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Mandats et votes

Malgré la pandémie, le congrès de Rennes réunit 292 délégués, contre 305 au dernier congrès. Il est à signaler que, en revanche, la parité n’a pas été possible, les femmes représentant seulement 35% de l’assemblée. C’est un premier congrès pour 174 délégués, ce qui représente un renouvellement des délégués à hauteur de 60% (c’était le cas pour 48% des délégués au 18e congrès). Jean-Luc Molins, qui introduit ce «portrait» du congrès, signale par ailleurs que les chiffres de syndicalisation continuent de baisser, alors que le salariat Ictam est en progression et reste au cœur des enjeux, tout en assurant que ce n’est pas une fatalité et que le développement de l’organisation ne dépend que d’elle-même. L’essentiel des mandats délibératifs (241) est réservé aux professions, 46 mandats étant également attribués à des représentants des Régions: une mention spéciale est décernée à l’unique délégué corse… Les ingénieurs sont relativement peu représentés (49 délégués), alors que les cadres sont au nombre de 174. S’y ajoutent 64 techniciens et 53 agents de maîtrise. Les réponses aux questionnaires de présence ne s’avèrent pas toujours suffisamment claires ou exploitables, mais on constate que les secteurs public et privé sont pratiquement représentés à égalité: 110 délégués sont agents de la fonction publique, 60 travaillent dans une «entreprise publique», 144 dans une entreprise privée et 11 salariés dans une association. Concernant le rapport du nombre de délégués à celui des adhérents, l’Île-de-France rassemble un peu plus du tiers des participants (correspondant peu ou prou à 20000 adhérents), le reste des affiliations Ictam les plus importantes étant concentré sur les quatre Régions du sud de la France (Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie, Nouvelle-Aquitaine, Provence-Alpes-Côte d’Azur). La plus jeune déléguée, Nadia Dussin, est cadre dans une société d’études, le plus jeune, Benjamin Alfort, 26 ans, est cadre à la Banque de France. La plus âgée, Claire Delore (orthophoniste et enseignante), est en pleine forme et mène actuellement la lutte des orthophonistes pour une juste reconnaissance de leurs qualifications. Le plus âgé, Patrice Bouillon, cadre dans le commerce, également très actif au sein de l’Indecosa, se contente de rappeler que «la plus belle école de la liberté, c’est le syndicalisme»! Le rapport est adopté à l’unanimité.

même dans les activités socialement utiles comme la santé, des progrès restent à faire: «La notion d’environnement n’est pas réellement prise en compte, la santé étant la priorité absolue. On s’exonère ainsi de la nécessité de ne pas polluer. Je pourrais par exemple évoquer le parcours d’une seringue, de sa production à son transport et de sa durée de vie très limitée qui, à chaque fois, implique l’utilisation et la consommation de produits pétroliers. On pourrait essayer d’innover pour concevoir des seringues plus compatibles avec un objectif bas carbone. Le gaspillage dans le soin est terrible. Et puis gardons à l’esprit que, ensuite, c’est le salariat qui pourrait être pensé comme jetable, non recyclable et précarisable à outrance.» Laurent, de Thales, évoque la complexité et les faiblesses d’une activité mondialisée dépendante de composants parfois indisponibles et le fait que son entreprise a perdu des milliers d’emplois ces dernières années. Pour lui, l’enjeu environnemental peut être une chance aussi pour faire peser les arguments favorisant une relocalisation massive de certaines industries de pointe et, donc, les circuits courts. C’est peut-être aussi une opportunité pour montrer qu’on peut à la fois se battre contre la fin du monde et les fins de mois difficiles. Comme une bonne partie des intervenants, il estime que le capitalisme ne peut pas être vert, car sa logique consiste à tirer profit des ressources et à vouloir toujours plus de profit. Il incombe ensuite à Aurélie Trouvé de témoigner de son expérience et de livrer ses réflexions au congrès, à la fois comme ingénieure agronome, enseignante-chercheuse en économie et au regard de son engagement syndical: «C’est important de connaître les processus productifs et de s’appuyer sur les meilleurs experts sur chaque outil de production, autrement dit vous. Dans mon travail, je pars des savoir-faire des agriculteurs pour penser les savoir-faire de demain. Pourquoi faut-il absolument s’emparer des questions écologiques ? Parce qu’elles s’avèrent profondément sociales, parce que les plus riches sont les premiers exploiteurs de la nature et les plus gros pollueurs. René Dumont, écologiste historique et lui aussi agronome, disait que le capitalisme exploite le travail et la nature, dans un même mouvement. Face à cela, comment se battre ensemble contre ces logiques et inventer un autre système? La sortie de crise écologique pourrait également aussi être terriblement dommageable pour les plus fragiles du point de vue social sans répondre aux besoins sociaux ou écologiques. Il faudra trouver les moyens pour qu’on ne décide plus de produire avec pour seul objectif la rentabilité financière, grâce à une planification écologique et sociale pilotée par l’État, seul garant de l’intérêt général, d’autant que le marché est incapable de penser le long-terme. Mais, si les entreprises le voulaient réellement, elles pourraient aussi, au sein de leurs instances de direction et de décision, donner plus de place aux salariés et citoyens, leur permettant par exemple d’innover ou de changer les pratiques pour moins polluer. Nous n’aurons pas le choix, il faudra changer nos modes de production et de consommation et, à l’échelle mondiale, diminuer la consommation énergétique des plus riches. Il faudra aussi trouver des solutions pour une transition écologique qui garantisse un emploi digne et juste pour chacun. Il faudra adopter des mesures acceptables socialement. Le refus des transitions écologiques qui n’imposent pas plus d’inégalités, comme on l’a vu avec l’option d’augmenter le prix des carburants, ne peut que peser sur les plus précaires et a mené à la crise des “gilets jaunes”. Il faudra débattre pour faire des choix sur la transition énergétique, sur le nucléaire, sur les relocalisations industrielles, ce qui veut dire aussi que, si nous arrêtons d’exporter nos pollutions, nous devons aussi inventer une industrie plus propre. Si ceux qui portent des questions sociales ne s’emparent pas de ces problématiques, on aura des réponses contre les travailleurs.» Fabienne Tatot clôt le débat en rappelant que c’est bien l’intention de l’Ugict de s’engager dans ces problématiques en s’appuyant sur l’expertise des salariés, notamment avec un outil syndical très attendu et dont nous suivrons le déploiement, le « Radar environnemental » et avec une ambition partagée à l’international, notamment avec Eurocadres, pour réfléchir, décider, maîtriser un autre avenir global. ▼

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