Participer 670 - Innovantes et dynamiques : Comment Scop et Scic encouragent le Made in France

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Mars . Avril . Mai 2019 . Numéro 670

)Participer( Magazine des sociétés coopératives

Innovantes et dynamiques

)Enjeux(

Étude : faire des tiers-lieux des espaces coopératifs

)Rencontres(

Comment Scop et Scic encouragent le Made in France

Jérôme Saddier : « Les coopératives font partie de la solution à la crise actuelle »


Alki fabrique au Pays basque des chaises et des fauteuils en bois.

© STÉPHANIE TÉTU

)Dossier(


)Dossier(

Innovantes et dynamiques :

Comment Scop et Scic encouragent le Made in France Circuits alimentaires principalement, mais aussi filières textile et bois, se développent très rapidement sous des formes coopératives parfaitement adaptées aux objectifs de production et de diffusion locales. L’innovation et le dynamisme de ces Scop et Scic en témoignent.

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u’est-ce que vous faites pour les paysans français ?  » demandait-on aux créateurs d’Éthiquable. « Comment arrive-t-on à développer de nouvelles activités locales ?  » était une des questions fréquemment posées chez Ardelaine. « Est-ce que vos produits sont bien issus de fabricants locaux ? » exige-t-on de la Fabrique du Sud. La réponse à ces interrogations traduisant une recherche de proximité et un besoin d’ancrage local a un nom qui claque comme une évidence : la Scop. Car que ce soit pour l’entreprise de commerce équitable de Fleurance (Gers), pour la filière laine de l’Ardèche ou pour les glaces artisanales la Belle Aude de Carcassonne (Aude), les valeurs de la Scop induisent en même temps qu’un retour au local et au Made in France, de belles réussites économiques.

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« Au moment de la crise de 2008, et déjà 5 ans après notre démarrage, explique Rémi Roux, un des co-fondateurs d’Éthiquable, nos parties prenantes (les consommateurs et les agriculteurs bio) nous ont interrogés sur notre rôle de commerçants équitables en France. C’est pour eux que quelques années plus tard, nous avons développé la gamme Paysans d’ici, avec des cahiers des charges aussi rigoureux que pour le commerce équitable Nord-Sud. »

Groupement de Scop locales Ces produits qui mettent l’accent sur le local autant que sur le bio et sur l’équitable correspondent de fait à une forte demande, avec 100 % de croissance en 2017 et encore 60 % l’an dernier, soit 10 % des ventes d’Éthiquable. Centrée au départ sur les paysans bio du Gers, Éthiquable

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)Dossier( a ensuite étendu ses coopérations aux agriculteurs des Monts du Lyonnais, de l’Ardèche et de la Bretagne. Et la stratégie du local ne s’arrête pas là, puisque l’entreprise gersoise a soutenu l’an dernier la transformation en Scop de Gourmandes et compagnie, une biscuiterie artisanale près de Toulouse. Avec les cafés Michel, elles constituent toutes trois un groupement de Scop. Avec une centaine de salariés, Éthiquable démontre qu’ancrage local et croissance économique vont de pair. Même constat pour Ardelaine et ses soixante salariés, qui à partir de la filière laine, ont développé un pôle touristique en Ardèche. « Nous sommes une coopérative de territoire, revendique Meriem Fradj, PDG d’Ardelaine. Il y a trente ans, nous étions à contrecourant d’une économie qui cherchait ses marges à l’international. Aujourd’hui, nous faisons la preuve qu’on peut allier développement local, écologie, utilisation de produits locaux et bonheur au travail. L’échelle des salaires est basse, mais elle est compensée par la qualité de vie. » La gouvernance participative des Scop a permis à Ardelaine de se réapproprier l’outil économique, tout en conservant les savoir-faire locaux du tissage de la laine. « Seize mille personnes passent tous les ans à Saint-Pierreville, complète Meriem Fradj. On leur explique nos métiers mais aussi le fait que nous sommes une Scop et qu’elle ne se vend pas ! » Là encore, le Made in France est loin d’enrayer la croissance. Grâce à ses réserves, Ardelaine a pu racheter il y a quelques années une

L’équipe d’Ardelaine.

usine de tricotage à Roanne, mais bien sûr pas question de délocaliser les salariés : ils restent sur place ! C’est aussi dans une logique de maintien des emplois dans une zone sinistrée que la Fabrique du Sud a repris en 2012 les activités du groupe Pilpa. « Nous avons construit notre Scop avec une vingtaine de salariés, à l’opposé des pratiques de l’ancienne entreprise, évoque Christophe Barbier, l’actuel gérant. Nous utilisons des produits naturels et locaux (lait entier de France, fraises de l’Aude, sel des Pyrénées-Orientales), sauf pour

les ingrédients exotiques dont nous avons besoin pour nos glaces. Le travail en Scop nous permet une plus grande flexibilité pour inventer de nouveaux produits. » La Fabrique du Sud montre que des outils industriels peuvent se développer en local ; on trouve désormais ses pots de glace dans la grande distribution, des pots affublés du label bio et du label Fabriqué en France de la Région Occitanie.

De l’appétit pour les circuits courts L’appétit des consommateurs français pour

Glossaire Circuits courts Les circuits courts alimentaires se caractérisent par l’absence de tout intermédiaire ou la présence d’un seul intermédiaire dans la filière. Cela peut donc être de la vente directe ou via des plateformes physiques ou virtuelles. On estime que les circuits courts améliorent d’une part les revenus des producteurs (20 % des agriculteurs vendent en circuits courts) et d’autre part la cohésion sociale dans son ensemble. La loi Egalim de

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novembre 2018 fait référence aux circuits courts, en imposant dans la restauration collective un objectif de 50 % de produits issus du bio ou des circuits courts à l’horizon 2022. Les circuits courts dépassent aujourd’hui le domaine de l’alimentation, en se tournant vers la finance ou la culture. Commerce équitable Nord-Nord Il est réglementé par l’article 94 de la loi ESS du 31 juillet 2014 et a été impulsé par la Scop Ethiquable.

Avant la loi, seul était pris en compte le commerce équitable Nord-Sud. À noter que la future loi Pacte devrait rendre les critères de commerce équitable plus exigeants à la demande de Commerce équitable France (juste rémunération, prime de développement, engagement dans la durée). Les coopératives sont particulièrement actives, dans cette forme de commerce équitable, comme Ethiquable ou le réseau des Biocoop, qui ont développé leur propre labellisation. https://www.commercequitable.org

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© ARDELAINE

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Paysans d’ici.

les circuits courts et la production locale a incité de nombreuses Scop et Scic à se lancer dans les dernières années. Elles s’attachent à la promotion d’un territoire et de ses produits autant qu’à la préservation des emplois. C’est l’objectif de la Scic Talents d’ici, qui s’est ouverte l’an dernier à Massiac (Cantal), après un passage par Alter’Incub Auvergne. « L’idée est de diffuser dans notre boutique des produits de qualité de la Région Auvergne, précise Jacques Ducatillon. Tout le monde, producteurs et collectivités locales, a vite compris l’intérêt

Made in France La mention Made in France est facultative. Quand le distributeur d’un produit décide de s’en prévaloir, il doit par contre faire mentionner obligatoirement une codification douanière différente de celles de ses matières premières et composants non français, il doit respecter un seuil maximum de valeur de ses matières premières et composants non français par rapport à son prix et enfin il doit

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La Fabrique du Sud.

d’un ancrage local, ce que permet la Scic. Nous vendons les produits pour eux et le chiffre d’affaires leur est redistribué au prorata. Pour nos deux salaires, une commission est facturée à partir du chiffre d’affaires. » Mécanisme similaire pour une Scic de dix ans plus âgée et sur un autre territoire : Réseau Esprit Vosges connaît toujours une croissance à deux chiffres et continue d’investir (dans un deuxième camion frigo l’an dernier). « La réussite de ce nouveau mode de distribution tournée vers les professionnels de la restauration a été

avoir fait l’objet en France de certaines opérations de transformation à partir des matières premières et composants non français. Il n’existe pas de label made in France, mais des labels ou indications délivrés par l’État comme Entreprise du patrimoine vivant (dont Ardelaine est titulaire) ou origine France Garantie. www.economie.gouv.fr

encouragée au départ par l’association vosgienne de l’économie montagnarde, indique Thierry Maire, gérant de Réseau Esprit Vosges. Cela a permis aux agriculteurs de trouver de nouveaux débouchés. Depuis, certains ont créé des emplois, en ouvrant des magasins dans leurs fermes, où nous pouvons aussi distribuer les produits de tous les membres de la Scic. Dans la coopérative, chacun des trente producteurs sociétaires sait que ses idées sont écoutées. Nous avons créé un comité de suivi qui permet d’anticiper sur les besoins

Origine France garantie Ce label est délivré par l’association Pro France. Il faut pour l’obtenir respecter deux conditions : le lieu où le produit prend ses caractéristiques essentielles doit être situé en France et 50 % au moins du prix de revient unitaire doit être réalisé en France. À noter que la Direction générale des entreprises diffuse également un guide à l’intention des professionnels sur le thème : Fabriqué en France. http://www.originefrancegarantie.fr

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Les deux fondateurs d’Olkö Bike.

en plantations de l’année suivante et de faire la promotion des produits qui n’ont pas encore rencontré leur marché. »

Des nichoirs à oiseaux Made in France Si Talents d’ici et Réseau Esprit Vosges font la promotion de leurs terroirs respectifs, la récente Scop Issu d’à côté se positionne depuis l’an dernier sur des produits alimentaires et cosmétiques de la France entière. Pour dénicher ces pépites des régions françaises, Julien Millérioux et Bastien Moussou ont d’ailleurs réalisé un Tour de France l’été dernier : « en allant

Esprit Vosges.

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à la rencontre de ces fabricants locaux, nous leur avons expliqué notre projet coopératif. La Scop est dans les valeurs de notre Charte. Elle nous interdit par exemple de négocier les prix d’achats avec eux. » Le métier d’Issu d’à côté est d’acheter leurs produits à près de 60 fournisseurs, de les stocker dans leurs locaux et de les revendre sur leur site. Et de fait, installé à Vienne en Arthies (Val d’Oise), leur entrepôt est une véritable caverne d’Ali Baba d’épicerie fine, de vins et de produits de beauté. Mais, comme on l’a vu avec Ardelaine, il n’y a pas que les filières de circuits courts alimentaires à être boostées par les coo-

pératives. Elles interviennent aussi dans d’autres niches et même des niches à oiseaux ! C’est un double constat, écologique et économique, qui a présidé à la création de la Scop Symbiosphère, près de Toulouse, il y a cinq ans. « Quand nous avons voulu installer nos premiers nichoirs, on s’est rendu compte que ce qui était proposé sur le marché venait de Chine, précise Leslie Faggiano, une des trois associés. Ça n’avait aucun sens, car pour les fabriquer, on avait donc rasé des forêts et chassé des oiseaux… Du coup, nous avons repéré un réseau alternatif forestier, capable de nous fournir du bois taillé en France dans des logiques de développement durable. » Depuis la création de l’activité, plus de 2 000 nichoirs ont été vendus, dont un tiers à Voies navigables de France et un autre tiers à des Scop de la Région, désireuses elles aussi de protéger les oiseaux. « Les premiers gros contrats qu’a eus Symbiosphère, sont venus du réseau des Scop, complète Leslie Faggiano. Et nous avons aussi développé une appli smartphone pour le suivi des espèces avec une Scop du numérique ! »

Travailler au pays La Scop Alki, au Pays basque, est une autre utilisatrice de bois français, mais pour un autre usage, la fabrication de meubles, et en particulier chaises et fau-

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« Les coopératives font partie des acteurs de territoire qui servent l’intérêt collectif » Arnaud Montebourg, ancien ministre du Redressement productif, devenu chef d’entreprise, plaide pour une redynamisation de l’économie locale Qu’est-ce qui vous a poussé à vous investir pour le miel 100 % Français Bleu Blanc Ruche ?

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Nous sommes partis d’une analyse économique et d’un constat environnemental. D’un côté, on ne trouve dans les supermarchés européens qu’un miel low-cost archi-mondialisé, qui a provoqué l’effondrement de la filière apicole. De l’autre, on est face à un fléau sanitaire qui empêche les abeilles de se reproduire et de participer au cycle naturel. Au final, il manque 13 millions de ruches en Europe et les consommateurs mangent du miel importé essentiellement à base de sucre…

Les trois associés de Symbiosphère.

teuils. Si aujourd’hui, la Scop compte quarante salariés, en fait travailler une quinzaine d’autres dans des ateliers locaux de tapisserie et va continuer à agrandir ses bureaux l’an prochain, avec un chiffre d’affaires de 8,6 millions d’euros, c’est à son modèle entrepreneurial qu’elle le doit. « La forme coopérative nous a aidés à démarrer, alors que nous partions de zéro, avec simplement la volonté de vivre et de travailler au pays, se souvient Peio Uhalde, le fondateur d’Alki il y a trente ans. La Scop nous a aidés aussi à prendre un nouveau virage il y a dix ans, en nous tournant vers des meubles haut de gamme à destination des professionnels, le bois venant toujours de France. La Scop a confirmé notre ancrage local, avec une homogénéité de culture, plus importante que les apports financiers. » Et pourquoi ne pas créer un vélo Made in France ? Avec cette question a démarré il y a deux ans le projet d’Oklö Bike non loin d’Annecy (Haute-Savoie). « Il est en fait très difficile d’avoir un nouveau vélo, à mi-chemin entre le VTC et le vélo-cargo, qui soit 100 % Made in France, mais on y tend, évoque Bruno Guittard un des trois associés de la Scop. Comme notre ambition était de créer un nouveau vélo pour des familles sensibles à l’environnement, de développer notre travail localement et de faire appel à

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Quel est le modèle économique que vous avez choisi ? Avec Bleu Blanc Ruche, nous faisons du commerce équitable Nord-Nord ! Nous achetons du miel produit en France (pour le moment 84 tonnes fournies par 15 apiculteurs) à un tarif supérieur au marché et dans la durée. En contrepartie, nos fournisseurs s’engagent à exploiter de nouvelles ruches. Le miel est commercialisé sous la marque Bleu Blanc Ruche dans la grande distribution et par Internet. Ainsi, nous soutenons la croissance des exploitations et de nouveaux emplois. Depuis le démarrage il y a deux ans, des apiculteurs rejoignent régulièrement notre aventure. La dimension de production locale est-elle importante pour vous ? Oui, bien sûr. Bleu Blanc Ruche est d’ailleurs labellisé Origine France Garantie, une certification exigeante de l’AFNOR, qui devrait être obligatoire pour tous les produits. Les pouvoirs publics devraient renforcer les labels et les certifications, pour ne pas laisser entrer en France des produits qui font du dumping social et environnemental. Le miel de Bleu Blanc Ruche est un miel tracé, avec le nom de l’apiculteur sur chaque pot. Le retour au local est un impératif pour le monde agricole. On a besoin de revitaliser le patrimoine agricole français qu’on a laissé se disperser au gré de la mondialisation. Les premiers agents de cette redynamisation de la production locale sont les consommateurs qui peuvent voter pour ces produits Made in France. Comme ministre du Redressement productif, vous avez tenté de remettre l’accent sur le Made in France et la relocalisation. Pour quelles raisons ? J’ai souhaité le faire pour le secteur industriel. Mais on retrouve les mêmes fondamentaux dans le secteur agricole. Un des moyens du redressement, c’est par la création d’emplois locaux, liés à l’environnement et à la mise en valeur des richesses locales. Je suis partisan du retour à une économie réelle, par rapport à une économie financiarisée. Les coopératives font partie de ces acteurs de territoire qui servent l’intérêt collectif, comme, je le crois, des entreprises nouvelles du type de Bleu Blanc Ruche.

Propos recueillis par Éric Larpin des fournisseurs locaux, nous avons naturellement croisé la route des Scop. » À partir de pièces techniques qui viennent ponctuellement d’autres pays d’Europe, les vélos sont assemblés localement dans l’atelier d’Oklö et la demande pour un vélo, subs-

titut à une deuxième voiture, commence à décoller. Sous le format coopératif, Oklö et tous les autres font la preuve qu’il est possible de développer avec profit l’économie et l’emploi local. Éric Larpin

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)Enjeux Scop(

Faire des tiers-lieux des espaces L’étude1 portée par Aurélien Denaes, co-initiateur et co-gérant de Casaco, tiers-lieu coopératif à Malakoff (92), fait le point à la demande de la CG Scop sur les liens existants entre CAE et tiers-lieux et, au-delà, sur les enjeux qu’il y a pour le Mouvement coopératif à s’impliquer et soutenir de telles démarches. Car pour lui, la question est claire : « les tiers-lieux ne seraient-ils pas un excellent moyen de faire découvrir et vivre la coopération partout sur les territoires ? »

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es aspirations différentes de la part des nouvelles générations, de nouveaux modes d’organisation collaboratifs et réactifs, des opportunités technologiques… le monde du travail est sans conteste en pleine mutation. Au cœur de ces nouvelles manières d’appréhender le travail et l’emploi, on observe l’émergence de deux phénomènes qui se croisent et se rejoignent en de nombreux points : toujours plus d’entrepreneurs salariés au sein de Coopératives d’activité et d’emploi (CAE), et des tiers-lieux accueillant notamment des travailleurs autonomes qui ne cessent de se créer.

Le tiers-lieu, un lieu au service de la communauté Phénomène à la mode, expression utilisée à tout-va, les limites et la définition du tiers-lieu sont floues. Tout le monde s’entend cependant sur le fait qu’un tiers-lieu est un espace physique partagé où l’on mutualise des outils et où se mêlent des personnes et des

compétences variées qui, autrement, n’auraient pas forcément vocation à se croiser. « Ils permettent les rencontres informelles et favorisent la créativité issue des interactions sociales, notamment à travers l’ouverture, la flexibilité, la convivialité et l’accessibilité. Chaque tiers-lieu a sa spécificité, son fonctionnement, mais tous favorisent la créativité, l’initiative et le partage, et de plus en plus l’activité économique. » 2 Ils peuvent être organisés par et pour une communauté ou simplement proposer des services à des usagers, limitent les mobilités forcées et proposent une alternative au travail en solo. Mais ils peuvent également être agricoles (lieu de production et outils partagés), artisanaux (fablab, hacker ou makerspace3 qui développent les savoir-faire et favorisent le « fait soi-même »), voire éducatifs… Pour fonctionner et perdurer, un tierslieu s’anime. On voit ainsi émerger de nouveaux métiers avec des personnes « qui assurent le dynamisme et la pérennité de l’espace collectif par leur présence, leur connaissance de ses utilisateurs, leur

Faciliter l’accès des tiers-lieux aux entrepreneurs salariés En Nouvelle-Aquitaine, la coopérative des Tiers-lieu(x) est une Scic dont les finalités sont de mailler les territoires en tiers-lieux et de favoriser leur durabilité. Depuis le début de l’année, elle propose aux entrepreneurs sous contrat CAPE des CAE sociétaires de la coopérative, mais également d’autres CAE de la région des jours d’usage gratuits des tiers-lieux contre des ateliers professionnels réalisé soit par des salariés de la CAE, soit par des entrepreneurs salariés. https://coop.tierslieux.net

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capacité à faire du lien entre eux et avec l’écosystème, mais aussi à gérer le lieu sur le plan financier et logistique ».

Rapprocher les communautés de travail de proximité D’un côté, de nombreux entrepreneurs salariés fréquentent déjà des tierslieux et, de l’autre, des CAE s’interrogent sur l’extension de leur offre de services en proposant par exemple des locaux partagés pour héberger l’activité de leurs entrepreneurs salariés. Le rapprochement peut donc sembler logique et diverses initiatives ont déjà vu le jour à l’image de la CAE Consortium Coopérative dont le siège social est basé aux Usines Nouvelles, tierslieu à Ligugé (79). De même, Coopaname a soutenu la création du tierslieu coopératif PointCarré à Saint-Denis (93) et « est connectée à plusieurs autres tiers-lieux coopératifs par mélange non-

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coopératifs usagers et les collectivités où ils s’installent, le statut de Scic se révèle être particulièrement adapté. Pourtant, les tiers-lieux coopératifs sont aujourd’hui minoritaires. C’est pourquoi l’auteur invite à ce que, dans son ensemble, le Mouvement coopératif soutienne non seulement le rapprochement entre CAE et tiers-lieux mais, au-delà, favorise l’éclosion d’espaces coopératifs. Ce qui passe notamment par un accompagnement à la création ou à la transformation en Scic de ces lieux. La Navette 1 Mission CAE et Tiers-lieux – Développer des espaces coopératifs par et pour des entrepreneurs sur tous les territoires – CG Scop - janvier 2019 2 Mission Coworking – Faire ensemble pour mieux vivre ensemble – Fondation Travailler autrement - 2018

© CASACO

3 Fablab : plateforme ouverte de création et de prototypage d’objets physiques. Il regroupe un ensemble de machines à commande numérique de niveau professionnel, mais standards et peu coûteuses.

organisé de leurs communautés ou par des actions communes ». En interagissant avec un ou plusieurs tiers-lieux, les CAE peuvent s’inspirer des savoir-faire et dynamiques de ceux-ci, notamment en matière d’ancrage local, d’animation quotidienne ou encore d’esprit communautaire. En échange, les CAE ont à partager leur approche poussée de la mutualisation, leurs réflexions de fond sur la protection sociale ou encore, parfois, leur expérience en éducation populaire. Ce faisant, elles se soutiennent l’une l’autre. Car les CAE « ont besoin de relais de croissance : monter un tiers-lieu ne leur assure pas de revenus supplémentaires mais leur permet de s’ouvrir à de nouveaux publics et de se connecter à d’autres acteurs dont les collectivités, pour protéger leurs positions et développer de nouvelles actions partenariales ». Et, en augmentant leur public d’entrepreneurs salariés, les tiers-lieux renforcent leur modèle économique.

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Chez Casaco, un lieu où se mêlent des personnes et des compétences variées et où l’on mutualise les outils.

Favoriser l’éclosion d’espaces coopératifs Dans son rapport, Aurélien Denaes l’affirme, « les tiers-lieux, espaces physiques, ouverts, ancrés sur leur territoire, souvent médiatisés et visibles au niveau territorial, sont un des meilleurs moyens de faire comprendre le concept de coopération aux citoyens et acteurs d’un territoire » et « semblent représenter une opportunité pour le Mouvement coopératif de se rapprocher des territoires en promouvant ses modèles collectifs et participatifs. » Les CAE, avec peu de capacité d’investissement en propre, ont peu de marges de manœuvre pour investir sur des tiers-lieux et la solution la plus pertinente semble de s’inscrire au cœur d’un véritable partenariat de territoire. Lorsqu’ils sont co-construits avec leurs

Hackerspace : espace dédié à des ateliers spécifiques autour d’un outil ou d’un projet numérique, qui rassemblent des groupes de passionnés possédant un intérêt commun. Ils fonctionnent comme des centres de partage et de transmission de connaissances. Makerspace : regroupe savoir-faire numériques (web designer, community manager…), artisanaux (stylistes, menuisiers, créateurs…) et artistiques (plasticiens, sculpteurs…).

Chiffres clés : 42 tiers-lieux coopératifs existants ou en projet identifiés

38 % des tiers-lieux coopératifs sont liés à une ou plusieurs CAE

86 % des tiers-lieux coopératifs en Scic (et 12 % en transformation : 3 Scop, 1 coop 1947 et 2 associations en passe de se transformer en Scic)

66 % des tiers-lieux coopératifs lancés ces 4 dernières années Pour en savoir plus, l’étude est intégralement téléchargeable sur l’agora des CAE : https://agora-cae.com/file/view/189337/ etude-cae-et-tiers-lieux

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Copelectronic : une Scop de 120 salariés qui a engagé 9 M€ d’investissements dans les deux dernières années.

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)Scop en action(


Copelectronic : grandir sans se renier Lorsque l’UR Scop d’Aquitaine organise en avril 2018 une journée d’échanges sur le thème de la croissance, elle le fait dans les locaux de Copelectronic, à Mouguerre (Pyrénées-Atlantiques). Normal. La Scop de 120 salariés est une parfaite illustration d’un développement porté par une vision qui, au cours des deux dernières années, s’est traduite pas une série d’investissements stratégiques de près de 9 millions d’euros.

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epuis un an, Xavier Échaïde, le PDG de Copelectronic, passe du temps sur les routes. La raison en est simple. L’entreprise installée depuis 34 ans dans les Pyrénées-Atlantiques a racheté en 2018, à 450 kilomètres de là, dans le Lot, une entreprise que son propriétaire, malade, avait décidé de vendre. Résultat : en un an, la Scop sous-traitante de produits électriques et électroniques destinés à l’industrie et l’aéronautique passe de 90 à 120 salariés, et fait bondir son chiffre d’affaires de 14 % pour atteindre 22 millions d’euros.

Une croissance continue Ce n’est pas la première fois que Copelectronic se développe par le rachat d’une autre entité. En 2005 déjà, la Scop rachète une SA en difficulté. « Elle avait une activité complémentaire à la nôtre et nous a permis d’intégrer la filière aéronautique et de renforcer notre développement local », explique Xavier Échaïde. Cet achat réalisé l’année même de la naissance dans le Sud-Ouest du pôle européen de compétitivité Aerospace Valley est visionnaire. Six ans plus tard, la SA et la Scop fusionnent et, en 2015, les différents métiers de Copelectronic occupent tous les mêmes locaux avec

l’objectif d’améliorer leurs performances industrielles. « En 10 ans, ce rachat nous a consolidés dans le secteur aéronautique ». Mais avec le regroupement, le site historique de la Scop arrive rapidement à ses limites d’exploitation. Pour maintenir ses avantages compétitifs, la société décide en 2016 de créer un bâtiment neuf dans lesquels elle emménage en 2017. Coût de l’opération : 4,5 millions d’euros.

Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier C’est presque la même somme qu’il faudra mobiliser un an plus tard pour le rachat d’AEM (Ateliers électromécaniques), l’entreprise basée à Rignac dans le Lot. « Notre plus gros client représentait 50 % de notre chiffre d’affaires. Une situation de dépendance qui n’était pas saine. Le rachat d’AEM a permis de ramener ce taux à 32 % tout en nous apportant une technologie nouvelle nécessaire à notre expansion  : le surmoulage des connecteurs. » Cette opportunité soigneusement étudiée par le PDG et le conseil d’administration démontre une nouvelle fois le pragmatisme et la vision de l’entreprise, ce qui n’a pas échappé aux financeurs. En plus d’un apport en fonds propres, le Crédit Coopératif, la BPI et Socoden, la société financière des Scop, suivent Copelectro-

Benjamin Grivaux, porte-parole du Gouvernement, lors de sa visite à Mouguerre le 29 novembre dernier.

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nic sur cette nouvelle croissance externe. « Il nous faut maintenant assurer le transfert de compétence industrielle comme nous l’avons fait dans le passé, tout en familiarisant les salariés d’AEM au modèle coopératif. »

Réactivité Avec cette succession de rachats, la Scop démontre son réalisme industriel. « Nous sommes sur des activités très concurrentielles et facilement délocalisables. Nous devons donc être au top sur la qualité de nos produits et très attentifs aux demandes de nos clients. » Pour cela, Copelectronic joue la carte de la réactivité. Son plus gros client, basé à Rouen, est livré quotidiennement depuis le site de Mouguerre. « Un camion part de chez nous chaque jour à 16h, il arrive avant 10h à Rouen et la première pièce livrée est usinée à 11h. » Même en plein mouvement des gilets jaunes, la Scop ne rompt pas le flux de ses livraisons : « On a éclaté la livraison de la semiremorque en six camionnettes, qui elles n’étaient pas bloquées sur les ronds-points, et notre client n’a eu aucune rupture de livraison !  » Cette capacité d’adaptation fait la force de cette Scop. « Sans l’implication des salariés dans la vie et le développement de l’entreprise, les résultats ne seraient pas aussi bons », rappelle Xavier Échaïde. « Nous investissons beaucoup d’ailleurs sur la formation, et pas seulement dans une vision exclusive à nos besoins. Nous participons au développement de l’employabilité et de la polyvalence des salariés car c’est aussi une garantie pour relever les défis économiques ». Comme le dit Benjamin Grivaux, porte-parole du Gouvernement, lors de sa visite à Mouguerre le 29  novembre dernier : « Un bel exemple à suivre ! ». La Navette En savoir plus : https://copelectronic.com

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)Scop en action(

À Forbach, on est cap… d’entreprendre

« Au-delà de l’accompagnement de ses 150 entrepreneurs, notre coopérative d’activité et d’emploi est un vrai outil de développement du territoire destiné à créer ou impulser des dispositifs innovants… » Emmanuelle Beyer, cogérante de Capentreprendre, la CAE de Lorraine créée en 2004, affiche tout de suite la couleur. Pas de repli sur soi, pas de réduction sur un seul objectif. Pour elle, la CAE doit être ouverte sur son environnement et à tous les publics. Il suffit de feuilleter l’agenda de Capentreprendre pour s’en persuader.

Le 13 décembre 2018, à l’Assemblée nationale, Capentreprendre reçoit le prix de l’innovation sociale du concours 2018 « S’engager pour les quartiers » récompensant les coopératives jeunesse de services (CJS) qu’elle propose l’été à une mixité de jeunes diplômés ou non. Un dispositif qu’elle va dupliquer de façon originale en créant une CJS transfrontalière avec des partenaires franco-allemands. Il est vrai qu’on est ici à 4 kilomètres seulement de la frontière. Du 11 au 29 mars 2019, elle teste à Nancy, toujours en direction des jeunes, la « Mini-

Coop » dans un quartier politique de la Ville. Puis, le 1er avril, la CAE inaugure dans l’immeuble qu’elle occupe, juste en face de la gare de Forbach, sur la ligne ParisFrancfort, un espace de coworking transfrontalier. « Ce projet s’inscrit dans une dynamique économique multi-partenariale et multi-culturelle portée par la Communauté d’agglomération Forbach Porte de France », explique Emmanuelle Beyer qui n’en finit pas d’éplucher son agenda : « Hier (c’était le 19 février) nous avons remporté le marché de Metz-Métropole pour développer un espace test agricole en bio sur l’ancienne base militaire aérienne. » En septembre, la CAE avait ouvert une antenne dans la maison des services au public de Docelles, un petit village vosgien de 900 habitants. Là encore, pas de « public cible », la démarche de l’entrepreneuriat salarié est ouverte à tous : « Nos coopérants ont de 16 à 76 ans », résume la co-gérante qui se félicite de la coopération intergénérationnelle dont Capentreprendre est le lieu. Pour impliquer davantage ses partenaires, en particulier les collectivités, elle réfléchit à faire évoluer son statut de Scop vers celui de Scic… Nouvelle idée, mais toujours le même cap ! » La Navette En savoir plus : www.capentreprendre.fr

Saprena : une entreprise adaptée et adoptée par ses salariés Passer d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, donc à actionnaire unique (son association fondatrice), à une Scic SA à capital variable de 84 associés, c’est le pari que l’entreprise adaptée Saprena vient de réussir. Créée par l’Adapei de Loire-Atlantique il y a 31 ans, l’entreprise qui emploie 360 salariés (dont les deux-tiers en situation de handicap) sur quatre activités principales (espaces verts, propreté, conditionnement et logistique) s’interrogeait depuis trois ans sur une gouvernance coopérative. Fin 2017, avec son arrivée à la direction, Alexandra Miailhe a porté le projet et en un an, l’EURL a été transformée en Scic. « Cela a permis à l’association fondatrice de récupérer du capital qu’elle peut investir sur d’autres projets tout en faisant rentrer les salariés dans la gouvernance de l’entreprise. » Saprena leur a

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proposé de souscrire au capital social sous la forme d’une journée de travail bénévole. Pour un ouvrier de production, cela représente 6 parts sociales (d’un montant unitaire de 12 € de façon à encourager le sociétariat du plus grand nombre), 7 parts sociales pour un agent de maîtrise et 10 pour un cadre. Dès sa création, la propo-

sition a séduit plus de 20 % du personnel. Les autres attendent de voir, mais l’objectif est évidemment d’en intégrer le maximum dans le sociétariat. À côté du collège des salariés et du collège des fondateurs, où l’Adapei demeure partie prenante de la vie de Saprena, existe également le collège des partenaires qui n’accueille pour le moment qu’un membre, une association d’insertion voisine – mais il est prévu d’y accueillir dans l’avenir des fournisseurs ou des clients. L’entrée au capital est perçue par Alexandra Miailhe comme bien plus qu’une simple participation financière : « L’apport des nouveaux sociétaires doit pouvoir aussi se traduire en expertise nouvelle et en réflexion collective. Ouvrir le sociétariat, c’est travailler dans une démarche collaborative et c’est cela qui permet l’innovation ! » La Navette En savoir plus : www.saprena.com

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)Parcours( > AUVERGNE-RHÔNE-ALPES

Cédric Régnier, l’intelligence collective au service de l’artisanat Diplômé d’une licence en informatique, Cédric Régnier est boulanger à Grenoble. Étonnant ? Pas vraiment. Il n’était pas réellement passionné par son métier d’informaticien dans les grands groupes comme dans les PME et souhaitait donner du sens à son travail. Il rencontre un jour par hasard pendant ses congés un boulanger. Amateur de pain et de pâtisseries, Cédric décide de poser un congé individuel de formation (CIF) et s’inscrit à l’École internationale de boulangerie, située dans les Alpes-deHaute-Provence. Cette formation de deux ans lui permet de monter son projet. Seul, il lance en 2014 sa boulangerie en SARL. Deux ans plus tard, le Pain des Cairns compte 7 salariés. Très vite, Cédric se retrouve noyé dans des conflits humains. « La gouvernance était à revoir complètement. J’attendais vraiment

autre chose d’un point de vue organisationnel ». Un début de crise éclate, Cédric se retrouve seul à bord du navire. Il prend la direction de l’Université du Nous, à Chambéry. « J’aime que les gens prennent des responsabilités. Je crois à l’intelligence collective. Je cherchais un moyen d’instaurer d’autres relations dans le travail. » L’Université du Nous lui a donné des outils pour s’organiser, comme les processus de décisions collectives, de répartition des rôles, de consentement mutuel, etc. Avec son nouvel associé rencontré à l’Université, ils choisissent un statut en lien avec leur volonté commune d’expérimenter une nouvelle gouvernance : la Scop ! Cédric réalise plusieurs stages au sein de Scop pour confronter les réalités à l’image idéale qu’il s’était forgé de ce mode de travail. La boulangerie passe en Scop à l’été 2018 et compte 7 salariés associés. Pour Cédric,

« l’objectif principal est d’avoir une gouvernance solide », mais rien n’est acquis : « on expérimente notre gouvernance, nos prises de décisions. On se pose les questions pour savoir dans quelle direction aller, on s’appuie sur les leaders de l’équipe pour avancer et évoluer ». Erwan Garcia-Recio

> OCCITANIE

Elian Latour, une autre conception de l’entreprise, verte et éthique ! À tout juste 30 ans, Elian Latour est fondateur et co-gérant de Scop Eco Zimut, un bureau d’études qui repense l’approche de la construction en misant sur la performance énergétique des bâtiments. Son parcours est très lié avec celui de son ami d’enfance, Laurent Chauveau, cofondateur et co-gérant de la Scop toulousaine. Tous deux intègrent l’IUT Génie civil à Toulouse. Elian s’intéresse alors de près à l’éco-construction. C’est ce qui le pousse à s’inscrire à la formation énergie et environnementale bâtiment de l’école d’ingénieurs Polytech d’Annecy-Chambéry. Les chemins d’Elian et Laurent se séparent alors pour 3 ans, période durant laquelle tous deux vivent des expériences associatives avec des postes à responsabilité, qui leur donnent le goût d’entreprendre… autrement ! De retour à Toulouse pour son stage de fin d’études, Elian intègre l’équipe R&D d’une petite entreprise qui fabrique des presses permettant de réaliser des briques de terre crue, matériau très en vogue pour la construction écologique. Laurent,

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quant à lui, réalise son stage dans un bureau d’études spécialisé dans la performance énergétique, Eco Zimut. Lorsque les deux amis se retrouvent, leur envie d’entreprendre a grandi. « Dans le modèle d’entreprise que l’on connaissait, la culture du bénéfice et du management descendant ne nous convenait pas. On s’est imaginé une entreprise dans laquelle les décisions seraient prises en collectif et de manière horizontale, et où le partage des bénéfices serait équitable et juste. » Après 10 mois de réflexion, de rencontres, d’étude de marché, les deux amis rachètent le fonds de commerce d’Eco Zimut et créent avec deux autres associés une nouvelle structure en Scop car « même si ce n’est pas le statut qui fait les valeurs, il y a beaucoup de corrélation entre le modèle Scop et celui que l’on imaginait ! » La Scop, spécialisée dans les projets de construction respectueuse de l’environnement a aujourd’hui 5 ans et est en plein développement. Elle compte 8 salariés, avec un taux de sociétariat de 100 %. « L’activité grossit et on aimerait passer un cap au niveau de l’effectif ». Avec un enjeu majeur, celui de travailler sur le rôle des associés et sur une

gouvernance totalement partagée. La Scop figure parmi les lauréats de l’appel à projets « Dessine-moi Toulouse » de Toulouse Métropole. Quant à Elian, il est entré au conseil d’administration de l’Union régionale des Scop d’Occitanie Pôle Pyrénées, il y a un an. « Au CA, il y a beaucoup d’énergies positives, on rencontre notamment de jeunes gérants dont les projets sont inspirants. En m’engageant, j’ai la volonté de rendre au Mouvement ce qu’il m’a apporté, de le faire connaître auprès des jeunes générations qui aspirent à un monde du travail éthique et qui récompense justement leurs efforts. » Chloé Bigou

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)Lectures( L’entreprise post-RSE La question de la finalité de l’entreprise et de sa participation au bien commun est posée depuis une dizaine d’années et fait l’objet de plusieurs positions. L’une consiste à refonder l’entreprise d’une manière assez poussée, en revoyant le partage des profits et en élargissant l’objet social de l’entreprise et sa gouvernance. La seconde approche s’attache à préserver le

modèle actuel des entreprises privées tout en soutenant les démarches de RSE. La 3e position regroupe des propositions fondées sur l’idée qu’il faut trouver le moyen d’aller au-delà de ce que fait la RSE et de renforcer l’utilité sociale des entreprises. Félix Torres, historien spécialiste des entreprises et auteur pour le compte de l’Institut de l’entreprise, a mené des entretiens entre 2017 et 2018 auprès de dirigeants d’entreprise, actionnaires, investisseurs et économistes en France et aux USA. Les contours d’un nouvel

âge de l’entreprise apparaissent, au-delà de l’étape de transition qu’a représentée la RSE. Les entreprises n’ont pas abandonné la RSE mais l’ont au contraire mieux intégrée à leur stratégie profonde, qui repose sur la performance globale et un meilleur équilibre entre les parties prenantes. L’entreprise post-RSE. À la recherche de nouveaux équilibres / Félix Torres, Institut de l’entreprise, 164 pages, 10 €

Corinne Lefaucheux

De l’inspiration chrétienne au projet coopératif Les valeurs et les principes coopératifs ont été nourris par des courants philosophiques et religieux variés, c’est ce que démontre cet ouvrage d’Enzo Pezzini, chercheur associé au Centre de recherche en science politique de l’Université Saint-Louis Bruxelles. L’originalité de cette recherche doctorale se situe dans le minutieux examen des textes et discours officiels qui ont construit la doctrine sociale de l’Église catholique. Au fil de la

lecture, on découvre à quel point ces derniers se sont progressivement rapprochés du « projet coopératif ». Par exemple, Jean-Paul II a proclamé en 1986 : « La nouveauté de l’expérience coopérative réside dans son effort de synthèse entre la dimension individuelle et la dimension communautaire… ». Et le pape François de raconter en 2013 : « J’ai entendu mon père faire une conférence sur le coopérativisme chrétien et depuis cette époque, je suis enthousiasmé par ce thème, j’ai vu que c’était le chemin à prendre. »

Enfin, l’auteur passe en revue de grandes figures chrétiennes de l’histoire coopérative telles que Philippe Buchez, inventeur de la coopérative de travailleurs avec son « Association chrétienne des bijoutiers en doré (1834), ou encore le père José Maria Arizmendiarrieta, fondateur de la Mondragon Corporation (1955) dans le Pays basque espagnol, aujourd’hui le plus grand groupe coopératif au monde. Projet coopératif et christianisme social / Enzo Pezzini, Presses de l’Université Saint-Louis, 326 pages, 30 €

Corinne Lefaucheux

Construire la coopération Dans un ouvrage court, clair et ambitieux, l’économiste Eloi Laurent place la coopération au plus haut des conduites humaines, « pour agir ensemble en vue de résoudre nos problèmes et réaliser nos désirs » (p 10). Supérieure à la collaboration utilitariste, « accomplissement en commun d’une tâche nécessaire », la coopération est une « quête de connaissance partagée », une

« intelligence collective à but illimité » ; elle se construit dans la confiance et la durée grâce à des institutions, dont « la qualité (…) importe bien plus que la moralité des personnes ». En prenant pour exemple de celles-ci la puissance publique, la ville, ou l’entreprise (il écrit que « l’idée de coopérative est, au fond, l’idée même d’entreprise »), l’auteur montre des formes d’organisation qui, pour rester pérennes, ne peuvent pas s’écarter de l’intérêt des communautés qui les créent et les font vivre.

Est exposé le sabotage de cet impératif par les profiteurs, ou sa mise en péril due à l’« épidémie de solitude » et aussi au rythme effréné de la société numérique. Dans son chapitre conclusif, le livre ouvre 3 chantiers pour « reconstruire la coopération », l’écologie, la justice sociale et fiscale et la maîtrise des technologies de la communication. L’impasse collaborative – pour une véritable économie de la coopération / Eloi Laurent, Les Liens qui Libèrent, 187 pages, 16 €

François-Xavier Salvagnac

Connaissez-vous le Club des Anciens Coopérateurs ? Fort de 170 membres aujourd’hui, le CAC a vocation à réunir les anciens des Scop, élus et permanents du Mouvement Scop qui souhaitent : • participer aux rencontres des adhérents organisées par le CAC. Et pour ceux qui le souhaitent : • accompagner, parrainer, tutorer les nouvelles Scop et celles qui sont dans le besoin. • travailler sur la rédaction d’expériences coopératives et l’histoire du Mouvement. Contact : Jean-Jacques Brunellière, président - jiji12@wanadoo.fr - www.les-scop.coop rubrique le réseau / CAC

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