Plus de droits, plus de protection

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Plus de droits, plus de protection La prise de position de Caritas sur le statut prĂŠcaire des ĂŠtrangers admis provisoirement en Suisse

Prise de position de Caritas_mai 2015


Jouet du monde politique En bref : les droits des personnes qui sont ad-

Selon les statistiques de l’asile 2014 de l’Office fédéral

mises à titre provisoire en Suisse sont limités, ce

de la statistique (OFS), 28 641 personnes vivent en Suisse

qui les contraint à vivre dans des conditions très

avec le statut de personnes admises à titre provisoire.

précaires : elles n’ont pratiquement pas d’accès

9805 personnes – plus d’un tiers – sont en Suisse depuis

à l’emploi, ne peuvent prétendre qu’à une aide so-

plus de sept ans. Seuls 28 % sont arrivés depuis moins

ciale retreinte, sont soumises à des restrictions

de trois ans. La proportion d’hommes et de femmes est

de mobilité et durant trois ans, elles n’ont pas

à peu près égale. Les hommes ont pour la plupart entre

droit au regroupement familial. En bref, leur inté-

20 et 35 ans, les femmes entre 25 et 45 ans. Les plus

gration dans la société, qui est pourtant une

de 50 ans sont peu nombreux. Plus de la moitié des per-

condition sine qua non pour obtenir une autorisa-

sonnes admises à titre provisoire sont des enfants et

tion de séjour et des perspectives d’avenir, est

des jeunes. Chaque année, entre 2000 et 4000 requé-

rendue impossible. Il faut briser ce cercle vicieux.

rants d’asile obtiennent le statut d’étranger admis à titre

Caritas demande que l’admission provisoire fasse

provisoire. Au cours des dix dernières années, quelque

l’objet d’un statut de protection garantissant les

40 000 personnes ont obtenu ce statut, et plus de 90 %

mêmes droits que ceux des réfugiés reconnus :

d’entre elles sont restées en Suisse.

les barrières à l’emploi doivent être levées et le calcul de l’aide sociale doit s’aligner sur les d’action sociale (CSIAS). Il faut privilégier le droit

Quand peut-on obtenir le statut de p ­ ersonne admise à titre provisoire ?

à la vie de famille en levant le délai d’attente de

Les personnes admises à titre provisoire sont des citoyens

trois ans et assouplir les critères du regroupe-

étrangers qui font l’objet d’une décision de renvoi de

ment. Il faut favoriser la mobilité, permettre les

Suisse, mais qui sont admis à rester en Suisse à titre provi-

voyages à l’étranger et lever les restrictions dans

soire. Le permis F est valable pour une période de douze

ce domaine. Si, après trois ans, un retour dans le

mois et doit être renouvelé chaque année.

normes de la Conférence suisse des institutions

pays d’origine est impossible, l’autorisation définitive de séjour doit être accordée.

Le statut des personnes admises à titre provisoire est défini comme une « mesure de substitution émise par le Secré­ tariat d’État aux migrations pour des personnes qui font

En février 2014, la Commission des institutions politiques

l’objet d’une décision de renvoi de Suisse, mais pour les-

du Conseil national a déposé un postulat visant au « Ré-

quelles l’exécution du renvoi se révélerait illicite, inexigible

examen du statut des étrangers admis à titre provisoire et

ou matériellement impossible ».

des personnes à protéger ». Elle charge le Conseil fédéral

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d’examiner comment il serait possible d’améliorer le sta-

Un renvoi est illicite lorsque son exécution entre en contra-

tut des personnes admises à titre provisoire dans la loi

diction avec le droit international public (interdiction de

sur l’asile et les étrangers, ou comment on pourrait le

­renvoi en raison du danger pour la vie et l’intégrité de la

­réglementer autrement. Le Conseil fédéral, tout comme le

­personne). Un renvoi est inexigible lorsque la guerre, la vio-

Conseil national, a accepté le postulat. Le rapport est

lence généralisée ou des circonstances individuelles me-

­attendu dans le courant de 2015. Alors que d’un côté, on

nacent concrètement la vie de la personne. Cela concerne

discute d’une amélioration juridique du s­ tatut des per-

essentiellement les personnes originaires d’Afghanistan, de

sonnes admises à titre provisoire, les politiciens bourgeois

Somalie, de Syrie ou d’Érythrée ainsi que les personnes par-

demandent des dispositions plus restrictives ou même la

ticulièrement vulnérables ou les personnes mineures non

suppression de ce statut. Les personnes admises à titre

­accompagnées. Ces cinq dernières années, près de 80 %

provisoire font l’objet d’un jeu de ping-pong entre les dé-

des personnes admises à titre provisoire venaient de dix

cideurs politiques. Par cette prise de position, Caritas

pays seulement : la Somalie, l’Érythrée, l’Afghanistan, le Sri

souhaite attirer l’attention sur le statut précaire des per-

Lanka, la Syrie, l’Irak, la Chine, la Serbie, la République dé-

sonnes admises à titre provisoire et elle s’engage pour

mocratique du Congo et l’Iran. Un renvoi est matériellement

que ces personnes bénéficient de plus de droits, et pour

impossible lorsque les autorités du pays d’origine ne signent

qu’elles puissent participer plus facilement à la société.

pas les papiers nécessaires au retour du requérant d’asile.


Un statut de séjour très incertain Tous les examens mettent en évidence les conséquences

concurrence de 15 000 francs au maximum) – ceci à titre

de ce statut très précaire.  L’incertitude sur des années

de devoir de restitution pour les coûts de prise en charge

quant à un possible renvoi engendre chez les personnes

occasionnés. L’Organisation de coopération et de déve-

concernées une charge de stress énorme qui peut dé-

loppement économiques (OCDE) confirme les mauvais

boucher sur de la dépression et, chez les personnes déjà

chiffres de la Suisse par rapport aux autres pays d’Eu-

traumatisées par la guerre, engendrer des traumatismes

rope en matière d’emploi des personnes admises à titre

supplémentaires. Le caractère incertain de l’admission

provisoire. Après dix ans de séjour en Suisse, le taux

1

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est souligné par le terme « provisoire » et la notion juri-

d’occupation de ces personnes n’est que de 25 %. On

dique de « mesure de substitution pour un renvoi ». L’ad-

voit à l’évidence que les autorités responsables et les em-

mission à titre provisoire est ainsi négativement connotée

ployeurs n’ont pas fait suffisamment d’efforts pour amé-

puisque les requérants d’asile n’ont de fait pas obtenu

liorer les chances d’accéder au marché du travail des

l’asile. Ils ne peuvent déposer une demande pour cas de

personnes admises à titre provisoire. Malgré un travail

rigueur qu’après cinq ans pour obtenir une autorisation

d’information qui souligne que la plupart des personnes

de séjour régulière. Les conditions d’une autorisation de séjour sont difficiles à remplir : intégration sociale et professionnelle, non-recours à l’aide sociale depuis une année au moins et pas d’endettement. En 2008, la situation juridique s’est légèrement améliorée. Depuis le 1er janvier 2008, les personnes admises à titre provisoire ont explicitement le droit à l’intégration et elles

Le potentiel des personnes admises à titre provisoire et des réfugiés reconnus n’est de loin pas utilisé à sa juste valeur en Suisse.

peuvent théoriquement participer au marché du travail et aux offres d’intégration. Le peuple suisse a accepté ces

admises à titre provisoire vont rester en Suisse durant

nouvelles mesures en 2007, par 68 % des voix. La Confé-

une longue période, ou même de façon permanente,

dération, les cantons et les communes ont donc le man-

l’étude « Participation des réfugiés et des personnes ad-

dat légal de promouvoir l’intégration sociale et profes-

mises à titre provisoire sur le marché suisse du travail »,

sionnelle des personnes étrangères admises à titre

mandatée par le Secrétariat d’État aux migrations, arrive

provisoire. La mise en œuvre reste cependant insuffisante

à la conclusion que pour beaucoup d’employeurs, le sta-

et ne se fait que partiellement. Outre que dans la pra-

tut d’admission à titre provisoire représente un risque

tique, l’accès au marché du travail reste aussi difficile

qu’ils ne veulent pas courir. Il y a d’autres barrières : les

qu’avant, des restrictions juridiques au regroupement

exigences linguistiques, le manque de réseau des per-

­familial, à la mobilité, à l’aide sociale, à l’accès à la forma-

sonnes, l’absence de reconnaissance de leur formation et

tion et à toutes sortes d’actions quotidiennes, comme

l’interdiction de travailler dans un autre canton que le

l’obtention d’un abonnement de téléphone ou l’ouverture

canton de domicile. Cette même étude a examiné l’effet

d’un compte bancaire, subsistent.

d’un changement de statut et de l’obtention d’une autorisation de séjour. On voit que les personnes qui ont obtenu un permis B, synonyme de plus de sécurité, avaient

Accès cahoteux à l’emploi

plus de chances de trouver un emploi. Les femmes ont un taux d’occupation notablement plus faible que les

Les réfugiés reconnus ont le droit de travailler ; les per-

hommes. Les personnes qui arrivent en Suisse suite à

sonnes admises à titre provisoire doivent se procurer

un regroupement familial réussissent plus rapidement à

une autorisation payante pour pouvoir prendre un emploi.

trouver un emploi. Elles bénéficient en effet d’un meilleur

Cette autorisation n’est donnée que dans leur canton de

réseau, de contacts, d’expérience, et savent mieux faire

domicile. Les personnes admises à titre provisoire paient en outre durant les trois premières années qui suivent l’octroi de leur autorisation provisoire de séjour, ou jusqu’à sept ans après leur arrivée en Suisse, une taxe extraordinaire de 10 % du salaire brut soumis à l’AVS (jusqu’à

1 Admis, mais exclus ? L’admission provisoire en Suisse. Étude élaborée par le Forum suisse pour l’étude des migrations et de la population, 2003.

3


appel à l’aide disponible. On voit bien que le potentiel des

tantes différences cantonales en ce qui concerne l’impor-

personnes admises à titre provisoire ainsi que des réfu-

tance des montants de l’aide sociale ainsi que le genre

giés reconnus n’est de loin pas utilisé à sa juste valeur en

d’hébergements disponibles. Dans les cantons de Bâle-

Suisse. Les collaborateurs de Caritas qui administrent

Ville et de Zurich, les personnes admises à titre provisoire

des services de consultation sociale confirment cette

touchent leurs prestations de l’aide sociale selon les

difficulté de recherche de travail et l’extrême difficulté ­

normes de la CSIAS. Le contre-exemple est le canton

pour les jeunes de trouver une place d’apprentissage.

d’Argovie, qui ne paie qu’un tiers de l’aide sociale. Cet état de fait s’accompagne souvent d’une situation de

La Confédération, les cantons, les villes et les communes

­logement très précaire et la recherche de logement est

ont en principe reconnu le problème de l’absence d’inté-

rendue de plus en plus difficile par le marché du logement

gration possible sur le marché du travail des personnes

asséché. Le statut d’admission provisoire est également

admises à titre provisoire et des réfugiés. Ils veulent en conséquence mettre un modèle sur pied et se sont fixés pour (­modeste) objectif de favoriser d’ici 2016 l’intégration sur le marché du travail de 2000 personnes supplémentaires ayant le statut d’étran-

un frein à la signature d’un

Beaucoup ne se sentent pas appartenir à la société et en souffrent. La non-reconnaissance de leurs raisons d’avoir fui leur pays y contribue ­grandement.

contrat de location. Et les personnes admises à titre provisoire sont donc partiellement obligées d’avoir recours aux centres d’asile, aux logements collectifs ou à des logements qualitativement insuffisants pour se loger. Dans des interviews, 2 des

gers admis à titre provisoire ou

personnes

concernées

de réfugiés. Ce souhait est de nouveau d’actualité à

racontent qu’elles doivent régulièrement s’endetter ou ­

cause des conséquences de l’initiative contre l’immigra-

voyager au noir parce qu’elles n’ont pas de quoi se payer

tion de masse, puisque son application nécessite que

un billet de transport. Certaines d’entre elles ne veulent

l’on favorise le potentiel de la main-d’œuvre vivant en

pas recourir à l’aide sociale de peur de ne pas pouvoir

Suisse. Il faut mettre en priorité une collaboration étroite

faire venir leur famille ou obtenir un meilleur statut de

avec les employeurs. Les acteurs étatiques sont égale-

­séjour. Et beaucoup ne se sentent pas appartenir à la

ment d’accord sur d’autres facteurs déterminants pour

­société et en souffrent. La non-reconnaissance de leurs

l’encouragement de l’intégration sur le marché du travail :

raisons d’avoir fui leur pays contribue grandement à cet

une amélioration de la coopération interinstitutionnelle de

état de fait.

tous les services concernés, des offres d’intégration et de marché du travail mieux coordonnées, des certificats ­formels facilités, des possibilités particulières de requalifications des adultes possédant une expérience profes-

Mobilité réduite

sionnelle ainsi qu’une augmentation des possibilités

Alors qu’auparavant, les personnes admises à titre provi-

d’orientation en fonction du besoin. Il est toutefois aussi

soire avaient le droit de se faire délivrer un document

évident qu’il faut, beaucoup plus qu’auparavant, tenir

de voyage, ce n’est plus possible depuis fin 2012. Leur

compte des aptitudes existantes et des besoins des

­liberté de voyager a été critiquée par plusieurs interven-

­personnes concernées.

tions politiques après qu’un certain nombre de personnes admises à titre provisoire aient effectué un voyage temporaire dans leur pays d’origine, ce qui a engendré un dur-

Accès à l’aide sociale et au logement

cissement des conditions pour tous sans distinction. Les

Conséquence de l’accès difficile au marché du travail pour les personnes admises à titre provisoire, beaucoup d’entre elles ont recours à l’aide sociale. Une vue d’ensemble de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS) montre d’impor4

2 Egli Michael, Lebensführung und gesellschaftliche Teilhabe vorläufig aufgenommener Ausländerinnen und Ausländer, 2015. (en all. seulement)


voyages à l’étranger ne leur sont désormais permis qu’ex-

­absence de reconnaissance de leurs certificats acquis

ceptionnellement en cas de grave maladie d’un membre

à l’étranger et de leurs compétences professionnelles,

de leur famille, ou de décès ou encore en cas d’impératif

salaires bas, absence de perspectives professionnelles,

absolu d’une situation personnelle. Les jeunes ne peuvent

dépendance de l’aide sociale avec une aide sociale ré-

passer la frontière que si l’école ou l’institution de forma-

duite, endettement, mauvaise situation de logement, droit

tion signe une autorisation ou s’ils doivent participer à

limité au regroupement familial, problèmes de stress, en

une manifestation sportive ou culturelle. Seuls ceux qui se

résumé, une intégration impossible dans la société. L’in-

trouvent en Suisse depuis trois ans au moins, qui sont

tégration qui est justement une condition pour obtenir

bien intégrés et qui ne dépendent pas de l’aide sociale

une autorisation de séjour et pour prendre part à la vie de

peuvent prétendre à des vacances à l’étranger pour

la société et avoir des perspectives. Les spécialistes du

rendre visite à leur famille ou effectuer un voyage d’af-

domaine de l’asile parlent depuis des années du para-

faires. Ces limitations sont à la fois hors de propos et très

doxe de l’intégration : les possibilités de s’intégrer ne sont

discriminatoires dans une société globalisée.

pas garanties alors même que l’intégration est posée comme condition pour passer les obstacles structurels.

Regroupement familial restreint

Le projet de la Haute école de Lucerne et de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) intitulé « Parti-

Pour les personnes admises à titre provisoire, la restric-

cipation des réfugiés et des personnes admises à titre

tion de possibilité ou même l’impossibilité de pouvoir

provisoire sur le marché suisse du travail » montre le point

vivre avec leur famille est particulièrement éprouvante.

de vue et les besoins des personnes concernées : le désir

Les conditions nécessaires au regroupement violent d’ail-

de mener une vie normale, le désir de sécurité, d’indé-

leurs le droit au respect de la vie privée et familiale inscrit

pendance financière par le biais d’une intégration profes-

dans l’article 8 de la Convention européenne des droits

sionnelle se heurte cependant à la réalité. Les personnes

de l’homme.

concernées déplorent que leur passé n’ait aucune valeur en Suisse, que leurs diplômes, qualifications et expé-

Il n’est possible de déposer une demande de regroupe-

riences professionnelles soient complètement inutiles et

ment qu’après trois ans passés en Suisse. Pour ce faire,

qu’il n’existe pas d’options ni de possibilités de forma-

il faut avoir un appartement correspondant aux besoins et

tion, formation continue et possibilités professionnelles.

la ­famille ne devra pas dépendre de l’aide sociale. Au vu

On les renvoie systématiquement dans certaines forma-

des conditions de travail et de logement précaires, ces

tions et certains secteurs du marché du travail nécessi-

barrières sont presque insurmontables pour la plupart

tant peu de qualification : les soins, la gastronomie, le net-

des personnes admises à titre provisoire. Et dans la

toyage et le commerce de détail. Les programmes

­plupart des cas, sans famille, les personnes ne peuvent

d’intégration sont rarement considérés comme utiles

pas s’intégrer dans la société locale. Les personnes qui

puisqu’ils ne s’accordent pas avec les connaissances

gèrent les cours d’intégration et de langue observent que

préalables et les besoins et ne mènent presque jamais à

les participants aux cours qui se font du souci pour les

un engagement fixe. On leur reproche d’élever le taux de

membres de leur ­famille et qui souffrent de la séparation

personnes recourant à l’aide sociale alors qu’ils n’ont pas

ont souvent de la peine à se concentrer et à trouver

la permission de travailler depuis le début. Les personnes

l’énergie nécessaire pour apprendre une langue.

admises à titre provisoire souffrent d’une absence de perspectives et du sentiment qu’elles sont bloquées. Leurs efforts restent sans effet et des problèmes de santé

Bilan de la situation des personnes admises à titre provisoire

viennent souvent renforcer le blocage.

Les personnes qui vivent en Suisse avec un statut d’admission provisoire se trouvent donc pour la plupart dans une situation très précaire. Accès difficile à la formation et la formation continue, ainsi qu’au marché de l’emploi, 5


On reconnaît la nécessité d’agir – on conteste le changement Au moment où le monde politique se dispute pour savoir

Afghanistan, Libye ou Érythrée ne peuvent pas y retour-

s’il faudrait améliorer ou au contraire péjorer le statut

ner. À de nombreuses reprises déjà, le HCR a rappelé à la

juridique des personnes admises à titre provisoire et ­

Suisse qu’il fallait remettre la protection des personnes en

par-là même modifier pour le mieux ou le pire leur situa-

fuite au centre des préoccupations. Pour ce faire, il faut

tion de vie (aide sociale encore plus basse, renversement

installer un statut de séjour permettant des perspectives

du ­fardeau de la preuve en ce qui concerne les proces-

et des droits afin que les gens puissent prendre part à

sus), les spécialistes du domaine de l’asile sont unanimes

la vie de la société. Roger Zetter, ancien directeur du

pour dire que le statut d’admission provisoire ne corres-

­Refugee Studies Center de l’Université d’Oxford, constate

pond plus aux situations complexes des réfugiés, viole

dans une étude que le modèle et la dynamique des

des droits fondamentaux et n’offre pas une protection

­déplacements de personnes dans le monde d’aujourd’hui

suffisante pour que les personnes puissent développer

sont extrêmement différents de ceux de 1951 lorsqu’a

leurs perspectives de vie.

été signée la Convention de Genève et de 1967 au moment de la signature du protocole (qui étendait la durée et

Ainsi, le permis F pour les personnes admises à titre

les zones géographiques). Il met en évidence de graves

­provisoire a été introduit dans le milieu des années 80

lacunes de protection et recommande de mieux recon-

pour les personnes vivant dans des zones de conflit qui

naître le phénomène de la migration forcée. La protection

ne ­dépendaient pas de la Convention de Genève relative

ne devrait pas seulement se limiter à un statut, il s’agit

au statut des réfugiés (voir encadré notion de réfugiés).

bien plutôt de prendre en compte les besoins et les droits

En 1991, la Suisse a accueilli environ 30 000 déplacés de

des personnes concernées. La Commission ­ fédérale

guerre, dont beaucoup provenaient de Bosnie-Herzégo-

pour les questions de migration (CFM) a examiné le dé-

vine. Le Conseil fédéral a fait usage de la possibilité légale

roulement des séjours des personnes en Suisse admises

de leur garantir une protection rapide et non bureaucra-

à titre provisoire. L’analyse montre que ces 20 dernières

tique en activant des admissions provisoires collectives.

années, un nombre toujours croissant de personnes

Le mécanisme était pensé pour une période de transition

restent en Suisse très longtemps avec ce statut. La CFM

et il était limité à douze mois avec une possibilité de

plaide en conséquence pour que ce statut provisoire soit

­prolongation.

remplacé par un nouveau statut de protection que l’on pourrait accorder aux personnes dont le retour serait

On comprend aujourd’hui que 90 % des personnes ad-

rendu impossible pour des raisons de santé ou

mises à titre provisoire restent durablement en Suisse,

­humanitaires, ou dont la vie serait menacée du fait de

car leurs pays d’origine sont déchirés par des guerres qui

­torture, de guerre ou de violence dans un conflit armé.

durent parfois depuis des dizaines d’années. Le taux de personnes qui sont au bénéfice d’un statut de personne admise à titre provisoire depuis très longtemps n’a cessé

ment surreprésentés parmi les personnes bénéficiant

Notion de réfugié selon la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, art. 1 A, al. 2

d’une admission provisoire de longue durée (ainsi appe-

Selon la Convention de Genève relative au statut des

lée quand elle dure depuis au moins dix ans). Malgré

­réfugiés, un réfugié est une personne qui « craignant avec

cette durée, leur situation juridique est nettement moins

raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion,

bonne que celle des réfugiés reconnus s’agissant du

de sa nationalité, de son appartenance à un certain

­regroupement familial, du choix du lieu de résidence, de

groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve

la mobilité, de l’importance de l’aide sociale et de bien

hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou,

d’autres situations quotidiennes. Lors du symposium sur

du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protec-

l’asile en 2011, les spécialistes ont souligné l’intérêt qu’il y

tion de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se

avait à poursuivre la recherche d’approches et de solu-

trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence

tions permettant d’offrir protection aux personnes fuyant

habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en

la guerre et la violence. Les personnes qui ont fui de pays

raison de ladite crainte, ne veut y retourner [...] ».

d’augmenter ces 20 dernières années. Des femmes, des familles, des personnes âgées et des enfants sont claire-

durablement déchirés par la guerre, Syrie, Irak, Somalie, 6


Les revendications de Caritas 1. Statut de protection offrant plus de droits au lieu d’une admission provisoire

3. Aide sociale selon les normes de la CSIAS et soutien dans la recherche de logement

L’admission provisoire est uniquement la mesure de

Dans certains cantons, les personnes admises à titre pro-

substitution d’une directive de renvoi. Elle prive les per-

visoire touchent une aide sociale beaucoup plus basse

sonnes en fuite de droits fondamentaux et ne répond

que les recourants normaux à l’aide sociale. Elles se re-

donc pas au besoin de protection. Une grande partie des

trouvent ainsi dans une situation très précaire encore ac-

personnes sont des enfants et des jeunes qui ont un

centuée par l’inadéquation des possibilités de logement.

­urgent besoin de stabilité et d’un cadre encourageant.

Le calcul des prestations de l’aide sociale pour

Une amélioration de la situation juridique créerait les

les personnes admises à titre provisoire doit se baser

conditions d’une meilleure intégration dans la société et

sur les normes de la CSIAS. De plus, il faut créer

permettrait de contrer les conditions de vie précaires qui

des services de médiation pour soutenir dans leur

­régissent actuellement l’existence de ces personnes.

recherche d’emploi les personnes en situation

Comme le demande aussi la CFM, l’admission

précaire, dont font partie les personnes admises

provisoire doit être remplacée par un statut de

à titre provisoire. Pour les familles en particulier,

protection complémentaire, à créer, qui reconnaîtrait

il faut mettre à disposition des logements adaptés

en priorité les besoins de protection et garantirait aux

aux enfants.

personnes concernées les mêmes droits que ceux des réfugiés reconnus. Cela doit valoir aussi pour les personnes déjà en Suisse sous le statut de per•

sonnes admises à titre provisoire.

4. Droit à la vie de famille

Si, après trois ans, le retour dans le pays d’origine

Le délai de trois ans fixé par la loi et les critères permet-

s’avère impossible, l’autorisation de séjour doit être

tant le regroupement familial – logement adapté aux

octroyée. L’indépendance financière d’au moins

­besoins et indépendance de l’aide sociale – rendent im-

une année, impossible à atteindre pour toutes les

possible le regroupement familial et donc le droit à une vie

raisons citées plus haut, doit être levée.

de famille. •

Le délai de trois ans ainsi que les critères du regroupement doivent être levés pour garantir le droit à une vie de famille aux personnes admises à titre

2. Aplanir les barrières et proposer dès le début des possibilités d’emploi •

Il ne faut pas limiter les possibilités d’emploi au

provisoire.

canton de domicile, les autorisations de travail et

5. Droit à la mobilité

les taxes extraordinaires doivent être abolies.

Seules les personnes admises à titre provisoire qui sont

Afin d’employer au mieux le temps passé en Suisse,

en Suisse depuis au moins trois ans, sont bien intégrées

il faut garantir dès le début aux requérants d’asile

et ne dépendent pas de l’aide sociale se voient accorder

– dont plusieurs finissent par obtenir l’admission

la permission de voyager à l’étranger pour rendre visite

provisoire – la possibilité de travailler. Pour améliorer

à leur famille ou pour des voyages d’affaires.

les conditions d’une activité rémunérée, la Confédéra-

Le droit à la mobilité et par conséquent aux voyages

tion doit cofinancer des mesures d’intégration aussi

à l’étranger doit être garanti et les restrictions abolies

pour les requérants d’asile et exiger des programmes

dans ce domaine.

d’intégration dans les cantons. Auteure : Marianne Hochuli, service politique migratoire, responsable du Secteur Études de Caritas Suisse, Courriel: mhochuli@caritas.ch, téléphone: 041 419 23 20 Cette prise de position peut être téléchargée sur www.caritas.ch /prisesdeposition

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