Décembre 2018 . Janvier . Février 2019 . Numéro 669
)Participer( Magazine des sociétés coopératives
)Enjeux(
CAE : inventer de nouvelles relations, travailler ensemble
)Rencontres(
De l’association à la coopérative :
Laurent Lasne et Jean-François Draperi : « réaffirmer le modèle coopératif »
une réponse aux enjeux de développement économique et de gouvernance
)Dossier(
EntraÎnement devant le chapiteau pour les artistes du cirque Piste d’Azur.
)Dossier(
De l’association à la coopérative :
une réponse aux enjeux de développement économique et de gouvernance Le modèle coopératif Scop ou Scic se révèle au fil des ans une réponse toujours plus pertinente pour les associations dont la gouvernance bénévole s’étiole ou qui souhaitent concilier logique entrepreneuriale et pérennisation du projet associatif.
L
es transformations d’associations en coopératives sont devenues une vraie tendance, comme l’a révélé une récente étude de la CG Scop. Et de vraies réussites, avec une pérennité plus longue et une viabilité économique plus affirmée pour ces nouvelles coopératives. Les nombreuses réussites de transformations d’associations en coopératives peuvent être politiquement complexes et techniquement fluides ! Complexes, parce que cela bouleverse volontairement la gouvernance de la structure, où le pouvoir passe des mains des bénévoles à celles des salariés, mais fluides, parce que la continuité de l’objet social et le passage des fonds associatifs au capital ne posent pas de problèmes par-
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ticuliers. Et c’est bien ce que nous ont décrit les nouvelles coopératives ainsi constituées. Elles invoquent aussi d’autres raisons, plus conjoncturelles (baisse des financements publics, développement commercial concurrentiel) ou philosophiques (maintien de l’intérêt général de l’association et d’un projet partagé). Certaines y viennent naturellement, confrontées aux difficultés de leur branche (entreprises d’insertion, entreprises adaptées) ou en défrichant de nouveaux secteurs (comme dans l’environnement ou les services). Certaines prennent le temps de la transition, quand d’autres n’attendent que quelques mois, pour transformer une chrysalide associative en papillon coopératif.
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)Dossier( C’est pour voler de ses propres ailes que l’entreprise adaptée Synergy (EA) s’est transformée en Scop en 2015, après une histoire associative de 20 ans, marquée par des soubresauts. « Le fil conducteur de Synergy, c’est de permettre à des personnes handicapées d’accéder à des emplois industriels », explique Éric Soumaille, président directeur général de Synergy, spécialisée dans la sous-traitance électronique à Pessac (Gironde). L’association était fortement liée à la présence d’IBM, qui lui réservait des contrats, de l’autre côté des vignes qui bordent l’EA. Le départ d’IBM au début des années 2000 a fragilisé la structure. « Le démarrage de l’EA s’était fait logiquement sous forme associative, poursuit Éric Soumaille. Mais le volet social l’emportait sur le volet économique et l’association n’était plus configurée pour le nombre de salariés (plus d’une centaine) et pour un métier industriel. C’est donc le management qui a poussé à la transformation en Scop pour se professionnaliser. »
Synergy, Usine du futur Fin 2013, l’AG et le CA de l’association acceptent la transformation qui va être mise en œuvre pendant un an, avec l’appui de l’UR Scop Aquitaine et d’un expert en transition. « La Scop travaille dans la transparence, affine Éric Soumaille. Nous avons donc mis en place des réunions d’information pour tous et des comités de salariés pour impliquer les personnes. Notre nouveau CA est réduit à 7 personnes et accueille deux élus du comité d’entreprise. »
L’équipe de la radio DELTA FM Team.
Aujourd’hui, l’EA est sur un petit nuage, avec 166 salariés, sur le site ou chez les donneurs d’ordre, une croissance à deux chiffres depuis trois ans et une intégration dans le programme européen Usine du futur ! Le décollage a été aussi rapide pour la Scic Val Services de Mantes-la-Jolie (Yvelines), une entreprise d’insertion de nettoyage, alors que la transformation n’a qu’un an. Il faut dire qu’elle a également bénéficié d’un manager
décidé à professionnaliser la structure. « Il s’agissait en fait d’une régie de quartier, indique François-Xavier Signerin. Elle n’était plus viable sous cette forme, parce que dépendante à 70 % des subventions pour son chiffre d’affaires et avec un CA qui ne suivait plus l’activité. Une rencontre avec le PDG de la Scop Reprotechnique m’a permis de découvrir que la Scic était la solution à nos problèmes, pour redonner un nouveau souffle aux salariés, conserver des collectivités dans la gouvernance et aller sur de nouveaux marchés. »
Accompagner la transition avec les outils du Mouvement L’appui des UR Scop ou des coopératives du même secteur à la transformation est un atout décisif pour la réussite des opérations. En effet, comme l’expliquent deux représentants d’Unions régionales, Marc Amorena, directeur de l’UR Aquitaine et Nicolas Guingand, consultant de l’UR Auvergne RhôneAlpes, ils interviennent aux différentes étapes de la création. En septembre dernier, deux journées
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de mutualisation du Mouvement ont permis de partager des outils adaptés à la transformation. Premiers contacts « Aujourd’hui, nous sommes sollicités directement par les associations ou par des réseaux d’aide à la création d’entreprise, souligne Nicolas Guingand. Par exemple, les fonds territoriaux de France active, qui portent les DLA, sont souvent prescripteurs. »
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)Dossier(
Un projet de serre végétale urbaine de Terreauciel.
Toute l’équipe de Synergy.
Dès son premier exercice, Val Services a été lauréat de plusieurs appels d’offres pour le nettoyage de locaux de la ville, de l’agglo et du département. Cela a fait gonfler son chiffre d’affaires de 65 %, avec plus de soixante nouveaux embauchés ; l’entreprise compte désormais 130 salariés (dont 85 en insertion) et en espère 200 l’an prochain. « Dans la problématique du changement, notre priorité était de convaincre les salariés et d’amener au CA les compétences que nous avions en
Le premier contact est important, car il permet de voir si le projet est porté par les salariés ou le CA ou les deux, la participation de tous étant évidemment une condition sine qua non de la réussite de l’entreprise. Accompagnement Dès que les parties prenantes sont d’accord, une convention d’accompagnement peut être signée (selon les UR), pour un minimum
interne, complète François-Xavier Signerin. Les cadres ont fait ce travail. Nous avons également investi dans les outils de travail. » Un développement rapide qui poussera peut-être à un déménagement l’an prochain et qui a déjà incité le Conseil départemental à inviter Val Services dans son Living Lab d’innovation sociale.
Changement dans la continuité Il n’y a pas toujours une gouvernance à bousculer pour se transformer ! De
de six mois à un an. En accédant aux documents-clés de l’association, l’UR peut ainsi valider la viabilité de la future entreprise et commencer à bâtir un pré-projet, avec les porteurs du dossier et aussi tous ceux qui vont être concernés par la transformation. Aux différentes étapes, des réunions de restitution de l’avancée du dossier sont organisées par petits groupes de salariés ou en plénières.
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nombreux exemples en sont la preuve. Pour la radio Delta FM, portée par la Scic Agiva depuis l’an dernier, on peut même parler de changement dans la continuité. Ici, pas de conflit entre bureau de l’association et salariés, mais la même volonté de préserver les emplois des animateurs et journalistes d’une radio écoutée entre Gravelines et la Côte d’Opale. « La radio est issue de la libéralisation des ondes sous Mitterrand, évoque Michel Wierre, le directeur. Pendant des
« Avec un comité de pilotage et l’expertcomptable, nous aidons à l’animation de ces réunions, fondamentales pour les futurs salariés entrepreneurs, qui doivent passer d’une culture associative à une culture d’entreprise, affirme Marc Amorena. L’aide des UR n’est pas proportionnelle à la taille. Les petites associations méritent plus d’attention, car elles n’ont pas forcément les ressources administratives en interne. »
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© Stéphanie Tetu
)Dossier(
Séance d’entraînement pour l’équipe de Piste d’Azur.
années, on pouvait vivre avec une partie de subventions. Mais nous avons anticipé que cela allait se terminer… L’autre gros enjeu était de conserver l’autorisation d’émettre du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Pour cela, la Scic nous permet de garder la même personne morale. Mais il a fallu faire comprendre le statut au CSA ! » Les 16 salariés, tous sociétaires, demeurent avant tout des gens de radio, avec une part d’entrepreneurs en eux. Si, en voyageant à Clermont-Ferrand,
Transformation Dès lors que le projet est partagé par tous, le basculement technique et financier n’est pas si complexe, comme on le voit dans les nombreux exemples. D’autant qu’il s’appuie sur l’expertise juridique de la CG Scop, qui fournit aux UR les documents-types de création de nouvelles entités et qu’il peut aussi être soutenu, en tant que de besoin, par les outils financiers du Mouvement. « Côté financier, il existe
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on reste dans l’audiovisuel, la problématique de la transformation n’est ici pas du tout la même, pour une structure née dans le giron de la Ligue de l’enseignement, en 1972, et destinée à fournir du contenu médias aux cinéclubs locaux. Mais, avec la disparition de ces lieux culturels, il a bien fallu trouver de nouvelles ressources, notamment avec les films institutionnels. « Notre Scop Visium, anciennement Centre régional audiovisuel, est née en 2009, à la
aussi d’autres points d’appui, précise Marc Amorena. En Région NouvelleAquitaine, les coopératives issues de transformations, comme toutes les autres Scop et Scic, sont aidées par le Conseil régional, qui abonde les parts sociales acquises par les salariés. » Suivi Les conventions signées ne s’arrêtent pas au jour de la transformation. « À la demande des coopératives,
fois de la bienveillance de l’ancien CA pour préserver nos emplois et de la nécessité de devenir une entreprise commerciale, rappelle Thierry Descombas, l’actuel gérant. La Scop a permis aux salariés de s’émanciper, en créant leur outil de travail. Cela a aussi eu un impact auprès de nos clients, comme Michelin. Devenir une entreprise, comme eux, a clarifié nos relations d’affaires. » Il y a ensuite la famille des créateurs d’entreprise, pour lesquels l’association était un format transitoire. On en a un
nous pouvons les appuyer lors de la première AG et aussi dans leurs relations avec les administrations, qui ne connaissent pas toujours bien les spécificités coopératives », conclut Nicolas Guingand. Les UR peuvent aussi participer à l’animation de la vie coopérative interne et mettre en réseau ces jeunes coopératives avec les plus anciennes.
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)Dossier( premier exemple avec Piste d’Azur, devenue Scic il y a deux ans, dans le pays de Grasse (Alpes-Maritimes). Une fois que ses activités liées au cirque (cours, spectacles, formations) ont été consolidées et des locaux plus durables trouvés, la petite équipe de salariés s’est lancée dans le changement de statut. « Nous avons été renforcés dans notre idée par l’affirmation donnée au statut Scic dans la loi ESS de 2014, précise Florent Fodella, président de Piste d’Azur. Nous avons fait un travail pédagogique auprès de nos parties prenantes, collectivités, compagnies de cirque, clients, avec l’appui de l’UR Scop Paca et d’un DLA (dispositif local d’accompagnement) financé par l’Agglo. Nous avons 50 sociétaires aujourd’hui. En devenant une vraie entreprise, nous avions deux objectifs : adapter la gouvernance à une activité plus tournée vers la commercialisation de son offre qu’à ses débuts en 2002, et arriver à une meilleure capitalisation, pour notre BFR et notre capacité d’investissement. » Fort de 15 salariés, Piste d’Azur entend maintenant montrer l’exemple de l’utilité de la Scic aux autres Centres régionaux des arts du cirque.
Au risque de la fiscalisation « Dès le début, nous savions que nous allions créer une coopérative, mais nous avons choisi de prendre notre temps », remarque Florent Champoux, co-gérant de Terreauciel, une jeune Scop toulousaine. Le bureau d’études (agriculture urbaine et conception d’espaces verts) a donc démarré sous forme associative en 2013, avant de devenir Scop en 2017. « Passer en coopérative était pour les trois associés quelque chose d’important dans notre recherche de valeurs, complète Florent Champoux. Passer en entreprise devenait indispensable, pour tous nos clients autres que les collectivités. Cela a haussé nos exigences comptables et administratives. » Il existe de nombreuses raisons à évoluer vers la coopérative. Ces raisons, la Scop Crefo, un organisme de formation professionnelle des Hauts-de-France les a à peu près toutes : besoins de renouvellement du CA, risque de fiscalisation de toute l’activité économique de l’association (alors qu’une partie l’est déjà), nécessité de gagner en crédibilité auprès des financeurs, impératif d’être en entreprise pour répondre à des appels groupés. « Le passage en Scop
« Passer en entreprise coopérative, c’est donner un second souffle à un projet » Jérôme Morteveille, expert-comptable chez Tacher Acogex, auteur d’un mémoire sur la transformation d’une association en coopérative en 2017 Comment vous êtes-vous intéressé à cette thématique de la transformation d’association en coopérative ? Cette curiosité est née dans le cadre de mon quotidien dans un cabinet de comptabilité, où je voyais arriver quelques transformations, et aussi pour mon diplôme d’expertise-comptable. Pour ce mémoire, j’ai donc eu la volonté d’élaborer aussi un outil qui soit pratique, pour donner des solutions à des collègues non spécialistes et leur conseiller les points à ne pas négliger. Avec cette même volonté d’être opérationnel, je me suis rapproché de la CG Scop, qui m’a permis de mener une enquête auprès des associations transformées, dont j’ai nourri mon mémoire. Votre intérêt a-t-il été aussi motivé par la croissance du nombre d’opérations ? En effet, si on en compte 286 (dont 162 dans les services) issues de cette démarche, la progression est forte dans les dernières années : + 42 % entre 2012 et 2016. Au total, cela représente près de 5 000 salariés en tout : l’enjeu est important ! Et puis, l’enquête a montré que 94 % de ces nouvelles coopératives étaient satisfaites de leur situation. Qu’est-ce qui explique cette croissance ? Dans de nombreux cas que j’ai analysés, on remarque que le statut associatif n’est plus adapté, par manque de professionnalisation de structures initialement portées par des bénévoles, et aussi pour des raisons de développement commercial. Par voie de conséquence, les formes coopératives, Scop ou Scic, semblent bien convenir aux besoins d’évolution de ces structures. Passer en entreprise coopérative peut être aussi une manière de donner un second souffle à un projet, en légitimant la gouvernance, par l’implication des salariés (Scop) ou des parties prenantes. N’y a-t-il pas aussi des enjeux économiques nouveaux dans les facteurs explicatifs ? Les objectifs économiques et financiers arrivent bien sûr en parallèle des enjeux de gouvernance. À la fois, les associations se rendent compte que leur modèle ne peut plus se bâtir durablement sur les subventions dans un contexte de financements publics contraints et en même temps, leur activité commerciale se développant, certaines arrivent au seuil des impôts commerciaux et basculent dans une activité marchande. Pour un certain nombre d’associations, il est donc naturel d’évoluer vers un statut d’entreprise, qui leur permette de conserver leur utilité sociale. Quelle est la place de l’accompagnement dans ces transformations ? La grande majorité de ces transformations ont été accompagnées, ce qui, d’après les chiffres collectés, leur garantit une pérennité au-dessus de la moyenne des entreprises. Les experts des UR Scop sont bien sûr en première ligne avec les experts-comptables, pour analyser la viabilité d’une transformation. Nous sommes aussi là pour dire que la transformation n’est pas pertinente pour toutes les associations, notamment quand il n’y a pas de réel projet économique derrière le changement de statut.
Propos recueillis par Éric Larpin en 2012 a donc été avant tout l’outil de notre nouveau projet stratégique plus ambitieux, se réjouit Georges Malolepszy, ancien gérant. Il fallait aussi qu’on garde la même personne morale, pour conserver tous les agréments professionnels. » Pour faciliter la transition, des groupes de travail ont été organisés sur tous les sites pour les 90 salariés et l’ancien PDG de la Scop
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L’Artésienne a apporté son savoir-faire dans l’élaboration du projet. Cinq ans plus tard, Crefo est passé à 170 salariés, pour 9,5 millions de chiffre d’affaires. C’est ce qu’on appelle une transformation réussie, comme la quasi-totalité de celles qui ont eu lieu dans les dernières années. Éric Larpin
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)Enjeux Scop(
CAE : inventer de nouvelles rela Parce qu’elles croient en ce modèle et souhaitent le promouvoir et le défendre, les coopératives d’activité et d’emploi se mettent plus que jamais autour de la table pour travailler ensemble et inventer leur avenir commun. Que ce soit lors des États généraux des CAE qui se sont tenus les 13 et 14 septembre derniers ou au travers d’initiatives sectorielles, le Mouvement accélère la cadence !
L
‘énergie pour plancher ensemble et imaginer un avenir commun qui permette aux CAE de sécuriser leur modèle, et d’être connues et reconnues ne se dément pas. La participation à ces deux jours de réflexion que proposaient les réseaux de CAE et la CG Scop lors des États généraux des 13 et 14 septembre l’illustre : 70 coopératives (la moitié des CAE existantes) et 120 participants ont répondu présents et se sont mis au travail pour définir plus avant les contours et contenus de cette coopération.
Vers la création d’une fédération Ainsi, la volonté affichée par Coopérer pour entreprendre et Copéa au congrès des Scop de Strasbourg en 2016 d’œuvrer ensemble à la création d’une instance professionnelle, proposition qui avait ensuite réuni salariés et entrepreneurs-salariés de plus d’une quarantaine de CAE en mai 2017 à Bordeaux pour défricher le terrain,
se concrétise. Rassemblant des CAE issues des deux réseaux historiques, mais également des coopératives hors réseau, les participants ont participé à trois séries d’ateliers successifs et eu à choisir parmi trois scenarii : la création d’une fédération au sein de la Confédération générale des Scop, une structuration formelle en dehors de la CG Scop et une structuration informelle. Les participants se sont largement engagés vers la première solution ce dont s’est félicitée Amélie Rafael, vice-présidente de la CG Scop (voir édito Participer n° 668). Pour passer de la volonté à la pratique, c’est donc à la création de cette fédération qu’a commencé à s’atteler un comité de pilotage lors de sa première réunion, le 9 novembre dernier. Plusieurs autres rencontres sont prévues dans les prochains mois car s’il ne s’agit pas de faire à la va-vite, le dynamisme et la motivation des acteurs de terrain et l’élan suscité par ces différentes rencontres obligent à être entreprenant.
Les CAE lyonnaises main dans la main Cabestan, Elycoop, Escale Création et Graines de Sol accompagnent toutes quatre des entrepreneurs - salariés de l’agglomération lyonnaise. Affiliées pour moitié à Coopérer pour entreprendre et Copéa, elles travaillent ensemble depuis longtemps. Parce qu’elles représentent plus de 600 entrepreneurs salariés, plus de 12 millions d’euros de chiffre d’affaires et 20 salariés dans les équipes d’appui, elles ont décidé de faire front commun vis-à-vis de leurs partenaires. Elles ont ainsi lancé Co’Hop lors du Salon des entrepreneurs 2017. Au-delà du lobbying, cette dynamique informelle permet de mutualiser leurs forces. Ainsi Co’Hop est présente sur toutes les manifestations importantes sans pour autant mobiliser une personne de chaque CAE à chaque fois. Des initiatives spontanées se mettent également en place entre les entrepreneurs à l’image du groupe chorale qui mêle développement personnel et convivialité. Bref, chez Co’Hop on coopère tous azimuts !
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Les États généraux des CAE montrent une volonté de travailler ensemble
Quatre priorités Lors de ces journées, les structures étaient également invitées à se positionner et prioriser les thématiques de services qui pourraient être pris en charge au sein de cette structure. Il est ainsi ressorti qu’il y avait nettement, en premier lieu, une attente en matière de représentation et de lobbying en particulier quant à la définition d’une stratégie commune pour influer sur les évolutions. Viennent ensuite, dans cette thématique, les besoins en veille sur les évolutions légales et réglementaires puis une représentation commune dans certaines instances. Deuxième thématique sur laquelle
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tions, travailler ensemble imaginer une organisation qui prenne en compte les nombreuses suggestions exprimées, comme le souhait de travailler concrètement sur les territoires. La Navette
Les CAE du bâtiment à pied d’œuvre
les CAE appellent un soutien : la communication. Tout d’abord via la mise en place de campagnes de communication mais également dans la gestion et l’appui dans les relations avec la presse, sans oublier la production et mise à disposition de supports et d’outils communs. L’appui juridique constitue la troisième thématique que les CAE recherchent, notamment grâce à une assistance juridique métier et à l’élaboration d’un corpus juridique (la base des pratiques et des savoirs réalisés par des experts sur l’Agora des CAE). Enfin, un observatoire des CAE permettra de disposer de données actualisées sur les CAE et l’entrepreneuriat salarié.
Une prochaine gouvernance à inventer Les CAE ont clairement envie d’aller
vers ce mouvement commun. Ici et là, elles sont d’ailleurs déjà à pied d’œuvre pour des actions communes à l’image des Scop du bâtiment déjà impliquées dans les réseaux existants ou pas et se sont retrouvées pour un séminaire ; quatre CAE lyonnaises ont créé leur portail commun (voir encadré), etc. C’est sans doute cette appétence pour la coopération qui les motive à s’impliquer aussi activement dans le processus de création de cette fédération. Il y a une forte demande de leur part d’être directement associées aux travaux. Parmi les chantiers à mener, cela suppose un vrai travail de réflexion sur la gouvernance de cette fédération afin d’être en mesure d’y associer l’ensemble des coopératives. Il y a là à
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Au sein du réseau Coopérer pour entreprendre, la quinzaine de CAE ayant des entrepreneurs salariés dans le bâtiment travaillent ensemble depuis plusieurs années via une réunion téléphonique mensuelle et un séminaire annuel. En 2017, sur la lancée du mouvement fort ressenti à Bordeaux, s’est fait jour l’envie d’inviter d’autres CAE pour le séminaire 2018 car, comme le dit Yannick Puisset, gérant et directeur de Coop & Bât, organisateur de cette édition, « ce qui nous réunit, c’est le bâtiment ! » Cette proposition faisait écho à une idée similaire portée par la Fédération des Scop du bâtiment. Copéa s’est joint à l’initiative et c’est ainsi que les deux réseaux et la Fédération du bâtiment ont soutenu financièrement ces rencontres ouvertes à toutes les CAE du bâtiment. Plus de 45 personnes venant de 19 des 25 CAE travaillant dans le domaine se sont ainsi rassemblées les 4 et 5 octobre derniers. Elles ont travaillé sur « comment atteindre 4 000 entrepreneurs salariés en 2025 ? » et sur « les fondamentaux de l’entrée d’un entrepreneur salarié ». Incontestablement, ces deux jours de travail ont un été un succès et répondaient à une vraie attente. Yannick Puisset avoue même : « je n’imaginais pas qu’on aboutirait à autant de choses concrètes ». Et ce n’est que le début car des groupes de travail à distance se mettent en place et trois rencontres de travail sont prévues : à Lyon en mars, à Tarnos en juillet et dans un lieu à définir en octobre 2019.
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)International(
Des coopératives espagnoles au service de l’innovation sociale Rassemblant plus de 1 700 personnes de 80 pays, la quatrième édition du Global Social Economy Forum s’est tenue du 1er au 3 octobre à Bilbao en Espagne. Lieu de partage et d’échange de bonnes pratiques où près de 160 initiatives en économie sociale et solidaire ont été présentées. La clôture du Forum à Bilbao.
L
e Forum mondial de l’économie sociale regroupe des gouvernements locaux, des acteurs de terrain, des organisations internationales et des instituts de recherche engagés pour soutenir l’économie sociale. Sous le thème « Valeurs et compétitivité pour un développement local inclusif et durable », l’ESS est apparue comme une véritable alternative au développement économique et social des villes. Parmi les initiatives présentées, les coopératives espagnoles étaient à l’honneur. Il faut dire que certaines régions, telles la Catalogne ou le Pays basque, font figure de précurseurs.
Mondragon : une réussite coopérative La dynamique du secteur ESS est puissante au Pays basque grâce au Groupe MCC (Mondragón Corporación Cooperativa), une des plus grandes entreprises espagnoles. Mondragón-Arrasate (25 000 habitants), petite ville industrielle est le siège d’un modèle unique de développement coopératif. Regroupant 120 coopératives, une centaine de filiales à travers le monde, une fondation, des centres de recherche et de développement, une université, une banque et un organisme indépendant de sécurité sociale, MCC représentait 12 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 73 635 employés en 2016.
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GoiEner, une coopérative en faveur de l’énergie En 8 ans, les factures d’électricité espagnoles ont augmenté de 70 %. Santiago Ochoa de Eribe, directeur de la coopérative basque GoiEner, a souhaité que « les citoyens reprennent le contrôle de ce type de bien basique et qu’ils favorisent la consommation responsable et durable de l’énergie ». La coopérative à but non lucratif entend redonner la souveraineté de l’énergie aux citoyens en commercialisant et en produisant de l’énergie renouvelable. La coopérative regroupe 20 salariés et presque 8 000 partenaires. « Nous avons beaucoup grandi et nous devons gérer la coopération », explique le directeur. Des méthodes de gou-
Plus de 1 700 personnes venant de 80 pays sont venues début octobre à Bilbao.
vernance collective ont été mises en place et la coopérative a engagé un vaste programme d’« écoute, de confiance, de transparence, de démocratie interne, de reconnaissance, de formation, et d’outils ».
Coòpolis, un outil au service des coopératives Coòpolis, l’Ateneo cooperativo de Barcelona, est un dispositif de promotion de l’ESS, un espace autogéré bénéficiant du soutien de la mairie de Barcelone et de la Generalitat de Catalogne. Dans le cadre du réseau des coopératives Ateneo, Coòpolis aide à la création de coopératives, offre aux entrepreneurs sociaux des outils et des ressources pour la consolidation et la croissance de leurs projets, et conçoit des accompagnements pour la transformation des entreprises en coopérative. Situé dans le quartier de Can Batlló, cet espace a un fort impact social et entend être un laboratoire pour l’intercoopération et le renforcement de l’économie locale. En chiffres, Coòpolis représente 2 500 participants, 130 postes de travail créés, 40 nouvelles coopératives, 185 projets et 120 formations. La Navette https://www.mondragon-corporation.com/fr/ https://www.goiener.com/ https ://bcn.coop/
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)Pratique( Avec le Règlement général pour la protection des données (RGPD) entré en vigueur en mai dernier, toutes les organisations détentrices de données à caractère personnel doivent désormais apporter la preuve que des dispositions suffisantes ont été prises pour garantir leur confidentialité.
Être en conformité avec le RGPD, une obligation… Et une opportunité Alors que les cas de violation de données personnelles se multiplient, et que les sanctions encourues sont désormais nettement plus conséquentes (jusqu’à 4 % du CA mondial), la CNIL prononce déjà de premières sanctions. Toute entreprise est légalement tenue de s’assurer d’être conforme au RGPD. Tout responsable de traitement (donneur d’ordre) est également tenu de s’assurer que son fournisseur avec lequel il Les données à caractère personnel : de quoi s’agit-il ? Selon la définition apportée par la CNIL, les données à caractère personnel renvoient à « toute information permettant d’identifier directement ou indirectement des personnes ». Dans votre cas, il peut par exemple s’agir du nom ou des coordonnées de vos clients ou de vos fournisseurs, mais aussi de vos propres salariés.
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échange des données remplit ses obligations RGPD. Les grands groupes, les collectivités sont très vigilants sur ce sujet et vont exiger de fait des garanties. Ne pas pouvoir y répondre, c’est risquer de se voir exclu d’appels d’offres. La mise en conformité avec les nouvelles règles du RGPD n’est pas qu’une contrainte. C’est aussi une opportunité pour remettre à plat et repenser ses pratiques en termes de collecte, de traitement et de sécurité de ses données personnelles. C’est surtout le moyen de rassurer ses interlocuteurs (clients, collectivités locales, partenaires, etc.) sur le soin apporté à leur conservation et à leur traitement. Cette garantie RGPD peut constituer un atout différenciateur majeur dans une stratégie commerciale. Pour tout traitement de données, une Scop doit respecter les 6 règles d’or du RGPD : licéité du traitement, finalité du traitement, pertinence des données, conservation limitée des données, obligation de sécurité technique et
organisationnelle, respect du droit des utilisateurs. En conclusion, le RGPD est avant tout affaire de bon sens, de loyauté et de transparence à l’égard des utilisateurs. Il est sain et nécessaire de se poser la question du traitement de ses données et de leur sécurisation. C’est l’opportunité de mettre à plat des process, souvent très simples, les rendre plus efficaces et plus pertinents. Plus qu’une révolution, c’est une évolution qui permet de protéger davantage les utilisateurs que nous sommes tous. Être conforme est une obligation légale pour toute Scop. Pour les petites et moyennes entreprises, dont le cœur de métier n’est pas la data, le risque est avant tout commercial : être en règle et le faire savoir peut alors constituer une opportunité. Jean-Christophe Rozner Consultant et formateur RGPD www.liberating.fr bonjour@liberating.fr
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