Industrie - Sens et bon sens

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Nicolas MARQUES/KR Images Presse

ENTRETIEN Avec Denis Gravouil secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats du spectacle, du cinéma, de l’audiovisuel et de l’action culturelle (Fnsac).

Les plateformes ne suffisent pas à faire vivre les chanteurs et les musiciens. Pour vivre et se faire connaître, ceux-ci ont besoin de se produire sur scène. Par ailleurs, nul ne peut rester indéfiniment enfermé chez soi devant un écran. L’espèce humaine est ainsi faite : elle a besoin de contacts et de rencontres. 12

spectacle l’entracte a trop duré Frappés de plein fouet par les mesures de confinement, les professionnels du spectacle vivant veulent travailler. C’est essentiel pour eux et pour toute la société, défendent-ils. Explication et précisions sur les revendications de tout un secteur.

– Options : Le 13 novembre, la Fnsac-Cgt a appelé à une nouvelle mobilisation pour défendre le cinéma et le spectacle vivant. Comment s’est passée cette journée ? – Denis Gravouil : Avec 150 manifestants à Tulle, 250 à Nantes, 80 à Grenoble, 200 à Bordeaux et à Rennes ou encore 300 à Paris, elle a été un succès. Le 2 novembre, notre appel à se rassembler pour obtenir de l’État un soutien public massif au sec­ teur du spectacle avait buté sur l’interdic­ tion qui nous avait été faite de descendre dans la rue. Cette fois, nous avons obtenu l’autorisation et nous avons démontré que les salariés et intermittents que nous représentons, qu’ils soient musiciens, auteurs, personnels administratifs ou d’accueil, danseurs, choristes, techni­ ciens ou comédiens, ne sont pas décidés à s’en laisser conter. – À quelle situation faites-vous face ? – À une situation catastrophique. Si, dans le cinéma, des tournages sont encore pos­ sibles, nous avons de grosses inquiétudes pour l’année 2021. Non seulement, nous risquons d’assister à la disparition d’une multitude de petites salles mais aussi à un encombrement des sorties de films qui va compliquer leur rencontre avec le public. Dans le spectacle vivant, le désastre est total puisque, depuis huit mois mainte­ nant, excepté pendant quelques semaines cet été, l’activité est à l’arrêt. À l’arrêt total même, comme dans ce que l’on nomme la musique « debout », les rencontres de rock ou de rap où, depuis le mois de mars, il n’y a plus eu aucun concert. Nous faisons face à une crise inédite dans l’histoire. Pendant les Première et Deuxième Guerre mondiale, le spectacle ne s’est pas arrêté. La culture a pu être instrumentalisée, comme elle l’a été sous le nazisme. Mais

elle n’a jamais été sommée de se mettre en sommeil. Nous avons eu quelques inquiétudes après les attentats de 2015. Mais, si problèmes il y a eu, ils sont restés limités dans le temps et dans l’espace. Dans l’espace parisien, pour l’essentiel. – Beaucoup de spectacles ou de films sont accessibles désormais en vidéo ou sur Dvd. Les réseaux sociaux leur offrent aussi un accès nouveau. Certains disent que c’est là une alternative satisfaisante en ces temps difficiles. Qu’en pensez-vous ? – Effectivement, il est possible d’accé­ der à des spectacles ou à des films sur vidéo, de même que cela fait des années que les plateformes numériques jouent un rôle essentiel dans la diffusion de la musique. Mais nous ne pouvons pas nous en contenter. D’abord parce que les plate­ formes ne suffisent pas à faire vivre les chanteurs et les musiciens. Pour vivre et se faire connaître, ceux-ci ont besoin de se produire sur scène. Ensuite, nul ne peut rester indéfiniment enfermé chez soi devant un écran. L’espèce humaine est ainsi faite : elle a besoin de contacts et de rencontres. Les spectacles sont des éléments essentiels de la démocratie. Ce sont des moments où l’on réfléchit et où l’on partage des émotions. Des moments où l’on fait société. Jean-Luc Godard disait que le cinéma était un « transport en commun ». Que dire de mieux ? – Le gouvernement justifie la fermeture de tous les établissements culturels en soulignant qu’ils ne relèvent pas de l’« activité essentielle ». L’argument est-il fondé, selon vous ? – Le gouvernement confond « secteurs essentiels » et « secteurs vitaux ». Les hôpi­ taux et leurs services d’urgence consti­ OPTIONS N° 661 / novembre 2020


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