Mars . Avril . Mai 2018 . Numéro 666
)Participer( Magazine des sociétés coopératives
)Enjeux(
Quand les coopératives savent mobiliser des investisseurs
)Actualité(
Mobilité : Les coopératives roulent vers le futur
La gestion des centres de santé ouverte aux Scic
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La Scop Toutenvélo
14/03/2018 11:00
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)International(
#Cooplab, ou comment tester Les jeunes de 15/20 ans et leurs enseignants disposent d’un tout nouveau kit pédagogique pour s’initier à l’entrepreneuriat coopératif : #Cooplab, un dispositif issu du partenariat de plusieurs structures coopératives européennes avec le soutien du programme Erasmus Plus.
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our apprendre à entreprendre et apprendre à coopérer au travail, rien de mieux que de le tester soi-même. Tel est l’objectif de #Cooplab, un tout nouveau dispositif pédagogique destiné aux 15/20 ans et à leurs enseignants. Initié par la Confédération générale des Scop avec le soutien du programme Erasmus Plus et quatre partenaires de la coopération européenne, dont Alternatives Economiques, le dispositif propose une gamme d’outils diversifiés en quatre langues. Certains sont ouverts à tous les utilisateurs, jeunes, enseignants, grand public. D’autres sont plus spécifiquement destinés aux enseignants et formateurs.
Les partenaires #COOPLAB - CG Scop (coordination) - Irecoop (Italie) - Escuela de Economia Social (Espagne) - Alternatives Economiques (France) - Cecop (Europe) Et pour la réalisation des outils : - Scop Des Mondes Singuliers - Scop Dowino - 180 Degrés Avec le soutien du programme : - Erasmus Plus
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#Cooplab propose plusieurs outils à destination des jeunes et des enseignants, dont trois vidéos témoignages de jeunes entrepreneurs coopératifs européens.
Trois vidéos témoignages D’une durée maximum de 4 minutes, trois vidéos font témoigner plusieurs jeunes entrepreneurs coopératifs de France, Italie et Espagne sur trois thèmes différents. Le premier thème aborde les raisons pour lesquelles on choisit d’entreprendre en coopérative. Les raisons peuvent être diverses : en premier lieu la volonté d’entreprendre ensemble, en voulant partager équitablement les risques et les réussites du projet parce qu’on partage une envie et une culture communes ; mais on peut aussi choisir le mode coopératif pour ancrer localement son emploi, travailler sans patron, mais pas tout seul ou encore pour trouver un statut juridique cohérent avec un projet à visée sociale ou environnementale. Le second thème aborde la relation au travail et la valeur ajoutée du modèle coopératif au travail pour favoriser la motivation des jeunes par l’autonomie, la reconnaissance, l’écoute, le partage dans une organisation mutuel-
lement acceptée. Le troisième thème met en avant les atouts du modèle coopératif plus globalement pour l’économie et la société : finalité de long terme, de service aux membres de la coopérative, création et pérennité des emplois, participation au développement local et au développement durable.
Un quiz dans les îles coopératives Comprendre les subtilités du modèle coopératif ? Pas si simple ! Le quiz Playcoop permet d’en découvrir les points-clé et de tester aussi de façon ludique les connaissances acquises pendant les sessions de sensibilisation avec ses formateurs et enseignants. Le jeu propose aux utilisateurs de prendre la mer et voyager dans 5 îles coopératives : les idées coopératives, la stratégie, la gouvernance, les maîtres coopératifs. Chaque île correspond à l’un des cinq thèmes du dispositif pédagogique Start to Coop et peut donc être uti-
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l’entrepreneuriat coopératif Mais ils sont encouragés en classe ou en formation à jouer en équipes et à pratiquer la coopération pour obtenir ensemble le meilleur score.
lisé avant, pendant ou après les temps de formation. Le jeu permet de gagner des points en donnant la bonne réponse le plus rapidement possible. Une explication est apportée lorsque nécessaire pour étayer la réponse. Les utilisateurs peuvent jouer en mode individuel directement sur internet.
Apprendre en créant soi-même Destiné principalement aux enseignants pour un usage en cours ou en formation, Start to Coop propose aux jeunes d’apprendre le travail en coopérative et en coopération en testant la création par eux-mêmes de leur propre entreprise selon l’approche learning by doing (apprendre en faisant). Le test de création de coopérative s’effectue en 5 étapes : la première consiste à trouver ensemble une idée d’entreprise, soit pour un projet avec tout le groupe, soit pour plusieurs projets en constituant des sous-groupes. Cette étape permet d’expérimenter le travail en collectif, les processus de débat, de décision et le choix d’une idée. La seconde étape permet d’expérimenter les points-clé de la stratégie : diagnostic du marché, des clients, besoins de financement, 1ère approche des dépenses et recettes prévisionnelles. La 3e étape aborde l’organisation de l’équipe et la gouvernance coopérative : répartition des pouvoirs, des tâches, du système de décisions. La 4e étape est une étape de suivi : quels outils pour suivre le fonctionnement de l’entreprise, ses dépenses, ses recettes, répartir les résultats ? Comment gérer l’évolution des relations d’équipe, les différences de
Les outils produits par #Cooplab sont en accès libre et disponibles en quatre langues.
points de vue, les évolutions dans les objectifs de chacun ? Enfin, la 5e et dernière étape sert à dresser le bilan des 4 étapes réalisées et à découvrir plus globalement la réalité des coopératives dans l’économie d’aujourd’hui.
Des ressources en libres d’accès L’ensemble des outils produits dans le cadre du projet #Cooplab sont en accès libre à la disposition des internautes sur le site web issu du projet. Ce site propose les ressources produites par les partenaires du projet, mais a vocation à promouvoir et valoriser aussi toutes les ressources externes produites par d’autres pouvant s’inscrire dans les objectifs du projet : outiller les enseignants et les formateurs intéressés par l’entrepreneuriat coopératif et sensibiliser les jeunes à ce modèle, voire leur donner envie de travailler ou créer leur propre entreprise coopérative. Pierre Liret www.cooplab.eu/fr
Connaissez-vous le Club des Anciens Coopérateurs ? Fort de 170 membres aujourd’hui, le CAC a vocation à réunir les anciens des Scop, élus et permanents du Mouvement Scop qui souhaitent : • participer aux rencontres des adhérents organisées par le CAC. Et pour ceux qui le souhaitent : • accompagner, parrainer, tutorer les nouvelles Scop et celles qui sont dans le besoin. • travailler sur la rédaction d’expériences coopératives et l’histoire du Mouvement. Contact : Jean-Jacques Brunellière, président - jiji12@wanadoo.fr - www.les-scop.coop rubrique le réseau / CAC
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La Scop Titi Floris, assure via la Titi-Mobile, et après réservation le transport à la demande de personnes handicapées.
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Mobilité : Les coopératives
roulent vers le futur Les Assises de la mobilité et la prochaine loi sur le sujet ont remis en lumière l’influence des coopératives dans le secteur des transports, qu’il s’agisse des historiques comme les taxis ou les ambulances ou des plus récentes, comme les logisticiens du dernier kilomètre à vélo ou les plateformes coopératives intermodales.
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epuis des décennies, l’automobile tire la croissance économique dans les pays industrialisés. Construction des véhicules, aménagement des infrastructures routières, surconsommation d’hydrocarbures : une bonne part de la création de richesses a tourné jusqu’ici autour de la voiture individuelle. Aujourd’hui, son règne est remis en cause au profit des mobilités durables et au nom de nouveaux enjeux : lutte contre la pollution carbone, égalité d’accès aux moyens de transport, implication des parties prenantes. On le voit, les coopératives, par ailleurs déjà présentes sur les modes de transport traditionnels (taxis, transports routiers, ambulances, auto-écoles), répondent parfaitement à ces nouvelles exigences sociétales. À tel point que lors des récentes Assises de la mobilité qui doivent préfigurer une nouvelle loi, les Scop et Scic ont été par-
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ticulièrement actives, notamment, mais pas seulement, dans le groupe de travail Modèles économiques innovants, sous la responsabilité de Catherine Friedrich, de la CG Scop. La place de « l’autosolisme » y a été largement interrogée, autour des initiatives coopératives d’autopartage, de co-voiturage, de logistique et de mobilité douce. Les coopératives sont désormais en attente de la nouvelle règlementation. L’usage plutôt que la propriété automobile : c’est le mot d’ordre des coopératives qui développent localement des nouvelles solutions de mobilité. La diffusion de l’autopartage est l’ambition de Citiz. « Pour changer les comportements des automobilistes, il faut passer par des étapes, affirme Martin Lesage, directeur de Citiz Alpes-Loire. On passe d’une voiture individuelle à une voiture partagée, des modifications des usages professionnels à celles dans les loisirs. Il faut
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)Dossier( savoir qu’une voiture dédiée à l’autopartage remplace l’équivalent de 6 à 7 voitures individuelles ! »
Ma chère Auto ! La forme Scic a permis d’intégrer dans le projet, des entreprises et des collectivités locales aussi bien que des particuliers : plus de 6 000 abonnés déjà chez Citiz Alpes-Loire. L’implication des collectivités et des entreprises a été renforcée depuis l’an dernier avec MaChèreAuto, initiative qui a reçu le label French Mobility. Les unes et les autres ont mis à disposition de Citiz 80 véhicules. Ils sont gérés intégralement par Citiz et peuvent donc être partagés avec des particuliers. « Dans chacun des 12 Citiz en France, on a la possibilité d’expérimenter localement puis de dupliquer, explique Martin Lesage. À Grenoble, l’autopartage a participé à la division par deux du nombre de véhicules en circulation. Nous sommes favorables aux inter-modalités. L’autopartage a besoin du co-voiturage et inversement. » Pour Martin Lesage, c’est un clin d’œil à Scity.coop, une autre Scic lauréate de French Mobility, positionnée sur le secteur du co-voiturage, au travers d’une application, qui met en relation des covoitureurs sur des courtes distances, et d’un chèque covoiturage, sur le modèle du chèque déjeuner. « Il s’agit d’un chèque dématérialisé que l’employeur et le salarié abondent l’un et l’autre, détaille Arnaud Delcasse, co-fondateur de Scity.coop à Sophia Antipolis (Alpes-Maritimes). Il pourrait se développer si la future loi lève des
Déjà plus de 6 000 abonnés chez Citiz Alpes-Loire.
freins à son expérimentation, comme des incitations plus fortes du côté des entreprises. Dans notre modèle, des chèques peuvent être offerts à des personnes en situation de précarité, désignées par Pôle emploi ou des missions locales. On sait que l’absence de mobilité est un obstacle à l’emploi… » Scity.coop compte déjà 5 salariés, avec une utilisation croissante de ces nouveaux outils numériques, notamment en direction des entreprises, pour les aider dans la mise en place de leur plan de mobilité (PDM).
Halte à l’uberisation Car d’une certaine manière, la mobilité ne va plus de soi dans les entreprises et
les collectivités ! Il faut leur réapprendre à trouver les déplacements domicile-travail les moins polluants et les plus doux possibles pour leurs salariés ou leurs agents. D’où l’importance des plans de mobilité (PDM) des entreprises obligatoires depuis le 1er janvier dernier, en application de la loi sur la transition énergétique de 2015. La Scop Iter, installée à Toulouse, participe depuis sa création en 1978, à l’élaboration de ces PDM. « Nous avons accompagné l’évolution des mobilités, précise Géraud Acquier, co-gérant d’Iter. Dans nos préconisations, nous intégrons toutes les offres de mobilité, de plus en plus nombreuses, jusqu’aux offres associées comme la collecte de données. Dans
« Dans la future loi, il faudra faire une place aux modèles innovants » Jean-Marc Zulesi, député LREM des Bouches-du-Rhône, président des Ateliers de l’innovation lors des Assises de la mobilité.
Jean-Marc Zulesi
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Scity.coop est positionnée sur le
Quels sont les grands sujets que vous avez définis en tant que pilote des Ateliers de l’innovation ? La mobilité est au centre de plusieurs défis : accès à l’emploi, environnement et qualité de l’air, financements justes et innovants. Les Ateliers qui ont été mis en place cet automne par Elisabeth Borne, ministre des Transports, avaient pour vocation de remettre l’usager au cœur de ces défis et de traiter en particulier les mobilités du quotidien. Il faut
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co-voiturage.
Gescop compte 1 200 chauffeurs en Île-de-France.
ce nouveau paysage, les coopératives ont un rôle particulier entre les transports publics et les concurrents privés. Le secteur est en avance technologiquement ; les changements règlementaires viennent ensuite. » Dans l’automobile, le taxi demeure un élément incontournable du paysage routier. La présence de Gescop, lors des Assises de la mobilité, a orienté les débats sur la situation sociale des professionnels du secteur, menacés par l’uberisation galopante et la précarisation des statuts. « Nous avons modernisé nos outils avant tout le monde, du central radio Alpha Taxis jusqu’à notre connexion à l’Open Data de l’État, assène Christophe Jacopin, un des dirigeants de Gescop, qui compte 1 200
chauffeurs de taxi en Île-de-France. Mais nous avons été les premiers impactés par les plateformes digitales, qui font une concurrence déloyale et précarisent leurs chauffeurs. Nous attendons de la loi un nouvel agrément pour les plateformes. Notre forme coopérative donne de la sécurité à nos chauffeurs ; elle mutualise des services pour le dépannage ou la formation ; elle nous rend attentifs à notre clientèle, comme en témoigne notre conventionnement avec l’Assurance-maladie. » Les coopératives de taxis remplissent des missions de service au public, tout en constituant une alternative à la voiture individuelle. Et elles sont loin de refuser les innovations dans la mobilité : Gescop a démarré l’an
dernier une expérimentation de co-taxi (partage d’un taxi) pour les salariés de Lidl. On l’a bien vu lors des Assises, la mobilité entrecroise les enjeux sociaux, environnementaux et aussi territoriaux. Avec plus de 1 000 salariés et 18 millions de chiffre d’affaires l’an dernier, la Scop Titi Floris a réussi en dix ans à mailler une bonne partie de l’Ouest français, à partir de son site d’origine à Orvault (LoireAtlantique). Avec sa flotte de véhicules, elle assure le transport de personnes à autonomie réduite. « Nous avons choisi le statut coopératif pour nous différencier des autres acteurs du marché, des grands groupes low cost, qui ne respectent pas les
encourager les pratiques collectives de mobilité : en moyenne, chaque véhicule ne déplace qu’une personne, ce qui crée du temps perdu dans les trajets et de la pollution.
ger les habitudes de nos concitoyens, le modèle coopératif est pertinent. Dans une Scop, les salariés sont solidaires (je le vois dans mon département avec la Scop Ti) : le quotidien des chauffeurs et des transporteurs y est meilleur. Dans une Scic, on peut associer des usagers, des collectivités locales ou des privés, pour des solutions alternatives. J’ai vu aussi qu’elles étaient présentes dans les dernières innovations technologiques, comme le blockchain, avec Scity.coop ou
les sites interconnectés de Citiz. Ce qui est intéressant aussi, c’est que l’écosystème des coopératives créé de la mise en réseau, avec les circuits courts, les pôles multimodaux, etc.
Quelle est la place des coopératives dans les mobilités innovantes ? Je l’ai constaté, au nombre des représentants actifs et des contributions qui ont été faites, leur place est très importante dans ce secteur. Pour chan-
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Vous êtes l’auteur de la synthèse qui a suivi les Assises. Est-ce que certaines conclusions seront reprises dans la future loi sur les mobilités ? Il faudra faire une place aux modèles innovants. Songez qu’il n’y a eu au-
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La Scop Titi Floris et toute son équipe.
Tetris : une Scic installée à Grasse.
conventions collectives du transport, précise Boris Couilleau, gérant de Titi Floris. Les donneurs d’ordre publics sont sensibles à notre dimension plus humaine. On aura toujours besoin de transport pour soulager les familles dans leur quotidien. » La mobilité, vécue comme du temps accordé aux autres, a fait toucher d’autres sujets à Titi Floris, qui a développé Titi Services, qui propose des aides ménagères et des auxiliaires de vie à ses bénéficiaires. Les deux entités vont former en 2018 un nouveau groupe coopératif.
Logistique à vélo Quand on évoque la mobilité douce, on pense immédiatement au vélo, que ce soit pour le déplacement des usagers eux-mêmes ou pour le transport de marchandises. Favoriser le développement des déplacements à vélo, c’est le cœur d’activité de la Scic Tetris, dans la communauté d’agglomération du Pays de Grasse. « Nous travaillons globalement sur le développement de l’utilisation du vélo, souligne Geneviève Fontaine, gérante de la Scic. Nous récupérons des
vélos dans les déchetteries, nous les recyclons, nous les vendons ou les louons. Nous participons aussi aux plans de déplacement des agents de Sophia-Antipolis, ce qui nous a amené à nous rapprocher de Scity.coop sur les questions d’intermodalité. » Au sein du PTCE qu’elle anime, la Scic Tetris a également un FabLab, qui a mis au point des kits-vélo à assistance électrique, avec des pièces adaptables pour tout type de vélo, fabriquées sur place. Le partenariat avec plusieurs collectivités locales et le prix French Mobi-
cune grande loi sur ce thème depuis la loi Loti (Loi d’orientation des transports intérieurs) qui date de 1982 ! J’ai donc relayé la plupart des suggestions du groupe de travail dans mon rapport à la ministre. Par exemple, j’ai proposé des mesures pour compenser l’absence d’indemnité kilométrique payée par l’entreprise, pour un de ses salariés qui fait de l’auto-partage ou du covoiturage. Ce serait un nonsens que de ne pas encourager les pratiques vertueuses. Je mets aussi l’accent sur les solutions de mobilité
inclusive, parce qu’on sait qu’un quart des candidats à l’emploi ne se rendent pas à un entretien d’embauche pour un problème de mobilité. Par un droit renforcé à l’expérimentation, nous voulons aussi essayer d’améliorer la mise en œuvre des plans de déplacements urbains dans les collectivités et des plans de mobilité dans les entreprises.
mettre en lumière les initiatives citoyennes et entrepreneuriales rencontrées lors des Assises. C’est pourquoi des trophées French Mobility ont été décernés fin janvier à la Cité universitaire de Paris. Plusieurs des lauréats sélectionnés, dont le Prix spécial du jury, sont des coopératives !
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Comment diffuser les bonnes pratiques de la mobilité ? La ministre des Transports a souhaité
Propos recueillis par Éric Larpin
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Toutenvélo, la Scop rennaise compte plus de 20 salariés.
lity donnent déjà un coup d’accélérateur à l’usage local du vélo. La Scop rennaise Toutenvélo met également un point d’honneur à fabriquer elle-même ses bicyclettes et remorques pour le transport de marchandises ! « Nous avons démarré notre activité de coursiers à vélo il y a 6 ans, raconte Olivier Girault, un des co-gérants. Nous avons débuté par les déménagements à vélo sur le modèle de ce que nous avions vu au Québec. Aujourd’hui, notre activité se complète avec les livraisons du der-
nier kilomètre pour des logisticiens et de la collecte de résidus alimentaires pour l’association Phénix. » Il y a deux ans, le modèle a commencé à se dupliquer à Rouen, puis à Grenoble, Caen et Lille, toujours sous la forme de Scop. « La qualité du service et du bien-être au travail est liée au statut, complète Olivier Girault. Il nous est arrivé de faire travailler des auto-entrepreneurs, mais ils sont devenus salariés depuis ! ». L’ensemble du réseau Toutenvélo compte déjà plus d’une vingtaine de salariés.
Des nouvelles règles ? Comme pour les chauffeurs Uber ou Heetch, les coursiers à vélo soumis à l’auto-entrepreneuriat ont été un des sujets récurrents des Assises de la mobilité. Lors de celles-ci, Cyril Marcerou, gérant de la Scic Alternmobil à Toulouse, qui fait aussi la logistique du dernier kilomètre, a plaidé pour la création d’un statut de coursier dans la convention collective des transports. « Nous sommes partis du constat que le coursier salarié coûtait 20 % plus cher que l’auto-entrepreneur, parce que ce dernier n’a aucune protection, s’indigne Cyril Marcerou. Peut-être peut-on aussi créer le même type de contrat que dans les Coopératives d’activité et d’emploi ? Nous souhaitons que la loi permette de créer cet environnement vertueux que les coopératives ont contribué à créer. » Sans attendre et fort de convictions qu’il faut lutter contre la pollution et désengorger les centre-villes, comme Toutenvélo, AlternMobil s’est déjà implantée dans de nouvelles grandes villes, à Montpellier et Nice. Dans la mobilité, parce qu’elles sont attentives à l’environnement, au bienêtre de leurs salariés et à la société dans son ensemble, les coopératives ont depuis longtemps un coup d’avance, que la nouvelle loi sur les mobilités saura reconnaître, espérons-le. Elles ont également un temps d’avance sur un axe-clé issu des groupes de travail et des Assises locales de la mobilité : fonder les politiques locales de mobilité sur une gouvernance partagée associant les usagers, les citoyens, les organisations publiques et privées (collectivités, TC, opérateurs, associations…), les porteurs de projet (…), afin de s’assurer que les solutions sélectionnées et développées sur les territoires répondent à l’ensemble des préoccupations citoyennes. Sans attendre le fruit législatif du travail déjà accompli, Scop et Scic planchent déjà sur la mobilité de demain, à base de blockchain et de solutions multimodales.
Éric Larpin Altermobil, installée à Toulouse, s’est développée dans d’autres villes comme Montpellier et Nice.
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)Rencontres(
Christophe Itier : « Les nouvelles politiq doivent se mettre au service du terrai Nommé à l’automne 2017 haut-commissaire à l’Économie sociale et solidaire et à l’Innovation sociale auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, Christophe Itier fait le point sur les nouveautés qui attendent l’économie sociale et les coopératives avec French Impact et la future loi sur les entreprises.
Quelles sont les ambitions du gouvernement pour French Impact, l’accélérateur d’innovation sociale, que vous avez présenté le 18 janvier dernier ? Avec French Impact, je souhaite qu’on ne considère plus l’économie sociale et solidaire comme un secteur à part, mais comme un secteur qui participe pleinement au développement de la croissance française. Nous l’avons baptisé French Impact pour faire écho à l’attractivité et à la présence à l’international de la French Tech. French Impact doit être une bannière qui fédère et dynamise le secteur. On se met dans les pas de la loi Hamon de 2014, une loi qui a été très importante n Christophe Itier en bref Christophe Itier, 48 ans, a été nommé haut-commissaire à l’Économie sociale et solidaire et à l’Innovation sociale en septembre 2017. Auparavant, sa vie professionnelle a été marquée par des passages dans le secteur public (collectivités locales), dans le secteur privé (Deloitte) et dans le secteur de l’économie sociale et solidaire. Avant d’entrer au gouvernement, il était directeur de la Sauvegarde du Nord, une grande association du secteur médicosocial depuis 2010 et président du Mouvement des entrepreneurs sociaux depuis 2016.
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pour les coopératives, pour aller encore plus loin dans le changement d’échelle.
Derrière cette bannière, vous avez annoncé, lors du lancement officiel au ministère de la Transition écologique et solidaire, une série de mesures. Quelles sont-elles ? Les dispositifs qui ont été mis en route immédiatement sont ceux qui participent à la plus grande visibilité du secteur. Nous avons lancé un premier appel à projets, dans lequel toutes les entreprises de l’économie sociale ont été invitées à candidater, pour identifier dix initiatives exemplaires qui seront les pionniers French Impact, dont nous pensons qu’elles peuvent avoir un effet d’entraînement. Celles-ci seront valorisées sur la nouvelle plateforme digitale French Impact. Dès mars, un deuxième appel à candidatures sera ouvert pour labelliser les accompagnateurs de l’innovation sociale et les territoires-pilotes du changement d’échelle. Nous sommes ouverts sur la labellisation qui pourra être donnée aussi bien à une petite coopérative qu’à un PTCE. Enfin, nous allons également organiser un French Impact Tour auprès de toutes les collectivités intéressées par le développement de l’ESS. Vous avez également annoncé la création d’un réseau de hackers publics. De quoi s’agit-il ? Nous avons besoin de lutter contre la complexité administrative. C’est pourquoi j’ai proposé de mettre en place dans
les ministères et les collectivités locales un réseau de fonctionnaires référents sur les sujets de l’innovation sociale. Les acteurs de l’ESS pourront solliciter en cas de besoin les hackers qui seront chargés de lever les freins réglementaires qui empêchent souvent le changement d’échelle des projets d’innovation sociale. Les nouvelles politiques publiques doivent se mettre au service des initiatives venant du terrain.
Les acteurs de l’ESS attendaient également des précisions sur les modes de financement de leurs actions. Que leur apporte French Impact ? Je sais bien sûr que le financement de la croissance économique des entreprises est un enjeu important. Avant ma nomination au gouvernement, j’étais un entrepreneur social et le président du Mouves. Notre deuxième train de mesures va concerner le financement. Dès le mois de juin, un fonds d’amorçage va être créé, pour les jeunes entreprises qui rencontrent des difficultés à se financer. Quand on est une coopérative de deux ans d’existence, il peut être délicat de former un tour de table cohérent et de trouver des partenaires bancaires qui connaissent les spécificités du secteur. Le fonds d’amorçage permettra de résoudre certaines situations. Ce sera un fonds de fonds (privés, publics ou de fondations) d’un milliard d’euros sur 5 ans. Côté public, chaque ministère apportera des crédits dédiés à l’innovation sociale, comme
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ues publiques n» par exemple le ministère de l’Éducation ou celui de la Cohésion des territoires, qui sont déjà partants.
Puisque le French Impact Tour a déjà commencé, pouvez-vous nous dire quel accueil a été fait à vos propositions ? Il faut dire d’abord que les acteurs euxmêmes ont participé à l’élaboration de ces propositions, en particulier, au travers du Conseil supérieur de l’économie sociale. Je pense qu’il y a une forte attente pour développer le secteur, comme en témoignent les centaines d’entrepreneurs sociaux présents au ministère en janvier. Dans la future gouvernance de French Impact, je souhaite qu’ils restent associés, ainsi que la société civile. Qu’en sera-t-il de l’évaluation des dispositifs de French Impact ? Nous communiquerons bien sûr sur les résultats, en termes quantitatifs, de croissance ou d’emplois créés, mais surtout pour apprécier si les entrepreneurs sociaux répondent bien à des enjeux sociaux, autour de la santé, de l’économie circulaire, de la transition énergétique. Pour les Scop, cela pourrait être la création d’emplois durables non délocalisables ; des nouvelles filières pour les Scic ; ou des emplois non précaires dans les CAE, plus vertueuses que l’économie collaborative débridée. Au-delà de French Impact, le gouvernement est en phase d’élaboration du Pacte, qui doit aboutir prochainement à une nouvelle loi sur les entreprises. Quelle place auront les coopératives dans cette loi ? D’une part, il y a les mesures déjà envisagées et soumises à concertation publique qui concernent les coopératives : l’engagement sociétal au sens large,
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Christophe Itier, haut-commissaire à l’Économie sociale et solidaire et à l’Innovation sociale.
l’objet social étendu des entreprises, le partage de la valeur. Le Conseil supérieur de la coopération, Coop FR et la CG Scop m’ont envoyé leurs contributions que j’ai transmises à la mission NotatSenard afin de montrer que le statut coopératif répond déjà à ces propositions du Pacte. D’autre part, le social business act, que j’avais annoncé, sera intégré à la future
loi sur les entreprises. Dans ce cadre, on sera attentif à ce que les propositions du Mouvement coopératif, comme les mesures liées à la fiscalité ou à la reprise d’entreprises, arrivent dans les arbitrages. On peut penser que certaines de ces mesures sont atteignables. Propos recueillis par Eric Larpin
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