Des groupes medvedkine à résister à la chaîne

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SAISON 2013 \ 2014 DANSE / MUSIQUE / THÉÂTRE / ARTS VISUELS

RÉSISTER À LA CHAÎNE VEN 21 FÉVRIER \ 18:30 CCAM-scène nationale de vandœuvre

© Franck Wohlfeil

DES GROUPES MEDVEKINE AUX PATRIES IMAGINAIRES Cette soirée autour de Christian Corouge et du livre “Résister à la chaîne” se décline autour d’un spectacle de théâtre musical, d’une rencontre avec Christian Corouge et Michel Pialoux et de la diffusion de films Medvedkine. Cette initiative fait suite à la création du spectacle de théâtre musical “Résister à la chaîne” lors d’un chantier de recherche de la résidence de la compagnie des patries imaginaires au CCAM lors du festival Musique Action 2013.

Medvedkine) en lutte contre un système oppressif, celui de la plus grande usine de France : Peugeot. Sa rencontre avec la culture par l’intermédiaire de Paul Cèbe, dans les années 70 et via l’expérience Medvedkine, débouche sur une réflexion profonde concernant la culture, les intellectuels, l’usine mais surtout l’enjeu de la culture au sein du milieu ouvrier.

Cet ouvrage est une suite d’entretiens du sociologue Michel Pialoux avec Christian Corouge, ouvrier syndicaliste chez Peugeot, rentré à 17 ans à l’usine de Sochaux (en 69) et membre du groupe de cinéastes Medvedkine.

La spécificité de Christian Corouge c’est d’avoir toujours tenu à dire, en toutes circonstances, que les ouvriers avaient eux aussi une voix, qu’ils avaient eux aussi des choses à dire. Et la voix de Christian Corouge, nous l’entendons nous aussi dans ces entretiens, une voix singulière, vivante, musicale qui nous porte dans un monde brutal, celui de l’aliénation par le travail, et dans une sphère intime torturée, rendant compte de toute la complexité d’un individu pris dans une situation de brutalité sans nom.

Loin de se présenter comme “exemplaire”, le parcours de Christian Corouge - tel qu’il est décrit dans ces entretiens - témoigne des espoirs et des désillusions d’une vie - comme celle de tant d’autres - travaillée au corps par des engagements forts (au sein de la CGT mais aussi au sein d’une aventure cinématographique unique, l’expérience

« Sont ici “couchés sur papier les mots de la langue parlée”, des mots simples, parfois brutaux et souvent drôles : ceux de Christian Corouge, ouvrier spécialisé (OS) à l’usine Peugeot de Sochaux et délégué de la Confédération générale du travail (CGT), échangés avec Michel Pialoux, à l’occasion d’entretiens enregistrés entre 1983

et 1986. Corouge analyse les méthodes Peugeot de gestion de la main-d’œuvre, les techniques de répression des militants ainsi que les stratégies de résistance, la convivialité entre OS, indissociable de la réussite d’une grève. « Résister à la chaîne », c’est aussi dépasser l’horizon étroit qu’elle voudrait imposer en formulant un questionnement politique sur la représentation des ouvriers et la délégation de pouvoir, sur le rapport aux intellectuels et à la culture, sur la place des femmes et des immigrés. Vingt-cinq ans après, Pialoux interroge de nouveau son camarade (toujours à l’usine, à quelques mois de la retraite). Corouge résume en quatre pages au scalpel les régressions de la condition ouvrière, mais révèle un état d’esprit inchangé : “Avoir toujours des rêves” et “vivre un état d’ouvrier en sachant très bien qu’une autre vie est possible”. » C. Saldana Le Monde diplomatique, déc. 2011 Cette soirée autour de Christian Corouge et de “Résister à la chaîne” est organisée dans le cadre de la résidence de recherche de la compagnie les patries imaginaires au CCAM-Scène nationale de Vandœuvre-les-Nancy ; un dispositif financé par le Conseil Régional de Lorraine.


usines Peugeot, un second groupe sochalien naît après la grande grève de mai-juin.

pourquoi ce nom groupe MEDVEDKINE ?

Les films se veulent des œuvres collectives. Dès lors, on peut y retrouver une tension entre des exercices de porte-parole, parfois empreints de didactisme, et des déclarations singulières. Dans le même temps, la trajectoire des groupes permet de repérer l’éclipse de l’auteur quand l’heure est à l’espoir révolutionnaire, puis son retour dans “Avec le sang des autres” de Bruno Muel, quand l’heure est à la désillusion. Ce contraste politique jaillit encore davantage de la comparaison entre deux monologues bouleversants, le premier de Georges Maurivard défiant tranquillement les patrons en 1967, le second de Christian Corouge pleurant ses mains ruinées par Peugeot en 1974.

Réponse de Chris Marker Un train, un homme qui mettait le cinéma “entre les mains du peuple” (comme Medvedkine nous le dirait lui-même plus tard), cela avait de quoi faire rêver un demi-cinéaste égaré dans cette jungle où le professionnalisme mondain et le corporatisme se rejoignent pour empêcher le cinéma de tomber entre les mains du peuple. J’ai donc passablement brodé sur le thème du ciné-train, pour découvrir, en rencontrant Medvedkine, que tout ce que j’avais inventé était encore très au-dessous de la réalité. On se demande quelquefois ce qui a décidé un groupe d’ouvriers français, débutant précisément dans cette difficile entreprise de prendre le cinéma entre leurs mains, à choisir de se baptiser Groupes Medvedkine. Je suis heureux d’apporter pour la première fois une réponse historique à cette importante question. C’est exactement au moment où, racontant le ciné-train à Besançon en 67, l’année des grandes grèves, dans la cuisine de René Berchoud en compagnie de Georges, de Yoyo, de Daniel, de Pol, de Geo et de quelques autres, que j’ai cité Medvedkine : nous emmenions des cartons déjà tournés, pour insérer dans les films. Et il y en avait un que nous prenions en bobines entières, parce qu’il servait toujours, dans tous les films. Celui qui disait : “Camarades, ça ne peut plus durer !” (cité dans Le ciné-Ours - Revue du Cinéma - Image et Son, n°255, décembre 1971)

QUI était MEDVEDKINE ? Alexandre Medvedkine (1900-1989), cinéaste soviétique, est l’inventeur du ciné-train, unité mobile de production qui sillonna l’URSS en 1932 pour filmer ouvriers, paysans et mineurs du pays, et leur montrer sur le champ leur propre travail (montés le jour même dans le train, les films étaient projetés le lendemain) dans le but de l’améliorer et d’aider à la construction de la Russie nouvelle. Deux ans plus tard, à partir de son expérience de la vie des campagnes, Medvedkine tourne une comédie paysanne intitulée “Le Bonheur”. Trentequatre ans après, des cinéastes-ouvriers français ont l’idée de se nommer groupes Medvedkine en hommage à cette incroyable aventure du cinétrain. Bernard Benoliel (catalogue du festival Entre vues, Belfort 2002)

© Jean-Marie Dandoy

groupes MEDVEDKINE Les années 68 tentèrent d’opérer une reconfiguration des rapports entre ouvriers et paysans d’une part, intellectuels et artistes d’autre part, marquée d’une manière générale par une « prise de parole » (Michel de Certeau) généralisée. C’est cette tentative protéiforme dont témoigne la formation des groupes Medvedkine à Besançon puis Sochaux à partir de 1967. La création des groupes Medvedkine s’inscrit dans une conjoncture plus ample d’éclosion puis de développement d’un cinéma militant, lequel, avec de maigres moyens, « se met d’emblée, et par définition, au service de la classe ouvrière et des autres classes ou catégories professionnelles en s’assignant une fonction de contre-information, d’intervention ou de mobilisation ». De fait, vingttrois collectifs de cinéma militant se constituent pendant les années 68, dont les plus connus sont, outre les groupes Medvedkine, Cinéluttes, Arc (Atelier de recherches cinématographiques), Les Cent Fleurs, Mon œil… Si ces collectifs entretiennent un rapport privilégié avec les organisations d’extrême-gauche, les organisations syndicales, et notamment la CGT, n’hésitent pas à faire réaliser des films qui illustrent leurs thèses. Les films du groupe Medvedkine pourtant à l’intérieur de cet ensemble occupent une place singulière. En février-mars 1967, alors que l’établissement est secoué par une grande grève avec occupation, Pol Cèbe, ouvrier à l’usine Rhodiaceta de Besançon, contacte Chris Marker pour venir soutenir les ouvriers. Contrairement à la légende, le film qui en est tiré, “À bientôt j’espère” est postérieur à la grève et en présente plutôt le bilan. Il cristallise cependant une rencontre entre techniciens (parmi lesquels Bruno Muel) et militants ouvriers bisontins, qui se saisissent ensuite de la caméra et réalisent plusieurs courts-métrages. Puis, avec le passage de Pol Cèbe à Clermoulin, centre de loisirs et de culture du comité d’entreprise des

Les œuvres des Medvedkine ne sont pas tant des films de propagande que des films de révolte, renouant précisément avec l’homme Medvedkine en 1932 qui truffait chacune de ses bandes soviétiques d’intertitres ou leitmotiv tels que : « Camarades, ça ne peut plus durer ! Camarades, il faut que ça change ! », On y voit ce qu’aucun film industriel n’a jamais envisagé de montrer : la façon dont le travail abîme le corps, les affects, les rapports entre les êtres. La façon dont la vie tout entière est quadrillée par l’entreprise capitaliste, de la naissance à la mort. La façon dont les espoirs et les velléités de changement peuvent être facilement étouffés ou brisés. Comment un homme ne peut plus caresser sa femme tant ses mains sont abîmées par le travail sur la chaîne, comment une petite fille est privée de ses parents et de son enfance, comment une jeune femme renonce à penser. Treize courts et moyens métrages, documentaires, fictions documentées, furent réalisés en 16mm par les groupes Medvedkine. “Classe de lutte” (1969), la série “Images de la Nouvelle Société” (1969-1970) ou “Sochaux 11 juin 68” (1970) accomplissent pleinement le projet ainsi défini par Bruno Muel : « (...) montrer ce qu’il faut surmonter d’interdits culturels, on pourrait dire usurper de savoir, pour se donner les moyens de lutter à armes égales contre ceux qui pensent que chacun doit rester à sa place ». On peut y ajouter la “Lettre à mon ami Pol Cèbe” de Michel Desrois (1971), authentique roadmovie révolutionnaire, puisque l’on y voit les techniciens Medvedkine (le réalisateur Michel Desrois, l’ingénieur du son Antoine Bonfanti et le photographe José They), réfléchir en toute liberté à leur pratique de cinéastes sur le trajet entre Paris et Lille avec une inventivité et une énergie libertaires dignes des meilleurs moments de Charlie Mingus. L’expérience s’achève en 1974 sur un chef-d’œuvre du cinéaste Bruno Muel, Avec le sang des autres, essai implacable sur le désespoir ordinaire qui s’attache à la condition ouvrière dans une société de contrôle.


LE TOURNAGE DES FILMS à SOCHAUX, AU Début des années 1970 Christian Corouge Je vais te dire quelque chose : le jour où j’ai téléphoné à Bruno Muel pour lui dire : « Écoute, je suis en train de crever. Il faut que je fasse quelque chose, il faut que je dise quelque chose, mais je ne sais pas quoi. » Je crois que c’était ça l’appel, tu vois, c’était de dire « Je suis au bout du rouleau, il faut que ça soit marqué quelque part tout ça, il faut que ça reste quand même parce que ça a été un combat tellement con et tellement désespéré. » Je ne suis pas un gaucho 68, si tu veux, je ne suis pas un établi, j’ai pratiquement pas fait d’études, ni rien, quoi. Comment on appelle ça, ces mecs, qui s’en sortent tout seuls, là, des... ? Michel Pialoux ... des autodidactes ? C.C. Oui, je serais plutôt ça à la limite, parce que ce que j’ai appris, je l’ai appris tout seul, en fait avec plein d’autres moyens, d’autres contacts. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que si je n’avais pas eu la chance de connaître Bruno et Francine et Théo et Bonfanti, j’aurais foutu le camp de l’usine et je serais peut-être aujourd’hui animateur dans une autre usine, ou un truc culturel comme ça. M.P. J’aurais bien aimé voir comment ça se passait, pratiquement, avec Bruno Muel, Chris Marker, enfin tous les cinéastes qui étaient là. Parce qu’il y a quelque chose, de fait, qui s’est accroché, à ce moment-là. Habituellement, les expériences de contact entre militants et intellectuels duraient quelques semaines, quelques mois, tandis que là, votre relation s’est prolongée sur des années...

ils allaient bouffer au restaurant, sur l’argent du film, alors que nous, entre parenthèses, on crevait de faim et c’était inacceptable. Bon, il y a eu des engueulades héroïques entre Bruno et Théo. Théo qui disait à Bruno : « Mais qui a embauché ces cons-là ? » et Bruno qui répondait « Mais merde ! C’est moi, tu me fais chier ! » Et nous, on assistait à ça, et on était complètement effarés. Le lendemain, il fallait aller bosser et puis c’était aussi la période la plus sombre où, après ‟Weekend à Sochaux”, on était complètement dans la merde financièrement... M.P. Oui, mais en même temps... C.C. C’était vachement enrichissant... M.P. Et son « équipe syndicale » alors... C.C. Des mecs, tu sais, qu’ils embauchaient, c’était obligatoire d’avoir un assistant-réalisateur, d’avoir un assistant-cameraman, un assistantpreneur de son, un tas de mecs qui étaient étudiants en cinéma à Paris ou je ne sais où, dans le cinéma souvent, et qui étaient fils de bourgeois. On voulait s’en payer un, un mec qui s’appelait... qui a fait un film depuis... qui voulait à tout prix que Le Diguerer prenne son compte de chez Peugeot, parce que son père avait une usine en Bretagne, et qu’il avait été incapable de lui casser la gueule à son père, tu vois. Ce type de chérubins qui viennent régler leurs comptes ici je veux dire, c’était... (geste de dégoût.)

Enfin, c’était ça notre vie. Et puis de voir ce genre de mecs qui, un jour, t’amenaient une bouteille de pastis pour commencer et finissaient au champagne, ça devenait complètement dramatique. Alors, de la bouteille de pastis, tu t’en serais bien passé et t’aurais acheté un bouquin à la place. C’était aussi con que ça, quoi, y’avait une incompréhension totale, tu vois. Jusqu’au moment où Bruno a compris que ça commençait à pédaler dans la choucroute, et y’a eu de grandes engueulades entre Théo et lui. Et puis on s’est engueulés sur le fond avec lui. « On n’a pas envie de parler devant ces mecs, c’est pas possible. » Il a to u t a r rêté, il est reparti à Paris et, après il est revenu filmer avec Théo, et ça nous a permis de retrouver un équilibre [...] • Extrait de Christian Corouge & Michel Pialoux,

‟Résister à la chaîne. Dialogue entre un ouvrier de Peugeot et un sociologue.” (Éditions Agone, 2011)

FILMOGRAPHIE BESANÇON • À bientôt j’espère (C. Marker, M. Marret, 67/68) • Classe de lutte (68) • Rhodia 4/8 (69) • Nouvelle société 5. “Kelton” (69) • Nouvelle société 6. “Biscuiterie Buhler“ (70) • Nouvelle société 7. “Augé découpage” (71) • Lettre à mon ami Pol Cèbe (Michel Desrois, 71) • Le traineau-échelle (Jean-Pierre Thiébaud, 71)

C.C. Oui, l’expérience a duré des années avec des hauts et des bas. Bruno m’a vachement marqué. Sa personnalité, simplement, d’un mec ça, je veux dire, qui était capable de débattre complètement différemment, d’amener des choses vachement différentes, de ce que l’on avait l’habitude d’entendre.

SOCHAUX M.P. Avec les intellectuels, le problème, c’est que tu fais dans la complaisance ou tu fais dans l’ouvriérisme... C.C. Oui, c’est ça, on ne voulait tomber ni dans l’un ni dans l’autre. Il y a eu une équipe de mecs qui n’avaient rien à voir du tout avec ce qu’on vivait nous à Sochaux, quoi. Quand il y a eu l’atelier de Sochaux de filmé, il y avait Théo, il y avait plein de mecs qui venaient régulièrement donner un coup de main pour le montage, discuter, etc. Et nous, c’était toujours la même équipe, un peu disparate, alors que lui s’était trouvé une équipe syndicale - enfin syndicale, à ce niveau-là, c’est un peu une comédie, une équipe de cons, qui te faisaient chier des soirées entières, parce qu’ils ne pensaient qu’à une chose, c’était à quelle heure

© Week-end à Sochaux

C.C. Après ‟Week-end à Sochaux”, si tu veux, on n e c o m prenait plus rien. Bruno s’était entouré de toute une équipe de mecs comme ça. Il finissait par en être gêné d’ailleurs, et nous, on finissait par aller bouffer à trois ou quatre entre copains, mais on n’invitait plus les autres. Ben oui, parce que c’était le plat de nouilles dans la gamelle, il n’y avait vraiment pas de fric, c’était des nouilles avec une boîte de tomates pelées, du piment et deux litres de rouge, ça passait, ça allait, quoi.

• Sochaux, 11 juin 1968 (70) • Les 3/4 de la vie (71) • Week-end à Sochaux (71-72) • Avec le sang des autres (Bruno Muel, 74) • Septembre chilien (B. Muel, T. Robichet, 73)

• Le double DVD “Les groupes Medvedkine“ est disponible aux éditions Montparnasse accompagné d’un livret établi par l’équipe d’ISKRA. (www.editionsmontparnasse.fr, 2006)


PROGRAMME DU vendredi 21 Février > 18:30 de 04 à 13 euros

Résister à la chaîne © Jacky Johannès

C’est à une suite de focus sur des instants (de vie, de colère, de rébellion) que nous invitons le public. L’espace musical fonctionne comme une loupe, permettant de s’arrêter sur un détail, une phrase, une atmosphère. Cette plongée dans l’intime (sans jamais tomber dans le voyeurisme) est portée par la grande musicalité de la langue parlée de Christian Corouge. Les entretiens retranscrivent en effet sa langue telle qu’elle a été dite aux moments des enregistrements. Aucun «lissage» n’a été effectué. Il en ressort une poésie brute, un rythme évident (porté par un engagement fort) qui s’accorde d’une manière presque «naturelle» avec un travail musical. L’approche musicale est cinématographique ou très rock mais elle nous fait toujours naviguer dans une dramaturgie du fragment tout en douceur ou en ruptures. Aucune chronologie n’a été respectée par rapport au livre. La sélection des passages obéit à une logique musicale qui permet de plonger dans une vie, de «rentrer dans une histoire» par petites touches, de manière quasi filmique, par gros plans ou élans successifs.

LES TROIS-QUARTS DE LA VIE

C. COROUGE, M. PIALOUX

coproduction

Groupe Medvedkine de Sochaux

conférence - suivie d'un buffet / 19:00

Scène nationale de Vandœuvre / dans le cadre d’une

projection / 18:30 1971 / 16mm / N&B et couleur / 18’ / réalisation : Groupe Medvedkine de Sochaux ‟Les trois-quarts de la vie” est un court-métrage mal foutu tourné dans un noir et blanc que les labos commençaient à ne plus savoir traiter, avec un son presque inaudible dû à l’inadéquation de notre unique micro. Mais, peu importe, c’était un point de départ, une idée de ce que nous allions faire avec ‟Week-end à Sochaux”. C’est-à-dire un mélange, des bouts de fictions écrits et joués par les jeunes, des bouts de déclarations à la caméra plus que des interviews, des discussions sur ce qui venait de se passer au cours de la grève, sur le comment et le pourquoi ils en étaient arrivés là. C’est là qu’est apparu le personnage du sergent-recruteur Peugeot. C’était une réalité qu’ils avaient tous connue. Ils venaient de tous les coins de la France, recrutés par des envoyés de Peugeot qui les draguaient à la sortie des écoles professionnelles. La grève des ALTM (Foyers de jeunes travailleurs) les avait soudé. Encasernés par Peugeot, ils s’étaient révoltés, organisés très spontanément, au départ en dehors des syndicats, et avaient finalement obtenu pas mal d’allégements de la discipline toute militaire qu’on leur imposait, discipline qui allait jusqu’à interdire aux filles l’entrée dans les bâtiments. Ils s’étaient aussi tournés vers les immigrés, marocains et yougoslaves, que la direction parquait dans des loges à part, loin de tout. Eux-mêmes ne se sentaient-ils pas comme des immigrés de l’intérieur ? Nous sommes revenus à Paris terminer le film avec la monteuse Ana Ruiz (fille d’un cheminot républicain espagnol) qui est devenue un autre pilier de nos expériences. (Bruno Muel)

:

Les

patries

imaginaires,

CCAM-

résidence artistique et culturelle soutenue par le Conseil

« Le fond du problème, c’est de dire que tous ces mecs qui sont enchaînés et qui construisent des bagnoles ont quelque chose à dire. Ils ont quelque chose à dire, ils ont le droit de vivre, ils ont un cerveau. Et ce cerveau, ce système leur en enlève une petite partie, tous les jours, systématiquement… jusqu’à la difformité, jusqu’à ce qu’ils deviennent difformes, jusqu’à ce qu’ils n’aient plus rien à dire, jusqu’à ce qu’ils n’aient plus envie de lire, qu’ils se mettent devant la télé et qu’ils regardent et puis c’est tout. Et puis le lendemain, ils y retourneront, et jusqu’à la mort, jusqu’au cimetière, et puis leurs gosses deviendront pareils. Et ça, j’ai pas envie de le vivre ça, j’ai pas envie de le voir. »

RÉSISTER À LA CHAÎNE Les patries imaginaires concert documentaire / 21:00 projet musical de : Guigou Chenevier et Perrine Maurin / d’après l’ouvrage de : Christian Corouge et Michel Pialoux (‟Résister à la chaîne”, Éditions Agone, collection Mémoires sociales) / guitare : Thomas Barrière / batterie, percussion : Guigou Chenevier / voix, violon : Bastien Pelenc / création lumière : Philippe Colin / conseils vidéo, scénographie : Lino Tonelotto / régisseur son : Emmanuel Gilot Il ne s’agit pas ici de représenter Christian Corouge, mais plutôt de faire entendre sa langue, son univers, son parcours à travers la force narrative d’un travail conjoint entre théâtre et musique... Une forme entre concert et témoignage qui évoque le parcours d’un homme atypique, et qui se fait porte-parole de milliers d’hommes et de femmes broyés par un monde du travail impitoyable. Un portrait poétique et politique d’une saisissante actualité, en somme.

Régional de Lorraine / avec le soutien financier de la Ville de Metz et du Conseil Général de Moselle.

AVEC LE SANG DES AUTRES bruno muel projection + débat / 22:00 1975 / 16mm / couleur / 50’ / réalisation Bruno Muel ‟Avec le sang des autres” nous montre le vrai visage de la dynastie Peugeot. L’esclavage de la chaîne, et au-delà du vol du travail, la spoliation de tous les aspects de la vie des travailleurs, dans une ville, des magasins, des transports, des distractions qui tous appartiennent à l’empire totalitaire Peugeot. Comme l’explique l’un des ouvriers dans le film : « C’est pas simple de décrire une chaîne… Ce qui est dur en fin de compte, c’est d’avoir un métier dans les mains. Moi, je vois, je suis ajusteur, j’ai fait trois ans d’ajustage, pendant trois ans j’ai été premier à l’école… Et puis, qu’est-ce que j’en ai fait ? Au bout de cinq ans, je peux plus me servir de mes mains, j’ai mal aux mains. J’ai un doigt, le gros, j’ai du mal à le bouger, j’ai du mal à toucher Dominique le soir. Ça me fait mal aux mains. La gamine, quand je la change, je peux pas lui dégrafer ses boutons. Tu sais, t’as envie de pleurer dans ces coups-là. Ils ont bouffé tes mains. J’ai envie de faire un tas de choses et puis, je me vois maintenant avec un marteau, je sais à peine m’en servir. T’as du mal à écrire, j’ai du mal à écrire, j’ai de plus en plus de mal à m’exprimer. Ça aussi, c’est la chaîne… » Réservations 03 83 56 15 00 / www.centremalraux.om


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