Retraites – Contre points

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Environnement agir, la seule solution dr

L’inaction nous condamne. L’action passera par l’innovation technologique, mais aussi par de nouvelles formes de gouvernance et par une révolution des comportements.

ENTRETIEN Avec Valérie MassonDelmotte paléoclimatologue au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (Lsce) du Cnrs, directrice de recherche au Cea, coprésidente du Groupe 1 du Giec et membre du Haut Conseil pour le climat.

« En France, le premier budget carbone 2015-2018 n’a pas rempli ses objectifs. Par exemple, les émissions liées aux transports – un des postes les plus importants – ont cessé de monter, mais il s’agit de les faire diminuer pour arriver à la neutralité carbone en 2050. » 12

– Options : La multiplication des phénomènes climatiques extrêmes en 2019 et leurs dégâts sur l’environnement, la biodiversité et les activités humaines témoignent que l’inaction n’est plus une option. Les réponses vous semblent-elles à la hauteur des enjeux ? – Valérie Masson-Delmotte : Les moyens pour gérer les risques et, plus encore, pour les prévenir, restent très insuffisants. En France, le premier budget carbone 2015-2018 n’a pas rempli ses objectifs. Par exemple, les émissions liées aux transports – un des postes les plus importants – ont cessé de monter, mais il s’agit de les faire diminuer pour arriver à la neutralité carbone en 2050. C’est en partie dû à l’augmentation du parc de véhicules particuliers qui, simplement par leur masse, outrepassent les progrès réalisés sur l’efficacité des moteurs. Nous avons également un retard sur l’isolation des logements, où les stratégies d’action se sont avérées plus ambitieuses que les performances réelles. Le 3e point de vigilance de la stratégie bas carbone de la France implique, à partir de 2025, une baisse des émissions du secteur agricole. Elles avaient diminué entre 1990 et le début des années 2000. Aujourd’hui, elles stagnent. Il nous faut analyser, avec des indicateurs précis, ce qui fonctionne ou non dans les politiques publiques, les lois, les outils, les méthodologies, pour évaluer en amont, et après coup, leur impact sur les émissions de gaz à effet de serre. Il y a un véritable enjeu à renforcer l’analyse de l’information climatique pour les décennies à venir, l’analyse des vulnérabilités. Il est important également de penser l’action pour le climat en cherchant les bénéfices en matière de santé publique. Sur les mobilités actives, sur l’alimen-

tation, il y a beaucoup de solutions qui sont à multiples bénéfices. Mais la façon dont la gouvernance est organisée avec, d’un côté la santé, de l’autre l’agriculture, l’alimentation et dans un autre ministère encore, l’environnement, complique les diagnostics. Si le point de vue des scientifiques est largement reconnu, il devient impératif de développer la recherche en croisant les compétences variées des disciplines, de coopérer davantage pour avancer dans la compréhension des phénomènes et l’élaboration de solutions. En particulier en intégrant à la réflexion globale les sciences humaines, sociales et économiques. Souvent, les organismes de recherche et les universités, n’ont pas de stratégie claire pour prendre en compte les émissions de gaz à effet de serre : c’est un chantier urgent. – Le Haut Conseil pour le climat a pointé dans son premier rapport, en juin 2019, ce décalage entre les objectifs et les actions. Comment y remédier ? – Il est vraiment nécessaire d’innover. Par exemple, au niveau des régions, une initiative formidable a été lancée en Nouvelle-Aquitaine avec l’association AcclimaTerra, un groupe d’experts scientifiques permanent, indépendant, capable d’apporter aux acteurs du territoire les connaissances nécessaires à leur stratégie d’adaptation au changement climatique. Il s’agit de mettre autour de la table les parties prenantes – experts des collectivités locales, professionnels de l’ensemble des secteurs d’activité et du monde académique – pour avoir une analyse complète de ce qu’implique le changement climatique. D’évaluer ce qui peut être porteur de solutions sur OPTIONS N° 653 / janvier 2020


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