Participer 667 - Égalité professionnelle : la place des femmes plus équilibrée dans les coopératives

Page 1

Juin . Juillet . Août 2018 . Numéro 667

)Participer(

)Enjeux(

Magazine des sociétés coopératives

Marchés publics : la valeur ajoutée des Scop

Égalité professionnelle :

La place des femmes

)Histoire (

plus équilibrée dans les coopératives

La loi du 19 juillet 1978 fête ses 40 ans


Sommaire p.4 MĂŠdia Scop p.6 Vie du rĂŠseau p.12 Pratique : Des outils financiers pensĂŠs par et pour les Scop et les Scic

)Dossier(

Une longueur d’avance Le contexte du dĂŠbat sur la responsabilitĂŠ sociale de l’entreprise ouvert par la mission confiĂŠe Ă Nicole Notat et le projet de loi PACTE nous confirme, une fois de plus, la modernitĂŠ de la vision entrepreneuriale des SociĂŠtĂŠs coopĂŠratives. Dans ce rapport, l’avenir est Ă la gouvernance dĂŠmocratique, au multi-sociĂŠtariat, Ă l’implication des parties prenantes, au partage plus ĂŠquitable des profits‌ Autant de principes fondamentaux au cĹ“ur de nos entreprises. Notre capacitĂŠ Ă mettre en Ĺ“uvre l’intelligence collective, la prise de responsabilitĂŠs des associĂŠs est, Ă mon avis, un de nos atouts majeurs qui font le succès et la rĂŠussite de nos SociĂŠtĂŠs coopĂŠratives.

p.14

ÉgalitÊ professionnelle : La place des femmes plus ÊquilibrÊe dans les coopÊratives

)Enjeux Scop( p.20 La commande publique responsable, une occasion Ă saisir !

)Histoire( p.23 La loi de 1978 fĂŞte ses 40 ans

)Scop en action( p.26 Fabrique du Sud : les glaces coopĂŠratives se dĂŠveloppent p.28 Poitou-Charentes : 40 ans d’Êducation routière p.29 Scenetec se met en scène pour ses 40 ans p.29 Parcours : API : elles vous font ÂŤ signes Âť p.30 Lectures Participer. Magazine des SociĂŠtĂŠs coopĂŠratives UXH GHV ‹SLQHWWHV 3DULV WÂŤO ID[ Ăş ZZZ OHV VFRS FRRS RĂŠalisation : Scopedit, 30, rue des Épinettes 75017 Paris. GĂŠrant : Jacques Landriot. RĂŠdacteur en chef : Pierre Liret. SecrĂŠtariat de rĂŠdaction : Corinne Lefaucheux. Conception, rĂŠalisation, appui ĂŠditorial : Bruno Chambrillon, Philem Despiney SecrĂŠtariat de rĂŠdaction : Corinne Lefaucheux. Photo de couverture : StĂŠphanie TĂŠtu (et ouverture dossier). Impression : Chevillon Imprimeurs. DĂŠpĂ´t lĂŠgal : 2ème trimestre 2018. CPPAP 1115 T 87741 . ISSN 1264-949X. Abonnement : 1 Ă 3 abonnements souscrits : 26 â‚Ź par abonnement, Ă partir de 4 abonnements 22 â‚Ź par abonnement. Contact abonnement : 03 80 48 95 37

Favoriser, accompagner et mettre en Ĺ“uvre le co-entrepreneuriat s’appuie, nous le savons bien, sur une volontĂŠ rĂŠelle et partagĂŠe, l’animation de la vie coopĂŠrative et la mise en Ĺ“uvre d’un management coopĂŠratif mais aussi sur la formation et le dĂŠveloppement des compĂŠtences, vĂŠritable levier de performance. Notre Mouvement a lĂ aussi une longueur d’avance avec un ensemble d’actions de formation visant Ă renforcer nos pratiques coopĂŠratives, les compĂŠtences nĂŠcessaires Ă la co-responsabilitĂŠ et la croissance de nos entreprises. Fort du succès du PASS 1, avec une progression de 33 % du nombre de participants en 2017, j’ai le plaisir de vous annoncer le lancement national de PASS 2 et son dĂŠploiement en 2019. Cette formation s’adresse Ă tous les mandataires sociaux et associĂŠs de Scop et Scic en situation de management intermĂŠdiaire. Elle s’inscrit ĂŠgalement dans une poursuite de parcours pour l’ensemble des salariĂŠs associĂŠs qui souhaitent participer aux orientations et au pilotage de leur coopĂŠrative. Je ne peux terminer cet ĂŠditorial sans dire mon très grand plaisir quant Ă la place des femmes dans notre Mouvement et nos entreprises, ce dont tĂŠmoigne ce numĂŠro. Place encore perfectible, certes, mais soyons, lĂ aussi, moteur du changement car la mixitĂŠ femmeshommes est aussi source de performance !

SĂŠverine Saint-Martin Membre du Bureau de la Direction nationale

PARTICIPER -XLQ ú -XLOOHW ú $R½W


)Pratique( Le Mouvement Scop est un des rares à pouvoir s’enorgueillir d’avoir développé un dispositif original de collecte et de redistribution de fonds mutualisés à destination de toutes ses coopératives adhérentes, de la plus petite à la plus grande, qu’elle soit en bonne santé ou qu’elle traverse des difficultés conjoncturelles. Une coopérative ancienne dotée de fortes réserves impartageables trouve facilement des financeurs. Mais pour un nouveau projet, une nouvelle coopérative ou lorsqu’on est en difficulté, le risque pris rend plus difficile l’accès au financement.

Des outils financiers pensés par et pour les Scop et Scic Les outils financiers du Mouvement Scop interviennent toujours en complément des organismes de financement partenaires de la coopérative. À fin 2016, les trois outils financiers nationaux comptent près de 800 interventions en cours. Il existe trois principaux outils alimentés par la part « développement » des cotisations nationales.

Socoden Socoden est un organisme de prêts. Il intervient pour financer la trésorerie des adhérents de la CG Scop. Socoden apporte la première brique d’un tour de table auquel se joignent les partenaires financiers des coopératives. Depuis 2012, Socoden accorde des prêts bonifiés à un taux aligné à celui de la banque de la coopérative, si celle-ci a une note BDF inférieure ou égale à 4. Scopinvest Scopinvest intervient surtout en haut de bilan sous forme de titres participatifs ou obligations pour renforcer la structure financière et faciliter le recours à l’emprunt bancaire, avec une rémunération indexée sur la performance de la coopérative. L’outil vise à pallier temporairement les difficultés des associés salariés à souscrire au capital de leur coopérative.

12

Sofiscop Sofiscop a vocation à se substituer aux cautions personnelles des dirigeants de Scop lorsque cette dernière souscrit des emprunts bancaires. Sofiscop garantit à 25 % ou 50 % des prêts ou crédits baux du Crédit Coopératif, intervenant en complément ou pas de Bpifrance. Une organisation décentralisée au plus près des adhérents > Tous les membres des comités d’engagements sont des associés des Scop et Scic, dirigeants ou responsables financiers > Les membres des CEFR sont désignés par les conseils d’administration des UR Scop. Le CEFN est constitué des membres. Chiffres-clés 800 dossiers de financement en cours 61 % des interventions concernent des coopératives de moins de 10 salariés. 50 ans de solidarité intercoopérative Société de financement dédiée à la création de nouvelles coopératives et au développement des adhérents du Mouvement Scop, Socoden est née en avril 1965. Elle est un outil de solidarité alimenté par les cotisations des Scop et des Scic du Mouvement : en cinquante ans, plus de 3 000 coopératives ont été financées.

Les partenaires financiers Partenaires nationaux : Crédit Coopératif, Esfin-Ides, France Active, Caisse des Dépôts & consignations, plates-forme d’accompagnement. Partenaires régionaux : Sofiscop Sud-Est, Transméa, SEP, Pargest, Aficoop.

De nouvelles solutions de financement Le crowdfunding Pour faciliter l’accès des Scop et Scic à la finance participative et sensibiliser le grand public à l’entrepreneuriat coopératif, la CG Scop a lancé le site www.jefinanceunprojetcooperatif.fr en partenariat avec deux plateformes de crowdfunding : Spear pour les interventions sous forme de prêts et Wiseed pour les interventions en haut de bilan (equity). Impact Coopératif, pour changer d’échelle Fruit d’un partenariat entre le Crédit Coopératif, Bpifrance et la CG Scop via Socoden, le fonds Impact Coopératif a vocation à accompagner les croissances externes des adhérents et les transmissions in boni de taille significative. Géré par Esfin Gestion, le fonds est doté de 74 millions d’euros et intervient pour des montants de 1 à 7 millions d’euros pour une durée de 12 ans. Pierre Liret

PARTICIPER Juin Juin••Juillet Juillet••Août Août2018 2018


)Dossier(

L’Epicerie des Halles de la Martinière


)Dossier(

Égalité professionnelle :

La place des femmes

plus équilibrée dans les coopératives Malgré l’évolution de la société française, il reste difficile pour les femmes de prétendre aux mêmes responsabilités et aux mêmes salaires que les hommes dans les entreprises. Avec leur culture du partage et du collectif, les coopératives parviennent plus facilement à améliorer leur montée en responsabilités que la moyenne des entreprises.

7 ©Stéphanie Tétu

% de PIB supplémentaire par an en donnant plus de place aux femmes ! S’il fallait un seul argument, autre que celui de la justice et de la responsabilité sociale des entreprises, cette évaluation1 économique de France Stratégie en 2016 devrait suffire à lancer une vague de féminisation. Las, le partage du pouvoir et l’égalité des rémunérations sont encore loin d’être acquis en France. Pourtant, dans l’univers économique, les Scop et Scic font avancer les mentalités plus vite que les autres, avec 26 % de dirigeantes et même 33 % dans les coopératives issues de transformations d’associations, selon les chiffres de la CG Scop. C’est ce dont témoignent les femmes interrogées par Participer, qu’elles soient créatrices d’entreprises, dirigeantes ou salariées associées en voie d’évolution : pour la plupart d’entre elles, les principes

PARTICIPER Juin • Juillet • Août 2018

de gouvernance partagée (oubliez le « un homme, une voix », dites « une personne, une voix »), d’accès à l’emploi et de bienêtre au travail s’expriment plus facilement dans les structures coopératives que dans les entreprises classiques, qu’elles côtoient ou ont autrefois intégré dans leur vie professionnelle. « Malgré l’avancée des lois et de la société, on a toujours besoin de développer la culture de l’égalité dans le monde économique », affirme Isabelle Guéguen. Co-créatrice de la Scop brestoise Perfegal, qui soutient les entreprises dans leurs démarches pour l’égalité, elle est à la croisée de ces problématiques : « en travaillant sur l’égalité, on ne s’arrête pas qu’à la place des femmes, mais bien sur la conduite du changement dans les organisations, qui amène en effet des gains économiques bénéfiques à tous ». Paradoxalement, quand elle a voulu ouvrir sa propre

15


)Dossier( société sans garantie personnelle, en 2005, elle a elle-même été confrontée aux freins à l’entrepreneuriat féminin, freins qu’elle a levés en choisissant pour Perfegal la forme Scop, qui lui a permis de s’associer à une autre créatrice, à faire droit au Fonds de garantie à l’initiative des femmes (FGIF) et à utiliser les outils financiers des Scop.

En CAE, la sécurité L’égalité professionnelle tout court, c’est aussi ce qui est revendiqué par une autre créatrice, Céline Romain, qui en 2012, a démarré la CAE Rurban Coop en Seine-et-Marne : « je suis pour l’égalité des chances entre les femmes et les hommes, plutôt que pour la parité, qui implique des quotas, sans se soucier des compétences. Le format coopératif favorise cet équilibre et les discussions sur la place des unes et des autres. » En-dehors, cela reste difficile de faire comprendre aux hommes que le partage est bénéfique pour l’entreprise. Au sein du Medef de Seine-et-Marne, où elle a adhéré, Céline Romain ne compte qu’une seule collègue… Elle estime par ailleurs que la CAE est aussi plus sécurisante pour les femmes, en leur assurant de meilleurs revenus que l’entreprise individuelle. Ce sont elles qui ont fait de Rurban Coop une success story : les femmes représentent 90 % des 80 entrepreneurs salariés ! Comme pour Isabelle Guéguen et Céline Romain, la création d’entreprise n’a pas été un fleuve tranquille pour Sarah Trichet-Allaire, au moment de démarrer la librairie L’Embarcadère en Scop à Saint-Nazaire. « Nous étions deux jeunes femmes avec enfants ; ça n’a pas été facile de convaincre les banques, concède

Agathe et Sarah de la librairie L’Embarcadère

la libraire. Le statut de Scop nous a donné de la crédibilité et nous a permis d’accéder aux aides du secteur de la librairie. Mais, dans notre parcours, nous avons bien senti qu’il fallait prouver nos capacités de direction… » Aujourd’hui, l’unique librairie de Saint-Nazaire, ouverte en 2014, réalise un demi-million de chiffre d’affaires et va bientôt s’agrandir.

Tremplin coopératif Si les coopératives encouragent la féminisation, elles peuvent se heurter à des contraintes sectorielles : comme la librairie, le BTP ou l’informatique comptent peu de femmes parmi leurs dirigeantes. Située à Courlon-sur-Yonne (Yonne), Scop Lafolie n’accueille qu’une seule femme sur 20 sala-

riés : Stéphanie Jahier. Mais elle en est aussi la PDG. « Après avoir été embauchée comme comptable en 2010, je suis devenue administratrice au bout de deux ans, puis dirigeante au bout de 4 ans, évoque-t-elle. Le statut coopératif a permis cette évolution ; dans une autre entreprise de BTP, je serai restée comptable et il y a vingt ans, ça aurait même été impensable que je devienne dirigeante dans ce secteur ! La Scop est un tremplin, mais je reçois très peu de CV d’autres femmes pour améliorer la féminisation… » Avec l’arrivée des jeunes générations, le secteur informatique semble aussi évoluer vers plus d’égalité professionnelle. Mais il faut savoir provoquer les choses. Ainsi la Scop Les Tilleuls à Lomme (Nord) démarre

De multiples outils pour l’égalité professionnelle Loi, accords, label : de multiples outils prônent l’égalité professionnelle entre hommes et femmes. Tour d’horizon rapide de l’essentiel.

Accord d’entreprise sur l’égalité La loi du 4 août 2014 est la loi qui structure actuellement l’égalité professionnelle réelle entre les femmes et les hommes. Elle comprend plusieurs obligations : a minima pour les entreprises de moins de 50 salariés, établir un diagnostic sur les écarts de situation entre femmes et hommes.

salariés, il faut en outre réaliser un plan d’action ou un accord annuel sur l’égalité professionnelle. Faute de respecter ces principes, les entreprises de plus de 50 salariés peuvent se voir appliquer des pénalités financières (jusqu’à 1 % de la masse salariale) et également se voir exclues de l’accès à la commande publique.

Pour les entreprises de plus de 50

16

PARTICIPER Juin • Juillet • Août 2018


)Dossier(

Sylvie Robert, PDG de Lorraine Ateliers

Cécile Hamerel de la Scop Les Tilleuls

cette année un programme à destination de jeunes étudiantes qui veulent trouver des débouchés dans l’open source. « Rails Girls Summer of Code est notre contribution à la féminisation d’un secteur qui compte moins de 10 % de femmes, précise Cécile Hamerel, chargée de marketing et de communication. « Aux Tilleuls, on arrive à 30 % et nos offres de recrutement sont aussi incitatives pour les femmes. Le management coopératif, qui encourage l’écoute et la prise de responsabilité, va nous permettre d’y arriver rapidement, même si on doit continuer à travailler pour ça. » On trouve le même volontarisme à l’autre bout de la France, à Montpellier, chez la

toute jeune Scop Avizzeo, issue d’une transformation en 2016. « J’ai découvert une autre forme d’entreprise que dans les SSII que je connaissais, assure Anne Debailly, qui porte le joli titre de Chief Happiness Officer chez Avizzeo. « Avec douze salariés, nous sommes déjà à la parité. On ne fait pas de différence sur les droits des femmes et des hommes, c’est une évidence : formations pour monter en compétences ou aménagement du temps de travail (ce sont d’ailleurs les hommes qui en profitent le plus pour leurs enfants). Les sociétés d’informatique avec qui on travaille sont encore très masculines, mais celles où on cultive le bien-être au travail sont celles qui sont les plus féminisées ! »

Label Égalité Le label Égalité professionnelle hommes-femmes est destiné aux entreprises qui se lancent dans une démarche active en faveur de l’égalité. Il a été créé en 2004 par les pouvoirs publics et il est attribué par l’Afnor après le dépôt d’un dossier. Le secrétariat d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes estime à plus de 750 000 le nombre de salariés bénéficiant du label Égalité. L’associa-

tion Arborus gère un club des entreprises labellisées en vue d’échanges de bonnes pratiques.

PARTICIPER Juin • Juillet • Août 2018

Accord multi-professionnel sur l’égalité professionnelle dans l’ESS Signé par l’Udes (Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire) en novembre 2015 avec les 5 grands syndicats de salariés, cet accord vise à plus de volontarisme pour l’égalité professionnelle

Incuber son projet de création Équation pour la féminisation délicate également du côté de Sylvie Robert, PDG de Lorraine Ateliers, une entreprise adaptée en Scop, à Rombas (Moselle). Elle travaille à la fois dans un secteur (la mécanique) avec une faible proportion de femmes et avec des salariées en situation de handicap, dont le taux d’accès à l’emploi est encore plus faible que celui de leurs collègues hommes, déjà pas très élevé… « Sur nos 84 salariés, il n’y a que douze femmes dans l’entreprise, précise Sylvie Robert. Mais c’est notre volonté d’améliorer ce pourcentage, notamment en allant vers de nouveaux métiers (le nettoyage en forte croissance) et en embauchant des

dans 14 branches du secteur de l’économie sociale. L’accord de novembre 2015 a été étendu par arrêté du 20 avril 2018. Autrement dit, ce qu’il prévoit est désormais applicable à tous les employeurs et tous les salariés qui entrent dans le champ d’application prévu. Guide pratique Udes En relais de l’accord du 27 novembre 2015,

17


)Dossier(

Stéphanie Jahier, PDG de la Scop Lafolie

femmes, comme pour le poste de DRH que j’ai créé. Pour ma part, après avoir travaillé pendant une trentaine d’années dans une association liée au handicap, j’ai franchi le pas d’aller dans une entreprise pour avoir plus de responsabilités. À ce poste, je dois négocier les contrats et les appels d’offres. Mais ce n’est pas un problème, car dans une négociation, on dit qu’il vaut mieux avoir affaire à un acheteur qu’une acheteuse ! » Ainsi, certains secteurs évoluent plus vite vers la prise de responsabilités par les femmes. Les questions d’alimentation

l’Udes a publié un guide pratique pour permettre aux employeurs de l’ESS de faire un diagnostic sur leurs pratiques d’égalité professionnelle ainsi que 12 fiches pratiques : www.udes.fr/outils-guides/egaliteprofessionnelle-entre-femmes-hommesdans-less-passer-de-conviction-laction Rapport sur l’égalité hommesfemmes dans l’ESS La loi sur l’ESS du 31 juillet 2014 a prévu la mise en œuvre d’un rapport sur l’égalité hommes-femmes. Ce rapport porte sur la gouvernance

18

Céline Romain de la Scop Rurban Coop

durable et bio semblent donner des opportunités de création et de développement économique à plus de femmes. Sarah Lopez, assistante administrative depuis 2016 à la Cuisine itinérante à Lyon, voit dans la forme coopérative un outil de formation professionnelle et de développement de projet. « Associée depuis septembre dernier, je touche à beaucoup de choses dans l’entreprise », souligne la jeune femme. La Cuisine itinérante joue un rôle d’incubateur pour ses salariés qui veulent lancer un projet autour de la restauration ou de l’alimen-

de l’ESS, l’égalité dans l’emploi et les métiers, la création d’initiatives par les femmes, les moyens pour soutenir les ressources existantes pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’ESS. Le premier rapport a été adopté le 7 février 2017. France Active et le FGIF Pour contrer les méfiances des établissements bancaires quant à l’entrepreneuriat féminin, France Active a mis en place le Fonds de garantie à l’initiative des femmes. Le FGIF est devenu

Isabelle Guéguen de la Scop Perfegal

tation et ensuite la Scop les met en route. « C’est mon ambition de créer mon projet dans ma région d’origine à Marseille. La transparence dans une Scop permet de mesurer tous les éléments de la création d’entreprise. Sans être à un poste de direction, j’ai du poids dans l’entreprise et c’est pareil pour tous les salariés, femmes et hommes. »

Groupe d’échanges Sans conteste, le premier atout des coopératives pour les femmes est de combattre l’isolement dans lequel peuvent les laisser

récemment la Garantie égalité femmes. Elle est mise en œuvre par les fonds territoriaux France active, au profit des femmes créatrices en situation de chômage ou de précarité. La garantie peut couvrir jusqu’à 80 % du prêt bancaire et elle est doublée d’un accompagnement par les experts du réseau. Elle s’adresse en particulier aux entreprises de l’économie sociale. En 2016, le FGIF a aidé 2 400 femmes à créer leur entreprise.

PARTICIPER Juin • Juillet • Août 2018


)Dossier(

« Les coopératives favorisent les dynamiques de prise de responsabilité par les femmes » Trois questions à Elisa Braley, présidente de la Commission Égalité femmes-hommes du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire (CSESS) Quel est le rôle de la Commission que vous présidez ?

Anne Debailly, chief Happiness chez Avizzeo

le secteur ou le territoire dans lesquels elles se trouvent. « Lors du dernier Congrès des Scop à Strasbourg, nous avons lancé notre groupe Coopératrices, se réjouit Françoise Fanet, chargée de mission à l’UR Scop Limousin. Il est aujourd’hui constitué d’une trentaine de personnes, qu’elles soient dirigeantes, en responsabilité ou nouvelles associées. Le groupe se réunit une fois par trimestre pour faire connaître chaque entreprise et échanger des informations ou des méthodes de travail. » De manière amusante, l’idée de constituer un groupe de coopératrices est venue à Françoise Fanet parce que la Fédération du BTP de Haute-Vienne, avant-gardiste, avait créé un secteur femmes. Améliorer la place des femmes dans le monde économique demeure un combat. Les coopératives ont un rôle de chef à file à jouer sur ces thématiques, comme le soutient Isabelle Guéguen, la gérante de Perfegal : « Je pense que les Scop et les Scic devraient être encore plus force de propositions en matière d’égalité professionnelle, par exemple sur la classification (repenser les grilles salariales des entreprises), la lutte contre le harcèlement sexuel ou la culture de l’égalité. Lever tous ces freins permettrait de dynamiser nombre d’entreprises. » Éric Larpin (1) France Stratégie, Le coût économique des discriminations, 2016. Le rapport note que les femmes sont les premières victimes de discriminations dans le travail. Un scénario de convergence des taux d’emploi masculin et féminin et de meilleurs accès aux postes de responsabilité rapporterait 7 % de PIB.

PARTICIPER Juin • Juillet • Août 2018

L’égalité professionnelle est devenue un axe de travail obligatoire du CSESS, depuis la loi Hamon de 2014 et les décrets qui ont précisé les missions du Conseil. La loi a accéléré les choses pour nous, car nous étions déjà impliqués sur ces questions. Un des premiers résultats de nos travaux a été l’adoption fin 2017 du premier rapport sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’ESS. Nous y présentons deux propositions-clés : l’objectif d’arriver à la parité dans les instances de direction et la création d’un Observatoire dynamique de la parité. Ces objectifs ont été validés par le haut-commissaire à l’Economie sociale et solidaire, le 8 mars dernier, lors de la Journée pour les droits des femmes. L’engagement sur la parité a déjà été validé par de nombreux réseaux, comme la CG Scop, très investie sur ces sujets, et Coop FR, un nouvel arrivant. Votre rapport montre que les chiffres sur la parité ne sont pas complètement satisfaisants pour l’économie sociale… C’est le moins qu’on puisse dire ! Avec le collectif associatif Femm’ESS, nous avons fait le constat qu’il y avait très peu de présidentes et de directrices, alors que les salariés de l’ESS sont pour les deux tiers des salariées… En revanche, on peut aussi observer qu’il y a un grand nombre d’initiatives dans les structures pour améliorer l’égalité. Par exemple, le principe « une personne=une voix » à l’œuvre dans les coopératives est un bon moyen de partager les responsabilités et de féminiser. Pour le deuxième rapport, nous sommes preneurs des expérimentations en cours dans le secteur coopératif, car nous avons pointé qu’il était très engagé sur la parité. Quelles sont les idées de la Commission pour améliorer la féminisation ? Concrètement, l’Observatoire de la parité vient d’être doté d’une nouvelle chargée d’études qui va être rattachée à l’Observatoire national du CN Cress. Elle doit nous permettre de repérer les bonnes pratiques. Du côté des Scop et des Scic, nous attendons qu’elles nous fassent part d’exemples sur les dynamiques de prises de responsabilité dans les territoires, en particulier les territoires ruraux, d’exemples dans les Coopératives d’activité et d’emploi, qui favorisent aussi l’égalité professionnelle (parce que la rémunération des femmes y est plus élevée que dans les entreprises individuelles), d’exemples sur le bien-être au travail, favorisé par la féminisation. Nous espérons enfin que les objectifs de parité et d’égalité se retrouvent dans la feuille de route du haut-commissaire, qui doit être présentée avant l’été. Un dernier exemple tout simple : il faudrait des lauréates pour l’appel à projets French Impact !

Propos recueillis par Eric Larpin

À lire ! Réunies dans le réseau La Grenaille, onze femmes issues de quatre coopératives d’éducatrices et d’éducateurs populaires de différentes régions ont édité en 2016 un livre pour contribuer à la promotion de l’égalité hommes/femmes. Le livre repose sur des témoignages et expériences. Il propose aussi une vulgarisation des théories féministes et des apports méthodologiques au service des rapports sociaux de sexe dans un groupe. « Éducation populaire et féminisme. Récits d’un combat (trop) ordinaire. Analyses et stratégies pour l’égalité», La Grenaille 2016, 15 € Contact : educationpopulairefeministe@gmail.com

19


)Enjeux Scop(

La commande publique respon L’étude récemment publiée par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur la commande publique responsable est très claire : ce levier est insuffisamment exploité ! Pesant près de 200 milliards d’euros, la commande publique pourrait pourtant être un moyen d’action majeur en faveur des transitions écologiques et sociales, valorisant les entreprises qui, par leur mode de fonctionnement ou leur action, sont, elles aussi engagées en ce sens, ce qui est le cas, par essence, des Scop et des Scic.

D

epuis 2014, les procédures de passation de marchés publics se sont considérablement simplifiées et modernisées. Tant la réforme européenne de la commande publique, par la suite transposée en droit français, que les lois comme celle dite économie sociale et solidaire1 ou celle dite transition énergétique2 ont ouvert la voie pour promouvoir et favoriser des achats publics responsables. À travers leurs choix de prestataires et de fournisseurs, les acheteurs publics sont ainsi invités à assumer leur responsabilité vis-à-vis de la société sur les plans environnemental et social aussi bien qu’économique.

Clauses sociales et environnementales L’ordonnance du 23 juillet 2015 et le décret du 25 mars 2016 offrent un cadre permettant aux acheteurs de faire de la commande publique un outil stratégique, « réel levier de politiques publiques vertueuses et responsables. » Par exemple, des clauses sociales ou environnementales spécifiques peuvent être inscrites dans le marché et être une condition d’exécution de celui-ci. Et, comme le rappelle l’étude, « l’achat socialement responsable ne se limite pas aux clauses sociales d’insertion des personnes éloignées de l’emploi ou en situation de handicap. De nombreuses orientations peuvent être aussi prises en compte comme l’achat éthique, le commerce équitable, l’égalité hommes/femmes, la

1 Loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 2 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015

20

lutte contre les discriminations, le recours au service de l’emploi pénitentiaire, etc. » De même, la prise en compte de l’impact environnemental peut se faire via des clauses relatives à l’éco-conception des produits, la lutte contre l’obsolescence programmée et le gaspillage, le recyclage de matières issues de déchets, etc.

Possibilités ouvertes Les textes ouvrent également la possibilité de réserver des marchés à des entreprises qui emploient des travailleurs handicapés ou en difficultés, ou aux entreprises de l’ESS. La pratique du sourçage (sourcing) est reconnue. Il s’agit de rencontres des acheteurs publics avec les acteurs économiques

en amont du lancement de marchés afin de mieux connaître les solutions et compétences disponibles. D’autres changements dans les procédures de passation des marchés, tels que la séparation des marchés en lots ou des exigences moindres qu’auparavant en matière de capacité financière, donnent plus de chances aux PME que précédemment. Enfin, est recherchée l’offre la mieux disante et non plus la moins disante, ce qui permet de privilégier la qualité par rapport au seul coût immédiat.

Objectifs ambitieux Depuis 2014, les acheteurs publics dont le volume annuel de marchés atteint 100 millions d’euros HT (soit la quasi-totalité

PARTICIPER Juin • Juillet • Août 2018


sable, une occasion à saisir ! des régions, une soixantaine de départements, près de 70 établissements publics de coopération intercommunale et une dizaine de communes) ont l’obligation d’adopter et de publier un schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER). Pourtant, à l’heure actuelle, moins de 7 % en ont adopté un. Par ailleurs, le plan national d’action pour les achats publics durables (PNAAPD) 2014-2020 porte des objectifs ambitieux. Par exemple, d’ici la fin de ce plan, 30 % des marchés devraient intégrer une disposition environnementale et 25 % une disposition sociale ; 100 % des marchés feraient l’objet d’une analyse approfondie pour définir les objectifs de développement durable ; 100 % des produits et services achetés seraient à haute performance énergétique. Or, à l’heure actuelle seuls 10 % et 8 % des marchés comportent, respectivement, une clause environnementale et sociale. Il y a donc une grande marge de manœuvre pour développer la commande publique responsable, ce qui peut déjà être fait en exploitant pleinement le cadre existant. Accélérer la sensibilisation et la formation des élus décideurs et des acheteurs semble essentiel à la mise en œuvre des possibilités aujourd’hui offertes. La Navette

Patricia Lexcellent : « Les Scop ont une carte à jouer » « Parce qu’elles sont ancrées sur leurs territoires et sont des acteurs de l’ESS reconnus, les Scop et les Scic ont des cartes à jouer ! Elles sont légitimes à faire valoir leurs spécificités et gagner des parts de ce marché public responsable », affirme Patricia Lexcellent, déléguée générale de la CG Scop et rapporteure de l’étude du CESE. Pour celle qui a travaillé sur ce sujet encore nouveau pour beaucoup, plusieurs leviers sont à actionner pour favoriser la présence des coopératives sur ce créneau. « Certaines actions relèvent des instances représentatives nationales, d’autres doivent se faire au niveau territorial. Je crois beaucoup à l’action sur les territoires, même si c’est un travail de fourmi ! », précise-t-elle. « Parmi les leviers prioritaires, il y a un travail à faire avec les pouvoirs publics sur l’élargissement des clauses sociales car celles-ci ne se restreignent pas à inclure des heures de travail d’insertion. Y compris dans ce domaine, on peut rechercher d’autres modalités. Reconnaître l’apprentissage, tel ce qui est fait dans de nombreuses Scop du bâtiment en est un exemple. Globalement, un travail reste à mener pour donner une meilleure visibilité des spécificités coopératives et donner à comprendre que l’économie sociale et solidaire ne se limite pas à des actions de réparation (insertion, public en difficulté, etc.) Cela passe par une réflexion sur la communication, qui pourrait être menée avec les Cress. Les rencontres entre acheteurs et opérateurs dans le cadre du sourçage sont aussi de formidables occasions qui donnent à chacun l’occasion de se connaître. À leur suite, les appels d’offres peuvent être lancés en fonction de la capacité de réponse des acteurs. Elles sont donc à encourager par tous moyens, tant auprès des acheteurs que des fournisseurs ou prestataires. De manière générale, il est intéressant pour le Mouvement de rencontrer les réseaux d’acheteurs afin de faire évoluer l’état d’esprit et de les aider quant aux moyens de sortir des habitudes dans les procédures de passation de leurs marchés. Enfin, au niveau de chaque Scop, percevoir que les marchés publics ne sont pas réservés aux grosses structures et que, le cas échéant, on peut se regrouper pour répondre. » Il y a donc encore de grandes marges de manœuvre pour développer la part des coopératives dans la commande publique.

En savoir plus : www.lecese.fr/travaux-publics/commande-publique-responsable-unlevier-insuffisamment-exploite

Connaissez-vous le Club des Anciens Coopérateurs ? Fort de 170 membres aujourd’hui, le CAC a vocation à réunir les anciens des Scop, élus et permanents du Mouvement Scop qui souhaitent : • participer aux rencontres des adhérents organisées par le CAC. Et pour ceux qui le souhaitent : • accompagner, parrainer, tutorer les nouvelles Scop et celles qui sont dans le besoin. • travailler sur la rédaction d’expériences coopératives et l’histoire du Mouvement. Contact : Jean-Jacques Brunellière, président - jiji12@wanadoo.fr - www.les-scop.coop rubrique le réseau / CAC

PARTICIPER Juin • Juillet • Août 2018

21


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.