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Sciences La tête dans les étoiles aux prises avec Satan

ScienceS La tête danS LeS étoiLeS aux priSeS avec Satan

Dans ce qu’ils appellent un «docuroman», Jacques Jaeglé et Juliane Seller font vivre un monde où les institutions catholiques et protestantes font preuve d’une égale intolérance vis-à-vis d’un certain Kepler. Ce mathématicien né en 1571, est l’auteur des fameuses « lois de Kepler » qui président au mouvement des planètes et des satellites, qu’ils soient naturels comme la Lune, ou artificiels comme l’actuelle station spatiale internationale. À l’époque, les sorcières risquaient de périr dans les flammes d’un bûcher. La mère de Johannes fut accusée d’en être une et ne fut innocentée qu’en tout dernier recours. Son fils dut user beaucoup de son temps, de son énergie, de son autorité et de ses relations pour la sortir de là. Et on ne sera pas surpris de constater que les accusations mensongères existaient déjà, bien qu’on ne les appelât pas «fake news». Nous sommes à l’orée de la guerre de Trente ans (16181648), et l’on croise maints personnages : des pasteurs, des juristes, le prévôt Einhorn (c’est lui le méchant), un barbier, un boucher, un maître d’école, un métallier en conflit avec un vitrier qui rechigne à le payer, et bien d’autres. L’affaire commence en 1615 et l’acquittement est prononcé six ans plus tard. Tous les personnages du livre ont réellement existé à l’exception d’un seul, le dénommé Curiosus. En ingénieur qu’il a été (à Gaz de France), soucieux de précision et de clarté, Jacques Jaeglé n’a pas manqué d’insérer au début du livre une carte s’étendant du Rhin et de la région de Stuttgart où naquit Johannes jusqu’à Prague où siégeait Rodolphe. Géographie donc, mais aussi histoire avec un tableau couvrant la période « de Pythagore (– 405) à Kepler». Y sont recensés 68 événements pouvant faire référence : la condamnation de Galilée, c’est 1633. Tout en nous livrant les péripéties de l’affaire « Katharina Kepler contre le prévôt Luther Einhorn», on découvre ce qu’était le voyage de quelque 470 kilomètres de Linz en Autriche à Leonberg près de Stuttgart. Pour Johannes, le mieux eut été de remonter le Danube en bateau jusqu’à Ulm, ce qui lui aurait permis de travailler à son ouvrage, L’Harmonie du monde. Un drame familial le contraindra à modifier ses plans. Les conversations de Johannes avec Curiosus nous ouvrent une fenêtre sur les voies surprenantes empruntées par ce mathématicien épris d’harmonie : ce sont les propriétés des sons musicaux qui le conduisent à l’explication des trajectoires observées ; à la quinte sont associés les nombres 3 et 2 ; serait-ce là le rapport simple (l’harmonie) entre la période de révolution de la planète autour du soleil et la dimension de l’orbite ? Essayons toujours. Eurêka! Les mesures astronomiques vérifient que le cube de la longueur de l’axe est proportionnel au carré de la période. C’est la troisième loi de Kepler. C’est comme ça qu’on a calculé que les satellites géostationnaires (qui servent notamment pour les télécom, la télévision etc.) devaient être envoyés à environ 36000 kilomètres du centre du globe terrestre. Les deux autres lois avaient été vérifiées de la même façon: les orbites des planètes sont des ellipses dont le soleil est le foyer; la surface balayée par un rayon allant du centre à la planète s’accroît à vitesse constante. Les physiciens disent que la vitesse «aréolaire» est constante. « Dans ce roman richement documenté, nous annonce le pitch, les dialogues de Kepler avec son entourage lui donnent l’occasion d’exposer sa vision de l’univers. Nous découvrons alors le cheminement, surprenant, dans lequel la musique occupe une place inattendue, qui l’a conduit à la découverte des lois qui régissent le mouvement des planètes et qui sont encore enseignées de nos jours. Mais c’est aussi grâce aux remarquables observations de son prédécesseur comme mathématicien impérial, Tycho Brahe, qu’il a pu mener à bien ces travaux et prolonger ainsi la révolution copernicienne.» Un «docuroman» richement documenté, en effet, y compris par une vingtaine d’illustrations qui complètent la peinture de cette société et agrémentent la lecture de cet authentique travail d’histoire.

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Jean d’Alègre

JAcques JAeglé et JuliAne seller, la tête dans les étoiles aux prises avec satan,

AmAlthée, 2020, 215 pAges, 19,90 euros.

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