ifremer Maintenir une flotte de qualité
ticulier, ces dernières années, en répondant aux appels à projets de l’Agence nationale de la recherche (Anr). Une Anr qui ne répond positivement qu’à 14 % de ces projets, contre un taux de retour de 40 % pour l’équivalent dans le système américain. Les préconisations des groupes de travail restent préoccupantes à bien des titres. Qui déciderait des stratégies de financement, en fonction de quels critères ? Comment recruter alors qu’actuellement, au Cnrs, il y a 50 candidats de qualité pour un poste ? Et cela alors que les métiers de la recherche sont en perte d’attractivité, faute de proposer des salaires décents – les salaires d’entrée y sont équivalents à seulement 63 % de la moyenne des pays de l’Ocde… Les pistes qui devraient être proposées : la création de contrats de missions de six ans et d’embauches « sous condition » où les jeunes chercheurs devront faire la preuve de leur productivité pour être titularisés…
les salariés de La Genavir, filiale de l’Ifremer ont obtenu des garanties sur leurs droits et sur les missions de service public.
Désillusions et burn-out, les tabous émergent
Valérie Géraud 34
Les équipages tiennent bon la barre ! Le groupement d’intérêt économique (Gie) pour la Gestion en commun des navires de recherche (Genavir) est devenu, au 1er janvier, une Sasu (société par actions simplifiée unipersonnelle) avec comme actionnaire unique l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), dont elle est une filiale depuis 1976, et pour mission de « gérer et de maintenir la flotte océanographique française (navires, engins sous-marins et équipements scientifiques) opérée par l’Ifremer au bénéfice de l’ensemble de la communauté scientifique française ». Ce changement de statut, voulu semble-t-il pour unifier et clarifier la gestion des navires au service des organismes de recherche français, ouvre cependant quelques failles juridiques. Il rend notamment possible pour Genavir de diversifier ses activités à hauteur de 20 %, ce qui a créé quelques inquiétudes parmi les personnels (330 salariés, dont 210 navigants, parmi lesquels une centaine d’officiers très fortement syndiqués à la Cgt). Des salariés d’expérience, bien formés, dont les conditions de travail et de salaires garantissent un engagement de qualité et une contribution non négligeable aux missions et travaux de l’Ifremer. « Nous craignions que le passage en Sasu remette en cause la qualité des recrutements, des investissements et des missions, explique Philippe Schneider, délégué syndical central adjoint des Marins-Cgt à la Genavir. Nous ne voulions pas que Genavir s’enlise dans cette logique de réduction de coûts et soit tentée de revoir à la baisse la qualité de ses interventions afin de gagner des contrats privés. Il s’agit de notre travail, mais également des missions de l’ensemble de la communauté scientifique et de la recherche publique, avec les enjeux que l’on connaît face aux bouleversements qui affectent les pôles, les fonds marins, les côtes. » S’appuyant sur un rapport d’expertise et sur le soutien des salariés, qui se sont mis en grève pendant deux jours – action inédite dans ce milieu –, les syndicats Cgt et Cfdt ont convaincu la direction de leur apporter des garanties, et conclu un accord le 26 novembre. Il garantit le maintien de la Genavir sous pavillon et droit français, et précise qu’elle ne sera pas mise en concurrence avec d’autres prestataires, ce qui la protège de tout dumping social. Les personnels actuels ont également obtenu que l’Ifremer garantisse la sécurisation de leurs emplois, dans les conditions de statut, de salaire, d’ancienneté en cours, quelle que soit l’évolution de Genavir. Le cap est tracé, les salariés assurent qu’ils resteront vigilants. V. G.
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Les besoins d’embauches sont pourtant estimés par les syndicats à plusieurs milliers d’équivalents temps plein, et les revalorisations salariales à au moins + 20 %, d’autant que les chercheurs, qui touchent peu de primes, vont également être très impactés par la réforme des retraites si elle passe en l’état. Le darwinisme social appliqué à la recherche aura également pour conséquence de concentrer tous les crédits sur les « très grandes infrastructures de recherche » (Tgir) et sur les thématiques qui apportent, outre du prestige et de la visibilité à l’échelle internationale, des perspectives immédiates de développement technologique et de rentabilité. « La course actuelle aux projets dits “compétitifs”, ceux de l’Anr comme du Programme investissements avenir, laisse de nombreuses thématiques à l’abandon et épuise les équipes dans une course aux financements souvent stérile », souligne le Sntrs-Cgt. Autrement dit, faute de crédits récurrents substantiels, de nombreux laboratoires, en particulier en sciences humaines et sociales, sont condamnés. Exit l’histoire, la sociologie, l’anthropologie, la philosophie, qui aident pourtant à une meilleure compréhension du monde, à un approfondissement des connaissances, à trouver des solutions pour l’avenir. Les mobilisations longues et massives de la communauté scientifique, ces dernières années, ont laissé des traces, mais face aux attaques qui s’annoncent, un nouveau chapitre pourrait bien s’ouvrir…
maxppp
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OPTIONS N° 653 / janvier 2020