No 141
Le journal étudiant de l'Université du Québec à Chicoutimi
JANVIER 2020
OEIL NOUVEAU SUR L’ALIMENTATION RÉGIONALE Page 3
KAWCZAK AU CŒUR DES TÉNÈBRES PAS D’ACHAT LE DIMANCHE ? Page 4
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2 - ÉDITO
JANVIER 2020 No 141 Le Griffonnier
3,2,1 ... BONNE ANNÉE ? C’est avec une grande fierté que je vous écris ce tout premier édito en tant que nouvelle rédactrice en chef du Griffonnier et nouveau membre de l’équipe des Communications étudiantes universitaire de Chicoutimi (CEUC). C’est un début d’année qui s’annonce très chargé pour moi et qui sera, sans aucun doute, rempli de défis stimulants!
mais sans réellement y trouver mon match parfait. Par la suite, j’ai complété une technique collégiale dans le domaine de la santé et je travaille Vues les circonstances, je pense dans cette discipline depuis un an et qu’une petite présentation serait de demi en parallèle à mes études en mise, n’est-ce pas? Je suis présente- communication. ment étudiante au baccalauréat en communications interculturelles et Pour commencer ce nouveau trimédiatiques à l’UQAC, et ce, de- mestre, nous aborderons la thémapuis l’automne 2019. J’ai toujours tique du «renouveau». Mise à part eu une grande aisance à m’exprimer la fin de l’année, mais aussi d’une tant à l’écrit que devant un groupe décennie, le renouveau est présent de personnes. Il était donc natu- dans plusieurs facettes de notre rel pour moi de me tourner vers ce quotidien. Bien sûr, il y a les clasnouveau programme que l’univer- siques résolutions du nouvel an. sité venait de créer. J’ai déjà amorcé mes études en histoire par le passé, Cependant, je trouvais intéressant MARIE-CHRISTINE HARNOIS Rédactrice en chef
d’exploiter des avenues alternatives à cette habituelle tradition. Malgré tout mon optimisme, il est bien difficile de passer outre les catastrophes qui se produisent un peu partout à travers le monde. Impossible de faire abstraction des feux qui ravagent l’Australie, détruisant la végétation et les multiples espèces animales qui s’y trouvent. Ajoutons à cela l’attaque survenu à l’aéroport de Bagdad causant plusieurs décès et blessés et, plus récemment, la fusillade dans une école du Mexique. Lorsqu’on parle de commencer l’année en force (ou plutôt avec un down), c’est assez réussi de ce côté-là... Espérons que le reste de l’an-
née ne soit pas un simple copier-coller de son commencement. J’espère que cette parution saura vous amener ailleurs et, au-travers des yeux de nos différent.e.s collaborateur.trice.s, voir le renouveau d’une manière inattendue et originale. J’en profite par la même occasion pour souhaiter à tous nos lecteurs et lectrices une bonne et heureuse année 2020. C’est avec motivation et engagement que je prends les rênes de la rédaction et que je continuerai la mission de développer ce journal. - Marie-Christine
VOUS ÊTES ICI L’Australie brûle. Avec elle des millions d’animaux qu’on sauverait volontiers avant certains de nos semblables. Donald menace de détruire des cibles culturelles iraniennes avec ses « beautiful » armes neuves. Des grandes capitales flirtent avec la guerre civile. Eille, bonne année 2020 tout le monde !
STÉPHANE BOIVIN Coordonnateur
Sincèrement, bonne année. Bonne année parce que personne ne mérite de commencer sa vie active sans espoir, ne serait-ce qu’une lueur. C’est infaisable. Or il faut bien faire quelque chose. Il y a un futur. Il y a donc de l’espoir.
Votre retour sur le campus, à chaque session, en est l’un des signes les plus probants. L’un de ceux auxquels on peut s’accrocher quand l’espoir vient à manquer. L’université est certainement un microclimat, un petit monde en soi. Il faudrait être naïf pour penser qu’elle serait exempte de tares, c’est une évidence.
frontières surannées auxquelles tant de nos congénères s’accrochent en vain. Cette génération c’est la vôtre et quoi qu’on en dise dans les bungalows, elle est remplie de promesses. J’espère que cette trajectoire débordera le cadre de ce campus. Il en tient surtout qu’à vous. J’ai espoir que les ténèbres qui nous enveloppent ne sauront résister à vos saMais c’est, encore, un lieu de tolé- voirs. Dont celui de vivre ensemble, rance, d’émancipation, où se dessine au quotidien, dans un espace resl’esquisse d’une trajectoire. Celle treint (un campus, une planète…). d’un véritable humanisme, d’une Que le racisme et les préjugés dont génération brillante, libérée de tant d’entre vous sont victimes en
ville, à quelques pas du campus, soient anéantis par votre présence positive. Il y a un futur, qu’il soit terrible ou supportable n’y change rien. Vous n’allez quand même pas le laisser vous bouffer sans combattre ? Si le combat est de tout arrêter, soit. Mais s’il n’y a plus rien en quoi croire, il y a toujours vous. À chaque fois, votre retour le confirme. Amen, Inch’allah et Bonne rentrée !
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DEUX PARCOURS RÉCOMPENSÉS La cérémonie de remise de la Médaille du Gouverneur général du Canada s’est tenue le 17 décembre dernier. La médaille d’argent a été décernée à Jérémie Le Guern-Lepage, étudiant au baccalauréat en intervention plein air, alors qu’Élizabeth Gauthier, étudiante au doctorat en psychologie, s’est mérité l’or.
STÉPHANE BOIVIN Journaliste Les candidatures avaient été déterminées par chacun des regroupements de programmes. Ainsi, pour l’année 2018-2019, 4 finalistes de niveau baccalauréat et 5 finalistes de cycles supérieurs ont été reçus en entrevue par le comité de sélection.
la vie scientifique sont certains des critères qui ont orienté la sélection des récipiendaires. Octroyée depuis 1873, la Médaille du Gouverneur général du Canada vise à promouvoir l’excellence en milieu scolaire.
La période de candidature pour La qualité des résultats acadé- l’année 2019-2020 est en cours miques, les habiletés de communi- jusqu’au 23 janvier. Renseication, l’exercice d’une pensée cri- gnez-vous auprès des Services tique ou encore l’implication dans aux étudiants.
Photographie : Lorie Ouellet, professeure en intervention plein air, David Mepham, professeur et directeur de l’Unité d’enseignement en intervention plein air, Jérémie Le Guern-Lepage, médaillé d’argent, Nicole Bouchard, rectrice, Élizabeth Gauthier, médaillée d’or, et Julie Bouchard, professeure et directrice du doctorat en psychologie. Source : UQAC
SAVEZ-VOUS PLANTER DES CHOUX ? Le Labo Dataviz a pris une nouvelle forme en ce début de session. Cette fois-ci, l’outil de visualisation de données s’articule autour du cycle et des habitudes alimentaires.
Le labo permet par ailleurs de visualiser des données sur les types de productions régionales, les déDe la production à la gestion et la serts alimentaires ou encore le gasvalorisation des déchets, l’installa- pillage. tion située près de l’entrée Est du pavillon principal réussi en un clin INTERACTION d’œil à faire saisir des faits étonnants. La complexité des enjeux Comme précédemment, cette inliés à l’alimentation y sont rendus carnation du Labo Dataviz est participative. de façon ludique avec beaucoup fondamentalement Les données se matérialisent vid’élégance. suellement par l’apport de la communauté. L’installation permet de DONNÉES sonder les habitudes d’achats mais également de partager des recettes Quelques statistiques illustrées ou autres trucs pour maximiser sa dans ce labo sont particulièrement consommation. Quelques heures frappantes. Par exemple, on apseulement après le dévoilement, de prend qu’au Québec, entre 2007 nombreux membres de la commuet 2016, le revenu des ménages a nauté universitaire avaient déjà paraugmenté de 9% contre une hausse tagé leurs idées. de 26% du prix des aliments. Au niveau de la biodiversité alimen- FRIGO SOLIDAIRE taire, sur 50 000 espèces végétales comestibles, 7 000 sont cultivées et L’installation comprend également récoltées. De cette somme, trente un frigo permettant de partager des cultures représentent plus de 95% aliments ou des repas à des membres de notre alimentation. de la communauté qui seraient dans STÉPHANE BOIVIN Journaliste
une situation plus précaire. La précarité alimentaire est de plus en plus répandue, même auprès des salarié.e.s, une réalité que soulignent fréquemment les groupes de lutte contre la pauvreté et les banques alimentaires. Ce frigo, qu’on peut dès maintenant utiliser selon quelques règles d’hygiène simples et bien indiquées, serait appelé à demeurer en place au-delà de l’installation actuelle.
Photographies : Annie Perron / LUM Design
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FROUSSE À BAGOTVILLE Le 3 janvier dernier, un Dash 8-300 de la compagnie Air Canada, avec à son bord des étudiant.e.s de l’UQAC et en provenance de Montréal en direction de Bagotville a perdu une roue lors du décollage.
SAMUEL CALDARA Journaliste L’accident a été repéré par les passagers pendant le vol. L’un d’entre eux est parvenu à filmer l’événement, dont les extraits se retrouvent sur les internet. Il est possible de voir la roue se détacher du train d’atterrissage pendant le décollage de l’avion. Après s’être aperçu de la perte de la roue, les pilotes ont pris la décision de faire demi-tour vers
l’aéroport de Montréal nécessitant une heure de plus au trajet initial, afin de procéder au débarquement des passagers. Suite aux déclarations d’un ancien enquêteur du Bureau des transports canadiens, Radio Canada fait état : « Sur un train d’atterrissage, vous avez deux roues, si vous en avez une qui lâche, celle qui reste est parfaitement capable de supporter les charges de l’at-
terrissage ». Ce dernier explique que les avions sont équipés pour ce genre d’imprévus. Une fois les passagers descendus, ils ont été conduits à l’aéroport de Montréal par autobus où il leur a été possible de se reposer. Les passagers ont ensuite été redirigé vers un autre vol qui les a finalement emmenés à Bagotville. Il aura fallu quatre heures supplémentaires afin de compléter cette opération.
Aucun des 49 passagers n’a été blessé durant le vol. Le savoir-faire des pilotes et de l’équipage a su rassurer les voyageurs pendant toute la durée de l’intervention. Les services ambulanciers ont tout de même ont été dépêchés sur place par mesure de précaution. L’entreprise a également fait savoir qu’elle procéderait à une inspection de l’appareil dans le but de repérer les causes de l’incident et de procéder aux réparations requises.
POUR OU CONTRE LA FERMETURE DES COMMERCES LE DIMANCHE? Pénurie de main d’œuvre. La vie rapide. Surconsommation. Commerce en ligne. Dimension écologique du commerce. Ce ne sont là que quelquesunes des raisons qui ont poussé le Café Cambio à se poser la question suivante : Pour ou contre la fermeture des commerces le dimanche?
LE CAS QUÉBÉCOIS
STÉPHANE BOIVIN Journaliste C’est dans cet esprit que la coopérative de la rue Racine a organisé une journée sans achat le 24 novembre dernier. Aucune vente n’était effectuée par le Cambio. Au menu se trouvait plutôt des ateliers pratiques, des kiosques ainsi qu’une table ronde sur l’ouverture des commerces le dimanche. Les propos contenus dans chaque article n’engagent que leurs auteurs. - Dépôt légalBibliothèque Nationale du Québec Bibliothèque Nationale du Canada Le Griffonnier est publié par les Communications étudiantes universitaires de Chicoutimi (CEUC).
Au Québec, les commerces sont ouverts le dimanche depuis 27 ans. L’adoption d’une loi en novembre 1992 avait déjà fait l’objet de beaucoup de débats. Dans la région, on recense même deux manifestations, deux ans après l’application de la mesure, militant pour un retour au congé dominical. La discussion a permis de soulever de nombreuses dimensions qui
portent à la réflexion. Disponibilité des parents, participation à la vie citoyenne, sorties en famille… Ces choses que la semaine ne nous laisse pas le temps de faire pourraient-elles être consacrées aux dimanches? Écoutez l’intégrale de la table ronde en visitant ceuc.ca/dimanches-sans-achat
Photographie : Jonathan Borba / Unsplash
NOUS JOINDRE Rédactrice en chef : Marie-Christine Harnois
Prochaine parution : Jeudi 13 février 2020 Tombée des textes : Vendredi 07 février 2020, 17 h Tombée publicitaire : Mardi 04 janvier 2020, 17 h
Graphiste : Ysé Raoux Coordonnateur : Stéphane Boivin
Impression : Transcontinental via le Progrès du Saguenay Tirage : 3 000 exemplaires
Publicité : Christian Tremblay Courriel : publicitieceuc@uqac.ca Correction : Marie-Christine Harnois
Collaborateurs.trices • • • • • • •
CEUC REMERCIE SES PARTENAIRES
Émilie Bouchard Samuel Caldara Emmanuel Trotobas Julien Lemay-Roche Stéphane Boivin Marie-Christine Harnois Jessica Normandin
COURRIEL : ceuc@uqac.ca TÉLÉPHONE : 418 545-5011 #2011 TÉLÉCOPIEUR : 418 545-5400 /ceuc.ca
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ceuc.ca
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UN PEU DE FRANCE AU QUÉBEC
Le Consulat Général de France au Québec est un point de service dont devraient profiter les membres français de la communauté universitaire. Plusieurs services y sont en effet susceptibles de vous simplifier la vie.
STÉPHANE BOIVIN Journaliste C’est pour rencontrer ses ressortissants et promouvoir ces services que le consul Frédéric Sanchez a récemment visité la région. SERVICES 12 500 Français présents sur le territoire québécois sont inscrits au registre consulaire, contre environ 600 dans la région. Cependant, l’inscription à ce registre étant fa-
cultative, l’équipe du consulat croit que ces chiffres pourraient doubler dans les faits. Lors de la rencontre d’étudiant.e.s français avec le consul, très peu s’étaient inscrits. L’inscription à ce registre, qui s’effectue en ligne, permet de bénéficier d’une meilleure liaison avec les autorités consulaires et la facilitation de plusieurs démarches administratives liées notamment aux passeports et titres de séjours. Par ailleurs, à travers l’enregistrement au consulat, les citoyen.ne.s et étudiant.e.s français.e.s peuvent parti-
ciper aux élections françaises et accéder aux aides sociales et bourses scolaires proposées par l’état. Il est possible de s’inscrire au registre en visitant la page service-public.fr. Lors de son passage dans la région en novembre dernier, le consul Frédéric Sanchez a multiplié les rencontres avec des intervenants politiques et économiques. Cependant, l’éducation a pris une place de choix dans ses activités. Le consul a ainsi entre autres rencontré la rectrice Nicole Bouchard et des membres du
Centre Nikanite afin de discuter des collaborations en cours et à venir. Questionné sur la mésaventure caquiste du Programme d’expériences québécoises (PEQ), monsieur Sanchez a refusé de se prononcer sur la politique souveraine du Québec. Il nous a cependant confirmé que la crainte inspirée par des changements éventuels à cet accord s’était fait sentir au Consulat, à qui des membres inquiets de la communauté étudiante française se seraient adressés.
CONFLIT EN IRAN: HISTORIQUE DE L’INTERVENTIONNISME AMÉRICAIN
Les premiers jours de l’année 2020 ont commencé en force avec la frappe aérienne sur le général haut placé et proche de l’Ayatollah d’Iran Quassem Soleimani, alors en mission en Irak. Les États-Unis ont rapidement justifié officiellement l’attaque par la protection d’agents américains visés par les forces spéciales sous le commandement de Soleimani.
JULIEN LEMAY-ROCHE Chroniqueur Ces événements ont précipité la scène internationale dans une période de crainte relative, laissant supposer certains qu’une guerre mondiale puisse être déclarée. Pour d’autres, cette action des États-Unis est hautement critiquable considérant, d’une part, l’attitude impérialiste de la première puissance et, d’autre part, le manque de consultation démocratique de l’administration Trump. Or, si les conflits ont pris une tournure inquiétante dans les dernières années, les tensions entre l’Iran et nos voisins du sud remontent à plusieurs décennies déjà, à l’aube même de la guerre froide.
ministre iranien défait par la CIA, Mohammad Mossadegh, venait tout juste de nationaliser l’industrie du pétrole auparavant possédée par des capitalistes britanniques. Son remplaçant, Reza Shah Pahlavi, instaure un régime de terreur avec l’aide du Mossad qui forme pour lui une police secrète. Le mandat de cette police, séquestrer et torturer les éléments perturbateurs du régime. Les politiques du Shah d’Iran visaient alors à occidentaliser le pays et à le moderniser, tout cela pour mieux répondre aux intérêts marchands.
circonstances que la fameuse prise d’otage des diplomates américains a lieu, se prolongeant pendant plus d’un an.
En 1980, la guerre entre l’Irak et l’Iran est déclarée et dure huit ans, causant la mort d’environ un million de personnes. Afin d’affaiblir cette région, les États-Unis offrent de l’aide militaire et financière aux deux pays dans le but d’allonger le conflit, et ce, en sachant que l’Irak faisait l’utilisation d’armes chimiques et commettait divers crimes de guerre. C’est le scanEn réaction, les franges religieuses dale «Iran-Contra». L’impact d’une du pays s’organisent derrière l’Aya- guerre aussi destructrice force alors tollah Rouhollah Khomeini. Ainsi, le régime islamiste à se tourner déles plus touchés par l’écart étouf- finitivement vers le totalitarisme, fant des richesses sont charmés par contrôlant les masses par la peur ses discours anti-américains. Après et la propagande pour conserver En 1953, fidèle à sa doctrine, le quatorze ans d’exil, l’Ayatollah l’ordre et la stabilité. président américain Dwight Eisen- prend le pouvoir lors de la révoluhower fomente un coup d’État en tion islamiste de 1979. En réponse, Iran, l’opération Ajax, pour y ins- Jimmy Carter envoie des agents Depuis, les Américains occupent taller un dictateur prêt à défendre pour reprendre contrôle, mais ceux- tous les pays voisins et isolent les intérêts occidentaux. Le premier ci échouent. C’est dans de telles l’Iran dans son entièreté. Si l’admi-
nistration Obama restait prudente et cherchait les concessions avec l’Iran, l’administration Trump, pour sa part, a agi selon certains de manière irréfléchie et dangereuse en évitant, notamment, d’obtenir l’accord du sénat avant son intervention du 3 janvier dernier. Néanmoins, les risques de guerre sont extrêmement faibles. Les deux partis ont démontré leur volonté de conserver la paix. L’attaque de missile récente de l’Iran n’était, finalement, qu’une excuse pour tourner rapidement la page et «venger» Soleimani sans blesser lourdement le Goliath de l’ouest. Il reste que l’on peut attribuer aux États-Unis la grande part de responsabilités de l’instabilité au Moyen-Orient. Son attitude impérialiste, en plus de causer des centaines de milliers de morts, rend la vie misérable des gens subissant les changements successifs de régimes dictatoriaux et des rébellions armées. L’année 2020 ne fait alors pas exception aux 70 dernières années.
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Des questions ? Centre de service aux membres 9 h à 17 h, du lundi au vendredi Sans frais 1 855 535-3211 www.aseq.ca
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CHRONIQUE - 9
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J’AI FAIT DEUX BACCS, OUAIS PIS? Jusqu’à tout récemment, répondre aux gens qui me demandaient ce que je fais à l’université était toujours assez compliqué.
ÉMILIE BOUCHARD Collaboratrice Je ne sais pas si c’est mon syndrome de l’imposteur qui me faisait sentir obligée de répondre en long et en large, mais dire « je fais deux baccs » me semblait toujours être à la limite du mensonge, et me rendait un peu mal à l’aise. « J’ai fait un baccalauréat en littérature, et puis un autre en linguistique, mais je n’ai pas fait 90 crédits, j’ai juste fait créditer mes cours complémentaires de discipline connexe dans l’un et l’autre de mes programmes » me semblait être la réponse appropriée. Si j’ai décidé d’écrire sur mon parcours scolaire aujourd’hui, ce n’est pas pour recevoir des fleurs, bien au contraire. C’est plutôt pour populariser un parcours atypique qui semble grandiose mais qui, bien sincèrement, est juste méconnu. Parce que si plus de gens savaient comment j’ai fait deux baccs, y en a pas mal qui se rendrait compte que ce n’est vraiment pas si extraordinaire que ça.
trompez-vous! Environ la moitié des 90 crédits d’un baccalauréat sont souvent des cours complémentaires de discipline connexe et des cours d’enrichissement. Moi, par exemple, j’ai fait un baccalauréat en linguistique et un autre baccalauréat en littérature. Pour réussir à faire ce double-parcours, j’ai fait créditer certains cours de littérature dans mon baccalauréat en linguistique (catégorie « cours complémentaires de discipline connexe »), et vice-versa. Évidemment, ça prend deux programmes assez proches pour que la reconnaissance des acquis soit acceptée. Des domaines comme la littérature, la linguistique, l’histoire, la sociologie ou l’enseignement ont souvent des thèmes qui se rejoignent ; prenez quelques minutes pour aller observer les parcours des programmes qui vous intéressent, vous aurez peut-être des surprises…
L’autre commentaire que j’entends souvent est le suivant : ça prend trop de temps. Je ne vous mentirai pas, j’ai eu mon premier diplôme un an après ma cohorte. Oui, c’est compliqué de faire « fitter » tous tes cours, en prenant en considéraLe premier mythe à démolir? Faire tion ceux qui se donnent aux deux deux baccalauréats, c’est faire ans et ceux qui sont exclusifs aux deux fois 90 crédits. Hé non, dé- étudiants de deuxième ou troisième
année. Même si j’ai fait créditer beaucoup de mes cours, j’ai quand même fait tous mes cours de base et mes cours complémentaires spécifiques. C’est compliqué, mais ça se fait, moyennant qu’on soit ouvert.e à faire une ou deux sessions supplémentaires et à prendre un ou deux cours de plus à certains moments de notre parcours. C’est du travail, mais le sentiment d’accomplissement qu’on ressent quand on regarde ses deux diplômes en vaut vraiment la peine. À ceux qui mentionnent que c’est trop difficile, je le confirme. Oui, c’est difficile, parce que l’université est difficile. Faire deux baccalauréats est certainement du travail, et ce n’est évidemment pas fait pour tout le monde, mais je crois que ça peut rejoindre beaucoup de gens qui ne le soupçonnent pas. C’est difficile, mais c’est surtout l’occasion d’apprendre une panoplie de connaissances à propos de sujets qui nous intéresse, mais qu’on a peut-être mis de côté à contrecœur en se limitant à un seul choix de programme d’études au moment de notre inscription.
lâché la plupart de mes cours quand j’étais complètement démotivée (oui, commencer un deuxième bacc pour contrer un manque de motivation, c’est un peu étrange, j’en conviens.) Comme les cours que j’avais abandonnés se donnaient aux deux ans, ça m’a donné du temps pour compléter mes cours obligatoires et complémentaires en linguistique. Quand j’ai repris mes cours de littérature, j’étais vraiment avancée dans mon parcours, et j’étais hyper motivée à compléter ce que j’avais commencé.
En écrivant cet article, je veux avant tout que les étudiant.e.s se rendent compte que certains parcours sont peut-être plus faciles à atteindre que ce qu’on pense. Je veux que les gens arrêtent de penser que mon parcours est impressionnant, alors que je considère simplement avoir très bien compris comment fonctionne le principe de reconnaissance des acquis de l’université. Si vous êtes intéressé.e par la perspective de faire deux baccalauréats, je vous conseille vivement de rencontrer votre directeur. trice de programme afin d’explorer les différentes perspectives qui Personnellement, j’ai commencé s’offrent à vous en termes de remon baccalauréat en linguistique connaissance des acquis et de créà la fin de ma deuxième année de dits de cours. littérature, à un moment où j’avais
10 - CHRONIQUE
JANVIER 2020 No 141 Le Griffonnier
LE RETOUR DE JOHN JAMES CHAREST Depuis la fin des dernières élections et la démission d’Andrew Scheer à la tête du parti conservateur, plusieurs rumeurs laissent entendre le retour en politique de John James dit «Jean» Charest.
JULIEN LEMAY-ROCHE Chroniqueur Les journalistes du journal LaPresse affirment savoir de source sûre, en date du 10 janvier 2019, qu’il se présentera à la course pour la chefferie du Parti conservateur du Canada d’ici le 20 janvier prochain avec la ferme intention de devenir, cette fois-ci, premier ministre du Canada. Les débuts de sa longue et fructueuse carrière politique remontent au temps des conservateurs de Brian Mulroney. Après l’épisode du mouvement étudiant de 2012 et les scandales de collusion entourant le Parti libéral du Québec (PLQ), peu sont ceux qui ont oublié les années Charest à l’Assemblée Nationale. Cependant, pour les étudiants de l’UQAC qui n’auraient pas connu le printemps érable, je m’efforcerai ici de faire un bref rappel du plus grand mouvement étudiant de l’histoire du Québec et du Canada. En 2005, les étudiants se mobili-
saient de manière importante pour la première fois dans le cadre de ce contexte de politiques néolibérales qui désiraient privatiser certains services publics et augmenter les revenus de l’État, manifestant principalement contre les coupures du gouvernement dans les régimes de prêts et bourses. Le gouvernement Charest, souhaitant à la fois rendre plus profitables les institutions collégiales et universitaires tout en maintenant sa promesse de geler les frais de scolarité, s’attaquait alors aux services d’aide aux étudiants. Bien que le mouvement de grève se soit déroulé en moins de trois mois, l’expérience militante des associations étudiantes a su préparer le terrain à une organisation de grande envergure à la suite de l’annonce, en mars 2011, d’une augmentation des frais de scolarité de plus de 1500$ échelonné sur cinq ans. C’est ainsi que fut déclenchée la grève générale illimitée en février 2012. C’est d’abord autour de 120 000 étudiants collégiaux et universi-
taires, puis plus de 300 000 en mars qui furent impliqués dans les manifestations. La réponse du gouvernement Charest fut alors d’apporter de maigres concessions comme une bonification du régime de prêts et bourses, mais refusant toutefois de reculer sur la hausse des frais de scolarité. Les étudiants, face à ce refus, intensifient leurs moyens de pression. La posture de l’État n’est plus de négocier, mais de réprimer, mettant en branle les arrestations arbitraires, les blessés, l’utilisation d’armes blanches, des règlements attaquant la liberté d’expression, les policiers infiltrés, etc. Des jeunes ont perdu des yeux, des oreilles, certains cicatrisés à vie, d’autres traumatisés. L’élection de Pauline Marois, à la tête du Parti Québécois, comme première ministre a entrainé l’annulation de la hausse des frais de scolarité et avec elle, la fin des contestations étudiantes de 2012. Défait dans sa propre circonscription, Charest abandonne la politique pour se consacrer au noble
métier de lobbyiste auprès des compagnies pétrolières. Peu de temps après, la commission Charbonneau est lancée concernant les allégations de corruption du PLQ. Nathalie Normandeau, vice première ministre sous Jean Charest de 2007 à 2011, est arrêtée pour corruption en 2013 et attend toujours depuis son procès. L’époque de Charest à la tête du Québec se résume donc par une restructuration intensive de l’État, une remise en question des acquis de la révolution tranquille, un processus de marchandisation de l’éducation, de la violence policière et de la répression, et finalement des allégations de corruption sur des membres de son gouvernement. S’il advenait qu’il remporte la chefferie au Parti conservateur du Canada, difficile d’imaginer qu’il sera populaire au Québec. Les étudiants n’ont pas oublié son triste bilan. Ils sauront le lui rappeler le temps venu.
CHRONIQUE - 11
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LA DÉCENNIE DU CHANGEMENT Le nouveau libéralisme touche à sa fin. Son caractère passéiste et mésadapté laisse le monde dans une position difficile face aux enjeux qui menacent sa stabilité.
aux institutions économiques internationales, une colère grandissante née de l’écart entre les riches Nombreux sont ceux qui prévoient et les pauvres et des revendications la chute du libre-échange sauvage de justice sociale. dans les années à venir en raison des indices qui s’accumulent, des Bref, une certaine nostalgie des contradictions qui font obstacle au glorieuses années keynésiennes. développement de l’humanité. La Notons l’affaire du Brexit au plus évidente de ces contradictions Royaume-Uni, dont le principal demeure, bien entendu, la question support est incarné par les poenvironnementale et les consé- pulations ouvrières ayant subi la notamment quences du système économique désindustrialisation sur le climat, mais il y a plus inté- sous les années Thatcher, ou en France avec les Gilets Jaunes qui ressant encore. regrettent la détérioration du tisÀ l’heure où les révoltes se suc- su social et la délocalisation des cèdent partout, tant chez les usines, ou encore avec le Chili et pays plus prospères que les plus ses travailleurs saignés à blanc par pauvres, démontrant une fois de le puissant secteur privé. plus que nous traversons une période de grands changements so- En dépit de l’envergure respectable ciaux, les populations malmenées de ces mouvements, les choses par le néolibéralisme se regroupent tardent à changer. Selon une réet donnent naissance à de véri- cente étude de Harvard le taux de tables mouvements de masse. La réussite des manifestations a chuté plupart se traduisent par une vo- d’environ 40% dans les dernières lonté accrue d’indépendance face décennies, généralement en raison JULIEN LEMAY-ROCHE Chroniqueur
de la répression étatique sur les contestataires ou par l’épuisement des masses. Il reste que l’attitude réfractaire des gouvernements à l’idée de s’éloigner du statu quo aggrave la colère des populations salariées dont le réflexe alors est soit de redoubler les efforts et s’appuyer sur des moyens radicaux, soit de se replier sur des valeurs et des convictions conservatrices. C’est pourquoi, à l’heure actuelle, la société semble se polariser à un rythme effréné.
nald Trump s’il avait été candidat du parti démocrate. En France aux dernières élections, des comtés entiers votaient Mélenchon le socialiste au premier tour, puis Marine Le Pen, fille du célèbre sympathisant nazi Jean-Marie Le Pen, au second. Le choc de ces deux forces politiques prend ainsi de plus en plus d’ampleur laissant présager un contexte similaire aux années 1930 en Europe. Si une grande part des gens rejette dorénavant les discours dominants, le choix entre une alternative de gauche ou de droite Dans de telles circonstances, une n’est pas fait encore. montée de l’extrême droite à travers le monde, déjà observée de- La nouvelle décennie risque d’être puis les plus récentes crises mi- historique. Sachant que les élégratoires, devient évidente. Mais ments mentionnés font partie d’une à l’opposé, les discours socialistes longue liste d’enjeux socio-poliaugmentent également en popula- tiques internationaux, il est clair rité. Prenons par exemple les élec- que le changement imminent des tions présidentielles américaines paradigmes aura des répercussions de 2016. Les sondages lors de la sur plusieurs générations. Reste campagne des primaires démon- maintenant à savoir si ces changetraient que Bernie Sanders, le so- ments seront positifs pour l’humacial-démocrate, aurait battu Do- nité.
Photographie : John Webster / Unsplash
12 - CHRONIQUE
JANVIER 2020 No 141 Le Griffonnier
2020, NOUVEL AN ! LE VIN NOUVEAU ? Renouveau, comme thème pour commencer l’année, pourquoi pas! Malgré les nouvelles ressassées, la disparition des espèces.
EMMANUEL TROTOBAS Collaborateur Du bon vieux temps. J’ai pris une année, j’ai laissé… Quoi ? Un bilan à établir en ce début d’année, pendant que les mécontentements des foules et les propagations des catastrophes continuent de faire écrire ou fuir. Il ne faut pas hésiter à prendre du recul pour observer notre époque. Les années folles ne sont donc pas si loin ? Comme il faut aussi prendre du recul pour réécrire un texte ou simplement le réviser. La terminologie des mots commençant par le préfixe RE nous incite à un retour sur soi ou sur la chose. Un retournement. Notre époque en connaît une foule. Trahisons des élites ou réactions des masses populaires. S’il est bon de penser à un renouveau, malgré la détresse et l’urgence de nos interrogations, c’est qu’il y va autrement qu’à l’époque – si formidable soit-elle – d’avant. On le dit bien souvent : on ne peut plus dire ceci ou cela… Les temps ont changé.
l’autre – malgré les railleries encore entendues dans les « bye bye » – et s’il est de bon ton de parler de genre, pourquoi ne pas parler de genre littéraire ? Là aussi, les choses ont changé. Les genres se sont renouvelés. On n’a pas le choix. L’actualité ne nous permet plus de traiter les sujets et informations comme si l’on ne savait rien. Cependant, il est parfois intéressant de réviser les classiques, et même de les revisiter, ne serait-ce que par curiosité. Renouveau, bien évidemment, rime avec printemps. Ou encore solstice. Toujours s’adapter, chaque jour se renouveler, malgré nos routines estudiantines ou autres. Éviter le risque de s’enliser. Il y a en effet du renouveau à chaque saison. La chanson de Richard Desjardins « y’aura toujours » (de la neige au mois de janvier), comme celle de Bourvil : « Un oranger sur le sol irlandais », c’est une autre époque, on ne les ferait probablement pas. Qui sait ce que nous réserve l’avenir? Au moins après l’hiver qui passera assez vite, nous espérons le printemps. Déjà, les journées rallongent.
Photographie : Gemma Evans / Unsplash
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PREVENTION SUICIDE 1 866 APPELLE (277-3553)
Que l’on parle du rapport des En attendant le printemps, bonne genres, de la considération de rentrée !
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ARTS ET CULTURE -13
JANVIER 2020 No 141 Le Griffonnier
FÊTE DE L’ART : ADIEU À LA CHAIR C’est une tradition : avec janvier survient la Fête de l’art, l’événement déjanté multidisciplinaire organisé par le centre d’artistes Le Lobe du quartier du Bassin. Musique, courts métrage et performances sont cette année au menu, ce samedi 18 janvier.
célèbre la multitude au sein de l’art actuel, tout en confirmant son identité marquée par la performance, la Cette édition, sous le thème de prise de risque et l’amour pour les l’Adieu à la chair, mettra à profit le projets « casse-gueule ». » voisinage immédiat du centre, soit les organismes partageant le toit Autour de la thématique, Le Lobe de l’école Touttout, sise rue Bossé. a voulu « mettre en avant l’idée du Ainsi, le Centre d’expérimentation carnaval comme un besoin de se musicale, les ateliers Touttout et régénérer en abolissant le temps au le festival Regard s’associent au moyen de rites. » Cette description Lobe. Un alignement impression- répond à la place prépondérante nant qui devrait aisément remplir qui sera attribuée aux performeuses lors de la soirée. Celles-ci ont été la promesse de l’événement : invitées à créer des moments et des « La Fête de l’art marque un temps images qui questionneront le corps. privilégié durant lequel Le LOBE L’aspect festif sera cependant de STÉPHANE BOIVIN Journaliste
Illustration : Le LOBE
mise. La présence musicale de Joël de redécouvrir l’intensité de la Martel et de son complice Pascal scène artistique saguenéenne. Beaulieu, entre autres, en fournit l’assurance. Fête de l’art – Centre d’artistes Le Lobe - samedi 18 janvier 2020 La Fête de l’art sera, comme tou- au 114 rue Bossé dès 19h jours, l’occasion de découvrir ou
TÉNÈBRE : DANS LA NUIT COLONIALE La Peuplade fait paraitre, ce 23 janvier, le tout premier roman de l’auteur, éditeur et chargé de cours Paul Kawczak.
bé. Témoin du traitement barbare dont sont victimes les Congolais, exploités dans la récolte du caoutchouc, la mission de Pierre se muÀ la vue des commentaires dithy- tera en un voyage halluciné vers rambiques déjà générés par de les confins du continent. nombreux libraires et les nominations de prix littéraires qu’il se mé- « À l’origine, le but de mon projet rite, le roman Ténèbre et son au- n’était pas d’écrire sur le Congo teur devraient connaître une année mais plutôt sur la « découpe » sous 2020 bien remplie. toutes ses formes possibles, explique Paul Kawczak. Par mes lecIl est difficile de parler de Ténèbre tures, j’ai découvert que le Congo tant l’œuvre est dense et hale- était l’un de ces pays artificiels tante. Le livre raconte l’expédition qu’on découpe à la règle, mais d’un jeune géomètre belge, Pierre qu’il y avait aussi tout un système Claes, dont la mission est de trans- de pénalisation des travailleurs qui poser sur le continent africain les passait par la mutilation. » frontières arbitraires décidées par les puissances coloniales euro- L’aventure fictive de Pierre Claes, péennes. Dès son arrivée au Congo telle qu’écrite par Kawczak, fait belge, alors propriété privée du roi traverser aux lectrices et lecteurs Léopold, la réalité aura cependant les fièvres, les hallucinations, les raison de toute approche carté- rencontres étranges vécues par le sienne. héros sur son bateau remontant le fleuve Congo. À la manière d’Au Dans la deuxième moitié du cœur des Ténèbres de Joseph 19ième siècle où se situe Téné- Conrad ou du Apocalypse now de bre, les idéaux humanistes ont la Francis Ford Coppola, Ténèbre vie dure alors qu’ils se butent à la semble vouloir éprouver les rainaissance d’un capitalisme exacer- sons de la déraison par la traverSTÉPHANE BOIVIN Journaliste
sée de territoires physiques et psychiques inconnus.
POLITIQUE La prémisse du livre, soit cette exploitation barbare des ressources et des corps vue par un jeune européen, nous laissait présager une dimension politique forte, au cœur des réflexions postcoloniales de notre époque. Si la politique est l’une des dimensions de Ténèbre, l’auteur originaire de Besançon n’a pas voulu l’aborder sous un angle pragmatique. « Ce ne sont pas des questions politiques comme on pourrait l’entendre, en termes de gestion immédiate de la vie commune ou de relations internationales. Mais en même temps tout le livre est très politique. En m’intéressant à la découpe, je voulais m’attarder à une forme de violence qui est très propre à l’action occidentale, qui, si on l’observe, a beaucoup procédé par mutilation, qu’elle soit symbolique ou sur les corps. Et ce qui touche aux corps et aux territoires
est profondément politique. » GALERIE DE PERSONNAGES L’une des forces de Ténèbre est de proposer de nombreux personnages aussi étranges que fascinants. Tatoueur et bourreau chinois passé maître dans l’art de la découpe, parias européens réfugiés en Afrique… une foule de personnages fictifs y croise des figures historiques tels un Baudelaire mourant, un Verlaine se délitant ou encore l’explorateur Pierre Savorgnan de Brazza. Ces allers-retours entre l’histoire vraie et le fantasme, entre le Congo et l’Europe font de Ténèbre un roman que nous n’aurions jamais l’idée d’abandonner.
EN LICE Avant même son lancement, le premier roman de Paul Kawczak est déjà en nomination pour deux prix littéraires, soit le Prix Première de la RTBF en Belgique et en France pour le Prix littéraire de Trouville. Un parcours à surveiller, mais surtout un livre à lire absolument.
14 - CINÉMA
JANVIER 2020 No 141 Le Griffonnier
CRITIQUE : PARASITE DE BONG JOON-HO MARIE-CHRISTINE HARNOIS Chroniqueuse Le film débute dans l’appartement de la famille Kim. Entre éclairage douteux, espaces exigus et quartiers peu fréquentables, le père Ki-Taek ainsi que sa femme Chung-Sook enchaînent les petits boulots les uns après les autres dans l’espoir de joindre les deux bouts. Leurs deux adolescents, Ki-Woo et Ki-Jung, mettent aussi la main à la pâte pour les aider. C’est alors qu’un des amis de Ki-Woo vient lui proposer de prendre sa place dans la riche demeure des Park comme tuteur d’anglais pendant son séjour à l’étran-
ger. Une fois que le jeune homme obtient officiellement son poste, la famille Kim décide alors de monter un plan élaboré pour permettre à tous ses membres de s’immiscer au sein de la maison en provoquant le renvoi des employés déjà en place, un à un. Pour duper les Park, ils inventeront des histoires tirées par les cheveux afin de cacher leur lien de parenté.
réalisateur nous offre des prises de vues qui permettent de mettre l’emphase sur l’écart entre les pauvres et les riches. Comme le titre le laisse entendre, les Kim s’infiltreront littéralement comme des parasites pour assurer leur survie et améliorer leur sort, et ce, au détriment des autres qui se trouvent sur leur chemin. De plus, rien n’est laissé au hasard, que ce soit dans la musique pour établir l’ambiance ou bien dans les Coécrit et réalisé par Bong Joon- judicieux plans de caméra qui nous Ho, ce film sud-coréen aborde de permettent parfois de voir plusieurs manière croissante les enjeux des actions simultanées entre les difféclasses sociales qui se clivent de rents protagonistes. plus en plus ainsi que la précarité des emplois dans nos sociétés Ce film a remporté à l’unanimité la actuelles. Tout au long du film, le Palme d’or au Festival de Cannes
2019. Il a aussi gagné le prix du Meilleur film en langue étrangère aux Golden Globes 2020 en plus de ses nominations additionnelles dans la catégorie Meilleur scénario et Meilleur réalisateur. Bien que ce long métrage s’annonce à première vue plutôt léger et simple, cette comédie dramatique est intrigante du début à la fin par son engrenage bien développé. Sans aller dans les détails du dénouement, je peux vous garantir que le destin entre-mêlé de ces deux familles saura vous captiver.
Photographie : MK2 Mile End
Affiche officielle du film Parasite, Bong Joon Ho
Photographie : MK2 Mile End
JANVIER 2020 No 141 Le Griffonnier
JEU VIDÉO -13
FORGOTTON ANNE : LE TRISTE DESTIN DES OBJETS OUBLIÉS Où vont les objets que nous perdons? Que deviennent-ils? Il s’agit là de questions auxquelles tente de répondre le studio ThroughLine Games avec son magnifique jeu Forgotton Anne. Sortie en mai 2018, ce jeu, très scénaristique, mélange réflexion, aventure et plateforme. JESSICA NORMANDIN Collaboratrice
Dans cette aventure, nous y incarnons Anne, une humaine qui, depuis toute petite, vit dans un monde parallèle à celui que nous connaissons, peuplé d’objets du quotidien ayant pris vie : les oublions. Ces derniers, tout comme elle, ont atterri dans cet univers sans l’avoir voulu et désire plus que tout retourner auprès de leurs propriétaires dans le monde des humains. Afin de répondre à ce désir, Bonku, père adoptif de Anne et chef tyrannique de ce royaume, met en œuvre la construction d’un pont qui vise à relier les deux mondes. Or, alors que la construction du pont est entamée, certains oublions semblent vouloir sa destruction. Du haut de son titre d’Exécutrice du royaume et armée de son arca (qui lui permet de détruire n’importe quel oublions qui peut causer des problèmes), Anne est chargée de mener l’enquête : qui sont ces rebelles et quelles sont leurs motivations? Hélas, la jeune femme, de par son titre et son lien avec Bonku, est craint des oublions, ce qui ne lui facilite pas la tâche. Au fil de ses recherches, Anne découvrira que son père adoptif, qui a
toujours été si gentil avec elle, ne nos yeux ébahis. Les différents lui dit pas toute la vérité à propos décors s’enchainent avec fluidité et il est agréable de découvrir de leur projet. chaque nouvel environnement. UN UNIVERS ACCROCHEUR Malgré son gameplay rigide, ses Forgotton Anne possède un scéna- énigmes simples et sa courte durio original et touchant avec une rée de vie (environ cinq heures narration bien ficelée. Bien que pour le finir), Forgotton Anne l’histoire prenne une place énorme rattrape le coup avec un scénario au cours de l’aventure, l’équilibre et un univers original qui mérite entre les phases d’actions et de grandement d’être parcouru. dialogues est géré pour que l’on ne ressente jamais de lourdeur lors des moments plus scénaristiques. De plus, le joueur est régulièrement amené à prendre position lors de conflits avec les oublions. Ces choix, contrairement à ce que l’on nous laisse croire dans les communications autour du jeu, ne changent pas de façon significative la trame de l’histoire. Néanmoins, ceux-ci ajoutent une certaine profondeur à la protagoniste que l’on peut façonner à sa façon ; celle-ci peut se montrer impitoyable envers les oublions ou, au contraire, plus empathique. La direction artistique, quant à elle, est le véritable point fort du jeu. Souvent comparés aux productions du Studio d’animation Ghibli, les graphismes de Forgotton Anne se laissent dévorer par
Visuel : Steam
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