix ans. Gaby ne sait pas grand-chose de la situation de sa mère biologique. Et pour l’instant, ce peu de choses lui suffit. Mais ses parents adoptifs lui ont raconté dès son plus jeune âge comment elle a été mise en nourrice chez eux, avant qu’ils puissent finalement l’adopter. «Nous nous sommes tout de suite pris d’affection pour Gaby et ­depuis, notre amour n’a cessé de se renforcer», déclarent Inés et Marcelo. «Nous sommes si fiers de notre fille et heureux de l’accompagner à chaque nouvelle phase de sa vie.» Gaby s’entend bien également avec Bernardo, son frère adoptif de six ans. «Tous les enfants ont la même valeur, renchérit-elle, qu’ils soient adoptés ou non. L’important est d’avoir une famille.» ■

28  Caritas   «Enfants» 2013

Bolivie : Votre part d’un monde plus juste

Le droit à une famille L’organisation Infante place des enfants abandonnés et délaissés dans des familles d’accueil formées à cet effet plutôt que dans des foyers. Si leurs parents biologiques ne peuvent pas les reprendre, cette organisation partenaire de Caritas soutient une adoption dans le pays même. Elle effectue en outre un travail de lobbyisme en faveur des droits des enfants. Bon à savoir : –  L’organisation Infante place environ 45 enfants par année dans des familles d’accueil de Cochabamba. –  Au cours du premier semestre 2012, six enfants ont pu retourner dans leur famille d’origine. –  Un don de 100 francs permet de financer sept baignoires pour enfants.

Texte : Dominique Schärer ; Photos : Infante


Force de vie  ■ Palestine

La peur et la pauvreté dévore nt les âm es C’est un lieu où personne n’aimerait habiter : une maison à moitié détruite par les bombes, des appartements humides, un poulailler ­nauséabond. Le jeune Mohammed, dix ans, vit à Baït Lahia, point de convergence de la pauvreté et de la guerre qui fait rage au nord de la bande de Gaza.

«Lors de notre premier entretien, Mohammed était très fermé. Au bout d’un certain temps, j’ai appris qu’il mouillait encore son lit», raconte la psychologue. Il a fallu beaucoup de patience, jusqu’à ce que le travail avec ce garçon et ses parents commence à porter ses fruits. «Maintenant, c’est beau de voir comme le comportement de la mère a changé et comme Mohammed s’est rattrapé à l’école. Il reprend peu à peu goût à la vie.» ■

«La première fois que nous avons rendu visite à la famille de Mohammed, pour nous aussi, ça a été un choc : une très grande pauvreté, des parents débordés par l’édu­ cation de leurs enfants, traumatisés par la guerre, un appartement sombre et exigu, aucun espoir», se souvient Zekrayat Al-Arini, la psychologue de l’organisation YEC chargée de l’encadrement de la famille. Mohammed est l’aîné de cinq enfants. Une méningite a hypothéqué son départ dans la vie. Durant sa petite enfance, le garçon a sans cesse été battu par sa mère. Plus tard, c’est lui qui s’est mis à frapper ses deux sœurs. À l’école, il s’est isolé par son comportement agressif et ses difficultés scolaires ont fait de lui la risée de ses camarades.

Palestine : Votre part d’un monde plus juste

Faire front face à la peur Avec le soutien de Caritas, l’organisation locale YEC ( Youth Empowerment Center ) s’engage en faveur des enfants et adolescents de la bande de Gaza. ­L’encadrement psychosocial, les programmes de santé publique et l’élargissement de l’offre de formation constituent ses priorités. YEC dirige trois centres dans la bande de Gaza, ainsi que trois services dans des jardins d’enfants et des écoles. Texte : Jörg Arnold ; Photo : DCA

Bon à savoir : –  Les trois centres principaux accueillent environ 600 enfants par jour, ce qui correspond à une fréquentation de 187 000 enfants par année. –  L’an dernier, 356 garçons et 337 filles ont participé à des thérapies de groupe pour enfants traumatisés par la guerre. –  Les 100 enfants du centre de Baït Lahia ont ­rassemblé plus de 6000 livres pour la nouvelle bibliothèque.

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«Enfants» 2013   Caritas


Lebensmut für Kinder  ■

Colombie : Votre part d’un monde plus juste

Échapper à la violence L’organisation Crear Jugando propose à des enfants de Bogotá un lieu sûr pour leur éviter de passer leur temps libre dans les rues. Le deuxième projet de parrainage concerne l’organisation Combos qui s’engage dans les quartiers pauvres de Medellín en proie à la violence pour que les enfants puissent achever leur scolarité.

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Bon à savoir : –  À Bogotá, 150 enfants et adolescents profitent de l’offre du centre de Crear Jugando. –  Un repas chaud coûte 2 francs par enfant. –  Grâce à Caritas, 170 enfants et adolescents ­fréquentent l’école primaire ou secondaire de ­Combos à Medellín.


Force de vie  ■ Colombie

«Pou r to i, il n’y a pas de reto ur » La vie est dure dans les quartiers pauvres de la capitale colombienne Bogotá. Le jeune Luís*, 14 ans, n’a pu échapper aux griffes d’une bande de jeunes armés que grâce à l’intervention de l’organisation Crear Jugando, partenaire de Caritas.

Près de 61 000 personnes vivent à Diana Turbay, un ­bidonville de Bogotá fondé par des immigrés et des personnes déplacées. Comme beaucoup d’autres, les parents de Luís ont fui la guerre civile qui faisait rage dans le département de Tolima. Ils se sont établis à Diana Turbay en 1997. Peu après, Luís est venu au monde. La famille s’est débrouillée tant bien que mal : le père a trouvé un emploi de gardien de nuit et la mère tenait un stand de poulets rôtis. Mais comme tous les quartiers pauvres de Colombie, celui de Diana Turbay est le théâtre de violences. Il n’y a ni places de jeu, ni parcs, ni aucun lieu où les enfants puissent jouer en sécurité. Aussi les parents de Luís ont-ils été contents de l’offre de l’organisation Crear Jugando. Dans son centre de quartier, la partenaire de Caritas encadre toute la journée les enfants et adolescents. Elle propose un programme de formation créatif en complément de l’offre de cours d’appui, ainsi que de nombreuses possibilités de jeu développées selon son propre concept pédagogique. C’est là que Luís passait ses loisirs quand ses parents travaillaient.

Il est vite apparu que le garçon fumait de la marijuana et qu’il était sous l’emprise d’une bande de jeunes armés. «Quand je sors avec eux, ils me filent un joint. Les potes commettent des attaques à main armée, vendent de la drogue et se bagarrent avec d’autres bandes», a finalement avoué Luís. Mais ces déclarations l’ont doublement mis dans l’embarras. Aux punitions corporelles infligées par son père sont venues s’ajouter les menaces de mort des meneurs de la bande. Pour mettre fin à ce cercle ­vicieux, ses parents l’ont envoyé passer quatre semaines chez des proches à la campagne. Sécurité à l’internat

Mais les problèmes attendaient Luís à son retour. «Tu es l’un des nôtres ; tu ne peux plus revenir en arrière», a déclaré le chef de la bande. Il a fait pression sur Luís jusqu’à ce que celui-ci cède. Rapidement, le garçon s’est trouvé à nouveau impliqué dans des luttes de gang. Il avait trop peur pour arrêter. Trois jours durant, il s’est caché à la maison. Les collaborateurs de Crear Jugando qui avaient accompagné la famille pendant des années se sont finalement adressés aux autorités du district, afin de trouver un moyen de protéger le garçon. C’est ainsi que Luís a été placé dans un internat en dehors de Bogotá où il peut aujourd’hui étudier tranquillement et vivre en sécurité. ■

Menaces et passage à tabac

Vers l’âge de treize ans, Luís est brusquement devenu agressif. Ses parents se sont tournés vers Crear Jugando. Luís : sorti des griffes d’une bande de jeunes grâce à Caritas et à l’organisation Crear Jugando. Texte : Dominique Schärer ; Photo : Luca Zanetti / Caritas Suisse

* Prénom modifié par la rédaction.

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«Enfants» 2013   Caritas


Ques tions des parrai ns – répo nses des enfants Qu’est-ce qui te rend heureux ?

Lilo Kunz, 53 ans, de Fajauna, marraine du projet « Les enfants à l’école » au Bangladesh et en Tchétchénie, aimerait savoir ce qui fait le plus plaisir aux enfants de Bolivie, du Tadjikistan et du Bangladesh.

Cristián, 13 ans, Bolivie « Je suis heureux quand je suis bien traité, quand les adultes ne me frappent pas et ne me menacent pas. Durant mes loisirs, j’aime bien m’amuser avec des petites voitures. »

Izzatova Shirin,  5 ans, Tadjikistan « Je suis très heureuse quand ma maman est avec moi, quand le ciel est bleu et que le soleil brille. »

Alpona, 17 ans, Bangladesh « Un des moments les plus heureux de ma vie a été la première fois que j’ai pu aider ma famille avec l’argent que j’avais moi-même ­gagné. Je suis fière de mon atelier de couture. »

Envoyez vos questions par courriel à l’adresse enfants @caritas.ch ou envoyez une carte postale à Caritas Suisse, Parrainages, Löwenstrasse 3, 6004 Lucerne. Caritas Suisse Parrainages Löwenstrasse 3, Case postale CH-6002 Lucerne

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