La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille havane

Page 1

LA RÉHABILITATION URBAINE DU CENTRE HISTORIQUE DE LA VIEILLE HAVANE TÉMOIN DES ENJEUX L’URBANISME TOURISTIQUE

ET DU

TENSIONS XXIÈME

DE SIÈCLE

Chappet Débora - Master 2 - AMTH - Soutenu le 24 Mai 2017 - l’ENSAL

ÉTUD. CHAPPET Débora UE093 - E0932 - SEM. RECH.-LAB - Mémoire 3 - Mém. Init. Rech. UNIT

MEM

DE./TUT. DE./TUT.

OLIVARES Yan

MASTER ARCHI

S10 16-17

INTERDEM FI


Ruines dans le quartier Vedado. Photo personnelle


« Elle aura beau tomber en ruine, elle aura beau mourir de désillusions, La Havane sera toujours La Havane. Si tu la parcours dans les livres écrits pour elle, où la ville apparaît comme une magicienne, si au lieu d’y marcher comme Eusebio Leal, tu la caressais comme une somnambule démantibulée de souffrance, dans le doute et dans la dette de l’exil, on s’aperçoit alors que La Havane est la ville possible, celle de l’amour encore, en dépit de la douleur. » VALDES Zoé (1996) La douleur du dollar. Arles, Actes sud, p. 69.


4

Photo du Capitole avec une partie du thĂŠatre. Photo personnelle

La rĂŠhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


O R I G I N E

D U

Q U E S T I O N N E M E N T

Dans le cadre de ma première année de master à Québec, un voyage d’étude avec mon atelier de projet est organisé à La Havane. Nous passons une semaine à parcourir les rues de la ville dans le but de trouver un site où nous pourrions éventuellement y implanter un projet d’étude. Au fil de la semaine nous découvrons une ville à deux facettes, une première en relation avec le tourisme et une autre qui reflète de manière plus significative la vie quotidienne des cubains. La première est généralement caractérisée par des axes piétons bondés, bordés par des commerces en tout genre et des bâtiments totalement restaurés. Lorsque l’on s’éloigne de ces axes caractéristiques, on se retrouve dans des rues moins fréquentées par le tourisme et dans un état de délabrement plus avancé. On y trouve des parcelles vides ou occupées uniquement par des ruines d’édifices qui se sont écroulés sur eux-mêmes, faute d’entretien. À mon retour à Québec, interloquée par cette ville à deux tempos, j’entreprends des recherches sur le fonctionnement de cette restauration et qui en sont les principaux acteurs. Afin d’approfondir ces recherches je suis retournée une deuxième fois à La Havane lors des fêtes de fin d’année. Durant cette période j’ai pu prendre contact avec des membres actifs de la restauration du quartier. Puis grâce à ces contacts, j’ai eu l’opportunité et la chance de pouvoir y retourner une troisième fois afin d’y effectuer mon stage de master. Celui-ci s’est déroulé dans le cabinet d’architecture havanais RESTAURA, aux côtés d’architectes et urbanistes cubains. Cette entreprise est chargée de dessiner et proposer des projets de restauration dans le quartier de la Vielle Havane. Ce qui m’a permis de rester dix semaines consécutives sur le territoire cubain. Expérience qui fut bénéfique, je l’espère, pour ce mémoire de recherche puisque j’ai pu vivre au cœur de la ville et parmi les cubains et ainsi découvrir où se trouvent les problématiques spatiales et sociales prédominantes. J’ai pu partager avec eux sur des problèmes économiques, sociaux et pour les plus téméraires, craignant moins le régime castriste répressionnaire, les problèmes politiques qui sévissent encore aujourd’hui. Enfin, j’ai choisi d’intégrer cette année le master AMTH avec mention Ville et Environnement Urbain axé sur le recyclage urbain. DEM qui me permet d’étudier de manière plus approfondi les enjeux urbains actuels et la reconversion possible des villes. Ce double-cursus aborde des thèmes brûlant d’actualité comme des pratiques de rénovation et de construction qui ne se contentent plus de préserver tel ou tel édifice ou quartier remarquable, mais prennent en considération leurs singularités paysagères et culturelles plus globales héritées de leur histoire économique et sociale. Des thèmes qui suivent, et orientent ce mémoire à travers diverses réflexions.

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane

5


États-Unis Floride Golf du Mexique

Océan Atlantique

Bahamas

CUBA Mer des Caraïbes

Amérique Centrale

Haïti République Dominicaine

6 Océan Atlantique

Golf du Mexique

LA HABANA

Mer des Caraïbes

Photos satellites de Cuba.

Source : GoogleEarth

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


I

N

T

R

O

D

U

C

T

I

O

N

Cuba compte environ 11 millions d’habitants répartis sur 110 000 km2, ce qui équivaut une densité de population pratiquement égale à celle de la France, 102 hab/km2 contre 112 hab/km2 en France. C’est un pays qui a su attirer mon attention de part sa singularité et sa culture hors du commun. Nous développerons tout au long de ce mémoire ce qui en fait un territoire si particulier et quelles grandes directions il a choisit d’intégrer à son programme de développement.

DUANY André (1997) The Future of Havana. Citation tirée de : COYULA M. (2000) El Futuro de la Ciudad. In : Hacia un Habitat Sustentable : Retos para el nuevo milenio, p. 14

« Il ne nous reste que La Havane… », des propos qui semblent bien éloignés de la réalité, lorsque l’on s’arrête à l’état de délabrement dans lequel se trouve La Havane aujourd’hui. On pourrait justement penser que c’est tout le contraire, il ne reste plus de Havane. Alors comment comprendre cette citation? En réalité, lorsque Duany André nous parle de La Havane il prend le parti de nous dire qu’il n’y a que La Havane qui ne s’est pas encore faite rattrapée par un système capitaliste, l’éloignant ainsi de toute forme de renouvellement urbain et principalement de l’élan destructeur des années 1960 qui a submergé les centres patrimoniaux latino-américains. Des propos pleins de vérités lorsqu’à travers cette formulation, il souligne la singularité de cette ville. Façonnée entre des siècles d’opulence et de disette, la Havane reste un lieu mystérieux où l’architecture coloniale espagnole se mêle au baroque du XIXème siècle et aux architectures des hôtels luxueux des années 50-60 sous le régime Batista. Il peut paraître redondant de dire que Cuba est restée figée dans une époque qui n’est plus la nôtre, pourtant après plusieurs voyages je trouve que cette expression et celle qui définit le mieux cette citée. Cette singularité et cet arrêt dans le temps sont liés à son histoire, complexe et unique. C’est pourquoi, il me paraît primordial d’en retirer les grandes lignes afin de comprendre tout le processus économique, social et politique qui en découle et qui constitue l’essence de sa situation actuelle.

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane

Introduction

« Solo nos queda La Habana... Los latinoamericanos hemos presenciado la pérdida de nuestra ciudades capitales. Caracas ha desaparecido, al igual que Ciudad de Mexico, Bogota y Río. Quito y Lima ya no son reconocibles. Incluso les presumidas Buenos Aires y Santiago de Chile estan sometidas a un asalto que les destruira. »

7


Rappel Historique

Introduction

À l’entrée de la ville, trône un édifice daté du XVIème siècle, le poste militaire de La Havane établis de 1500 à 1515, est loin d’être glorieux, du moins en terme éthique. Mis en place pour appuyer et gérer la colonisation, il représente le côté mercantile et brutale de cette économie. Durant cette période, La Havane sert de port de transit incontournable pour tout les marchands transportant l’or pillé au Mexique pour la ramener sur le vieux continent. Au XVIIème siècle, Cuba se voit en partie détruite suite au développement de la piraterie directement liée aux conflits d’intérêts entre la France, l’Angleterre, l’Espagne et la Hollande. Tous intéressés à asseoir leur position dans la mer des Caraïbes et ainsi profiter pleinement du triste commerce triangulaire développé lors de cette époque.

8

La situation s’améliore au XVIIème siècle avec la culture de la canne à sucre qui dote Cuba d’un pouvoir commercial à l’échelle mondiale. Au XIXème cet essor sera maximal, l’île entre alors dans une phase économique de prospérité sans précédent. Cependant la guerre d’indépendance qui durera de 1895 à 1898 met à sang le pays et toute son économie jusqu’à l’intervention des États-Unis. Cette période est aussi marquée par une dominance nord-américaine qui se caractérise par un fort investissement de leur part sur l’île. Les banques, les assurances et les firmes américaines deviennent le nouveau moteur économique de l’île. Essor qui se prolongera jusqu’en 1950 avec l’arrivée au pouvoir de Batista qui fermera les yeux et tirera des bénéfices colossaux de l’implantation du crime organisée dans la capitale. La Havane sera aux mains des plus puissants mafieux nord-américains, ils développeront l’univers du jeu, du trafic de drogue et de la prostitution. La capitale affiche alors 3 millions d’habitants répartis dans une ville à deux visages. L’une florissante et clinquante réservée aux riches américains venus dépenser leur dollar dans des casinos luxueux et occupant les hôtels les plus prisés de l’île. L’autre celle de la vraie Havane, avec des habitants en manque de services et d’équipements, qui voient leurs logements se dégrader peu à peu faute d’entretien dû au manque de ressource financière. À cette époque les inégalités sont énormes à La Havane et une forte ségrégation raciale prépare le terrain à une future révolution. Révolution qui ne tardera pas à arriver, puisque en 1959, les Barbudos menés par Fidel Castro, reprennent le pays et entrent à La Havane le 1er Janvier 1959 en héros. Batista prend la fuite la veille, laissant derrière lui pays en sous-développement caractérisé par une forte dépendance extérieure, comme la plupart des pays sud-américains. L’économie repose sur une monoproduction qui entraine une monoexportation et ainsi un marché unique. Rappelons qu’à cette époque les États-Unis contrôle 40% de la production sucrière, 50% des infrastructures ferroviaires de même que d’importantes parts dans le tourisme, l’industrie minière et pétrolière. De plus, 80% des importations proviennent des États-Unis et près de la moitié de ses exportations partent vers ce même pays. Autant dire que le lien économique qui unissait ces deux pays est fort, voir vital pour l’économie de l’un des deux. Unissait, car la révolution cubaine va renverser ses liens économiques et en 1962 suite à la nationalisation des entreprises américaines sur le sol cubain la mise en place d’un blocus économique des États-Unis envers Cuba est mis en place, embargo économique qui est à ce jour toujours en place en faisant l’un des plus long de l’époque contemporaine. Suite à ce blocus le pays cherche à développer sa propre La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


économie et met en place une série de réforme socialiste. Cependant toutes ces reformes se tournent vers le milieu rural, aux détriments de l’urbain, une fois de plus laissé à l’abandon et sans ressource financière pour son entretien.

À travers ce rappelle historique, j’ai voulu introduire un contexte économique, politique et social qui encore aujourd’hui reste sensible et difficile à comprendre, si l’on n’en connaît pas l’origine et le développement. Au vu de cette première introduction historique, qu’en est-il de Cuba aujourd’hui ?

Baie de La Havane au XVIème siècle. Source : https://argoul.com/tag/floride/

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane

Introduction

L’état de délabrement de la cité devient préoccupant et les havanais se voient logés dans des taudis aux allures de bidonville. Cette situation s’aggrave encore , elle prend une tournure dramatique en 1989 lorsque le développement progressif mais faible, qui jusqu’alors permettait la survie de l’île, s’écroule suite à la chute de l’Union Soviétique. Les effets sont dévastateurs pour Cuba qui du jour au lendemain perd son principal créditeur, ainsi qu’un marché qui représentait 85% de son commerce extérieur et couvrant la quasi totalité de ses besoins en énergie. Le pays est littéralement paralysé, les cubains sont soumis à des restrictions semblables à celle connu en période de guerre. En 1993, la situation devient critique au point qu’il est difficile de se procurer une aspirine ou une feuille de papier. Afin de remédier à l’effondrement définitif de l’économie, l’État entreprend un processus de réforme du fond du système, remettant en question notamment le monopole de l’État sur le commerce extérieur ainsi que le principe d’absence de propriété privée des moyens de production. Les diverses mesures permettent une lente amélioration des conditions de vie des cubains. Toutefois la société paie un lourd tribu de ces reformes, puisqu’une nouvelle fois une dualisation de la société est perceptible entre ceux qui ont accès au dollar et les autres laissés pour compte du nouveau système, plongeant la société dans d’immenses contradictions et incompréhensions, mais aussi dans un système de fraudes et de corruption.

9


Introduction

Situation actuelle

10

Depuis peu nous assistons à l’assouplissement du blocus économique instauré par les États-Unis, projetant Cuba sous les projecteurs, le pays a donc bon espoir de retrouver une économie stable et durable, mais rien n’est joué d’avance et il reste un chemin conséquent à parcourir pour y arriver. Pays en phase de transition depuis maintenant une vingtaine d’années, dans un processus de reconstruction dans tout les domaines de sa société, il peine à répondre aux besoins les plus élémentaires de sa population et de nombreuses familles vivent encore aujourd’hui dans une précarité alarmante (eau courante un jour sur deux, coupure de gaz et d’électricité régulières, difficulté pour s’approvisionner en nourriture tout les jours...). La société possède encore de fort marqueur du régime socialiste installé sur l’île, comme jusqu’à encore très récemment (2015), l’impossibilité de pouvoir vendre son logement mais de pouvoir simplement l’échanger avec un autre. Bloquant ainsi tout le système immobilier de l’île, aujourd’hui que ce marché commence à s’ouvrir, un flot d’investisseur fait son apparition à La Havane (notamment les canadiens) dans l’espoir d’y trouver le futur projet de vie ou d’y implanter une véritable entreprise touristique. Les affiches de vente des logements apparaissent à une vitesse incroyable dans les rues. Logements qui pour la plupart se trouvent dans des édifices en situation de délabrement extrême, les plus touchés devenant trop dangereux sont abandonnés, car ils menacent de s’écrouler. Au cours de promenade dans la ville, il est courant de rencontrer des édifices vides ou des parcelles inoccupées en plein cœur du centre ville. Sachant que les cubains ont du mal à se loger à la Havane, on assiste à un paradoxe poignant. Au delà des observations architecturales et du constat que l’on peut faire des rues havanaises, une fracture moins visible au premier abord mais tout aussi dangereuse et qui a tendance à se concrétiser ces dernières années. Fracture sociale Une fracture sociale se fait de plus en plus ressentir au sein de la communauté cubaine, entre l’ancienne génération née sous Castro ayant vécu la révolution et celle d’aujourd’hui ayant un accès « plus facile » aux moyens de communication elle prend plus facilement conscience du retard qui sévit dans leur pays. Cette génération qui voit également des membres de sa famille s’exiler soit de manière légale (mariage, étude à l’étranger, opportunité de travail...) ou illégale, qui bien souvent se termine malheureusement mal pour eux (fuite par la mer, pour essayer de rejoindre la Floride dans des embarcations de fortune). C’est une génération qui possède beaucoup plus de contact avec l’extérieur du pays et qui prend peu à peu conscience de ce qui se passe ailleurs. Fracture sociale qui se caractérise par un phénomène récent sur la scène cubaine. Depuis plus d’une dizaine d’années maintenant, le tourisme s’est développé à Cuba, rompant ainsi avec toutes les campagnes anti-cubaine. C’est un motif de satisfaction pour les autorités et les cubains. En effet, ils vivent sur une île, ils ce besoin d’avoir un dialogue permanent avec le monde qui les entoure. Les Cubains sont prêts au dialogue. Cependant, harcelés et assiégés par de multiples besoins, il est logique que le développement rapide du tourisme fasse ressortir des frictions et des situations complexes. Les touristes sont porteur d’une ressource financière dans cette société en crise. Ils sont ouverts aux touristes du monde entier, même aux États-Unis, qui pourraient bien devenir les principaux acteurs touristiques du La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


pays, une fois le blocus complètement levé. « Il est certain que le jour ou le blocus sera levé des centaines de milliers d’américains visiteront notre île. » (Eusebio Leal, entretien avec Salim Lamrani, dimanche 28 septembre 2014)

Tourisme qui se développe ces dernières années en partie grâce à un contexte de renouvellement et de changement urbain, eux-mêmes portés par un mouvement de restauration du patrimoine bâti. Permettant la mise en service d’hôtels et d’équipements pour accueillir le flot de touristes, qui se rend chaque année à La Havane. Restauration du patrimoine

Effondrements de bâtiment en plein cœur du quartier historique.

Source : https://hablemos-press.com

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane

Introduction

À travers ces quelques lignes dressant le portrait de la capitale cubaine, de sa situation social et économique, on peut facilement en déduire que ses habitants ont un besoin pressant de retrouver un cadre de vie sain pour pouvoir vivre sereinement afin de laisser un cadre de vie décent à leurs enfants et imaginer un possible futur dans leur pays. De plus, il existe de réels danger d’effondrement de certains bâtiments qui pourraient entraîner la mort de ses résidents. Des risques sanitaires sont à noter, face au manque d’équipement auquel fait face l’île. Depuis une dizaine d’année maintenant, une restauration de grande ampleur a commencé, et semble être partie pour durer encore de longues années. Les acteurs de la restauration tentent aujourd’hui de trouver des solutions face à cette précarité physique et sociale qui pèse sur l’environnement urbain de La Havane. Ceci engendre de nouvelle problématique puisque l’on aborde la question du patrimoine dans le cas du quartier de la Vieille Havane, cœur historique de la ville, le travail de réhabilitation se fait au travers de projet urbain qui se veut durable en termes sociaux, économiques et environnementaux. Au travers de ce mémoire j’ai voulu aller au cœur de ces projets pour en comprendre le fonctionnement, les attentes et les impacts qu’ils peuvent représenter pour la population locale.

11


QUESTIONNEMENTS

ET

P R O B L É M AT I Q U E

Au terme de cette introduction, il est possible de ressentir que Cuba se situe dans une position inconfortable. L’État fait faillite, l’économie est paralysée, le développement et la croissance du pays sont encore bien loin d’être amorcés. La population est confrontée à une situation de survie dans une ville de la taille de la ville de Lyon.

Introduction

Cependant au sein du centre historique, véritable cœur de La Havane, un nouveau souffle semble prendre possession de l’urbain. Un organisme privé a pris à cœur la restauration du quartier de la Vieille Havane et s’est donné comme objectif d’utiliser l’économie du tourisme afin de financer ce chantier. Cet organisme et le système mis en place posent de nombreuses questions auxquelles j’ai souhaité répondre au travers de cet exercice de recherche.

12

Dans un premier temps, il a été primordial de comprendre le système de construction de la ville et de son évolution. En effet, le développement et l’histoire au sein de ce quartier, le plus ancien de la ville, ont également été l’occasion de comprendre la spatialité même de cet urbanisme. Cependant à l’heure actuelle quel est l’état du tissu urbain ? Quels logements il propose à la population qu’il accueille ? Quels sont les enjeux et les défis de cet organisme de restauration ? Ensuite est venue la question de la restauration. Ce projet ambitieux de vouloir redonner un visage à la Havane est tout à fait impressionnant et louable dans ses intentions, mais qui est derrière tout ceci ? Comment un pays en faillite économique trouve les ressources capable de financer un projet d’une telle ampleur ? Pourquoi la restauration de ce quartier est mis en avant ? Quel est son plan de stratégie, ses ambitions et son système administratif ? Quel place le tourisme occupe dans cet organisme ? C’est au travers d’une seconde partie que nous tenterons d’apporter une réponse à ces questionnements. Enfin et après cette deuxième partie, il serait légitime de se demander, quel type d’urbain est généré par cette restauration ? Quels sont les éléments essentiels qu’ils ont choisi de mettre en avant ? Quels impacts en résulte ? Quels évolutions notables ce projet apporte à la population locale ?

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


H Y P O T H È S E S

D E

R É P O N S E

Après plusieurs voyages à la Havane, j’aurais fortement tendance à penser que le patrimoine havanais possède ce quelque chose en plus qui permet un accroissement de plus en plus important de la masse touristique à Cuba. Sa situation particulière autant sociale, qu’économique et politique en fait un sujet d’étude exceptionnel. De plus, depuis quelques temps les médias ne cessent d’en parler, renforçant une nouvelle fois, le désir de s’y rendre. Pourtant sur place rien ne semble avoir changé, la population est entrée dans une résignation et garde cette nonchalance typique du pays. Les nouvelles dynamiques sont contenues au sein des mêmes quartiers et semblent ne pas vouloir s’étendre.

Bien que diverses entreprises et organismes prennent à cœur le développement de la ville, le chantier est colossal et les répercussions paraissent minimales part rapport à l’espace de La Havane. De plus, l’alchimie entre le tourisme de masse annoncé et la réhabilitation du centre urbain semble poser une multitude de questions en ce qui concerne l’avenir. De part les expériences vécues en Europe ce désir d’accueillir toute cette masse touristique attendue à la Havane ne présage rien de bon et il serait à l’heure actuelle facilement envisageable de voir Cuba se tourner vers une politique de promotion immobilière. L’aseptisation des centres historiques que nous avons expérimenté en Europe face à un tourisme de masse se retrouverait également là-bas.

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane

Introduction

Certes quelques réformes en faveur de la population ont vu le jour, la population possède des conditions de vie nettement meilleure qu’il y a 20 ans mais tout évolue lentement et mise à part la très forte minorité de cubain qui ont réussi à tirer profit du tourisme, le reste de la population ne croit toujours pas à ses changements promis et annoncés. Je me demande même s’ils sont conscient d’être autant mis en avant sur la scène internationale. Le futur de l’île reste aujourd’hui incertain.

13


Sommaire 14

Bâtiment du centre historique abandonnÊ. Photo personnelle.

La rĂŠhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


S

O

M

M

A

I

R

E

INTRODUCTION 1 - La Vieille Havane ; décryptée son évolution historique singulière et comprendre sa situation actuelle 1.1 - Création et évolution de la structure urbaine 1.1.1 - Un système de places et d’espaces publics 1.1.2 - Le XXème siècle, la période ambiguë 1.1.3 - Détérioration du tissu urbain 1.2 - Situation actuelle et bilan 1.2.1 - Bilan spatial et social de la Vieille Havane 1.2.2 - Caractéristiques et constats socio-économiques actuels 1.2.3 - Les principaux défis à relever

2.2 - Comprendre la gestion d’une réhabilitation urbaine de grande échelle 2.2.1 - Fonctionnement et financement 2.2.2 - L’économie touristique à Cuba, facteur de développement urbain 2.2.3 - Auto-financement, comment ? 3 - Une stratégie urbaine et socio-économique à deux vitesses 3.1 - Redynamisation du quartier de la Vieille Havane 3.1.1 - Réhabilitation urbaine du centre ancien 3.1.2 - De nouveaux habitats pour la population locale 3.1.3 - Nouvel essor socio-économique 3.2 - Création d’un déséquilibre social et spatial conséquent 3.2.1 - Patrimoine et tertiarisation 3.2.2 - Patrimoine, tourisme et population 3.2.3 - Des opérations imposées, une population désabusée 3.2.4 - Une périphérie marginalisée, abandonnée CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE - WEBOGRAPHIE

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane

Sommaire

2 - La réhabilitation urbaine du centre historique 2.1 - Le Plan Maestro : un système exemplaire ? 2.1.1 - Présentation du plan directeur 2.1.2 - Stratégies d’action énoncées 2.1.3 - Le principal acteur : la Oficina del Historiador

15


Évolution historique et situation actuelle

Détroit de Floride

16 Photos satellite de La Havane

Source : GoogleEarth

Zone d’étude : Vieja Habana

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


1 - LA HAVANE ; DÉCRYPTÉE SON ÉVOLUTION HISTORIQUE SINGULIÈRE ET COMPRENDRE SA SITUATION ACTUELLE

«musée à ciel ouvert».

Jean Nouvel lors de son passage en 2006 à La Havane où il a reçu un doctorat honoris causa de l’Institut supérieur des arts de Cuba

L’architecture y tient une place toute particulière et nous offre un véritable catalogue des différents styles qui se sont succédés au cours de son développement historique. Au cours de ce chapitre nous allons premièrement retracer succinctement l’évolution du quartier de la Vieille Havane, qui a commencé à se développer avec l’arrivée des colons espagnoles sur l’île. Au fil du temps, le centre historique va prendre une valeur commerciale et se positionner comme un point stratégique militaire pour tout le commerce triangulaire. Dans un second temps nous dresserons un portrait de la situation actuelle de la ville. Cette description nous permettra d’identifié les enjeux et les véritables dilemmes auxquels la ville est confrontée, mais également à saisir le contexte particulier d’étude qu’a représenté Cuba au cours de ce mémoire.

La Havane ; décryptée son évolution historique singulière et comprendre sa situation actuelle

Évolution historique et situation actuelle

Les différentes périodes de l’histoire et ses nombreux aléas sont gravés au sein de la morphologie même de la ville. La Havane compte au jour d’aujourd’hui 3,7 millions d’habitants ce qui en fait la ville la plus peuplée des Caraïbes. Elle s’étend sur 720 kilomètres carrés, ce qui revient à une ville de densité semblable à celle d’Istanbul. Elle est le centre du gouvernement cubain, et de nombreux ministères y sont basés. C’est aussi le centre économique et culturel de l’île. Fondée en 1519 par les espagnols, elle passera aux mains des britanniques, des français ainsi que des américains pour retrouver son indépendance en 1959 lorsque Fidel Castro triomphe de la révolution cubaine. Cette ville, figée dans les années 60-70, nous offre l’occasion de visiter un véritable

17


1 - Plaza de Armas 2 - Plaza Vieja 3 - Plaza San Francisco 4 - Plaza de la Catedral 5 - Plaza del Cristo 6 - Parque Central 7 - Paseo del Prado

Évolution historique et situation actuelle

7 4 1

6

3 5

2

18

N

Plan de la ville de La Vielle Havane daté de 1853.

Source : https://norfipc.com

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


1.1

Création et évolution de la structure urbaine

Au sein de sa structure urbaine ce sont cinq siècles d’histoire qui se lisent, s’entrecroisent et se mêlent pour donner lieu à un tissu hétérogène. Le quartier de la Vieille Havane est un morceau de ville extraordinairement bien «conservé» (nous comprendrons le sens de ce mot plus tard), il mélange les différents styles. Allant du néoclassique au moderne en passant par le baroque, l’homogénéité ne fait pas partie de son vocabulaire urbanistique.

1.1.1 Un système de place et d’espace public

La Plaza de Armas (no1), était le siège des exercices militaires au XVIème siècle, elle devient au XVIIIème siècle le siège de l’administration Havanaise, elle est étendue et embellie par les nombreux palais édifiés sur ses pourtours. En 1943, la place est réaménagée selon l’esprit romantique du XIXème siècle. Aujourd’hui aménagée avec un jardin et des fontaines, elle est le rendez-vous des touristes, qui pourront acheter toute sortes de « véritable journal du Che » que l’on peut trouver sur les étals des vendeurs à la sauvette qui bordent la place. On y trouve également le Museo de la Ciudad dans l’ancienne résidence des capitaines généraux, l’Hotel Santa Isabel, installé dans la demeure néoclassique du comte de Santovenia ainsi qu’une allée de restaurant destinés uniquement aux touristes, car les prix sont inabordables pour les locaux. En ce qui concerne la Plaza Vieja (no2), elle possédait une vocation bien moins noble à son aînée puisqu’elle abritait le commerce d’esclaves puis le marché couvert détruit au XXème siècle. Entourée principalement d’immeubles domestiques elle a toujours occupée le devant de la scène sociale du centre historique. Débarrassée de son parking souterrain en 1952, elle a été totalement réaménagée comme autrefois retrouvant ainsi son caractère historique. Les bâtiments qui l’entourent ont tous été restaurés et reconvertis en musées, boutiques et restaurants pour ce qui est du rez-de-chaussée. Les étages accueillent quant à eux des appartements pour les touristes et parfois pour les locaux. Une fontaine en marbre occupe désormais le centre de la place, trône en son centre. Elle a cependant été clôturée avec une haute grille de protection. Certains affirment qu’elle a été érigée parce que la population locale souffrait d’une défaillance d’approvisionnement en eau potable et venait se servir en eau avec des seaux dans la fontaine. Image que la ville avait du mal a accepté dans le berceau de la Havane qui se veut propre et touristique. La Havane ; décryptée son évolution historique singulière et comprendre sa situation actuelle

Évolution historique et situation actuelle

La trame urbaine du centre historique repose sur un système d’espaces publics, dont la colonne vertébrale se trouve être un système de places, voir de placettes. Ces lieux étaient premièrement destinés à la négociation des marchands, à la prière pour certains ou encore à la contemplation pour d’autre. Suivant leur positionnement au sein de la trame les places accueillent des programmes et des personnes différentes. Au XVIIème siècle, la Havane compte déjà trois places publiques : la Plaza de la Iglesia (actuelle Plaza de Armas) construite en 1559, la Plaza Nueva, (actuelle Plaza Vieja) construite en 1600 ainsi que la Plaza San Francisco construite en 1628. Au fil des années, deux nouvelles places sont créées : la Plaza de la Ciénaga (actuelle Plaza de la Catedral) et celle de Santo Cristo del Buen Viaje toutes deux construites aux alentours de 1640, (voir plan ci-contre).

19


Évolution historique et situation actuelle

La construction de la Plaza de San Francisco (no3), remonte à l’année 1628. Ce nom lui fut donné suite à la construction de l’église San Fransisco de Asis, elle-même construite en 1738. Le bâtiment de la douane et la Lonja des Comerci (la bourse) lui donne un côté administratif plus que religieux. La place est située dans un lieu stratégique car située aux portes du port de croisière. Elle constitue une entrée de ville pour les passagers des paquebots à destination de La Havane. De part cette position stratégique, elle a été une des toutes premières place à être restaurée. Aujourd’hui on y trouve différentes activités liées principalement au tourisme, tel que des banques, des commerces, des restaurants et l’église ouverte au public.

20

La Plaza de la Catedral (no4), s’est construite petit à petit. Au début elle n’était qu’un terrain boueux et sans attrait, puis lorsque l’église située sur la place fut consacrée cathédrale, la place a connu un renouveau. Petit espace quasi-clos, entouré d’édifices à portiques et de balcons en fer forgé, cette place est l’un des espaces publics de la ville avec le plus de charme. Aujourd’hui elle accueille, la cathédrale, le Museo de Arte ainsi que des restaurants et des cafés, principalement à destination des touristes. Un organisme responsable de la réhabilitation du centre historique de la ville a pris place au sein de cet espace public : la Oficina del Historiador. Au fil du temps et conjointement au développement urbain et à la croissance démographique importante d’autres espaces publics ont vu le jour comme la Plaza del Cristo (no5). Toute récemment réhabilitée. Lors du processus de démolition des murailles qui survint au XIXème siècle, les espaces libérés ont permis la création de nouveaux espaces publics significatifs : el Parque Central (no6), construit en 1877 et el Paseo del Prado (no7), construit en 1834. Ces deux espaces sont aujourd’hui des lieux symboliques et très fréquentés par les cubains. Des expositions en plein air y ont lieux, des évènements internationaux (défilé Chanel 2016) mais ils participent surtout au quotidien de la population qui s’y rencontre pour échanger, flâner et jouer aux dominos.

Parque Central

Paseo del Prado

Le développement de la ville s’est ainsi fait, par la création d’espaces publics remarquables, mis en relation à l’aide d’un maillage de rues orthogonales. À partir de la Plazas de Armas, la Vieille Havane a été pensée et dessinée selon un plan en damier, comme quasiment toutes villes colonisées par les espagnols de cette époque. On en retrouve dans toute l’Amérique latine et en grand nombre. L’organisation des rues prônent le fonctionnalisme mais représentent également le pouvoir du colonisateur. Nous verrons comment cette urbanisme quasi mathématique a su être profitable au futur redéveloppement de la ville. Cet ensemble lui même intégré à son système de fortification (la Real Fuerza, los Tres La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


Plaza de Armas avant

Plaza de Armas aujourd’hui

Plaza Vieja avant

Plaza Vieja aujourd’hui

Source : http://santidadencuba.html

Source : Photo personnelle

Source : Photo personnelle

Plaza San Francisco avant

Plaza San Francisco aujourd’hui

Plaza de la Catedral avant

Plaza de la Catedral aujourd’hui

Source : http://www.habanaradio.cu

Source : https://s-media-cache-ak0.pinimg.com

Source : Photo personnelle

La Havane ; décryptée son évolution historique singulière et comprendre sa situation actuelle

Source : http://placecuba.com

Évolution historique et situation actuelle

Source : https://www.loc.gov.html

21


Reyes del Morro et San Salvador de la Punta).

Évolution historique et situation actuelle

1.1.2 Le XXème siècle, la période ambiguë

22

Le XXème siècle insuffla premièrement un regain d’intérêt pour le centre historique de la ville. Lors de l’avènement de la république en 1902, le centre reste le lieu le plus prestigieux de la ville. Au cours des 20 années qui suivirent, l’image du centre change beaucoup. De nouvelles constructions architecturales prennent place au sein du tissu urbain. Mais malgré ces nombreux apports, la Vieille Havane conserve toute sa splendeur et sa sobriété, mêlant modernité et tradition avec brillo. Dans les années 1930, faisant l’objet de peu d’attention dans les nouveaux plans d’aménagement de La Havane mais aussi à cause d’un manque d’entretien, le centre historique se détériore peu à peu. C’est alors que dans les années 1940, se lève une nouvelle génération issue des arts et de la littérature, qui prend en charge et à cœur la restauration du quartier. C’est donc en cette période qu’est fondée la Oficina del Historiador de la Ciudad de la Habana (OHCH). Emilio Roig Leuchsering en prend la direction et c’est à ce moment que naissent les idées qui ont rendu possible, par la suite, la protection du patrimoine havanais. Dans les années 1950, des destructions de grandes importances ont lieu. Le cas du Covento Santo Domingo, siège de l’Universidad Real des années 1728 jusqu’en 1842, reste le plus marquant de cette période. Cette destruction laisse place à un bloc carré vitré accueillant des bureaux. Aujourd’hui les acteurs de la réhabilitation ont pris conscience de la perte que cela a entraîné pour l’ensemble du quartier. Avec le recul des années, il y a une prise de conscience de l’appauvrissement architectural que cela a entraîné. Ainsi depuis quelque temps un programme socioculturel et immobilier cherche à modifier ce complexe.

« L’œuvre la plus belle est la transformation en cours de l’ancien monastère de Santo Domingo qui, en partant du passé, de la recherche des racines, marche vers l’avenir, vers une nouvelle image, vers des objectifs nouveaux puisqu’il y aura une bibliothèque ainsi que nos archives, un cinéma consacré à l’art, à la culture, à l’écologie, à la photographie, une grande salle de conférences. Et ce sera dans un avenir proche ; le clocher est terminé, la cloche de la première université de La Havane y occupe de nouveau sa place et l’on y verra l’an prochain un grand site archéologique qui donnera lieu à une nouvelle place entre le monastère et l’ancien palais de gouvernement » Citation d’Eusebio Leal tirée de http://www.granma.cu/frances/2004/junio/lun28/27anda.html

La volonté d’utiliser le verre comme matériau de façade est justifié par l’effet de réflexion qu’il produit, reproduisant ainsi l’image des édifices alentours. La tour du couvent a été reproduit à l’identique à l’endroit même de l’ancienne. Seul les matériaux changent pour un effet qui pourrait être discuté. Aujourd’hui ce lieu est très fréquenté non pas pour son architecture mais puisqu’il se situe dans une zone La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


touristique et également car s’y trouve un point wifi, très prisé des cubains. L’arrivée de l’insurrection révolutionnaire en 1959 ne permet aucune amélioration au contraire. Le quartier de la Vieille Havane est complètement laissé à l’abandon au profit de la campagne et de la production agricole. Le quartier historique n’intéresse absolument plus les dirigeants, il ne se préoccupe plus de la détérioration grandissante qui sévit. Notamment par manque d’entretien mais aussi dû au simple passage du temps et des intempéries. Les choses empirent avec la rupture des relations diplomatiques entre Cuba et les États-Unis et la mise en place du blocus économique. La vie socio-économique en prend un coup, les magasins se vident, les produits du quotidien se font rare, tout dépérit.

Évolution historique et situation actuelle

Il faut attendre 30 ans avant que naisse un regain d’intérêt pour la préservation du patrimoine. L’accent est mis sur les aires historiques, contrairement aux décennies précédentes qui proposaient la construction d’édifices modernes. Le plan d’action de la Vielle Havane se concentre sur des axes à fort potentiel de développement

23

100m

150m

200m

N

Carte des 4 axes forts cités ci-dessus en lien avec les places et espaces publics vus précédemment.

tels que : les rues Oficios, Mercaderes, Obispo, et O,Reilly mais aussi sur certaines places : la Plaza de la Catedral, de Armas et Vieja. Nous pouvons d’ores et déjà souligner que les axes forts ont tous été choisis afin de mettre en relation les différents espaces publics présents au sein du quartier. Ce choix est une façon de créer des cheminements piétons orientés et contrôlés par la ville. Nous étudierons cette hypothèse dans une prochaine partie de l’analyse. En 1978, une nouvelle étape est franchie et la Commission Nationale déclare le centre historique de la Havane, monument national. Quatre années plus tard c’est l’UNESCO qui déclare le centre historique et ses fortifications comme Patrimoine Culturel de l’Humanité, ce qui la place en 27ème position sur la liste du Patrimoine La Havane ; décryptée son évolution historique singulière et comprendre sa situation actuelle


Mondial. On croirait presque à l’amélioration des conditions de vie de la population. De nouveaux logements son crées, les anciens sont quelquefois réhabilités et les édifices qui menacent de s’effondrer son étayés.

Évolution historique et situation actuelle

Ce répit est de courte durée puisqu’en 1989, survint la désintégration du bloc socialiste. Cet événement marque le début de la période spéciale à Cuba et affecte durement la population. Le plan de récupération et de restauration est mis à l’arrêt, faute de moyen. Cependant la Oficina del Historiador subsiste et fait de la sauvegarde de ce quartier sa priorité en rédigeant le cadre législatif et les moyens de financement de ce vaste projet.

24

1.1.3 Détérioration du tissu urbain 
 Aujourd’hui de nombreux stigmates sont encore visibles dans la ville. Le tissu urbain est incomplet, très fortement dégradé. Les causes sont multiples et peuvent expliquer ce délabrement. Évoquons premièrement la ségrégation résidentielle qui a marginalisé les quartiers centraux au profit de l’expansion résidentielle de l’élite sur les collines à partir du XIXème siècle. Ajoutons à cela les causes naturelles, Cuba se situe dans les tropiques, il arrive que l’île soit balayée par des cyclones violents et destructeurs. La Havane est quant à elle située en front de mer, l’action de la brise marine chargée de sel corrosif et un vrai calvaire pour les édifices en béton. Il existe également une forte pollution des eaux et de l’atmosphère liée à l’essor des activités portuaires et industrielles. Puis vient le désintérêt de la part du secteur privé et public qui entraînaient un manque de moyen, ce qui a joué un grand rôle dans l’altération du tissu urbain. Pour terminer soulignons les conséquences importantes que l’exode rurale a eu sur le quartier. En effet, la paupérisation de la population a progressivement amené à une densification du centre et à une détérioration de la condition de vie des habitants. Les appartements sont redécoupés au gré des besoins de la famille. Des mezzanines en bois sont ajoutées afin que tous aient un semblant d’intimité. Les pièces ainsi réaménagées, ne sont pas prévues pour ces types de transformations et la population se retrouve très vite sans arrivée d’eau ou sans ventilation. Aujourd’hui encore ces conditions demeurent et bien des logements sont dans des conditions de détérioration extrême et sans nom. Le centre historique s’est longtemps caractérisé par son état de délabrement important, le nombre excessif de ces édifices en ruines mais aussi et surtout par le manque de service rendu à la population et l’état de vie précaire auquel font face une majorité de cubain. Cette situation architecturale complexe - car liée à de graves problèmes économique et politiques - a nécessité la création d’une nouvelle entité portée par la Oficina del Historiador dont on étudiera le fonctionnement en deuxième partie de ce mémoire. À présent que nous avons survolé le développement spatial et social du quartier, intéressons-nous à son état actuel.

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


Évolution historique et situation actuelle 25

Inondations suite aux cyclones sévissant à La Havane. Son littoral ouvert et non protegé favorise la pénétration de l’eau au coeur de la ville.

Source : http://www.granma.cu/

État des logements encore habités dans certaines zones du quartier. Les circulations sont reconstruites en bois avec ce qu’ils ont et menacent de s’écouler. Source : Photo personnelle

La Havane ; décryptée son évolution historique singulière et comprendre sa situation actuelle


1.2

Situation actuelle et bilan

Après une courte présentation du quartier historique de La Havane, nous aborderons les caractéristiques et les constats actuels qui en font une capitale particulière aux yeux du reste du monde. Pour compléter ce propos, nous élaborerons un recueil de données chiffrées qui témoignent des conditions auxquelles est confrontée la ville par rapport au vu des population locales et étrangères. Enfin dans une dernière partie nous parlerons des futurs enjeux auxquels a à faire face le bureau en charge de la restauration et le gouvernement cubain de manière plus générale.

Évolution historique et situation actuelle

1.2.1 Bilan spatial et social de la Vieille Havane

26

Avec 4,2km2 La Habana Vieja est l’une des quinze municipalités qui composent la province de la ville de la Havane. Son histoire et sa position stratégique sur le territoire (centrale, près de la mer, en bordure de la baie,...) en font un territoire propice à un futur développement économique. Le centre historique de la ville de la Havane, occupe quant à lui un territoire de 2,14 km2 et se décompose en sept districts : Talla Piedra, Jesus Maria, San Isidro, Belen, Plaza Vieja, Catedral et Prado, avec un représentant pour mille habitants, siégeant dans des assemblées générales du pouvoir populaire Nous pouvons constater que le centre est composé de deux parties distinctes clairement différentes d’un point de vue urbanistique (voir carte ci-contre) : 1 - la cité antique intramuros et 2 - la frange qui l‘entoure et qui fut urbanisée lors de la démolition des murailles au XIXème et XXème siècle. La première zone s’étend de la baie de la Havane jusqu’à l’axe que représentait les fortifications, aujourd’hui l’avenue de las Misiones et les rues Monserrate et Egido, actuelle Avenida Belgica. La deuxième zone s’étend depuis le château de San Salvador de la Punta au Nord jusqu’à la station de train de la Estacion Central de Ferrocarril au Sud, et est limitée à l’ouest par le célèbre Paseo del Prado et son extension naturel qui s’étend jusqu’à la rue Cardenas. Cette zone comprend bien évidemment les espaces publics importants tels que : el Parque Central, les alentours del Capitolio et el Parque de la Fraternidad. Comme souligné précédemment ces deux zones furent déclarées Patrimoine Mondial de l’Humanité par l’UNESCO. En 2001 on ajouta à ce plan de conservation le célèbre front de mer emblématique : el Malecon, et en 2003 le pittoresque Barrio Chino, ces deux nouvelles zones toutes deux voisines aux premières. Structure territoriale en chiffres :

Superficie totale du centre historique : 214,0 ha Superficie totale des pâtés de maisons : 173,3 ha (81%) Superficie des pâtées de maisons construit : 128,3 ha Superficie des parcs et espaces publics : 18,4 ha Autres (grandes installations et espaces portuaires) : 26,6 ha Superficie du réseau routier : 40,7 ha (19%) Source : Master Plan, oficina del Historiador

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


12 4 8 9 1

5 6

3

2

13 11

10 7

15

14

1 - Playa 2 - Lisa 3 - Marianao 4 - Plaza 5 - Cerro 6 - Diez de Octubre 7 - Arroyo Naranjo

Carte des quinzes municipalités composant La Havane.

2

1

Évolution historique et situation actuelle

8 - Centro Habana 9 - HABANA VIEJA 10 - San Miguel del Pardon 11 - Guanabacoa 12 - Habana del Esta 13 - Regla 14 - Boyeros 15 - Cotorro

27

Centre historique et extensions du plan de conservation aux autres quartiers.

Havane intra-muros Ancienne muraille

El Malecon El Barrio Chino

Centre Historique

Anciennes fortifications

La Havane ; décryptée son évolution historique singulière et comprendre sa situation actuelle


Le territoire du centre historique est dense, et très construit, il est composé de 3 370 édifices principalement des immeubles, avec une majorité de plus de trois étages. C’est en grande majorité une architecture domestique, mais regroupant plusieurs types d’activités importantes.

Évolution historique et situation actuelle

Le centre historique compte une population de 66 752 habitants, c’est environ 4,4% de la population totale de la ville de la Havane. C’est également 12,8% du total des actifs, 16% de la production marchande et représente 26,5% de l’activité commercial. Plus de la moitié de de cette population se situe dans la tranche d’âge des 15-59 ans (64,7%). C’est une population qualifiée qui a fait des études et possède en moyenne une majorité de personnes atteignant un niveau d’éducation moyen supérieur (pré-universitaire, formation technique moyenne...).

28

1.2.2 Caractéristiques et constats socio-économiques actuels

Dans la plupart des secteurs privés, la population est poussée à trouver ses propres moyens pour subvenir à ses besoins. Ainsi des méthodes plus ou moins légales se développent, certaines arrivent à leur fin d’autres sont rapidement stoppées par le régime communiste qui régit le pays. Le logement en ait un bon exemple. Malgré les régulations étatiques misent en place depuis l’arrivée au pouvoir du commandant Fidel Castro, maintenant un prix du sol extrêmement bas, ainsi que l’interdiction de changer de logement entre particuliers, on assiste depuis plusieurs années au développement d’un marché immobilier parallèle visant à répondre à la demande dans ce secteur. Pendant plusieurs décennies, les ventes immobilières étaient interdites, seul le troc était toléré. Le résultat fut qu’un vaste système d’échange baptisé « permuta » s’était mis en place. Généralement, il s’agissait d’échanger un bien en bon état contre une propriété plus vaste mais nécessitant des travaux. Depuis 2011, il est désormais possible aux Cubains de vendre et acheter des maisons et autres immeubles. Mais l’organisation de ce marché se fait à petit pas. En 2015, une émission canadienne présentait les agences immobilières les plus développées de la ville. L’une d’entre elle, répertoriait 2 300 propriétés et en aurait vendu 800 en moins d’un an. Une seconde, située dans le cœur historique de la capitale cubaine, semble se spécialiser dans les logements pouvant être loués uniquement aux touristes. De nouvelles voies sont misent en place en vue de répondre à la désastreuse pénurie de ressources matérielles, énergétiques et financières. En matière d’énergie, les cubains sont loin de posséder une voiture par foyer, ainsi la bicyclette et la marche à pieds sont les moyens de transport les plus utilisés. En ce qui concerne les réseaux techniques, les coupures de courant et de gaz sont récurrentes, l’eau courante n’est pas encore présente dans tous les foyers, loin de là, elle est souvent acheminée par camion qui la redistribuera aux habitants dans des cuves de métal ou de plastique pour les mieux lotis. Dans les campagnes, le recours aux animaux (chevaux, bœufs) sont toujours utilisés pour se déplacer. Les transports en commun sont présents mais ne répondent pas aux besoins de la population grandissante. Les bicy-taxi sont des moyens de transport typique dans le centre ville de la Havane, consistant à se faire transporter d’un point A à un point B par une personne qui utilise un vélo à trois roues équipé d’une banquette arrière pouvant accueillir jusqu’à deux personnes. Le recours à l’agriculture urbaine est devenue une normalité, un système de jardins urbains est mis en place afin de satisfaire l’auto-alimentation de la capitale en fruits et légumes, qui seront par la suite vendus dans la rue. La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


Population en milliers

Graphique évolution de la population du quartier depuis 1778.

Source : A Singular Experience ‐ Appraisals of the Integral Management Model of Old Havana, World Heritage Site, UNESCO, Master Plan (Office of the City Historian), 2006. TYPOLOGIE DES ÉDIFICES Édifices selon la typologie fonctionnelle

Évolution historique et situation actuelle

Années

29

Domestiques Civile publique Productive Religieuse Militaire Indéfinie Parc et jardins Ligne côtière Limite du Centre historique

Carte de la répartition des différents édifices de la Vieille Havane selon sa typologie.

Source : A Singular Experience ‐ Appraisals of the Integral Management Model of Old Havana, World Heritage Site, UNESCO, Master Plan (Office of the City Historian), 2006.

La Havane ; décryptée son évolution historique singulière et comprendre sa situation actuelle


Évolution historique et situation actuelle

De manière synthétique, les principales carences relevées dans ses domaines sont résumées dans un document écrit et publié par el Grupo para el desarollo Integral de la Capital :

30

-Pollution environnementale par le bruit, pollution de l’eau (rivières, aquifères souterraines, baies...), inondations et érosion marine ; -Détérioration et faible distribution des espaces verts ; 
 -Détérioration de l’habitat, caractérisé principalement par le mauvais état des réseaux techniques (eau, électricité), le manque d’entretien et de réparation, le faible standard de construction initial associé à une typologie spéculative et improvisée, pauvreté du confort bioclimatique (aération et illumination) ; 
 -Usage de combustibles domestiques inappropriés tel le kérosène, causant d’autres nuisances ; 
 -Pauvreté de biens de première nécessité ; 
 -Carence des transports publics ; 
 -Mauvais état des infrastructures hydrosanitaires urbaines (fuites, fréquentes coupures d’eau, traitement inadéquat des eaux usées), auquel il faut ajouter les coupures d’électricité ainsi que la crise du téléphone, portant un coup supplémentaire à la qualité de vie des gens ; 
 -Le déficit d’infrastructures de collection des déchets solides et des nettoyages des espaces publics ; 
 -Le mauvais fonctionnement des services de base à la population, notamment alimentaires, mais touchant aussi des secteurs-clefs de la révolution tels la santé et l’éducation. Voici les principaux constats que l’on peut découvrir au travers des écrits mais aussi et également à travers les témoignages de la population cubaine et de l’expérience que j’ai pu en tirer là-bas. Durant mon stage à La Havane j’ai choisi de louer un appartement dans la périphérie et non dans le centre historique. Il arrivait plusieurs fois par nuit qu’il y ait des coupures d’électricités, le principal inconvénient étant que la climatisation de fortune avec laquelle j’étais équipée s’arrêtait parfois plusieurs heures. Il serait possible de se passer de la climatisation si les logements étaient pensés avec une aération naturelle viable et efficiente, mais la sur-densité des logements et le manque de moyen font que la plupart des logements ne possèdent que peu d’ouverture sur l’extérieur. L’eau a été le deuxième problème le plus important rencontré sur place. Il faut savoir que dès que l’on s’éloigne du centre historique, les infrastructures de la ville sont de moins bonnes qualités. Ainsi, l’eau n’arrivait que pendant la nuit et je devais penser à fermer et ouvrir des robinets afin que mon stock d’eau soit rempli pour le lendemain. L’eau de la ville arrive et rempli un baril en métal extérieur qui redistribue l’eau dans la maison. Si J’oubliais de faire la manipulation, aucun espoir d’avoir de l’eau le lendemain, ce qui complique sérieusement les choses. Pour avoir vécu dans le centre historique je peux dire que je n’ai jamais eu ni coupure d’électricité, ni coupure d’eau dans les locations que j’ai occupé. Des différences notables sont à remarquer et à soulever. La principale raison étant que le centre ville accueille la majorité des touristes, la ville met donc tout en œuvre pour limiter les désagréments liés aux infrastructures défaillantes. La périphérie quant à elle attendra bien quelques années (décennies ?) de plus pour oser espérer un changement de situation et de minimum vital.

1.2.3 Les principaux défis La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


Évolution historique et situation actuelle 31

État du logement dans le quartier de la Vieille Havane. Photos personnelles. La Havane ; décryptée son évolution historique singulière et comprendre sa situation actuelle


Évolution historique et situation actuelle

Intéressons-nous maintenant aux problèmes soulevés au cœur du quartier historique. L’un des principaux défis auxquels sont confrontés les acteurs de la restauration est bien sûr le taux élevé de l’indice de détérioration du patrimoine bâti et également des réseaux techniques (eau, téléphone, gaz, électricité...). Comme énoncé plus tôt, ce qui est alarmant est cette statistique qui enregistre que tous les trois jours à lieu deux effondrements de bâtiments. Bien que ces données concernent la ville toute entière, on imagine assez facilement que le Centre Historique est le plus touché par ces effondrements, dû a son fort état de délabrement. La situation est amplifiée par la période des cyclones. Si l’on regarde les graphiques on constate que ces chiffres se dégradent au cours du temps. En 1998, on comptait 146 effondrements par année, en 2003 on en comptait 452 soit trois fois plus. Si aujourd’hui ce chiffre s’est stabilisé et a même régressé, on dénombre toujours des victimes de ses effondrements.

32

Marquée par presque deux siècles de marginalisation et de sur-occupation, le territoire se caractérise en grande partie par les mauvaises conditions de vie des habitants. La Vieille Havane regroupe presque 22 516 logements, un tiers sont des apartementos en grande partie destinés au tourisme et plus de la moitié sont des ciudadelas (immeubles regroupant plusieurs logements spontanés), ce qui signifie : entassement et taudification. Selon un sondage effectué au sein des habitants du centre historique 73,1% des problèmes mentionnés au sein du quartier demeurent l’état des habitations, en deuxième position arrive le manque d’hygiène (40,6%), puis vient les irrégularités d’apport en eau (28,4%), enfin en dernière position le déficit d’équipements types gastronomiques et récréatifs (20,8%) accessible a la population locale ainsi que le manque d’installation sportive (6,3%). Un autre sondage réalisé en 2001, énonce que 43,3% des habitations posséderaient une toiture défectueuse, 39% des fissures importantes dans les murs et 22% des effondrements partiels du sol. L’eau pose une autre problématique importante, ainsi ce sont 21,1% des logements qui reçoivent de l’eau par un robinet extérieur, 50,1% qui ont un apport en eau irrégulier et 33,6% doivent encore transporter de l’eau manuellement. En ce qui concerne les sanitaires, 20,1% certains logements ne possèdent toujours pas de sanitaires à l’intérieur de leur logement et 24,3% ne possèdent ni douche ni baignoire. Pour combler ce manque, les cubains tentent de palier à ces problèmes en ajoutant des étages improvisés (barbacoa : mezzanine en bois qui permet plusieurs couchages supplémentaires), 51% des logements en sont équipés. Ils se construisent également des cuisines (20,4%) et des salles de bains (18,1%) de fortunes. Quant à la population, bien qu’elle souffre des problèmes soulevés précédemment, elle apprécie la centralité et la valeur historique de son quartier. Enfin c’est ce qu’ils vous diront, ce qui les pousse à rester, pour la grande majorité, c’est la proximité avec le tourisme et ce que peut leur apporter cette manne financière. Beaucoup de résident du quartier tente de trouver les fonds pour restaurer eux-même leurs maisons et ouvrir une maison d’hôte. D’autres sont embauchés par des restaurants, hôtels, cafés touristiques et s’assurent ainsi un salaire 5 fois voir 10 fois plus élevé que la moyenne. Ceux qui ont la chance d’avoir un rez-de-chaussée sur rue ouvre des petits commerces de proximités, parfois à destination de la population locale mais ils rêvent tous d’atteindre une population étrangère qui leur assurerait de meilleures conditions de vie. La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


A

ACO

B BAR

CA

PLA

Mezzanine en bois ajouté aux appartements trop petits.

Étage rajouté dans les maisons de maître de l’époque coloniale.

A

ERI

RT CUA

L’escalier initialement intérieur est déplacé à l’extérieur. Deux espaces distincts sont donc créés.

Sous-division d’un hôtel particulier afin de logé plusieurs familles dans une maison.

Évolution historique et situation actuelle

DE ION N S I DIV AISO M LA

33

N NT ISIO DIV TEME R PPA D’A

EN ETA CAS OTEA AZ

Redivision d’un appartement si pas de possibilité de faire de mezzanine.

N

CIO

LIA AMP

Extension sur le toit des maisons existantes.

Extension où ils peuvent en faire afin d’agrandir l’existant ou créer du neuf.

ELA

C

AD IUD

Consiste en une succesion de logements autour d’une cour centrale. Initialement maison de maître coloniale.

Différents redécoupages des maisons afin de palier aux manques d’espaces des habitats cubains. Schémas personnels. La Havane ; décryptée son évolution historique singulière et comprendre sa situation actuelle


Évolution historique et situation actuelle 34

Prises de vue réalisées dans le quartier de la Vieille Havane. Photos personnelles.

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


Au cours de cette deuxième partie nous étudierons ces questions et tenterons d’y apporter une réponse. Dans un premier temps nous expliciterons la stratégie engagée pour réhabiliter le centre historique. Puis nous nous intéresserons à tout ce qui ce rapporte à la gestion d’une opération de réhabilitation urbaine au regard de celle mise en place à La Havane.

La Havane ; décryptée son évolution historique singulière et comprendre sa situation actuelle

Évolution historique et situation actuelle

La Havane est une ville extraordinaire qui porte avec elle toute l’essence de sa création et de son développement urbain. Son tissu urbain intact et ses façades décrépites en font une expérience patrimoniale et urbaine unique. Elle reflète la beauté de la ville organique en mouvement, qui se change, se modèle, se recréer chaque jour au fil des besoins de sa population. Le centre historique est d’autant plus le reflet d’une spatialité singulière de part son ancienneté et sa position de pionner dans l’histoire de la ville. Appelée la perle des Caraïbes, la Havane a su, part la force des choses, préserver son état originel. Au détriment de sa population qui aujourd’hui souffre des manquements et du confort que pourrait offrir une ville à ses résidents. Tout est à refaire. La métropole est plongée dans un chantier titanesque, la moindre rue, place, édifice, équipement se voient subir une transformation. Un renouveau, un chantier perpétuel est engagé. Cette restauration pose pourtant plusieurs questions au vu de toute cette première partie. Quels choix ont été fait pour la restauration du patrimoine du centre historique ? Quels objectifs ont été énoncés pour réhabiliter cette ville ? Nous avons également vu en introduction que la situation économique de l’île ne peut assurer le financement d’un tel chantier. Comment La Havane a pu trouver de telles ressources financières pour commencer et continuer ce chantier de grande ampleur ? Quel organisme en a prit la direction et quel poids politique il représente au vu de la population locale?

35


Réhabilitation du centre historique

Photo aérienne de la ville de Mexico, Mexique.

36

Source : http://a-plus.be/fr/actuel/felix-madrazo-en-conference/

Photo aérienne de la ville de Bogotá, Colombie.

Source : http://a-plus.be/fr/actuel/felix-madrazo-en-conference/

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


2 - LA STRATÉGIE DE RÉHABILITATION URBAINE DU CENTRE HISTORIQUE

2.1 Le Plan directeur (El Plan Maestro) : un système exemplaire ? «La ville héritée est un vaste conteneur encore inexploré non seulement de valeurs et de signes identitaires, mais aussi de cadres vitaux pour le plein développement des exigences de la société à tous les niveaux, des fonctions les plus élémentaires allant de l’habitat, la production et les services jusqu’aux demandes pour la culture ou le tourisme. De la confluence et l’équilibre de ces forces dépendra la survie essentielle de ce splendide complexe urbain.»

Traduit de l’espagnol à partir de Lápidus L. (1994) La ciudad como patrimonio. In Carta de la Habana, Boletin del Grupo para el Desarrollo Integral de la Capital, año 2, n° 5, p. 6.

La Havane possède l’expérience de toutes ces congénères latino-américaines qui ont vu leur patrimoine englouti, détruit ou malmené par l’urbanisation croissante des villes. En effet, la population urbaine en Amérique du Sud ne cesse de croître et les politiques urbaines n’ont pas le temps de suivre cet essor rapide. Avec plus de 79% (Source : Source ONU http://esa.un.org/unpd/wup/Highlights/WUP2014-Highlights.pdf) de sa population vivant en ville, le continent connaît une croissance urbaine fulgurante et est devenu l’une des régions les plus urbanisées du globe. Ces chiffres cachent pourtant une réalité contrastée puisque un quart de ces urbains vivent en réalité dans des bidonvilles, alors que parallèlement on voit se créer des «gated communities» accueillant les classes les plus aisées. Ceci est pour la majorité des villes latino le plan de développement soumis a aucune politique de développement ou a une politique non respectée. La Havane n’acceptant pas le régime capitaliste et régie par une autorité communiste, n’a connu aucune expansion lorsque tout les autres pays voyaient leur villes doubler de population. L’extrême pauvreté du pays a protégé ces villes de toutes opérations immobilières de grande ampleur et de toute destruction mais cette même pauvreté a condamné le pays a la décrépitude. C’est dans ce contexte qu’un nouvel organisme voit le jour : El Plan Maestro de revitalizacion integral de la Habana Vieja.

2.1.1 Présentation du plan directeur

Formulé en 1994, le Plan Directeur pour la revitalisation complète de la Vieille Havane est l’entité responsable de politiques, stratégies et actions pour assurer le développement du processus de réhabilitation dans la zone de La stratégie de réhabilitation urbaine du centre historique

Réhabilitation du centre historique

Le centre historique a longtemps été synonyme de décrépitude, de conditions précaires, de surcharge des bâtiments mais également d’un manque de service à la population. Bien que ce constat soit applicable à toute La Havane, la Vieja Habana reste la partie la plus ancienne de la création de la ville et donc celle qui est la plus en danger face aux effondrements. La situation dans laquelle était plongée ce morceau de ville a nécessité la création d’une entité responsable capable de coordonner tous les acteurs impliqués dans l’élaboration d’un plan de développement du quartier. Nous verrons ici comment la complexité de la réhabilitation urbaine comme nous la connaissons dans nos pays a été simplifiée au travers de la création d’un nouveau cadre législatif. Nous verrons également comment le patrimoine a été considéré dès le départ comme un fait économique capable de générer des ressources à partir d’une exploitation durable du tourisme et d’autres ressources.

37


Réhabilitation du centre historique 38

Diagramme explicitant la place du Plan Maestro au sein de l’organisation administrative du Bureau de l’historien de La Havane, principal acteur de la restauration du quartier. Source : El Plan Maestro

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


conservation priorisée, définie en amont.

Le plan directeur conçoit la durabilité comme valeur première de toute la redynamisation du quartier. Il axe donc sa philosophie sur la nécessité de parvenir à un développement intégral capable d’intégrer autant le côté social qu’économique et environnementale. Les diagrammes ci-contre nous montrent que Le Plan Maestro dépend d’un autre organisme : Le Bureau de l’Historien de la Havane. C’est l’acteur le plus important de toute cette restauration, il est le plus connu et celui qui gère absolument tout. Tout dépend de lui et vient de lui, nous étudierons son fonctionnement au sein d’une autre partie afin de comprendre son fonctionnement et sa politique d’action et d’influence.

2.1.2 Stratégies d’action énoncées

Le plan Directeur met en place six politique qu’il souhaite atteindre et qui pour lui serait source de durabilité et de développement économique, sociale et culturel. Lors de cette sous-partie nous développerons plus précisément chacun de ces six points, qui ont été créés afin de répondre aux enjeux cités ci-dessus. 1 - Protéger l’héritage patrimonial au moyen d’un plan intégral, reconnu légalement, qui concilie la réhabilitation du territoire et la nécessité de son développement socioéconomique avec ses valeurs culturelles.

Le plan cherche principalement à tirer des leçons de ce qui a pu se dérouler au sein des autres centres historiques dans le monde et à ne pas reproduire les mêmes erreurs. Il souligne par exemple, le déplacement d’un trop grand nombre de personnes, l’augmentation démesurée du trafic routier, les tendances à « folkloriser » ou à « scénographier » la vie quotidienne et enfin éviter la gentrification, c’està-dire la création de centres de haut standing ou très tertiarisés, où la population locale n’a au final plus sa place. Le plan concentre ces actions principalement autour de deux places : la Plaza de Armas ainsi que la Plaza de la Catedral, ainsi qu’autour de deux axes principaux les rues Oficios, Mercaderes, Tacon et Obispo. Parallèlement de grand édifices sont rénovés en dehors des zones La stratégie de réhabilitation urbaine du centre historique

Réhabilitation du centre historique

Le plan directeur est un organisme méthodologique et de coordination, qui fait également office de point de référence pour la gestion urbaine, pour les renseignements touchant au foncier, à la gestion socio-économique et d’autres spécialités liées à la préservation du patrimoine culturel et urbain. Le plan directeur propose une vision de la planification dynamique et flexible. Il fournit aux autorités et spécialistes chargés de la réhabilitation, des outils et des informations nécessaires à la prise de décision. Il se qualifie également comme un espace de concertation pour les nombreux acteurs dont la tâche est entre autre de diagnostiquer et structurer le territoire. Pour la première fois, le centre historique possède un plan directeur doté d’une équipe pluridisciplinaire réunissant des gestionnaires urbain, des architectes, des sociologues, des psychologues, des historiens, des économistes, des avocats, des informations, des designers et des chargés de communication. Le plan directeur collabore également avec de nombreuses universités et centres d’investigations, il est très attaché aux liens qu’il développe et entretien avec ces lieux d’enseignements.

39


Réhabilitation du centre historique 40

Carte de la Vieille Havane explicitant le schéma de centralité qui régit le quartier depuis sa création. Nous retrouvons la même carte que celle utilisée au cours du chapitre un. Le plan directeur a choisit de réhabiliter dans un ordre chronologique son quartier. Source : A Singular Experience ‐ Appraisals of the Integral Management Model of Old Havana, World Heritage Site, UNESCO, Master Plan (Office of the City Historian), 2006.

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


précédemment énoncées. Ainsi la stratégie à pour but de susciter un processus de réhabilitation dans le contexte urbain où prennent place ces restaurations. Enfin, le plan se focalise également sur les frontières urbaines de la Vieille Havane car elles représentent des aires importantes à caractère principalement tertiaire, le potentiel de développement s’y trouve donc démultiplié. Il semblerait que le plan de redynamisation de la ville se baserait sur le plan initial et historique de la ville. Elle a choisit de restaurer de façon quasi chronologique les espaces publics du quartier. Pour être plus précis les lieux cités ci-dessus ont été les premières places et les premiers axes historiques de la ville. 2 - La deuxième politique vise à conserver le caractère résidentiel du centre historique et ainsi à éviter le déplacement massif de la population locale, à la protéger de l’impact de la tertiarisation et à établir des densités et une qualité de vie adéquates.

3 - La troisième politique souhaite l’obtention d’une réhabilitation participative durable

Le Plan Maestro met un accent tout particulier sur la participation de la population au projet. Il souhaite renforcer les valeurs culturelles environnementales et socioéconomiques au sein de la communauté. Pour lui, la population possède un rôle primordial dans la recherche de solution aux problèmes du centre historique. L’accent est donc mis sur la création et le maintien de moyen de communications dynamiques et adéquats ainsi que d’espace de concertation donnant accès aux idées, projets, plans et actions. 4 - La quatrième politique a pour objectif la création d’une infrastructure technique efficace et de services à la population qui correspondent aux besoins d’aujourd’hui.

Comme vu précédemment, l’état des réseaux techniques dans le centre historique et au sein des autres quartiers, est déplorable voir inexistant. Si la ville souhaite offrir un cadre de vie décent à sa population et aux touristes, la réfection intégrale des réseaux techniques et de la voirie est à prévoir. En ce qui concerne la circulation le Plan Maestro souhaite que La Havane soit piétonne à 90%. Le fait que la population n’ait pas accès à l’achat de voiture permet aujourd’hui d’envisager cette solution et quoiqu’il en soit rien n’est fait pour accueillir 2 millions de véhicules (population actuelle de la Havane). Les infrastructures capables d’accueillir « les plus faibles » selon leur terme, soit la population handicapée ainsi que les enfants et les personnes âgées sont pris en compte de manière active et le plan prévoit des espaces dédiés à cette population. 5 - La cinquième politique vise un développement de la fonction tertiaire, que ce soit culturelles, commerciales, administratives, récréatives et touristiques surtout. La stratégie de réhabilitation urbaine du centre historique

Réhabilitation du centre historique

Une politique d’amélioration des aires résidentielles a été pensée. Elle vise à la création de logement dans des aires qui le permettent et sont propices à l’habitat. Certaines bâtisses anciennes ne proposent pas d’espaces adéquat pour l’habitat il est donc impossible de les transformer en immeuble d’habitation. Celles-ci sont donc restaurées et pensées comme des lieux capables d’accueillir des activités touristiques et économiques. La diversification des ressources de financement est vivement souhaitée et encouragée afin de pouvoir répondre à la forte demande de logements. Le plan souhaite établir un équilibre entre résidents, infrastructures et tourismes.

41


Réhabilitation du centre historique 42

Carte de la Vieille Havane explicitant le schéma d’intervention sur le quartier avec trois zonages : En jaune, les aires en cours de réhabilitation ou terminées, en violet, les zones a court terme et en orange à moyen terme. Les cercles représentent les points considérés comme dynamique de la ville. Ceux-ci ne sont rien d’autre que les places et espaces publics vu au premier chapitre lors de l’étude du développement historique de La Havane Source : A Singular Experience ‐ Appraisals of the Integral Management Model of Old Havana, World Heritage Site, UNESCO, Master Plan (Office of the City Historian), 2006.

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


Le plan prévoit un développement du parc hôtelier et para hôtelier. Mais il prévoit également la construction d’un service métropolitain de qualité capable d’accueillir un tourisme international. De manière parallèle, le plan de réhabilitation met un accent tout particulier sur la restauration du parc immobilier qui représente une façon certaine de revitaliser et dynamiser l’économie du centre historique. De plus, le côté environnemental de cette opération est pris en compte et autant que possible réalisé au sein de la ville. 6 - Enfin, la sixième politique projette un autofinancement intégral. Autrement dit le plan prévoit l’investissement de tous les bénéfices dans la sauvegarde du patrimoine, promouvant une économie locale qui garantisse un développement durable.

Au travers de ces six politiques mise en place, il est intéressant de remarquer la place que le tourisme prend au sein de cette réhabilitation urbaine. Nous pourrions nous demander son importance par rapport à une ville dans un tel état de délabrement. La Havane n’a rien à voir avec des villes comme Barcelone, Lyon, Berlin, Marseille ou encore Bordeaux (pour ne citer que des villes européennes). Cependant elle place le développement touristique durable comme point clef de sa future économique et redynamisation urbaine de la ville. Parmi les villes citées nous avons en Europe des villes comme Barcelone qui aujourd’hui asphyxie sous le poids du tourisme au détriment de la population locale. Lors de mes voyages à La Havane il a été facile de remarquer l’influence du tourisme au sein de cette ville. Il est apparu un schisme certain entre différentes types de population : il existe les touristes, les locaux qui travaillent dans le tourisme et les autres. En commençant mon analyse j’ai pu remarquer que La Havane avait choisit d’utiliser le tourisme afin de recréer une économie locale et durable profitable a sa propre restauration. Je ne comprenais cependant pas comment il était possible que l’argent que je dépensais sur place pouvais servir à alimenter cet immense chantier de réhabilitation du centre historique. Au cours de mes recherches j’ai pu trouver une réponse à mes interrogations que je développerais en seconde partie de ce deuxième chapitre. Avant cela j’aimerais présenter l’un des acteurs principal de ce Plan Directeur : la Oficina del Historiador.

2.1.3 Le principal acteur : la Oficina del Historiador

Pionnière en ce qui concerne la sauvegarde patrimoniale et de la défense de l’identité nationale, la Oficina del Historiador de la Ciudad de La Habana a été fondée en 1938. Elle fut étroitement liée à tout processus de protection du patrimoine tangible et intangible, par de diverses scènes politiques et socioéconomiques, et en faisant prévaloir son rôle d’avant-garde intellectuelle. Subordonnée depuis sa création al Gobierno de la Ciudad, elle se met La stratégie de réhabilitation urbaine du centre historique

Réhabilitation du centre historique

Promouvoir le développement d’une économie locale est une des préoccupations majeures des acteurs de La Havane. Après des décennies de misère et de souffrance économique et sociale, la Havane met un point d’honneur au développement d’une économie locale qui soit avancée technologiquement et qui garantisse un haut niveau d’auto durabilité. Pour cela le plan prévoit l’exploitation efficace et ciblée des ressources patrimoniales, la modification graduelle de la structure économique locale en renforçant les activités économiques qui contribuent au développement territoriale et au développement de nouvelles activités et secteurs.

43


Réhabilitation du centre historique 44

Organigramme de la Oficina del Historiador de a Ciudad de la Habana (OHCH).

Source : A Singular Experience ‐ Appraisals of the Integral Management Model of Old Havana, World Heritage Site, UNESCO, Master Plan (Office of the City Historian),

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


à dépendre directement del Consejo de Estado à partir de 1993. Dans sa ligne de conduite, la Oficina a toujours privilégié un lien permanent avec la Nation et a obtenu (selon ces propos) des résultats importants dans l’accomplissement de ses responsabilités. Depuis sa création elle a été dirigé par le Dr Emilio Roig de Leuchsenring, historien de la ville de La Havane jusqu’à sa mort en 1946. Par la suite c’est de Dr Eusebio Leal qui pris en charge la suite des opérations en tant que créateur et promoteur d’une vision humaniste et révolutionnaire de la récupération du patrimoine culturel de Cuba. Après avoir été reconnu comme Patrimoine Mondial par l’UNESCO en 1982, la décennie des années 90 ne fut pas des plus facile pour l’organisme en charge de la réhabilitation du centre historique puisque le pays fait face à une crise économique. L’état cubain prend alors une décision d’importance vitale pour la continuité du travail de réhabilitation. Il surpasse le manque de ressources financières et se concentre sur un projet juridique et financier qui garantie un développement social et économique durable.

Ce projet propose donc six prémisses qui garantiraient une réhabilitation intégrale, durable et autofinancée : -Les décisions politiques prise au plus haut niveau accompagne le processus de réhabilitation ; -Une reconnaissance d’autorité à une entité leader unique pour coordonner la gestion de la réhabilitation : le Bureau de l’Historien de la Ville ; -L’établissement d’un code de lois spécifiques en faveur de cette réhabilitation ; -Le droit à la planification intégrale du territoire ; -Un transfert du patrimoine immobilier dans un usufruit ; -La capacité de développer les mécanismes qui garantissent une économie décentralisée. Le décret-loi 143 reconnaît à la Oficina del Historiador les prérogatives suivantes : - Une subordination direct au conseil d’État. -Une personnalité juridique. -Une capacité d’application de la politique fiscale spéciale en faveur d’une contribution à la réhabilitation. -La création d’un système entrepreneurial propre pour l’exploitation du domaine touristique et du secteur tertiaire en général. -La capacité de planifier intégralement le développement du territoire et de le gérer. -Le développement de sa structure afin de garantir la réussite de toute les étapes du processus mis en place.

Le Décret-loi 143 considère le territoire du centre historique comme zone prioritaire pour la conservation et de haute importance pour le tourisme. Cette décision a été d’une importance capitale pour la Oficina del Historiador qui aujourd’hui est dotée d’une base légale capable de lui donner une indépendance totale sur le plan économique et décisionnel. De même il lui a été accordé un statut légal exceptionnel qui l’autorise à s’associer et à établir des relations avec des entreprises étrangères. Ce statut lui permet aussi de percevoir des taxes auprès des entreprises établies sur son territoire, destinées à être directement réinvesties dans la réhabilitation du centre. Ce traitement de faveur envers une entreprise est unique dans le pays et représente pour eux une façon La stratégie de réhabilitation urbaine du centre historique

Réhabilitation du centre historique

C’est à la suite de cette période qu’est promulguée le décret-loi 143, du conseil de l’état d’octobre 1993, pose les bases du projet qui permettront de passer, d’un financement par l’état à un projet capable de s’autofinancer et qui apporterait une partie des bénéfices au budget national du pays.

45


Réhabilitation du centre historique

Logo de la Oficina del Historiador de La Habana, représentant les trois monuments militaires de la ville avec la clef du nouveau monde. Source : Google Image

46 Eusebio Leal lors d’une conférence donné à Chicago à l’université Notre Dame. Source : http://www.cubadebate.cu/

Emplois directement générés par la Oficina del Historiador. Source : http://www.cubadebate.cu/

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


d’atteindre l’autofinancement le plus rapidement et durablement possible. Son directeur Eusebio Leal est une personne très influente, qui fait partie du Conseil d’État aux côtés de Fidel Castro et aujourd’hui de son frère Raul Castro. On pourrait considérer Leal non plus comme un historien mais plutôt comme un gestionnaire et un promoteur. Il trouve une plus grande importance à faire reconnaître la Havane dans le monde qu’à écrire son histoire.

L’UNESCO décrit comme un organe indépendant, le bureau de l’historien de la Havane, il est vrai que cet organisme a du se recréer un cadre politique capable de lui laisser plus de liberté par rapport aux relations extérieurs. Ce cadre législatif lui permet d’entretenir de meilleur rapport économique avec les pays étrangers, mais également de percevoir des taxes des entreprises internes. Le régime communiste ne laissait aucune chance a cet organe. Bien que l’État cubain ait financé les premiers chantiers, l’opération était de trop haute ampleur pour espérer voir des résultats conséquents. Aujourd’hui nous assistons à un véritable renouveau de grandes zones dans le quartier historique avec des chantiers monumentaux, comme celui du Capitole. En soit le travail du Bureau a été d’écarter le plus possible tout pouvoir décisionnel du gouvernement sur ce chantier. L’état a agréé cette mesure et lui a donné les pleins pouvoir. Aujourd’hui cet organisme qui possède les pleins pouvoirs repose sur un seul homme : Eusebio Leal. Le but de tout cela étant d’accélérer les décisions en centralisant le pouvoir décisionnel tout en favorisant la mise en place d’un cadre autofinancé et soutenable. Eusebio Leal est un personnage reconnu sur la scène politique, ce qui lui a permis de mettre en place ce cadre si particulier, c’est un proche de Raul Castro et s’entendait très bien avec Fidel Castro. Eusebio Leal, est un historien formé à Cuba, il est un fervent partisan du régime castriste mais a du se dégager de cette politique afin de faire prospérer son entreprise, reconnaissant ainsi les limites de son propre système politique national. Nous pourrions qualifier cet organe comme une entreprise privée mais ayant été subventionné initialement par l’état. Si je précise mon propos, la oficina del historiador a reçut une somme d’argent conséquente de l’état afin que celle-ci arrive a l’auto-financement et à son indépendance. Cependant je me demande si il ne subsiste pas un certain pouvoir décisionnel de l’état sur les décisions prises pour le quartier. Malheureusement ce type de question ne trouvera jamais de réponse claire. Concrètement que signifie une réhabilitation auto-financée ? Comment un touriste est-il capable de financer la réhabilitation du patrimoine havanais ? Comment estce possible de développer un système durable et prospère sans aide financière provenant du gouvernement ? C’est ce qu’à réussi à mettre en place La Havane au sein de ce quartier. Elle a reçut de nombreux prix et de nombreux experts se rendent sur place afin de découvrir se système savamment pensé et exécuté par La stratégie de réhabilitation urbaine du centre historique

Réhabilitation du centre historique

L’Oficina del Historiador a théoriquement une organisation multilatérale, transversale et pluridisciplinaire. Pourtant dans la pratique il se révèle que l’organisation est avant tout verticale, ce qui signifie que les principales décisions se concentrent en haut et qu’elles sont en conséquences la plupart du temps prise par Eusebio Leal lui-même une fois qu’il a consulté les autres preneurs de décision les plus importants. Ceux-ci sont composés par le bureau des investissements, par l’entreprise Habaguanex S.A. et par l’immobilière Fénix S.A. que nous reverrons par la suite.

47


Réhabilitation du centre historique 48

Schémas des quatres principale phases d’actions nécessaires à un processus de régénération urbaine

Source : http://urban-regeneration.worldbank.org

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


les acteurs locaux. Nous essayerons d’expliciter ces domaines d’études lors de la prochaine sous-partie.

2.2 Comprendre le processus d’une réhabilitation urbaine Afin de comprendre ce qui pouvait différencier la réhabilitation urbaine du quartier de La Havane avec celle que nous connaissons ici, je me suis premièrement intéressée aux opérations de redynamisation urbaine dans plusieurs pays afin d’en étudier succinctement le fonctionnement et surtout pour savoir d’où venait les principaux financements de ces projets très couteux. Nous verrons tout au long de cette partie comment La Havane a su se distinguer et proposer un sytème auto-financé et durable mais surtout comment l’urbanisme touristique a su tirer avantage de sa situation.

villes enclenchent ce que nous appelons des régénérations urbaines. Parfois portées uniquement par le secteur public (ANRU en France) mais il reste rare et il est courant de voir un manque de subventions mettre en péril le projet urbain et faire avorter toute opérations de renouvellement. Le processus est complexe et de nombreuses villes ont déjà eu affaire à des régénérations urbaines. Le besoin de ressources financières massives est un facteur de réussite et de mise en place d’un tel processus. Cependant, même si le gouvernement pourrait fournir les ressources nécessaires à la régénération de nombreuses zones urbaines, l’approvisionnement de la communauté et également d’autres secteurs d’activités sont indispensables pour assurer la pérennité des efforts de régénération. Par conséquent, la participation du secteur privé est souvent un facteur déterminant dans la réussite de la régénération. Pour aider à comprendre le déroulement d’un tel processus de régénération, nous pouvons identifier quatre phases distinctes : le cadrage et la définition du projet, la planification, le financement et la mise en œuvre. Développons ici ces quatre phases que l’on peut identifier sur les digrammes ci-contre : 1 - La phase exploratoire (Scoping) Un processus de régénération urbaine de transformation, que ce soit pour la ville dans son ensemble ou pour une parcelle de terrain commence spécifiquement avec un exercice de cadrage. La délimitation du projet est un processus qui fournit aux décideurs une évaluation stratégique pour identifier et promouvoir la régénération urbaine. Le cadrage fournit une base analytique et un processus d’engagement que les dirigeants de la ville peuvent utiliser pour générer des choix et des débats afin de décider du meilleur plan d’action. 2 - Conception d’une stratégie des actions : La phase de planification (planning) Alors que la phase de cadrage fournit une base analytique et une logique globale et narrative pour le projet de régénération, le cadre de planification établit la vision à long terme et la mise en place du contexte. Il est essentiel de maintenir la vision de régénération à travers les changements inévitables et les défis imprévus du marché et des cycles politiques. Cependant, il est tout aussi important de ne La stratégie de réhabilitation urbaine du centre historique

Réhabilitation du centre historique

2.2.1 Fonctionnement et financement Pour faire face aux problèmes de déclin et de décadence urbaine, les

49


Réhabilitation du centre historique

pas créer une structure de planification trop stricte, qui règle de manière rigide les résultats et qui serait une source de découragement en ce qui concerne l’investissement privé. Un cadre de planification efficace permettra d’équilibrer la vision, la planification des principes et facilite la négociation entre les secteurs public, privé et communautaire.

50

3 - Financement privé incitatif : La phase de financement (financing) À grande échelle, les projets de rénovation urbaine sont complexes et nécessitent des ressources immenses à prévoir et à mettre en œuvre correctement. Par conséquent, très peu de villes ont les ressources nécessaires pour financer tous les coûts de ces grandes initiatives. Le partenariat avec le secteur privé est non seulement nécessaire pour partager les coûts, mais il est également nécessaire de partager les risques et les capacités techniques. En règle générale, les villes déploient une combinaison de sources de financement internes et externes, des outils politiques et réglementaires, ainsi que des partenariats stratégiques avec le secteur privé, entre autres stratégies pour le financement de leur vision de régénération urbaine. De nombreux facteurs influent sur les méthodes utilisées pour le financement de projets de régénération urbaine. Le facteur le plus important est le contexte juridique et institutionnel national en ce qui concerne la quantité de contrôle qu’une ville a sur sa propre gestion financière et en particulier sur sa capacité à augmenter et affecter ses recettes. Un autre facteur important est la capacité de la ville à utiliser des techniques de financement innovantes, telles que les droits d’augmentation d’impôt ou de développement pour soutenir les transferts immobiliers spécifiques et des stratégies de développement économique. Il y a principalement deux groupes distincts d’instruments à utiliser pour le financement : des outils financiers et des outils réglementaires. Les outils financiers impliquent une aide financière directe à un projet de régénération telles que différentes méthodes de capture de valeur (frais d’impact, évaluations spéciales,) exactions. Les outils réglementaires sont essentiels pour tirer parti des pouvoirs réglementaires d’une ville et également pour encourager la participation du secteur privé. 4 - Évolution des idées et réalisation : La phase de mise en œuvre (Implementation) La phase de mise en œuvre consiste à traduire la vision des changements à long terme en ce qui concerne la relation financière, contractuelle mais aussi institutionnelle entre les secteurs publics et privés. Cette phase comprend la structuration des institutions solides et une structure organisationnelle qui est viable et durable et qui peut exister dans plusieurs administrations politiques. Elle implique également de développer des contrats solides pour traduire la vision en un partenariat tangible entre les secteurs publics et privés. Le leadership politique peut être le facteur le plus important dans la phase de mise en œuvre. Comme la régénération est un projet à long terme, un processus de transformation de changement qui entraîne des perturbations et des risques, le leadership politique est essentiel à la gestion du processus de changement afin que tous les intervenants se sentent engagés dans le processus, qu’ils le comprennent et qu’ils y trouvent leurs propres intérêts.

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


Un des indicateurs importants du succès dans la phase de mise en œuvre consiste à cartographier clairement la vie du projet et du cycle du projet prévu et les phases du mieux possible, en tenant compte des incertitudes. Le processus de transfert doit tenir compte de l’ensemble complexe d’interdépendances entre les investissements à grande échelle et des projets de construction, tels que les grandes infrastructures (des services publics, des transports, des systèmes de parc, nettoyage des friches industrielles...), et la «microlivraison» des projets commerciaux et résidentiels qui favorisent un «sentiment d’appartenance». Un dernier élément important du dispositif de mise en œuvre consiste à déterminer la structure institutionnelle optimale pour l’exécution des projets et l’attribution des pouvoirs et des outils à différentes entités. Cela affecte la structure des contrats, le transfert et la durabilité du projet.

Nous avons pu voir au cours des précédentes parties combien le tourisme comptait dans l’élaboration du plan directeur de la réhabilitation du quartier. Afin de mieux comprendre la place qu’occupe l’économie touristique à Cuba nous aborderons cette question au cours de la prochaine sous-partie afin d’en venir à la source de la problématique : comment une économie touristique est capable de porter et financer un projet de réhabilitation urbaine ?

La stratégie de réhabilitation urbaine du centre historique

Réhabilitation du centre historique

Nous pouvons à ce stade remarquer que le Bureau de l’Historien de La Havane a respecté ses étapes de mise en place de la réhabilitation. Nous avons vu précédemment qu’il a premièrement mis sur pied un plan directeur (El Plan Maestro), puis dans un second temps comment il a très finement orchestré et recréé un nouveau cadre politique sous un régime communiste complexe capable de répondre a ses propres besoins et nécessités (Décret Loi 143). Mais qu’en est-il de son jeux d’acteurs entre tourisme, vie locale et tertiarisation assumée ?

51


Réhabilitation du centre historique 52

Prises de vue réalisées dans le quartier de la Vieille Havane. Photos personnelles. La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


2.2.2 L’économie touristique à Cuba facteur de développement urbain Les autorités s’efforcent, depuis le début des années 1990 à diversifier

l’économie cubaine, une série de centres de recherches dans des domaines aussi divers que l’alimentation, les médicaments et le développement technologique ont été ouverts, une certaine ouverture aux capitaux étrangers s’est faite et le développement du tourisme international misant sur les nombreuses possibilités du pays a été encouragé. Depuis maintenant une vingtaines d’années le tourisme occupe une place prépondérante dans l’économie cubaine. Les touristes sont de plus en plus nombreux à visiter l’île et l’année dernière se sont 4 millions de touristes qui ont mis le pieds sur le sol cubain. Soit une hausse de 13% par rapport à 2015. Cette hausse est principalement expliquée par le dégel des relations avec les États-Unis.

Cuba tira le meilleur partie de cette économie touristique en maintenant un système de double monnaie. Depuis douze ans, deux monnaies circulent à Cuba : le peso cubain (CUP), utilisé pour les transactions strictement domestiques, et le peso convertible (CUC, égal au dollar américain et qui vaut 25 CUP) qui servait initialement à payer les produits et services importés. En tant que touristes nous utilisons le pesos convertible les cubains eux payent en CUP, bien que ce soit un peu plus complexe que cela on simplifiera ce casse tête comme ceci. Sans équivalent dans le monde, cette cohabitation de deux monnaies locales constitue un véritable casse-tête pour les Cubains et les touristes étrangers, mais elle présente surtout l’inconvénient de renforcer distorsions macro-économiques et inégalités sur l’île. D’un côté, il existe un secteur émergent de travailleurs indépendants qui utilisent les CUC, et de l’autre le segment majoritaire de l’économie, principalement étatique, qui perçoit et émet des CUP. Ce double système a provoqué une inversion de la pyramide sociale. Car un véritable monde sépare les travailleurs indépendants, ceux qui reçoivent de l’argent de l’étranger, qui travaillent au contact des touristes ou pour des entreprises étrangères, et la majorité des Cubains - surtout dans les campagnes - pour qui le peso convertible est inaccessible. Aujourd’hui, par exemple, une serveuse dans un bar privé peut gagner jusqu’à 200 CUC par mois, contre 750 pesos cubains (équivalents à 30 CUC) pour un chirurgien. Lors de la prochaine sous-partie nous expliciterons clairement comment le tourisme influe sur la restauration du quartier de la Vieille Havane. La stratégie de réhabilitation urbaine du centre historique

Réhabilitation du centre historique

Pour le moment, Cuba possède un capacité d’absorption très limitée. Par exemple, elle a été saturée au moment de la visite à Cuba du Pape Benoît XVI en mars 2011. Les projections de croissance des visiteurs américains pourraient par conséquent se trouver bridées par les faibles capacités d’accueils (hôtels, location de voiture, capacités dans les moyens de transports terrestres et aériens, etc.). Un autre enjeu pour les autorités cubaines sera également de gérer au mieux les tensions sur la demande en eau et en électricité générées par l’augmentation du nombre de visiteurs étrangers. Pour renforcer le secteur, le gouvernement cubain a adopté une politique immobilière favorisant le tourisme. Les investissements étrangers sont activement recherchés pour développer des marinas, des parcs thématiques, des terrains de golf… Le tourisme de luxe est la nouvelle cible des autorités cubaines. Ces projets incluent la création de complexes comportant des terrains de sports, des gymnases, des hôtels, des cabarets, des galeries commerçantes et des écoles de langue. Ces nouveaux investissements devraient à terme créer de nombreux emplois à destination de la population cubaine.

53


Réhabilitation du centre historique 54

Extrait du tableau synthétisant les recettes et dépences des ressources financières du Bureau de l’Historien de la Havane sur une période de 14 ans. Une version complète est disponible en annexes.(en milliers de dollars). Source : Direction Économique, Unité budgétaire d’investissement et Plan Maestro, du Bureau de l’Historien

Pour bien comprendre ce tableau : Sources : 1- Revenu net généré par l’activité entrepreneuriale des différentes entités du Bureau de l’Historien. 2- Taxe récupérée par le Bureau de l’Historien sur les entités situés dans le Centre Historique (représentant 5% sur le revenu brut en dollar). 3 - Crédits obtenus de la Banque Nationale pour le Bureau de l’Historien. 4 - Fonds provenant de la coopération bilatérale, multilatérale, bi-latérale décentralisée et donations/ subventions. Destinations : 1 - Transferts réalisés comme contributions au budget de l’État. 2 - Remboursements des crédits et des intérêts octroyés au Bureau de l’Historien. 3 - Paiements et contributions que réalise le Bureau de l’Historien comme coopération avec l’administration municipale et aide aux organismes, entreprises et personnes, situés dans la municipalité et en dehors de celle-ci. 4 - Chiffres qui incluent les investissements dans les chantiers constructifs, tant du secteur rentable que sociaux, infrastructures urbaines, réseaux techniques, espaces publics et équipements pour le système entrepreneurial.

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


2.2.3 Auto-financement, comment ? Maintenant que nous connaissons le cadre politique et économique mis

en place pour ordonner et gérer la réhabilitation du centre historique, il nous reste à expliciter clairement comment l’argent généré par le tourisme est plus ou moins directement réinjecté dans la restauration du patrimoine matériel et immatériel de la Havane.

sur les portes des entreprises participant a ce programme. Si son explication n’est pas donnée on le remarque dans quasiment tous les hôtels, restaurants, auberges, commerces du quartier ou tout du moins ceux bordant les axes restaurés par le Bureau de l’Historien mais il est également présent dans les musées, les bibliothèques, les spectacles culturels et les escapades organisées. La mécanique est ainsi rodée, le Bureau choisit de restaurer des axes forts reliant différents espaces publics eux-même réhabilités, puis dans un même temps redynamisent ces zones à l’aide d’équipements et d’événements culturels à destinations uniquement touristiques, générant des fonds capables de réalisés d’autres réhabilitations et ainsi de suite, la boucle est bouclée. Sachant que le tourisme est une économie en pleine croissance à Cuba, les fonds sont assurés pour plusieurs années. En s’intéressant de plus près au tableau ci-contre nous constatons que les recettes tirés de ce stratagème ont rapporté 396 millions de dollar en 14 ans soit 74% des recettes du Bureau de l’Historien. Cette somme représente une entrée d’argent plus importante que toutes les taxes récupérées sur les entreprises du quartier qui représente 6%, c’est plus que les crédits réalisées auprès des banques (15%) ainsi que l’argent et les dons obtenus par la Coopération internationale (5%). La stratégie de réhabilitation urbaine du centre historique

Réhabilitation du centre historique

En ce qui concerne les financements nous pouvons voir sur le tableau ci-contre un résumé des recettes et dépenses du Bureau de l’Historien. En ce qui concerne les recettes le Bureau reçoit la majorité de ses revenus grâce à une activité entrepreneuriale faisant parti du Bureau. Nous voyons ici que le Bureau de l’Historien a su se créer tout un réseau capable de lui apporter des financements à la hauteur de ses besoins. Certaines entreprises sont situées en dehors du territoire, d’autres sont générées par l’administration de secteurs spécifiques sous la responsabilité d’entités appartenant à l’Oficina. La majeure partie des fonds générés à l’intérieur de la Vieille Havane proviennent du secteur hôtelier et extra-hôtelier administrés par la compagnie Habaguanex S.A. L’entreprise immobilière Fénix S.A. a, quant à elle, pour mission de louer des logements tout comme des espaces d’entreprises et des locaux commerciaux ou gastronomiques. Ces organes représentent le point charnière entre le tourisme et la ville. Ces établissements rassemblant plusieurs centaines de chambres d’hôtel mais également des restaurants et commerces ont été pensés et organisés uniquement en direction du public touristique. Ce sont des lieux inaccessibles pour les cubains, les prix étant beaucoup trop élevés. La clientèle est donc uniquement étrangère. Ces lieux sont gérés par la Oficina del Historiador, c’est elle qui a payé la restauration des lieux et qui en est la gestionnaire. Ainsi en tant que touriste en visite à la Havane, nous pouvons apercevoir ce type de logo :

55


Réhabilitation du centre historique

En ce qui concerne le réinvestissement de cette argent nous constatons que 67% du budget est réinvestit dans la réhabilitation urbaine et 3% dans des aides sociales pour la municipalité (maison de retraite, garderie, hôpital de jour,...), soit 70% du budget qui est redistribué pour la ville. Le détail de cette répartition n’est pas donné, nous ne savons pas si la part octroyée à la réhabilitation du patrimoine bâti à vocation touristique est plus importante que celle accordée à la réhabilitation et l’ouverture d’équipements profitable à la population locale. Le reste du budget est redistribué à l’État (6%, soit 29 millions de dollar) ainsi qu’aux remboursements des crédits bancaires (24%, soit 116 millions). Ces données sont celles couvrant la période de 1994 à 2008, en ce qui concerne 2008 à 2017 nous n’avons malheureusement pas plus de données précisées. Ceci dit ces budgets nous permettent de comprendre comment le Bureau de l’Historien se dit être parvenu a créer un système de réhabilitation auto-financé.

56

Ce système mis en place a permit une réelle redynamisation du quartier. De nombreux commerces ont pu ouvrir créant ainsi de l’emploi dans le tourisme pour la population locale. De nouveaux emplois ont également vu le jour au sein des centres capables d’accueillir les populations locales les plus faibles. Le Bureau de l’historien a su faire la part des choses tout en manipulant des budgets conséquents. De nombreux édifices sont restaurés pour les touristes mais aussi pour la population du quartier. Le Bureau de l’Historien a été très attentif a ne pas laisser trop de place aux touristes tout en recréant des conditions d’accueil décentes et propices aux développements de cette économie. Le choix de baser son économie sur le tourisme est risqué mais la Havane nous donne un bel exemple d’équilibre. Bien que la frontière entre vie locale et vie touristique soit encore très imperméable, Eusebio Leal a réussi son pari de faire cohabiter touristes et cubains dans les rues de la Vieille Havane. Cependant, et nous l’avons rappelé précédemment, ce système repose sur les épaules d’un seul homme : Eusebio Leal. Bien qu’il soit entouré d’autres organes décisionnels il prenait la majeur partie des décisions, jusqu’à il y a environ neuf mois de cela. En effet, depuis presque un an les principales sources de revenus telles que Habaguanex S.A. ainsi que le Bureau de l’historien de la Havane sont passées aux mains del Grupo de Administración Empresarial (GAE) de las Fuerzas Armadas Revolucionarias, (Groupe d’Administration Empresariale des forces Armées Révolucionnaires). En quelques mots, Eusebio Leal a perdu son statut de directeur et l’État a repris le contrôle et la gestion de ces entreprises, sans aucune discussion ou négociation possible. “Esto es parecido a un golpe de Estado. Una bajeza al esfuerzo de Leal. No hablemos de las horas de trabajo que muchos hemos dejado en la recuperación de esta parte de la ciudad que permanecía olvidada. Hablando en términos económicos, Habaguanex ha crecido mucho más que Gaviota, TRD y todas esas empresas militares juntas. Nadie puede negar la eficiencia de nuestro trabajo y de nuestra estrategia de marketing. Ayer, esto era una zona marginal y pestilente al borde del colapso; la realidad, es que hoy, no hay turista, ya sea jefe de Estado, diplomático o personalidad mundial de cualquier ámbito, que venga a esta capital y no visite la Habana Vieja” Eusebio Leal, après l’annonce de la reprise des entreprises par l’État

Cuba c’est aussi cela, une politique dictatoriale qui est susceptible de reprendre la main sur ce qu’elle veut quand elle y voit son propre intérêt. Bien qu’elle ne donne que très peu de liberté, l’exception qui avait été faite pour le Bureau de l’historien La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


au travers du Décret loi 143, il y a de cela 23 ans, sonnait comme une volonté de changement, et d’ouverture. Aujourd’hui on peut se rendre compte que rien de tout cela n’était envisagé, y voyant plutôt l’occasion de mettre en place une sorte de nouvel impôt touristique. Le créateur de ce système Eusebio Leal parle de coup d’État rappelant que le système empresarial qu’il a mis sur pieds est celui qui s’est le plus développé en comparaison avec les entreprises touristiques appartenant à l’état (Gaviota, TDR,...).

Au travers de cette seconde partie nous avons en tout premier lieu abordé la réhabilitation urbaine d’un point de vue général afin de comprendre plus clairement celui que La Havane a proposé. Dans un deuxième temps nous nous sommes intéressés au moteur de cette réhabilitation urbaine : le tourisme. Enfin et pour terminer nous avons explicité le lien qui peut être fait entre ces deux entités : la réhabilitation urbaine et le tourisme. Nous avons remarquer que la mise en place de la restauration du quartier de la Vieille Havane reposait sur un jeu savant entre la création d’un cadre politique propice au développement économique avec un système économique en lien avec le tourisme. De ces deux entités naissent un système d’entreprise capable de générer des fonds directement réinvestis dans la sauvegarde du patrimoine de la ville mais également dans la création de nouveaux équipements pour la population locale. Nous avons donc démontré qu’à travers un système efficient le Bureau de l’Historien a su recréer un cadre économique propice à la redynamisation du quartier. Il nous reste cependant une dernière partie à aborder, celle de la mise en œuvre. Nous connaissons la mise en œuvre économique qu’en est-il de la mise en œuvre urbaine et architecturale ? Quels impacts spatiaux peut on constater d’une telle réhabilitation ? Quelles répercussions architecturales sont à noter ? Quelles bénéfices en tire la population locale ? Nous tenterons de répondre à ces interrogations au cours de la prochaine sous-partie.

La stratégie de réhabilitation urbaine du centre historique

Réhabilitation du centre historique

Cela fait quasiment un an que la nouvelle a été annoncé et le recul n’est pas assez important pour que l’on puisse tirer des conclusions sur ce changement de main mais des interrogations demeurent face à l’avenir de ce système. À l’heure actuelle aucunes nouvelles n’a été donné, nous ne savons toujours pas si l’État souhaite changer de ligne de conduite mais la société cubaine s’interroge face à la transparence de l’état par rapport aux bénéfices qui seront réalisés. Transparence qui n’est pas appliquée aux jours d’aujourd’hui au sein du système politique cubain.

57


Une stratégie à deux vitesses 58

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


3 - UNE STRATÉGIE URBAINE ET SOCIO-ÉCONOMIQUE À DEUX VITESSES Le chantier titanesque engagé par la ville de La Havane sonne comme le son de la dernière chance. Nous avons pu prendre conscience, au sein de la première partie, l’état d’extrême décrépitude des différents quartiers, ce point représente un des enjeux majeurs à résoudre pour la population locale. Le Bureau de l’Historien de La Havane s’est emparé de ces enjeux afin de trouver des solutions, de pouvoir répondre du mieux possible à ces problématiques. Ce système mis en place basé sur le financement des opérations de réhabilitation grâce à l’économie touristique est efficient, il semble être parti pour durer de nombreuses années, à voir comment l’accroissement de la fréquentation touristique sur l’île augmente d’année en année. Mais dans la pratique à quoi ressemble cette stratégie ? Comment est-elle concrétisée ? Quels outils sont utilisés par les acteurs de la Vieille Havane pour stimuler la consommation et ainsi récolté plus de fond ?

3.1 Redynamisation du quartier de la Vieille Havane Les travaux de réhabilitation ont commencé le 5 mai 1981 sur la Plaza de Armas, soit une dizaine d’années avant la formulation du Plan Maestro. Lorsque le plan est entré en vigueur, en 1994, 70 édifices avaient déjà été réhabilités. Si l’on considère que cela représente une période de travail de 13 ans, on peut dire que le processus est extrêmement lent. Au cours de mes recherches, il en est ressortit que cette lenteur est due en partie à plusieurs facteurs : l’organisation interne y est pour beaucoup. La bureaucratie cubaine est en effet caractérisée par une habitude à toujours envoyer les gens d’un département à un autre pour résoudre ou éclaircir un problème qui aurait pu être résolu au premier endroit. De plus, les travaux de restauration dépendent de certaines structures de l’État, et principalement le Ministère de la construction qui fournit le matériel. Lors de situations d’urgence, comme un ouragan par exemple, ce dernier réserve le matériel pour des ouvrages d’appoint et en conséquence, paralyse les travaux de restauration. Un autre facteur de lenteur est l’organisation même des chantiers. Souvent, les projets sont mal adaptés, on constate une défaillance au niveau du matériel ou encore les plans d’élaboration ne sont pas assez détaillés, sans penser au fait que dans un système où il n’y a pas de compétition, les professionnels et en particulier les ouvriers, sont très peu motivés. Enfin, la crise du 9 septembre 2001, a entraîné une diminution du tourisme. Or, il s’agit de la ressource financière première dont dépend tout le processus qui se retrouve ainsi retardé. Cependant les travaux n’ont jamais totalement cessé et la restauration des espaces publiques continuent sa progression. De plus, depuis quelques années, la fréquentation touristique a explosée permettant ainsi de poursuivre cet effort engagé il y de cela presque cent ans.

3.1.1 Réhabilitation urbaine du Centre Historique

Aujourd’hui, le contraste est fort entre les équipements destinés aux Une stratégie urbaine et socio-économique à deux vitesses

Une stratégie à deux vitesses

Dans une première partie nous étudierons les outils utilisés par la ville et les résultats obtenus à l’heure actuelle notamment au sein de l’architecture et de l’urbain. Dans une seconde partie nous observerons plus en détail quelles répercussions non désirées sont constatées aujourd’hui.

59


Une stratégie à deux vitesses 60

Source : A Singular Experience Appraisals of the Integral Management Model of Old Havana, World Heritage Site, UNESCO, Master Plan (Office of the City Historian), 2006.

Tableau représentant le nombres d’établissement s ouverts faisant parti du réseau commercial du Bureau de l’Historien. Ces données s’arrêtent en 2004 mais depuis un grands nombres d’établissements ont encore vu le jour. Source : A Singular Experience Appraisals of the Integral Management Model of Old Havana, World Heritage Site, UNESCO, Master Plan (Office of the City Historian), 2006. La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


touristes et ceux appartenant à la population locale. Malgré l’effort fourni pour maintenir le maximum de vie sociale et de population dans le centre historique, force est de constater qu’il existe en quelque sorte une ségrégation spatiale du territoire, point sur lequel nous reviendrons plus tard. Toutefois, si nous nous contentons de nous prononcer sur le travail de réhabilitation, de restauration à proprement parler, sans penser aux différents coûts qu’il engendre, les résultats dans leur ensemble sont fort positifs.

Mais n’oublions pas que derrière toute cette nouvelle image de ville se cache un véritable réseau d’entreprises, capable de faire vivre cette même restauration. Ainsi, lorsque nous avions évoqué la stratégie du Plan Maestro qui était de réhabiliter premièrement les axes principaux qui reliaient les espaces publics principaux c’était déjà une façon de baser leur réhabilitation sur l’économie touristique. Le fait de créer un parcours au sein du quartier d’en maîtriser les commerces et hôtels qui s’y installent est une garantie de réussite de l’opération financière. Le quartier de la Vieille Havane semble avoir retrouvée son dynamisme économique du temps de l’époque coloniale. Cependant ce visage que veut donner le Bureau de l’Historien n’est pas le plus représentatif. Comme je le soulignais dans mon introduction dès que l’on s’écarte des sentiers battus, les rues ne sont plus pavées, les poubelles sont en vracs dans la rue, on rencontre enfin des cubains dans la rue et on peut acheter dans des magasins où le prix redevient raisonnable pour le niveau de vie locale. Mais cette dualité des prix et de commerce, dont l’un est adressé au tourisme et l’autre à la population locale est un des points qui m’a le plus dérangé lors de mes séjours. En effet, des produits du quotidien (alimentation, produit de soin, électroménager,...) sont inaccessibles à la population locale mais sont pourtant étalés en vitrine à la vue de tous. Une situation délicate qui pousse les habitants à tout faire pour accéder à ce niveau de vie. Ainsi il est possible de vivre trois expériences différentes à La Havane, ce discours que je peux tenir aujourd’hui résulte de nombreuses discussions avec différentes personnes qui s’y sont rendues dernièrement dans le cadre de vacances. La première consiste à se rendre dans des tout inclus, situés totalement en dehors de la ville à proximité des plages. L’hôtel proposera cependant de faire le tour du Centre Historique à bords d’une vieille voiture et ce durant une journée, mais restera dans des chemins pré-programmés. En soit, le touriste est en autarcie complet et passe à côté de ce qu’est La Havane. La deuxième expérience est celle de réserver un hôtel au sein du Centre Historique au cœur même de cette vaste opération de réhabilitation. Le touriste y trouvera tout le confort et quasiment tous les équipements que l’on pourrait proposer en Europe. Il suivra sagement les circuits tous tracés que le Bureau de l’Historien lui aura malicieusement insinué de Une stratégie urbaine et socio-économique à deux vitesses

Une stratégie à deux vitesses

Les bâtisses coloniales ont retrouvé leur charme et leurs couleurs d’antan, chaque hôtel dévoile une atmosphère particulière, une multitude de musées est créée, de nombreuses galeries d’expositions attendent les visiteurs, les rues sont joliment pavées et ornées de végétation, enfin les parcs, les espaces verts sont propices à la contemplation. Bien que l’espace a proprement parlé n’ait pas subit de transformation majeure (le plan urbain du quartier est le même qu’à sa fondation) la qualité de ces espaces fondateurs et le cadre propice à la déambulation ont été retrouvés dans de nombreuses rues et espaces publics du quartier. Ci-contre il est possible de voir tous les espaces publics et édifices qui ont déjà été restaurés grâce à la Oficina del Historiador.

61


Une stratégie à deux vitesses

Série de photo représentant l’avant et l’après travail de restauration. Comme oon peut le constater la stratégie adopté est de retrouver le caractère originel de la bâtisse. Les stractures qui avaient été rajoutées ont été otées afin d’avoir une lecture de l’esapce simplifié.

62

Les logements cubains ont subit de nombreuses transformations suite à l’augmentation de la population dans le centre. Ainsi une bâtisse d’une telle ampleur s’est vue redécoupé en plusieurs appartements plus petits. La restauration de l’édifice a permi de retrouver des logements de taille décente.

Les espaces recréés permettent de développer des espaces de vie, la façade a retrouvée ses couleurs d’antan et les arches qui donnent sur la rue ont retrouvé leutr fonction originel.

Le patio central a été libéré de toute sous-structure qui avait été rajouté au fil du temps. L’espace au rez-de-chaussée (droite) a retrouvé sa spatialité originel et les logements qui avaient pris place ont été démolis. L’arrivée de l’eau courante et de l’électricité a permit la mise en place d’un espace plus sécurisé et moins encombré. La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


part un urbanisme incitatif et une promotion finement étudiée. Enfin, il existe une dernière façon de vivre la Havane, celle que j’ai choisit d’expérimenter et qui me paraissait indispensable pour la réalisation de ce mémoire. Cette expérience prend place en dehors du Centre Historique, là où il est difficile de se déplacer que ce soit en transport en commun, en taxi, à vélo ou à pied. En effet, ces marges laissées à l’abandon autour du Centre Historique représente la vraie situation économique du pays et il semble que bien souvent la réhabilitation engagée par la ville a oublié cette donnée, proposant un cadre lisse et sans défaut à la foule de touristes qui foulent les pavés impeccablement nettoyés de son centre. En effet, le plus triste est de voir combien la population locale qui n’a pas accès à tout ce confort matériel paraît dissociée de ce nouveau cadre créé de toute pièce. Pour appuyer ce propos je soulignerais le fait que la population qui vit en périphérie ne vient jamais dans le centre, il n’aime pas y venir et préfère rester dans leur quartier qui leur est propre là où ils ont leurs repères. Ainsi l’opération engagée dans le centre historique bien qu’exemplaire est réservée à la population du quartier et aux touristes. Nous avons vu précédemment que l’urbanisme promu, mis en place par la ville a permit la création de nouveaux espaces propices à la déambulation, bien que celui-ci créé également certaines dissonances il est intéressant de voir quels impacts ces mesures ont sur ce qu’il y a de plus cher aux cubains : leurs logements. Il existe de nouveaux logements destinés à la population locale. Actuellement, on en dénombre peu, mais de nombreux chantiers sont en cours dans toute la zone historique. J’ai eu l’occasion d’en visiter au cours de mes déplacements à La Havane. Pour la plupart, il s’agit d’appartements construits dans des anciens édifices, où peu d’éléments d’origine sont conservés mis à part la façade. Généralement, les architectes tentent de redonner à l’édifice sa structure originelle, ce qui est un point fort positif, mais qui ne rend pas toujours facile l’organisation intérieure de l’espace. Prenons l’exemple du chantier de la calle Lamparilla 156 et 168 qui ont été réalisés entre 2003 et 2006. Il s’agit d’un édifice du XIXème siècle, doté initialement d’un vestibule, de galeries et d’un patio intérieur. 12 familles y vivaient. Ils avaient peu à peu envahis les espaces communs pour améliorer leur logement en construisant une cuisine ou une salle de bain. En conséquence, il ne restait presque plus de traces de l’ancienne structure de la maison. L’architecte a donc travaillé à la renaissance de cette structure en réhabilitant l’édifice tout en maintenant le plus d’espace possible pour les 12 nouveaux logements. Lors de notre visite, nous avons pu constater que les résidants étaient très favorables au projet proposé par l’architecte et qu’ils trouvaient le travail remarquable. Après environ 30 ans de vie dans cet édifice dans une minuscule cuartería (pièce de vie unique destinée à une famille au complet), tous se réjouissent d’emménager dans leur nouveau logement, même s’ils avouent ne pas avoir pu choisir beaucoup d’éléments au moment de la conception. Peu importe, pour eux c’est un calvaire quotidien qui prend fin. Prenons à présent l’exemple du chantier Aguiar 68. Celui-ci a débuté en 1998 et s’est terminé en 2004. Il s’agit d’une maison du XIXème présentant des caractéristiques architecturales d’intérêt où habitent huit nucleos (familles). Pendant les travaux, ceux-ci logeaient dans une auberge de transit dans le Centre Historique. Les huit logements ont été agrandis grâce à la construction d’un étage supplémentaire. Tous sont sur deux étages comme auparavant à la différence qu’il ne s’agit plus de barbacoa en bois mais de mezzanine en ciment. L’édifice abritera un cabinet Une stratégie urbaine et socio-économique à deux vitesses

Une stratégie à deux vitesses

3.1.2 De nouveaux habitats pour la population locale

63


Une stratégie à deux vitesses 64

Projet de reconstruction et restauration de plusieurs bâtiments du centre historique par Iwo Borkowicz.

Source : http://www.archdaily.com/802548/how-combining-social-housing-with-tourism-could-help-solve-havanas-housing-crisis/586510efe58ece522a000008-howcombining-social-housing-with-tourism-could-help-solve-havanas-housing-crisis-image La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


médical au-dessus duquel logera la famille du médecin. Tous les matériaux utilisés ont été pensés de telle sorte qu’ils soient facilement entretenables par les habitants. Ce fait témoigne d’un souci de la part de l’Oficina de responsabiliser la population, en ce sens, cette démarche s’aligne sur un mode de pensée durable. De plus, cette dernière a été consultée concernant la réhabilitation des logements.

Enfin, il faut savoir que la restauration du cente historique représente un intérêt international et de nombreux architectes s’y intéressent pour proposer de nouveaux projets. Le dernier en date a été réalisé par Iwo Borkowicz, étudiant Belges qui a été récompensé par EAAE Prize for Intensity and Courage in Problem Solving décerné par l’University of Architecture and Urbanism Ion Mincu. Ce projet a retenu toute mon attention car il propose une solution capable de construire les logements manquant pour la population locale, soit : 9 200 logements. Et non seulement cette proposition fournira plus de logements à la population cubaine, mais elle servira également de source de revenus pour les habitants, car ils pourront louer des chambres aux touristes. L’une des principales raisons de la crise du logement de Cuba est le manque de soutien financier, mais Borkowicz propose que les résidents puissent rembourser les prêts sur une période estimée de 10 ans tout en conservant environ 10% du revenu pour usage personnel (estimé au total autour de 4 fois plus que le salaire moyen à Cuba). Ces maisons sont conçues de telle sorte que le support structurel, ainsi que l’infrastructure des eaux usées ou des gaz, peuvent rester entièrement inchangés. Au lieu de cela, la transformation de l’espace s’effectue en réarrangeant les murs sans charge, permettant des plans de plancher flexibles chaque fois que cela est possible afin que les résidents puissent organiser différentes combinaisons de chambres d’hôtel, ou encore agrandir leurs propres appartements.

3.1.3 Nouvel essor socio-économique

En plus de procéder à la récupération des biens matériels endommagés et dévalorisés par le temps, le chantier de la Oficina del Historiador n’oublie pas la notion de beauté. Elle imagine qu’elle réinsérera la communauté dans une nouvelle dimension pour son futur, comme une population qui a affiné ses traits d’identité mais surtout qui les reconnaît comme unique et donc les conservera. Une stratégie urbaine et socio-économique à deux vitesses

Une stratégie à deux vitesses

À la différence des réhabilitations engagées et gérées par le Bureau de l’historien, les cubains eux-mêmes sont encouragés à le faire par leur propre moyen. Souvent ce sont des personnes appartenant à la classe moyenne et recevant de l’argent de l’étranger. Les autres étant dans l’incapacité d’acheter des matériaux de construction ou de finition. Cependant ceux qui choisissent de restaurer leur logement ont en tête un but qui dépasse le simple fait d’avoir un habitat décent. Très souvent ceux qui peuvent effectué ce type de travaux ne sont pas les plus pauvres et ils réalisent ces aménagements afin d’ouvrir une chambre d’hôte. Connu sous le nom de Casas Particulares, elle permet aux touristes de sortir des grands hôtels de luxe pour partager leur séjour avec la population locale. Dans le centre historique les prix s’élèvent de 25 à 50 CUC par nuit. Cette source de revenu est un moyen de vivre de cela à l’année pour eux. Ces établissements étant taxés par l’état il représentent une autre source de revenu pour l’état et le Bureau de l’Historien de la Havane.

65


Une stratégie à deux vitesses 66

Affiche de promotion de Rutas et Andares

Source : http://www.nacionyemigracion.cu/sites/default/files/field/image2/1_231.jpg

Logo du média de diffusion Opus Habana

Source : http://www.opushabana.cu/images/logo_opushabana.png

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


Depuis 2001, Patrimonio Cultural mène le programme Rutas y Andares (Routes et Démarches), grâce auquel chaque été des familles cubaines constatent sur site, la richesse du projet de revitalisation de la ville. Les effectifs de la Oficina del Historiador servent de guide aux participants, proposant différents itinéraires thématiques concernant la restauration, l’histoire, l’architecture, l’archéologie, la culture de la ville. Durant deux mois, les rues, les places en chantiers ou terminées et les musées deviennent des lieux spéciaux d’apprentissage. Chaque été, c’est plus de 12 000 personnes qui bénéficient de ce programme, l’été dernier a atteint une participation record avec 15 000 participants. Quant au travail avec les médias, la Oficina diffuse un programme télévision qui présente les chantiers réalisés et le travail effectué par cette dernière. La télévision appartient à l’état ce qui facilite la diffusion de ce genre de programme qui prône une Havane touristique et restaurée. Au sein des autres quartiers les transformations ne sont pas autant significatives. Le principe est le même à la radio, une émission a été créée et est diffusée sur les ondes. Cependant d’autres programmes ont également été appuyés par la Oficina, ceux-ci sont dédiés à la culture du pays et s’attachent à transmettre les valeurs du pays aux générations futures. La critique possible est de dire que la nouvelle génération est fatiguée de la propagande proFidel, qui sévit. En quelques heures de télévision il est possible de voir plus de cinq spots de propagandes vantant les exploits de la révolution castriste et de sa politique. On est vite tenté d’éteindre la télé pour ne plus jamais la rallumer. En 1996, Opus Habana voit le jour. Revue créée par la Oficina del Historiador et le directeur n’est autre qu’Eusebio Leal Spengler, directeur de cette même entreprise. Cette revue possède des grands axes qui se maintiennent depuis ses origines, tels que : une exaltation de la mémoire historique, culturelle et identitaire de la capitale coloniale, mais également cosmopolitisme et sauvegarde du patrimoine. Lorsque l’on s’intéresse au lectorat on se rend très vite compte que seul les spécialistes d’art et d’architecture cubains, les érudits étrangers ainsi que les artistes qui se retrouvent dans les pages de la revue s’intéresse à cette revue. Un public relativement restreint. En somme Opus Habana se perçoit comme un organe de presse à part entière qui se dit indépendant mais nous connaissons les liens qui Une stratégie urbaine et socio-économique à deux vitesses

Une stratégie à deux vitesses

Pour aller plus loin que l’effort matériel que suppose la notion de restaurer, il existe ce chantier social, en relation avec la restitution des habitats, lieux de vie de la famille, la valeur symbolique et exemplaire de l’école et du logement, tout cela véhicule directement la culture qui s’insert dans la communauté. Tels que le musée, les bibliothèques, les galeries d’art plastique, les salles de ciné et de concert et tous ce qui favorise l’enrichissement spirituel, spécialement, de quelques groupes sociaux plus vulnérables. En effet, la dimension sociale est consubstantielle du projet culturel et patrimonial de réhabilitation du Centre Historique. Dans les pires années de la «période spéciale» où même les produits alimentaires de base venaient à manquer, les services sociaux du Bureau de l’Historien ont mis un point d’honneur a mettre sur pieds des programmes comme : le desayuno cubano celui-ci proposait un déjeuner pour que les personnes âgées les plus démunies puissent au moins prendre en commun du lait, du café et du pain. Ces rendezvous devenus incontournable pour la population représentait également un moyen efficient de combattre l’isolement, un processus de resocialisation a été remarqué et le rendez-vous est encore maintenu aujourd’hui au travers de divers associations du Centre Historique.

67


Restauration du couvent de Belen

Une stratégie à deux vitesses

Source : https://www.havanatimes.com

68

Actions sociale menées au sein du couvent.

Source : A Singular Experience ‐ Appraisals of the Integral Management Model of Old Havana, World Heritage Site, UNESCO, Master Plan (Office of the City Historian), 2006.

Illustration dees classes musées.

Source : http://www.ohch.cu/file/img/g-programa-sociocultural-infantil-113.jpg

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


unissent le directeur de la Oficina del Historiador avec les pouvoirs politiques, dont le chef d’état. Elle se place comme une caisse de résonance des activités de la réhabilitation du centre historique parmi la presse internationale. Alors que l’île affronte toujours d’extrême difficultés, Opus Habana présente donc sur papier glacé une sorte de vitrine médiatique officielle, lisse et raffinée. La plupart des cubains ne l’ont jamais lu, principalement dû à un coût trop élevé. On peut parler d’outils capable d’offrir un point de vue et une réflexion sur un chantier de restauration mais l’objectif de faire communiqué l’art, le patrimoine et la population entre eux n’est que très partiellement atteint.

Une des autres opérations qui a eu un franc succès a été l’ouverture de classe de formation aux métiers de la restauration. En effet, Le Bureau de l’Historien a mis un point d’honneur a engagé la population locale et a la sensibiliser sur le fait qu’un effort collectif est nécessaire. C’est pourquoi des ateliers de formation proposant des cursus de peinture, menuisier, maçon,...ont été mis sur pieds. Ces ateliers permettent premièrement de former une population à un métier pour un coût quasi nul mais également de leur faire prendre part à la restauration du quartier. Que ce soit au sein d’une entreprise mais surtout et aussi en privé. Bon nombre de logements ont été restauré par leurs habitants eux-même. Enfin pour terminer cette sous-partie j’aimerais aborder avec vous une des expériences du Bureau de l’Historien devenue incontournable : «les classes musées». Rapidement évoqué en première partie, lorsqu’il a fallut détruire le parking qui se trouvait sous la Plaza Vieja, le recourt aux explosifs a été écarté d’une part par les habitants et d’autres part par les experts qui craignaient que les bâtissent déjà en très mauvais état tout autour de la place ne s’effondre. Ainsi, l’opération s’est faite mécaniquement et a duré très longtemps. L’école se situant a proximité ne pouvant plus occuper les lieux à cause du bruit, il fut décidé de déplacer ses activités pédagogiques dans des monuments et des musées voisins. Les enfants y suivirent donc des cours en lien avec le lieux ainsi réinvestit. L’expérience fut jugée si positive qu’elle fut étendue au reste du quartier. Avec le Une stratégie urbaine et socio-économique à deux vitesses

Une stratégie à deux vitesses

Consciente que les personnes âgées restent une part fragile de la population, la Oficina del Historiador met un point d’honneur à mettre sur pied des programmes et espaces capables de les accueillir et les protéger ainsi que des emplois adaptés. Les personnes de plus de 60 ans représentent 17% de sa population totale. Le travail le plus remarquable effectué à ce jour est celui de la réhabilitation du couvent et de l’église Belén en résidences pour personnes âgées ainsi qu’un hôpital de jour proposant des activités diverses et variés : visite du centre historique, gymnastique physique, déjeuners, services de coiffeur, barbier, exercices de relaxation, ludothèque (jeux, vidéos, débats), atelier de couture, atelier antistress ainsi que des ateliers de psychoballet pour de jeunes enfants atteint du syndrome de Down. Un atelier de fabrication de jouet à partir de recyclage de déchet à également vu le jour. Le programme de développement du Centre Historique cherche à travers ce type de programme favoriser les échanges intergénérationnels. De nouveaux logements sont également réhabilités, afin de favoriser leur accès à des personnes avec des difficultés de déplacements. Les ascenseurs sont quasi inexistants et les escaliers en mauvais état, les logements sont difficilement accessible aux handicapés et personnes âgées sans l’aide d’un tiers. De nouveau programme de logement voient ainsi le jour, rendant une part d’autonomie à ces classes de population plus défavorisées.

69


Une stratégie à deux vitesses

temps on mesure le caractère expérimental de la formule des classes musées, qui n’existent plus en tant que telle mais sont remplacées par des ateliers réguliers dans les musées de la ville. Les écoliers ont réintégré leur établissement d’origine, mais ils assistent aujourd’hui à des ateliers thématiques organisés à leur intention par les musées. Les activités que les enfants et les adolescents y mènent ont été pensées dans une perspective de réhabilitation mémorielle et d’ouverture culturelle. Pragmatisme, souplesse, invention de micro-expériences modélisables à moindre frais, écoute des riverains,... tels sont les ingrédients de la réussite d’une réhabilitation qui ne veut pas aseptiser son territoire au profit d’une restauration prestigieuse, mais qui s’est fixée dès le début comme objectif d’associer l’habitat traditionnel au patrimoine prestigieux.

70

Afin de conclure cette sous-partie soulignons que depuis le début de ce chantier, ce sont plus de 11 000 emplois générés par le processus de réhabilitation du Centre Historique, principalement associé aux secteurs du tourisme. 60% de ces emplois ont été octroyés à des habitants du quartier ou des municipalités voisines. Il est également estimé que 2 000 autres emplois indirects se seraient créés, associés principalement à la restauration des édifices, au domaine du service ainsi qu’aux productions artisanales.

3.2 Création d’un déséquilibre socio-spatial conséquent Derrière cette nouvelle image de ville promu par tous les médias locaux et internationaux se cache plusieurs autres facettes plus sombres de cette action de restauration. Nous verrons au cours de cette dernière partie les problèmes sociaux et spatiaux engendrés par un trop fort contraste entre une zone touristique à haut potentiel de développement économique et une périphérie marginalisée et abandonnée à son propre sort.

3.2.1 Patrimoine et tertiarisation

Dans la Vieille Havane le projet de revitalisation a créé une controverse entre les divers acteurs, qu’il s’agisse des professionnels de la gouvernance, des autorités locales, des investisseurs étrangers ou de la population résidente. Chacun tente d’y défendre ses intérêts, ce qui rend parfois le travail de réhabilitation périlleux et qui, mêlé au manque de ressources, entrave son bon déroulement. Nous pouvons citer la construction du Parque Central Hotel comme exemple de tension entre les investisseurs étrangers et les professionnels cubains. Dans les années 1990, de nombreux architectes cubains soumettent leur projet pour la construction de l’hôtel. Finalement, c’est un bureau espagnol qui gagne le concours et qui vend son projet pour un demi million de dollars. Un architecte cubain répliqua qu’avec cet argent des douzaines d’architectes locaux auraient pu recevoir un soutien financier pendant deux mois alors qu’ils étaient en train de compléter leur projet de candidature pour le Parque Central Hotel. Cela leur aurait aussi donné de l’argent pour acheter du matériel de dessin. Autrement dit, il existe parfois des conflits entre les différentes entités qui travaillent pour la préservation historique. Une manière d’y remédier, selon Mario Coyula, architecte-urbaniste basé à La Havane, serait d’utiliser la procédure normale qui régit tous les projets autour du monde qui consiste à mettre sur pied un concours d’architecture pour faire gagner le meilleur des projets. Le Centre Historique, témoin inestimable de l’histoire urbaine, est un espace La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


L’intégration du patrimoine, aussi bien bâti que spirituel et culturel, à l’activité touristique est l’un des préceptes poursuivis par le Plan Maestro de Revitalización integral de la Habana Vieja.

3.2.2 Patrimoine, tourisme et population locale

La progression du tourisme dans la zone restreint sa distribution à trois espaces principaux bien différenciés : Le système des places principales : Cette aire représente 30 hectares, elle concentre une variété de monuments de grande valeur. A cet endroit, deux anciens hôtels ont retrouvé leur luxe d’antant: l’hôtel centenaire Santa Isabel et le mythique Ambos Mundos où séjourna Ernest Hemingway. L’ensemble des différentes places (Plaza de Armas, de la Catedral, San Francisco et Vieja) recouvrent une confluence d’activités de nature culturelle, hôtelière, commerciale et entrepreneuriale. El Prado : Vaste de 43 hectares, ce territoire est sans doute, celui qui possède le plus de potentiel pour recevoir l’impact du tourisme et les services. Il se divise en 3 zones principales : le Parque Central et le Capitolio, le Parque de la Fraternidad et la Calzada de Monte. Dans la première zone, le plan prévoit la restauration ponctuelle d’édifices et la récupération d’hôtels traditionnels à l’image de l’Hotel Parque Central. La troisième sera principalement réservée au commerce. L’espace compris entre les calle Obispo et O’Reilly : Cet espace ne recouvre que 13 hectares et pourtant il représente une des zones les plus importantes du centre historique. En effet, la calle Obispo est l’artère la plus convoitée par les touristes et les Cubains car elle comporte des commerces spécialisés et des établissements financiers. De plus, elle relie les principaux édifices par un vaste corridor. Quant à la calle O’Reilly, pour l’instant toute intervention y est limitée en raison du trafic, cependant, il est projeté de récupérer Une stratégie urbaine et socio-économique à deux vitesses

Une stratégie à deux vitesses

symbolique où prennent place de manière tridimensionnelle les codes identitaires qui trouvent en principe dans ce centre une marque renforçatrice. Or, depuis quelques années, les zones nobles du centre historique (Mercaderes, Oficios, Plaza de Armas, Plaza de la Catedral, Plaza San Francisco) sont devenues des cibles préférentielles des activités tertiaires, surtout celles liées au tourisme, qui l’ont converti en un lieu de consommation et de loisirs en dollars où la population locale ne trouve plus vraiment sa place. Ce constat pourrait nous amener à dire que la tertiarisation du centre historique produit une sorte de gentrification. Mais si nous pensons à la fonction des différents centres historiques à travers le monde, nous constatons qu’à quelque part, elle est toujours identique : le centre historique, en tant que centre patrimonial, est le haut lieu de la culture et de l’architecture noble. De plus, le processus de tertiarisation engendre un processus de spéculation et d’investissements qui se développe dans les zones réhabilitées, résultant du développement immobilier destiné à louer ou vendre les édifices. En ce sens, il paraît normal que les zones de la Habana Vieja réhabilitées deviennent des lieux pour le tourisme et pour les activités nobles. Au contraire, il est à quelque part totalement inaccoutumé que la population locale, très souvent la plus démunie, ait pu résider dans des palais coloniaux, aujourd’hui transformés en musées ou en bureaux de l’administration.

71


les activités qui la caractérisent.

Une stratégie à deux vitesses

Comme nous pouvons le constater, le tourisme est un moyen important de développement local. Il représente un élément fondamental pour la réhabilitation du centre historique et une source d’emploi potentielle. De plus, il permet la réanimation économique et culturelle de la zone, surtout près de la Plaza de Armas, du Prado et du Parque Central. Enfin, il transforme le centre historique en un lieu unique, ce qui est une grande fierté pour les Havanais.

72

Cependant j’ai eu l’impression que les gens ne se sentaient pas bénéficiaires des retombées directes de l’activité touristique, hormis celles à caractère informel, mais qu’ils étaient indirectement touchés puisque leur environnement était rénové et réanimé. En revanche, leurs conditions de vie elles-mêmes n’ont pas changé. L’essor du tourisme de masse, avec son armée de perversions socioculturelles et économiques, surgit au moment même où Cuba est plongée dans la crise qui frappe les années 1990. Autrement dit, le tourisme fait son apparition dans un univers fragilisé, socialement ainsi qu’économiquement. Il apparaît alors comme une source de désordre social et d’inégalités. L’importance des dollars, l’augmentation de la prostitution et de la petite délinquance sont autant d’éléments qui ont fragilisé la cohésion sociale et le bien-être du centre historique. Dans ce lieu où tout se paie avec un billet vert, la valeur de l’argent a revêtu un masque sombre. La possession de dollars est désormais le seul de moyen de survivre dans cette zone, ce qui a provoqué l’augmentation des petits jobs liés au tourisme (floraison des restaurants privés : paladares et des petits snacks) ou des différents trafics et négoces illicites (cigares, œuvres d’art, drogue, prostitution). Avec la venue du tourisme, l’identité du milieu s’est estompée. De nombreux lieux ont en effet pris un autre visage ou perdu leur âme d’autrefois avec la masse des touristes en quête d’authenticité et de trace du passé. Pour Denise DouzantRosenfeld et Maryse Roux : « le revers de cette aseptisation, dans les conditions de la revitalisation adoptée, est ici l’aspect de quartier mort et l’évolution vers les traits artificiels des zones touristiques urbaines rénovées comme on le voit ailleurs, avec des risques de nouveau type de marginalisation (par le vide) dans ces secteurs » DOUZANT-ROSENFELD D., ROUX M. (non déf.) Vicissitudes de la Vieille Havane. In Cahiers des Amériques latines, n° 31/32, p. 157

Parallèlement à la perte d’identité du lieu, le tourisme implique la perte d’identité de la population. En effet, les limites de son territoire se restreignent en fonction de l’avancée des travaux de réhabilitation, par conséquent les espaces symboliques changent et les lieux d’activités aussi. Cela entraîne une délocalisation symbolique de son milieu, une perte de référence et donc d’identité. Pour essayer de lutter contre ce phénomène, la Oficina del Historiador encourage la participation active de la population au processus de réhabilitation. Cependant, dans la réalité, la population n’a pas vraiment la possibilité d’influencer le travail de réhabilitation.

3.2.3 Des opérations imposées et une population désabusée

La plupart des résidents de Habana Vieja, dont les logements sont concernés par les travaux de réhabilitation sont délocalisés à Habana del Este, une municipalité de La Havane située de l’autre côté de la baie, à l’est de la ville. Cette municipalité, développée dans les années 60, est jugée peu attractive par La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


de nombreux Havanais en raison de son site, de son manque de services, de sa très mauvaise desserte en transports publics et de ses édifices mal entretenus. Il n’existe pas de données claires concernant le nombre de personnes qui ont dû être délocalisées. Cependant, on peut estimer qu’environ 200 personnes habitant autrefois la Vieille Havane ont été transférées dans cette triste banlieue. La réalisation ainsi que la finition des édifices ne sont pas toujours bien exécutées.

Alors que, comme mentionné précédemment, certains résidents subissent quotidiennement le dépérissement de leur logement, à quelques mètres de là s’élèvent ça et là des édifices fraîchement rénovés, comprenant quelques appartements de haut standing destinés à être occupés par des businessman étrangers travaillant à Cuba. Ces derniers louent les appartements à la compagnie Fénix S.A., ils paient bien sûr en dollars. Forcément, il est plus rentable d’un point de vue économique de louer ces nobles demeures à des étrangers que d’y faire vivre une vingtaine de familles cubaines.

3.2.4 Une périphérie marginalisée, abandonnée En guise de dernière sous-partie j’aimerais détourner mon regard du

centre historique le temps d’un instant. Le Plan Maestro a dès le début fait un choix, celui de s’occuper premièrement du quartier de la Vieille Havane. Étant le plus ancien et celui qui subissait le plus d’éboulement d’édifice, ce choix paraît judicieux. Mais le Plan Maestro ne prévoit rien d’autre. J’ose espérer qu’une fois la zone délimitée au départ terminée. voir même avant, ils étendront les limites de la restauration jusqu’en périphérie. Là où les coupures d’eau sont continuelles, les coupures d’électricité fréquentes et l’accès aux équipements est très limité voir Une stratégie urbaine et socio-économique à deux vitesses

Une stratégie à deux vitesses

La plupart ont signalé être satisfaits de leur nouveau logement ainsi que de manière générale de leur nouvelle vie. Les seuls éléments qu’elles regrettent sont les problèmes de transport pour se rendre au centre ville ainsi que le manque de services. Il faut savoir qu’il n’existe qu’une seule ligne de bus reliant ce quartier périphérique au centre ville. Le transport est lent et très pénible en raison de la chaleur, de l’étroitesse et du manque de confort. Quant aux services, il n’existe qu’un seul marché de fruits et légumes et très peu d’autres facilités. Enfin, la vie sociale dans le quartier est nettement moins intense que dans Habana Vieja. Alors que certains résidents sont transférés dans de nouveaux logements, quelques milliers d’autres citoyens attendent désespérément une amélioration de leur condition de vie. Lorsque leurs logements sont aux bords de la ruine ou que l’historien Eusebio Leal décide de faire de la bâtisse coloniale qui les héberge un musée, ils sont alors transférés (sans accord de leur part) dans des maisons de transit provisoires en attendant qu’on leur trouve un nouveau logement. Cela prend parfois quelques années. Par exemple, j’ai pu trouver un témoignage d’une femme qui vit depuis plus de cinq ans dans un pavillon modulable financé par le Bureau de l’historien. Malgré le confort de l’habitation en comparaison de la majorité de logements en ciudadelas du Centre Historique, elle nous confirme que sa patience est à bout de souffle. Elle souligne le fait qu’elle n’est pas la maîtresse de maison mais que c’est Eusebio Leal (responsable du Bureau de l’Historien). Alors qu’autrefois, cette femme vivait avec dix autres personnes dans un appartement de trois pièces, aujourd’hui il ne reste plus que sa fille, son beau-fils et sa petitefille dans le logement familial. Son rêve est de ré-emménager au plus vite dans un appartement du Centre Historique. Sa phobie serait d’être transférée à Habana del Este dans un des containers préfabriqués.

73


Une stratégie à deux vitesses

inexistant. La vie en périphérie est difficile, les transports sont lents et les habitats ne sont pas en meilleurs états. On a souligné précédemment que La Havane se distinguait des autres villes d’Amérique latine, parce qu’elle n’avait pas subit cet accroissement de la population urbaine soudain, elle est donc passée à côté des problématiques de bidonvilles, favelas et autre. Mais le manque d’entretien face à une telle situation de crise plonge les équipements, les réseaux et les habitats dans des conditions extrêmes. Bien que la totalité des logements soient réalisés en dur, le confort des réseaux n’y est pas. Un jour sur deux l’eau ne sort pas des robinets et il faut aller la puiser dans un tonneau extérieur que l’on a pris soin de remplir la veille. Se laver, faire la cuisine, la vaisselle, laver le linge, toutes ces tâches du quotidien sont rendues longues et pénibles.

74

Les commerces sont deux fois moins répandus. La Havane en générale fonctionne principalement avec des commerces de proximités mais seules les grandes enseignes reçoivent les produits qui sortent de l’ordinaire. Bien qu’il y ait des commerces de proximités quasiment partout, dès que l’on cherche quelque chose en particulier, il faut faire deux, trois voir quatre magasins différents ou se rendre dans le centre pour le trouver. Que ce soit de l’alimentaire, des matériaux de bricolage, du textile ou encore des produits du quotidien. Les arrivés de marchandises sont instables et aucun commerces, petits ou grands, ne peut garantir le maintien de la vente de ces produits. On vit comme ceci et ils s’y sont habitués, on fait avec aujourd’hui, si il n’y a plus demain on fera autrement. Pour ceux qui ont trouvé un emploi dans le centre historique mais qui vivent encore en périphérie, c’est un véritable casse tête pour se rendre au travail le matin. Bien que des lignes de bus soient mise en place pour relier le centre avec la périphérie, elles ne sont soumises à aucunes horaires. Le système le plus utilisé est celui des taxis collectifs, ces voitures qui circulent toute la journée sur le même axe routier s’arrêtent lorsque l’ont tend la main et relient les principaux centres d’intérêts de la ville entre eux. De nombreuses lignes relient donc le centre avec sa banlieue mais le nombre de voiture comparé aux nombres d’habitants est insuffisant. Ainsi il est possible d’attendre jusqu’à une heure de temps au bord de la route avant qu’une voiture ayant de la place s’arrête pour nous prendre. La pénurie d’essence qui sévit sur l’île accentue cette pénurie de voiture. La périphérie est abandonnée à son propre sort et absolument aucune répercussion du tourisme y est perçue. La population doit faire face aux mêmes difficultés et s’inventer sa façon de s’en sortir. Le centre historique paraît hermétique et ne semble pas pouvoir et vouloir étendre sa dynamique de renouveau. Les seules ondes de réhabilitation que reçoit la périphérie sont celles transmises par la télévision sous formes de spot publicitaires de mauvais goût.

Au sein de cette troisième et dernière partie j’ai souhaité expliciter les impacts autant spatiaux que sociaux que pouvaient engendrer une telle opération de réhabilitation urbaine intégrant au sein de son programme une dimension sociale forte. J’ai également essayer de retransmettre les différentes ambiances perçues lors des explorations urbaines réalisées dans la ville. Cette ambiance à deux visages a pris place dans cette ville et semble partie pour durer. Ces deux visages que l’on retrouve aussi et surtout lors des retour de vacances. Ces ambiances La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


qui sont souvent une promotion de la ville pour faire augmenter toujours plus le tourisme. On mise sur des stratégies urbaines intégrant le culturel (économies créatives) ou sur des principes basés sur le marketing urbain, où l’on cherchera à pousser à la consommation d’une façon ou d’une autre. L’intelligence de la Havane a été de le détourné pour réutiliser ses fonds au profit de la population locale et non pour desservir des économies mondiales. Mais nous avons vu que ces opérations reste très ciblées et crées des ségrégations spatiales et sociales importantes voir inquiétantes pour l’avenir du pays.

Une stratégie à deux vitesses 75

Une stratégie urbaine et socio-économique à deux vitesses


C

O

N

C

L

U

S

I

O

N

Conclusion

Au cours de ce travail de recherche nous avons étudié l’évolution de la trame historique de la ville de La Havane. Encore aujourd’hui considérée comme «la perle des Caraïbes», elle représente un véritable vestige de l’ère coloniale espagnole. Son patrimoine bâti qui a été protégé de toute expansion urbaine de masse, suite à de graves problèmes économiques, est cependant en danger. La ville semble en ruines, le manque d’entretien de la ville conduit à des situations de précarité extrême et c’est toute une population qui en paye les conséquences. Au travers de cette première analyse nous avons vu que la ville de La Havane et plus généralement toutes les villes cubaines sans exception sont des cas uniques de conservation du patrimoine bâti. L’enfermement économique et politique qu’a subit l’île de Cuba en a fait un lieu de mémoire incroyable presque contre son gré. Nous avons également vu que son contexte politique, économique et social en font un lieux particulièrement complexe et dans une situation délicate à l’échelle internationale mais aussi et surtout sur son propre territoire.

76

Depuis maintenant presque 80 ans, la ville a fait le choix de réhabiliter et conserver dans un état originel le patrimoine bâti du quartier de la Vieille Havane. La politique du pays ne permettant aucune croissance d’entreprise, le Bureau de l’Historien de la Havane porté par Eusebio Leal a engagé un effort titanesque afin de se recréer un cadre politique et économique capable de sortir des diktats imposés par la politique répressionnaire Castriste afin de donner toute ses chances au Plan Maestro. Ce plan de restauration donné pour 40 ans arrive aujourd’hui à son terme. Quel bilan peut-on d’ores et déjà en tirer ? Ayant effectuer mon stage de master au cœur même de cette entreprise j’ai pu constater et évaluer leur travail sur site et j’ai également eu l’occasion d’étudier leur façon de travailler. Au cours de ce travail de recherche nous avons explicité le lien qu’il peut y avoir entre une économie touristique et une réhabilitation urbaine. Ce lien étroit qu’entretient le tourisme avec les villes d’aujourd’hui, et surtout les centres historiques, est une problématique que nous retrouvons dans plusieurs grandes métropoles actuelles. En effet, le tourisme de masse a pour effet pervers d’anéantir une partie de la vie locale et d’aseptiser son urbanisme au profit d’espaces de consommation. Un constat qui a été étudié et explicité notamment au travers de nombreuses analyse prenant comme exemple les villes de Barcelone ou encore Venise. Le tourisme a perdu son sens premier qui était de confronter ses principes à des mondes inconnus. Aujourd’hui les villes touristiques se ressemblent toutes, les centres historiques suivent les mêmes schémas de développement et de nombreuses villes sont misent en concurrence afin d’obtenir le prix tant recherché de «capitale de la culture». La Havane a compris ce processus, en a décrypté les codes et a décidé d’en faire un de ses axes de développement. Cependant elle a réussi à biaiser le système en choisissant de mettre a contribution le tourisme au profit de la population locale. Elle utilise les mêmes codes et stratégies urbaines qu’une ville accueillant du tourisme mais à l’inverse de toutes les autres elle a, et ce dès ses premières heures, détourné les fonds récoltés afin de les utiliser pour : la restauration de son patrimoine, le développement de nouvelle stratégie de communication et également pour la création de nouveaux équipements au profit de la population locale. De part ce système toute fuite économique sur le marché mondiale est La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


évitée et une véritable économie locale et recréée. En se réinventant un cadre politique, la ville de la Havane a maîtrisé la création de commerces, la gestion de son potentiel foncier, la création d’équipements touristiques ainsi que la part de réinvestissement économique destinée à la réhabilitation du patrimoine autant matériel qu’immatériel. Cette dernière, fondée sur un mode de développement participatif, permet une bonne exploitation des ressources matérielles et humaines du Centre Historique en vue de sa réhabilitation.

C’est toute la difficulté que j’ai rencontré au cours de ce travail de recherche. Le projet mené à La Havane, en vertu du contexte local, tend à cibler son travail sur une action simultanée entre une réhabilitation physique, sociale et environnementale, en exploitant les ressources financières touristiques. Un projet qui a été récompensé de nombreuses fois à l’international et il suffit de s’y intéresser de plus près pour en percevoir toute la richesse et la profondeur. Cependant ayant une économie basée sur le tourisme il semblerait que de plus en plus de fonds soit destinés à la création d’équipements touristiques afin d’engendré de plus en plus de revenus. Si bien que l’équilibre de ce système altruiste est aujourd’hui menacé. La question centrale qui se dégage de ce modèle renvoie à la manière dont les divers éléments d’une réhabilitation patrimoniale doivent être proportionnés, entre vie touristique et vie locale, entre patrimoine touristique et logements cubains, entre économie locale et économie touristique,... Je suis loin d’être en mesure de vous apportez une réponse claire à se sujet et je doute qu’elle existe en tant que telle. Mais ce système illustre avec force la pertinence et les difficultés qui peuvent résider dans la réalisation d’un projet mêlant développement locale et tourisme. Aujourd’hui quels enseignements pouvons-nous tirer de la Havane ? Est-ce trop tard pour faire un retour en arrière afin d’éviter la perte définitif de nos centres historiques ?

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane

Conclusion

De part ce cycle de restauration quasiment fermé où la principale source de revenu provient du tourisme, le Bureau de l’Historien s’assure une longévité quasi assurée pour de nombreuses années. Mais après plusieurs voyages sur place, et surtout après avoir logé au sein du cœur historique et en périphérie, j’ai étudié de plus près les impacts que cette restauration a pu avoir sur le territoire. Bien que son efficacité et la progression qu’elle a eu depuis ces dernières années est tout simplement remarquable il subsiste des parts d’ombres au tableau. Notamment en ce qui concerne la répartition très inégale des richesses et donc des restaurations effectuées. Il semble qu’une part de la population soit bénéficiaire d’un programme de revitalisation et qu’une autre part soit totalement laissée à son propre sort.

77


B

I

B

L

I

O

G

R

A

P

H

I

E

Webographie

http://www.planmaestro.ohc.cu/ http://www.habananuestra.cu/ http://www.ohch.cu/ http://desarrollourbanohabana.blogspot.ca/ http://laboratoireurbanismeinsurrectionnel.blogspot.ca/2012/04/une-ville-et-unerevolution-la-havane.html http://www.rafaellopezrangel.com/galeria%20habana.htm http://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2010-3-page-103.htm http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc download?doi=10.1.1.439.2473&rep=rep1&type= pdf http://www.habaguanex.com

Bibliographie

Revues

78

Roberto Segre, redactor principal de “La ciudad colonial dependiente”, en Arquitectura Cuba, La Habana, No.340, 1971, pp25. editora CENTSCO REVUE URBANISME (1997) Patrimoine et tourisme, n° 295, pp. 42-57 DILLA ALFONSO H. (1999) Camarades et investisseurs : Cuba, une transition incertaine. In Cahier des Amériques Latines, n° 31/32, pp. 83-91. DOUZANT-ROSENFELD D., ROUX M. (2001) Cuba à l’épreuve du tourisme international. In Problèmes d’Amérique Latine, n° 42, pp. 87-101. HERRERA R. ed. (2002) Trajectoires latino-américaines : regards sur Cuba. In Revue Tiers Monde, n° 171, pp.4 89-598. HERRERO G. P., DE JESUS LABORIN CAPOTA M. (2001) El problema de la vivienda en Cuba : Planeamiento urbano y crisis en Pinar del Rio. In Estudios geographicos, n° 244, pp. 493-523. MOUIAL G. (2002) La Santería, religión popular cubana. Ciudad de La Habana, ediciones Unión. O’HARE A., O’HARE G. (2001) Tourism in Cuba. In Geography Review, March, pp. 21-25. SALINAS CHAVEZ E., ESTEVEZ PAZO R. (1996) Aspectos territoriales de la actividad turistica en Cuba. In Estudios Geograficos, Tomo LVII, n° 223, abril-junio, pp. 327-350 CATASUS CEVERA S. (1996) La population de Cuba : principales caractéristiques et tendances démographiques. Paris, Centre Français sur la population et le développement (CEPED), dossier n° 39. LEAL SPENGLER E. (1994) Tiempo y espacio. In Carta de la Habana, Boletin del Grupo para el Desarrollo Integral de la Capital, año 2, n° 5, p. 1. SCARPACI J. L. (2000) Reshaping Habana Vieja : revitalization, historic preservation, and restructuring in the socialist city in Urban Geography, vol. 21, n° 8, pp. 724-744. SEGRE R. (1994) La Habana : modernidad socialista en el centro historico. In Cadernos IPPUR/UFRJ, Ano VII, n° 2/3. VENEGAS FORNIAS C. (2003) Plazas de intramuro. La Habana, Consejo Nacional de Patrimonio Cultural. REVUE URBANISME (1997) Patrimoine et tourisme, n° 295, pp. 42-57. DILLA ALFONSO H. (1999) Camarades et investisseurs : Cuba, une transition incertaine. In Cahier des Amériques Latines, n° 31/32, pp. 83-91. DOUZANT-ROSENFELD D., ROUX M. (2001) Cuba à l’épreuve du tourisme La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane


international. In Problèmes d’Amérique Latine, n° 42, pp. 87-101. HABEL J. (1995) Cuba: une transition à haut risque. In Problèmes d’Amérique Latine, n° 17, pp. 17-33. HERRERO G. P., DE JESUS LABORIN CAPOTA M. (2001) El problema de la vivienda en Cuba : Planeamiento urbano y crisis en Pinar del Rio. In Estudios geographicos, n° 244, pp. 493-523.

Ouvrages

Films

http://www.35milimetros.org/arqfilmfest-habana-el-nuevo-arte-de-hacer-ruinas/

La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane

Bibliographie

SEGRE R., COYULA M., SCARPACI J.-L. (1997) Havana : Two faces of the Antillean Metropolis. Chichester, Wiley and Sons. CHOAY F. (1992) L’allégorie du patrimoine. Paris, Seuil. FAGIUOLI M. (2002) CUBA, la Isla Grande. Édition Gründ. GUIDES GALLIMARD (2001) Cuba. Paris, éd. Nouveaux-Loisirs. CARLSSON Y., SANTESSON T. (1999) The Renewal of a World Heritage, Old Havana, Cuba. Stockholm, Royal Institute of Technology, departement of infrasrtructure and planning, Master of science thesis n° 01-166. GARNIER J.-P. (1973) Une ville, une révolution : La Havane. Paris, Anthropos. LEAL SPENGLER E. (1999) Desafío de una utopía, una gestion integral para la recuperación del Centro Historico de la Habana. Ciudad-City, La Habana, Ed. Boloña. JULIA COOKE (2014), The other side of paradise : Life in the New Cuba. Berkeley, California, éd. Seal Press. T.J. ENGLISH (2010), Nocturne à la Havana, Paris, éd. La table ronde. AZICRI M. (2000) Cuba today and Tomorrow. Gainesville, University Press of Florida. VALDES Z. (1995) Le néant quotidien. Arles, Actes sud. VALDES Z. (1996) La douleur du dollar. Arles, Actes sud. A Singular Experience Appraisals of the Integral Management Model of Old Havana, World Heritage Site, UNESCO, Master Plan (Office of the City Historian), 2006.

79


La réhabilitation urbaine du centre historique de la vieille Havane Témoin des enjeux et tensions de l’urbanisme touristique Résumé : Comme de nombreuses villes à l’heure actuelle La Havane cherche de la reconnaissance. Suite à une longue période d’absence de la scène internationale, Cuba refait son apparition. Balafrée et en mal de vivre, elle choisit d’instaurer une nouvelle dynamique urbaine capable d’accueillir et d’attirer une nouvelle population touristique qui arpentera ses rues et logera dans ses hôtels fraîchement rénovés. La singularité de la ville de La Havane se caractérise par la conservation remarquable de son cadre bâti qui a été épargné des ravages de la spéculation immobilière par l’idéologie ruraliste du régime. À l’heure actuelle toutefois l’état de décrépitude du patrimoine à atteint un niveau alarmant. Ne pouvant accueillir cette nouvelle manne touristique dans de telles circonstances, elle a mis sur pied un système de restauration et réhabilitation urbaine auto-financé. Cette structure énonce un programme de réhabilitation patrimoniale autant matériel qu’immatériel. J’ai voulut réinterroger ces objectifs et étudier son fonctionnement au travers de ce mémoire. Mes nombreux déplacements sur place et tout au long de cet exercice de recherche j’ai pu saisir l’importance des impacts plus ou moins directs que cet exercice de réhabilitation urbaine entraînait. J’ai également souligné les difficultés inhérentes à la mise en œuvre d’un projet urbain, telles l’ambiguïté du principe de participation, la difficulté à combiner les échelles et le jeu des différents acteurs ainsi que la difficulté de mettre en œuvre une action qui soit globale et intervienne de manière simultanée sur les champs du politique, du social, de l’économique, du cadre bâti. Mots Clefs : Projet urbain - Réhabilitation urbaine - Précarité - Tourisme - Plan de sauvegarde - Patrimoine - Centre historique - Auto-financement - Participation citoyenne


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.