BLEU DE TERRE d e F R A N T I S E K Z VA R D O N
B L E U D E T E R R E de f r a n t i s e k z va rd o n
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Àlarecherchedel’invisible In search of the invisible
Chile, 1991. “Night is ending. I leave the village of San Pedro in the middle of the Atacama desert, taking the stony track leading to the Miscanti Laguna, 4 200 metres above sea level. The cold is biting, thousands of stars shine in the vault of heaven, the volcanoes’black silhouettes are oppressive. A scene from a play without spotlights. With frozen hands I install my tripod at the site chosen a few days before. Silence… I look to the east. The first light of dawn is breaking. The sun is rising, blood red, melting over the mountain tops, flowing over the surface of the water. A flock of pink flamingos flies above me, the air trembles… Unforgettable moments for a photographer, seconds stolen from eternity…”
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hili, avril 1991. « La nuit touche à sa fin, je quitte le village de San Pedro au milieu du désert d’Atacama et j’empruntelespistescaillouteusesverslaLagunaMiscanti situé à 4 200 m d’altitude. Le froid est saisissant, la voûtecélestescintilledemilliersd’étoiles,lessilhouettes noires des volcans m’oppressent. Scènes de théâtre sans éclairage. Al’endroitchoisi,repéréquelquesjoursauparavant,j’installemontrépied, mes mains sont gelées. Silence… Mon regard se tourne vers l’est. Les premières lueurs apparaissent. Le soleil se lève. Rouge sang, lentement il coule du sommet des montagnes et se répand à la surface de l’eau. Une nuée de flamants roses me survolent, l’air frémit… Instants inoubliables pour un photographe, quelques secondes empruntées à l’éternité… »
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Argentine - Perito Moreno, Parque Nacional Los Glaciares
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État-Unis - Californie, Sierra Nevada, Monolake
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Islande, Fjalabak Lake
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« Au bout du petit matin, sur cette plus fragile épaisseur de terre que dépasse de façon humiliante son grandiose avenir – les volcans éclateront, l’eau nue emportera les taches mûres du soleil et il ne restera plus qu’un bouillonnement tiède picoré d’oiseaux marins, la plage des songes et l’insensé réveil » Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal
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D é c o r p l a n t é , t o u t e s t d é j à p a s s é o u e n c o r e à v e n i r…
Décorplanté,toutestdéjàpassé ou encore à venir Thesethasbeenputup,everythinghaseitheralreadyhappened or is yet to come There is a touch of before or after Chernobyl in such landscapes. What we call “life” has disappeared or never happened. The frescoes date from before, or after, the disaster. Granite was emitting radiation before anyone knew of its existence or how to use it. The atoms that make up matter whirl like the nocturnal chirring of locusts. Visibleshapesmaybeidentified,allofthemseeminglytangible, but when our eye is brought closer to the structure of juxtaposed pixels, we get a fairly precise idea of the gathering’s secret and we can see, as well as the vacuum of such spaces,howmicro-elementsandtheirelectricalorbsmagnetise. In this way, we become aware of the nature of all living things, from afar or close up, both unified and totally unpredictable. Suchweightlessnessandvacuumarecallingtoametaphysical vertigo, to a conscience of senses, to a contemplative intelligence dispatched beyond its own understanding to the secrets of the invisible. No matter what locations really are, and their claims to be unique, they are all branded with the same quality. The
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l y a de l’avant ou de l’après Tchernobyl dans ces paysages. Ce qu’on appelle la vie a disparu, ou n’a jamais eu lieu. Ces fresques sont d’avant oud’aprèslacatastrophe.Lesradiationsproviennentdugranite,nées de la pierre avant même qu’on les soupçonne d’exister et qu’on les reconnaisse et qu’on les utilise. Comme des stridulations nocturnes de criquets, grésillent les tournoiements d’atomes constitutifs de la matière. Sont identifiables des formes visibles, toutes apparemment tangibles, mais approcherait-onsonœilassezprèsquelastructuredepixelsjuxtaposésdonnerait une idée assez précise du secret des assemblages, et s’apprendrait, tout autant que le vide de ces espaces, celui dans lequel s’aimantent les micro-éléments et leurs orbes électriques. C’est ainsi que de très loin ou au plus près naît la conscience du caractère à la fois unitaire et très aléatoire de toutes choses. C’est au vertige métaphysique qu’appellent cette apesanteur et ce vide, à une
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Chili - Cordillère des Andes, Colchane
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Nouvelle-ZĂŠlande - Milfordsound, Fiordland National Park
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