LES MANIFESTATIONS DE GENRE DANS L’ESPACE PUBLIC Comment se manifestent les frontières spatiales urbaines ? Quelles sont les solutions déployées par les femmes dans la ville ? Les attitudes genrées de nature spatiales, graphiques, sonores, odorantes marquent le territoire du genre qui les a produites, elles forment des frontières et ségréguent l’espace. Cela génère une inégalité de conforts et de déplacements envers le genre exclu de ces attitudes stéréotypées (Raibaud, 2015). On assiste, par conséquent, à des comportements qui découlent de ces inconforts. Ainsi, les femmes dans la ville génèrent des formes géographiques particulières (Di Méo, 2011). Pour illustrer, le géographe parle d’abord d’une « forme en territoire de quartier », en maille. Cette dernière est répandue et varie selon les parties de la ville. Par exemple, le quartier bobo représente un lieu convivial, de partage, de vie sociale. Ensuite, le quartier réseau qui est plus vaste et où le déplacement des femmes qui gèrent différentes activités se fait principalement en voiture. Enfin, pour les femmes âgés, handicapées ou en difficultés sociales, le quartier devient une figure protectrice où elles créent leur propre réseau de relations sociales. La deuxième forme est une « forme radiale » (Di Méo, 2011). Elle représente les femmes qui se déplacent sur un rayon de la ville, par exemple du centre-ville à une banlieue ou le long d’un axe de communication majeur. Selon l’enquête du géographe, c’est un effet tunnel : plus les femmes sont actives, plus l’axe s’amincit. Elles ne s’arrêtent pas le long de cet axe mais l’utilisent exclusivement pour aller d’un point A à un point B. Cependant, plus elles ont le temps, souvent avec l’âge, plus l’axe s’élargit et parfois forme des sortes de hernies à certains endroits. Enfin, des femmes plus libres, jeunes peuvent voir la ville comme un puits de ressources en se déplaçant selon une « forme éclatée » (Di Méo, 2011). C’est à dire qu’elles utilisent la ville dans son entièreté, selon ce qu’elle propose. Cette forme de déplacement ne signifie pas pour autant que les inégalités disparaissent, cela indique plutôt que les femmes tentent de ne pas se limiter à cause de ces inégalités. Cette manière de fonctionner demande des ressources psychiques, une situation sociale, une culture, une liberté d’esprit, et le temps nécessaire pour l’appliquer au quotidien.
Quels sont les codes genrés de l’intérieur et de l’extérieur ? La ville constitue donc un lieu inégalement expérimenté selon les genres. Afin de rendre compte des impressions, sentiments à propos de lieux pratiqués par les femmes, Guy Di Méo a constitué lors d’une enquête un échantillon cliché de 60 femmes de la ville de Bordeaux avec qui il a réalisé des entretiens. A la suite de quoi il explique que les lieux ont une forte connotation sexuelle masculine et que la sexualité est taboue chez les femmes et contrôlée par les hommes. 17