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Followed r e n c o n t r e r&d é c o u v r i r

Entretien avec

Jacques

FRANCE 3,90 EUR - BELGIQUE - LUXEMBOURG 4,20 EUR / SUISSE 7,00 CHF

Weber de Cyrano à L’Avare

Vive la neige

les dessous d’un ski

Week-end à Rome

À nous la dolce vita

Loeb Sébastien

Sa troisième vie

Histoire d’horlogerie chez Longines

Rouler autrement Ford Mustang Kott Motorcycles Visites exclusives chez Ducasse & Ayala




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ÉDITO

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L’importance

rêves

des

Rédacteur en chef

directeur de la publication

Christophe Boulain

chboulain@followed.fr

Rédaction

J.-F. Béchu, A. Bloch, K. Lefebvre, P. Lefebvre, F. Montfort, D. St-Aubin

Photographes

L. Lacoste, Mitchell, F. Montfort

Conception

M. Souday, L. Hériau

Fabrication

SIB Imprimerie, Boulogne-sur-Mer. Imprimé en France Dépôt légal à parution ISSN : 2427-0881 Numéro de commission paritaire : 0716 K 92784 Diffusion presse et pro Axiome group, France MLP, Belgique Tondeur Diffusion

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publicite@followed.fr Tél. +33 (0)6 62 46 64 72 Followed Magazine est édité par Followed SAS SIREN : 808 701 569 Capital de 20 000 € Président C. Boulain Tél. +33 (0)1 70 38 24 06

140 bis, rue de Rennes, 75006 Paris, France

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es chefs d’État qui arrivent du monde entier en avion, qui traversent Paris dans grosses berlines en cortège, avouez qu’on en a tous rigolé. Ce pourrait être l’image publique de la COP21, cette réunion au sommet pour le climat. D’accord, résumé de la sorte, c’est pathétique. Mais se dire qu’il y a enfin une prise de conscience des grands de ce monde que notre comportement a une influence négative sur l’avenir de notre planète, de notre civilisation ellemême, cela a du bon. Comme d’apprendre que la Chine va baisser de 60 % les émissions de ses centrales à charbon à l’horizon 2020. Moi, cela me fait rêver à un monde meilleur. Un monde où l’on ne gaspillerait pas l’énergie, où on la produirait localement, grâce au soleil au Sud, au vent au Nord, ou aux courants marins. Un jour, un chercheur m’avait dit : « Il faut rêver, c’est ce qui nous fait avancer. On ne peut pas chercher un remède à une maladie incurable si on ne rêve pas de la soigner... » Se poser les bonnes questions pour trouver les bonnes réponses. Notre planète est souffrante. Nous en sommes partiellement la cause. Alors rêvons d’énergie renouvelable, d’indépendance énergétique de tous les pays, d’échanges et non de tensions géopolitiques et d’enjeux financiers. Préserver notre planète, c’est respecter les générations futures, leur liberté et leurs croyances. Imaginons, pour qu’il existe un jour, un monde meilleur. Ce jour-là, nous pourrons aller au concert ou boire des verres sans craindre d’être la cible de dangereux fanatiques. Alors rêvons... c’est nécessaire. Christophe Boulain @ChBoulain

Abonnement : pages 50-51 et 129-130 Couverture : photo RedBull Média

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SOMMAIRE

L’aventure Citroën finie, Sébastien Loeb se tourne vers le prochain Dakar avec son buggy Peugeot 2008 DKR.

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32 Savez-vous ce qu’est la prise de mousse ? Grâce à Followed Magazine, découvrez tout de la méthode champenoise dans les caves de la maison Ayala.

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acques Weber est l’un des plus grands acteurs français. Il nous raconte ses débuts et sa carrière.

Parler de skis sandwich n’est pas fortuit. Ils sont parfois composés d’une multitude de couches. Explications chez Dynastar.

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De la torréfaction des fèves aux tablettes, tout sur la fabrication du chocolat chez Alain Ducasse.

es meubles en béton, dans l’absolu, ça ne donne pas envie. Sauf quand ils sont imaginés et moulés par Patrick Paris.

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En route vers L’UEFA EURO 2016 TM , avec Continental, Sponsor Officiel ! Soyez sÝrs de votre freinage avec les pneus Continental

Le Futur en Mouvement


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SOMMAIRE

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ien ne vaut d’écrire à la plume. Mais savezvous qu’on peut adapter son stylo à son écriture ? Rencontre avec un artiste « retailleur » à Paris.

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Des Vespa, des Fiat 500, quelques cafés ristretto et des monuments : voilà le programme idéal d’une visite de Rome.

80 Certaines montres ont traversé des décennies. La Longines Conquest en fait partie. Retour sur les quarante dernières années en sa compagnie.

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oici la première génération de Ford Mustang pensée pour le monde entier. Donc pour la France. Cela valait un essai.

110 Madame n’est pas en cuisine mais dans son laboratoire. Elle y prépare des gommes de pneus hiver. Un métier passionnant.

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endez-vous au nord de Los Angeles où Followed Magazine est allé à la rencontre de Dustin Kott, un véritable génie de la préparation moto.

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CONTRIBUTEURS

Nicolas BERGER Ancien chef pâtissier d’Alain Ducasse, Nicolas est aujourd’hui en charge de la production de la manufacture de chocolat du chef, à Paris, où nous l’avons rencontré.

Dustin KOTT Ce Californien de 37 ans redonne vie à de vieilles motos dans la banlieue nord de Los Angeles. Sa spécialité : faire ou refaire, à la main et sur mesure, des pièces en métal.

Caroline LATRIVE Le travail de Caroline prend du temps. Plus d’un an avant de mettre ses champagnes en bouteilles. Plus quelques années avant de les faire goûter. À Aÿ, à côté d’Épernay.

Luisa MUNOZ Colombienne vivant au Luxembourg, Luisa passe ses journées dans un laboratoire, à composer des mélanges de caoutchouc. Dans un seul but : vous rendre la neige plus sûre.

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CONTRIBUTEURS

Patrick PARIS Il s’amuse à nous déranger, dans son atelier de l’ouest parisien. Avec son mobilier en béton, Patrick joue de la matière et des formes pour provoquer nos sens.

Philippe RIMBOD Pour comprendre le fonctionnement d’un ski, nous sommes allés rencontrer Philippe au pied des Alpes, dans l’usine Dynastar de Sallanches. Il nous a expliqué tout ce qui le compose.

Barb SAMARDZICH Qui de mieux que Barb pour nous raconter la nouvelle Ford Mustang ? Elle qui a travaillé au développement des deux dernières générations à Detroit, Michigan.

Walter VON KÄNEL Président emblématique de la marque suisse Longines, c’était le témoin idéal pour nous raconter les quatre dernières décennies du monde de l’horlogerie.

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SENSATIONS FORTES

La

compétition passionnément Les Français aiment Sébastien Loeb. Pour une raison simple : grâce à lui, on ne voit plus Guy Roux vanter les modèles Citroën à la télé, les Chevrons lui ayant vite préféré cet Alsacien au regard d’acier. Pourtant, malgré ses neuf titres mondiaux en rallye et de belles victoires en WTCC, la marque française vient de le remercier. Pas de quoi stopper la carrière de ce compétiteur hors pair. Explications. Textes C. Boulain, photos Red Bull Media-Citroën Racing

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SENSATIONS FORTES

« Au Dakar, je veux être dans le rythme des meilleurs » Sébastien Loeb, pilote Peugeot Sport-Red Bull

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« JE N’AI PAS DE REGRETS. MAIS JE SUIS DÉÇU QU’ILS AIENT DÉCIDÉ D’ARRÊTER » Sébastien Loeb

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endredi 27 novembre. Sébastien répond à nos questions depuis le circuit de Losail, au Qatar, lors de l’ultime manche du championnat du monde de voitures de tourisme (WTCC). Il vient de terminer ses qualifications et est impatient de remonter dans sa Citroën C-Elysée pour tenter de finir second du championnat, devant le quadruple champion de la discipline, Yvan Muller. Il a pour cela encore deux courses cette saison. Ses deux dernières courses dans une voiture aux chevrons. Huit jours plus tôt, dans un communiqué présentant le programme 2016 de la marque, il n’y avait que deux noms, deux pilotes seulement pour ce qui sera la dernière saison de Citroën dans ce championnat. Et aucun d’eux ne s’appelle Loeb. « Je n’ai pas de regret. Mais je suis déçu, oui. Nous étions partis sur un programme de trois ans, avec pour objectif personnel la couronne mondiale la troisième année... mais ils ont décidé d’arrêter, nous explique Sébastien. Moi, je n’aurais pas laissé tomber... » Lui qui demandait du temps pour apprendre, lui qui n’a jamais été aussi performant que lors de cette seconde année, n’aura finalement pas l’occasion de se mesurer une saison de plus aux López et Muller, ses équipiers et référents dans cette discipline. L’Alsacien tourne déjà son regard bleu acier vers l’avenir, de l’autre côté de l’Atlantique pour le départ du Dakar, prévu en Argentine début janvier. « Ce devait être un programme annexe. Avec cette annonce, c’est devenu ma priorité », explique-t-il. L’avenir de ce pilote d’exception se résume-t-il aux dunes boliviennes et argentines d’un Dakar émigré

en Amérique du Sud ? Ce qui est certain, c’est que l’Alsacien n’y va pas pour se promener. « C’est une course d’aventuriers, avec des paysages superbes. Mais même si je ne me fixe pas d’objectif, ce qui serait compliqué pour une première participation et sur une course qui va durer deux semaines, je veux parvenir à me caler dans le rythme des meilleurs. » Avec son buggy Peugeot 2008 DKR 2016, développé par ses expérimentés équipiers, Stéphane Perterhansel, Cyril Despres et Carlos Sainz, qui totalisent à eux trois dix-sept victoires sur le Dakar, Sébastien peut être rassuré. Plus long, plus large et plus bas que celui qui avait « décoré » l’an dernier sur la même épreuve pour le retour du Lion au rallye-raid, le nouvel opus mijoté par les ingénieurs Peugeot, mais toujours motorisé par un bon gros diesel, ne devrait plus rougir de la comparaison face aux Mini officielles, favorites de la course. Bref, côté monture, il est paré. Et à ceux qui pourraient trouver le choix de son copilote, un rôle primordial en rallye-raid, un peu léger, Sébastien répond : « Au début, Daniel [Elena, NDLR] n’était pas le choix le plus évident. Je pensais m’orienter vers un copilote expérimenté dans ce type de course. Mais Daniel nous a prouvé qu’il pouvait le faire. Il a fait ce qu’il fallait pour nous convaincre. Il est motivé. » Voilà donc la plus belle paire du sport automobile français de nouveau réunie. Ça n’est pas pour nous déplaire. Car, depuis 2012, ces deux-là n’avaient plus trop fait voiture commune. Hormis quatre piges lors du championnat WRC 2013 et un Monte-Carlo

Une carrière de pilote qui n’est pas encore terminée

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SENSATIONS FORTES

bien qu’il devienne pilote un jour. Deux Volants Rallye Jeunes plus tard, en 1995 puis 1996, on le repère et l’aide à commencer sa carrière. Comme quoi, il y a des visionnaires. L’Alsacien devient très vite l’un des meilleurs, au point de taper dans l’œil averti de Guy Fréquelin (pas Roux, un autre Guy...) et de mériter son volant chez Citroën dès l’année 2000. Il débute en WRC en 2002 et fait déjà des étincelles. Pour sa première saison complète, en 2003, il manque le titre d’un rien. Lors de la

Photo Christophe Boulain

cauchemardesque en 2015, ils roulaient chacun dans leur coin. Si vous avez passé les quinze dernières années sur une autre planète, il faut savoir qu’à eux deux, Daniel et Sébastien ont tout gagné en rallye pendant une décennie. Leur rencontre remonte à 1998, à l’époque où Sébastien était encore un pilote amateur. Plus jeune, il passait son temps à faire des courses de cyclomoteurs avec ses copains puis, une fois le permis en poche, à détruire toutes les voitures qui passaient dans ses mains. Il fallait

La paire Loeb-Elena a battu tous les records en WRC. Elle aurait même pu coiffer une couronne de plus en 2003... sans les consignes de Citroën.

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dernière course de l’année, il obéit sagement aux consignes de son équipe, qui préfère le voir assurer la couronne constructeurs plutôt que se battre avec Petter Solberg. Cela sera le premier et dernier titre du Norvégien... Les neuf suivants tombant un à un dans l’escarcelle de la paire magique. Que retenir de ces neuf titres consécutifs et de ces 78 victoires, soit près d’une toutes les deux courses ? Que c’est Loeb qui aura poussé à la retraite les Sainz, Grönholm et McRae. Qu’il aura été le premier à remporter toutes les courses du championnat, quelle que soit la surface. Et, enfin, qu’il aura passé dix ans à épater

ses ingénieurs. Lors d’une spéciale monégasque, une de ces années où le temps hésite entre neige et verglas, rendant les routes escarpées de l’arrièrepays plus piégeuses qu’aucune autre, les ingénieurs de Michelin se souviennent encore des exploits de l’Alsacien. « La montée était enneigée, mais pas la descente. Tous les pilotes hésitaient entre monter des pneus clous ou sculptés... Les premiers étaient idéaux pour la première partie, à l’ombre. Mais trop lents dans la descente. Les seconds, c’était l’inverse. Alors que tous les pilotes ont choisi les sculptés, Sébastien nous a demandé des clous. Une fois en haut,


UNE POLYVALENCE JAMAIS VUE

Sébastien a gagné tous les rallyes du championnat du monde, qu’ils fussent sur terre, asphalte ou neige. Et a vite démontré sa vitesse dans d’autres catégories.

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SENSATIONS FORTES

8’13’’878 Le temps réalisé par la 208 T16 Pikes Peak pilotée par Sébastien, dans la fabuleuse montée vers les nuages. Soit une grosse minute trente de mieux que le précédent record.

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Que cela soit avec son écurie, Sébastien Loeb Racing, ou avec Red Bull et Peugeot Sport lors de la montée de Pikes Peak, Sébastien fait ce qu’il aime : piloter. Et gagner.


il s’est mis à zigzaguer pendant quelques centaines de mètres, jetant sa Citroën de droite à gauche. En fait, il faisait sauter ses clous. Il s’en débarrassait. Le temps gagné dans la montée, il ne le perdit pas dans la descente... » Ce jour-là, non seulement Sébastien Loeb massacrait la concurrence, mais il établissait surtout de nouvelles références dans le rallye. Mais toutes les bonnes choses ont une fin. Pour le WRC, ça sera au rallye de Catalogne 2012, neuvième couronne coiffée. Sébastien entame alors sa reconversion. Elle se fera sans Daniel Elena. Lors du Mondial de l’automobile de Paris, il annonce son envie de faire du circuit. Pour résumer, il force

Citroën à le suivre en WTCC pour au moins trois saisons. À cette époque, les Chevrons ne peuvent se passer de leur héros. Or, depuis 2005 et sa première participation aux 24 Heures du Mans, la piste démange le héros. Cette saison 2013 de transition, outre les quatre manches WRC qu’il concède à Citroën Racing, il la passe à rouler en FIA GT avec son équipe Sébastien Loeb Racing, à bord d’une McLaren. Il y a aussi une pige magique, avec Peugeot Sport, du côté du Colorado. Avec une 208 T16 Pikes Peak de 875 ch, il efface des tablettes tous les records précédents sur la montée qui rendit célèbre Peugeot aux États-Unis en 1988, lorsque Ari

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SENSATIONS FORTES

9 titres

2 fois plus

C’est encore aujourd’hui le record de couronnes mondiales pour un pilote automobile. En plus, celles-ci ont été glanées en neuf années consécutives.

En 2015, par rapport à la saison précédente, Loeb a gagné deux fois plus de courses en WTCC. Avec quatre victoires et huit podiums, il termine troisième du championnat, à un point du second.

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Vatanen, se cachant le soleil de la main, flirtait avec le précipice à bord de sa 405 T16. On s’en souvient tous. Et surtout, Sébastien et l’autre Alsacien, Yvan Muller, préparent leur C-Elysée pour débuter 2014 en WTCC. Démarre alors sa seconde vie de pilote. Durant deux ans, Sébastien va apprendre les circuits. Il va aussi apprendre une autre façon de faire. « En WTCC, on travaille beaucoup avec les ingénieurs, avec les relevés de données. Tout se fait au dixième de seconde, on ne laisse rien au hasard », explique-t-il. Dès les premières courses, Sébastien montre qu’il va se battre pour le podium. Mais pas toujours pour la plus haute marche. Yvan Muller, mais surtout son autre équipier, l’Argentin José María López, l’éclipsent le plus souvent. En 2014, il termine troisième d’un championnat à sens unique où Citroën domine des ailes et des pneus Honda et Lada, les deux autres usines engagées. En 2015, pour sa seconde année, Sébastien est plus compétitif, remportant deux fois plus de courses que la saison précédente. Et s’il finit encore troisième du championnat, ce n’est qu’à un point du second (sur plus de 300 points chacun). Mais l’aventure Citroën s’arrête là pour lui. Aujourd’hui, le meilleur pilote de rallye de tous les temps se retrouve avec un programme réduit, avec Peugeot Sport et Red Bull pour partenaires. Heureusement, ils ont conscience d’avoir hérité d’une pépite. Le Dakar ne sera qu’une épreuve parmi bien d’autres en rallye-raid. Et il se murmure que le championnat du monde de rallycross dans lequel Red Bull est impliqué pourrait compter en 2016 un concurrent renommé. Cela serait sa troisième vie...

48 Heures En 2005 puis 2006, Sébastien participe aux 24 Heures du Mans, dans l’écurie de Henri Pescarolo. Après son coup d’essai, il termine second en 2006, entre deux Audi officielles.

Sébastien avec ses deux équipiers en WTCC, Yvan Muller (à gauche) et José María López.

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CULTURE

Jacques Weber

Avare Généreux

Le « meilleur des Cyrano », premier à refuser d’entrer à la Comédie-Française et grande gueule malgré lui, joue la pièce qui lui a donné le déclic il y a plus de 55 ans. En scène ! Textes A. Bloch, photos C. Boulain

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CULTURE

« À 9 ANS, APRÈS AVOIR VU L’AVARE, J’AI DÉCIDÉ DE FAIRE DU THÉÂTRE » Jacques Weber

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ardi 24 novembre 2015, ligne 8 du métro parisien. Nous ne sommes que quelques pékins à avoir « bravé » l’état d’urgence. Je me replonge dans un bouquin de Weber. À la station République, je me faufile de justesse entre les portes qui se referment. Je voulais juste arriver au bout de ma phrase : « Je pense fermement qu’il faut laisser tomber les tendances détestables qui consistent à jouer Molière en blouson de cuir pour faire plus moderne ou plus accessible. » Quelques minutes plus tard, septième rang du théâtre Déjazet. Le rideau se lève sur une Élise qui, après une partie de jambes en l’air que l’on devine épique avec son bien-aimé Valère, s’empresse de remettre son Perfecto. Je me marre : ça commence fort. « Ce que je voulais dire, c’est qu’il ne faut pas aller trop loin, avec un Harpagon en PDG “à la Tapie” qui ne lâche pas son barreau de chaise, par exemple. Ce qui est dangereux, c’est de chercher à être contemporain à tout prix, alors que la dramaturgie et les situations suffisent à retrouver une certaine intemporalité. » Cette pièce, dont l’idée est que « la passion pour le matériel ne fertilise pas autour de soi, mais au contraire désertifie », fut le déclencheur de la passion de Jacques pour les planches. « Je suis allé voir L’Avare avec mes grands-parents, à la Comédie-Française, à 9 ans. À l’acte V, il y a un deus ex machina avec le seigneur Anselme : un type

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est entré du fond du décor avec un grand chapeau à plumes, ça m’a subjugué. La nuit qui a suivi, dans ma chambre, je me suis redressé d’un coup et j’ai décidé de faire du théâtre. » C’est donc la première pièce qu’il a montée, avec les Cœurs vaillants (les « scouts de gauche »), dans une salle de patronage et avec les moyens du bord. « On avait tout fait nous-mêmes, en achetant des lattes de bois pour les décors, et du tissu chez un grossiste de l’avenue des Ternes. » Il était alors au lycée Carnot, « très mauvais élève, nul quoi ». Et il est tombé sur une affichette du cours d’art dramatique du XVIIe arrondissement. Lequel était dirigé par « la maman de Michel Berger, paix à son âme », avec un tout jeune professeur de 24 ans, François Florent, qui montera plus tard le célèbre cours du même nom. « On était une douzaine d’élèves dans le cours qui, ô malheur pour moi, se donnait dans la classe qui était celle de français dans la journée. Sauf qu’à mon époque, où les lycées n’étaient pas mixtes, ces cours avaient l’heureux agrément de compter des nanas. » Par la suite, il a obtenu une dispense d’âge et est entré, avec un an d’avance, au Centre d’art dramatique de la rue Blanche. En plein mai 1968 : « On virait sans arrêt les profs ! » Puis il y a eu le Conservatoire, duquel il est sorti avec le prix d’excellence, décerné à l’unanimité du jury. Ce qui impliquait de rejoindre la Comédie-Française. Ou pas.


Photo Daniel Cande/BNF

Mogador, 1983. Jacques Weber est un Cyrano flamboyant. Il l’interprétera près de 300 fois.

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CULTURE

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acques est le premier à avoir refusé « d’entrer au Français ». « En fait, je n’ai rien dit au rendezvous, mais j’ai sauté sur le premier téléphone public que j’ai croisé en sortant pour décliner. On m’a raccroché au nez. C’était un blocage très “impressionniste” : cette maison que j’adorais, je l’ai trouvée glaçante lorsque j’ai aperçu des costumes sans vie qui se balançaient piteusement sur des cintres. » Accessoirement, à la suite de mai 1968, Jacques était devenu marxiste-léniniste et rejetait ce qu’il voyait comme un théâtre de droite : « C’était d’une très grande connerie, ça ne voulait absolument rien dire. Mais bon, c’est comme ça. » Sans doute y avait-il aussi quelque chose de l’ordre de la trouille. « Ma nature profonde me fait ressentir une étrange douceur pour les choses, le monde, les gens, mais entre alors en jeu une sorte d’antivirus terrible qui me rend très con. Je suis fondamentalement un grand trouillard. Il y a des gens avec qui j’aimerais parler, partager mes journées, mais soit je ne les rappelle pas, soit, quand je les vois, je suis insipide. » Longtemps, il a tenté de résoudre le problème en buvant. Mais il ne touche plus une goutte d’alcool. « Il y a trois ou quatre ans, je n’étais vraiment pas bien. Je me suis rendu compte que je déraillais, que je compliquais tout. C’est pour ça que je bois un double express ce soir avec vous, sinon on aurait plutôt commandé une bonne bouteille. » Ce recul presque inconscient face au succès s’est parfois manifesté douloureusement. Comme lorsqu’il joua pas loin de 300 fois Cyrano de Bergerac, à Mogador, en 1983. À chaque fois qu’il entrait en scène, il y avait 1 700 personnes à qui on avait dit qu’il était « le Cyrano du siècle », ce qui a fini par complètement le bloquer. « J’ai fait un genre de dépression, et ma voix est “partie en arrière”, c’est-à-dire que le son sortait avec quelques dixièmes de seconde de retard. D’ailleurs, ce qui m’a poussé vers ce métier est sûrement quelque chose de l’ordre de la privation de parole : peut-être parce que mon père nous répétait que les enfants ne devaient pas parler à table. » Depuis quelque temps, il a « le regret et la joie » de se rendre compte, avec sa prof de chant, qu’il aurait pu devenir chanteur d’opéra. « Et un pas mauvais : il est beaucoup trop tard, mais ça me permet toutes sortes d’explorations sur scène. » Un autre rêve de môme de Jacques, dont la mère écoutait la Callas en boucle.

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Photo Pascal Victor/Artcomart


Sur la scène du théâtre Déjazet, dans le rôle d’Harpagon, mais sans costume d’époque ni blouson de cuir.

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CULTURE

« JE SUIS MARIÉ AU THÉÂTRE, ALORS QUE LES FILMS, CE SONT DES AVENTURES » Jacques Weber

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e même Cyrano fut aussi, dans l’adaptation au cinéma de Rappeneau (1990) et dans le costume de De Guiche (le rôle-titre étant tenu par notre Depardieu national), à l’origine de son César du meilleur second rôle. « Cyrano, c’est du Spielberg, ça fait autant de bien qu’E.T. par exemple. Je me suis éclaté à tourner, mais je suis mille fois plus un acteur de théâtre. Le cinéma m’ennuie souvent, avec ses milliers de petits films intimistes mal fagotés. » Comme il le fit à de multiples reprises, après ce type de sentence définitive, Jacques s’est brusquement arrêté de parler. « Alors tu vois, c’est ça mon erreur : nous mourons tous du généralisme imbécile et inculte, des fois je ferais mieux de me taire. » Je lui fais remarquer que c’était du pipi de chat à côté de sa fameuse citation « 99 % des acteurs sont nuls », étalée un jour en une de la revue Cinémonde. « Je m’en veux à mort d’avoir pu dire une connerie pareille, d’autant que je ne me classe pas dans le un pour cent qui reste : certains ont le don de la grâce immédiatement, moi je travaille comme un fou. » Mais que voulait-il dire, au juste ? « Ce qui est sûr, c’est que les bons acteurs ne sont pas toujours ceux qu’on croit. Nous avons des acteurs magnifiques, sauvages et ingérables, mais l’enseignement est flottant, et conséquemment certains acteurs aussi. »

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À la fin de l’acte V, la troupe s’incline. Lorsqu’elle se redresse, la salle vient de se rallumer. Jacques semble accuser le coup, d’autres ont les larmes aux yeux. Je me retourne. Le parterre n’est qu’à moitié plein, la mezzanine et les balcons sont déserts. Jean Bouquin, le directeur, me confiera plus tard : « On est à 25 % de la jauge. » Comme c’est le cas, dans l’indifférence générale, pour tous les théâtres voisins des lieux des attentats du 13 novembre. Les Parisiens « résistent » en buvant des coups en terrasse, mais ne se sentent plus de s’enfermer dans une salle. « Ça donne encore plus envie de jouer. Mais c’est vrai qu’en créant cet effroi permanent, ils ont ébranlé une conscience », ajoute Jacques. Cela ne nous dit-il pas quelque chose de la place que la culture devrait tenir, peut-être aujourd’hui encore plus que d’habitude ? « C’est un peu bizarre de toujours mettre la culture à part, comme une parenthèse dans la marche du monde. Alors que c’est un débat critique permanent sur l’ordre dans lequel on se meut. » Le soir des attaques, Jacques sortait du théâtre, et s’est retrouvé enfermé dans le bistrot d’à côté. Paradoxalement, il est optimiste : « Ça canardait de partout, mais les gens ont retiré leurs écouteurs pour se parler et se payer des coups. Un réordonnancement troublant des choses : c’est de l’ombre que vient la lumière. »


Tous au Déjazet Jusqu’au 2 janvier 2016, Jacques Weber est Harpagon dans L’Avare de Molière. C’est dans sa loge, au sous-sol du théâtre Déjazet, et au café d’à côté le temps d’un double express, que nous l’avons rencontré, quelques jours seulement après les terribles événements du 13 novembre. Un soir où, justement, il jouait à quelques mètres de la place de la République.

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CHAMPAGNE

Prise de mousse

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération

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De la vigne au verre, le champagne est une histoire de raisin et de savoir-faire. Une visite guidée s’imposait. À Aÿ, dans la Marne, avec Caroline Latrive, chef de cave de la maison Ayala. Textes et photos F. Montfort

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CHAMPAGNE

Le jus va passer de cinq à dix semaines en cuves pour faire ses fermentations

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es raisins, cueillis à la main, arrivent par camions, dans des bacs en plastique peu profonds. Et jamais totalement remplis. « Par respect des raisins, nous ne remplissons pas à ras bord, nous aurions le risque de macération des raisins », explique Caroline Latrive. Elle qui inspecte chaque parcelle depuis le printemps, quasiment quotidiennement depuis l’été pour déterminer le bon moment de vendanger, sait qu’un bon champagne a besoin de bons raisins. Donc elle en prend soin... « Nous essayons au maximum de les pressurer où ils ont été vendangés. Le transport n’est pas bon pour eux. » Ce matinlà, sous nos yeux, ce sont des raisins de parcelles voisines d’Aÿ, récoltés à la main, qui arrivent au pressoir du groupe, situé à quelques centaines de mètres seulement des caves de la maison. Caroline travaille chez Ayala depuis 2007. Avant, elle officiait chez la grande sœur du groupe, la maison Bollinger. « C’était une opportunité fabuleuse de rejoindre Ayala au moment où une nouvelle dynamique se mettait en place. Avec une véritable envie de redonner une identité forte à cette belle marque », souligne celle qui travaille dans ce milieu depuis près de vingt ans. Aujourd’hui, elle est chef de cave. Autrement dit, elle décide de tout ce qui se passe jusqu’à l’étiquetage de la bouteille de champagne,

qu’il soit brut non millésimé, nature ou d’une cuvée spéciale. Et justement, il s’en passe des choses entre les vendanges et l’expédition des bouteilles. Les raisins pressurés (voir encadré) donnent un moût qui part ensuite en fermentation dans de grandes cuves en inox. « La température des cuves est régulée pour maîtriser la fermentation alcoolique. Dans l’idéal, c’est à 18 °C pour un rendement optimal de la transformation du sucre en alcool », explique Caroline. Là, les chardonnays, pinots noirs et pinots meuniers, les trois cépages de champagne en provenance des différents crus, vont constituer la palette aromatique de la maison, donnant, sous l’action de levures, un vin clair titré à 11° d’alcool. Cette transformation prend une à deux semaines, en fonction de la maturité des raisins, de leur teneur en sucre, de la température et de l’acclimatation des levures sélectionnées. Une autre fermentation, moins connue, est alors possible : la fermentation malolactique, la transformation des acides maliques en acides lactiques qui est systématiquement faite chez Ayala. Un processus long qui demande encore de quatre à huit semaines en moyenne. « Ensuite commencent les choses sérieuses, ajoute malicieusement Caroline. Vient le temps de l’assemblage. Cela va durer des mois avant que je ne propose mes choix à un comité de dégustation.

Pressurer lentement puis retrousser... Pour obtenir le moût de raisin qui sera ensuite fermenté, il faut pressurer les grappes. Il existe deux types de pressoirs, vertical (ici en photo) ou horizontal. Dans le premier cas, dans le pressoir du groupe Bollinger, cela sert aux petites quantités de raisins (2 000 kg par presse). Le mouvement est lent et répété deux à trois fois, avec ce qu’on appelle une retrousse entre chaque pression. C’est le fait de remuer doucement les raisins pour pouvoir en extraire davantage de jus la fois suivante. Dans les trois pressoirs horizontaux du groupe, on travaille des quantités nettement plus importantes (8 000 kg). Et cette fois, pas de piston qui descend, mais une membrane qui vient appuyer sur les raisins en se gonflant. Avec à chaque fois le même souci : pressurer lentement pour extraire le maximum de jus, mais assez vite pour limiter les phénomènes de macération.

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CHAMPAGNE

Le dégagement de CO2 durant la fermentation alcoolique provoque un bouillonnement dans les cuves À ce stade, chez Ayala, nous avons une grande majorité de vins issus de chardonnay. C’est mon cépage préféré, le plus féminin sans doute, celui qui donne de l’élégance au vin. » Caroline va goûter chaque cuve où les cépages ont terminé leurs transformations, les jauger, les mesurer à l’aide d’analyses dans son laboratoire pour en évaluer le potentiel. « Il faut pouvoir s’imaginer l’évolution des vins après la prise de mousse, le vieillissement en cave et le dosage au dégorgement. La difficulté ou le challenge ultime est de maintenir la constance et d’élaborer une cuvée identique d’une année sur l’autre pour nos champagnes non millésimés. En fonction de l’année, de la qualité des raisins, du potentiel des vins vinifiés, les assemblages vont varier pour aboutir

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à la cuvée recherchée en jouant sur les proportions de tel ou tel cépage, de tel ou tel cru, de telle ou telle année des vins de réserve. » On le comprend vite, l’expérience est un atout précieux en cave. C’est le moment de la mise en bouteilles. En Champagne, à l’exception de quelques maisons comme Bollinger, qui réalise ses fermentations en fûts de chêne (de grands tonneaux en bois), le vin passe directement des cuves en inox où il a fermenté aux bouteilles en verre où il va vieillir. Avec entre les deux une étape importante : le tirage. Jusque-là, le champagne est un vin tranquille, comprenez sans bulles. Et contrairement à d’autres méthodes de vinification, la méthode champenoise exige que la transformation en vin pétillant soit naturelle, sans


Caroline Latrive vient régulièrement soutirer quelques centilitres pour goûter et évaluer le vin.

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CHAMPAGNE Un exemple de dépôt dans une bouteille, au bout de plusieurs années de vieillissement en cave.

L’expulsion du dépôt, une fois glacé, est mécanisée pour la majorité des bouteilles.

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Cuvées spéciales, traitement spécial Pour les grandes cuvées millésimées, blanc de blancs (100 % chardonnay) et Perle d’Ayala, l’élevage dure beaucoup plus longtemps et se fait en bouteilles fermées par un bouchon en liège. Cela permet des échanges entre le vin et l’extérieur grâce à la légère porosité du liège, mais oblige les équipes de Caroline à les manipuler à la main, aucune machine automatisée ne pouvant les remuer à cause de ce bouchon. La durée d’élevage est adaptée à ces cuvées, puisque aucune bouteille ne sort des caves crayeuses avant six ans. Et parfois nettement plus : récemment, des 2005 ont été étiquetés.

adjonction de gaz par exemple. Pour cela, juste avant la mise en bouteilles, c’est la mixtion : on ajoute de la liqueur de tirage (vin de l’assemblage et du sucre) et de levures sous forme de ferments. Bouchée, la bouteille est alors descendue en cave et stockée à plat, on dit « sur lattes », pour au moins douze mois, trente-six pour les cuvées millésimées. « Mais ici, nous doublons ces durées. Un blanc de blancs millésimé va attendre comme cela plus de six ans chez Ayala », ajoute Caroline. Un temps durant lequel les levures vont transformer ce sucre ajouté en alcool... et produire du gaz carbonique. On appelle poétiquement cela la prise de mousse. Évidemment, si le vin utilisé demeure le paramètre le plus important, la qualité de la liqueur se révèle aussi déterminante. « Nous avons tous nos recettes, nos qualités de sucres, nos levures... ce sont nos secrets de fabrication. Pour la quantité, en revanche, c’est assez réglementé. On ne peut pas excéder 4 cl de liqueur par bouteille. » Cette seconde fermentation va durer quelques mois, de trois à neuf généralement dans les caves crayeuses, humides et fraîches de Champagne. Progressivement, les levures mortes vont tomber au fond. Un dépôt qu’il faut éliminer avant de commercialiser la bouteille. On appelle cette opération le dégorgement. « On pratique d’abord un remuage, qui consiste à tourner les bouteilles sur elles-mêmes en les redressant progressivement, le

L’adjonction de la liqueur d’expédition permet d’ajuster la teneur en sucre

goulot en bas. Ainsi, le dépôt va glisser doucement vers le bouchon et sera plus facile à éjecter. » Pour une grande partie des bouteilles, ces opérations sont automatisées. En revanche, pour les cuvées spéciales, qui vieillissent en bouteilles bouchées par du liège et non une capsule métallique, tout cela est encore fait manuellement. Une fois le dépôt dans le goulot, on va plonger les bouteilles tête en bas dans un bain de glycol à – 30 °C pour former un glaçon de deux à trois centimètres de haut. Il suffit ensuite de décapsuler la bouteille pour que le dépôt glacé s’éjecte, tout seul, sous l’effet de la pression du gaz. Il suffit alors de compléter la bouteille, d’ajouter de la liqueur qui donnera le dosage en sucre (une recette du chef de cave), de refaire le niveau, de reboucher avec le fameux bouchon de liège, sa capsule et son muselet, d’étiqueter et d’expédier après une période de trois à quatre mois de repos. Le temps que cette liqueur se mélange harmonieusement au vin. Là encore un mélange de sucre et de vin de réserve sélectionné, après essais de dosage, avec comme objectif l’équilibre parfait recherché pour la cuvée. C’est la dernière touche qui peut être apportée par le chef de cave avant le bouchage définitif de la bouteille. Cette quantité de liqueur détermine le type de vin que l’on veut obtenir et lui donner son appellation, extra-brut (moins de 6 g de sucre par litre), brut (moins de 15 g), sec (17 à 35 g)... « Sauf pour notre cuvée nature, dans laquelle je n’ajoute pas de sucre. Je l’aime beaucoup, c’est un champagne très fin, très élégant. » Une véritable signature féminine.

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CHAMPAGNE Six ans minimum Pour ses cuvées spéciales, Ayala conserve son champagne en bouteilles, avant dégorgement, de six ans à plus de huit ans pour la cuvée Perle. Le dépôt est alors très important et nécessite un remuage lent et délicat. Il est fait ici, sur ces pupitres, entièrement à la main.

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L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération

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GASTRONOMIE

cacao Terres de

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GASTRONOMIE

Le chocolat, c’est comme le vin. II s’exprime à travers ses origines. À la manufacture de chocolat Alain Ducasse, les textures sont radicales et les goûts affirmés. Textes K. Lefebvre, photos L. Lacoste

T Avant d’arriver à la manufacture, les fèves sont travaillées à la plantation. Elles sont triées, puis mises à fermenter dans des caisses de bois, pendant trois à six jours.

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out commence avec des sacs en toile de jute... Une promesse de voyage. À l’intérieur, des fèves de cacao d’origine diverses : Java, Madagascar, São Tomé, Cameroun, Brésil, Colombie, Cuba, Équateur, Grenade, Mexique, Pérou, République Dominicaine, Trinité, Venezuela ou Vietnam. Nous sommes à la manufacture de chocolat d’Alain Ducasse, un ancien garage Renault transformé en chocolaterie, non loin de la place de la Bastille. Sol en béton, murs en brique, verre dépoli, structures en métal, le décor est brut mais léché. Pour autant, les sacs de jute ne sont pas là pour la décoration. Ici on fabrique du chocolat, de la fève au bonbon. Et la chose est suffisamment rare pour que l’on s’y intéresse. En effet, la plupart des chocolatiers achètent leur


Première étape, la torréfaction des fèves. Un moment délicat, car si la température est trop élevée, le chocolat prendra de l’amertume.

matière première auprès de grands couverturiers (spécialistes du chocolat de couverture) comme Valrhona ou Barry, puis fabriquent leurs bonbons. Seuls quelques grands chocolatiers chassent euxmêmes leurs fèves, comme Pierre Marcolini, Michel Cluizel ou Jacques Genin. Ils sélectionnent les fèves en se rendant sur place dans les plantations, à la recherche des grands crus de cacao. Parce que des fèves provenant de Java, en Indonésie, donneront un chocolat à la saveur fumée, celles de Trinidad un goût délicat et poudré. Un peu comme dans le vignoble, où les terroirs vont donner au vin un caractère différent selon que l’on cultive un cépage de chardonnay à Puligny ou dans la Napa Valley. Il existe d’ailleurs des « cépages » de cacao, comprenez des variétés de fèves différentes :

Trinitario, Criollo, Forastero sont les principales. Ce matin, Nicolas Berger, le chocolatier-torréfacteur responsable de la production, ouvre devant nous un sac de fèves de Madagascar à la saveur acidulée pour préparer une recette de chocolat au lait. Intense, peu lacté et légèrement sucré, il contient 55 % de pâte de cacao. « En sélectionnant nous-mêmes les fèves, en maîtrisant les différentes étapes de leur transformation, nous obtenons un produit original, qui possède un caractère particulier, presque radical », explique Nicolas Berger. Il a rencontré le célèbre chef français à New York en 2000, puis a travaillé des années comme chef pâtissier dans quelquesuns de ses restaurants, notamment le Plaza Athénée à Paris, avant d’être nommé chef pâtissier exécutif pour l’ensemble de ses établissements.

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GASTRONOMIE

Du chocolat prêt à être utilisé pour recouvrir des bonbons. Un ouvrier lisse une préparation de praliné avant de la passer au froid.

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Quatre astuces autour du chocolat

DÉGUSTATION. Commencer toujours par les cacaos les plus faiblement dosés, par exemple du chocolat au lait à 45 %, puis du chocolat noir à 75 %. Les meilleurs chocolats s’accompagnent d’eau fraîche. Pour ceux d’une moindre qualité, le thé ou le café pourront se révéler agréables. De même que certains alcools, tel le cognac.

CONSERVATION. Les chocolats se conservent

entre 16 et 18° dans un endroit sec. Éviter de laisser les chocolats au réfrigérateur, sauf en cas d’absence prolongée. Et veiller à les sortir quelques heures avant la dégustation.

GANACHE ET PRALINÉ. Les bonbons dits ganaches sont réalisés à partir d’un mélange de chocolat et de crème fraîche portée à ébullition. La ganache est utilisée nature ou aromatisée (café, épices, fruits, etc.). Les pralinés, eux,

sont fabriqués à partir d’un mélange composé d’un sirop et d’amandes et/ou de noisettes, cuit jusqu’au stade du caramel, puis refroidi et broyé. Il sert de base à de nombreuses recettes de bonbons.

PÂTISSERIE. Ne jamais faire fondre du chocolat en ajoutant de l’eau. Faire fondre le chocolat au four à micro-ondes, en le remuant souvent, ou au bain-marie sans aller au-delà de 45 à 50°.

« Nos chocolats sont marqués en goût, peu sucrés, certains sont acides, d’autres ont un goût tourbé. En France, on aime ce type de chocolat, alors qu’en Allemagne ou en Belgique, on le préfère plus doux » Entre les deux hommes, la répartition des rôles s’est faite naturellement. Alain Ducasse donne la direction artistique, définit les saveurs, valide les créations. De son côté, Nicolas Berger met au point les recettes et veille à la bonne marche de la manufacture, qui emploie une dizaine de personnes. L’équipe des « chemises grises » – c’est ainsi qu’il les appelle avec bienveillance – s’affaire en ce matin de novembre. Elle est constituée d’hommes et de femmes effectivement vêtus d’une chemise grise, d’un tablier marron et d’une casquette vissée sur la tête. Le rythme est soutenu. Il faut finir les produits de Noël, notamment des sapins en chocolat et fruits secs. Justement, côté boutique, des enfants nous regardent avec envie, le nez collé à la vitre qui les sépare de l’atelier. Gageons qu’ils aimeraient bien trouver un billet doré pour visiter les lieux de plus près, comme dans Charlie et la chocolaterie. C’est malheureusement impossible pour des raisons de sécurité. L’atelier comprend en effet une dizaine de machines. Énormes, vrombissants, ces engins concassent, broient, malaxent le chocolat. Parce que chacun d’entre eux pèse plusieurs tonnes, il a fallu trouver un lieu au sol solide et dépourvu de cave, comme cet ancien garage. L’aspect vintage

des machines surprend un peu. « Celles qui sont fabriquées de nos jours sont destinées à un usage industriel, avec une capacité de 5 tonnes ou plus. Or nous avions besoin de machines d’une capacité de 150 à 200 kg. Je les ai donc achetées d’occasion, explique Nicolas Berger. Pour savoir comment les faire fonctionner, j’ai dû retrouver des artisans à la retraite. Au début, j’ai eu des surprises. Des dysfonctionnements m’ont parfois obligé à changer des éléments dans la chaîne de production. »

La torréfaction, moment essentiel Ainsi, dans sa première vie, le torréfacteur de la manufacture était utilisé pour cuire du café. Il a fallu abaisser la température de 70°. Nicolas Berger le met justement en route sous nos yeux. La torréfaction du cacao est la première étape de toute recette. C’est peut-être le moment le plus important, car la cuisson (à environ 120° pendant 20 à 30 minutes) va ôter l’amertume, puis révéler l’arôme, la rondeur, le fumé ou le grillé de la fève. C’est là que réside le savoir-faire du chocolatier-torréfacteur. « Quand les fèves arrivent, elles contiennent environ 7 % d’humidité. Après la torréfaction, l’humidité tombe à 1 %. Mais si l’on va trop loin, les fèves peuvent avoir un goût de brûlé ! Suivant leur provenance,

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GASTRONOMIE

Des disques de chocolat de différentes tailles ont été garnis de fruits secs pour réaliser des sapins de Noël en kit.

Une sélection de ganaches et de pralinés. Difficile de choisir.

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Un ouvrier hache grossièrement des noix de pécan pour l’une des recettes.


certaines variétés supportent mieux que d’autres une élévation de la température », explique Nicolas. Ensuite les fèves passent dans le casse-cacao, afin d’être écrasées et débarrassées de leur peau. Les résidus d’enveloppes sont éliminés par une puissante soufflerie. La machine utilisée ici est rare parce qu’elle concasse seulement 200 à 300 kg de fèves par heure. Il s’agit d’une ancienne trieuse à dragées modifiée. À ce stade, on parle de grué de cacao. Il faut ensuite l’écraser entre deux meules de pierre dans un ancien moulin à graines de moutarde. La friction élève la température du mélange à 45° et fait passer le grué de l’état solide à liquide. Cette pâte collante est ensuite incorporée dans un pétrin, où l’on va ajouter du lait en poudre, du beurre de cacao fondu, du sucre, de la vanille et de la fleur de sel. « La poignée de sel casse le côté opulent du chocolat », précise Nicolas. Après brassage, on obtient à nouveau une poudre. Celle-ci va passer dans une nouvelle machine pour être broyée à plusieurs reprises entre d’énormes rouleaux. Pour donner au chocolat sa fluidité finale et son onctuosité, il faut ensuite le concher. Il s’agit d’un brassage à chaud (environ

55°) qui va permettre de liquéfier la pâte, tout en dissipant dans l’air l’acidité naturelle du chocolat. Le processus peut durer de 10 à 48 heures selon l’origine des fèves. Dernière étape, le tempérage, un refroidissement contrôlé du chocolat qui permet de stabiliser les différentes molécules du cacao. Cette étape donne un aspect lisse et brillant au chocolat. Une fois tempéré, le chocolat est coulé en tablettes ou servira à la composition des bonbons. Vient, enfin, le moment de la dégustation après deux heures à saliver. Notre hôte me tend une ganache. Je sens un subtil goût de café se mêler à la saveur cacaotée. C’est simple, efficace et diablement bon. « Contrairement à beaucoup de maisons qui proposent une soixantaine de bonbons différents, nous n’en offrons pas plus de vingt-cinq sortes. C’est un parti pris de simplicité. » Si on veut, car la gamme comprend aussi une cinquantaine de variétés de chocolat en tablettes. Reste à savoir si travailler au milieu du chocolat vous immunise contre les pulsions de gourmandise. Eh bien « pas du tout, nous confie Nicolas Bergé, j’ai besoin d’avoir ma dose tous les jours ». On le comprend.

Le mobilier de la boutique a été chiné. Les rayonnages viennent de la Banque de France, la table de présentation est un ancien meuble de métier.

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GLISSE SPATULE C’est l’avant du ski, la partie relevée qui doit surfer sur la poudreuse et légèrement se déformer pour absorber les irrégularités de la neige. C’est aussi la partie la plus large, qui vient découper la neige une fois sur la carre. Plus c’est souple et léger, plus c’est facile à skier. Et vice-versa...

ROCKER Tous les fabricants de ski l’utilisent. Le rocker est le point de contact du ski avec le sol au niveau de la spatule. Contrairement à ce qui s’est fait pendant longtemps, ce n’est pas la partie la plus large de la spatule, mais un point logé 6 à 20 cm avant. Ainsi, quand on met le ski sur la carre et qu’on appuie dessus, ce point de contact se déplace vers l’avant, là où la spatule est la plus large. Cela permet de gagner en stabilité et en guidage pendant le virage tout en ayant un ski facile à inscrire. La position du rocker dépend du type de ski.

À SAVOIR

NOYAU Très souvent en bois, il emmagasine l’énergie sous la pression de la chaussure en se pliant... puis la restitue dans le virage. Les propriétés du bois dans lequel il est taillé vont déterminer le caractère du ski.

PATIN Placée sous la chaussure, pour faire simple, c’est la partie la plus étroite, par laquelle passent tous les efforts. Quand on vire, on incline le ski sur la carre et on appuie sur la chaussure. Cela déforme le ski pour le faire tourner, en fonction de son rayon de virage. La nature du noyau, sa raideur et son aptitude à restituer l’énergie qu’il a emmagasinée en pliant peut soit donner de la stabilité, soit, carrément, accélérer dans la courbe.

RAYON DE VIRAGE Il est déterminé par la largeur de la spatule, du patin et du talon. Ce galbe naturel donne un rayon de virage. Plus il est court (de 10 à 14 mètres), plus le ski sera destiné à une pratique slalom, plus il est long et plus il sera stable et fait pour la descente (au-dessus de 20 mètres).

TALON On retrouve les mêmes caractéristiques de flexion que pour la spatule. D’ailleurs, les skis de freestyle, avec lesquels on peut skier dans les deux sens, possèdent des talons relevés. On dit qu’ils sont à double spatule. Là encore, la largeur détermine le rayon de virage du ski, avec celle de la spatule et du patin.

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Winter * L’hiver arrive

is coming *

L’hiver arrive et vous ne tenez plus en place. Envie de sauter sur vos planches ? Mais savez-vous ce que sont ces fameuses planches ? Followed Magazine s’est rendu en Haute-Savoie pour le savoir. Textes F. Montfort, photos Mitchell

À

l’époque, il fallait skier jambes serrées, planter le bâton aval puis faire une extension pour tourner. Les planches, justement, étaient plus grandes que nous et presque rectilignes. Il fallait vraiment avoir envie de les faire déraper. Mais ça, c’était avant. Aujourd’hui, sur les pistes, les rares skieurs qui pratiquent encore cette technique se reconnaissent

à leur combinaison fluorescente, achetée dans les années 1980 et religieusement conservée depuis. Car, dorénavant, le cérémonial est différent : jambes légèrement écartées, il suffit de rentrer le genou droit pour tourner à gauche... et d’appuyer légèrement sur le gros orteil du même côté pour resserrer encore un peu plus le virage. Une manœuvre que l’on peut faire tout aussi aisément de l’autre côté, en appuyant sur l’autre pied. Ce progrès, on le doit à nos skis. Car depuis des années, il n’y a pas que la sérigraphie qui a évolué. La technologie aussi. Nous sommes allés rencontrer Philippe Rimbod, surnommé « le sorcier », à l’usine DynastarRossignol de Sallanches. Il nous a tout expliqué. « Il faut distinguer deux types de skis, nous explique Philippe. Les injectés [ou monocoques, NDLR], que nous réservons pour l’instant aux modèles pour enfants, même si les progrès des machines-outils nous laissent penser qu’on pourra bientôt utiliser cette technique pour des skis plus performants, et les

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GLISSE

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Les sérigraphies changent quasiment tous les ans. Elles sont imprimées sur ces machines, à l’envers pour être vues en transparence et ne pas s’abîmer au premier coup de ski.

Des carres recourbées sur l’avant, avec toute la partie crénelée qui va être noyée dans la résine lors de l’assemblage final. Ici un ski Rossignol, avec ce rond rouge caractéristique découpé dans la semelle. Au niveau de la spatule bien sûr, pour ne pas gêner la glisse.

Le jour où nous sommes passés à l’usine de Sallanches, c’était au tour de séries de skis à dominantes bleues d’être produites. Mais cela change...

structures sandwich pour le plus haut de gamme. On les appelle comme cela car elles comprennent de nombreuses couches, avec des caractéristiques bien précises à chaque fois. Tous les composants sont d’abord fabriqués séparément, la semelle, les carres, l’habillage du dessus avec sa sérigraphie et le noyau, puis assemblés. » Aujourd’hui, nous ne nous intéressons qu’à ces skis haut de gamme, dont une grande partie des matériaux les composant sont issus de la compétition. La semelle, qui est produite à partir de rouleaux de polyéthylène additivé, est découpée avec une précision micrométrique. D’autant qu’il faut parfois, en fonction des modèles et des marques, intégrer des motifs découpés dans d’autres matières et d’autres couleurs. Mais attention, ces ajouts se font uniquement sous la spatule

du ski, pour ne pas gêner la glisse au niveau du patin. « À ce stade, la semelle n’a pas encore été préparée. Ce n’est qu’à la fin qu’on va lui donner une certaine rugosité, nécessaire à une bonne glisse. Mais on en parlera plus tard », ajoute Philippe en regardant la découpeuse faire ses allers et retours.

Tout est fabriqué sur place Depuis plus de trente-cinq ans, il travaille ici, dans l’usine historique de Dynastar, créée en 1963 au pied des Alpes. À quelques mètres, d’autres ouvriers s’occupent des carres. Vous savez, ces rails métalliques qui bordent la semelle et qui permettent aux skis d’accrocher dans la neige dure ou sur la glace. Ici aussi, la matière première arrive en rouleaux. De drôles de bobines qui ressemblent à du

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Ces blocs de bois vont être débités en petites planches puis assemblés pour former des noyaux, comme on en voit des centaines sur la photo de droite. Toutes les couches sont disposées à la main, avec des épaisseurs de caoutchouc aux bons endroits pour faciliter le travail du ski lorsqu’on le plie.

fil barbelé. Il faut d’abord les dérouler, les détordre puis les couper à la bonne longueur. Et enfin leur donner la bonne forme, en fonction du modèle et de la taille du ski à réaliser. « Tous les gabarits de vérification sont produits ici, à l’usine. Nous avons tous les outils CNC pour le faire. C’est important de maîtriser toute la chaîne de production... » Et quand une carre ne tombe pas parfaitement dans son gabarit, il faut ajuster les réglages de la machine à courber encore et encore, tant que ça n’est pas parfait. Pour l’instant, les carres sont brutes, sans le moindre affûtage. Un peu à l’image de la semelle, qui sera préparée en dernier. De l’autre côté de l’usine, en même temps, on travaille dur à l’atelier peinture. Là, on prépare les dessus des skis. Ils sont décorés à l’envers, par en dessous pour que la sérigraphie ne s’abîme pas dès les premiers télésièges

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de l’année, quand les plus pressés piétineront vos planches toutes neuves. Si c’est commercialement important de changer de décoration régulièrement, pour les ventes cela s’entend, cela n’influence pas le comportement du ski. C’est d’ailleurs la seule partie du ski qui n’ait pas d’incidence sur la piste. Le noyau a bien plus d’impact sur le tempérament des planches. D’ailleurs, on ne les appelle pas ainsi pour rien, le noyau étant très souvent taillé dans une pièce de bois. « On emploie différentes essences de bois, en fonction de la gamme du ski, de l’utilisation que l’on va en faire. Par exemple, on retrouve souvent des noyaux en frêne dans les skis de course. C’est un bois lourd mais capable de restituer davantage d’énergie quand on l’a plié que du peuplier, par exemple. On a aussi du paulownia dans nos ateliers. C’est un bois en provenance de Chine, très léger mais


Quand tout est disposé, il ne reste plus qu’à refermer les moules et à faire cuire. Généralement, trois skis à la fois.

Tout l’assemblage est fait à la main. Avec un savoir-faire évident Sur ce modèle, les renforts en métal adoptent des formes très particulières.

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« Les skis haut de gamme sont à structure sandwich. Cela pourrait évoluer à l’avenir »

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Les premières passes de l’affûtage sont assez grossières. Ensuite, les étincelles se font rares.

Une fois les skis assemblés, il faut encore les préparer. Cela commence par l’élimination de la moindre bavure de résine doté de propriétés d’élasticité intéressantes. Il nous arrive même de marier deux essences, lourde au patin pour donner stabilité et réactivité, mais légère à la spatule ou au talon pour gagner en agilité. Ainsi le ski est facile à mener mais stable en ligne droite. La largeur, l’épaisseur et la longueur du noyau vont aussi jouer sur le tempérament du ski, en plus des qualités mécaniques du bois. » Pour certains skis de compétition, pour des randonnées comme la Pierra Menta par exemple, on utilise parfois des noyaux en mousse synthétique recouverte de fibres de carbone pour favoriser l’allégement. Avec du bois, en revanche, c’est de la fibre de verre qui vient enrober le noyau avant l’assemblage.

On assemble et on cuit Tous ces composants sont ensuite acheminés aux presses, pour l’assemblage. Un opérateur les dispose un par un, consciencieusement. La semelle d’abord, les carres, les éventuelles protections avant et arrière, puis le noyau avec quelques pièces de caoutchouc pour s’assurer que tout travaille bien, les flancs et le dessus, ajoutant aux endroits importants un peu de résine. C’est elle qui va faire le lien entre toutes les couches du sandwich, une

fois le moule refermé et mis à température. Cette résine vient s’écouler dans les interstices laissés intentionnellement entre les couches, puis imprégner la fibre de verre autour du noyau. La cuisson ne dure que quelques minutes. Ensuite, il suffit d’ouvrir le moule pour avoir des skis assemblés qui ne demandent plus qu’à sécher. « À ce stade, le ski n’est pas utilisable. Il possède toutes les caractéristiques techniques voulues, avec ses lignes de cotes et ses matériaux, mais il doit passer une batterie d’étapes supplémentaires. Il faut enlever les bavures de moulage, passer les carres à la meule pour les débarrasser de la moindre trace de résine avant l’affûtage, bref tout nettoyer avant de préparer le ski. » Ensuite, les deux étapes les plus importantes sont la préparation de la semelle et celle des carres. Pour faire simple, ce sont, avec le noyau et la mécanisation (le travail des fibres), les paramètres qui vont faire un bon ski. Pour les carres, l’affûtage se fait en deux temps : le tombé de carre et l’angle d’affûtage en luimême. Pour le premier, il s’agit, ski à plat sur une table, d’enlever un peu d’acier à chaque carre pour la relever et permettre au ski de passer d’un côté à l’autre plus facilement. On parle ici d’un degré d’angle, rarement plus. Ensuite, il faut affûter à proprement

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GLISSE

Ici, deux types de finition de semelle, en fonction des utilisations. Les passages répétés sur les meules permettent d’obtenir exactement ce que l’on veut.

parler. « Il y a autant d’affûtages que de skieurs. Il faut comprendre que la carre n’est pas à angle droit. On va faire un angle de 86 à 88° en fonction du type de ski. En espérant que lors des entretiens, cela soit bien refait. Un bon affûtage ne suffit pas à faire d’un mauvais ski un bon ski... mais vous pouvez rendre impraticables des planches haut de gamme si l’affûtage est mal fait [voir encadré]. » Qu’on se le dise. Enfin, il ne reste plus qu’à préparer la semelle. « Ce n’est pas si simple. Il faut lui donner une légère rugosité pour qu’elle glisse bien quel que soit le type de neige. Avez-vous déjà essayé de faire glisser deux plaques de verre l’une sur l’autre, avec de l’eau entre les deux ? Eh bien ça ne glisse pas. Ça fait ventouse.

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C’est pour cela que l’on doit créer cette surface presque plane... mais pas totalement. » Les skis vont ainsi passer sur plusieurs meules à la suite pour adopter le bon état de surface, qui là encore peut varier d’un ski à l’autre. « Nous faisons aussi de la préparation de skis de course à l’usine. Nous avons toutes sortes de demandes à satisfaire, sur les matériaux bien sûr, mais aussi pour la préparation, sur la rugosité de la semelle, le fartage ou les carres. On fait même de l’entretien pour ces skis dans l’atelier juste à côté, où j’ai mon bureau. C’est très important pour comprendre comment skient les gens, comment les techniques évoluent. » Parce que les skis changent avec elles. À moins que ça ne soit l’inverse.

Quand les skis viennent de Sallanches, c’est écrit dessus. Ici un modèle injecté, reconnaissable à ses flancs moulés.


Pas de bons skis sans bon entretien

LES CARRES. Comme l’explique très bien Philippe Rimbod, l’affûtage peut tout gâcher. Même si les machines récentes font généralement bien le travail en station, n’hésitez pas à demander des angles précis. Pour le tombé de carres, pas plus de 2° d’angle. Et pour l’affûtage en lui-même, passer sous les 87° vous donnera des skis très efficaces sur la neige dure, mais délicats à manœuvrer. À vous de voir.

LA SEMELLE. Si l’état de surface de la semelle d’un ski est primordial pour assurer une bonne glisse, la qualité du fart appliqué est aussi très importante. Et vous ne pouvez jouer que sur ce paramètre. Logi-

quement, il faut l’adapter à la température de la neige, ou au moins à une fourchette de température. Si vous trouvez que vos skis collent, il est conseillé d’utiliser des lingettes à appliquer sur la semelle pour remplacer le fart inadapté.

LE STOCKAGE. Il y a trois choses à savoir avant de stocker ses skis pour l’intersaison. Toujours le faire verticalement. Sans les contraindre, autrement dit sans les attacher serrés l’un contre l’autre. Et enfin bien huiler les carres pour éviter l’oxydation et, si possible, faire appliquer un fart de stockage (qu’il faudra enlever avant d’aller skier l’an prochain).

Toute la préparation des skis de test (ou parfois de courseclub) est faite dans l’atelier jouxtant l’usine. On sent le fart chaud en y entrant...

C’est écrit dessus : c’est très chaud. Le fart doit être adapté à l’usage et à la température de la neige. Là, les skis d’un athlète prêts à l’expédition. Avec le bon fart... et le bon affûtage.

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DESIGN

Gris clair, parfois foncé, tantôt tacheté, mais gris toujours. Et surtout froid. Mais surtout lourd. Le béton fascine le créateur Patrick Paris au point d’en mettre dans les maisons. Des guéridons aux lampes de salon. Histoire d’une étonnante évolution. Textes et photos C. Boulain

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Cinquante

nuances de gris

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DESIGN

« Je veux que mes créations provoquent une réaction » Patrick Paris, créateur

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Il suffit de basculer la lampe pour que son interrupteur au mercure l’allume... ou l’éteigne.

«U

n jour, j’ai coulé une dalle, pour une table basse, chez moi. C’était un peu comme du chocolat fondu, le béton s’est lissé tout seul, remplissant les moindres recoins du moule avant de se solidifier. Cela m’a fasciné. » C’était il y a plus de dix ans. Depuis, cet ancien étudiant en lettres et communication passé par la case armée de terre, et non prison, a changé de carrière. Sa passion pour ce matériau de construction lourd et gris, il en a fait son métier. « J’ai commencé comme artisan, à faire des plans de travail, des salles de bains. Puis j’ai voulu utiliser le béton pour faire des meubles, ou des lampes », explique Patrick. Au début, les formes sont purement géométriques. Pire, rectilignes. À chaque ligne droite son angle droit : les premiers moules sont en bois, rudimentaires. Sa première lampe : une barre de béton, juste creusée pour accueillir un ruban de diodes luminescentes. Comment tenait-elle debout ? «  L’idée était de venir la brancher dans un socle cubique, en béton lui aussi, mais relié au secteur et qui disposait d’une connexion au fond. » Pratique ? Pas vraiment, la barre pèse ses 7 à 8 kg. Patrick ne s’arrête pas là. Le socle, il en a besoin pour faire tenir cette lampe verticale. Mais si la lampe ne l’est plus... verticale et droite ? À force de faire des plans de travail, à force de rencontrer des

fournisseurs, il se forme. Aussi, il partage son atelier avec deux autres artisans, un menuisier et un maroquinier. Avec de drôles de machines-outils à disposition, Patrick travaille ses moules en bois, trouve de nouvelles formes. Puis il découvre... l’élastomère. Une révélation pour lui. S’ouvrent de nouvelles possibilités, multiples, des formes arrondies, des ovales, des sphères. Sa marque Parisparis grandit, son savoir-faire aussi. Et ses idées avec. Sa lampe de salon s’est recourbée : elle tient maintenant debout toute seule, dans un S très élégant. Sa lampe de chevet, son best-seller : il en fabriquait une poignée par mois, il en fait deux par jour. Technique plus sûre, moules souples en élastomère réutilisables (environ 80 fois), science du béton, de sa composition, de son assemblage, de son séchage, Patrick fait tout lui-même, tout seul et à la main. Il joue maintenant sur les nuances de gris en s’amusant avec des pigments. Mieux, sa nouvelle passion : les bulles d’air qui apparaissent au séchage du béton. « Elles changent complètement l’aspect de la matière. Mon jeu : les faire apparaître là où j’ai envie. » Avec toujours l’incertitude du démoulage. Comme quand on développait ses photos argentiques et qu’il fallait attendre le dernier révélateur pour savoir si le cliché était réussi. Là, c’est pareil. Tant que la pièce n’est pas sortie du moule, rien n’est sûr. Avec un temps de séchage juste un peu plus long...

Jouer avec les formes, mais aussi avec la matière et ses défauts

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DESIGN

C’

est en forêt de Chevreuse, dans l’ouest parisien, que nous sommes allés voir Patrick Paris travailler. Pour comprendre la démarche de ce jeune père de famille quadragénaire, rien de mieux qu’une petite immersion dans son atelier. Vaste, en bois, mais aussi poussiéreux et froid. « Pas vraiment ce qu’il faut pour le béton, surtout en cette saison [fin novembre, NDLR]. Mais je me suis aménagé une pièce fermée et chauffée dans laquelle je peux faire sécher mes productions. » Et puis il ne peut pas en vouloir à ses deux acolytes : le plus poussiéreux des trois, c’est lui ! À la base, le béton arrive en sacs. Des grands sacs remplis d’une poussière grise, une sorte de farine sale, légère et volatile à laquelle il mélange divers ingrédients. « Je mets de moins en moins de sable dans mes mélanges. Je le remplace souvent par de la résine. Cela renforce considérablement mes moulages, me permet de faire des arêtes propres et nettes, bien acérées. De plus, j’exporte une grande partie de mes meubles : il faut réduire les risques de casse pendant le transport... d’autant plus que de

nombreuses pièces sont vendues en Corée du Sud. » Donc de la poussière de béton, parfois du sable ou de la résine, de l’eau, et le tour est joué. « Et de plus en plus de pigments, pour intensifier le gris du béton. Je ne suis pas encore passé aux couleurs. Et je ne sais pas si je le ferai. J’aime le côté minéral du béton, ce gris froid, comme silencieux. On dirait de la pierre. » Il ne pèse pas ses ingrédients, fait tout à vue de nez, d’expérience, comme un chef dans sa cuisine. Mais son fouet est un peu plus gros, et son robot une sorte de grosse perceuse de chantier. Une fois le béton mélangé, il huile le moule d’un coup de pinceau, ce qui facilitera le démoulage, l’opération la plus délicate de sa production. Un peu comme si le fameux chef beurrait son moule avant la cuisson d’un gâteau pour ne pas le faire attacher. Puis il fait couler son chocolat à lui, son chocolat gris, l’aide à s’insinuer... puis referme le moule. Trop liquide, il viendra parfaitement remplir les moindres recoins. Mais il mettra trop de temps à sécher et fera trop de bulles. Pas assez humide, il ne remplira pas correctement le moule. Une vraie

Les incontournables du béton

LES MOULES. À ses débuts, Patrick ne travaillait qu’avec des moules en bois. Aujourd’hui, il réalise ses propres moules en élastomère sur des « positifs » en plâtre, qu’il sculpte lui-même. Cela autorise bien plus de liberté dans les formes.

LE BÉTON. Comme pour les moules, l’expérience est venue en travaillant. Dorénavant, il réalise ses propres mélanges, ajoutant au béton un tout petit peu de sable, mais aussi de la résine et des pigments pour colorer sa matière.

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LE MOULAGE. Les propriétés autolissantes du béton avaient fasciné Patrick. Aujourd’hui, il joue de cette aptitude à venir couler et s’égaliser pour remplir ses moules aux formes complexes. Et en anticipant l’apparition de bulles de séchage. LE DÉMOULAGE. Dans l’atelier en bois, la température n’est pas toujours optimale. Mais il y a une pièce chauffée pour tout faire sécher. Grâce à l’huile appliquée avant le moulage, le démoulage se passe généralement bien. Généralement...


Tout est fait Ă la main, des moules aux mĂŠlanges. Lentement

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DESIGN

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Sa technique évoluant, Patrick s’autorise davantage de liberté dans les formes de ses productions

Le démoulage peut être délicat, si le béton n’est pas assez sec par exemple... À gauche, Patrick commence à faire des formes complexes, donnant même parfois l’impression de plis.

science, on vous dit. Évidemment, dans beaucoup de cas, Patrick ménage au centre des pièces un cœur plus léger, en polystyrène par exemple, pour éviter d’avoir une table basse impossible à déplacer. Il lui arrive aussi, très souvent, d’armer son béton, avec des fers soudés entre eux, pour réduire les risques de fissure, ou de casse, fréquents sur de si grandes surfaces planes. « Le plus compliqué est vraiment de définir le moule. Je les fais souvent en plusieurs parties, pour faciliter le démoulage. Mais avant cela, je casse pas mal de pièces », dit-il, amusé. Il n’y a jamais deux pièces identiques, parce que le béton n’a jamais la même humidité, la même couleur, parce que parfois Patrick s’amuse à laisser le moule dans une autre position, pour forcer l’air de séchage à créer des bulles ailleurs. Elles remontent à la surface... après cela dépend où vous mettez cette surface. Cela participe sans doute à l’exclusivité de son mobilier. Au même titre que le design des pièces en lui-même. « Je ne dessine pas vraiment un meuble avant de le réaliser. J’y pense, je l’imagine. En plus, ce sont quasiment tout le temps des évolutions des précédents. Si une nouvelle technique me permet de faire des angles plus aigus, je l’essaie. » En ce moment par exemple, Patrick tente de donner un aspect fripé à certaines surfaces. N’oubliez pas, nous parlons ici de béton. « Mais l’élastomère ouvre les possibilités infinies. Imaginez une table basse en béton, grise, froide, monobloc donc lourde... mais froissée comme un tissu d’un côté. » Dans son atelier, des essais d’une lampe de table côtoient les productions prêtes à l’envoi, une grosse lampe, quatre fois plus grande que le modèle de chevet et légèrement fripée sur un côté. Grise et lourde, mais en béton plissé. Surprenant, non ? Une fois démoulé, il ne reste plus qu’à effectuer le nettoyage et le polissage des pièces avant l’expédition. Avec, parfois, l’application d’une couche de vernis pour améliorer l’aspect et rendre le béton imperméable à la poussière.

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DESIGN

« Je veux que les gens régissent en voyant mes meubles »

C’

est sûr, ils se répondent. Quand les deux fauteuils imaginés par Patrick sont côte à côte (voir photo d’ouverture), l’un avec des lignes parallèles et l’autre avec ses droites entremêlées (alternance de tiges métalliques et d’élastiques), on a l’impression qu’ils se complètent. « Je veux que les gens réagissent en voyant mes meubles. Le béton, avec son aspect froid, monolithique, n’est pas logique dans une maison. Et encore moins pour une table basse de salon par exemple, qui est typiquement le meuble de la convivialité. Je l’ai imaginée monobloc, anguleuse, grise et froide... » Un guéridon en béton et métal brut, une lampe de chevet qui pèse plus que son poids et qui s’allume dans un lent mouvement de bascule, un lampadaire étrangement lové comme un serpent de pierre, Patrick veut délivrer des meubles qui remplissent leur fonction en dérangeant un peu, juste ce qu’il faut pour les remarquer. Entre deux conversations avec Christopher, qui dirige la galerie où il est exposé à Paris, Patrick nous raconte qu’étudiant, il peignait des grands formats, pour s’exprimer. Aujourd’hui, il coule du béton et tord de l’acier. Il va bientôt intégrer, bien caché, un ordinateur dans sa prochaine table basse. « Avec plein de technologie dedans. L’idée est que le système profère des insultes de manière aléatoire, dans la langue choisie, mais à un niveau sonore adapté à l’environnement. Si c’est une soirée bruyante, avec beaucoup de gens, la table va hurler ses insultes. Si vous lisez tranquillement dans votre canapé, elle va vous les susurrer... » Un bon moyen de faire réagir les gens qui viendront y déposer leur verre d’apéritif ou chiper trois pistaches. Sans doute, dans l’esprit de Patrick, le béton était-il devenu trop discret, trop accepté. Il fallait évoluer, passer à l’étape supérieure. Peut-être alors viendra le moment d’exposer un des meubles Parisparis à la FIAC. En attendant, en janvier, ils investissent le Salon Maison & Objet.

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Lampe de salon Évolution de sa première lampe, qui était une poutre en béton qu’il fallait poser sur un socle pour l’allumer, ce luminaire profite d’un moule en élastomère pour afficher une forme courbe surprenante pour un tel matériau. Sur cet exemplaire, Patrick a joué avec les bulles qui s’échappent lors du séchage pour obtenir un état de surface constellé de petits trous.


Guéridon Patrick l’a appelé « obstacle d’appartement ». Ce guéridon fait d’une plaque d’acier recourbée et de béton possède un cœur en polystyrène pour ne pas peser 40 kilogrammes.

Lampe de chevet Dans cette position, elle est allumée. Basculée vers l’avant, elle s’éteint. Dans tous les cas, elle semble comme incrustée dans la table. La plupart des essais de pigments sont faits sur ce modèle.

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STYLO

Pleins et déliés

Près de l’Opéra, à Paris, Patrick Arabian est l’un des rares spécialistes en France à adapter les plumes à l’écriture de chacun. Textes A. Bloch, photos Mitchell

C

ertains ont plongé une plume SergentMajor dans l’encrier en porcelaine de leur pupitre. D’autres ont taxé des cartouches Waterman à la moitié du collège. Beaucoup sont passés, au quotidien, au stylo-bille. Car peu ont eu la chance, comme Patrick Arabian, de tomber raides dingues d’un beau stylo-plume quand ils usaient leurs fonds de culotte à l’école. « Un jour, un copain est venu en classe avec un Sheaffer, qu’il avait pris en douce à son père : un Pen For Men de 1959. C’est ce qui m’a donné le goût des beaux objets, et depuis j’ai gardé dans un coin de ma tête l’idée d’en faire mon métier. » Après son service militaire, puis quelques années de travail dans le prêt-à-porter,

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l’idée a refait surface. « Je me suis dit que j’allais en même temps me faire plaisir et éveiller d’autres esprits, en ouvrant non pas une papeterie, mais un magasin entièrement dédié au stylo-plume. C’est en 1983 que je me suis lancé. » Puisque plumeur et plumiste sont déjà pris, et qu’on n’oserait suggérer tailleur de plumes, il s’agit du métier de « styloteur », sans doute ? Patrick a fait plus simple : « Disons ‘spécialiste du stylo’, je n’ai pas trouvé mieux. » Car son univers est plus vaste que la seule retaille sur mesure ; il connaît donc tout du stylo-plume. Chouette, on va tout savoir ! Et pour commencer, abordons un sujet qui fâche : comme les manufactures horlogères ont leurs mouvements maison, les fabricants de stylos produisent-ils tous leurs propres plumes ? « Pas du tout. Les japonais Pilot et Sailor font leurs stylos de A à Z, tout comme l’allemand Lamy, mais la plupart des autres les achètent. Et presque toujours à un seul et même fabricant : Bock, une entreprise familiale de Hambourg. » Ces plumes peuvent être plus ou moins « déployées » : il existe d’ailleurs une échelle de mesure, qui va pour


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STYLO

Laqué à la main par un artiste japonais, ce stylo Sailor se termine par une plume en or massif 21 carats.

Ici, la plume est déployée et évasée. Mais elle peut tout aussi bien être droite, capotée, voire rétractable.

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l’essentiel du marché de 4 à 9. À l’usage, il est courant de se repérer en fonction des trois tailles standards de Montblanc : 144, 146 et 149, qui correspondent plus ou moins aux tailles 4, 6 et 9. Pelikan est célèbre pour faire de très grandes plumes, majestueusement évasées. Mais d’autres ont à l’inverse pris le parti de la cacher (on dit « capoter ») à l’intérieur du corps. C’est par exemple le cas du Lamy 2000, créé en 1966 par le designer allemand Gerd Müller, à ne pas confondre avec le footballeur du même nom. Sa plume est même pour ainsi dire carénée, lui conférant un profil qui n’est pas sans rappeler celui du Concorde, dont le premier prototype sera d’ailleurs dévoilé l’année suivante. Et puis, il y a bien sûr les plumes rétractables, qui sortent du corps du stylo à la demande : le plus

fameux est celui de Pilot, sorti pour les jeux Olympiques de Tokyo, en 1964. Mais Lamy aussi s’y est mis. Par ailleurs, la matière dont est composée la plume n’a curieusement pas vraiment d’incidence sur sa dynamique à la surface du papier. Ainsi, une roturière plume en acier peut être aussi souple qu’une autre, bien plus exclusive, faite de palladium, d’argent ou d’or. Et cela d’autant que toutes sont en fait constituées d’alliages. Pour l’argent massif, par exemple, il y a un titrage de référence : le 925/1 000, dont la vieille marque anglaise Yard-O-Led s’est fait une spécialité. Mais d’autres optent pour du 850/1 000. Idem pour l’or, qui peut être utilisé en placage ou massif, en 10, 14 ou 18 carats. Ou même 21 carats, comme c’est le cas de la sublime édition numérotée de Sailor « L’Hiver sous les étoiles », laquée à la main par l’artiste japonais Ikki Moroike et vendue plus de 5 000 €. « Même avec l’expérience et la composition détaillée de la plume sous les yeux, on ne peut jamais se rendre compte de ce que va donner la souplesse d’un stylo : on doit l’essayer pour s’en faire une idée. » Pour les indécis, Pilot a repris il y a quelques années un brevet de la marque Eversharp des années 1930 : la plume ajustable. En tournant un petit bouton, on peut faire entrer ou sortir une plaque contre la plume. Cela a pour effet de laisser la plume libre sur plus ou moins de longueur, et donc de l’assouplir ou de la rigidifier. Et pour les artistes dans l’âme, il semblerait que le meilleur compromis soit le Pilot Falcon, particulièrement prisé des dessinateurs de presse et caricaturistes de tout poil. Toutes les plumes ont en revanche en commun de se terminer par une petite boule, que l’on nomme « pointe iridium », bien qu’elle soit aussi composée


« Avant de retailler un stylo-plume, je dois absolument voir comment son propriétaire le tient » Patrick Arabian, spécialiste stylo de Styl’Honoré, à Paris

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STYLO

La retaille pour un effet calligraphique sur mesure Pour permettre à une plume de produire des pleins et des déliés sur mesure, Patrick commence par observer comment chacun écrit : il peut suivant les cas tailler perpendiculairement à l’axe de la plume (forme « stub »), ou bien en oblique à gauche ou à droite. En prenant le stylo entre deux doigts, il fait progressivement fondre à l’aide d’une roulette de dentiste la petite boule qui termine la plume : la « pointe iridium ». Il doit néanmoins en laisser le plus possible, car c’est elle qui assure la longé-

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vité. Dans la mesure du possible, il préfère donc éliminer de la matière (acier, argent, or, palladium...) sur le dessus de la plume, de manière à l’aplatir en forme de lame. Puis il redonne au-dessous de la pointe sa forme arrondie, qui lui permet de glisser. Pour ne pas accrocher le papier ou gêner la progression de la plume, il change de disque abrasif et arrondit les angles. Puis il polit longuement le dessus de la plume, pour que l’àplat s’intègre harmonieusement et devienne à peine détectable.


La qualité du papier utilisé est un paramètre à prendre en compte pour la retaille de la plume d’osmium. Elle est absolument indispensable pour assurer une bonne longévité, car sans elle les plumes fondraient, « en quelques kilomètres d’écriture seulement ». C’est justement elle que Patrick va devoir faire fondre pour donner à une plume classique l’effet d’une lame de calligraphie, laissant sur le papier des traits tantôt larges, tantôt fins (respectivement « pleins » et « déliés ») suivant le sens de la trace, et qui sont du plus bel effet sur une signature. Pour ce faire, il utilise... une grosse roulette de dentiste ! « Quand je me suis lancé, ma sœur avait un cabinet, et envisageait d’arrêter d’exercer : j’ai récupéré une partie de son matériel, qui était parfaitement adapté. »

Une plume personnalisée Mais auparavant, il doit impérativement observer comment chacun tient son stylo : droit, ou bien vers l’intérieur ou l’extérieur (respectivement vers la gauche ou la droite, pour un droitier). C’est ce qui déterminera la forme de la retaille : « stub » (autrement dit presque carrée), ou oblique d’un côté ou de l’autre. Puis, pour que l’angle ne soit pas trop marqué et que la pointe du stylo ne risque pas de déchirer le papier, il devra naturellement arrondir les angles. Le papier, justement, a aussi son importance. Certains ressentent l’envie d’être freinés dans leur écriture, avec un papier granulé, comme du Conqueror. D’autres, à l’inverse, préfèrent quand « ça cavale », et optent pour un papier très couché, parfois presque glacé. C’est un autre paramètre à prendre en compte pour la retaille, et c’est pourquoi il est conseillé de venir essayer des stylos avec son propre papier. Quant à l’encre, elle laisse désormais plus de liberté : « Chacun préconise telle ou telle marque, mais c’est du pur marketing. Ce serait comme acheter une voiture et être obligé d’aller faire le plein d’essence dans une seule station-service. L’essence reste de l’essence, et l’encre reste de l’encre, c’est-à-dire un mélange d’eau, de pigments et de solvants. » Dorénavant, toutes les encres sont parfaitement miscibles : c’est Pilot qui compte la plus grande gamme de teintes de base (une trentaine), mais il est possible de faire ses propres mélanges en piochant chez n’importe quelle marque, puis tout simplement de diluer l’encre avec un peu d’eau pour éclaircir, ou d’ajouter une ou deux gouttes de noir pour foncer la teinte. « En fait, l’éventail des possibilités est exactement le même que pour la peinture : il ne faut pas se compliquer la vie pour rien ! »

Ce bout carré est typique des stylos-plumes à effet calligraphique. Ici, une pointe « stub », perpendiculaire à la plume.

Suivant la manière dont on tient son stylo, il est possible de retailler en oblique, à gauche ou à droite.

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STYLO

Quelle encre choisir ? « Chacun préconise telle ou telle marque, mais c’est du pur marketing », selon Patrick Arabian. On peut même créer son propre mélange, ajouter un peu d’eau pour l’éclaircir, ou du noir pour foncer la teinte.

Remplir un stylo-plume à pompe Vider le réservoir de l’encre résiduelle et de l’air qu’il contient, et amener le mécanisme de la pompe en butée. Plonger l’ensemble de la plume dans le flacon, remplir le réservoir et le vider dans la foulée : ce n’est qu’un premier aller-retour « d’imprégnation ». Remplir une seconde fois le réservoir, en tournant le bouton par quarts de tour.

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Ressortir la plume du flacon, et tourner le bouton dans l’autre sens pour faire ressortir trois ou quatre gouttes d’encre. Retourner le stylo, plume en l’air, et reculer le mécanisme au maximum. Un petit « coussin d’air » sera ensuite formé au niveau de la tête du piston, permettant à l’encre de s’écouler normalement et régulièrement : autrement,

un phénomène de capillarité aurait tendance à la retenir dans le stylo. Essuyer le dessus et le dessous de la plume, et éventuellement le corps. Une fois par mois, ou en changeant de couleur d’encre, déposer la pompe et passer la plume sous l’eau. On peut aussi, pompe en place, aspirer puis rejeter de l’eau.

Ici les deux types de pompes disponibles sur le marché. À piston, en haut. Ou à flotteur, en dessous.


Écrire la vie, dévoiler ses rêves et laisser libre cours à son inspiration avec le Capless, sa plume or rétractable à nulle autre pareille et les mettre en couleur avec l’encre iroshizuku take-sumi. Capless. Plus de 30 finitions, stylos-plume sans capuchon

Photo © Aneta Ivanova

à découvrir sur pilotpen.eu


MONTRE Walter von Känel, prÊsident de Longines

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À travers les

décennies Depuis près de quarante ans et ce que l’on a appelé la crise du quartz, l’industrie horlogère n’a eu de cesse de s’adapter et se renouveler. Retour sur une histoire mouvementée en compagnie de Walter von Känel, président de Longines. Textes et photos C. Boulain

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MONTRE

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n pourrait croire la boucle bouclée. Avec d’un côté la Longines Conquest de 1954 et, de l’autre, sa réédition de 2014, sobrement baptisée Heritage six décennies plus tard. La même, à quelques détails techniques près. « Quand j’ai pris la direction de Longines, en 1988, ce modèle n’était plus au catalogue. Je l’ai réintroduit parce qu’il représente, selon moi, tout ce qu’est une Conquest, simple et lisible. Il y aura toujours des amateurs pour ce type de montres », explique Walter von Känel, président emblématique qui vient de fêter ses 74 ans. Nous pourrions en déduire que l’histoire de l’horlogerie est

À gauche, une version de 1954, à peine sortie du musée Longines, à SaintImier. À droite, sa réédition, soixante ans plus tard.

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un éternel recommencement. Mais cela serait trop facile. Entre ces deux montres, il y a eu les années 1970 et la crise du quartz. Deux étapes qui auraient pu tuer l’horlogerie que nous aimons, mêlant savoir-faire et tradition. À l’aube d’une – éventuelle – future révolution, celle que promet la montre connectée que brandissent les marques high-tech pour s’ouvrir les portes du luxe, nous avons voulu comprendre tout ce qui s’était passé dans les quarante dernières années. Comment le monde horloger avait survécu à ces périodes tumultueuses, avec en fil rouge l’évolution de la Longines Conquest, et comme observateur privilégié Walter von Känel lui-même.


La Conquest fut la première montre globale de Longines, vendue complète partout dans le monde Il intègre la marque en 1969, il y a bientôt 46 ans. Passionné d’horlogerie dès son plus jeune âge, le petit Walter avait pourtant commencé sa carrière comme fonctionnaire des douanes suisses. Trois ans seulement, avant de rejoindre la société Jean Singer SA, fabriquant de cadrans à La Chaux-de-Fonds. Cette fois, il y travaille six ans, à vendre des cadrans pour des marques telles que Lip, Kelton ou Junghans. « C’est la partie visible de la montre. J’en ai vendu à beaucoup de marques différentes car l’horlogerie était en plein essor. Les montres de poche étaient passées au poignet, parce qu’il avait fallu miniaturiser les mouvements lors de la Première Guerre mondiale pour en équiper les soldats... et bien sûr les dames. Puis les premiers mouvements mécaniques à remontage automatique

étaient apparus. Pour Longines, ce fut juste après la guerre. L’horlogerie m’a toujours passionné. » En se plongeant dans les livres, on découvre qu’après Rolex et Omega, Longines fut l’un des premiers à proposer ce genre de mouvement, dès 1945. À cette époque, la marque, fondée en 1832 par August Agassiz, a déjà plus d’un siècle. Comme beaucoup d’autres maisons suisses, dans les années 1950, elle vend ses montres dans le monde entier, mais pas toujours en entier. Comprenez que sur de nombreux marchés, ces marques réputées ne distribuent que leurs mouvements, qui sont ensuite emboîtés localement. Une précision d’importance car, quand apparaît la première Conquest en 1954, c’est une révolution. C’est la première montre globale, que Longines veut vendre dans le

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Les formes ont changé pour s’adapter aux modes et aux marchés monde entier, avec son mouvement automatique et sa boîte devenue légendaire. Un basique, comme on dit aujourd’hui. Depuis son lancement, la Conquest n’avait pas vraiment changé. Les années 1970 vont y remédier. Elle devient plus fine, adopte les codes esthétiques de l’époque, s’adapte aux différentes cultures. Ce sont les débuts de Walter chez Longines, aux ventes. Sa connaissance des marchés étrangers lui vaut de partir aux États-Unis pour six mois. Là-bas, il vendra des mouvements que les revendeurs américains montent eux-mêmes dans des boîtes produites sur place. « C’était frustrant, je ne vendais que les mouvements, comme les autres marques suisses, d’ailleurs. On a vite cassé ce contrat pour pouvoir commercialiser nos propres montres. » Dont la Conquest. Il va aussi convaincre la direction de la marque

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d’aller sur de nouveaux marchés, comme la Chine et la Russie, qu’il connaît. Pour cela, il faut pouvoir délivrer un produit adapté. Nous sommes en 1971. Quelques années seulement avant ce que beaucoup appellent la crise du quartz. Il se dit depuis la fin des années 1960 que les montres électroniques sont l’avenir. En remplaçant le barillet par une pile, on gagne en fiabilité... paraît-il. En Suisse, à cette période, chaque marque fabrique ses mouvements. Et, évidemment, toutes veulent produire leur propre montre électronique. « Elles ne sont pas encore à quartz, précise Walter. C’est une époque où la technique commande et où le marché suit. » Les premières montres à quartz débarquent rapidement : plus précises, plus petites et moins chères. Elles séduisent les Américains, le premier marché mondial. Les marques


Ici, une déclinaison à double quartz VHP, pour Very High Precision. Le second quartz servait à réguler le premier.

Dans les années 1970, les formes évoluent... les technologies aussi. Ce modèle préfigurait le quartz.

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MONTRE

japonaises excellent dans cette nouvelle technologie. Les suisses tentent de suivre. Longines et les autres développent de nombreux mouvements, dépensent des fortunes en recherche et développement... pour une technologie qui se démocratise rapidement. Le prix moyen d’une montre chute. C’est la crise. À travailler chacune de leur côté, à toutes vouloir proposer leur propre vision, leurs propres mouvements comme elles l’avaient fait durant des années, les marques suisses s’étaient affaiblies. « L’idée géniale de Nicolas Hayek a été de créer en 1983 la Société suisse de microélectronique et d’horlogerie (SMH), explique Walter. Il y avait déjà eu

À gauche, une Conquest Sport. À droite, la version de plongée, Hydroconquest. Un air de famille évident.

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des rapprochements entre diverses sociétés [Ébauches SA avait pris de contrôle de Longines en 1971, NDLR], mais sans que cela change vraiment notre façon de travailler. Mais cette fois, c’était une révolution. » L’idée était simple : regrouper de nombreuses marques, centraliser l’outil de production le plus possible et les laisser se réapproprier leur nom et leur histoire. D’un côté la production, de l’autre le marketing. À Ébauches SA devenue ETA la fabrication des mouvements, aux marques d’en faire des montres adaptées à leurs clients. « En plus de réorganiser toutes ces marques en un grand groupe, l’idée de Nicolas était de


Dans les boîtes Longines, des mouvements ETA du groupe, parfois exclusifs à la marque de Saint-Imier

confier à chacune d’elles un territoire bien défini, en fonction des marchés sur lesquels elles étaient présentes, de leur image, de leurs clients. » L’impact sur les marques horlogères n’est pas que positif au début de l’aventure. Le nombre de salariés de chacune d’elles baisse, certains doivent être délocalisés pour rejoindre la manufacture d’ETA, c’est un véritable bouleversement. « Aujourd’hui, Longines ne fabrique plus ses mouvements. En revanche, certains mouvements industrialisés par ETA lui sont spécifiques... » En 1988, Walter von Känel accède à la présidence de Longines, après avoir passé près de vingt ans aux ventes et au marketing. Il va continuer l’œuvre de son prédécesseur, Manfred Laumann. Longines investit le segment

des montres entre 1 000 et 2 500 € pour faire simple, consolide sa position dominante sur les marchés asiatiques et du Moyen-Orient et développe toute une gamme Conquest. « Ce n’est plus un modèle pour nous, c’est comme une marque à part entière aujourd’hui. Nous avons bien sûr l’Heritage, cette réédition de la montre de 1954, mais avec un mouvement moderne. Mais aussi des Conquest Sport apparues juste après la version Hydro­conquest, et puis la Classic. Conquest est devenue comme une marque, destinée à une typologie de clients qui peut vouloir une montre plus classique ou plus sport. La recette est d’offrir le bon produit, la montre adaptée. Je pense que c’est la force de Longines. » La bonne montre au bon client, cela semble logique.

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TOURISME

Rome Dolce vita et cetera

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La capitale italienne est parmi les dix villes les plus visitées au monde. Son histoire de plus de vingthuit siècles et sa richesse culturelle valent le détour. Textes et photos D. St Aubin


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TOURISME En fonction des célébrations, il arrive que la place Saint-Pierre soit barricadée.

En arrivant au Vatican par la Via della Conciliazione, on se retrouve face à la basilique Saint-Pierre, derrière la place ovale Saint-Pierre.

Sculptures, peintures, les galeries des onze musées du Vatican regorgent de trésors.

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Les visiteurs affluent du monde entier pour prier, ou simplement pour admirer les œuvres collectées au fil des siècles.

Un État dans la ville

M

ême s’il ne compte pas mille habitants, même s’il n’existe officiellement que depuis 1929, l’État de la Cité du Vatican est un État à part entière. Et un État qui mérite quelques heures de visite. Dirigé par le pape lui-même, ce régime de monarchie absolue est le symbole de l’Église catholique romaine. Gardé par une centaine de soldats suisses, vestige du XVe siècle quand ces troupes de mercenaires helvètes vendaient leurs services aux grands d’Europe, le Vatican est remarquable pour deux choses principalement : son importance pour les catholiques du monde entier puisqu’il accueille le Saint-Siège, et la richesse de ses onze musées. Une journée ne permet pas d’en visiter la moitié, tant les innombrables galeries recèlent trésors, peintures, sculptures, et même antiquités étrusques ou égyptiennes. Sans compter le détour obligé par la fameuse chapelle Sixtine, dont le plafond fut entièrement décoré par Michel-Ange dans un chantier qui dura quatre ans. Et quand on sait que, isolés dans cette chapelle, les cardinaux se réunissent en conclave pour élire chaque nouveau pape... la visite prend une dimension totalement symbolique.

Nul besoin d’être pratiquant pour profiter de sa visite. Il faut juste prévoir du temps...

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TOURISME La fontaine de Trevi, avant sa restauration : déjà majestueuse. Elle vient d’être rouverte au public.

En octobre, le grand couturier Alaïa exposait certaines de ses robes au milieu des œuvres de la galerie Borghèse.

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Des musées et des monuments

O

n ne peut rester indifférent à Rome. De jour comme de nuit, la fontaine de Trevi impressionne, même lorsqu’elle fut en rénovation, son bassin vidé mais visible. Un symbole des constructions monumentales édifiées entre le XVIe et le XVIIIe siècle et qui constellent Rome. La villa Borghèse, un superbe parc jouxtant la place du Peuple au nord, fut aménagée un peu avant. Avec la villa Médicis à son entrée sud et la galerie Borghèse à l’est : deux musées qu’il faut visiter. Et chaque touriste se doit d’entrer au Panthéon, un temple majestueux construit avant Jésus-Christ, mais converti en église chrétienne au VIIe siècle. Avec sa coupole de 43 mètres de diamètre et ses seize colonnes de 70 tonnes chacune, c’est un monument tout bonnement exceptionnel. Mais très fréquenté, il ne faut pas l’oublier.

On ne peut pas venir à Rome sans entrer au Panthéon, qui supporte une coupole de 43 mètres de diamètre.

L’entrée de la galerie Borghèse, sublime. Mais réservez bien à l’avance...

Chaque colonne du Panthéon pèse 70 tonnes. Un monument démesuré.

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TOURISME

Vingt-huit siècles d’histoire

R

ome fut la plus grande ville du monde antique. Ou en tout cas, la plus influente pendant plus de cinq siècles. Protégée par ses sept collines, la cité aurait été érigée en 753 avant JésusChrist, par Romulus. Puis c’est devenu la capitale de l’Empire romain. On peut encore y voir aujourd’hui les preuves de cette grandeur passée. Du Colisée, cet amphithéâtre édifié entre 70 et 80 après Jésus-Christ, qui pouvait accueillir jusqu’à 60 000 spectateurs pour des jeux du cirque sanglants, au forum, cette place publique où les Romains venaient discuter affaires, politique ou religion. Ce n’est plus qu’un champ de ruines, mais on peut aisément s’imaginer son étendue et son activité passée. Déambuler dans les rues mal pavées, un guide à la main, reste un bon moyen de découvrir ces vestiges, pour beaucoup localisés entre le Tibre et la gare de Termini, ce que les Romains appellent le vieux Rome. La seule partie de la ville où ne passe aucune des deux lignes de métro. Mais cela va changer...

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La colonne Trajane, posée dans le forum du même nom, est vieille de plus de dix-neuf siècles.


Les vestiges romains sont partout. Et toujours bien éclairés pour les photographes amateurs.

Se balader dans le parc Del Colle Oppio pour descendre vers le Colisée.

Le Colisée impressionne autant par sa taille (60 000 places) que par ses formes.

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TOURISME La Piazza Venezia de nuit, avec des touristes devant et la fameuse « machine à écrire » de Victor-Emmanuel II dans le dos.

Les expressos sont forts et souvent amers. Les crèmes glacées douces et sucrées.

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On voit souvent ces vieilles Fiat 500. Mais encore plus souvent de vieux Vespa


Une vraie douceur de vivre

S

i vous aimez le café, vous risquez d’être déçu. Ici l’expresso est souvent amer, parfois même avec un goût de brûlé qui vous colle au palais. En revanche, si votre truc est la crème glacée, vous serez au paradis. Dans les cafés ou au restaurant, elles sont généralement

irrésistibles. Malgré tout, Rome n’est pas le rêve des gourmets, sauf à s’échapper des zones touristiques où l’on a vite fait de vous prendre pour un pigeon. Le meilleur exemple, la place d’Espagne qu’il faut fuir à l’heure du déjeuner. Mieux vaut se trouver de l’autre côté du Tibre, vers Trastevere

à l’heure de la pizza ou des pennes. En passant par l’île Tibérine où l’on peut aller prendre un bain de soleil sur les rives du fleuve, sans être dérangé par le bruit du trafic routier. Et à la nuit tombée, investir une de ces terrasses sublimes pour admirer cette ville magnifique... d’en haut.

Traverser le Tibre par l’île Tibérine pour aller déjeuner à Trastevere.

Rome s’apprécie aussi d’en haut. Ici depuis la terrasse de l’hôtel Portrait, qui appartient à la famille Ferragamo...

... et dont les couloirs et les escaliers sont de vraies expositions d’art.

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TOURISME

Où loger ? Près de la place d’Espagne : hôtel Portrait Roma pour un service à la carte, via Bocca di Leone, 23. Près du Colisée : Hôtel Palazzo Manfredi, via Labicana, 125. Près de la gare de Termini : hôtel UNA Roma, via Giovanni Amendola, 57.

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Comment y aller ? Depuis Paris CDG : Air France ou Alitalia, dix vols quotidiens vers Fiumicino. Depuis Paris Orly : Easyjet, trois vols quotidiens vers Fiumicino ; British Airways, quatre vols quotidiens vers Fiumicino. Depuis Bordeaux : HOP ou KLM, quatre vols quotidiens vers Fiumicino.


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VOITURE

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FORD

Mus tang Fièvre de cheval Symbole d’une certaine idée de l’Amérique automobile, la Mustang part officiellement à la conquête du monde entier. Nul doute que ce sixième opus va donner à beaucoup l’envie de prendre des cours d’équitation. Textes P. Lefebvre, photos L. Lacoste

C’

est un club qui n’a rien de secret mais où l’on n’entre pas facilement. Et y figurer est autant un honneur qu’un défi pour, au fil des décennies, y demeurer. Ce club, c’est celui des automobiles de légende qui ont, après le coup de génie de leurs débuts, su perdurer au fil des années. Incarnation roulante de l’âge d’or du rêve américain, la Ford Mustang figure, au côté de la Porsche 911, parmi les membres les plus éminents de cette caste. Et nul doute que cette nouvelle génération, la sixième depuis 1964, n’éprouvera aucune peine à faire perdurer le mythe de la « Pony

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VOITURE

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Cette génération a du caractère. Pas un sale caractère...

car » tant elle vise aussi juste qu’une Winchester, pile entre respect des traditions et modernité. Plus que la ligne, qui évoque sans détour le génial coup de crayon du bolide piloté dans les rues de San Francisco par Steve McQueen dans le film Bullitt, c’est en « murmurant » à gros coups de pistons à l’oreille des hommes que le célèbre cheval de Ford s’identifie toujours entre mille. Oui, c’est vrai, cette nouvelle Mustang existe aussi avec un quatrecylindres turbo 2.3 litres EcoBoost du genre performant parce que le monde d’aujourd’hui l’exige, mais, selon nous, seul le V8 ici à l’essai permet de prendre toute la mesure de cette automobile à part.

Une musique enthousiasmante

Plaisir de conduite immense au volant et plaisir des yeux aussi, avec une finition qui n’a plus rien d’indigne.

Dès le démarrage, la mécanique assure un spectacle dont il est impossible de se lasser et cela d’autant plus que, contrairement à la mode actuelle, Ford a décidé de ne pas utiliser de subterfuge technique pour que ce 5 litres donne de la voix. Les borborygmes se jouent ici en live ! Inutile de préciser qu’au volant, on vous entend arriver de loin et que vos tympans en prennent pour leur grade ! Mais si la Mustang a toujours été douée pour assurer le show, elle était aussi redoutée jusqu’à présent pour être parfois... trop chaude. Liaisons au sol d’un autre âge, comportement routier en décalage avec son époque, l’américaine était certes une automobile attachante mais il fallait aimer le rodéo pour oser en tirer toute la quintessence. De fait, elle ne faisait aucun effort pour élargir sa communauté de fans. Disons le tout net, ça, c’était avant. Reposant sur

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VOITURE Deux adultes peuvent participer à la balade derrière, à condition qu’ils ne soient pas trop grands. Une boîte automatique est également disponible. Mais la transmission manuelle participe grandement à la fête.

une nouvelle plate-forme avec un train arrière digne de ce nom, tournant ainsi le dos à l’essieu arrière rigide digne d’une carriole qui officiait encore sur sa devancière, offrant un comportement routier à l’européenne avec, pour le Vieux Continent, des suspensions sport spécifiques (voir interview), la Mustang n’a plus aucun complexe à nourrir pour partir à la conquête de l’Est. Direction précise, roues arrière motrices digérant sans trop de mal la débauche de puissance et freinage efficace signé de la marque italienne Brembo, l’américaine se mène vite, bien et sans arrière-pensée. Elle surprend même par son agilité, joli tour de force compte tenu de son gabarit et de sa masse, tous deux plus que « respectables ». De fait, on prend vite confiance aux rênes de ce cheval qui n’a plus l’attitude d’une bourrique mais sait encore pratiquer l’amour vache. Virile et réclamant une bonne poigne, la boîte manuelle à 6 vitesses est un héritage du passé dont heureusement Ford a décidé de ne pas se passer. Mais c’est surtout lorsque l’on met les gaz plus tôt qu’il ne faudrait

ou que la route est légèrement humide que l’on se rend compte que la Mustang peut toujours avoir mauvais caractère. C’est justement ce qui fait tout son charme ! Toutefois, les ruades sont facilement maîtrisables grâce au généreux empattement et au différentiel arrière à glissement limité. Mais avec des pneus qui partent en fumée lors de démarrages un peu secs et dont on peut confier la mise en scène au système Line Lock, qui bloque le train avant à la demande (pour justement faire fumer les pneus arrière), ils ont vraiment fait très fort, chez Ford ! Et grâce au programme de conduite permettant au fur et à mesure de réduire voire d’annuler les interventions des aides électroniques, tout un chacun peut profiter, au pas, au trot ou au galop, des joies de cette jolie monture.

Des solutions techniques modernes mais une présentation sommaire

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Du plaisir pour quatre Mieux, n’allez pas croire que le plaisir ressenti au volant de l’américaine se résume à cramer les pneus et le (petit) plein pour ensuite finir par lasser. Si la consommation plutôt élevée de l’animal


Levier de vitesse court, tradition oblige. Mais dorénavant GPS et écran couleur tactile... modernisme oblige. Tant que cela ne grève pas le plaisir de conduite...

Les baquets Recaro sont en option. Inutile de dire que lorsqu’on taquine ce cheval, ils sont d’une aide précieuse pour ne pas être désarçonné en virage !

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VOITURE

4 questions à Barb Jean Samardzich, vice-présidente de Ford Europe

Vous étiez en charge de la précédente génération de Mustang. Qu’est-ce qui change avec la nouvelle ? B. S. La Mustang a un héritage qu’il faut respecter. Il faut qu’elle soit une voiture rapide, abordable et fun. Mais la toute dernière a dû intégrer de nouvelles technologies pour répondre aux exigences du marché mondial. Passer à un train arrière à roues indépendantes était une nécessité, tout comme proposer un moteur quatre-cylindres, même si, pour certains, rien ne vaut le V8. Ce petit moteur a-til fait l’objet de gros débats en interne ? B. S. Non, c’était une décision naturelle. Vous savez, même les clients américains sont gagnants. Pour ceux qui veulent rouler en Mustang tous les jours pour aller au travail, c’est une offre plus sage que le V8. Si vous aviez un mot pour résumer cette voiture, quel serait-il ?

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B. S. Je n’ai pas le droit à trois ? OK, si je devais n’en choisir qu’un seul, cela serait liberté. Quand vous conduisez cette voiture, tous vos soucis disparaissent. J’en ai moi-même fait l’expérience en oubliant le temps d’un week-end au volant le stress d’une semaine de travail. La façon dont Ford conçoit ses voitures a beaucoup changé ces dernières années. On sent une influence européenne très forte dans les produits. Pourquoi ? B. S. Avant, il y avait chez Ford le marché américain et le reste du monde, dont l’Europe. Nous devions tout d’abord globaliser et rationaliser la production de nos voitures afin de réaliser des économies d’échelle. Mais s’il est vrai que chaque pays a son savoir-faire à apporter, le meilleur ADN de la conduite est en Europe [NDLR : marché le plus exigeant du monde en la matière]. Pour la Mustang, cela nous apporte de la crédibilité, et c’était obligatoire.


Un rapport prestations/prix difficile à battre : c’est ça aussi, la Mustang

Données constructeur

FORD MUSTANG Moteur : V8, essence, distribution variable, 4 951  cm3 Transmission : propulsion, boîte manuelle, 6 vitesses Puissance (ch à tr/min) 421 à 6 500 Couple (Nm à tr/min) 530 à 4 250 Masse (kg) 1 720 Long.xlarg.xhaut. (m) 4,78x1,92x1,39 Volume du coffre (l) 408 Vitesse maxi (km/h) 250 0 à 100 km/h 4’’8 Conso mixte (l/100 km)/CO2 (g/km) 13,5/299 Pneus de série AV 255/40 R 19 Pneus de série AR 275/40 R 19 Prix de base en France. 2.3 EcoBoost : 37 000 €, V8 : 42 000 € hors malus écologique (8 000 €)

indique clairement qu’un usage quotidien s’avérera vite dispendieux, la Mustang n’a rien d’une mauvaise monture, bien au contraire. Coffre logeable, places arrière accueillantes – à condition de ne pas être taillé au format NBA –, l’américaine mise plus qu’aucune autre voiture de sport sur la polyvalence. Cette nouvelle génération, déclinée en coupé Fastback ou en Convertible pour écouter le V8 à l’air libre, mérite même des encouragements du côté de la présentation. Certes, les standards de la « Deutsche Qualität » sont loin d’être atteints mais les boutons basculeurs et les sièges baquets Recaro optionnels font leur petit effet, tout comme la plaque commémorative rappelant au passager depuis quand ce cheval fou est parti en cavale. Et puis il faut tout de même prendre en compte ce qui fait aussi la force, depuis ses débuts, de la Mustang. Les Américains appellent cela « value for money », ce qui peut se traduire par en avoir pour son argent. Inutile de chercher : aucune voiture de sport sur la planète ne fait aussi bien que l’américaine avec un rapport prix/prestations défiant toute concurrence, permettant à tout à chacun de se dire que ce Graal automobile n’est pas inaccessible. De ce point de vue, l’une des recettes du fameux « American Dream » n’a toujours pas changé.

Ceci est un instrument de musique !

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VOITURE

MK III (1978-1993) Reposant sur une toute nouvelle plate-forme, c’est le modèle resté le plus longtemps au catalogue grâce à un gros restylage opéré en 1987. Il marque aussi le retour du cabriolet et l’arrivée de l’injection (1986).

MK II (1973-1978) En plein choc pétrolier, la Mustang passe... au quatre-cylindres. Et si le succès commercial est tout de même au rendezvous, comme le V8 (à partir de 1976), le bureau de style maison ne pourra pas montrer son « talent » sur les cabriolets et coupés, abandonnés !

MK I (1964-1973) 22 000 commandes le jour de sa sortie ! C’est peu dire que dès ses débuts, la Mustang a tapé dans le mille. Disponible en coupé, cabriolet et Fastback (celle de Bullitt), elle est devenue un « must have », surtout en V8.

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MK IV (1994-2004) Si les versions standards de cette génération (restylée en 1999) continuent à faire confiance à un essieu arrière rigide, les plus épicées (jusqu’à 390 ch) adoptent des suspensions indépendantes et, pour certaines, un compresseur.

MK V (2004-2015) Comme VW avec les Cox ou Mini, Ford joue à fond la carte du néorétro pour cette cinquième génération. Un essai gagnant puisqu’il ravive la flamme, d’autant que les versions « bad boy », sont toujours préparées chez Shelby.

MK VI (2015) Faisant encore plus penser à la première Mustang que sa devancière, la génération actuelle vise une carrière internationale. On peut en effet la commander dans 140 pays et aussi en quatre-cylindres turbo !

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TECHNOLOGIE

Cuisine à la GOMME Comme un grand chef étoilé, Luisa Munoz crée ses propres recettes, sélectionne ses ingrédients, les pèse avec précision, les mélange avec attention et les fait chauffer avec passion. Pourtant, elle ne régale pas nos papilles, mais améliore notre sécurité. Luisa cuit des pneus hiver !

Textes J.-F. Béchu, photos DR

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«L’

avantage, c’est que je ne suis pas obligée de goûter ma cuisine. Alors ce n’est pas très grave si je me trompe », dit-elle, amusée, en confiant ses récipients de caoutchouc, silice, huile et noir de carbone à l’opérateur en charge de la mélangeuse. Nous sommes dans son laboratoire de travail, au GIC*L, le centre d’innovation GoodyearDunlop de Colmar-Berg, au Luxembourg. Le degré d’exigence qu’exprime cette jeune femme, docteur en matériaux élastomères, nous laisse néanmoins penser qu’elle se trompe rarement. Et même si c’était le cas, ce sont bien des erreurs qui sont à l’origine de la pénicilline, du four à micro-ondes... et de la vulcanisation du caoutchouc par l’Américain Charles Goodyear. Le chimiste aurait posé par inadvertance un morceau de latex recouvert de fleur de soufre sur

son poêle brûlant. L’échantillon s’étant enflammé, il l’aurait jeté par la fenêtre dans la neige. Ce ne serait qu’en le ramassant le lendemain qu’il aurait constaté ses propriétés élastiques. Ce fut le point de départ d’innombrables applications industrielles du caoutchouc, dont la plus connue reste le pneumatique. « Je vous l’accorde, travailler dans le monde du pneumatique ne correspond pas vraiment à mes rêves de jeune fille. Mais suite à mes études d’ingénieur en mécanique et d’ingénieur en matériaux, j’ai tout de suite été attirée par le caoutchouc. Comment vous dire... ses propriétés élastiques le rendent très différent des autres matériaux, elles lui apportent de multiples possibilités, il est selon moi plus complexe, plus intéressant. » Et pour se rendre la tâche encore plus intéressante – ou difficile, c’est selon –, cette Colombienne qui doit son français parfait à ses

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TECHNOLOGIE

Les sculptures d’un pneu hiver sont l’objet d’attentions très particulières. Elles doivent être belles... et efficaces sur la neige.

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Du design dans le pneu Autre paramètre essentiel dans l’efficacité d’un pneu : ses sculptures. Baptisé « profil » par les spécialistes, le dessin formé par les « entailles » de la bande de roulement n’a rien d’anodin. Il détermine notamment l’empreinte au sol du pneu, ses capacités à évacuer l’eau, la boue, la neige et bien d’autres critères. Contre toute attente, il ne naît pas sous la souris d’un ingénieur, mais du crayonné d’un designer, comme une carrosserie de voiture. Et, tout comme les designers automobiles, ceux du GIC*L s’inspirent des tendances actuelles en matière de prêt-à-porter, mobilier, architecture, illustrations... D’une vingtaine de propositions seront retenues les trois exprimant le mieux les performances, la qualité perçue, l’identité du pneu. Puis la modélisation sur ordinateur

viendra ensuite, avec sa part d’ajustements nécessaires pour répondre aux exigences d’empreinte au sol, de pression, d’usure, de bruit... Car le dessin d’une bande de roulement peut radicalement changer ces paramètres.

études supérieures dans l’Hexagone fait partie de l’équipe en charge du développement des pneus hiver, un profil inventé dans les années 1970 par l’allemand Continental. Ce sont les plus difficiles à mettre au point, mais aussi à produire. « Savez-vous combien il y a de lamelles de caoutchouc sur notre Dunlop Winter Sport 5 ? [NDLR : les petites lames de gomme indépendantes les unes des autres qui, entrelacées, composent les pavés de gomme de la bande de roulement]. Il y en a près de 1 500, avec environ 80 formes différentes. Et le mélange de gomme ne doit adhérer à aucune d’entre elles, sous peine de l’endommager au démoulage. » Mélange, c’est un mot qui reviendra souvent. Surtout au moment où nous apprendrons qu’il y en a une quinzaine dans ce pneu. « Pour la majorité des gens, un pneumatique, ce n’est qu’un gros morceau de caoutchouc noir en forme de rond. C’est en fait un produit éminemment technique. » Grossièrement, il se compose de trois zones ayant des fonctions bien distinctes : la bande de roulement, en contact avec le sol, les flancs et la partie en contact avec la jante, qu’on appelle le talon. La première doit disposer d’une gomme « adhérente »

assurant une bonne motricité et tenue au sol, la seconde d’une gomme « souple » permettant la déformation du pneumatique pour améliorer le confort, la troisième d’une gomme « résistante » pour transmettre le couple de la jante au pneu et supporter les montages et démontages. Comme chacune de ces trois zones doit faire appel à un ou plusieurs mélanges intermédiaires pour assurer la cohésion avec sa voisine directe, et que toutes comportent des sous-zones dans lesquelles se multiplient les mélanges de différentes natures, vous devez commencer à entrevoir la complexité du travail de Luisa. Et encore, nous vous épargnons le chapitre des nappes de fils métalliques ou textiles noyées dans la gomme pour assurer la rigidité du pneumatique (au même titre que les tringles métalliques du talon). « On demande beaucoup de choses à un pneumatique, qui plus est des choses souvent antagonistes, comme de rester performant lorsqu’il fait froid, alors que l’élasticité du caoutchouc diminue avec la température. » Un dilemme auquel peut répondre le pneu quatre saisons avec un compromis le rendant utilisable toute l’année, mais qui est

Des gommes différentes pour chaque partie du pneu

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TECHNOLOGIE

En haut, du caoutchouc synthétique, presque transparent. En bas, des bandes de caoutchouc naturel, fumé pour pouvoir se conserver.

loin d’égaler les performances d’un pneu été sur une route sèche, ou d’un pneu hiver sur la neige. Sur la paillasse du laboratoire s’étalent une multitude de récipients. « Voici quelques exemples de matières premières entrant dans la composition d’un pneumatique. Tenez, ça, ce sont des bandes de caoutchouc naturel. On l’utilise pour certains pneus car on n’a toujours pas réussi à obtenir les mêmes propriétés avec du caoutchouc synthétique. Prenez-en une, sentez-la. » Elle est d’un marron translucide, extrêmement molle, et elle sent... la fumée. « C’est parce qu’il faut le fumer pour pouvoir le conserver, comme le saumon. Là, vous avez un bloc de caoutchouc synthétique : comme vous voyez, il est blanc. Ici, c’est de la silice, que l’on utilise pour renforcer le caoutchouc ; proportionnellement, il y en a plus que

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de caoutchouc. Là, c’est de l’huile minérale, là de la végétale, comme en cuisine. Elles participent entre autres à réguler les températures de cuisson. Voici du noir de carbone, pour notamment teinter le mélange, et du soufre, qui assure la vulcanisation du caoutchouc. Voilà pour les principaux constituants, mais il y en a encore bien d’autres, comme les adjuvants servant à protéger le caoutchouc des UV ou de l’ozone. » Ou encore de problématiques polluants tels que le zinc, le cuivre ou le cadmium. « Nous avons regroupé ici les constituants d’un pneu été, et là ceux d’un pneu hiver, comparez vous-même. » D’un côté une gomme synthétique dure et blanche pour l’été, des gommes synthétiques plus souples, blanches mais aussi jaunâtres pour l’hiver, pour lequel il y a aussi davantage de silice (Luisa ajoutera qu’elle a


Voici les différents types de caoutchouc synthétique utilisés dans un pneu hiver. Les formulations blanchâtres deviennent minoritaires.

aussi une granulométrie plus fine) et un plus grand nombre de constituants secondaires (adjuvants). La nature, la quantité, le nombre, presque tout change. Pourquoi ? Rappelez-vous que les propriétés élastiques de la gomme varient avec la température. À sa température de transition vitreuse (– 73 °C pour le caoutchouc naturel), le caoutchouc est aussi cassant que du verre. L’objectif est de maintenir les propriétés élastiques du mélange en repoussant cette température de transition. Luisa me tend un échantillon de gomme été et un de gomme hiver. Même couleur, même aspect, mais la gomme hiver est beaucoup plus souple. Elle étire l’échantillon été entre ses mains. Il rompt

rapidement. Ses bras sont presque tendus en croix lorsque l’échantillon hiver casse à son tour. Voilà maintenant que son collègue plie deux nouveaux morceaux avant de les tremper quelques secondes dans de l’azote liquide à – 45 °C. L’échantillon été casse au dépliage ; l’hiver, qui s’est lui aussi rigidifié, se déplie après quelques efforts. « C’est en travaillant sur les mélanges qu’on peut obtenir des résultats aussi différents. » Justement, la mélangeuse est en route, les ingrédients y sont introduits en respectant une chronologie établie et une surveillance permanente de la température, qui doit être stabilisée vers 160 °C. La première étape de mélangeage (il y en a quatre ou cinq) dure environ

Le challenge est de conserver l’élasticité au froid

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TECHNOLOGIE

Ici, toutes sortes d’essais sont faits durant l’année. Sur les sculptures, leur dessin, leur profondeur, le nombre de lamelles... mais aussi sur les gommes. Avec à chaque fois le même travail sur la matière qu’il faut produire et malaxer.

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Le pouvoir élastique de la gomme va déterminer sa capacité à bien fonctionner sur une chaussée froide... ou enneigée

4 minutes, elle n’intègre ni le souffre, ni le noir de carbone pour que le caoutchouc ne vulcanise pas et ne prenne pas sa couleur noire avant le mélangeage final. La pâte obtenue passe ensuite à plusieurs reprises dans une presse à rouleaux pour former une « feuille » qui sera plus pratique à travailler. « De la feuille finale seront pris des échantillons que nous allons maltraiter dans notre laboratoire de métrologie afin de déterminer si le mélange correspond à ce que nous recherchons, ou doit être ajusté. » Suivront, ou non, le moulage d’un pneu prototype et les interventions nécessaires pour qu’une gomme plus ferme permette ici au dessin des sculptures de ne pas trop s’éloigner de l’esquisse des designers

(voir encadré), à un autre endroit d’emprisonner moins d’air en roulant (source de bruit), qu’un mélange plus résistant réduise l’usure ou permette aux lamelles du pneu hiver de mieux casser le film d’eau pour retarder l’aquaplanage, qu’un mélange plus souple facilite ici la déformation des pavés pour l’évacuation de la neige... Bref, une multitude d’ajustements qui portent la durée de développement d’un pneu hiver à environ deux ans. Avec à chaque nouvelle génération, chez Dunlop comme chez les autres manufacturiers, de meilleures performances à basses températures ou sur la neige. Alors, franchement, vous croyez encore qu’il est inutile que votre voiture goûte à la cuisine de Luisa ?

Composition d’un pneumatique

LES NAPPES. Elles sont constituées de renforts métalliques ou textiles (polyester, nylon, aramide...) qui forment le squelette du pneu. On distingue la nappe carcasse (2) des nappes longitudinales (8 et 10).

LES GOMMES. Outre la gomme d’étanchéité à l’air (1), intérieure (3), de flanc (7), de ceinture (9), de bande sans joint (11), de base (12) et de bande de roulement, on trouve l’Apex (5) qui assure une transition progressive de la rigidité du talon vers les flancs.

LES TRINGLES. Ce sont des câbles métalliques (4) assurant le maintient du pneu sur la jante.

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MOTO

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Orfèvre

mécanique

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MOTO

Au nord de la Cité des anges, dans un atelier en tôle en bordure de désert où la température dépasse parfois les 50 °C en été, Dustin Kott redonne vie à de vieilles motos pour en faire de véritables œuvres d’art. Plus qu’une passion, un mode de vie. Textes et photos C. Boulain

Dustin descendant de sa première moto. Elle fut retapée par son père Dan (à côté).

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L’atelier (et le studio) de Dustin, aux portes du désert, au nord de Los Angeles.

Son histoire

T

out a commencé avec Dan, son père. Il y a une vingtaine d’années, il lui refait une vieille Honda de 1966, avec laquelle il lui arrive encore d’aller se balader. « C’est vraiment là que le virus m’a pris, explique Dustin. Je l’ai vu la démonter et la restaurer. Pour moi, dans cette moto, il y a un peu de lui... » À 19 ans, Dustin Kott se met à la mécanique. Au début, il bricole pour lui. Un hobby qui l’occupe quand il ne fait pas un des innombrables petits boulots qu’il a exercé au sortir de l’école. Puis pour ses amis : un à un, ils lui achètent ses créations. « Restaurer ces vieilles motos, qu’il fallait plus d’une fois sur deux complètement refaire, c’était aussi le meilleur moyen de dépasser mon anxiété naturelle. Une sorte de thérapie... » La demande grandit, les clients affluent et le business démarre vraiment.

C’était il y a quatorze ans et Dustin, lui, soufflait ses 25 bougies. Dan lui donne quelques coups de main, pas comme sa sœur ou son frère jumeau, qui n’ont jamais eu le virus. Dustin travaille dix à douze heures par jour, gare ses motos dans la rue, en bas de chez lui, et commence à s’attirer les foudres des policiers locaux. Il a 30 ans, une notoriété croissante, un savoir-faire reconnu même hors de l’État de Californie. Il s’associe à un agent du Middle West : « Je restaurais les motos, il trouvait les clients dans tout le pays. » Ça ne dure qu’un temps, leur vision de Kott Motorcycles était trop différente. « Il y a mon nom sur ces machines, je dois délivrer quelque chose d’unique. Lui voulait juste faire de l’argent... nous nous sommes vite séparés. » Depuis presque sept ans, Dustin, qui voit la quarantaine approcher, a déménagé dans cet atelier bleu, le long de la voie ferrée, aux portes du désert. Parfait pour y vivre sa passion. D’ailleurs, il y habite.

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MOTO

Les motos Kott sont reconnaissables entre mille avec leurs pièces uniques

Dustin travaille le métal dans son atelier, sur demande...

Son savoir-faire

«J

e me concentre sur ce que je sais faire le mieux. Au début, je faisais tout moi-même, de A à Z. Mais aujourd’hui, je me réserve tout le travail sur le métal, de la restauration complète des éléments mécaniques aux modifications du cadre ou à la production de pièces spéciales. En revanche, je confie la peinture et la sellerie à des artisans locaux. C’est mieux fait », dit-il en souriant. C’est presque toujours la même procédure. Trouver une moto, si possible une vieille Honda à quatre cylindres car Dustin les connaît sur le bout des doigts... et les adore. La démonter entièrement pour la remettre dans

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un état mécanique proche du neuf, même si elle a déjà plusieurs décennies. Puis réfléchir... « C’est souvent ce qui prend le plus de temps. Imaginer ce que je vais faire, quelles pièces modifier, quelles proportions donner, quelle peinture, quelle selle. Je m’interdis de faire deux fois la même chose. Dans l’idéal, j’aime que le client s’implique, me dise ce qu’il aime. Ainsi, la moto sera autant un prolongement de moi... que de lui. » Puis il faut créer les bonnes pièces, dans l’atelier où de vieilles machinesoutils côtoient un poste à souder pour l’aluminium, une des spécialités de Dustin. Enfin, il faut tout remonter. Un travail qui prend de deux semaines à plus d’un mois, en fonction de l’inspiration. Cette année, une quinzaine de machines seront sorties de l’atelier.


Aujourd’hui, il ne fait plus lui-même la peinture ou le façonnage des selles en cuir. Il se réserve la mécanique. Il aime ça.

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MOTO

Sa dernière création fait le tour des ÉtatsUnis, en ce moment, pour un Salon de la moto itinérant.

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Tout est fait sur mesure, comme ce réservoir d’huile sous la selle, en aluminium.

Son œuvre

L

a dernière création de Kott Motorcycles va faire le tour des États-Unis pendant l’hiver. Commandée à Dustin par la société américaine d’assurance Progressive, elle est la star du Salon itinérant ProgressiveIMS (pour International Motorcycle Shows). Nous avons pu la photographier lors de son passage en Californie, au palais des congrès de Long Beach où des milliers de bikers étaient aussi venus l’admirer. Comme souvent, la base est une Honda CB750 de 1973, un peu plus vieille que celle que Dustin conduit au quotidien. Mais avec des freins à tambour prélevés sur une Triumph de 1969 et entièrement refaits, un réservoir d’huile maison sous la selle, une peinture et une selle sur mesure... et une position de conduite « sur les poignets »

comme on dit. « Avec des repose-pieds taillés dans la masse », précise Dustin en souriant. Le dosseret de selle, peint aux couleurs du réservoir, vaut aussi son pesant de cacahuètes. Il est en aluminium, façonné à la main et au marteau par Dustin Kott. Une touche personnelle reconnaissable entre mille, comme la petite pièce d’aluminium bombée qui sert à protéger la roue arrière des projections de lubrifiant de la chaîne... et à supporter la plaque d’immatriculation quand la moto sera mise sur la route. « Toutes les Kott sont en parfait état de rouler, j’y tiens. Mais toutes ne circulent pas régulièrement, confesse Dustin. Même si ces machines offrent de toutes autres sensations que les motos récentes et fonctionnent parfaitement, elles ne sont pas exploitables quotidiennement. Ce sont avant tout des objets de collection. » Qui se négocient entre 15 000 et 22 000 dollars américains. Moto roulante comprise.

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MOTO

15 motos

500 cm3

En 2015, Dustin Kott aura restauré quinze motos. « C’est à peu près la moyenne ces dernières années. » Avec à chaque fois le même rituel : démontage, restauration puis customisation. Pour qu’à la fin, cela soit une véritable renaissance...

Au minimum. « Je ne travaille jamais sur des Harley. Sans doute parce que j’aime et que je connais les vieilles Honda. Mais toujours d’au moins 500 cm3 de cylindrée. » Parce qu’en Californie, une moto doit pouvoir rouler plus vite que le trafic.

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12 ans Même s’il a commencé ses préparations très jeune, dès 19 ans, à l’époque pour lui et ses amis, Dustin ne s’est véritablement mis à son compte qu’à 25 ans. Bref, cela fait plus de douze ans qu’il redonne vie à de vieilles ladies nippones. Parce que cela donne du sens à sa vie.

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CONTACTS Sébastien Loeb Site Internet personnel www.sebastienloeb.com . Site Internet écurie www.sebastienloebracing.com .

Jacques Weber Adresse théâtre Déjazet 41, boulevard du Temple, 75003 Paris. Tél. +33 (0)1 48 87 52 55 . Site Internet théâtre Déjazet www.dejazet.com

Champagne Ayala Adresse 1, rue Edmond-de-Ayala, 51160 Aÿ. Tél. +33 (0)3 26 55 15 44 Site Internet www.champagne-ayala.fr

Manufacture de chocolat Alain Ducasse Adresse 40, rue de la Roquette, 75011 Paris. Tél. +33 (0)1 48 05 82 86 Site Internet www.lechocolat-alainducasse.com

Parisparis Adresse galerie Boon 9-9 bis, rue de Lesdiguières, 75004 Paris. Tél. +33 (0)1 44 78 87 80 Site Internet galerie Boon www.boonparis.com Site Internet Parisparis www.parisparis.biz

Styl’Honoré Adresse

1, rue du Marché-Saint-Honoré, 75001 Paris. Tél. +33 (0)1 42 60 43 39

Longines Adresse Compagnie des montres Longines Francillon SA, 2610 Saint-Imier, Suisse. Tél. +41 (0)32 942 54 25 Site Internet www.longines.fr

Dynastar Adresse 1412, avenue de Genève, 74700 Sallanches. Tél. +33 (0)4 50 91 29 30 Site Internet www.dynastar.com .

Ford France Adresse 34, rue de la Croix-de-Fer, 78100 Saint-Germain-en-Laye. Tél. +33 (0)1 61 01 61 01 Site Internet www.ford.fr

Goodyear-Dunlop Adresse 8, rue Lionel-Terray, 92500 Rueil-Malmaison. Tél. +33 (0)1 47 16 59 59 Sites Internet www.goodyear.fr & www.dunlop.fr

Kott Motorcycles Adresse 24852, Railroad Avenue, Newhall, CA 91321, États-Unis. Courriel : dustinkott@gmail.com Site Internet www.kottmotorcycles.com

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L’

histoire veut que Jaguar n’ait pas, à l’époque, produit toutes les Type E Lightweight prévues. Il en manquait six. Elles sont sorties d’usine cette année, et nous y étions. Revue de détail et essai d’une de ces divas, réplique parfaite de ses fabuleuses aînées.

Bien déguster un vin est un art. Un art qui s’apprend. Nous nous sommes rendus dans le Bordelais suivre un cours de dégustation délivré par un des sommeliers diplômés du Château de Ferrand.

Et beaucoup d’autres surprises

En kiosque le 12 février Followed Magazine 131



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