Approches systémiques des marchés en développement

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Coopération internationale Dossier thématique

2/2021

Approches systémiques des marchés en développement L’expertise de Caritas Suisse


Contexte

Messages clés • Les personnes pauvres et vulnérables sont souvent exclues des économies de marché, alors que l’accès aux marchés est essentiel pour sortir de la pauvreté. • L’approche du développement des systèmes de marché (DSM) demeure extrêmement pertinente dans le domaine de la coopération internationale parce que le changement de système est l’essence même d’un développement durable et à grande échelle. • Caritas Suisse observe un effet positif lié à l’utilisation de l’approche DSM et s’efforce dès lors d’adapter de plus en plus cette dernière aux contextes fragiles1. • En période de crise (pandémie mondiale ou changement climatique, p. ex.), l’existence de systèmes de marché agricole fonctionnels revêt une plus grande importance encore dans la lutte contre l’insécurité alimentaire et la pauvreté.

De hauts niveaux d’inégalité ont un effet négatif sur la croissance économique à long terme, tandis que la marginalisation et le manque de perspectives, particulièrement pour la jeune génération, menacent la stabilité et accroissent la violence et la pauvreté. Dans le monde d’aujourd’hui, la plupart des gens sont intégrés dans des processus économiques en tant que consommateurs, producteurs ou employés. Cela étant, les systèmes de marché opèrent souvent au détriment des personnes touchées par la pauvreté. Les personnes pauvres et vulnérables ne sont souvent pas en mesure de profiter des avantages des systèmes de marché parce qu’elles n’ont pas accès aux informations sur le marché, ne sont pas en position de force pour négocier ou ne sont pas en mesure de faire appliquer ou d’influencer les règles. Même si les personnes les plus pauvres accèdent aux marchés, leur participation au système économique ne signifie pas nécessairement que le développement est possible et qu’elles peuvent sortir de

Abréviations ADA Austrian Development Agency FCDO Foreign, Commonwealth & Development Office Nexus HD Nexus humanitaire-développement SIM Système d’information sur le marché DSM Développement des systèmes de marché DDC Direction suisse du développement et de la coopération SIDA Swedish International Development Cooperation Agency

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la pauvreté. L’utilisation d’un outil systémique tel que l’approche du développement des systèmes de marché (DSM) peut contribuer à faciliter le changement dans une perspective durable, inclusive, évolutive et transformatrice. Caritas Suisse opère de plus en plus dans des contextes fragiles et s’efforce d’opter pour des approches appropriées qui lui permettent d’atteindre ses objectifs de lutte contre la pauvreté. Le DSM n’est pas une nouvelle approche, mais l’appliquer à des projets dans le cadre du nexus humanitaire-développement2 (nexus HD) est assez inédit et requiert des adaptations selon le contexte. Il est particulièrement difficile de mettre en œuvre le DSM dans des contextes fragiles et lorsque l’on travaille avec les personnes les plus marginalisées. Caritas Suisse ne met pas seulement l’accent sur la durabilité financière, estimant en effet que la durabilité sociale et la durabilité environnementale sont également essentielles pour que l’approche DSM puisse être efficace dans ces contextes délicats. Dans une optique de partage des connaissances, Caritas Suisse suit et contribue à divers réseaux et plateformes DSM, tels que BEAM Exchange, le Comité des donateurs pour le développement de l’entreprise (DCED), le réseau emploi et revenu de la Direction suisse du développement et de la coopération (DDC e+i) et le Centre international de formation de l’Organisation internationale du travail (CIF OIT). Ce document pratique résume et débat des expériences et enseignements tirés par Caritas Suisse dans la mise en œuvre d’une approche systémique du développement des marchés agricoles.

La vision de Caritas Suisse Un système de marché s’articule autour de l’échange de biens ou de services ; songeons à de petits agriculteurs vendant leurs récoltes, à des ménages achetant des produits domestiques ou à des ouvriers percevant des salaires. Bien que les personnes pauvres soient au centre de la démarche, les approches systémiques s’inscrivent dans une perspective de marché (tous les acteurs au sein d’un système sont p. ex. pris en compte) et les interventions elles-mêmes (activités de projet) ciblent souvent d’autres acteurs dans le système. Du point de vue d’une approche de marché systémique, il est essentiel de trouver les causes fondamentales de l’incapacité 1D éfinition des contextes fragiles donnée par le Fonds monétaire international (FMI) : Les États fragiles présentent des caractéristiques qui affectent de façon substantielle leur performance économique et sociale. Ces caractéristiques incluent une gouvernance défaillante, une capacité administrative limitée, des crises humanitaires chroniques, des tensions sociales persistantes et souvent de la violence ou l’héritage d’un conflit armé ou d’une guerre civile. Dans ces pays, la mauvaise qualité des politiques, des institutions et de la gouvernance nuit gravement à la performance économique, à la fourniture des services sociaux de base et à l’efficacité de l’aide fournie par les donateurs. 2L ’approche nexus doit permettre d’axer plus efficacement l’aide humanitaire et les interventions de la coopération au développement sur le but suprême d’un développement humain durable. Selon le contexte, diverses combinaisons de mesures humanitaires et de développement sont appliquées.


du système à servir les intérêts des plus pauvres au lieu de tenter de lutter contre les symptômes d’un problème. De plus, dans un projet DSM, les mesures ne sont pas seulement mises en œuvre au niveau des producteurs, vu la nécessité d’inclure tous les acteurs du système. L’objectif global doit toujours être d’aboutir à un système qui fonctionne sans les agences d’exécution (facilitateurs) et qui soit évolutif. L’approche DSM3 est un cadre de développement qui vise à améliorer le fonctionnement des marchés dans un sens qui soit bénéfique aux démunis. La performance des marchés, qui se composent d’une fonction centrale (la chaîne de valeur, p. ex.), de fonctions de support (information, infrastructure, compétences et technologies, services connexes, etc.) et de règles (normes, règlements, lois et règles et normes informelles), peut être améliorée en optimisant les services et les biens que les acteurs du marché, y compris les pauvres, produisent et partagent (illustration 1 : Cadre analytique du marché des arachides au Tchad). La finalité générale est de produire des changements à long terme et évolutifs en s’attaquant aux causes sous-jacentes de la mauvaise performance de marchés spécifiques qui ont de l’importance pour les communautés les plus pauvres et les plus vulnérables. À tous les niveaux, les personnes vulnérables peuvent bénéficier de l’amélioration des fonctions du marché grâce à un meilleur accès aux marchés, aux informations sur le marché, au capital financier et à l’assistance opérationnelle. Les marchés inclusifs peuvent donc aider à accroître le revenu

en augmentant la production et les ventes, en réduisant les coûts et en obtenant de meilleures conditions de travail. Le DSM est largement reconnu et utilisé par les agences de développement (p. ex. DDC, ADA, FCDO4, SIDA). La DDC et le FCDO réaffirment le message du changement de système en 2020 dans la mise à jour de leurs directives opérationnelles relatives au DSM : « Le message central de l’approche demeure valide et puissant. Le changement de système est l’essence même d’un développement durable et à grande échelle. » En accord avec ce message, Caritas Suisse a toujours considéré l’approche DSM comme une priorité dans la lutte contre la pauvreté dans le cadre de sa Stratégie de coopération internationale 2020–2025. Avec le concours de ses partenaires, Caritas Suisse aide ses bénéficiaires à accroître leur revenu par l’amélioration des chaînes de valeur, le renforcement des capacités, l’amélioration de la qualité des emplois et des conditions de travail et l’inclusion sur les marchés agricoles, en particulier pour ce qui est des femmes et des minorités.

3L ’approche DSM est aussi connue sous le nom « Making Markets Work for the Poor » (M4P) ou d’approche des systèmes inclusifs. 4 Anciennement DFID

Acteurs système banque

association de l’industrie de transformation

systèmes de crédit et de paiement

institut de recherche

information sur le marché

fournisseurs de moyens de production

mécanisation

production

entreprise média

recherche et développement

organisation d’utilisateur

commercialisation

transformation

coordination

Fonctions

consommation

Chaîne de valeur

syndicats, organisations de travailleurs

normes et pratiques d’hygiène pratiques de tarification

Règles

règlements d’importation et d’exportation

normes pour la sécurité alimentaire

ministère de l’agriculture

service de certification

politique agricole administration communale

santé publique

••

Acteurs système Illustration 1 : Cadre analytique du marché DSM (en prenant l’exemple du système du marché des arachides au Tchad)

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Concept et théorie du changement

Un projet DSM commence par une analyse approfondie du marché et de ses contraintes et par une évaluation minutieuse des partenaires potentiels. Le projet développe typiquement plusieurs interventions ciblées à court terme avec un petit groupe d’acteurs du marché, tels que les associations de petits agriculteurs, les entreprises privées, les agences gouvernementales, les instituts de recherche et les organisations de la société civile. Une étroite collaboration de tous les acteurs est cruciale pour le succès de l’approche DSM et les différents rôles et responsabilités (financières) sont analysés et doivent être clarifiés dans le cadre d’un processus participatif. Grâce à une mise en œuvre réussie du projet DSM, les acteurs du marché ont accès aux informations, outils et services nécessaires pour améliorer la production et la transformation de leurs produits, ainsi qu’à des services liés au marché et à des contacts commerciaux pour pénétrer des marchés à plus forte valeur ajoutée. Au fil du temps, les interventions DSM qui ont fait leurs preuves (quand elles sont donc adoptées et adaptées par les partenaires) sont intensifiées (afin qu’un bien plus grand nombre de bénéficiaires puissent en profiter : extension de l’intervention autrement dit) et consolidées (en ce sens que d’autres acteurs au sein du système sont encouragés à répondre pour que les changements produisent leurs effets au-delà de la durée du projet). Les interventions qui marchent moins bien devront être améliorées ; dans le cas contraire, elles sont abandonnées. Un système change quand les interventions agissent sur le marché et entraînent une adhésion du marché et vice versa

(illustration 2). La performance des institutions privées et publiques est renforcée, créant un environnement favorable à de nouvelles activités dans le secteur et contribuant encore à la croissance économique et aux opportunités d’emploi. Au lieu d’intervenir (généralement) en direct (offrir des formations ou contribuer aux infrastructures, p. ex.), Caritas Suisse contribue au changement du système en mettant fortement l’accent sur la création d’incitatifs et sur l’influence exercée sur le comportement des participants au marché. Caritas Suisse joue le rôle d’un facilitateur, en donnant la possibilité aux acteurs qui participent déjà au système de marché (fournisseurs d’intrants, p. ex.) d’améliorer leurs services ou produits (fourniture de services intégrés, p. ex.) dans le but de résoudre certains problèmes sous-jacents qui existent dans le système de marché et qui affectent négativement le groupe cible du projet (accès aux informations, p. ex.). Comme l’action de Caritas Suisse touche souvent des zones fragiles ou de conflit où certains acteurs du marché, tels que les petites entreprises, les transformateurs ou les associations n’existent pas ou sont tout juste en train de (ré)émerger, ses interventions sont diverses et peuvent également intégrer des démarches telles que l’approche des moyens de subsistance durables (« Sustainable Livelihood Approach »)5 ou le modèle de progression (« Graduation Approach »)6. 5L ecture complémentaire : Sustainable Livelihoods Guidance Sheets, Department for International development (DFID), 2000. 6 Lecture complémentaire : Dossier thématique « Le Modèle de Progression dans les contextes migratoires », Caritas Suisse, 2021.

Théorie du changement

Défis

Interventions

• H aut niveau de pauvreté • Pas ou peu de secteur privé • Pas de croissance économique • C ontraintes du marché

Effets et résultats

Changement du système Interventions basées sur les contraintes du marché identifiées

Adhésion du marché Modèle d’affaires Action sur le marché

• G ain de performance pour les secteurs privé et public • Inclusion accrue dans le système de marché agricole (accès aux marchés, informations sur le marché, capital financier et assistance opérationnelle) • H ausse de la croissance économique •A mélioration du revenu

Illustration 2 : La théorie du changement visant à réduire la pauvreté par le changement de système dans les projets de Caritas Suisse

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Impact

Réduction de la pauvreté


Nos actions

Depuis près de 20 ans, Caritas Suisse s’est efforcée, dans ses projets, de mettre les producteurs de denrées alimentaires et d’autres produits locaux en contact avec les marchés locaux, nationaux, régionaux et internationaux. Traditionnellement, son engagement dans le domaine des chaînes de valeur agricoles était axé sur la création d’organisations de producteurs et le développement des compétences. Si ces aspects demeurent importants, Caritas Suisse opte de plus en plus pour une approche systémique dans le but d’accroître encore la portée et le caractère durable des interventions. Caritas Suisse opère dans 15 pays différents et l’approche et/ou les principes DSM sont appliqués dans un grand nombre d’entre eux (illustration 3). Dans des contextes fragiles ou de grande pauvreté, Caritas Suisse se concentre d’abord sur les personnes touchées (c.-à-d. interventions plus directes) et, au fil du temps, en collaboration avec ses partenaires, elle commence à aborder des problèmes plus systémiques (c.-à-d. en aidant les

acteurs systémiques à changer leur comportement ou leurs services). Au Soudan du Sud par exemple, les gens doivent d’abord reprendre confiance dans la stabilité de la situation sécuritaire avant d’être capables d’investir dans de nouvelles activités. Dans un projet multisectoriel et intelligent face au climat au Mali, le haut pourcentage d’illettrisme constitue l’un des obstacles systémiques à l’accès au marché ; des cours d’alphabétisation sont donc intégrés à la première phase des activités de projet. Les phases suivantes mettent l’accent sur l’élargissement et l’approfondissement des partenariats, des activités de plus en plus autofinancées et des changements induits par les producteurs/partenaires. Au Kosovo, Caritas Suisse opte dès le départ pour des interventions systémiques. Un recours accru aux services de développement entrepreneurial et aux pratiques agricoles respectueuses du climat a été identifié comme l’une des interventions requises pour renforcer les producteurs et la position d’autres acteurs du marché.

Mise en œuvre du DSM tout au long du cycle de projet et dans différents projets de Caritas Suisse (Février 2021) 1. Acquisition Acquérir des projets centrés sur l’approche DSM

2. Finalité du projet

Mise en place de processus et de procédures efficaces pour le suivi et la mesure des résultats

3. Analyse, identification et recherche

5. Intervention et adaptation Intervenir dans les systèmes de manière à soutenir et encourager un changement durable

Cycle de projet

Bosnie-Herzégovine Élaboration de concepts pour le développement systémique du marché en zone rurale Haïti Des membres du personnel de projets de chaîne de valeur ont été formés au DSM Réponse à la crise syrienne – LARMA Assistance aux moyens de subsistance sur des marchés en reconstruction

Définir le cadre stratégique pour un projet utilisant une approche des systèmes de marché

6. Contrôle et évaluation

Projets

Explorer et expliquer pourquoi les pauvres ne parviennent pas à tirer profit d’un système de marché déterminé

4. Concept et plan Identifier les partenaires, incitatifs et intérêts des acteurs (cadre de la compétencevolonté), planifier l’organisation temporelle des activités

Ouganda – ALENU Action en faveur de l’amélioration des moyens de subsistance dans le nord de l’Ouganda Soudan du Sud Résilience accrue de la population affectée par le conflit et la sécheresse par la restauration des moyens de subsistance Éthiopie et Mali – SAWEL Amélioration de la sécurité alimentaire et économique grâce à une production entrepreneuriale, tournée vers le marché et agro-écologique Éthiopie Intégration des petits agriculteurs sur les marchés du café et du miel et influence sur les systèmes de marché Mali – KITA Amélioration de l’accès au marché, génération de revenus et résilience climatique pour les agriculteurs et leurs familles Kosovo – SIRED Facilitation d’un nombre croissant de systèmes de marché durables et inclusifs et développement économique dans les régions rurales Tchad – SODEFIKA Développement des chaînes de valeur et des marchés de l’arachide, du sésame et du karité

Illustration 3 : Pour l’organisation temporelle et la mise en œuvre de l’approche DSM, Caritas Suisse se base sur le cycle de projet. Les leçons tirées des projets plus avancés sont intégrées dans les premières étapes d’autres projets DSM (février 2021)

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Étude de cas

Le Tchad est l’un des pays les plus pauvres et les plus fragiles au monde7. 78 % de ses 14 millions d’habitants vivent en zone rurale. Le projet SODEFIKA (Soutien au développement des filières karité et arachide au Tchad) est mis en œuvre par Caritas Suisse (partenaire principal) et SWISSAID. C’est un projet de la DDC sur douze ans qui a débuté en 2015. Il vise à promouvoir le développement de chaînes de valeur et de systèmes de marché pour l’arachide, le karité et le sésame dans les provinces méridionales du Tchad, en coopération avec des acteurs locaux et les autorités tchadiennes. À ce jour, plus de 90 000 ménages et plus de 630 000 personnes, dont 53 % de femmes, ont bénéficié du projet. Parallèlement au processus de formalisation et de professionnalisation de plus d’une centaine de coopératives intégrant une formation pour l’amélioration de la production en qualité et quantité, la vente coordonnée et l’optimisation du stockage des produits, plusieurs interventions à plus long terme ont conduit à des changements systémiques, y compris, par exemple, la mise en place d’un système d’information sur le marché local (SIM). Les informations diffusées sont accessibles à toute la population de la région du projet via les stations de radio locales. Les coopératives sont responsables de la collecte des données de marché par le biais de facilitateurs externes et couvrent plus de 90 sites de marché dans la zone du projet. Le SIM a significativement renforcé le pouvoir de négociation et la capacité décisionnelle des producteurs,

Illustration 4 : Production de beurre de karité au Tchad

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coopératives et entreprises familiales à l’égard d’autres acteurs. La facilitation de nouveaux partenariats avec des acteurs institutionnels, comme celui conclu avec la Chambre de commerce, d’industrie, d’agriculture, des mines et de l’artisanat, a conduit à la reconnaissance légale de coopératives et à la fourniture de différents services en leur faveur (accès à un système de micro-crédit notamment). Les interventions DSM et les activités en lien avec les chaînes de valeur dans ce projet ont entraîné une hausse du revenu des petits agriculteurs8, l’extension à un nombre croissant de bénéficiaires (intensification) et une augmentation du nombre d’acteurs impliqués davantage dans les chaînes de valeur ciblées et répondant aux nouvelles opportunités (consolidation) (ainsi, le Centre de Contrôle de Qualité des Denrées Alimentaires a commencé à proposer un programme de formation pour les transformateurs semi-industriels dans le but de garantir une production d’huile d’arachide de qualité). Au cours des années à venir, le projet renforcera ses réalisations et se focalisera notamment sur la durabilité financière des acteurs du marché, surtout des petits agriculteurs et des coopératives.

7D ’après l’indice de développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le pays figurait au 187e rang sur 189 pays en 2020. 8L es interventions DSM ont contribué à accroître le revenu. Le revenu moyen total par ménage a augmenté de 46 % à la fin de la phase un (n = 195) par rapport à la valeur de référence.


Conclusions

En période de crise particulièrement (p. ex. pénurie de ressources, violences ou pandémie mondiale), l’importance de marchés agricoles fonctionnels et inclusifs est indiscutable. Caritas Suisse voit dans le DSM l’une des approches clés pour garantir un développement durable dont les plus pauvres et les plus vulnérables puissent tirer profit. L’expérience au Tchad et dans d’autres projets a montré que le DSM n’augmente pas seulement le ratio coût-bénéfice des interventions, mais aide aussi à changer les choses d’une manière durable, inclusive, évolutive et transformatrice. Le recours à l’approche DSM au Tchad a permis d’identifier les causes sous-jacentes des contraintes pesant sur le développement et sur les marchés (manque d’informations sur le marché, p. ex.), et de lutter contre ces causes, ainsi que de sélectionner des interventions appropriées potentiellement aptes à résoudre des problèmes systémiques qui ont empêché les pauvres de bénéficier du secteur et de percevoir un revenu décent. Caritas Suisse a rassemblé de précieuses informations grâce à la mise en œuvre du DSM dans des contextes fondamentalement différents : avec divers degrés de fragilité, dans différents environnements politiques, pour des groupes cibles différents, des réfugiés aux plus marginalisés, dans des situations où il existe ou non un secteur privé (formel) et dans des crises de courte ou de longue durée. Le recours au DSM est particulièrement compliqué dans des contextes hautement fragiles et dans des situations de relations de pouvoir déséquilibrées. Il est plus difficile de recourir au DSM avec certains groupes cibles (les plus marginalisés en l’occurrence) et il faut plus de temps pour voir des résultats. De plus, tous les projets (y compris ceux de Caritas Suisse) ne sont pas parvenus à atteindre leurs objectifs pour différentes raisons (notamment parce que certaines interventions sont utiles en théorie mais beaucoup moins dans la pratique, et que d’autres problèmes peuvent surgir, comme une mauvaise gestion, un manque de compétences, etc.). Caritas Suisse tient compte de plusieurs facteurs clés dans la planification et la mise en œuvre de projets DSM couronnés de succès : • Analyse holistique du contexte et de l’applicabilité d’interventions spécifiques : au début du projet, des analyses doivent être effectuées par des équipes interdisciplinaires (p. ex. analyse du marché et évaluation des genres). • Travail dans des contextes fragiles et dans le cadre du nexus HD : Selon le contexte, Caritas Suisse opte au départ pour une intervention plus directe pour développer ensuite les compétences et les organisations des producteurs et aller au final vers une approche plus systémique. • Impact environnemental des interventions : Caritas ­Suisse s’efforce de mettre en œuvre une approche DSM durable intégrant des activités appropriées pour promou-

voir l’utilisation durable des ressources naturelles, notamment par l’introduction de principes agro-écologiques9. • Responsabilité sociale : reconnaissance du rôle crucial de la responsabilité sociale des agences d’exécution à l’égard des bénéficiaires des projets, p. ex. en garantissant aux populations rurales une meilleure sécurité de l’emploi et des salaires équitables. • Processus de formalisation d’économies informelles : quand des économies formelles créent des obstacles aux marchés inclusifs, Caritas Suisse met un accent particulier sur le processus de formalisation, p. ex. en soutenant la légalisation de marchés, en influençant les normes d’enregistrement pour les activités commerciales informelles, etc. • Processus participatifs : Caritas Suisse habilite, inclut et soutient ses bénéficiaires et partenaires en se concentrant particulièrement sur les femmes et les jeunes et en recourant à des processus participatifs. Les acteurs locaux assument ainsi la responsabilité de la gestion de projet pour que les changements se poursuivront au-delà de la période du programme. • Tirer parti des entreprises locales : le renforcement d’entreprises/acteurs locaux n’est pas seulement un puissant moteur de création d’emplois et de génération de revenus, un secteur privé fort peut aussi devenir un puissant acteur dans le dialogue politique national et contribuer ainsi à l’amélioration du cadre général de politique économique. • Recherche de solutions innovantes : Caritas Suisse reconnaît que la seule stimulation de la croissance économique ne bénéficie pas nécessairement aux plus pauvres et cherche dès lors des solutions innovantes (dans le domaine des énergies renouvelables, p. ex.) et courageuses pour s’attaquer au problème de l’inégalité des richesses et relever les défis environnementaux. Pour que le développement des marchés fonctionne dans des contextes fragiles, il faut sans cesse adapter l’approche ; Caritas Suisse est donc dans un processus d’apprentissage permanent et s’efforce d’optimiser constamment l’organisation temporelle des interventions DSM compte tenu du nexus HD. Un recueil de résultats de projets dans divers cadres sera élaboré, en combinaison avec l’analyse des enseignements tirés des interventions DSM. Caritas Suisse a la conviction que l’application d’approches systémiques – souvent en combinaison avec d’autres approches testées – aux marchés en développement accroîtra encore l’effet positif de ses divers programmes et projets, au bénéfice des personnes les plus pauvres et les plus vulnérables. 9L ’agro-écologie est une approche intégrée qui applique simultanément des concepts écologiques et sociaux dans l’élaboration et la gestion de systèmes alimentaires et agricoles.

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Rahel Wyss Gestionnaire des connaissances Revenu Courriel : rwyss@caritas.ch

Rob van Hout Conseiller principal Revenu Courriel : rvanhout@caritas.ch

Caritas Suisse s’engage pour un monde sans pauvreté régi par la solidarité, la justice et la paix. Nous offrons un soutien professionnel, effectif et efficace aux personnes dans la détresse, indépendamment de leurs convictions politiques ou religieuses, de leur sexe ou de leur appartenance ethnique. Tous nos programmes poursuivent l’objectif de lutter contre la pauvreté, de renforcer la résilience des personnes, d’améliorer le respect de leurs droits et la reconnaissance de leurs compétences et d’augmenter leur capacité à atteindre les buts qui leur tiennent à cœur. Caritas Suisse est une œuvre d’entraide Suisse indépendante et membre de Caritas Internationalis, un réseau d’organisations Caritas présentes dans plus de 160 pays.

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Système de gestion de la qualité ISO 9001, no. de client 14075 NPO-Label, no. de client 22116

Photos : Fabian Biasio, Luca Zanetti Couverture : Le mercredi est le jour du marché à Bokoro, au Tchad. Les habitants des villages environnants viennent vendre leurs marchandises.

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