Rombach-le-Franc, de la Lorraine à l'Alsace

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Rombachle-Franc

De la Lorraine Ă l'Alsace... ÂŽ


Chapitre I

L’évolution du village à travers les âges

Différentes interprétations sur l’origine du nom de Rombach-le-Franc Un nom à l’origine ancienne

L

e ruisseau du Rombach est mentionné dans un parchemin dans lequel Charlemagne relate une donation qu’il fit à l’Abbé Fulrad, le fondateur du prieuré de Lièpvre le 14 septembre 774. Dans ce docu­ ment, le Rombach est désigné sous sa forme carolingienne, Rumbach. Aujourd’hui, c’est le nom donné au cours d’eau qui traverse le village et qui prend sa source près du col de La Hingrie situé à 749 m d’alti­tude. Le Rombach est le principal affluent de la rive gauche de la Liepvrette, le confluent se situant dans la localité de Lièpvre située à 2 km. Le Rombach est sans doute un nom fort ancien qui pourrait dater de l’époque gallo-romaine, soit au VIe siècle ou au VIIe siècle. Selon une vieille coutume franque, et afin de garantir la fidélité des guerriers, les successeurs de Clovis avaient pour habitude de distri­ buer des terres sous la responsabilité d’un chef. Un propriétaire franc germanique du nom de Rumo parcourait nos régions. À cet anthro­ ponyme fut ajouté le mot bach. Ce Rumo fut sans doute l’instigateur d’une communauté rurale et peut donc être considéré comme à l’ori­ gine du nom. Outre le parchemin de Charlemagne de 774, Rombach est aussi dési­ gné dans une nomenclature du Xe siècle du Prieuré de Lièpvre qui parle de Rumbacum comme faisant partie de l’une de ses propriétés.

Le village avant 1900.

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La région couverte de forêts et pas encore habi­ tée est ensuite défrichée par les serfs travaillant pour les moines du prieuré. C’est à partir du XIIe siècle que l’on commence à avoir quelques indi­ cations sur le village. Au XIIIe siècle les moines bénédictins de Lièpvre établissent un petit édi­ fice religieux qui prendra plus tard le nom de chapelle de Sainte-Rosalie. Dans quelles circons­ tances ? On ne le sait pas au juste ! Au XIVe siècle on vénère dans cette petite chapelle saint Quirin et sainte Rosalie, qui selon la tradition, est censée protéger la population contre la peste. On vient donc de très loin pour recueillir quelques gorgées de cette précieuse source de SainteRosalie.

Extrait du parchemin de la donation de Charlemagne à l’abbé Fulrade en 774.

Jusqu’en novembre 1918, le village s’appelait L’Allemand-Rombach

A

llemand proviendrait du mot Almend qui désignait des terres appartenant à l’em­ pire, mises à la disposition d’une communauté de citoyens. Le mot Almend signifie en patois le terrain communal et a probablement été accolé au mot Rumbach vers le XIe siècle lorsque Frédéric de Souabe, le fondateur de la lignée des

Hohenstaufen, s’est emparé d’une grande par­ tie de l’Alsace dont, entre autres, le Val d’Argent. L’Almend comprenait non seulement les forêts et les pâturages, mais aussi l’eau, les chemins et les ponts possédés en commun. Ce terme a ensuite été déformé dans son vocabulaire par les influences des populations alémaniques et welches.

De l’or à Rombach-le-Franc !

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armi les antiquités qui ont été trouvées dans les environs de Lièpvre, la plus remarquable et probablement la plus ancienne en date, est la boucle de ceinturon en or que déterra à 6 pieds de profondeur un paysan de l’Allemand-Rombach en labourant un champ au mois de juin 1820. Il la vendit à un orfèvre de Sainte-Marie qui reconnut qu’elle était en or de ducats et d’un poids de cinq Louis d’or. Ce dernier l’envoya à Strasbourg et en demanda la somme de 500 francs ; nous ne savons si elle lui fut payée, mais ce qui est certain c’est que ce précieux objet se trouve actuellement à la bibliothèque du Roi à Paris. Sur la plaque de la boucle, on voit une tête antique autour de laquelle est gravée le mot Victorinus et aux quatre coins se trouvent ciselés des fleurons. Si nous interrogeons l’histoire nous trouvons que Victorinus, vaillant général des armées romaines, fut associé à l’empire par Postbume, tyran des Gaules en 265 de l’ère chrétienne et qu’il fut assassiné à Cologne en 268. Il était le fils de la célèbre Vistorine, surnommée l’héroïne de l’Occident qui, s’étant mise à la tête d’un certain nombre de légions romaines, combattit Galien, qui n’eut pas d’ennemi plus redoutable. Il serait peut-être téméraire d’avancer que cette boucle de ceinturon ait appartenu à Victorinus même et eut été perdue par lui, cependant le fait ne serait pas impossible, attendu que ce guerrier romain traversa probablement l’Alsace pour se rendre à Cologne ; toutefois cet objet trouvé à une profondeur de 6 pieds sous terre ne laisse aucun doute du passage ou peut-être d’un combat qui aurait été livré par des troupes romaines dans le Val de Lièpvre.

Texte rédigé d’après l’ouvrage de Daniel Risler, Leberau-Lièpvre, 1945. 7


Rombach-le-Franc

De la Lorraine à l’Alsace...

Une des premières cartes postales touristiques. On y distingue l’école des filles, la rue de l’Église, les jardins avant la construction de l’usine et en bas le restaurant Hinsinger.

La légende des trois Rombach

Carte postale colorisée d’une vue de l’Allemand-Rombach avant 1900.

Il y a très longtemps, un berger nommé Rumbach, venant d’un pays lointain, s’installe avec ses trois fils à Bois l’Abbesse. Un jour après une vive altercation, ses fils quittèrent le toit paternel pour aller se réfugier dans l’autre versant de la vallée. Chacun se plaça dans l’un des vallons pour y faire pâturer ses troupeaux. Le plus âgé, appelé le grand, s’est établi à l’endroit où se trouve aujourd’hui le Grand Rombach. Le deuxième, le plus jeune – le petit – a donné naissance au Petit Rombach et le troisième, le plus instruit, a fondé l’Allemand-Rombach, baptisé aujour­d’hui Rombach-le-Franc.

Rombach vu du Rain de l’Annot. Au centre, à la place de l’ancienne ferme, se trouve l’actuelle école maternelle.

Vue sur les jardins qui ont été cédés pour la construction de l’usine Lamotte.

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La transformation du mot Almend vers le mot Allemand peut s’expliquer par la tradition orale du parler d’autrefois. Les documents de l’époque se basaient d’après le langage populaire, d’où des déformations possibles. On en trouve des preuves dans les archives de Meurthe-etMoselle où la commune est désignée en 1486 par Lalman Rombach et en 1519 par Alman Rombach. Thierry Alix, président de la chambre des comptes du duc de Lorraine, désigne dans son chapitre publié en 1594 la commune sous le nom d’Almon Rombach. La Cosmographie de Sébastien Munster publiée à Bâle en 1550 appelle le village par son nom latin Germanicum Rumpach.


L’évolution du village à travers les âges

Une situation géographique particulière

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ombach-le-Franc est un “village rue” qui s’étire en longueur d’est en ouest au fond d’une vallée traversée par un ruisseau : Le Rombach, affluent de la rive gauche de la Liepvrette. Le ban communal s’étend sur 1 787 ha. La vallée est très profonde avec l’annexe de La Hingrie à plus de 5 km du centre du village. La Hingrie est aussi proche de Lubine, coté vosgien, que de Rombach, ce qui favorisera les échanges avec ce village lorrain. Le point culminant se situe aux trois bornes (limite des trois départements) à 851 m d’altitude. Les sommets principaux sont, vers La Hingrie, le Grand Barançon (832 m) et le Massif de Schlingoutte (837 m) et, autour du village, le Chat Pendu (596 m), le Grand Haut (812 m), le Mont (611 m).

Le versant exposé au nord vu du Chalmont. De g. à dr. : le Mont surplombant le Rain de l’Annot, Vouhimont et La Chambrette.

Rombach entouré de montagnes. Le versant exposé au sud dans les années 1960.

Les cours d’eau

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e nombreuses sources prennent naissance au dessus des hauteurs de Rombach-le-Franc qui viennent alimenter les cours d’eau qui se jettent tous dans le Rombach. Les principaux cours d’eau sont :

Actuellement, Rombach-le-Franc se situe à l’extrémité nord du département du Haut-Rhin en limite des départements du Bas-Rhin et des Vosges, au-dessus du col de La Hingrie (749 m d’altitude). À l’extrémité du village, se trouve le hameau de La Hingrie, également traversé par le Rombach.

l e Bestegoutte (prend sa source à la Hautegarde à 670 m d’altitude) ;

l e Biagoutte (prend sa source au Chat Pendu à 596 m d’altitude) ;

le Broru (prend sa source à la Chambrette) ;

la Guesse (derrière l’église) ;

le Gelingoutte ;

le Hargoutte ;

le Naugigoutte ;

le Pierreusegoutte ;

le ruisseau de la Haute-Fontaine ;

le ruisseau du Noirceux ;

le Rombach (qui prend sa source au col de La Hingrie à 749 m d’altitude. Le Rombach reçoit toutes les eaux de source, puis se jette dans la Liepvrette) ;

la Vaurière (prend sa source au Grand Haut) ;

le Volbach (prend sa source à Nalterin).

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C h a p i t r e III

Le XXe siècle, un siècle de tumultes

L’annexion allemande de 1871

L La frontière franco-allemande passait par le col de Sainte-Marie et le col de La Hingrie. Sur la photographie, le poste de douane du col de Sainte-Marie.

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a guerre entre l’Allemagne et la France se profile de plus en plus, elle semble même inévitable d’après les rumeurs. Le 19 juillet 1870, la France déclare la guerre à l’Allemagne. Le 2 septembre, les troupes françaises sont anéanties à Sedan. Le 28, la France capitule. Une circulaire du préfet en date du 27 juillet 1870 impose d’installer un hôpital provisoire ayant pour objet d’accueillir les militaires blessés au cours des combats. Un crédit exceptionnel est demandé à la commune qui dégage un fond de 1 000 francs, devant permettre l’entretien de six lits, soit à Lièpvre ou à Rombach-le-Franc. Le conseil municipal vote un crédit exceptionnel de 1 500 francs, le 26 décembre 1870, pour venir en aide aux familles en détresse et aux ouvriers sans travail. La commune s’engage également à organiser une soupe populaire pour les enfants des écoles et pour les familles nécessiteuses ainsi qu’une distribution de pommes. Une loi votée à Berlin le 23 avril 1871 incorpore toute l’Alsace, dont l’Allemand-Rombach à l’Allemagne qui est déclarée “Terre d’Empire” ou Reichsland. Le traité de Francfort du 10 mai 1871 entérine par la suite la division prise un mois plus tôt, à savoir l’annexion de l’Alsace et une partie de la Lorraine à l’Alle­ magne. L’article 1 de la convention additionnelle du


11 décembre 1871 prévoit que les personnes nées dans les territoires annexés peuvent avoir la faculté de choisir la nationalité française ou allemande. Ceux qui voudraient conserver la nationalité française doivent être domiciliés en France ou dans les territoires d’outre-mer. Opter pour la nationalité française signifiait souvent quitter sa région d’origine et laisser sa famille. Entre 1871 et 1872, plusieurs habitants préfèrent quitter la commune et se réfugier en France. D’autres partent pour l’Algérie ou d’autres destinations, alors que d’autres préfèrent rejoindre l’armée française. L’ AllemandRombach opte à 80 % pour la France mais la plupart des habitants choisissent de rester sur place pour ne pas abandonner leur famille. La liste des personnes optant pour la nationalité française se trouve aux Archives nationales. On y trouve par exemple André Charles né le 26 octobre 1839 à l’Allemand-Rombach qui a opté pour la nationalité française le 8 août 1872 et qui est parti à Fort-de-France en Martinique. Il y a aussi Joseph Réling né le 27 juillet 1861 qui est inscrit sur cette liste de changement de nationalité. Dès 1871, des décrets sont publiés, ordonnant le renouvellement des conseils municipaux, de

Les anciens combattants de 1870-1871 en juillet 1912. Cette photographie prise après la messe d’un dimanche de juillet 1912 à Rombach-le-Franc commémorait-elle le 14 juillet fêté en cachette par les anciens combattants de la guerre 1870-1871, comme l’indique l’inscription sur le tonnelet de la cantinière ? Parmi eux, on reconnaît notamment : le curé Baffrey, le garde forestier M. Morger et MM. Barlier, Tourneur et Birckel. Les 2 enfants au premier plan sont Charles André habillé en zouave et Mlle Spielmann, future épouse de Paul Fréchard.

l’enseignement primaire. Le service militaire est rendu obligatoire. Les rapports entre les Rombéchats et l’administration militaire sont très difficiles. La frontière entre les deux états suit la ligne des crêtes du massif vosgien. Au village sont installés des douaniers allemands. Les occupants changent autoritairement le nom du village qui est baptisé Deutsche Rumbach, ce qui provoque l’indignation unanime des villageois qui considèrent, qu’au vu de l’histoire plus que millénaire, cette dénomination est contraire à la vérité.

La Première Guerre mondiale

L

e premier août 1914 est donné l’ordre de mobilisation générale. Les autorités militaires demandent à la population de creuser des tranchées près de la frontière. Toute correspondance avec la France ou la Russie est supprimée. Le 21e corps de l’armée française pénètre dans les Vosges et atteint les cols en vue d’observer les positions allemandes. De l’autre côté de la frontière, sur le versant alsacien, le 15e corps de l’armée allemande en fait de même. Le gouvernement français, ne voulant pas être accusé

d’être responsable des opérations de déclenchement des opérations militaires, demande aux troupes françaises de s’éloigner de la frontière. Les Allemands en profiteront pour occuper les cols et prendre position sur les hauteurs. Des patrouilles allemandes font à plusieurs reprises des incursions sur le territoire français, sans que l’armée française ne riposte. Cependant, de petits détachements français, malgré l’interdiction formelle des autorités, patrouillent sur le col de Sainte-Marie-aux-Mines.

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Rombach-le-Franc

Le 3 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France. Ce même jour, un premier accrochage intervient entre des patrouilleurs français et allemands. Le 5 août, le conseil municipal de Rombach-leFranc est amputé de plusieurs de ses membres pour cause de réquisition à l’armée. La commune propose de dégager un crédit de 200 marks pour venir au secours des familles privées du père de famille à la suite de la mobilisation. Elle doit aussi payer les salaires des douaniers pour l’occu­ pation des frontières. L’AllemandRombach, qui se trouve à moins de 10 km de la ligne de front, au moment de la déclaration de

Les premières victimes de la guerre sur le sol rombéchat D’après l’“Historique du 22 e RI par le Capitaine M. Albert du 22 e RI-Campagnes des Vosges-Invasion de l’Alsace” : “Le 15 août (1914), la 9 e compagnie, flanc garde droite du régiment, se heurte au col de Schlingoutte, à des forces ennemies établies dans les tranchées sous bois. Le sous-lieutenant Comte-Bellot s’élance à l’assaut de ces retranchements à la tête de sa section. Il tombe grièvement blessé. [Des] hommes de la 9e compagnie restent sur le terrain : ce sont les premières pertes du régiment.” 73 hommes de la 9e compagnie restent sur le terrain. 19 cadavres sont enterrés sur place. Des habitants de La Hingrie sont réquisitionnés en renfort par les Allemands pour enterrer sur place les victimes françaises. Parmi eux il y a Henri Gasperment de Bestégoutte. Le reste des dépouilles est entassé sur un chariot tiré par des bœufs qui traverse le village, au grand désarroi de la population, pour une destination inconnue. On peut encore apercevoir au col de Schlingoutte l’endroit où ont été enterrés les 19 Français, matérialisé depuis avril 2009 par un petit monument érigé par la commune et le Club vosgien et comportant le nom des Français tombés sur cette hauteur. Après la guerre, ils sont exhumés et inhumés au cimetière militaire de Villé.

Stèle inaugurée le 15 août 2008 par Corinne Ménétré, la présidente du Club Vosgien Lièpvre-Rombach, en présence de Jean-Luc Fréchard, maire, de Christian Chaton, conseiller général, et de délégations militaires et patriotiques dont le colonel David Pincet, commandant la base aérienne 132 de ColmarMayenheim et délégué militaire départemental. “Pour qu’en cheminant dans ces bois aujourd’hui si calmes et frais, les promeneurs se souviennent que cette vie paisible que l’on savoure, fut acquise au prix du sang versé par ces 19 jeunes soldats, le 15 août 1914.”

De la Lorraine à l’Alsace...

guerre par Guillaume II, roi de Prusse, voit arriver des militaires français qui se positionnent au-dessus de La Hingrie. Le 7 août, des troupes françaises pénètrent en Alsace. Le 13 août, un détachement du 22e régiment d’infanterie s’empare des cols d’Urbeis et de La Hingrie. À La Hingrie, le troisième bataillon, après quelques échauffourées, enlève le col faiblement tenu par des patrouilles allemandes du 8e chasseurs de Sélestat. Le lundi 10 août, les Allemands réquisitionnent tous les hommes valides de SainteCroix-aux-Mines et Lièpvre pour transporter des caisses de munitions au front. Une partie se dirige vers la Goutte des Pommes, d’autres sont obligés d’enterrer les morts au col de Sainte-Marie-aux-Mines. Les Allemands soupçonneux à l’égard de la population font surveiller le village. Des militaires allemands font la navette au lieu-dit du Brangra en installant un campement de fortune. Un ballon avec une nacelle évoluera au-dessus de La Chambrette pour surveiller les va-et-vient de la population, mais aussi pour repérer les fugitifs qui essaient de passer de l’autre côté de la frontière, à Lubine dans les Vosges. Un habi­ tant de Rombach, Adolphe Biehler, incorporé dans l’armée allemande, sera fusillé pour désertion. D’octobre 1914 à mai 1916, un détachement du 37 e régiment d’infanterie prend position à La Hingrie. La ligne “bleue” des Vosges devient l’objectif à atteindre pour libérer les anciennes provinces annexées depuis 1871. Les premières escarmouches démarrent ainsi dans le secteur est. Les Allemands sont délogés de la crête des Vosges et quelques détachements français arrivent même à se faufiler dans la vallée, mais sont aussitôt délogés par les Allemands. Les combats se poursuivent les jours suivants qui sont toujours aussi meurtriers. Le 14 août, les Bavarois au nombre de 4 000 venus en renfort s’installent à Lièpvre. Ils sont cantonnés chez l’habitant qui doit les nourrir. Des patrouilles circulent dès 20 heures et arrêtent les gens en les menaçant. Le 16 août, les Français arrivent à percer les lignes de front et arrivent de tous les côtés.


Le XXe siècle, un siècle de tumultes

Famille Henri Keller. Ici, le chef de famille pose en tenue militaire allemande modèle 07/10. Après la guerre de 1870 et l’annexion de l’Alsace au Reichsland, certains Rombéchats ont combattu soit sous le drapeau allemand, soit sous le drapeau français s’ils avaient opté pour la nationalité française. Aussi, il n’était pas rare que certains membres d’une même famille se retrouvèrent sur le même front mais dans des camps opposés.

A u centre de la photographie, on distingue les baraquements sur le pré Gasperment.

Les premiers hussards français arrivent à Lièpvre le 17 août. Le lendemain, ils tombent dans une embuscade des troupes bavaroises dans la forêt de La Vancelle-Neubois. Les Français perdent jusqu’à 78 hommes et les Allemands 45. Le 18 août, l’infanterie prend position autour de Lièpvre. Le 19 août, de bonne heure, les bavarois reprennent Lièpvre. L’après-midi, ils se rendent à Musloch où ils incendient 5 fermes sous le prétexte qu’on a tiré sur eux. La mairie met en place un service sanitaire pour secourir les blessés. L’usine Dietsch est réquisitionnée pour servir d’hôpital. On y installe des lits. On réquisitionne les voitures pour ramener les blessés, puis une partie des estropiés est évacuée vers SainteCroix-aux-Mines. Les jeunes filles des villages

de Lièpvre et Rombach se mettent à la disposition du dispensaire ambulant pour soigner les blessés. Dans la journée du 26 août 1914, des quantités de voitures de munitions et différents bataillons allemands passent par Lièpvre pour se rendre sur le front vers Sainte-Marie-aux-Mines où se déroulent de violents combats. De nombreux soldats épuisés sont pris en charge par la population. Les jours suivants, les troupes allemandes parviennent à percer l’offensive française et à prendre position à l’intérieur du territoire français. Le 11 octobre 1914, le conseil municipal de Rombach fait adopter une résolution en votant un crédit de 50 marks destiné à acheter de la laine pour faire tricoter par les écolières, pendant les heures de travaux manuels,

En ce temps-là, c’était une fierté de se “faire tirer le portrait” en habit de soldat. Ici en tenue “bleue horizon”, tenue de l’armée française après juillet 1914, en référence à la ligne bleue des Vosges, avec bandes molletières et képi modèle 1884.

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C h a p i t r e IV

Le quotidien au XXe siècle

Un village agricole

U À gauche, les champs cultivés de Hargoute. En se promenant sur le coteau, on remarque encore les murs de soutènement en pierre sèche.

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n instituteur allemand, en poste à La Hingrie vers 1890, “s’étonnait de voir des gens vivre de façon si frugale et si loin du monde”. Les gens vivaient alors avec peu de moyens mais savaient affronter les rudesses du climat et de la vie paysanne. L’entraide était de mise. Marcher plusieurs heures, pour se rendre au travail, pour vendre ses produits, pour aller à la messe dominicale était pratique courante. Ce n’est qu’au début du XXe siècle, avec l’arrivée de l’usine textile, que les modes de vie vont changer avec des horaires définis, plus de moyens, des activités associatives. Les exploitations agricoles entourées de prairies s’étendent dès le XVIIIe siècle. Près de la maison familiale on trouve généralement le jardin potager ainsi que plusieurs surfaces pour la culture des pommes de terre et des céréales, surtout du seigle, mais aussi du sarrasin, du froment, de l’orge et de l’avoine. De nombreuses exploitations agricoles fournissent également dès le XVIIIe siècle de l’eau de cerise (Kirschwasser) qui est très prisée et que l’on expédie dans toute la France. Lors des bonnes récoltes, le litre se vend de 20 à 24 sols, et on distille annuellement pour la somme de 140 à 150 000 francs.


Les paysans sont maçons, charpentiers, menuisiers ou sabotiers en dehors de l’activité agricole. Les familles résident en permanence dans les fermes où ils vivent en économie fermée. L’économie familiale est individuelle et produit les denrées nécessaires à son existence. Le surplus de la production est écoulé sur les marchés qui permettent ainsi à chaque famille d’obtenir des économies. À l’époque les habitants vivaient pauvrement en cultivant tous les coteaux ou Almend qui sont aujourd’hui incultes, couverts de genêts ou de ronces. La désertion des fermes commença alors au profit du village et les habitants assurés de trouver des gains substantiels embellirent leurs maisons ou en en construisant d’autres.

Au champ avec les chèvres à Hargoutte.

Jeanne et René Stouvenot moissonnent sur les plateaux du Prérébois dans les années 1960.

Transport de bois de chauffage avec un attelage de bœufs rue de Pierreusegoutte.

Préparation d’un attelage. Le joug est posé. Des chèvres broutent sur les pentes du Champ des Huttes vers 1910.

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Rombach-le-Franc

De la Lorraine à l’Alsace...

Il n’y avait pas beaucoup de chevaux à Rombach. Le bœuf était la bête à tout faire !

Sur les pentes raides, la hotte était le seul moyen de transport. On remontait la terre avant les labours, on transportait le fumier dans les champs. Sur la photo, on utilise une hotte de vendangeur, en patois le tand’lin pour le transport du lisier.

René Finance conduit l’attelage.

À la fenaison, on sortait la voiture à échelle ou le plateau. Le foin était serré à l’aide d’une petite échelle dans laquelle venait se coincer une perche qui était tendue à l’aide d’une corde.

Fenaison à la ferme Cébokli dans les années 1960.

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Corvée de pluche à Hargoutte.


Le quotidien au XXe siècle

Partie de chasse. La voiture est celle de M. Lamotte.

Portage de hotte à Pierreusegoutte.

Le kirsch

R

ombach-le-Franc fut de tout temps une commune très réputée pour son eau de vie faite à partir de cerises plus communément appelé le kirsch. Il existe encore de nombreux cerisiers dans le village. Cependant, cette pratique tend à disparaître en raison de la fiscalité très élevée. On fabrique aussi de la quetsche ou schnaps de prune, mais également de la pomme. Il faut énormément de fruits pour produire de l’eau de vie qui est souvent consommée sur place. En 1894, le nombre de distillateurs étant de 120 personnes, la commune demande que la perception des taxes sur les alcools soit transférée à Rombach. Les bouilleurs de cru se plaignent d’avoir à effectuer, pour certains, une distance de plus de 10 km, en plus d’une attente de deux heures pour obtenir les précieux papiers. Le maire propose d’affecter à cette tâche de recouvrement des taxes sur les alcools, la femme de l’instituteur qui comprend et écrit couramment l’allemand. Dans les années 1960, il existe encore 41 bouilleurs de cru à Rombach-leFranc. En 2000, 25 “chapeaux” ou “chapiteaux” d’alambic sont encore entreposés à la mairie et servent de manière régulière.

La veuve d’Albert Reling est récompensée à l’exposition de Strasbourg pour le bon Kirsch en 1895.

Facture en date du 19 juin 1912 au nom de la commune.

La “goutte” se prenait souvent dans des verres à vin.

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Rombach-le-Franc

De la Lorraine à l’Alsace...

La vigne

L

Le principal vignoble de Rombach à droite sur la photographie : La Creuse des Vignes.

Les vignes de Salamville sur la droite et, au centre, celles de Vougnigoutte.

Les vignes sur Bessecôte. Elles étaient encore nombreuses dans les années 1960.

Dégustation de vins à la Creuse des Vignes.

On trinque à la Saint-Henri en 1909.

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es aînés se souviennent que la vallée de Sainte-Marie-aux-Mines produisait du vin. Mais les lecteurs savent-ils aussi que, chiffres à l’appui, les Rombéchats étaient les meilleurs vignerons ? Disons qu’ils produisaient à l’hectare bien plus de vin que les autres. Tenez : en 1860, on comptait 12 hectares de vigne à l’Allemand-Rombach avec une production de 40 hectolitres par hectare (hl/ha) en moyenne contre 26 hl/ha à Lièpvre et 11 hl/ha à SainteCroix-aux-mines. En 1852, la vallée avait 58 ha, chaque hectare 10 000 pieds de vigne et un rendement moyen de 50 hl de rouge et 1 447 hl de blanc. Le rouge était vendu 20 francs par hectolitre au même prix que le rouge de Ribeauvillé. Le blanc, en revanche, coûtait 10 francs contre 12 francs dans le canton voisin. En 1879, la vigne occupait 59,5 ha soit 2,15 % de la surface agricole qui comptait alors, dans le canton, 2 793,82 ha contre 1 740 ha actuellement.


Le quotidien au XXe siècle

Traditions et vie quotidienne

P

hotographies de groupe prises sur le vif ou posées, portraits pris à l’occasion de diverses fêtes, tous ces clichés témoignent d’un quotidien aujourd’hui révolu.

Le temps de l’enfance

Léon Corne devant chez Birckel à Pierreusegoutte.

Au bas de la rue de l’Église.

Rassemblement au Quartier Fourbi en 1912.

Quartier Fourbi à l’entrée de la rue de la Biaise vers 1900. À l’arrière le Champ des Huttes.

Dans la rue principale au niveau de la boulangerie Kissy.

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