La situation du marché du logement aggrave la pauvreté

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« Les coûts de logement et d’énergie sont des dépenses fixes. Lorsqu’ils augmentent, les personnes au budget serré sont contraintes de restreindre leurs dépenses dans d’autres domaines, comme l’alimentation, la santé ou les loisirs. »

Prise de position de Caritas sur le thème du logement

La situation du marché du logement aggrave la pauvreté

Se loger, un besoin fondamental

En bref : La vie est de plus en plus difficile pour les personnes à petit budget. Outre le renchérissement général, notamment des denrées alimentaires, et l’augmentation exponentielle des primes d’assurance-maladie, un facteur pèse lourd dans la balance : se loger devient toujours plus cher. Le logement est le poste budgétaire le plus important des ménages à faible revenu et représente un bon tiers de leur budget. Ce coût, qui ne cesse d’augmenter, menace de devenir insupportable pour un nombre croissant de personnes.

La difficulté de se loger va au-delà du problème financier : les personnes à petit budget ont de plus en plus de peine à trouver des logements adaptés. Ils n’ont à disposition que des logements trop exigus, bruyants, insalubres ou isolés. Lorsqu’on parle de politique de lutte contre la pauvreté, on ne peut donc plus ignorer la question du logement. De plus en plus, elle est au cœur de la situation de pauvreté dans laquelle se trouvent les ménages. Et les coûts du logement jettent un nombre croissant de personnes, qui jusque-là s’en tiraient à peu près, dans des situations précaires.

Dans cette prise de position, Caritas Suisse étudie les causes de la crise du logement et particulièrement ses effets sur les personnes à petit budget. Des solutions sont nécessaires si l’on veut éviter que plus de gens tombent dans la pauvreté. Mais il n’y a pas de recette simple. Il faut donc d’urgence combiner des mesures de soutien à court terme, par exemple des aides financières directes, avec des mesures à longue échéance.

Se loger est un besoin fondamental et une composante essentielle d’une vie dans la dignité. Et se loger, c’est beaucoup plus qu’avoir un toit sur la tête. L’habitat privé offre un lieu de retraite et marque de son empreinte tous les aspects de la vie quotidienne. Mais il dépend énormément des moyens financiers disponibles. Les personnes pauvres sont très désavantagées sur le marché de l’habitat. Elles doivent consacrer une grande partie de leur budget à se loger, ce qui ne les préserve pas d’occuper des logements offrant des conditions précaires. Les conséquences sont multiples. Une situation de logement précaire rend difficile la participation économique et sociale et a des effets négatifs sur la santé physique et psychique. Pour avoir une vision globale de la pauvreté, il faut prendre en compte la situation de logement. Le manque actuel de logements a une incidence particulière sur les personnes à petit budget. Il faut donc y opposer une politique du logement qui tient explicitement compte de leur situation.

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Le logement, un bien cher et rare

Les coûts de logement augmentent, l’offre est rare

Ces deux dernières années, le problème de l’augmentation des coûts de logement a pris une nouvelle dimension. Le fait que les locataires doivent payer plus pour leur logement dépend de différents facteurs. D’une part, le prix de l’énergie – notamment le mazout – a augmenté, ce qui gonfle les charges. De nombreuses communes ont dû faire face à des augmentations d’électricité considérables en 2023 et 2024 par rapport aux années précédentes. D’autre part, le droit du bail autorise les bailleurs à répercuter une partie du renchérissement sur les locataires. Parallèlement, le taux hypothécaire de référence a augmenté à deux reprises en juin et en décembre 2023. Cela a permis à chaque fois de renchérir le loyer de 3 %.

Outre ces hausses de coûts, la pénurie générale de logements fait également grimper les prix : en Suisse, le taux de vacance a considérablement diminué depuis 2020. Actuel -

lement, il n’est que de 1,15 %, un niveau qui n’avait plus été atteint depuis des années. Cette valeur générale fait d’ailleurs écran à une tension bien plus grande qui existe déjà dans certaines régions. Selon l’Office fédéral de la statistique, plusieurs cantons connaissent un taux de vacance bien inférieur à 1 %. C’est le cas notamment des cantons de Zurich, Genève, Zoug et Obwald. En ville de Zurich, le taux de vacance était de 0,06 % en juin 2023. Cela signifie que sur 10 000 logements, seulement six sont libres. Et nombre de logements vacants ne sont pas adaptés au commun des mortels, par exemple les logements de plus de six pièces, les logements particulièrement chers ou les appartements en copropriété. Il est donc quasiment impossible, et particulièrement pour les personnes disposant d’une faible marge de manœuvre financière, de trouver un nouveau logement. Aucun signe ne montre aujourd’hui que la tendance de pénurie de logements va s’inverser. Au contraire : la situation risque de s’aggraver encore ces prochaines années. L’entreprise immobilière Wüest Partner estime qu’en 2026, il devrait manquer quelque 50 000 logements sur le marché. Évolution

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loyers Source : OFS 2024 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 Indice des loye rs % 100 110 120 130 140 Indice des prix à la consommation (IPC)
des

Besoin croissant de logements et faible activité de construction entraînent une pénurie de l’offre

La pénurie de logements n’est pas une surprise : elle résulte des développements sociétaux, économiques et politiques de ces dernières décennies. D’un côté, la population résidente a constamment augmenté entre 1990 et 2022 (28 %), tout comme le nombre de ménages (33 %). 1 La composition des ménages a également changé. Par exemple, de plus en plus de personnes vivent seules. Le nombre de ménages de personnes seules a presque quadruplé depuis 1970 alors que celui de couples avec enfants est resté stable. Les célibataires décident de plus en plus de vivre seuls. Les personnes âgées elles aussi continuent d’occuper seules leur logement après le décès de leur partenaire, formant ainsi un ménage d’une personne. Le taux de divorce fait également progresser les besoins en surface habitable ; les couples divorcés qui se partagent la garde des enfants et les élèvent occupent deux logements. C’est ainsi que « la densité d’occupation par logement » ne cesse de diminuer.

Ces évolutions sociales coïncident avec le développement de la prospérité : en Suisse, les personnes occupent en moyenne de plus en plus d’espace par individu. En 1990, selon l’OFS, on comptait 39 m 2 de surface habitable par personne. Aujourd’hui, c’est près de 46,5 m 2 par personne. La combinaison de ces différents facteurs engendre une augmentation des besoins moyens en surface habitable. Du côté de l’offre, on constate en parallèle depuis quelques années un recul de l’activité de construction. La hausse des taux d’intérêt et des coûts de construction a rendu les projets de construction moins attrayants pour les investisseurs. La longueur des processus de planification et d’autorisation et la multiplication des réglementations dans le domaine de la construction ont également un effet de frein. La construction dans les structures urbaines existantes en est rendue particulièrement difficile.

Entre logements bon marché, densification et stratégie climatique

La Suisse est un petit pays en termes de superficie, recouvert en grande partie de zones agricoles, de montagnes, de forêts et de cours d’eau. Selon l’OFS, seulement 8 % de la superficie du pays est disponible pour l’habitat. Les zones d’habitation se sont fortement développées ces dernières années. En 2013, l’électorat suisse a accepté en votation la limitation des surfaces de zones à bâtir et la prévention du mitage du territoire. La loi sur l’aménagement du territoire a donc pour objectif de densifier les zones d’habitation existantes. Jusqu’à présent, cette densification (également appelée « développement vers l’intérieur ») progresse plutôt lentement. Planifier et réaliser des projets de développement vers l’intérieur est nettement plus complexe que de construire en rase campagne, car les projets de densification doivent répondre à de hautes exigences. Ils se heurtent souvent à une résistance sur place et peuvent être bloqués par des oppositions, avec un cercle large de riverains et de propriétaires potentiellement concernés. Aujourd’hui, la densification implique souvent la démolition d’anciens bâtiments résidentiels et l’érection d’immeubles de substitution plus modernes permettant d’augmenter le degré d’utilisation du sol. Mais si davantage de gens peuvent certes vivre sur la même surface au sol, il s’avère que ce mode de faire entraîne la disparition de logements bon marché et l’éviction des personnes qui résident dans les anciens bâtiments. Ces gens sont remplacés par des ménages plus aisés qui peuvent se permettre de payer des loyers plus élevés. 2

La stratégie climatique a également une influence sur la construction de logements. En effet, le secteur du bâtiment est l’un des gros émetteurs d’émissions de gaz à effet de serre. C’est la raison pour laquelle l’un des principaux objectifs de la politique climatique suisse est d’assainir les bâtiments sur le plan énergétique afin de réduire la consommation d’énergie par habitant. C’est un pas important vers la réalisation des objectifs climatiques. Et dans le cadre de ces rénovations énergétiques, les bâtiments font souvent l’objet d’une rénovation totale. Si les appartements sont vidés et reloués après l’assainissement, ils ne sont plus soumis à la réglementation des loyers existants. Le nouveau loyer peut être fixé en fonction du marché, ce qui équivaut souvent à une grosse augmentation. Tant le développement vers l’intérieur (sous forme d’immeubles de substitution) que les rénovations énergétiques entraînent donc dans un premier temps la disparition de logements plus anciens et plus avantageux pour les locataires. 3

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Les plus désavantagés sont ceux qui cherchent un nouveau

logement

Les loyers du marché, c’est-à-dire les loyers des nouveaux contrats de location, augmentent fortement à cause de la rareté de l’offre. En revanche, les loyers existants, à savoir les contrats de location en cours, sont mieux protégés par le droit de la location. Avec pour conséquence que l’écart entre les loyers existants et les nouveaux loyers ne cesse de se creuser. Les personnes les plus défavorisées sont celles qui souhaitent ou doivent changer de logement aujourd’hui. Il s’agit des nouveaux arrivants, des personnes dont le contrat de logement a été résilié ou qui ont besoin de plus d’espace, par exemple parce qu’elles ont fondé une famille. 4 Les loyers élevés du marché créent également des incitations négatives à déménager (« lock-in effect »). Des personnes restent donc dans des logements inadaptés, par exemple dans des appartements trop petits (« suroccupation »). Il est prouvé que cela dépend du revenu : les personnes aux revenus les plus faibles sont contraintes d’accepter des conditions de logement plus inadaptées que celles aux revenus élevés. 5 Les personnes âgées, quant à elles, ont tendance à rester dans des logements trop grands, car elles devraient payer le même prix pour un logement plus petit ou parce qu’elles ne trouvent pas de logement mieux adapté dans leur environnement habituel. Cela prive le marché de grands appartements dont les familles auraient pourtant besoin. 6

Les défis sur le marché du logement

Des mécanismes spécifiques agissent sur le marché du logement. Le sol est un bien rare et ne peut pas être étendu à volonté. En même temps, les gens ont besoin d’un toit. Quelque deux tiers de la population suisse n’est pas propriétaire de son logement et vit en location. Les contrats de location montrent une asymétrie de pouvoir entre le bailleur et le locataire. Dans une situation de pénurie de logements, les gens sont particulièrement tributaires de la possibilité de trouver ou de conserver un logement abordable. Cette dépendance les dissuade de faire valoir leurs droits en matière de droit de location et de risquer d’éventuels litiges avec le bailleur. À long terme, la hausse des prix de l’immobilier aggrave également la segmentation de la société : les ménages à faibles et moyens revenus peuvent de moins en moins accéder à la propriété, ce qui les expose toujours plus aux contraintes du marché locatif.

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Insuffisance des logements pour les ménages en situation financière précaire

Les coûts de logement pèsent excessivement sur les budgets serrés

Les ménages ne sont pas tous égaux face à la hausse des coûts du logement. Proportionnellement à leurs moyens, les personnes aux revenus les plus faibles doivent consacrer une part de leur budget bien plus importante que les autres aux coûts de logement. Selon l’enquête sur le budget des ménages, les personnes du quintile des revenus les plus bas consacrent plus de 30 % de leur budget aux coûts de logement et d’énergie. En comparaison, les ménages à revenus moyens y consacrent un peu plus de 15 % de leurs revenus ; les ménages du quintile de revenus le plus élevé ne consacrent que 10 % de leur budget au logement. Cette inégalité est également manifeste en ce qui concerne les coûts de l’énergie. Les ménages à faibles revenus vivent plus souvent dans des logements moins bien isolés et plus gourmands en énergie. Ils doivent donc se procurer plus d’énergie pour pouvoir se chauffer. Les coûts de logement et d’énergie sont des dépenses fixes. Lorsqu’ils augmentent, les personnes au budget serré sont contraintes de restreindre leurs dépenses dans d’autres domaines, comme l’alimentation, la santé ou les loisirs. La hausse des coûts du logement et de l’énergie risque donc de faire basculer dans la pauvreté. Dans les cas les plus graves, les situations précaires en matière de logement peuvent même aboutir au sans-abrisme. La perte du logement risque d’engendrer et d’accélérer la spirale négative – perte d’emploi et d’indépendance économique, détérioration de la santé et isolement social progressif.

Conditions précaires de logement

Environ 5 % des personnes résidant en Suisse vivent dans un logement suroccupé. Un logement est considéré comme suroccupé si la surface habitable est inférieure à 40 m 2 pour une personne, plus 10 m 2 pour chaque personne supplémentaire du ménage, ou si le logement ne comporte pas au moins une pièce par personne et une pièce commune. Selon l’OFS, les familles vivent plus souvent que la moyenne dans des logements suroccupés. C’est le cas également des personnes appartenant au cinquième de la population ayant les revenus les plus faibles, des personnes sans diplôme post-obligatoire, des sans-emploi et des ressortissants étrangers. À la suroccupation s’ajoutent d’autres restrictions qualitatives du logement, notamment une exposition accrue au bruit ou des problèmes d’insalubrité (fuites, froid, moisissures). La qualité du logement peut donc avoir une incidence directe sur l’état de santé physique et psychique des habitants. Un loyer moins cher peut aussi signifier que l’infrastructure (concrètement, les écoles, les places de jeu p. ex., ou encore les transports publics, les possibilités de s’approvisionner) est insuffisante. Cela péjore à son tour les performances individuelles au travail ou à l’école. 7 Les personnes en situation de pauvreté ont globalement un risque beaucoup plus élevé d’être mal logées. Concrètement, elles vivent en effet dans des conditions précaires en ce qui concerne la taille, le coût, la qualité ou la situation du logement. 8

Autres dépenses

Logement et énergie

Revenu du ménage en francs par mois

Dépenses des ménages selon le revenu

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Source : représentation propre basée sur l’enquête de l’OFS sur le budget des ménages 2015–2017 100 75 50 25 % 21,3 % 4530 – 6717 33,7 % Moins de 4530
17,3 % 6718 – 9288 14,1 % 9289 –12 855 10,0 % dès 12 856

Ménages à bas revenus

Ménages à revenus moyens

Ménages à revenus élevés

Les ménages à bas revenus consacrent une part nettement plus importante de leurs dépenses au loyer. La moitié des ménages à bas revenus affectent plus de 29 % au loyer. Un quart d’entre eux en consacrent même bien plus de 40 %. Seul un ménage à bas revenus sur dix a une charge locative inférieure à 18 %. Pour les ménages à revenus moyens

Charge locative (%) par classe de revenu

et élevés, la charge locative est nettement plus basse et la fourchette moins large. Parmi les ménages à revenus moyens, 90 % des locataires consacrent moins d’un tiers de leur revenu au loyer. Pour 9 locataires à revenus élevés sur 10, la charge locative est inférieure à 20 %.

Source : présentation propre basée sur les calculs de l’observatoire de la demande de logements locatifs (www.nachfragemonitor.ch), avril 2024

Famille monoparentale

Famille

Couple

Célibataire

Les coûts du logement pèsent différemment sur les ménages. La moitié des familles monoparentales ont une charge locative supérieure à 30 % du budget du ménage. Pour 10 % des ménages monoparentaux,

Charge locative (%) par type de ménage

la charge locative dépasse même 60 % du budget du ménage. Les ménages monoparentaux et les personnes seules ont une charge locative plus élevée que la moyenne.

Source : présentation propre basée sur les calculs de l’observatoire de la demande de logements locatifs (www.nachfragemonitor.ch), avril 2024

La ligne en pointillé est la médiane. Elle indique le point de la distribution où exactement la moitié de toutes les valeurs se situent en dessous ou au-dessus.

Les lignes indiquent l'étendue de la distribution. La ligne commence au point où exactement 10 % des valeurs sont inférieures et 90 % des valeurs sont supérieures. La fin de la ligne indique le point où 90 % de toutes les valeurs sont inférieures et 10 % supérieures.

La boîte comprend les 50 % médians de toutes les valeurs. À l’extrémité inférieure, la boîte est limitée par le premier quartile. Cela signifie que 25 % des valeurs se trouvent en dehors de la boîte à gauche. À l'extrémité droite, la boîte est limitée par le troisième quartile. Les 25 % de valeurs supérieures se trouvent donc à droite de cette limite.

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Total 10 % 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Total 10 % 20 30 40 50 60 70 80 90 100

Des obstacles importants lors de la recherche de logement

La marge de manœuvre financière des personnes en situation précaire est étroite ; elles sont donc obligées de trouver un logement dans le segment de loyer inférieur qui leur permet de ne pas dépasser leur budget. Selon le lieu de domicile, cela restreint considérablement le choix de logements possibles. Un changement de logement entraîne d’autres obstacles financiers. Par exemple, il faut obligatoirement déposer une caution d’un montant équivalent à trois loyers mensuels. Il faut donc avoir un petit coussin financier pour cela, et beaucoup de gens n’en disposent pas. Selon l’OFS, une personne sur cinq en Suisse n’est pas en mesure de faire face à une dépense inattendue de 2500 francs.

D’autres raisons structurelles sont responsables du fait que les personnes à bas revenus ont particulièrement de peine à trouver un logement. La recherche d’un logement en effet nécessite toujours quelques ressources individuelles : il faut du temps, et de la souplesse d’horaire pour les visites d’appartements à court terme. Rédiger son dossier de candidature requiert des connaissances en informatique ; de plus, les barrières linguistiques peuvent également constituer un obstacle. Il faut aussi divulguer de nombreux détails personnels lors de la demande de logement. Ce qui engendre inévitablement des discriminations dues à l’origine, ou au fait que la personne perçoit une aide sociale, qu’elle est endettée, qu’elle fait l’objet de poursuites ou qu’elle n’a pas de bonnes références. Enfin, les logements se transmettent de plus en plus de manière informelle dans les réseaux d’amis ou de connaissances. Les nouveaux arrivants et les personnes sans réseau social en sont tout naturellement exclus.

Les ménages les plus précaires sont mis de côté

La densification vers l’intérieur se produit plus souvent via une nouvelle construction remplaçant l’ancien immeuble que par le biais de surélévations ou d’extensions de bâtiments existants. Selon une récente étude de l’EPFZ, cette pratique entraîne de considérables effets d’éviction. En règle générale, en cas de rénovation totale, la surface habitable augmente. Toutefois, le prix de location par personne renchérit également considérablement. En moyenne, le revenu annuel du ménage des personnes emménageant après la rénovation est supérieur de plus de 3600 francs à celui des locataires précédents. Les immeubles de substitution font d’abord disparaître les logements particulièrement bon marché (moins de 1200 francs par mois). Par conséquent, les gens à faibles revenus qui logent dans ces appartements bon marché sont les premiers à être touchés par ce phénomène d’éviction. Les personnes étrangères ont même une probabilité 30 % plus élevée que les Suisses d’être évincées. Les ménages à faible revenu qui perdent leur logement en raison d’une reconstruction ou d’une rénovation totale n’arrivent pratiquement jamais à trouver un logement abordable dans le même quartier. Par exemple en ville de Zurich, plus de 80 % des gens qui ont dû quitter leur appartement pour cause de rénovation ou de reconstruction ne retrouvent pas un appartement dans le même quartier et doivent se déplacer vers des quartiers extérieurs. 9

Conclusion

Une lutte globale contre la pauvreté doit impérativement prendre en compte la situation de logement. En effet, les coûts du logement, en augmentation, et la pénurie de logements touchent particulièrement les gens en situation précaire et sont susceptibles de jeter dans la pauvreté des ménages qui jusque-là s’en sortaient par leurs propres moyens. Les personnes touchées par la pauvreté vivent plus souvent que la moyenne dans des logements précaires et elles sont également proportionnellement plus touchées par l’éviction spatiale. Elles font aussi face à des défis plus importants dans leur recherche de logement.

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Quelles mesures pour augmenter le

nombre

de logements et les rendre plus abordables ?

Des réponses sur plusieurs plans

Pour permettre à tous les habitants de notre pays de vivre de manière autonome et digne, il faut suffisamment de logements abordables partout en Suisse. Les personnes à faibles revenus sont particulièrement vulnérables sur le marché du logement. La politique doit donc accorder une attention particulière à leur situation. Cette responsabilité est d’ailleurs inscrite dans la Constitution fédérale (Cst.). Selon l’art. 41 Cst., « La Confédération et les cantons s’engagent, en complément de la responsabilité individuelle et de l’initiative privée, à ce que (…) toute personne en quête d’un logement puisse trouver, pour elle-même et sa famille, un logement approprié à des conditions supportables ; l’art. 108 Cst. dispose aussi que la Confédération encourage « (…) la construction de logements, la rationalisation de la construction, l’abaissement de son coût et l’abaissement du coût du logement » et « (…) ce faisant, elle prend notamment en considération les intérêts des familles et des personnes âgées, handicapées ou dans le besoin ». Dans la pratique, le fait qu’une grande partie des compétences étatiques en matière de logement n’est pas du ressort de la Confédération, mais de celle des cantons et des communes, complique beaucoup l’application. Ce sont les cantons et communes qui édictent les plans directeurs et les plans d’affectation et délivrent les permis de construire. Enfin, les acteurs privés ont une influence considérable sur le marché du logement. L’OFS estime qu’environ 80 % des logements locatifs en Suisse appartiennent à des particuliers et à des investisseurs dits institutionnels, par exemple des assurances, des caisses de pension ou des banques. Le marché du logement est donc soumis aux principes de l’économie de marché et l’État n’a que peu d’influence sur lui.

L’idée que de nombreuses agglomérations urbaines manquent de plus en plus de logements (abordables) et que la densification vers l’intérieur progresse nettement trop lentement fait de plus en plus consensus. En revanche, les avis divergent sur la manière de répondre à ces défis. Les possibilités d’action se situent à différents niveaux et concernent des problématiques diverses. Nous regroupons ici les approches possibles et les classons dans la perspective de la pauvreté.

Soutien direct des locataires

Plusieurs revendications visent à soutenir directement les locataires.

Contributions aux loyers

Les ménages peuvent bénéficier d’un soutien financier direct afin de pouvoir payer les augmentations de frais de logement. Les contributions directes sont une possibilité de décharger rapidement les ménages sur le plan financier. L’allègement prend par exemple la forme d’une contribution au loyer , afin de soulager efficacement les familles. Les cantons de BâleVille, Bâle-Campagne et Genève ainsi que certaines communes des cantons de Vaud et du Tessin connaissent cet instrument. L’allocation pour frais d’énergi e introduite en ville de Zurich en 2023 est un autre moyen de soutien financier. Dans ce cadre, tous les ménages de condition modeste qui sont confrontés à une hausse particulièrement importante des coûts de l’énergie touchent une aide ciblée.

Ces subsides fonctionnent selon une logique similaire à celle de la réduction individuelle des primes d’assurance-maladie. Du point de vue de la pauvreté, ces contributions sont une mesure prépondérante, car elles soulagent directement et rapidement les ménages. Il y a un autre avantage : les contributions directes permettent également de soutenir de manière ciblée et temporaire les ménages qui risquent de tomber dans la pauvreté à cause des coûts du logement, mais qui par ailleurs disposent d’un besoin de soutien (social) peu important. L’un des inconvénients majeurs des contributions directes est qu’elles contrent les symptômes du coût élevé du logement sans entraîner de changement structurel.

Garanties pour les cautions de loyer et les parts sociales

Dans un contexte de pénurie de logements, la situation est particulièrement précaire pour les personnes à budget serré qui trouvent un nouveau logement et qui doivent fournir dans un délai très bref une garantie pouvant aller jusqu’à trois mois de loyer maximum. Une autre forme d’aide directe individuelle consiste donc à ce que les pouvoirs publics ou des fondations fournissent la garantie de loyer pour des particuliers. Cela permet aux personnes dont la situation financière n’est pas assez bonne pour qu’elles déposent la totalité de la garantie de loyer de conclure tout de même un contrat de location. Cette mesure se limite aux nouveaux contrats. Elle apporterait un soutien crucial aux personnes touchées ou menacées par la pauvreté qui cherchent un logement. Le même mécanisme est envisageable s’agissant des parts sociales des coopératives d’habitation qui pourraient également être garanties par un fonds public.

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Du point de vue de la pauvreté, ce genre d’offres crée une plus grande égalité des chances sur le marché du logement. Pour réussir leur mise en œuvre, il faut toutefois que le soutien fonctionne rapidement et sans bureaucratie. Le versement de la garantie de loyer ou des parts sociales est une condition préalable à la conclusion d’un contrat et le délai est généralement assez court. Des fondations (notamment les fondations Domicil à Zurich ou Le Relais dans le canton de Vaud) offrent ce genre de soutien en se portant garantes de la location par le biais d’une responsabilité solidaire ou en prenant entièrement en charge le contrat de location.

Accès aux services de conseil et aux procédures juridiques

Conseil et accompagnement

Pour les personnes en situation de pauvreté, la recherche d’un logement peut s’avérer particulièrement difficile en raison du manque de ressources. C’est là que peuvent intervenir les offres de soutien individuel qui accompagnent le processus de recherche de logement. Il s’agit notamment d’un coaching spécifique pour la recherche d’un logement, par exemple pour maîtriser l’utilisation des plateformes d’annonces et des formulaires en ligne, et pour réussir l’ensemble du processus de visite et de candidature. Caritas Zurich propose une offre de ce genre avec son projet « WohnFit ». Les personnes touchées ou menacées par la pauvreté et qui ont des difficultés à trouver un logement sont accompagnées dans leurs démarches ou encadrées par des bénévoles et des professionnels à l’occasion de cours collectifs ou de consultations individuelles. On peut aussi renforcer les compétences en matière de logement de manière ciblée, par exemple lors de l’emménagement dans une nouvelle habitation.

Accès aux conseils et aux procédures juridiques

La peur de perdre son logement peut être un frein important aux revendications de droits de locataire. D’ailleurs, faire valoir ses droits suppose aussi d’avoir des connaissances et compétences que de nombreux locataires n’ont pas. Les particuliers voient qu’il est difficile de vérifier si les dispositions légales sont respectées. Les enquêtes sur le droit du bail représentent toujours un surcroît de travail administratif et financier pour les locataires. Par exemple, la conclusion d’une assurance de protection juridique en fait partie. Ces services sont moins accessibles justement aux personnes touchées par la pauvreté qui sont pourtant concernées plus souvent que la moyenne par des conditions de logement précaires. Des services de conseil gratuits à bas prix, par exemple l’Association vaudoise pour la sauvegarde du logement des personnes précarisées (AVSL) dans le canton de Vaud, peuvent y

remédier. Ils donnent des conseils pour l’application de loyers raisonnables par exemple. Les gens disposant de peu de moyens sont souvent réticents à contester un loyer excessif ou à faire valoir leurs droits en justice pour d’autres revendications relevant du droit de la location. Car les procédures judiciaires coûtent cher. On pourrait imaginer un fonds servant à aider dans de telles situations et à couvrir les frais à titre subsidiaire en cas de procédure judiciaire. C’est une réalité dans plusieurs sections de l’association des locataires.

Créer une offre de logement adaptée à la commune

Du côté de l’offre de logements abordables, il faudrait que les communes mettent elles-mêmes à disposition davantage de logements abordables pour les personnes à bas revenus. Elles peuvent le faire par exemple en achetant des terrains à bâtir, en utilisant des logements vacants ou en achetant ou louant des logements adaptés. En pareil cas, l’avantage est que les pouvoirs publics peuvent définir eux-mêmes les critères d’éligibilité et favoriser ainsi la mixité sociale, par exemple en subventionnant de manière ciblée certains logements pour les personnes à très faibles revenus. L’inconvénient est qu’il s’agit d’une mesure coûteuse lorsque les terrains à bâtir disponibles sont rares, que le prix des terrains et celui des loyers du marché sont élevés. Précisément dans les zones densément peuplées où l’on manque déjà de logements abordables, les terrains à bâtir sont de plus en plus rares. Et donc, la mise en œuvre d’une telle mesure n’est pas possible de la même manière partout. Un droit de préemption de l’État pourrait avoir un effet de soutien. Cela permettrait aux communes d’acquérir plus facilement des terrains à bâtir ou des logements adaptés.

Promotion du logement d’utilité publique

Il est urgent de mettre davantage de logements abordables sur le marché. Pour atteindre cet objectif, les pouvoirs publics peuvent promouvoir la part des bailleurs d’utilité publique. Ces derniers privilégient le loyer basé sur les coûts et renoncent à la recherche de bénéfices au détriment des locataires. De ce fait, les loyers des logements d’utilité publique sont – dans une perspective à long terme – nettement plus bas que les loyers du marché. De plus, selon l’association Coopératives d’habitation Suisse, les habitants des coopératives occupent moins de surface habitable par personne que la moyenne suisse, ce qui est globalement plus durable. Par exemple, on peut promouvoir les coopératives d’habitation

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en obtenant des prêts à des conditions avantageuses pour réaliser les projets de construction. C’est un instrument bien établi qui passe aujourd’hui déjà par le fonds de roulement de la Confédération et des programmes d’encouragement cantonaux. Du point de vue de la pauvreté, il est important que le logement d’utilité publique soit effectivement ouvert aux personnes en situation de précarité financière. Dans ce cas, d’autres mesures, comme la prise de parts sociales, peuvent avoir un effet complémentaire.

Mesures d’aménagement du territoire et de la construction

Assouplissement des dispositions légales

Plusieurs propositions visent à élargir l’offre et interviennent notamment dans le domaine de l’aménagement du territoire et celui du droit de la construction. On peut citer par exemple l’assouplissement des dispositions légales existantes en matière de protection contre le bruit, les distances minimales ou le cœfficient d’utilisation du sol. Des propositions visant à limiter les oppositions qui retardent les projets de construction sont également sur la table. Il s’agit de faciliter la densification des constructions dans les zones urbaines existantes. Du point de vue de la pauvreté, il y a là aussi des approches potentielles. Par exemple, il est possible de promouvoir des normes d’aménagement plus simples et moins coûteuses correspondant néanmoins à un habitat de qualité.

Taxe sur la plus-value

En Suisse, le terrain à bâtir est un bien rare et cher. Lorsqu’un terrain d’une zone agricole passe en zone à bâtir (autrement dit change de zone d’affectation), sa valeur augmente de manière significative, sans que le propriétaire n’ait rien fait pour cela. Le canton peut prélever une partie de cette plus-value. Les fonds sont utilisés en premier lieu pour le paiement d’indemnités en cas de déclassement. Les cantons peuvent aussi les utiliser pour promouvoir un « développement vers l’intérieur » de qualité. Concrètement, il peut s’agir par exemple d’investissements dans les infrastructures publiques et sociales (parcs, lieux de rencontre de quartier), de l’encouragement de la mobilité piétonne et du trafic cyclable ou de mesures de protection contre le bruit. Mais le prélèvement de la taxe sur la plus-value permet aussi de financer des mesures ciblées visant à promouvoir le logement abordable.

Rénovation climatique socialement responsable À première vue, les conflits d’intérêts sont nombreux entre la politique climatique, et celle de l’aménagement du territoire et du logement. Par exemple, alors que les rénovations énergétiques sont importantes pour la réalisation des objectifs

climatiques et pour un développement territorial durable, elles entraînent particulièrement souvent la disparition des logements anciens dans le segment de prix le plus avantageux. L’augmentation de loyer après une rénovation énergétique est particulièrement élevée en cas de changement de locataire. 10 Il faut y remédier par des dispositions légales permettant d’empêcher l’éviction des locataires modestes. Dans les projets d’immeubles de substitution ou de rénovations nécessitant le congé collectif des locataires, on pourrait par exemple prévoir de maintenir une part obligatoire de logements à loyer modéré pour les ménages à bas revenus.

Des logements abordables dans les projets de densification

D’un point de vue environnemental, il est judicieux de créer davantage de logements dans les agglomérations existantes. Aujourd’hui, cela passe souvent par des immeubles de substitution. Ce mode de faire permet certes de créer davantage de logements sur la même surface au sol. Mais souvent, ces derniers sont beaucoup plus chers, et les anciens locataires ne peuvent pas revenir. La densification vers l’intérieur démolit souvent les logements du segment de prix le plus avantageux. Il est possible d’y remédier en fixant, dans les projets de densification, une part minimale de logements qui restent abordables pour les personnes à bas revenus. Les communes pourraient le garantir via les plans d’affectation. Il en va de même en cas de hausse du degré d’utilisation du sol, par exemple lorsqu’on surélève un bâtiment ou qu’on lui ajoute une annexe. Cette mesure permet de lutter contre l’éviction des personnes à faibles revenus des quartiers de la ville et des quartiers revalorisés. Il est aussi prouvé que cela augmente le taux d’acceptation d’un projet, ce qui réduit la probabilité d’oppositions et a un effet positif sur la mise en œuvre et la durabilité sociale des projets de densification.

Adaptation du droit de bail

Il est aussi question d’adapter le droit de bail. Ce droit pourrait ainsi prévoir la publication du loyer initial ou le contrôle périodique du rendement locatif. Ces revendications visent à freiner la hausse des loyers en général, mais n’ont pas d’effet spécifique sur la pauvreté.

Obligation de communiquer le loyer précédent Lorsqu’il y a pénurie de logements, bien des gens sont heureux de simplement trouver un logement. Ils sont prêts à payer un loyer élevé pour leur budget et n’osent pas le remettre en question ou ne savent pas comment obtenir les informations nécessaires. Il est donc rare que des mesures soient prises contre les loyers initiaux abusifs. Il importerait donc que la

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loi exige la communication du loyer du locataire précédent lors de la conclusion d’un contrat de location (on parle de formule obligatoire pour le loyer initial). Cette mesure crée de la transparence et facilite la contestation des loyers abusifs. De plus, elle pourrait avoir un effet préventif : les bailleurs s’abstiendraient d’augmenter les loyers à leur guise lors du changement de locataires. Dans certains cantons, cette obligation existe déjà, notamment à Bâle-Ville, Fribourg, Genève, Lucerne, Zoug et Zurich.

Contrôle périodique du rendement locatif

Le droit du bail permet aux bailleurs d’obtenir un rendement plafonné avec le loyer. Le calcul de ce rendement est complexe et difficile à vérifier pour le locataire. Dans la réalité, le rendement est souvent supérieur à celui autorisé parce qu’il n’existe aucun mécanisme de contrôle permettant de s’assurer que le seuil est respecté. Un contrôle périodique des rendements chez les grands bailleurs aurait donc, peut-être, un effet modérateur sur la hausse générale des loyers.

Autres mesures

Faciliter les échanges de logements

L’effet de « lock-in » conduit à ne pas quitter des logements pourtant inadaptés. C’est particulièrement le cas des personnes âgées qui vivent dans des logements sous-occupés parce qu’elles ne sont pas en mesure d’en trouver un plus petit et moins cher dans leur environnement familier ou dans un cadre comparable. Des logements plus grands, dont les familles en particulier auraient un besoin urgent, ne sont donc pas sur le marché. D’où l’idée de l’échange d’appartements. Elle permet à deux locataires d’échanger leurs logements, tout en continuant à bénéficier des loyers existants. Pour réussir à appliquer cette mesure, il faut notamment que les bailleurs soient d’accord, et que des plateformes dédiées permettent de coordonner ces échanges.

Résumé

Il y a donc de multiples réponses au coût élevé du logement et au manque d’égalité des chances pour les personnes à faible budget sur le marché du logement. Il est clair qu’aucune de ces mesures ne peut à elle seule résoudre le problème. Il s’agit donc de combiner différents instruments qui sont efficaces à court, moyen et long termes en tenant compte des vulnérabilités spécifiques des personnes touchées par la pauvreté ou menacées de l’être.

Quels sont les défis spécifiques à l’aide sociale ?

Les bénéficiaires de l’aide sociale sont soumis à une pression particulière lorsqu’ils cherchent un logement. En effet, les services sociaux fixent, moyennant des « limites de loyer », le montant qui sera payé pour les frais de logement. Si le loyer dépasse ce montant, les personnes concernées doivent alors chercher un logement moins cher – ce qui relève souvent de l’impossible – ou payer le montant restant avec leur forfait pour l’entretien. Cela signifie faire des concessions sur un budget qui, de toute façon, suffit à peine pour vivre dignement. L’augmentation des loyers et des charges pousse de plus en plus de bénéficiaires de l’aide sociale dans une situation précaire. À court terme, on peut atténuer ces conséquences via la prise en charge par les services sociaux des frais de loyer dépassant la limite de loyer suite à une hausse légitime. Cela correspond aux recommandations de la CSIAS. À moyen terme, il faut fixer les limites de loyer de manière réaliste et sur la base d’une expertise, et ce à l’échelle du territoire. Et il faut les revoir régulièrement et les adapter aux conditions du marché. En effet, vu la hausse rapide des loyers, il devient presque impossible de trouver des logements dans le segment de prix prédéfini.

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Revendications clefs de Caritas Suisse

En Suisse, la pauvreté va souvent de pair avec une situation de logement précaire. Le coût élevé du logement est le principal problème. Les personnes disposant de peu de moyens ne dénichent plus de logements à prix abordable, en particulier dans les agglomérations urbaines et les régions touristiques. Et si elles trouvent un tel logement, il est souvent trop exigu et en mauvais état. Et lorsqu’on a trouvé un logement convenable, on pourrait avoir du mal à le garder. Pour beaucoup de locataires, le loyer est un souci permanent, comme le montrent les consultations de Caritas. Le logement, qui représente un bon tiers du revenu brut, est le plus gros poste budgétaire pour les ménages à faible revenu. C’est plus du double de ce que dépense proportionnellement un ménage moyen. Pour les plus d’un million de personnes touchées ou menacées par la pauvreté, un logement abordable est un bien existentiel. La forte hausse actuelle des loyers rend le problème de plus en plus actuel pour la classe moyenne également.

Il est de la responsabilité du gouvernement à tous les niveaux de veiller à ce que les ménages au budget serré trouvent un logement abordable et de bonne qualité. La Confédération doit assumer son rôle stratégique et remplir le mandat qui lui est confié par la Constitution : il faut des logements adéquats à des conditions supportables pour tous les groupes de population. Les cantons et les communes doivent eux aussi enfin exploiter leur marge de manœuvre et développer des stratégies ciblées d’aide au logement pour les ménages à bas revenus.

Un meilleur accès au logement pour les ménages en situation précaire

Il n’est pas possible de créer du jour au lendemain suffisamment de logements à prix abordable. Il est donc urgent de prendre des mesures à court terme atténuant rapidement la hausse des coûts du logement pour les personnes en situation de précarité financière. Il faut éviter que les gens qui s’en sortent vaille que vaille ne tombent dans la pauvreté à cause du coût du logement.

• Aides financières directes

Pour atténuer rapidement et efficacement les coûts élevés du logement pour les ménages à bas revenus, il faut des aides financières directes des pouvoirs publics en fonction des revenus, par exemple par le biais de contributions aux loyers ou d’allocations pour frais d’énergie. Dans l’aide sociale, les limites de loyer doivent être adaptées chaque année à l’évolution du marché du logement.

• Cautionnements et prise en charge de cautions de loyer

Les personnes qui ont peu d’argent ne peuvent pas payer une caution allant jusqu’à trois mois de loyer. De plus, de nombreux ménages en situation financière précaire ont du mal à payer leur loyer à temps chaque mois. Il faut que l’État encourage davantage les fondations qui prennent en charge les cautions de loyer et les garanties pour les ménages vulnérables.

• Offres d’accompagnement et de conseil faciles d’accès

Trouver un logement ne doit pas s’apparenter à un tirage au sort. C’est pourquoi il faut des offres gratuites permettant de lutter contre l’inégalité des chances sur le marché du logement, de renforcer les compétences individuelles spécifiquement pour la recherche d’un logement (connaissances informatiques par exemple) et de conseiller sur les questions juridiques. L’État doit encourager ces offres, car elles comblent une lacune importante dans l’accès au marché du logement et sont à la portée de tout un chacun.

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Encouragement ciblé de logements abordables

Les aides financières directes sont indispensables vu l’évolution actuelle dans le domaine du logement. Mais sans autres mesures d’accompagnement, elles ne constituent pas une solution durable. Elles ne servent plus à rien dès que le financement prend fin. Les dysfonctionnements sous-jacents ne sont pas corrigés : l’offre de logements reste limitée et les loyers demeurent inabordables. Les mesures prises dans le domaine du conseil et de l’accompagnement ont également leurs limites. Elles représentent une aide en permettant aux locataires d’accéder à un logement ou de faire valoir leurs droits. Mais s’il n’y a tout simplement pas de logements abordables disponibles, même les meilleurs conseils ne servent à rien. C’est pourquoi des mesures à long terme sont impératives en complément des contributions directes, afin de promouvoir des logements abordables et de favoriser une densification vers l’intérieur socialement et climatiquement acceptable.

• Compatibilité sociale lors de la densification vers l’intérieur et des rénovations

Les rénovations énergétiques et la densification vers l’intérieur peuvent et doivent être socialement acceptables. En cas de reconstruction ou de surélévation à des fins de densification, les logements supplémentaires créés doivent être abordables. En cas de rénovation énergétique (avec ou sans congés collectifs), des mesures sont également nécessaires pour lutter contre l’éviction des ménages à bas revenus.

• Politique du logement des cantons et des communes

Les cantons et les communes doivent mettre à disposition suffisamment de logements abordables. Les communes, notamment, disposent déjà de compétences étendues leur permettant de mener une politique active en matière de logement. Elles doivent effectivement utiliser cette marge de manœuvre. Elles peuvent elles-mêmes mettre à disposition des logements abordables pour les personnes à faibles revenus ou promouvoir des projets dans ce sens, par exemple au moyen d’un droit de préemption de l’État, de la mise à disposition de logements à loyer modéré ou de directives d’aménagement. Cette politique active du logement peut notamment être financée par le prélèvement de la taxe sur la plus-value dans les cas de changement de la zone d’affectation.

• Encouragement des bailleurs d’utilité publique

Les bailleurs d’utilité publique jouent un rôle clé dans la mise à disposition de logements abordables dans les segments de prix bas et moyens. Grâce à l’application systématique du loyer basé sur les coûts, le logement reste bon marché. Mais les coopératives d’habitation ne représentent toujours qu’une très petite part du marché suisse. Il est possible et nécessaire de l’augmenter à l’aide d’instruments appropriés. Il s’agit notamment de prêts d’État à faible taux d’intérêt qui permettent la mise en œuvre de projets de construction. Les communes et les cantons peuvent céder leurs réserves de terrain disponibles en droit de superficie à des bailleurs d’utilité publique.

Tant que de telles mesures à long terme ne seront pas mises en œuvre efficacement, une aide à court terme sera nécessaire pour les ménages concernés.

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1 Büchler, Simon et al (2023). Causes de l’augmentation du logement en Suisse – gros plan sur l’aménagement du territoire. Étude commandée par l’Office fédéral du logement OFL, Berne. https ://www.bwo.admin.ch/ bwo/fr/home/Wohnungsmarkt/studien-und-publikationen/wohnkosten. html

2 https ://baug.ethz.ch/news-und-veranstaltungen/news/2023/03/ neubauten-verdraengen-vulnerable-personen.html

3 ZHAW Travail social (2019). Lien entre la pauvreté monétaire et énergétique et conséquences des rénovations énergétiques pour les groupes vulnérables. Une analyse qualitative. Office fédéral du logement (OFL), Granges.

4 Schärrer, Markus et al (2022). Évolution et rendements sur le marché du logement locatif 2006–2021. Étude commandée par l’Association suisse des locataires. p. VII.

5 Sager, Daniel et al (2018). Les effets du droit du bail suisse dans un contexte de forte hausse des loyers proposés – une étude empirique. Étude réalisée sur mandat du Secrétariat d’État à l’économie (SECO) et de l’Office fédéral du logement (OFL). p. 3.

6 ZKB Immobilien Aktuell, édition novembre 2023. État au 01.05.2024 https ://www.zkb.ch/media/zkb/dokumente/publikationen/zkbimmobilien-aktuell-nov23.pdf

7 CSIAS (2023). Document de base sur le logement – Défis et pistes d’action du point de vue de l’aide sociale. Version actualisée en février 2024. Dernière consultation le 01.05.2024, https ://skos.ch/fileadmin/ user_upload/skos_main/public/pdf/grundlagen_und_positionen/ grundlagen_und_studien/2020_document_de_base_logement.pdf.

8 Bochsler, Yann et al (2015). La situation en matière de logement en Suisse. Inventaire des ménages de personnes en situation de pauvreté et de précarité – Un projet de recherche dans le cadre du Programme national de prévention et de lutte contre la pauvreté en Suisse. p. 59.

9 Kaufmann, David et al (2023). Connaissances sur la crise actuelle du logement. Activité de construction, éviction et acceptation. EPF Zurich, SPUR – Développement territorial et politique urbaine.

10 B,S,S. Volkswirtschaftliche Beratung AG in Zusammenarbeit mit Basler & Hofmann AG (2015). Rénovations énergétiques. Effets sur les loyers. Rapport final. Étude réalisée sur mandat de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) et de l’Office fédéral du logement (OFL). P. 44.

Juin 2024

Rédaction : Miriam Häfliger, service de politique sociale Version en ligne de cette prise de position : www.caritas.ch/politique-sociale

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