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Followed r e n c o n t r e r&d é c o u v r i r

Le Louvre

nous dévoile ses coulisses

Réalité

Land Rover Evoque Cabriolet

nouveau

Visites exclusives chez Shelby & BMW moto

virtuelle Comprendre ce

Roland Garros Des retrouvailles très attendues

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ÉDITO

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Juste un mot :

Directeur de la rédaction Luc Augier

Rédacteur en chef

directeur de la publication

Christophe Boulain

chboulain@followed.fr

Rédaction

J.-F. Béchu, A. Bloch, F. Boulain, L. Lacoste, F. Montfort, D. Saint-Aubin

Photographes

A. Bourdeau, Mitchell, L. Lacoste, F. Montfort

Conception

M. Souday, L. Hériau

Fabrication

SIB Imprimerie, Boulogne-sur-Mer. Imprimé en France Dépôt légal à parution ISSN : 2427-0881 Numéro de commission paritaire : 0716 K 92784 Diffusion presse et pro Axiome group, France MLP, Belgique Tondeur Diffusion

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24, rue Vieille-du-Temple, 75004 Paris

jmd@hdmedias.com Tél. +33 (0)6 62 46 64 72 Followed Magazine est édité par Followed SAS SIREN : 808 701 569 Capital de 20 000 € Président C. Boulain Tél. +33 (0)6 62 46 64 72

D

merci

epuis quelques jours, dès que je me mets devant mon ordinateur et que je l’aperçois, j’en souris. Il tient dans la poche, n’a coûté que quelques centaines d’euros et sert à stocker les photos de nos reportages. Après huit numéros, il est presque plein malgré ses quatre téraoctets de capacité. Ce n’est qu’un disque dur portable, sans doute pas plus gros que celui que les journalistes allemands du Süddeutsche Zeitung ont reçu de leur source il y a un peu plus d’un an. On peut en faire du dégât, avec 2,6 téra... ou plutôt de belles choses d’ailleurs. 11,5 millions de documents secrets d’un cabinet panaméen recueillis par un quotidien allemand et épluchés par un collectif de journalistes internationaux (ICIJ) qui aboutissent aujourd’hui au plus grand scandale fiscal de l’histoire, à la mise en lumière des pratiques de milliers de gens fortunés, parfois élus, qui ne veulent pas contribuer à la bonne marche de leur pays, de la nation qui les enrichit. Le scandale des « Panama Papers », puisqu’on l’appelle comme cela, va entraîner des enquêtes, des mises en examen et, sans doute, des redressements. À la vue de ces documents, on dit que des centaines de milliards d’euros ont été cachés dans ces paradis fiscaux. Pas de quoi combler la dette française (plus de 2 000 milliards d’euros), mais sans doute de quoi redonner la foi aux contribuables. D’autant qu’après de tels exemples, les donneurs d’alerte, anonymes ou pas (on se souvient d’Edward Snowden) vont peut-être se multiplier et passer dans de petits disques durs des millions de fichiers forts intéressants. Car, ne l’oublions pas, les « Panama Papers » ne concernent que les affaires du cabinet Mossack Fonseca, l’un des leaders mondiaux de la création de sociétés écrans. Et les autres ?

26 rue Racine, 92120 Montrouge, France

Christophe Boulain @ChBoulain

Abonnement : pages 48-49 et 125-126 Couverture : photo Clive Brunskill, Contour by Getty Images

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SOMMAIRE 12 Contributeurs

Sportifs, artistes ou artisans, nous les avons rencontrés

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Culture 16 Restauration d’art

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Immersion dans les coulisses secrètes du palais du Louvre

28 Cinéma

Qu’est-ce que le montage, expliqué par Hervé de Luze

Mode & objets 34 Parfum

La genèse d’une fragrance de A à Z

40

40 Horlogerie

Le Poinçon de Genève chez Vacheron Constantin

Art de vivre

34

50 Œnotourisme

Vivez avec nous un week-end au Château Lynch-Bages

60 Rhum cubain

60

Tout sur sa fabrication, guidé par un maestro ronero

Comment ça marche 68 La réalité virtuelle

50

Qu’on le veuille ou pas, c’est une véritable révolution

Abonnement 48-49 et 125-126

Recevoir Followed directement chez vous, dans votre boîte à lettres, c’est facile. Suivez les indications

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COLETTE 213 Rue Saint Honoré 75001 Paris, France +33 1 55 35 33 90 www.colette.fr


SOMMAIRE Sport & loisirs

72

72 Tennis

Rencontre exclusive avec Stan Wawrinka

82 JO de Rio

Brice Leverdez représentera la France en badminton

82

88 Voyage

Partez sur les routes du sud du Vietnam à moto

Mécanique 100 Land Rover Evoque Cabriolet Essai de ce drôle de 4x4 découvrable

88

108 Shelby American

Visite dans les ateliers de la marque à Las Vegas

100

118 Aérodynamique moto

Rencontre avec le patron du développement chez BMW

Contacts 127 Retrouvez toutes les

118

coordonnées de nos sujets

Rendez-vous 128 Followed 9

Un aperçu de ce qui vous attend le 24 juin prochain

Un an après 130 Sébastien et Max

Nous les avons rappelés pour prendre des nouvelles

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CHÂTEAU

LAFON - ROCHET Grand Cru Classé en 1855

Saint-Etèphe

Lafon-Rochet, une histoire qui remonte au 17ème siècle, 41 hectares sur la colline de Saint-Estèphe, 3 types de sols, un encépagement en majorité Cabernet Sauvignon (57%), 9000 pieds par hectares, des vignes de plus de 37 ans en moyenne, 40 hectolitres par hectare. Le tout pour produire Le Grand vin du Château Lafon-Rochet et les Pèlerins de LafonRochet, intenses, élégants et racés, typiques de Saint-Estèphe mais surtout avec du caractère. Et pourtant ce qui fait aujourd’hui la beauté et le succès de ce quatrième grand cru classé, qui n’a rien à envier à ses prestigieux voisins, c’est la passion et l’esprit de famille qui anime chacune des 25 personnes et 40 vendangeurs qui font de cette aventures une réalité. Reprise en 1960 par la famille Tesseron, la propriété renaît de ses cendres, et de ses difficultés passées vers un avenir haut en couleur. Un jaune soleil flamboyant, telle est la couleur de la belle chartreuse bâtie par Guy Tesseron et peinte dans cette teinte par son fils Michel. Aujourd’hui Basile Tesseron, souhaite accrocher l’œuvre de ses prédécesseurs dans le temps, en alliant, tradition, respect de l’environnement, nouvelles technologies et innovations. Lafon-Rochet lieu de partage, se vit et se découvre tout au long de l’année, le temps d’une visite, d’une dégustation, ou d’un échange, dans une ambiance décalée et hors du temps. Château Lafon-­‐Rochet

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33180 Saint-­‐Estèphe lafon@lafon-­‐rochet.com 05 56 59 32 06 La consommation d’alcool est dangereuse pour la santé. À consommer avec modération.


CONTRIBUTEURS

Natalie Gracia-Cetto Elle passe ses journées de travail à penser notes, accords, odeurs et évaporation. Nathalie est parfumeur chez Givaudan. Son but : provoquer une réaction par ses créations.

Naïla Hamayed Avec Natalie et les autres parfumeurs de Givaudan, Naïla crée les parfums que nous achèterons demain. Son rôle : évaluer... et rassurer.

Quentin Lemasson Lors de notre visite des ateliers du C2RMF, Quentin s’est chargé de nous expliquer le fonctionnement de l’accélérateur de particules. Il en tient les commandes.

Brice Leverdez En attendant les JO et entre deux tournois internationaux de badminton, Brice travaille au lancement de sa marque de vêtements. Un athlète bien occupé.

Hervé de Luze Si vous avez un jour regardé un film de Resnais, de Polanski, de Canet, de Pialat ou de Berri... vous avez sans doute vu le travail d’Hervé. Il a monté la quasi-totalité de leurs films.

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Asbel Morales Asbel est l’un des sept maestros roneros de l’île de Cuba. Il préside ainsi à la fabrication des rhums pour Havana Club à l’usine de San José.



CONTRIBUTEURS

Thomas Ranchon En charge des objets connectés pour la marque Samsung, il a été notre guide pour comprendre ce que l’on entend par réalité virtuelle.

Karl Viktor Schaller On lui doit le développement de toutes les motos BMW récentes. Karl Viktor a pris quelques heures pour nous expliquer les secrets de l’aérodynamique à moto...

Gary Schechner Basé à Las Vegas, Gary dépoussière la marque Shelby en dynamisant son marketing et sa communication. Le guide parfait pour Followed.

Christian Selmoni Directeur artistique de la maison Vacheron Constantin à Genève, Christian était la personne idéale pour nous parler du Poinçon. Et de ski, son autre passion.

Charles Thuillier En charge du Cercle Lynch-Bages, Charles nous a expliqué tout ce qu’un œnotouriste peut faire dans ce village de Pauillac, à côté de Bordeaux.

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Stanislas Wawrinka En 2015, il a été le seul tennisman à battre Djokovic en finale d’un tournoi du Grand Chelem. C’était à RolandGarros. En 2016, pourra-t-il recommencer ?


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CULTURE

Louvre Dans les coulisses du

Le palais du Louvre abrite un centre ultra-sécurisé dans lequel sont restaurées les œuvres de 1 200 musées de France. Suivez le guide ! Textes A. Bloch, photos C. Boulain

N

on loin des fameuses pyramides voulues par Mitterrand, un petit escalier en pierre longe une aile du palais et conduit à d’impressionnantes portes blindées. De l’autre côté se trouve le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF). C’est là que nous avons surpris, encore en restauration, la Vénus du Pardo, qui retrouvera en ce printemps 2016 la place qu’elle occupa jusqu'en 2002 dans une salle du Louvre. Trimballée en Espagne et en Angleterre avant d’atterrir en France grâce au cardinal Mazarin (1602-1661), cette toile mythologique du Vénitien Titien (1488-1576) a été recouverte à plusieurs reprises d’épaisses couches de vernis, et même repeinte çà et là, au gré d’une bonne dizaine de restaurations et de pas moins de deux rentoilages. Autant dire qu’il était devenu compliqué, même pour un œil exercé, de faire le tri entre les nombreuses reprises de son auteur, qui passa tout de même une trentaine d’années sur le tableau, et les repeints ultérieurs, dont les derniers ne remontent qu’au XXe siècle. Une restauration était nécessaire. Pas moins de 110 tableaux, sur toile ou sur bois, lui tiennent compagnie dans l’immense atelier qui forme un amusant musée éphémère. Venus de toute

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la France, la plupart se croisent ici pour la première et dernière fois. Certains émanent même de maîtres qui, en leur temps, s’observaient, s’admiraient, s’inspiraient, voire se copiaient mutuellement... Pour le plus grand bonheur de Clarisse, la responsable de l’atelier. Laquelle nous confirme d’emblée que toutes les peintures, fort heureusement, ne demandent pas quatorze ans de boulot, dont cinq sur le billard : « Ces interventions lourdes restent rares, même si je me souviens aussi d’une peinture sur papier – un vrai casse-tête ! – entrée en 1985 pour ne ressortir qu’en... 2015. » Hors cas extrêmes, les pensionnaires passent plutôt pour une cure de vitamines : on parle de remise en ordre, laquelle peut se limiter à un simple décrassage, plus ou moins poussé suivant les demandes du conservateur, qui est un peu le « propriétaire » de l’œuvre pour le compte de l’État. Car en vieillissant, et donc en s’oxydant, les vernis s’opacifient et tirent sur le jaune, voire sur le brun, ce qui, en dessous, rend progressivement la couche picturale originelle illisible : même la Joconde n’y coupe pas. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, on ne procède qu’exceptionnellement à des retouches illusionnistes, c’est-à-dire qui se fondent dans le reste du tableau. On intervient plutôt par le biais


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CULTURE

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du tratteggio, technique consistant à reproduire le motif par de petits traits successifs, qui font la blague de loin mais se détectent sans mal quand on a le nez dessus. Et lorsqu’il manque carrément des morceaux (on parle alors de restauration archéologique), pas question de faire autre chose que laisser un vide, en choisissant simplement un ton de fond uni qui ne perturbe pas l’œil. « Une belle restauration est une restauration honnête : on n’invente jamais ce qu’on ne connaît pas ! Et puis, l’idée est surtout que toutes les opérations soient facilement repérables, et donc réversibles par ceux qui, un jour, voudront les reprendre en profondeur. Ce qui se fait grosso modo tous les 150 ans, parfois moins. » Mais même lorsqu’un restaurateur, parfois plusieurs siècles auparavant, n’a pas pris ces précautions, on peut toujours retrouver les repeints, ajouts et autres modifications. Comme sur la Nef des fous de Jérôme Bosch (1450-1516), passée dans l’atelier il y a quelques mois : « Très clairement, le mât au milieu de la nef avait été transformé en arbre, et une montagne avait été ajoutée

à l’arrière-plan : après avoir beaucoup hésité, on a remis le tableau dans sa configuration d’origine. » Le même souci de réversibilité prévaut dans l’atelier de dorure sur bois, où trônent une magnifique console rocaille du XVIIIe siècle, appartenant au Louvre, ainsi que la quarantaine de pièces (fauteuils, piédestaux, candélabres...) du petit salon jaune de l’impératrice Joséphine au château de Fontainebleau. Les dorures vont en priorité être refaites avec des matériaux de substitution, comme de la poudre de mica, voire de l’aquarelle. Et les solvants, vernis et colles sont soigneusement sélectionnés, de manière à faciliter là encore les opérations de dérestauration. D’ailleurs, sur ces éléments, on trouve des vestiges de petites retouches, effectuées à la bronzine, un vernis dans lequel sont pris des pigments métalliques. Il faut impérativement profiter du passage en restauration pour les retirer (elles sont très sujettes à la corrosion) et les remplacer par un matériau plus stable. Parfois, l’atelier recourt encore à la feuille d’or, mais dans ce cas, elle est toujours marquée chimiquement pour pouvoir

L’atelier est orienté plein nord, pour avoir une lumière la plus constante possible.

Franziska et Patricia ont travaillé six ans à la restauration de cette œuvre. Elle vient de retrouver sa place.

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CULTURE

La photographie Jean-Louis utilise successivement plusieurs techniques photographiques, qui permettent de rentrer progressivement dans une œuvre. La lumière directe dévoile la couche picturale, puis la lumière rasante donne des indications sur la technique du peintre et les déformations du support, en bois ou en toile. En installant un éclairage UV, on détecte facilement les repeints superficiels : comme les UV font fluorescer le vernis, tous les ajouts forment

des taches noires à l’image. Quant aux images infrarouges, elles sont encore plus spectaculaires, car elles permettent de traverser la couche superficielle et de découvrir ce qui se cache en dessous, sur la couche préparatoire : notamment les premières esquisses, les traits de construction, et parfois de grosses surprises... Ainsi, les éléments qui ont été modifiés par le maître apparaissent, de même que les éventuelles erreurs de ses élèves.

Le chevalet géant permet de travailler sur des œuvres de 25 m2. Pour les Noces de Cana de Véronèse (15281588) et ses 67 m2, il a fallu se rendre sur place.

être détectée. À l’étage de l’ébénisterie, Marc-André insiste lui aussi sur l’importance de dater avec précision les éventuelles modifications, au besoin par la dendrochronologie, qui est l’analyse des cernes annuels du bois. « Ce meuble, qui vient du château de Versailles, a été construit quelque part entre 1720 et 1780, mais plusieurs parties ont été ajoutées au XIXe siècle. Sauf qu’on considère généralement que ces ajouts font partie intégrante de l’objet. Même si esthétiquement et historiquement parlant c’est une hérésie, on les conserve. » Le défi, ici, c’est surtout que l’atelier doit aussi procéder à la restauration des matériaux connexes : laiton, nacre... mais aussi ivoire, corne, écaille de tortue, protégées par la Convention de Washington de 1973 ! En l’occurrence, le meuble est recouvert de laiton et de corne : « Pour

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traiter le laiton, on utilise une sorte de jus de citron, mais ramené à un pH neutre, pour ne pas abîmer la corne. Ensuite, comme ça fait ressortir le cuivre du laiton, lui donnant une coloration rouge, on passe du silicone renfermant du carbonate de calcium : autrement dit... une simple gomme de bureau. » De la débrouille, parfois, qui contraste avec le laboratoire dernier cri qui occupe tout le second sous-sol. Contrairement aux ateliers de restauration, qui remontent pour ainsi dire à François Ier, il est né dans la foulée de la découverte des rayons X (en 1895), et plus précisément après qu’un chercheur, pendant la Première Guerre mondiale, s’est « amusé » à radiographier des œuvres dans une ambulance, entre deux blessés. Les acquisitions et préemptions de l’État y passent avant de rejoindre


Un simple nettoyage Toutes les restaurations de peintures ne prennent pas quinze ans. Comme d’autres, ce tableau a atterri à l’atelier pour un bon décrassage : en vieillissant, les vernis étaient devenus jaunes et empêchaient de voir correctement la couche picturale, la seule qui ait un intérêt pour le visiteur d’un musée.

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CULTURE

les collections, puis y reviennent ponctuellement, lorsque leur conservation ou leur restauration pose problème. En premier lieu, il s’agit de les photographier sous toutes les coutures, comme le fait aujourd’hui Jean-Louis avec le retable de la Passion (datant de 1483 environ) du musée de Cluny, pour les besoins d’une étude scientifique. Il faut mettre en œuvre successivement plusieurs techniques pour arriver au cœur du tableau (voir encadré). En l’occurrence, il en est aux surprenants clichés infrarouges, qui permettent de passer sous la couche picturale pour atteindre la couche préparatoire. « Avec un œil exercé, indique JeanLouis, on voit plein de choses, comme les traits de construction. Parfois, comme c’est le cas ici, on tombe même sur des repentirs : on distingue clairement

Photos, radios, toutes les techniques sont employées pour analyser les œuvres puis les restaurer

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qu’un personnage semble avoir deux têtes, parce que la première esquisse et la version définitive ne se superposent pas. Sans doute le maître a-t-il changé d’avis... à moins qu’il n'ait corrigé un élève. » Non loin de là, une autre salle, de 7 mètres de haut cette fois et dont les murs sont recouverts par 31 mm de plomb, permet si besoin de radiographier les œuvres (voir encadré). Elsa nous sort les radios du retable d’Issenheim (réalisé entre 1490 et 1516 environ), où apparaissent des lacunes de polychromie, indices qu’il y a eu des retouches ultérieures. Celles d’une sculpture en cire et d’un vase en céramique sont encore plus parlantes : tous deux ont clairement été cassés et restaurés, ce que même la photo UV n’avait pas permis de voir. Toutes ces techniques d’imagerie permettent de

La radiographie

C’est dans une salle de 7 mètres de hauteur, aux murs recouverts de 31 mm de plomb, que les œuvres passent leurs radios. Surtout les sculptures, pour lesquelles il est indispensable de ne pas rester en surface. Les rayons X permettent de révéler toute la méthode d’assemblage, les plans de jonction des pièces de bois, etc. Mais aussi les éventuelles cassures et réparations qui auraient échappé à la photographie UV, plus superficielle. On peut traver-

ser n’importe quelle matière, même très dense, comme du bronze, du verre et même du plomb. Reste que pour une peinture sur bois, on cherche justement à ne pas traverser le support de part en part : autrement on ne verrait que le parquetage sous la peinture. On préfère donc la stratigraphie qui, comme son nom l’indique, décortique le tableau par strates, ce qui permet de faire abstraction de l’essentiel de la structure en bois pour isoler l’image.


Ce musée éphémère compte 110 tableaux, regroupés pour la première, et certainement la dernière fois.

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CULTURE rentrer profondément dans une œuvre. Mais on peut aussi procéder à de véritables analyses. Comme la fluorescence X, qui consiste à envoyer de l’énergie dans la matière pour voir comment celle-ci répond : on obtient sur l’ordinateur un spectre, où les pics sont caractéristiques des éléments minéraux présents. Mais il y a des limites. Par exemple, quand on trouve du cuivre, on ne peut pas savoir s’il est vert, bleu ou rouge. Et quand on a du carbone, on ne sait pas si c’est juste du charbon ou du diamant. Sans compter qu’il y a des contaminations possibles : aujourd’hui, la machine détecte par exemple de l’arsenic... mais dans les musées, on a aussi longtemps traité les peaux avec des savons à base de ce fameux

Le microscope numérique permet de prendre 38 photos, puis d’empiler les zones de netteté de chacune dans une 39e pour modéliser le tout en 3D.

De cette coupe vieille de 2 500 ans, il ne reste pas grand-chose : deux couches d’or sur du vert-de-gris.

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poison. Il faut donc continuer l’enquête. Certaines analyses chimiques imposent d’ailleurs de faire... des prélèvements, ce qu’explique Anne-Solenn : « C’est comme pour le corps humain : on commence par des techniques non invasives, surtout d’imagerie. Mais ensuite, il faut parfois faire une biopsie. » C’est ainsi qu’un fragment d’œuvre du diamètre d’un cheveu peut se retrouver sous un microscope grossissant 200 000 fois, et bombardé par des électrons, des protons, un rayon laser... « Ça perturbe la matière, qui s’agite, et on peut déterminer avec précision la composition du liant d’un pigment, par exemple, en fonction des mouvements des atomes, qui ne sont jamais aléatoires. » Le clou de la visite, derrière une

Lors d’une restauration antérieure, un petit malin avait cru bon de reconstituer les bouts manquants en plâtre. D’où l’utilité de procéder à des restaurations réversibles.


▼ AGLAÉ AGLAÉ, pour Accélérateur Grand Louvre d’Analyses Élémentaires : on en entend souvent parler, parce que son nom digne de Star Trek a de la gueule. Certainement aussi à cause de celui du CERN, qui mesure près de 27 km de long mais n’est utilisé que pour la recherche fondamentale, d’autant qu’il fonctionne sous vide : tout ce qu’on met dedans est pulvérisé, ce qui serait tout de même regrettable s’agissant de la Joconde, par exemple. Alors, à quoi peut bien servir un bidule pareil pour une simple œuvre d’art ? Essentiellement à détecter des éléments qui ne sont présents que sous forme de traces, et sont révélateurs du lieu d’extraction d’une pierre précieuse, ou de production d’un pigment. À un bout d’AGLAÉ, on produit un plasma, duquel on extrait des particules, en l’occurrence des protons, qui vont être bombardées sur les œuvres, installées à l’air libre devant la sortie qui se trouve 25 mètres plus loin. Pour cela, les particules sont envoyées dans une

canalisation en inox, sous vide : elles ont une masse tellement faible qu’elles ne pourraient se propager dans l’air ambiant. Puis une très haute tension crée un champ électrostatique qui propulse les particules à un dixième de la vitesse de la lumière... soit tout de même quelques dizaines de milliers de kilomètres par seconde. Au bout de la canalisation, des lentilles électrostatiques permettent de réduire le diamètre du faisceau à quelques dizaines de microns seulement. Et

lorsque ce faisceau vient bombarder une œuvre, dans un flux d’hélium, une partie des protons rebondit, et l’autre pénètre à l’intérieur sur une profondeur de 20 microns, éjectant au passage des électrons. En analysant ensuite comment s’est passée la rencontre avec la matière, on peut reconstituer sa composition, avec une sensibilité de l’ordre de la partie par million : autrement dit, l’accélérateur peut dénicher un atome intrus, perdu tout seul au milieu d’un million de ses congénères !

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CULTURE

énième porte blindée, c’est évidemment l’accélérateur de particules, AGLAÉ de son petit nom (voir encadré). Certes, il ne fait pas de datation au carbone 14 : le ministère de la Culture passe par celui du Commissariat à l’énergie atomique, en banlieue parisienne. Et certes, il n’est plus tout jeune : nous sommes d’ailleurs les derniers à le voir fonctionner avant sa mise à l’arrêt pour un an, durant lequel le génial panneau de contrôle avec ses vumètres et ses nombreux boutons façon Apollo 13, qui date de la mise en service en 1987, va être remplacé par un vulgaire ordinateur. Il n’en reste pas moins l’arme ultime pour aller farfouiller dans les éléments-traces, ceux qui sont présents dans des proportions infimes, mais vont être caractéristiques, par exemple, d’un lieu d’extraction. AGLAÉ permet par la même occasion de procéder à des authentifications : « Il y a quelque temps, on a retrouvé de l’arsenic, utilisé pour opacifier certains verres... sauf que ces traces ont été observées dans une antiquité égyptienne. Et comme on a aussi retrouvé du fluor, qui sert à attaquer le

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verre et le faire paraître plus vieux, il ne fait aucun doute qu’il s’agissait d’une reproduction moderne. » Outre ses applications pratiques, au cours d’une restauration par exemple, la recherche fondamentale est une mission à part entière du C2RMF. Illustration à l’atelier des métaux archéologiques, avec Dominique. Il a au moins un an de boulot sur ce qu’il reste d’une phiale à omphalos, une coupe grecque à usage funéraire vieille de plus de 2 500 ans. Outre le fait qu’elle a été bricolée au plâtre par un sagouin, elle est en cuivre doré, et, naturellement, il ne reste plus entre les deux fines couches d’or qu’une masse informe de vert-degris. Impossible d'utiliser une technique anticorrosion : il ne resterait plus rien de la phiale. Juste de la poussière. Comme il y a trop de paramètres pour procéder à une modélisation informatique, il faut faire des essais et prendre son temps. Ce n’est pas tant pour sauver cette phiale en particulier que pour mettre à la disposition d’autres chercheurs des moyens de sauver d’autres cas désespérés à l’autre bout du monde !

L'analyse chimique Pour tout savoir, par exemple, de la composition du liant des pigments d’une peinture, et donc pouvoir le reproduire, les techniques d’imagerie ne suffisent pas. On peut alors prélever un échantillon du diamètre d’un cheveu (quelques dizaines de microns seulement) et regarder au microscope électronique comment ses atomes se comportent lorsqu’ils sont bombardés d’électrons, de protons, de rayons lasers ou infrarouges... Parfois, mais il faut un échantillon plus important, on peut plus simplement recourir à la chromatographie en phase gazeuse, qui détecte tous les éléments qui entrent dans la composition d’un matériau, ainsi que leurs concentrations respectives. De quoi procéder à des datations, guider les restaurateurs dans les techniques à mettre en œuvre, mais aussi anticiper le vieillissement des œuvres en délivrant des préconisations de conservation : lumière, température, hygrométrie...


Les pigments sont modernes : ce qui compte c’est d’utiliser des liants compatibles avec ceux d’époque...

Plutôt qu’à la feuille d’or, cette ancienne console du Musée du Louvre va être retouchée à la poudre de mica.

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CULTURE « Mon travail tient de la psychanalyse : je ne suis qu’un accoucheur de films » Hervé de Luze, monteur de cinéma

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Hervé de Luze

Un monteur, trois Césars Berri, Pialat, Resnais, Polanski, Canet... Nous avons tous un bout de sa filmographie sur une étagère. Moteur... Action ! Textes A. Bloch, photos Mitchell, DR

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ervé de Luze a commencé dans le cinéma underground, à bosser sur des films qui, souvent, ne sont même pas sortis sur grand écran. Pourtant, il a ensuite été nommé aux Oscars, pour Le Pianiste (2002), et pas moins de neuf fois aux Césars ! Plus de quarante ans de carrière au compteur, sur pellicule puis en numérique : parfait pour s’offrir une rasade de technique et d’histoire récente du cinéma. Et, surtout, pour comprendre le rôle exact du monteur. Peut-on dire que le monteur est une sorte de coréalisateur ? Certainement pas. Il ne peut pas intervenir sur la mise en scène, et tout ce qu’il peut faire en termes de direction d’acteurs, c’est couper ou raccourcir quand c’est mauvais. Ou, bien sûr, choisir une autre prise. En revanche, on peut raisonnablement dire qu’un monteur est une sorte de coscénariste. À l’autre bout de la chaîne, il fait souvent ce qu’Alain Corneau (1943-2010) nommait une « seconde écriture », en retravaillant la narration. Et cette seconde écriture modifie-t-elle l’histoire ? Parfois, oui. Par exemple, Le Garçu (1995), le dernier film de Maurice Pialat

(1925-2003), on l’a pour ainsi dire écrit au montage, pour la simple et bonne raison que le tournage n’avait rien à voir avec ce qui était prévu dans le scénario ! Il a aussi fallu reconstruire tout le début de Tchao Pantin, de Claude Berri (1983) : on n’avait que des scènes de nuit qui s’enchaînaient avec la même lumière, les deux mêmes personnages portant les mêmes fringues sur tous les plans, du coup c’était mou. Quant à Zonzon, de Laurent Bouhnik (1998), il doit commencer par la séquence 72, partir sur la 18, puis la 33... Parfois, aussi, on retravaille énormément sans pour autant modifier l’histoire : c’était le cas sur Pirates, de Roman Polanski (1986), un film magnifique et extrêmement ambitieux, dont le tournage en Tunisie était parti un peu de traviole. Au total, j’ai mis dix-huit mois à le monter : mon record ! À l’inverse, arrive-t-il que vous ne touchiez presque à rien ? Oui. Les films d’Alain Resnais, par exemple, arrivaient en salle quasiment comme ils avaient été tournés, j’avais l’impression de ne rien faire. Il faut dire que tout était millimétré dès l’écriture : il passait même des heures à faire de faux tournages avec des Playmobil !

Pensez-vous avoir un style ? Non, je revendique justement une absence de style : je me fonds toujours dans celui du réalisateur. Mon intervention est plutôt de l’ordre de la psychanalyse, de la maïeutique : je ne suis qu’un accoucheur de films. Comme le disait Andreï Tarkovski (1932-1986), monter c’est avant tout « sculpter le temps » : dilater une séquence, ou bien la raccourcir, la ralentir. Mettre des accents sur les mots des autres, quoi. Par quoi commence-t-on un montage ? Par un bout à bout : un simple assemblage des prises telles qu’elles ont été tournées, juste pour voir si l’histoire fonctionne. On montre ce premier jet au réalisateur, qui normalement le découvre avec une certaine horreur, et ensuite on peut se mettre au boulot, faire des propositions. Le plus long bout à bout que j’ai fait, c’était pour Les Petits Mouchoirs, de Guillaume Canet (2010) : on avait quelque chose comme 4 h 10. Au final le film dure 2 h 34. Il faut donc beaucoup couper ? On peut trouver des astuces pour emballer le rythme en gardant un maximum de choses, mais à un moment donné, il faut en principe sabrer : pour Germinal, de Claude Berri (1993), on a coupé

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CULTURE

Le montage de The Ghost Writer a été terminé dans une cellule de prison, où était alors retenu Roman Polanski !

22 minutes de réunions syndicales, c’était monstrueux. J’étais atterré parce que c’est justement le sujet, mais Claude a décidé que c’était un film populaire et qu’on n’allait pas faire chier les gens avec ça. Comment s’opère ce choix ? Il est souvent compliqué : il y a des séquences absolument magnifiques en elles-mêmes, parfois même essentielles au scénario, mais qui font tout simplement chier. On les garde tant qu’on peut, mais à un moment on se rend à l’évidence : le film ne fonctionne pas à cause d’elles, et il faut « se couper une jambe », comme le dit souvent Guillaume Canet. Il faut donc que le réalisateur soit présent en salle de montage... Ça dépend. Certains ne mettent jamais

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les pieds au montage et n’interviennent qu’après coup, lors des projections de travail, comme le faisait Claude Berri. Il paraît que Robert Bresson (1901-1999), dans le même genre, ne montait qu’en projection, et qu’il avait un œil de lynx : en regardant le film à 24 images par seconde, il repérait qu’il fallait en ajouter deux ici, en retirer trois là... Comment se passait le montage avant l’apparition du numérique ? Quand on travaillait en pellicule, le laboratoire nous envoyait les tirages en positif des rushes 35 mm choisis directement sur le plateau par le réalisateur. On coupait et on collait, à la main, ce qui était stressant, parce que chaque collure se voyait dans la pellicule de montage. Ensuite notre copie de travail repartait au labo,

pour la conformation : des techniciens faisaient une seconde fois le montage sur les négatifs, puis un nouveau tirage positif propre de l’ensemble. La « copie zéro ». Et maintenant ? On charge des copies numériques de toutes les prises dans le chutier du logiciel de montage. On coupe et on colle toujours, mais avec la souris et le clavier, créant ainsi ce qu’on appelle une timeline, un répertoire de tous les plans utilisés, de leur longueur, de leur début et de leur fin. Puis le logiciel génère automatiquement une EDL, Editing List, qui contient tous les timecodes des plans montés, avec le point d’entrée et le point de sortie de chaque plan, pour mettre la conformation avec le matériau numérique original non compressé. La copie muette conformée


De Luze et Polanski (ici avec Pierce Brosnan), c’est plus de trente ans de complicité, neuf films, un César... et presque un Oscar !

qu’on va ainsi créer part ensuite à l’étalonnage où on réajuste la lumière et la couleur de chaque plan, puis au montage son et au mixage où l’on ajoute tous les sons et on les mélange. Ensuite, on peut fabriquer la copie finale numérique qu’on appelle DCP, où l’image et le son sont sur un même support. Il arrive souvent que l’on fasse un DCP provisoire pour une projection test. Cela se faisait autrefois en pellicule 35 mm, on conformait des tirages 35 mm de chaque plan monté pour en faire une copie provisoire dont le son était couché sur une bande magnétique à part, ce qui permettait de retoucher le film après la projection test. Souvent, des films à peine terminés partent à Cannes avec un DCP provisoire et on retouche le montage après le festival.

Justement, on entend souvent parler de remontages complets après Cannes... C’est tragique : des gens qui n’ont rien à y faire veulent absolument aller à Cannes, du coup ils se prennent une tôle et hop ! c’est reparti au montage. Mais ça ne sert à rien : le film, il est comme il est. Je ne connais qu’un seul film (et je ne dirai pas lequel) qui avait été vraiment massacré au montage, et qui aurait donc pu être repris presque de zéro, mais sinon, on ne peut que recouper un peu pour donner plus de rythme à l’ensemble. Le vrai problème, c’est que les producteurs envoient sur la Croisette des films qui n’ont rien à y faire. Souvent, on sait à l’avance que certains vont s’en prendre plein la gueule, et donc retourner au montage, pour rien.

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CULTURE Adieu bobines 35 mm et colleuses : aujourd’hui, une bonne configuration et un clavier spécifique suffisent.

Avez-vous eu du mal à passer au numérique ? Oui, le temps de faire Lucie Aubrac, de Claude Berri (1997), monté sur banc numérique mais encore conformé sur copie 35 mm. Ma plus grande frustration, c’est que je ne sentais plus le temps défiler sous mes doigts, et que je n’avais plus le cliquetis de la « croix-de-Malte » entraînant la bande, qui était un peu le battement de cœur d’un film. D’un coup, je n’avais plus qu’un curseur qui bougeait sur mon écran. Je m’y suis fait depuis, mais je ne comprends toujours pas comment de jeunes monteurs peuvent travailler en sautant directement en fin de séquence, sans même recourir au défilement nominal, qui est la lecture à vitesse normale. C’est sans doute pour ça que certains films sont surdécoupés. Mais au final, c’est aussi chiant à regarder qu’un truc pas découpé du tout.

trouve que c’est souvent too much...

Il y a aussi des films dont le « surmontage » est un parti pris... Oui, chez John Woo, par exemple. Quand on détaille, techniquement, c’est presque pathétique : on a parfois deux fois de suite le même plan de 12 images ou des trucs dans le genre. Sauf que ça fonctionne, quand on le voit en continuité, parce que c’est au service de l’action : rien à dire. Mais chez Guy Ritchie, par exemple, je

Le numérique démocratise des prouesses techniques, comme les plans-séquences... Il faut se calmer avec les plans-séquences. Le plan de grue qui ouvre La Soif du mal, d’Orson Welles (1958), pendant plus de 3 minutes, c’est vrai que tout le monde en parle encore. Mais La Corde, d’Alfred Hitchcock (1948), 1 h 20 qui paraissent d’un seul tenant, on ne peut pas dire que ce soit son meilleur film ! Et puis il y a les

Et un film tient sur un disque dur externe : ça change tout ? Incontestablement. Pour une projection de travail, on est passé de centaines de bobines (en comptant celles du son) à une simple clé USB. Par exemple, j’ai terminé le montage de The Ghost Writer, de Roman Polanski (2010), dans sa prison de Zürich. On a travaillé trois jours sur un laptop dans la cellule de travail, celle où normalement les prisonniers épluchent des oignons en pleurant. C’était inconcevable avant ? Beaucoup plus rare, en tout cas. Je me souviens que j’ai monté Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ, de Jean Yanne (1982), tranquillement dans la maison de Coluche. À grand renfort de spacecakes, d’ailleurs... Mais bon, c’était particulier.

plans-séquences que j’appellerai un peu méchamment « à la française » : 5 minutes dont 30 secondes dans le dos des personnages, merci bien ; on se demande vraiment pourquoi le gars n’a pas coupé. Mais bon, c’est vrai que bien fait, ça peut être vraiment jubilatoire. Pour On connaît la chanson, de Resnais (1997), on devait avoir quelque chose comme 320 plans, dont 45 plansséquences, qui passaient sans cesse du plan large au serré, avec des changements de hauteur de caméra... C’était sublime. En revanche, vous devez vous retrouver sous une avalanche de rushes ? Oh que oui ! Au bout d’une journée de tournage, on se retrouve parfois avec 4 heures de prises, contre environ 15 minutes auparavant. Du coup, pour un film de 1 h 45, on est passé de 20 heures de rushes à 80, voire pas loin d’une centaine. Vous êtes évidemment sensible à l’image, mais vous avez commencé par le montage de musique... Le montage son ET musique, oui. Je suis d’ailleurs resté très mélomane, et je continue à penser que la musique est la sœur aînée du cinéma : on sent que les grands réalisateurs sont aussi de bons musiciens. Pour bosser dans le cinéma, il faut de l’oreille. Par exemple, j’ai monté en anglais, en allemand, et même en farsi (en persan) pour Syngué sabour, d’Atiq Rahimi (2012). Eh bien on se rend compte qu’un acteur est mauvais même dans une langue à laquelle on ne comprend pas un traître mot : tout simplement parce que, musicalement, ça sonne faux. Une « mixette » rudimentaire permet de faire sur-le-champ des essais avec les pistes sonores : son direct, voix off, musique...

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À cause du numérique, l’image du dernier film de Guillaume Canet était trop propre : il a fallu ajouter du grain à l’étalonnage numérique !

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MODE & OBJETS

NAISSANCE D’UNE FRAGRANCE On y parle de notes et d’accords, mais d’odeurs et non de musique. La confection d’un parfum ressemble pourtant à l’écriture d’une partition, qui peut prendre de quelques semaines à plusieurs années. Textes F. Montfort, photos Mitchell, DR

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MODE & OBJETS

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« Pas moins de

1 300 matières forment notre palette. Des notes dont on fait des accords » Natalie Gracia-Cetto, parfumeur chez Givaudan

D

evant elle, des dizaines de petites fioles fermées d’un bouchon blanc. Avec, à l’intérieur de chacune d’elles, une formule pesée au centième de gramme près, au laboratoire de l’étage inférieur. Natalie Gracia-Cetto est parfumeur chez Givaudan. Et sur son grand bureau parisien sont regroupés, par projet, tous ses essais. « Au départ d’un projet, j’ai une idée et 1 300 possibilités. En fait, pour élaborer notre formule, nous avons plus de 1 300 matières premières à notre disposition. Des matières naturelles, mais aussi de synthèse. Cela ne veut pas dire 1 300 notes différentes, car je compte là-dedans la dizaine de vanilles et les quatre bergamotes, par exemple. Mais cela nous laisse un certain choix... » C’est le moins que l’on puisse dire. Pour comprendre comment ces parfumeurs élaborent les jus que nous portons sur notre peau, il faut s’intéresser à tout le processus de développement. Et à l’équipe du parfumeur, car aucun ne travaille seul, dans son coin. Au début donc, il y a une idée. C’est l’idée que l’équipe se fait de l’envie du client. L’équipe, ce sont le parfumeur, l’évaluatrice et le commercial. Nous y reviendrons. Le client, de l’autre côté, ce n’est pas vous. Dans la majorité des cas, le client de Natalie est une société de fourniture de parfums, comme Procter&Gamble, L’Oréal, Coty ou Puig, qui vont produire depuis le concentré fourni par Givaudan un parfum pour les marques que nous achetons en magasin. Cela fonctionne très souvent de la sorte, à l’exception de quelques maisons comme Hermès ou Chanel qui réalisent leurs formules en interne, avec leurs propres équipes de parfumeurs. « Pour le parfum Jean-Paul Gaultier Le Mâle Popeye, par exemple, l’idée nous est venue assez vite. Le client [Puig, NDLR] avait une belle histoire à raconter, une vraie envie, exprimée clairement et totalement assumée. Pour cette version estivale, ils nous parlaient de flamboyance et d’humour, avec l’idée de Gaultier d’avoir un laboratoire, des blouses blanches... On a eu l’idée de faire un parfum plus propre, comme lavé. Un parfum avec de l’adoucissant », explique Natalie.

Des mois de recherche

Avec son équipe, Naïla Hamayed l’évaluatrice et le commercial, Natalie est donc partie dans cette direction : un parfum qui aurait des notes d’adoucissant. Une odeur qui parle à tous, qui nous rappelle souvent notre enfance. « Quand la direction est aussi claire et assumée, j’écris mes premières formules assez vite. Entre le briefing et la première soumission au client, il s’est passé seulement trois semaines. Parfois, cela prend des mois. Mais ce n’est que le début du travail. » Sur chaque projet, l’évaluatrice et le commercial travaillent avec plusieurs parfumeurs de la société, pour les mettre en concurrence. C’est pourquoi les premiers jus élaborés par les parfumeurs doivent respecter l’idée que l’on se fait du jus final, mais posséder une identité suffisamment forte pour sortir du lot. « Nous recherchons tous la rupture, explique Natalie. Qui n’a pas rêvé de faire Angel de Mugler avec cet accord si particulier, ou Kenzo Homme, tellement marin ? Des jus qui ont changé notre perception du parfum. Nous recherchons ce choc, tout en sachant que si on va trop loin, on peut sortir de la course... »

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MODE & OBJETS

Tous s’accordent ici à dire qu’il faut être solide psychologiquement pour faire ce travail. Passer des heures avec son écran et ses petits composants d’un côté, ses fioles remplies de jus et ses mouillettes en carton blanc de l’autre. Et s’entendre dire, régulièrement, que ça ne semble pas assez comme ça, trop comme ci. C’est le travail de l’évaluatrice. Naïla Hamayed exerce ce métier depuis des années : elle le sait. « On fonctionne sur la confiance. Le parfumeur sait que mes réflexions doivent être constructives et bienveillantes. Quand un parfumeur sort de la course, que son jus n’est pas retenu, il le vit comme un échec. L’évaluatrice aussi, c’est sa première sanction. Et si à la fin du projet, aucun des parfums de Givaudan n’est retenu par le client, c’est la seconde. Quand on a travaillé vite, on le digère plus facilement. Sur certains projets, la décision vient après plusieurs années, un temps durant lequel nous n’avons pas cessé de modifier la formule pour l’améliorer. » Entre la première soumission au client et le jus final, un parfum va vivre, changer.

Affiner la proposition

Pour faire simple, lors de l’élaboration d’un parfum comme Le Mâle, l’évaluatrice est un peu le chef de projet. Elle travaille avec le commercial et le client... et avec plusieurs parfumeurs de Givaudan. « Ils ont chacun leur identité, leur patte. Avec un même objectif, ils vont proposer des choses différentes. Charge à l’évaluatrice de guider le parfumeur pour affiner la proposition et séduire le client. Un premier parfum est comme un diamant brut qu’il va falloir tailler. La confiance entre nous est primordiale, le vocabulaire aussi. » Il n’existe pas de lexique établi. Chacun utilise ses mots pour décrire ce qu’il ressent, avec des couleurs parfois. Évidemment, les accords marins, orientaux ou floraux sont convenus. Mais pour détailler ses sensations, les images ne manquent pas, le référentiel parfois. « C’est pourquoi la confiance est importante. Si je dis que c’est un peu basse tension, ce n’est pas une pique, juste pour dire que ça ne me plaît pas. C’est l’expression d’une sensation que le parfumeur doit intégrer pour faire évoluer sa formule. » Et cela peut durer, durer. Marier des notes parmi les 1 300 matières disponibles, pour en faire des accords qui séduiront le client, peut prendre des années. Il se murmure dans les couloirs de Givaudan que le record est de huit ans. Ensuite, il faut encore en compter un de plus. Le temps des tests de stabilité, qui durent quatre mois avec des procédures de vieillissement accéléré, puis toute la partie marketing et conditionnement, flacon et campagne de promotion, qui n’est pas du ressort de Givaudan. Pour l’équipe de Natalie, le travail s’arrête quand le jus final est retenu, souvent après des tests consommateurs, face à une ou deux propositions de la concurrence. Et surtout après que tous les règlements sanitaires sont validés. Quand elle soumet sa formule à son logiciel, tout est bon quand tout est vert. Si une ligne sort rouge, c’est que quelque part dans le monde, une norme n’est pas respectée. « Il faut alors modifier la formule pour passer... Cela se joue parfois à presque rien », s’amuse Natalie. Des règlements qui s’avèrent aussi très contraignants pour les deux autres secteurs d’activité de Givaudan, la parfumerie fonctionnelle, qui touche les produits lessiviels, détergents et savons, et les arômes alimentaires... Mais on ne va pas s’en plaindre. Cette fois, il ne s’agit pas d’en parfumer la peau, mais de le manger.

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« Je veille à ce

que l’on apporte quelque chose de nouveau tout en respectant l’identité du client » Naïla Hamayed, évaluatrice chez Givaudan


Au laboratoire, les assistants pèsent les composés pour créer le jus qui correspond à la formule établie par le parfumeur et son évaluatrice.

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MODE & OBJETS

L’intelligence de la main Créé à l’origine pour éviter les contrefaçons, le Poinçon de Genève est devenu au fil du temps un symbole de l’excellence horlogère suisse. Et un hommage au travail manuel. Textes C. Boulain, photos C. Boulain, DR

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MODE & OBJETS Pour résumer, aucune pièce ne doit porter les traces d’une industrialisation. Ainsi, tous les composants sont finis à la main.

Aucune machine ne peut délivrer un tel niveau de finition. C’est l’une des conditions de la certification. Il y en a d’autres...

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« Depuis 2011, le Poinçon de Genève est aussi une certification de la marche, un gage de précision » Christian Selmoni, directeur artistique chez Vacheron Constantin

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hristian Selmoni est ponctuel. Normal, diront les jaloux, Christian est suisse. Et d’autant plus normal que l’homme occupe le poste de directeur artistique d’une des plus anciennes manufactures horlogères suisses : Vacheron Constantin. Bref, l’heure c’est l’heure, et tant qu’à faire, autant la lire sur une superbe montre. Mais si nous sommes allés à la rencontre de Christian Selmoni à Genève, ce n’est pas seulement pour vérifier sa ponctualité, la beauté de sa montrebracelet ou sa passion pour le ski, sujet qui occupa tout le début de notre entretien. Nous l’avons sollicité pour comprendre ce qu’est et ce qu’implique le Poinçon de Genève pour une maison comme Vacheron Constantin, l’une des cinq manufactures suisses à bénéficier de cette certification. « Le Poinçon de Genève est comme un label de bienfacture, une garantie de qualité pour les montres qui le portent, explique Christian. Mais ce fut avant tout un moyen de lutter

contre la contrefaçon. À la fin du XIXe siècle, de nombreux horlogers associaient la ville de Genève à leur nom, comme un sceau de qualité dans le milieu de la haute horlogerie. Même si leurs montres n’étaient pas fabriquées dans le canton de Genève. C’est la raison première de la création du Poinçon, qui pouvait apparaître à l’époque comme une sorte d’ordre mystérieux réservé aux plus grandes maisons. » De fait, dès le début, en 1886, l’une des conditions pour obtenir le certificat était d’assembler la montre dans le canton. C’est encore le cas d’ailleurs, ce qui explique, entre autres, que peu de manufactures soient certifiées. « C’est vrai, un horloger pourrait respecter tous les critères, mais assembler sa montre hors du canton : il n’aurait pas la certification. D’ailleurs, j’insiste souvent sur un point : le Poinçon est un gage d’excellence horlogère, mais on peut fabriquer des montres excellentes sans avoir ce label. » On dira juste qu’un peu de protectionnisme n’a jamais fait de mal à

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MODE & OBJETS personne. Ou plutôt, que cela assurait aussi la formation, localement, des artisans nécessaires à ces ouvrages. Mais réduire le Poinçon de Genève à une obligation géographique serait une erreur. Pour mériter la gravure des armoiries de la ville, toujours sur le mouvement et sur le fond de la boîte, jamais sur le cadran (sauf quelques séries spéciales), il faut plus que cela. Pour garantir la qualité du mouvement, il existe des critères très stricts sur toutes les pièces, sur la platine, les ponts, mais aussi l’organe réglant et même les vis. « Tous les composants doivent passer dans les mains expertes de nos artisans.

Le Poinçon, c’est l’obligation d’un travail manuel de finition qui va débarrasser toutes les pièces des traces de fabrication. Pour deux raisons : un côté esthétique, et je m’en félicite [il est directeur artistique, NDLR], et un côté technique. En garantissant cette intervention humaine, on assure une finition parfaite, une marche sans faille au mouvement et une réparabilité aisée. Pour moi, c’est un hommage à l’intelligence de la main, qui peut réaliser ce que la machine ne sait pas faire. Il suffit de regarder les têtes de vis ou, mieux, les coins rentrants sur les ponts. Là où une machine laisserait sa marque, celle de la fraise Le Poinçon est apposé uniquement sur le fond de la boîte et sur le mouvement.

Boucle déployante, couronne, toutes les finitions doivent être irréprochables.

rotative, nous avons un angle marqué, sublime. Seul un artisan expérimenté peut réaliser cela. » Ainsi, toute trace d’usinage doit disparaître, pour laisser place à des décorations manufacturées comme des Côtes de Genève (tiens, tiens), à la règle à dresser ou au tour manuel. Dans les faits, cette intervention de l’homme pour réaliser les finitions sans faille requises pour la certification allonge les temps de fabrication. Chez Roger Dubuis, une autre manufacture « Poinçon », on estime à 40 % de temps de production en plus, rien que pour assurer la finition des composants. On comprend aisément le surcoût

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que peut engendrer une telle certification. « D’autant que les critères ont récemment évolué. L’idée a été de faire sortir le Poinçon de Genève du seul aspect esthétique. En plus de vérifier des états de surface, des qualités de polissage et tant d’autres choses, il faut en plus maintenant valider une précision de marche, même si nous le faisions déjà. Ainsi, depuis juin 2012, la certification comprend aussi des tests de précision, d’étanchéité et de bon fonctionnement », ajoute Christian. Alors que le Contrôle officiel suisse des chronomètres (COSC) vérifie la précision des mouvements seuls, le Poinçon exige de


Historiquement, le « label » Poinçon de Genève a été créé pour identifier les horlogers qui emboîtaient leurs montres dans la région de Genève.

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MODE & OBJETS Sobriété pour ce modèle best-seller de Vacheron. Et, bien évidemment, un petit poinçon sur le fond de la boîte...

... qui assure du soin porté à la réalisation des composants du mouvement, mais aussi des supports dans la boîte.

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Toutes les finitions sont réalisées à la main par des artisans formés dans la région de Genève. Une manière de préserver le savoir-faire.

mesurer la montre assemblée, mouvement dans la boîte, fixé par des éléments réglementés, pendant sept jours consécutifs. Un atelier spécifique est d’ailleurs implanté dans la manufacture Vacheron, en fin d’assemblage, pour tester chaque montre produite. Au bout des sept jours, la dérive ne doit pas excéder la minute. « Même si nos clients savent que les montres mécaniques n’ont jamais la précision d’un modèle à quartz ou atomique, il est important de leur assurer une excellente précision de marche. Et c’est un gage de qualité de le faire pour chaque montre, et quand elle est complète... assemblée. » L’étanchéité, à

30 mètres (ou plus si le constructeur annonce plus), et la marche de toutes les fonctions, comme les calendriers perpétuels ou les répétitions minutes sont aussi vérifiées à ce stade. Et n’oubliez pas, nous sommes en Suisse. Autrement dit, ce ne sont pas des contrôles aléatoires et rares. « Déjà, lors de la conception de la montre, tous les composants sont soumis aux inspecteurs du Poinçon, qui doivent les homologuer. Cela concerne bien sûr les pièces du mouvement, mais aussi les fixations de celui-ci dans le boîtier. Ensuite, comme évoqué auparavant, toutes les montres que nous fabriquons sont mesurées, individuellement

Le geste est précis, rarement répétitif. L’intelligence de la main.

et avec une grande précision. Et, enfin, nous sommes régulièrement audités par des inspecteurs du bureau du Poinçon de Genève. » En Suisse, on ne rigole pas avec le règlement. Et quand on demande à Christian Selmoni si toutes ces contraintes empoisonnent sa vie, en tant que directeur artistique, il répond : « Mais pas du tout, au contraire. Tout le travail réalisé sur le mouvement le rend encore plus beau. Pour moi, c’est plus intéressant dans les versions squelettes de montrer d’aussi beaux composants au travers d’un cadran ajouré. Et puis sur la boîte, rien n’est imposé par le

règlement du Poinçon, tant que cela ne pénalise pas le fonctionnement de la montre. Il n’y a que le petit sceau, gravé sur le fond, qui soit visible de l’extérieur, à condition de retourner la montre. Le Poinçon de Genève demande une attention particulière, certes, mais c’est un gage de bienfacture comme je le disais. Un gage de savoir-faire horloger. Il faut en être fier. » D’ailleurs, à partir de cette année, la totalité des montres mécaniques Vacheron Constantin seront certifiées du fameux poinçon. Comme la manufacture Roger Dubuis, mais qui produit beaucoup moins de calibres.

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ART DE VIVRE

À la découverte

du vin

L’œnotourisme explose en France, attirant dans nos régions viticoles d’Alsace, de Bourgogne ou du Bordelais pour n’en citer que trois, des amateurs du monde entier. Followed s’est rendu au Château Lynch-Bages, à Pauillac, récemment récompensé pour l’ensemble de ses activités Lynch-Bages et Cie, pour comprendre la quête de ces touristes un peu particuliers. Textes F. Montfort, photos Mitchell

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération

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ART DE VIVRE « Nous envisageons

l’œnotourisme comme une expérience complète » Charles Thuillier, Château Lynch-Bages

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Les anciennes infrastructures ont été non seulement conservées, mais rénovées, pour que les visiteurs prennent conscience des évolutions dans la fabrication du vin.

La visite passe par le cuvier et ses cuves de fermentation thermorégulées en inox...

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... puis par les chais à barriques où les vins sont élevés en fûts de chêne. Ensuite, on passe à la dégustation.

our certains, c’est comment occuper un après-midi de vacances. Pour d’autres, c’est l’objet d’un voyage planifié. Et, dans tous les cas, il s’agit de vin et d’expérience. Quelles que soient finalement les raisons qui poussent ces amateurs à venir visiter des caves, déguster des primeurs ou même rencontrer des vignerons, leur dénominateur commun reste la passion du vin. Et de sa région. Pour l’assouvir, les bonnes idées ne manquent pas. En Alsace, on a tracé une Route des vins, de Thann à Marlenheim, serpentant entre les vignes de pinot gris ou de riesling, permettant de découvrir les plus beaux domaines. La même chose existe en Bourgogne, avec une Route des grands vins... et même une Route des grands crus. Le Bordelais n’est pas en reste, comme les régions viticoles du sud de la France d’ailleurs. Bref, l’œnotourisme explose

dans notre beau pays. Il a même ses distinctions, une fois par an. L’année dernière, le Château Lynch-Bages, à Pauillac, a été récompensé pour l’ensemble de son programme. Et ce programme, nous l’avons suivi, guidé par Charles Thuillier, le directeur adjoint du Cercle Lynch-Bages. « Sous l’impulsion de Jean-Michel Cazes, le propriétaire du domaine, nous avons développé tout un éventail d’activités à Bages, explique Charles. Des visites de caves avec dégustation à la haute gastronomie, en passant par des cours, d’assemblage mais aussi de cuisine, la possibilité de faire votre propre vin avec Viniv [voir encadré] et même une hôtellerie de luxe Relais & Châteaux, dans une chartreuse du XVIIe siècle. Tout cela dans un village restauré comme à l’origine. Le mieux, c’est sans doute que vous l’expérimentiez vous-même... » L’invitation est trop belle pour être refusée. Et cela débute,

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ART DE VIVRE

Tout le village a été rénové pour offrir une expérience unique au touriste de passage

Dans le village de Bages, le Café Lavinal offre une cuisine simple mais raffinée et, bien sûr, une belle carte des vins.

avec les indications de Mylhène, par la visite des cuveries, dans lesquelles les rouges et blancs du domaine font leurs fermentations, mais aussi des installations d’époque (entre 1860 et 1975) conservées pour bien expliquer les évolutions progressives dans les méthodes de fabrication. Ce genre de service, la plupart des domaines viticoles les proposent, sans les cuveries d’époque toutefois. Et cela se conclut souvent de la même et agréable manière, par la dégustation des vins du domaine. Mylhène, comme les autres guides, explique le long processus nécessaire à la vinification puis à l’élevage des vins avant de nous les faire goûter. Quand on est déjà un amateur averti, le mieux est de prolonger l’expérience par des cours de dégustation et d’assemblage. Ils ont lieu juste à côté, au Cercle Lynch-Bages, sur la place du village. Ici, Mylhène ou Charles vont, de manière très didactique, expliquer les différentes étapes de la dégustation (voir Followed 7) et les différents cépages utilisés au domaine. Vous pouvez même

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goûter des échantillons d’un seul et même cépage pour comprendre l’intérêt de l’assemblage. Avec toujours un crachoir à portée de main, pour éviter d’être trop alcoolisé à la fin. Le jeu est alors d’identifier les cépages et leurs caractéristiques, puis d’imaginer le bon assemblage. Pour cela, tous les ans, les œnologues élèvent des fûts entiers des différents raisins sans les mélanger (à Lynch-Bages, les vins sont assemblés avant le vieillissement) pour permettre à ces cours de bénéficier de bouteilles de merlot, de cabernet franc ou de petit verdot, purs à 100 % et du même millésime que le vin assemblé qui sert de référence. Goûter ces cépages individuellement est une vraie révélation pour tout amateur de rouge de la région. On se met vite dans la peau du directeur technique et de ses œnologues pour imaginer les bons mélanges. Pour ceux qui le souhaitent, il suffit de traverser la place centrale et de pousser la porte de Viniv (voir encadré). Là, ils pourront appliquer tout ce qu’ils auront appris. Pour les autres, il y a une autre


Faire son propre vin L’idée est simple : proposer à des amateurs d’acheter des raisins vendangés sur différentes parcelles, de les associer avec l’aide d’un œnologue professionnel et de les faire vieillir. Bref, de faire son propre vin. Quand cela a germé dans la tête de Stephen Bolger en 2007, ce n’était alors qu’une simple idée. Mais aujourd’hui, associé à la famille Cazes à Bages, Stephen en a fait une société. Depuis 2009, Viniv (car cela s’appelle ainsi) propose donc à des particuliers passionnés de choisir parmi différents cépages cultivés par des grands domaines bordelais. On peut ainsi prélever du cabernet sauvignon de Pauillac, de Saint-Estèphe ou de Margaux, du merlot du Libournais ou du cabernet franc de Saint-Émilion, pour les assembler en un vin rouge de la région. Évidemment, les équipes techniques de Lynch-Bages veillent et n’hésitent pas à délivrer de précieux conseils durant toutes les étapes. Ensuite, après les fermentations et les premiers mois d’élevage, les assemblages doivent être confirmés et validés... avant d’être mis en fût pour 14 à 16 mois de vieillissement. Il restera ensuite, à la fin, encore la possibilité d’ajuster légèrement les proportions : «  À hauteur de 20 % maxi, nous a dit Stephen. On ne peut pas tout changer après le vieillissement. » Aujourd’hui, des clients de 22 pays viennent élaborer leur vin, souvent à plusieurs sur la même barrique de 225 litres (soir 288 bouteilles), un tiers seulement des clients achetant un fût complet. Avec des prix variant de 9 000 à 16 000 € (en fonction des cépages choisis), cela fait des bouteilles de 30 à 55 € pièce. Avec une étiquette personnalisée... et l’assurance que personne d’autre ne boira jamais votre vin. Sauf si vous en offrez quelques bouteilles à vos amis.

Stephen Bolger, le fondateur de Viniv, propose à ses clients de créer leur propre vin, de l’assemblage à l’élevage.

Évidemment, les bouteilles de chaque client peuvent être personnalisées.

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ART DE VIVRE

Déguster et dormir Le Château Cordeillan-Bages, à l’entrée de Pauillac, est une chartreuse du XVIIe siècle restaurée et devenue un hôtel quatre étoiles. Dans les cuisines, le chef étoilé Jean-Luc Rocha prépare des plats parfaitement adaptés aux vins du domaine.

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La saison œnotouristique bat vraiment son plein entre avril et septembre. Pourtant, en fin d’année, quand les feuilles rougissent, la visite reste fabuleuse.

possibilité sur la fameuse place du village : le Café Lavinal. « Notre volonté a été d’offrir une expérience complète autour du vin au village de Bages. À la fois sur la connaissance du vin et sur les plaisirs qui y sont liés. Avec deux restaurants, un bistrot sur la place et un restaurant gastronomique deux étoiles Michelin où le chef Jean-Luc Rocha cuisine des produits principalement locaux », ajoute Charles Thuillier. Qui dit oenotourisme dit... tourisme. Cela englobe à la fois le voyage et la découverte, celle d’une région bien souvent, comme ici dans le Médoc. Quoi de mieux que de rester quelques jours sur place pour profiter des vignes, de l’estuaire de la Gironde et des superbes domaines des alentours. Dans un Relais & Châteaux, c’est encore mieux. Ici, une

ancienne chartreuse rénovée à la fin des années 1990 nous attend. C’est une tendance palpable dans l’évolution des grands domaines que celle de proposer un service d’hôtellerie haut de gamme à ses clients. Sans doute aussi pour permettre de ne pas reprendre la route après une longue dégustation où les plus téméraires n’auront pas recraché, où après un repas gastronomique accompagné des vins adaptés. Ça, c’est l’autre tendance dans le vin, d’accorder ce que l’on mange à ce que l’on boit. Ou l’inverse, cela dépend des choix. Une volonté que l’on retrouve bien évidemment dans les deux restaurants de Bages, que cela soit le café-bistrot ou le gastronomique. L’accord mets et vins sublime un repas, et

Un château bordelais réaménagé et une cuisine étoilée

Les autres régions aussi L’oenotourisme grandit partout en France, pas seulement dans le Médoc bordelais. C’est même dans les régions Alsace et Bourgogne qu’il a réellement débuté, avec des circuits touristiques reconnus, comme la Route des vins dans les Vosges ou celle des grands crus autour de Beaune. Et dans ces régions, mais aussi en Champagne ou plus au sud, beaucoup de domaines développent aujourd’hui des programmes complets, reposant sur des visites plus approfondies, des dégustations poussées, des cours et des rencontres avec les producteurs, et des hôtelleries-restaurants haut de gamme où le plaisir de bien manger et bien boire est une priorité. Pour le plaisir des amateurs que nous sommes en quelque sorte.

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ART DE VIVRE On peut se contenter de déguster la cuisine du chef étoilé (deux étoiles au Guide Michelin). Mais il est aussi possible de prendre des cours.

En un week-end, on peut se former à l’assemblage des cépages pour le vin, et à la cuisson ou au dressage pour les aliments.

pas seulement avec des vins du domaine. Malgré tout, ici, la quasi-totalité des accords concernent des vins rouges, la région du Médoc n’étant pas vraiment réputée pour ses blancs. Mais en Alsace, par exemple, ou en Bourgogne, le menu sera adapté aux vins du cru. C’est aussi ça l’œnotourisme. La dernière étape du programme à Bages ne se fait plus en compagnie de Charles, mais avec Jean-Luc Rocha et ses équipes. Chef doublement étoilé et meilleur ouvrier de France en 2007, il a investi les cuisines du Château Cordeillan-Bages en 2002, comme second du chef de l’époque, le très connu Thierry Marx. Véritablement tombé amoureux de la région, Jean-Luc a remplacé Thierry au départ de celui-ci en 2010, conservant les deux étoiles acquises par son prédécesseur. Ce sont donc principalement des produits de cette région qu’il travaille pour délivrer des assiettes savoureuses

que le sommelier se fait une joie d’accompagner. Avec une carte de plus de 1 500 références, et pas seulement des vins des domaines Jean-Michel Cazes, c’est à la fois facile et compliqué. Mais là encore, pour les passionnés les plus curieux, déguster pourrait ne pas suffire. On peut alors venir en cuisine, le samedi matin par exemple, pour y suivre des cours avec le chef ou son second. Ici, il n’est nullement question d’apprendre à parer ou à émincer, on laisse ça aux écoles de cuisine. Il s’agit de comprendre comment marier les saveurs, associer les textures et, surtout, bien dresser. Ce qui, dans les restaurants gastronomiques, fait souvent la différence entre des assiettes d’étoilé et de non étoilé. Et, comme pour le vin, la dégustation qui suit n’est plus tout à fait la même quand on sait comment tout est fait. En fait, c’est encore meilleur.

Des cours de cuisine pour parfaire son expérience gustative

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NOS GRANDS VINS

NOTRE RESTAURANT

Repas-dégustation Ateliers des Vignes VIsites de Cave

NOS CHAMBRES DE CHARME

Olivier Leflaive - Place du Monument 21190 PULIGNY-MONTRACHET Tél : +33 (0)3 80 21 37 65 / FAX - +33 (0)3 21 33 94 Email : contact@olivier-leflaive.com

WWW.OLIVIER-LEFLAIVE.COM

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération

PULIGNY-MONTRACHET LES MEIX ENSEIGNÈRES CHAMP GAIN PUCELLES FOLATIÈRES BÂTARD-MONTRACHET CHEVALIER-MONTRACHET MONTRACHET CORTON-CHARLEMAGNE MEURSAULT TILLETS NARVAUX SOUS LE DOS D’ÂNE PORUZOTS CHARMES GENEVRIÈRES PERRIÈRES CHASSAGNE-MONTRACHET ABBAYE DE MORGEOT CLOS SAINT-MARC SAINT-ROMAIN SAINT-AUBIN REMILLY DENTS DE CHIEN RULLY MONTAGNY PERNAND-VERGELESSES CHABLIS MONTÉE DE TONNERRE FOURCHAUME ALOXE-CORTON VOLNAY CLOS DES ANGLES POMMARD EPENOTS


ART DE VIVRE

Maestroronero Le rhum cubain a deux particularités : il est dit léger, car fait à base de mélasse et non de jus de canne à sucre, et se compose d’assemblages de différentes « eaux-de-vie » sélectionnées puis vieillies. Sur l’île, il y a moins de dix maestros roneros, comme on les appelle : Asbel Morales est l’un d’eux. Textes C. Boulain, photos A. Bourdeau

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.

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ART DE VIVRE

Dans cette nouvelle usine, Havana Club ne produit que du rhum ambrĂŠ

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sbel Morales va sur ses 48 ans. Cela veut dire qu’il a passé quasiment les deux tiers de sa vie à travailler dans des rhumeries, dont les quinze dernières années comme maestro ronero (maître rhumier). Ils sont cinq sur l’île de Cuba à occuper pareil emploi avec, au-dessus d’eux dans la hiérarchie, les deux seuls premiers maîtres du pays, José Navarro et Juan Carlos Gonzalez. Bref, cela fait sept personnes seulement pour endosser la lourde charge de perpétuer la tradition du rhum cubain. Et, contrairement aux idées reçues, ce sont des salariés du gouvernement, pas des rhumeries dans lesquelles ils travaillent. « On ne naît pas maestro, s’amuse Asbel lors de notre rencontre à la rhumerie Havana Club de San José, à quelques kilomètres de La Havane. Pour ma part, même si je suis né à Santa Domingo, juste à côté d’une distillerie de rhum, et que j’ai étudié sa fabrication très tôt, à Manacas, ce n’est qu’à ce moment-là que j’ai développé une vraie sensibilité aux odeurs et aux saveurs de cette boisson. Plus de dix ans après, diplômé en chimie et économie et travaillant pour différentes rhumeries, je suis devenu maestro ronero. » Mais qu’est-ce donc ? Pour le comprendre le rôle du maestro, il faut reprendre toute la chaîne de fabrication du rhum produit sur l’île de Cuba. Au commencement, il y a la canne à sucre.

Importée de Nouvelle-Guinée à Cuba en 1493 par Christophe Colomb, cette plante vit en moyenne sept ans, pousse de trois à six mètres en six mois de temps sous le climat de Cuba... et autorise une récolte par an. Une fois pressées, ces longues tiges produisent un jus sucré très recherché qui a fait pendant des années la richesse du pays. « Pendant longtemps, nous achetions directement des eaux-devie à l’industrie sucrière cubaine, explique Asbel. Le système cubain était comme ça. Mais maintenant, avec des usines comme celle de San José où nous maîtrisons toute la chaîne de production, nous achetons de la mélasse uniquement... pour faire notre propre base. C’est là que commence mon travail, dès la sélection des récoltes qui vont donner notre mélasse. » Contrairement aux rhums agricoles que l’on trouve dans d’autres pays d’Amérique centrale, le rhum cubain, aussi appelé rhum léger, n’est pas produit à base de jus de canne, mais à partir de mélasse. C’est un jus de canne à sucre (guarapo) chauffé en une sorte de miel (meladura) puis débarrassé de ses cristaux de sucre par centrifugation (qui donne la mélasse). « Nous produisons cette mélasse, la faisons fermenter avec nos propres levures pendant presque 24 heures pour donner un vin doux titré à environ 6° d’alcool. Puis nous le distillons dans

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ART DE VIVRE

Une rhumerie dans chaque ville cubaine Du fait de l’embargo sur Cuba, il est difficile de trouver des rhums cubains en France, à l’exception des productions Havana Club, qui est une société sœur de Pernod-Ricard. Pourtant, sur cette île des Caraïbes, les marques ne manquent pas. Pour résumer, des Cubains rencontrés sur place nous disaient qu’il y avait une distillerie de rhum... par grande ville. Ainsi, on trouve des bouteilles de Caney, Varadero ou Santiago issues des distilleries de Santiago justement, de Legendario ou de Havana Club fabriquées dans et autour de La Havane et bien d’autres encore. Rien d’étonnant donc à ce que cela soit l’une des boissons favorites des Cubains. Et que l’ouverture récente du pays au commerce international offre beaucoup de perspectives aux producteurs locaux.

Les rhums cubains sont dits légers parce qu’ils sont faits à base de mélasse, du jus de canne débarrassé des cristaux de sucre notre colonne pour en faire une eau-de-vie à 74-76°. On l’appelle l’âme du rhum. En jouant sur les fermentations et sur la distillation, je peux vraiment produire l’eau-de-vie dont j’ai besoin pour nos rhums bruns. ». Ici, à l’usine de San José, Havana Club ne produit que ces rhums haut de gamme, bruns et non clairs. Les rhums blancs sont fabriqués dans une autre usine, à Santa Cruz, plus à l’est de l’île. « Après filtration des impuretés, nous mettons ces eaux-de-vie additionnées d’eau et d’alcool “pur” titré à presque 95° dans des tonneaux de chêne américain pour au moins deux ans. C’est ce qui sert de base à nos mélanges. C’est très important de maîtriser cette étape. Au bout de ces deux années, on obtient ce que nous appelons un rhum mère, avec une teneur en alcool qui a déjà baissé à cause de l’évaporation importante due à la chaleur et à l’humidité. Ici, à Cuba, cette part des anges est d’environ 8 % par an, il ne faut pas l’oublier. » Déjà, après ces deux années, la couleur a changé, devenue légèrement teintée. Notons que les barriques utilisées à Cuba proviennent des États-Unis... en passant par l’Écosse. Ce sont en effet des tonneaux de bourbon (un

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an) qui ont ensuite servi à faire vieillir du scotch whisky des Highlands (au moins dix ans) avant de retraverser l’Atlantique pour contenir du rhum local. Et justement, pour faire ce rhum cubain, il s’agit ensuite d’assembler des bases avec des rhums plus âgés pour obtenir le goût, l’odeur et la saveur souhaités. « Nous avons des rhums de plus de 50 ans à notre disposition pour nos assemblages. À chaque fois que vous lisez un âge sur une bouteille, cela correspond à la goutte la plus jeune de l’assemblage. » Comme cette nouvelle usine vient de fêter ses 8 ans, tous les rhums Havana Club de plus de 7 ans reposent sur des bases produites ici, et mélangées à des rhums hérités des maîtres assembleurs précédents. « Nous avons une vraie responsabilité de conservation des traditions et du patrimoine. Charge à nous, aujourd’hui, de recréer des rhums qui vont vieillir pendant des décennies pour servir aux prochains assembleurs. » C’est une vraie science que de faire un rhum. Il faut voir Asbel faire ses tests, aller prélever quelques centilitres d’une bouteille, les mélanger au même volume d’une autre puis ajouter quelques gouttes d’une dernière. La couleur


Une fois assemblés, les rhums vont vieillir dans de vieux fûts de chêne stockés dans ce hangar. Chaleur et humidité au programme.

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ART DE VIVRE

Ici, au musée de la marque dans la vieille Havane, un bel échantillon des rhums proposés. Dont le Ritual, qui n’est pas importé en France.

change à chaque fois, l’odeur et le goût aussi. « Nos assemblages peuvent avoir des rôles différents. Le premier est d’obtenir des rhums constants, pour des collections très répandues et recherchées comme notre sept ans par exemple. Là, mon travail est de reproduire le même goût, avec toujours à l’esprit qu’il faut que tous les composants aient plus de 7 ans. Et puis nous avons aussi parfois la charge de créer des rhums spécifiques. Comme la Collection des Maestros, où les sept maestros roneros cubains œuvrent ensemble pour délivrer un rhum très particulier. Nous avons même développé avec nos amis de chez Cohiba un rhum pour accompagner la dégustation de cigares. Et croyez-moi, cela se marie très bien... » On comprend tout de suite mieux ce que maestro ronero veut dire. Et pourquoi, sur chaque publicité Havana Club à Cuba, on voit Asbel Morales au milieu de vieux tonneaux de rhum. Chapeau l’artiste.

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Pur ou en cocktail il existe deux types de rhums cubains : les blancs et les bruns. Pour faire simple, et selon les recommandations des producteurs eux-mêmes, le blanc sert aux cocktails, le brun se boit pur, avec un cigare ou pas. Mais surtout pas coupé avec quoi que ce soit. Et plus il est âgé, plus il est foncé... et plus il est parfumé, généralement. Notons que la tendance locale est à la disparition des rhums blancs, au profit des rhums légèrement ambrés, comme un trois ans par exemple. On peut ainsi déguster un incroyable daïquiri à base de Havana Club de 3 ans au El Floridita, le bar de La Havane qu’Ernest Hemingway a rendu célèbre.

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COMMENT ÇA MARCHE ?

La réalité virtuelle

Pour beaucoup, l’événement de l’année 2016 sera l’arrivée de la réalité virtuelle, bien aidée par la sortie d’équipements grand public bon marché. Il était temps de se demander de quoi il retourne. Textes D. St Aubin, photos Mitchell

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À quoi ça sert ? En même temps que son nouveau smartphone Galaxy S7 (et S7 Edge), Samsung a dévoilé son nouveau casque de réalité virtuelle, développé en partenariat avec la société américaine Oculus. L’occasion rêvée d’aller demander au spécialiste des objets connectés de Samsung en France à quoi cela peut-il bien servir. « L’idée d’un casque VR est d’offrir une e x p é r i e nce imme r siv e nomade, explique Thomas Ranchon. Une fois casqué, l’utilisateur se retrouve complètement immergé dans une autre réalité, cela peut être au milieu d’une joute médiévale, à mille mètres sous le niveau de la mer, dans l’espace. Tout simplement ailleurs. » Donc le but n’est pas seulement de remplacer l’écran du salon ? « Pas du tout. Il s’agit vraiment d’offrir de nouvelles sensations. Quand on parle d’immersion, ce ne sont pas des histoires. Si vous regardez en haut, en bas ou sur les côtés, vous vous promenez dans cette autre réalité. Vous y êtes. Tout cela repose sur des images à 360°. »

Le meilleur exemple lors de la démonstration est... la projection d’un film au cinéma dans le casque. Vous êtes dans un siège, dans une salle, avec l’écran en face de vous. Mais si vous regardez autour, en tournant tout simplement la tête, le film continue de défiler sur l’écran pendant que vous apercevez vos voisins de siège ou vos pieds imaginaires. Bluffant. D’autant que si l’on peut parfois reprocher aux jeux vidéo un réalisme quelque peu... synthétique, aujourd’hui les images 360° peuvent être réellement filmées, donc vraies. Cela donne l’impression d’être ailleurs. Avec toutefois un bémol : le mal des transports que l’on peut vite ressentir si l’expérience donne dans le mouvement. Pour cette raison, ou par précaution pour les yeux des clients, il est conseillé de ne pas porter de casque VR plus de trente minutes de suite. Sur un saut à skis « virtuel », la nausée, nous l’avons eue en moins de temps que ça. Mais quelle expérience !

Double nouveauté En même temps que son dernier smartphone, Samsung présentait son nouveau casque de réalité virtuelle. Qui ne fonctionne qu’avec des produits de la marque.

On a vraiment l’impression d’être ailleurs, à un autre endroit

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COMMENT ÇA MARCHE ?

Samsung Gear VR

Contrairement aux premiers casques de réalité virtuelle, comme les modèles Oculus ou HTC, le casque Samsung se sert de l’écran du smartphone pour fonctionner. Une solution 100 % nomade.

Comment ça marche ? Le casque Samsung Gear VR n’intègre pas d’écran... mais un logement pour accueillir un smartphone (de la marque exclusivement, des gammes S6, S7 et Note4 pour l’instant). Grâce à une petite molette, on peut avancer ou reculer le téléphone dans son logement pour adapter l’écran à sa vue. Une fois raccordé au casque et celui-ci sur votre tête, l’application Oculus se lance et sépare l’écran en deux. Une fenêtre pour l’œil droit, une autre pour l’œil

gauche. « C’est ce qui va donner l’effet 3D, la profondeur de l’image. Déjà, cela change la vision de l’écran. Mais en plus, ces images sont périphériques. Et grâce aux capteurs dans le téléphone, chaque mouvement de la tête se traduit par un déplacement dans l’image. » D’autres casques, comme l’Oculus Rift (voir encadré) ou le HTC, comprennent des écrans, avec parfois une meilleure définition. Mais le système reste le même. De plus, le son diffusé par le casque

L’initiateur

Au début, il y a une vision, celle de Palmer Luckey, un jeune Américain qui imagine un casque doté d’un écran qui nous immergerait dans une autre réalité. En 2012, les premiers prototypes produits par sa société, Oculus, et financés pour une campagne participative Kickstarter. Puis, en 2014, le rachat de la société par l’ogre Facebook pour environ deux milliards de dollars. Et enfin, aujourd’hui, les premiers

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exemplaires clients du fameux casque, baptisé Rift, intégrant écran et écouteurs... pour 699 €. Ce n’est pas rien, d’autant que pour en profiter il faut un ordinateur de compétition. Avec le prix élitiste, cela risque de freiner le développement de ces casques immersifs haut de gamme. À moins que Sony, dans une version dédiée à sa console de jeux PlayStation et vendue 399,99 €, ne réussisse à contourner ce problème technique.


Les pinces du casque sont ajustables pour s’adapter aux deux tailles d’écran. Une molette permet de rapprocher ou d’éloigner l’écran des yeux pour ajuster la netteté.

Chacun ses films

✔ audio parfait l’immersion. Rien d’étonnant à ce que les journalistes présents lors de la présentation du système Samsung au dernier Salon du mobile de Barcelone, en février... n’aient pas vu arriver le patron de Facebook dans les allées. Ils étaient tout simplement ailleurs. Et on se prend à rêver d’assister aux matchs du PSG depuis le banc de Laurent Blanc, de faire ses courses sur Internet en déambulant dans les allées d’un supermarché virtuel ou de vivre des soirées entre amis, vous à Paris, eux à l’autre bout du monde, en direct depuis votre canapé. Pour résumer, Skype, c’est déjà du passé.

L’industrie du jeu vidéo s’est déjà engouffrée dans la réalité virtuelle. On ne peut que s’extasier devant ces nouvelles possibilités, que cela soit pour des jeux de tir, ou pour de simples matchs de foot ou de basket. Mais il y a bien d’autres débouchés. Imaginez une caméra 360° au premier rang d’un concert dans un stade bondé, portée par l’un des coureurs d’une épreuve sportive ou par un acteur de film X : vous y êtes. Et si les premiers systèmes d’enregistrement étaient lourds, chers et complexes, de nouvelles solutions abordables voient le jour. Avant, il fallait six caméras pour filmer six plans, comme les faces d’un cube. Puis un logiciel devait assembler ces images pour en faire une « sphère d’images » dans laquelle on pouvait se promener. Aujourd’hui, après Ricoh et Nikon, Samsung vient de présenter sa caméra 360° à deux objectifs. Chacun filme à 195° et ces deux images sont assemblées en temps réel. Légère et vendue moins de 400 €, elle filme et retransmet en direct sur le smartphone... Un coup de « périscope » et le tour est joué.

À tous les prix

Avec une appli Oculus gratuite sur Google Play, de plus en plus de jeux ou même de vidéos 360°, il fallait bien un casque grand public. Google, mais aussi d’autres sociétés comme DODOcase, proposent une version... en carton. Une fois pliée, on y glisse un smartphone doté de l’appli Oculus pour adapter l’écran et on chausse ces drôles de lunettes. Pas très confortables, mais vendues moins de 20 €, elles permettent de se faire une idée de ce qu’est la réalité virtuelle. Et au moins, on ne risque pas d’y passer plus de trente minutes d’affilée.

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SPORT&LOISIRS

l’ombre Sortir de

Le compatriote de Roger Federer a été le seul, l’an dernier, à battre Novak Djokovic dans un tournoi du Grand Chelem. Et si 2016 était son année ? Textes C. Boulain, photos DR

Waw Stan

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rinka

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SPORT&LOISIRS

ON A PLUS PARLÉ DU SHORT DE STAN À ROLAND-GARROS QUE DE SA PERFORMANCE

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imanche 7 juin 2015, porte d’Auteuil à Paris. Novak Djokovic, l’incontestable numéro un du tennis mondial, et ultra-favori du tournoi de Roland-Garros, vient de se faire balayer en finale par Stanislas Wawrinka, le numéro neuf au classement ATP. Le Suisse, grâce à son revers à une main magique et à un service très solide, vient de stopper l’impressionnante série de 23 victoires consécutives du joueur serbe. Roland-Garros sera d’ailleurs en 2015 la seule grande victoire qui aura échappé au leader du classement qui, après l’open d’Australie en janvier, remportera Wimbledon en juillet, Flushing Meadows en septembre puis le Master de Londres en novembre. Une saison presque complète, presque sans faute... à l’exception de ce match perdu face à un Wawrinka exceptionnel. Ou plutôt gagnée par un Wawrinka sur un nuage. Pourtant, depuis quelques jours, la presse internationale parlait davantage de son short multicolore que de son jeu. Quelques minutes après la balle de match, « Stan the man », c’est son surnom, débarque en conférence de presse, souriant, et étale l’objet de toutes les attentions devant lui, des petits carreaux de toutes les couleurs comme un pied de nez aux journalistes. Et tout de suite

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d’assumer que ce short-là, aussi bariolé et voyant qu’il soit, il l’aime bien... même s’il semble le seul. C’est ça, Stan Wawrinka. Le Vaudois – il est né à Lausanne – est depuis passé numéro quatre mondial. Mais, quel que soit son classement à l’ATP, quel que soit le résultat de son dernier match, il conserve toujours son sens de la répartie... un brin provocateur. En 2014, après une finale sous tension entre son pays et la France en Coupe Davis, finale qui tourne à l’avantage des Helvètes Federer et Wawrinka, Stan dira qu’il est allé chercher les bouteilles de champagne dans le vestiaire français, car personne n’en avait prévu dans celui des Suisses pour célébrer leur victoire. Un peu d’huile sur le feu, diront certains, d’autant que les braises étaient encore rouges de ses précédentes déclarations. Le pire est que cela n’est même pas vrai. Rencontré en marge du dernier Master 250 de Marseille en février dernier, Stan est revenu sur cet épisode : « J’ai dit ça comme ça, par provocation. Cela n’était même pas vrai. Mais on s’était tellement chambrés avec les joueurs français, avant et pendant la rencontre, que j’en ai rajouté encore un peu. Pour rire. » C’est sûr qu’à côté de lui, l’icône Federer, avec lequel il faisait la paire, paraît moins drôle.


Wawrinka peut être fier de lui, il a infligé à Novak Djokovic sa seule défaite de l’année 2015 en tournoi du Grand Chelem, à Paris. Son short coloré deviendra encore plus mythique.

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SPORT&LOISIRS

À 8 ans, il découvre le tennis. Vingt ans plus tard, il est l’un des rares joueurs en activité à avoir remporté au moins deux tournois du Grand Chelem.

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APRÈS VINGT ANS DE TENNIS, STAN GAGNE SON PREMIER TOURNOI DU GRAND CHELEM

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vec son frère et ses deux sœurs, Stan grandit dans la ferme de ses parents, du côté de Lausanne. C’est à 8 ans qu’il découvre le tennis. « C’est ça, j’ai dû taper mes premières balles vers 8 ans. Peut-être juste avant, je ne me souviens pas. Mais j’ai vraiment décidé de me lancer dans le tennis à fond vers 15 ans. » Dès le début, il est entraîné par le Français Dimitri Zavialoff. Il restera son coach jusqu’en 2010, soit durant une dizaine d’années. « Dimitri m’a appris à jouer. Il a été mon premier coach, on a débuté ensemble, on est passés pros ensemble, quand j’avais 17 ans. » Contrairement aux autres jeunes joueurs, Stan ne passe pas par le circuit junior. Les débuts sont parfois compliqués face à des adversaires souvent plus expérimentés. Et un autre Suisse, de trois ans son aîné, occupe déjà l’attention et les terrains : Roger Federer. Difficile d’émerger dans ces conditions. Mais Stan y croit et se bat. Nous sommes en 2002. « J’ai beaucoup travaillé pour grimper dans la hiérarchie mondiale. » Il entre dans le top 50 en 2005, l’année de son premier titre ATP. Mais le tournant, c’est réellement 2008, avec sa première finale en Master 1000, une incursion dans le top 10 mondial et, surtout, une médaille d’or olympique en double... avec Roger. « Celle-là, je l’ai. On

ne pourra pas me l’enlever, ajoute-t-il en souriant. C’est un beau souvenir. » Mais les saisons suivantes, de 2009 à 2012, ne confirment pas son ascension. Elles se ressemblent, avec quelques très beaux matchs mais aussi pas mal de défaites : des saisons en dents de scie. En 2010, il quitte son coach historique pour le Suédois Peter Lundgren. Cela va durer trois ans. Avec toujours des hauts, comme ses quatre titres sur des tournois annexes et deux quarts de finale en Grand Chelem, mais aussi beaucoup de bas. Depuis 2008, tous les joueurs connaissent sa valeur et ses armes, dont ce fameux revers dévastateur. Mais tous savent que Stan n’est pas toujours le joueur le plus concentré, qu’il laisse parfois filer un match à sa portée. Côté personnel, ça ne va pas mieux. En 2011, il se sépare de sa femme, une journaliste de la télévision suisse avec laquelle il a eu une fille. Ils recollent les morceaux un peu après, comme ils peuvent. Puis arrive 2013 et un match en particulier. « C’était face à Novak, en huitième de finale de l’open d’Australie. Je perds 12/10 au cinquième set après plus de cinq heures de jeu. Et ce jour-là, je comprends que j’aurais pu le battre. En fait, je comprends que je peux gagner... » Il change encore de coach pour un autre Suédois, Magnus Norman. Sa carrière s’emballe enfin.

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EN 2014, IL DEVIENT NUMÉRO UN SUISSE, ET CONFIRME QU’IL PEUT BATTRE TOUT LE MONDE

«J’

ai eu deux matchs dans ma vie qui ont changé ma vision du tennis, de moi et de ma carrière. Ce huitième en 2013, et le quart de finale de 2014. À chaque fois à Melbourne, en Australie et en janvier. Et à chaque fois contre Novak. » L’obstacle serbe passé, avec difficulté mais passé cette fois, le Suisse efface Tomáš Berdych en demi-finale et se défait facilement de Nadal en finale. Nous sommes en janvier 2014, Stan a 28 ans. Il remporte son premier tournoi du Grand Chelem, devient numéro un suisse, place que son ami Roger Federer trustait depuis treize ans, et confirme ce que beaucoup pensaient : il peut battre tout le monde. Dans la foulée, il s’offre son premier titre en Master 1000, à Monte-Carlo. Avec, au passage, les scalps de Ferrer et Federer, ce n’est pas rien. De fait, il devient l’un des rares joueurs ayant battu les fameux membres du club des « big four », Djokovic, Nadal, Murray et Federer. Cela ne fait pas de lui le cinquième mousquetaire. « Ce que ces quatre-là ont fait, et font encore, est exceptionnel. Ils sont au top depuis des années, et c’est compliqué de rester à ce niveau. » Stan le sait : gagner un tournoi, ou même deux, c’est finalement assez facile, surtout avec ses armes. Le plus dur, c’est de se maintenir à ce niveau de performance. Il pointe au troisième rang mondial quand

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il quitte le Rocher. La chute va être dure. Il se fait sortir au premier tour de quelques tournois, parfois par des joueurs vraiment loin au classement. Mais il ne perd pas sa foi en son jeu. Ni sa foi en lui. Avec son coach Magnus Norman et Pierre Paganini, son préparateur physique, Stan travaille. « Avec mon premier coach, Dimitri, Magnus et Pierre sont mes plus belles rencontres dans le tennis. Des gens importants, qui comptent beaucoup pour moi. » Il termine sa saison en trombe en participant au Master de Londres, avec les sept autres meilleurs joueurs du monde. Il échoue en demi-finale face à Federer dans une rencontre d’anthologie où le roi Roger doit sauver quatre balles de match. Ce n’est pas passé loin. Ces deux-là sont au top de leur forme : les tricolores en paient le prix en finale de Coupe Davis, en France. Champagne ! 2015 débute comme 2014. À la différence près que Wawrinka fait partie des huit joueurs en activité à avoir remporté au moins un tournoi du Grand Chelem, avec les Djokovic, Federer, Nadal et Murray, mais aussi Marin Cilic, Juan Martín del Potro et Lleyton Hewitt, ces trois derniers, comme Stan, n’en ayant gagné qu’un seul. Pour entrer dans l’histoire, il faudra en gagner un autre ! Mais dès le début de l’année, avec un Djoko au firmament de son art, cela semble compliqué. Et pourtant.


Stan lors du premier tournoi du Grand Chelem de l’année 2016, en Australie. Malade, il cède en huitième de finale.

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Objectif forme « Les joueurs du Big Four sont tellement forts que pour les battre il faut être à 100 %. Aussi, mon objectif aujourd’hui, c’est vraiment de me préparer pour arriver en forme. À cette condition, je peux les battre et gagner des grands tournois. »

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« ON N’EST JAMAIS ASSURÉ DE GAGNER. TOUT CE QUE L’ON PEUT CONTRÔLER, C’EST SOI »

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e tournant de l’année 2015, pour Stan comme pour le circuit ATP, aura été Roland-Garros. Pour le premier, outre son divorce, c’est la consécration. Non seulement cela l’autorise à revenir dans le top 5 mondial après un tournoi de Melbourne très moyen, mais il s’offre son second titre du Grand Chelem. Si l’on ne regarde que les statistiques, il y a les « big four », lui... et les autres dorénavant. Et pour le reste du circuit ATP, le tournoi de la porte d’Auteuil aura été le seul du Grand Chelem que l’ogre Djokovic n’aura pas gagné cette année. Dans une saison impressionnante de régularité, le Serbe a écrasé la concurrence. Un seul chiffre pour illustrer cette domination : avant de perdre en finale face à Wawrinka, Novak venait d’aligner 23 matches sans défaite. Un autre ? Roland-Garros aurait été le huitième tournoi majeur remporté de suite par le Serbe. Mais un Wawrinka appliqué l’en a empêché ce fameux 7 juin. Il réalise en 2015 une saison pleine, remonte au classement pour pointer à la quatrième place et empoche plus de six millions de dollars de gains en tournoi. Ça en impose sur le CV du Vaudois. « Je sais maintenant quel peut être mon niveau de jeu. C’est à moi de m’appliquer », nous a confié Stan à l’ouverture du tournoi ATP 250 de

Marseille, en février 2016. Il sortait d’une victoire en Inde et, malade, d’un huitième de finale à l’open d’Australie. Un tournoi remporté comme par hasard par le numéro un mondial, Novak Djokovic, qui a engrangé en un an plus de points à l’ATP que n’importe quel joueur dans l’histoire du tennis mondial. Se faire une place dans ces conditions n’est guère aisé : beaucoup disent que 2016 pourrait ressembler à 2015. « Novak est impressionnant. Mais je sais que je peux le battre. C’est à moi d’être à mon maximum, explique Stan. Je n’ai pas d’objectif sur les tournois à venir. Je veux dire, je ne me dis pas que je dois gagner ici ou là. Mon objectif, c’est d’arriver en forme, bien préparé. C’est la seule chose que je peux contrôler. Si je suis en forme, je peux bien jouer... » Avec deux titres du Grand Chelem en poche, la réputation de pouvoir battre tous les joueurs en activité et seulement 31 ans (il les a fêtés fin mars), Stan a encore de beaux matchs à livrer avant de se réserver du bon temps avec ses amis, autour d’un de ces vins italiens qu’il adore. La terre ocre de Paris, une surface qui lui réussit, pourrait lui permettre d’écrire une nouvelle belle page de son histoire. Rendezvous en mai porte d’Auteuil. Car, comme on dit ici : jamais deux sans trois.

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Objectif Discipline

Badminton

Athlète

Brice Leverdez Né le 8 avril 1986 à La Garenne-Colombes (France). Champion de France junior en 2005 en double homme. Champion de France élite de 2008 à 2015. Éliminé des JO de Londres 2012 au second tour.

Textes F. Boulain, photos C. Boulain

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« Mon jeu

a évolué, maintenant je peux gagner contre n’importe qui » Brice Leverdez, discipline : badminton Quand il n’est pas en tournoi au Danemark, en Inde ou en Angleterre, Brice s’entraîne à Créteil. Depuis ses débuts...

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eize petites plumes blanches plantées en cône dans une demi-sphère de liège, 5 grammes au total : vu comme ça, un volant de badminton paraît bien inoffensif. Presque un jeu pour s’amuser entre amis sur la plage... Mais quand les meilleurs mondiaux le frappent avec toute leur énergie, comme ils le feront en août prochain aux jeux Olympiques de Rio, il devient un projectile capable de filer à près de 500 km/h. Le record actuel est établi à 495 km/h. Certes, il ne s’agit que de la vitesse initiale du volant au départ de la raquette, mais tout de même, là ça ne plaisante plus. Sport de raquette aussi spectaculaire que peu

médiatisé, le badminton a le vent en poupe, avec des effectifs en croissance de près de 10 % par an sur la dernière décennie en France (182 000 licenciés cette année). C’est même un des sports les plus pratiqués dans le monde, bien aidé par des nations comme la Chine ou l’Inde, où il compte des millions de licenciés. Un sport très présent en Europe du Nord aussi, notamment au Danemark où c’est une véritable institution, presque une culture nationale. Comme le tennis, il se pratique en simple et en double, homme ou dame, mais aussi en mixte. Et comme au tennis, un match se joue en deux sets gagnants de 21 points minimum avec


2 points d’écart exigés, ou jusqu’à 30 maximum. Pour les JO – qui intègrent le badminton depuis 1992 –, en plus des phases finales auxquelles sont habitués les meilleurs mondiaux dans les tournois internationaux, il y aura des poules de trois à quatre joueurs dans lesquelles ils se rencontreront à tour de rôle. Seul le meilleur de chaque poule gagnera son ticket pour les phases finales, qui se dérouleront par élimination directe. Arrivé à ce stade, les coups d’éclat pourront suffire, et pourquoi pas voir un joueur classé entre la 10e et la 30e place mondiale s’offrir un top cinq et passer. Sur un match, tout est possible, surtout dans un sport qui va vite, où l’on peut

plier une rencontre en moins d’une demi-heure... Brice Leverdez, qui domine le badminton français depuis 2008, pourrait bien y jouer les trouble-fête. S’il gravite depuis quelques années près des vingt meilleurs mondiaux, ses récentes performances, en épinglant quatre top dix à son palmarès, dont le numéro 3 mondial lors des derniers championnats d’Europe par équipes, en font un outsider de choix. Il pourra en outre confirmer ce statut à l’occasion des prochains championnats d’Europe en individuel, qui se dérouleront « à domicile » du 26 au 30 avril, près de La Roche-sur-Yon. Une répétition générale, mais sans les meilleurs Asiatiques...

Bertrand Gallet, son coach depuis toujours, lui a fait changer son jeu, plus offensif et plus à plat. « Cela déstabilise beaucoup mes adversaires », explique Brice.

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495 km/h

C’est la vitesse maximale atteinte par un volant de badminton, lors d’un smash. Heureusement, sa faible masse et ses plumes le ralentissent beaucoup...

16 kg

Avec son jeu à plat, très tendu, et son affection pour le filet où tous les coups se font en toucher, Brice a besoin d’une tension de cordage très élevée. Il demande 16 kg, sur une raquette de 80 grammes.

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rice découvre cette discipline en 1997, mais ne débute vraiment que l’année suivante, par hasard. À l’époque, il pratique le judo, comme son frère. Sa sœur préfère le badminton, mais doit arrêter en cours d’année. Il prend alors sa place au club de Maurepas pour ne pas « gâcher son inscription », comme il dit. Son esprit de compétition, exacerbé à toujours vouloir battre son grand frère, ne tarde pas à lui apporter les victoires qu’il convoite tant. Il intègre le CREPS de Châtenay-Malabry à peine trois ans plus tard, à 14 ans. Brice y croise le chemin de Matthieu Lo Ying Ping, avec lequel il obtient son premier titre de champion de France en 2005, en double. Mathieu restera un partenaire privilégié de son ascension au sein du badminton français. Mais c’est surtout la rencontre de Bertrand Gallet, au club de Créteil, qui lui permettra d’atteindre le plus haut niveau. Bertrand, qui fut aussi le meilleur représentant français de la discipline par le passé, est son entraîneur depuis 2002. « C’est surtout grâce à lui que j’en suis là, ajoute Brice. J’ai compris beaucoup de choses avec lui, il m’a fait changer mon jeu, travailler mes forces. » Brice sera champion de France de 2008 à 2015, en simple homme. Huit ans de suite sur la plus haute marche, ne trébuchant que cette année face

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à Lucas Corvée. Il atteint la 22e place au classement mondial en novembre 2014, mais redescend autour de la 30e en 2015. Quelques déboires avec la fédération, des changements d’encadrement dans l’équipe nationale ; sa motivation vacille. Heureusement, il est rapidement réintégré et a toujours le soutien de Bertrand Gallet. Cette saison, Brice repart de l’avant avec une place de joueur numéro 1 dans un club... danois. Le Danemark étant l’une des toutes premières nations du badminton, cela lui permet de se mesurer régulièrement aux meilleurs joueurs mondiaux, en plus d’aller jouer des interclubs... en Inde. Pour les mêmes raisons. Et quand il ne voyage pas, il rentre dans sa banlieue parisienne, suivre des cours à Sciences Po, travailler au lancement de sa marque de vêtements et s’entraîner le soir à Créteil avec Bertrand. C’est le souhait d’apporter davantage d’élégance au sport en général, et aux sportifs en particulier, qui le motive à créer une nouvelle classe de vêtements, « avec du style et de l’aisance ». Une reconversion programmée. En attendant, il accroche des victoires sur des top dix mondiaux. Pour briller aux Jeux, il faudra être capable d’aligner plusieurs performances comme celles-là en poule. Puis faire quelques coups d’éclat. La médaille est à ce prix-là. Et Brice le sait.


Nouvelle vie À Paris, Brice s’entraîne et suit des cours à Sciences Po. Il travaille aussi au lancement de sa marque, Leverdez-Paris, qui propose des chemises un peu particulières à ses clients. Grâce à un tissage spécifique du coton et à une coupe orientée (droitier ou gaucher), elles offrent une belle liberté de mouvement et une coupe ajustée. Et ce n’est qu’un début.

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Vietnam

Le Dragon à moto

E

n arrivant à Hô-Chi-Minh-Ville, trois surprises vous attendent. Le premier choc aura lieu au bureau de change quand, pour quelques centaines d’euros, vous serez à la tête de millions de dongs, la monnaie locale. Le second sera la sortie de l’aéroport climatisé : dehors il fait chaud, très chaud même, avec plus de 80 % d’humidité. Prévoir un à deux jours pour s’accoutumer. Enfin, le

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Langue de terre de plus de 1 500 km du nord au sud, le Vietnam est en pleine expansion. Notre reporter en a parcouru la moitié à moto. Récit d’une belle balade à la découverte du Dragon de l’Asie.

troisième choc est la circulation automobile, « motomobile » devrais-je dire. Des milliers de motos et scooters de petite cylindrée devant, derrière, sur les côtés, avec une, deux, voire trois personnes dessus. Cela promet ! La moto est le moyen de transport par excellence dans un Vietnam qui compte plus de 90 millions d’habitants pour au moins 45 millions de deux-roues motorisés, fabriqués pour la plupart sur

Textes et photos L. Lacoste

place. Si ce n’est dans les grandes villes, les voitures, importées et fortement taxées, sont assez peu nombreuses. De plus, seuls les Vietnamiens, ou les expatriés ayant obtenu le permis du pays, peuvent les conduire. Bref, la découverte du Vietnam se fait en bus façon voyage organisé... ou à moto. J’ai vite choisi. Louer l’engin dans une des nombreuses agences est aisé. Circuler beaucoup moins.


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SPORT&LOISIRS Notre Honda Win millésime 2000. Vitesse maxi d’environ 60 km/h, deux fois moins en croisière, mais une moto totalement increvable.

Car ce que vous avez vu du trafic depuis le taxi n’était qu’un aperçu. Au milieu de l’essaim... c’est de la folie. Chacun évite l’autre, passe devant, derrière. Un coup de klaxon signifie attention je suis là, deux coups, attention je double. La priorité est aux plus gros donc aux camions, bus ou voitures. Au moins, vous ne vous perdrez pas. La téléphonie mobile et Internet sont très développés au Vietnam, même en campagne. Si vous possédez un smartphone, achetez une carte SIM pour accéder au réseau 4G. Sinon, on trouve du Wi-Fi gratuit dans toutes les villes. Cette connectivité à outrance offre d’énormes avantages et un inconvénient majeur : les gens ont le nez collé en permanence sur leur smartphone ou tablette. Même au guidon. La sortie de Hô-Chi-Minh-Ville (HCMV) est plutôt laborieuse pour rejoindre la route qui nous mènera à Dong Xoai, terme de notre première étape. Deux heures pour faire quarante kilomètres avec une seule règle : respecter la priorité à droite. Un parcours entrecoupé de péages, sauf pour les motos, auxquelles on réserve un passage étroit et gratuit sur la droite. Nous prenons enfin de petites routes sans grand trafic et traversons un parc naturel boisé. La route goudronnée devient une piste très roulante avant d’arriver sur une rivière qu’il faut traverser dans une barque transformée en bac. Depuis des années, le pont a disparu. Il paraît que c’est fréquent. Si la croisière d’une quinzaine de mètres se passe

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Le temple cham de Po Nagar, construit entre les VIIIe et XIIIe siècles, à Nha Trang.

Des plantations de caféiers à perte de vue. Pendant des kilomètres... Le Vietnam est un important exportateur de café.

Quand il n’y a plus de place dehors, on gare les deux-roues à l’intérieur.

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Port de Van Gia. Tous les bateaux sont peints en bleu au Vietnam. Au milieu, un pĂŞcheur dans une barque en forme de coquille de noix.

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Restaurant de poissons et crustacés à HCMV, au marché Ben Thanh.

sans encombre, l’embarquement, lui, est plutôt rock and roll. Un : prendre de l’élan pour monter dans le bateau. Deux : viser juste pour rester sur la planche glissante. Trois : s’arrêter dans la barque sans renverser qui que ce soit. Prix du manège : 40 centimes d’euro. Après la traversée, des forêts d’eucalyptus parfumés nous accompagnent jusqu’aux portes de Dong Xoai. L’étape suivante nous amène sur des routes bordées de plantations de caféiers. Le Vietnam en est le deuxième exportateur

mondial. À Gia Nghia, beaucoup d’hôtels sont complets. Nous réussissons à dénicher la perle rare. En principe tous ont un parking gardé pour les motos. Pas le nôtre. Aucun problème, on se gare dans la salle de réception. Au Vietnam le deux-roues est roi, il a toujours sa place à l’intérieur des habitations ou dans les magasins après la fermeture. Tant mieux, car sur les trottoirs les places sont rares. Pour cette nouvelle journée, c’est une belle route de montagne sinueuse bordée de

caféiers qui nous emmène vers Da Lat. On pourrait presque croire cette route touristique. Adieu les pistes boueuses, bonjour les crevaisons. Mais pour 4 euros chambre à air neuve comprise, un réparateur nous dépanne, vérifie les freins et graisse la chaîne : service et prix imbattables. Cette étape sera la plus longue du périple. L’arrivée sur Da Lat est une montée de plusieurs kilomètres en lacet fortement fréquentée car la ville est réputée. Elle était le lieu de villégiature des colons

Gastronomie locale. Les œufs au plat se prononcent « o pla » et le pain de mie « ban mi ».

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français et du dernier empereur, Bao Dai. Elle possède de nombreux bâtiments à l’architecture coloniale, une cathédrale, deux pagodes, un musée et le palais d’été impérial. Aujourd’hui touristes et Vietnamiens en lune de miel s’y pressent. De plus, Da Lat est le potager du centre et du sud du pays. On y trouve choux-fleurs, artichauts, carottes ou fraises, la spécialité régionale. Le marché central ouvert du lever au coucher du soleil regorge de ces richesses. Si vous séjournez plusieurs jours, de nombreuses visites s’offrent à vous : chutes d’eaux, villages typiques et historiques. Anecdotique, ce septuagénaire nous proposant dans un français parfait de nous guider sur les sites touristiques des alentours. Il ponctuait toutes ses phrases d’un « c’est parti mon kiki ». Après la montagne, direction la mer. Une fois le brouillard dissipé et la vue dégagée, c’est la forêt équatoriale qui se dessine devant nous. Des dizaines de kilomètres plus bas, changement de climat et de végétation. Il fait de nouveau chaud et les rizières remplacent la forêt. Puis, enfin, c’est la mer. Nha Trang est une cité balnéaire vietnamienne... enfin presque puisque tout est sous-titré en russe. En bord de mer, plusieurs bars et restaurants, dont le nom sonne souvent comme un club nautique, offrent piscine et accès privé à l’eau pour un prix modique. Le soir, les grands hôtels ouvrent leur toit et leur vue imprenable. La région de Nha Trang est celle des plages. Doc Let, une de ces plages classées parmi les dix plus belles au monde, se trouve à une soixantaine de kilomètres au nord. Au loin, des « tours Eiffel » blanches et rouges surgissent de l’eau. Il s’agit en fait du plus long téléphérique maritime au monde : il conduit à Vinpearl Land, un parc d’attractions sans grand intérêt. Il est déjà temps pour nous de rebrousser chemin : ça sera en train. Après avoir choisi notre classe de transport, siège mou

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Villa dans le district 2, le quartier des expatriés. La porte ouvragée témoigne de l’aisance financière du propriétaire.

Le plus long téléphérique au-dessus de la mer, avec des pylônes qui rappellent notre tour Eiffel. Il relie la côte à un parc d’attractions.


La cathédrale Notre-Dame à HCMV. Elle s’inspire de celle de Paris et fut construite entre 1877 et 1880.

Au Vietnam, les maisons sont colorées, souvent étroites et hautes, comme celle-ci.

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SPORT&LOISIRS Une des nombreuses marchandes ambulantes. Ici, sa spécialité est la crêpe de riz. Succulente.

Le réseau électrique n’est pas enterré. À la manière de Tokyo, des câbles tissent une véritable toile d’araignée au-dessus de nos têtes.

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Même quand l’architecture est plus moderne, on retrouve ces proportions tout en hauteur, sur quelques mètres de large.

ou siège dur pour résumer, nous embarquons pour une vingtaine d’euros et une nuit de route dans le wagon climatisé, ou plutôt frigorifié. Il n’y a qu’une seule voie de chemin de fer, si bien que les trains se garent à tour de rôle sur un délestage pour laisser passer le convoi arrivant en face, en attendant la construction d’un train rapide prévue dans les années qui viennent. L’arrivée à HCMV, où nous passerons quelques jours, se fait au petit matin. Saïgon fut rebaptisée HCMV en 1976, en l’honneur de Hô Chi Minh, alias oncle Hô. Ce franco-vietnamien, communiste convaincu, a combattu toute sa vie pour la réunification du Vietnam. En 1861 la France s’empare de Saïgon qui devient capitale de la Cochinchine. Les Français en font un port de commerce important, les colons s’y installent par centaines, si bien qu’au fil des ans la cité ressemble à une ville française... jusqu’en 1954 et la fin de la guerre d’Indochine. Beaucoup de bâtiments administratifs subsistent de cette époque. Économiquement, la ville se développe depuis le début des années 1990, les investisseurs reviennent en force, les gratte-ciel poussent comme des champignons autour du centre-ville qui garde tout de même son cachet, tel le district 1 et son quartier français. Les Américains, après la reconnaissance de la République démocratique du Vietnam en 1995, concluent leurs premiers accords commerciaux en 2001. Ce boom socio-économique améliore le niveau de vie d’une partie de la population, les jeunes notamment, mieux formés et parlant anglais. Malgré cette embellie, les vendeurs des rues, réparateurs de vélos et restaurants ambulants subsistent. L’enchevêtrement des fils électriques et téléphoniques transforme la ville en une gigantesque toile d’araignée alors qu’au sol défilent inlassablement les deux-roues. HCMV vit 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Normal, le Vietnam bouillonne.

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Comment circuler ? Le plus simple, si vous ne voulez pas céder au voyage organisé, est de louer un deux-roues. Préférez une petite moto à un scooter, plus facile à réparer, payez votre location d’avance et pensez à faire une copie de votre passeport. Le loueur le conserve jusqu’à votre retour.

Nos bonnes adresses RESTAURANTS À HCMV Quan An Ngon, de la bonne cuisine vietnamienne. Soul Burger, des burgers à couper le souffle, près du marché de nuit. Sorae Restaurant, l’endroit branché où l’on vous sert des viandes à griller sur votre table. RESTAURANTS À NHA TRANG Nous vous conseillons le Louisiana Brewhouse et le Pita. Et pour boire un verre, les bars en terrasse sur le toit des grands hôtels sont parfaits.

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C H AM BRE AVEC

Une bonne idée devient géniale quand elle est bien réalisée. Qu’en est-il de celle de faire un Land Rover Evoque Cabriolet ? Textes C. Boulain, photos C. Boulain, DR

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MÉCANIQUE

C

ertains signes ne trompent pas. Pour ceux qui en doutaient, et bien que Land Rover appartienne au géant indien Tata Motors depuis des années, le nouvel Evoque Cabriolet est bien anglais. Il suffit de le décapoter pour s’en assurer. Au lieu de tirer le bouton vers l’arrière, comme on enlèverait le toit d’un geste, il faut le rabattre vers l’avant. Ils ne rouleraient pas du mauvais côté de la chaussée, nos amis anglais ? Et puisque c’est la mode, la manœuvre peut se faire en roulant jusqu’à 48 km/h. Pas 50, pas 49... mais 48 km/h. Un compte rond aurait tout de même mieux sonné, non ? Mais c’est un compte rond en anglais. Cela correspond à 30 miles à l’heure, nous a-t-on répondu lors de la présentation de ce drôle de 4x4 entre Lyon et Courchevel. Dans le langage des spécialistes de l’automobile, on parle d’un SUV, une sorte de véhicule tout-terrain destiné à une utilisation urbaine et routière, ici dans une

Suspensions fermes, boîte de vitesses automatique à 9 rapports agréable et moteur turbo performant sont au programme.

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déclinaison cabriolet. Il y a même de ces spécialistes pour dire qu’il est le premier de cette race, en oubliant que Nissan s’y était essayé avec un étonnant Murano décapotable. C’était une bonne idée, celle de Nissan. Celle de Land Rover est géniale. Déjà, cette version anglaise repose sur une voiture que tout le monde adore. Depuis son lancement, Land Rover à vendu plus d’un demi-million d’Evoque. Cela va en faire des propriétaires intéressés, lors du remplacement de leur véhicule, par ce nouveau venu. Enfin, la marque anglaise a réussi le tour de force de conserver son ADN même dans cette version cabriolet. Autrement dit, à en faire un SUV, ce fameux 4x4 urbain... capable de passer partout, comme un vrai tout-terrain. Avec la classe et l’élégance qui sied à un Range Rover dont l’Evoque Cabriolet reprend le nom. Sur route, l’Evoque se défend déjà bien. Même si les ingénieurs ont dû improviser cette version


En cabriolet et haut perché, on profite de la route autrement

Données constructeur

LAND ROVER EVOQUE CAB

Les chiffres de l’Evoque Cabriolet

18 SECONDES. C’est le temps nécessaire pour ranger, électriquement bien sûr, le toit souple de l’Evoque. Comptez 21 secondes dans l’autre sens. Tout cela même en roulant jusqu’à 48 km/h (30 mph).

+ 200 KG. C’est la surcharge pondérale annoncée par Land Rover entre la version classique et ce cabriolet. Cela met l’engin à presque deux tonnes à vide. N’espérez pas des consommations réduites...

Moteur : 2.0 Si4, 4 cylindres, turbo, essence Transmission : 4x4, débrayable automatiquement, boîte de vitesses automatique, 9 rapports Puissance (ch à tr/min) 240 à 5 800 Couple (Nm à tr/min) 340 à 1 750 Masse (kg) 1 936 Long.xlarg.xhaut. (m) 4,37x1,98x1,61 Diamètre de braquage (m) 11,3 Volume du coffre (l) 251 Capacité du réservoir (l) 68,5 Vitesse maxi (km/h) 209 0 à 100 km/h 8”6 Émissions de CO2 (g/km) 201 Prix de la version SE Dynamic : 55 600 €

+ 5 0 0 0 €. Le surcoût de ce cabriolet par rapport à une version « rigide », à trois ou cinq portes. Bref, comptez entre 51 600 € en diesel de base et plus de 70 000 € pour un essence « full option ».

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MÉCANIQUE

Trois portes seulement mais quatre vraies places, même lorsque le toit est fermé. En revanche, l’accès à l’arrière n’est pas très aisé.

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cabriolet, puisque rien n’avait été planifié lors de la conception de l’Evoque « normal », la tenue de route demeure séduisante. Haut perché derrière un volant à la jante épaisse pour plaire aux hommes et flatter les femmes, le conducteur (ou la conductrice) profite d’une voiture rigoureuse et agile au regard de ses deux tonnes. Il faut dire qu’à improviser, les ingénieurs anglais ont chargé sur les renforts métalliques... nécessaires pour conserver une rigidité acceptable malgré l’absence de toit. Au total, c’est plus de 200 kg ajoutés, entre renforts et capote à cinq épaisseurs. Mais cette masse ne se ressent jamais à la conduite : juste sur

les performances, finalement peu flatteuses malgré les 240 ch du moteur turbo essence 2 litres associé à une transmission automatique à 9 rapports, et sur les consommations. Si vous visez le record d’autonomie... veillez à garder le pied léger. Très léger, même. Mais cela ne gâche en rien le plaisir pris au volant, d’autant que le confort est bon, avec des suspensions fermes mais pas raides et une insonorisation excellente. Capote fermée, on ne peut se croire dans un cabriolet tant le niveau sonore reste bas. Même avec le moteur diesel 180 ch, pour ceux qui ne voient pas de mal à sentir mauvais à chaque plein. Et capote ouverte, rabattue derrière les deux sièges arrière en


Un vrai 4x4

Même si l’Evoque enlève le haut, il demeure un vrai Land Rover. Grâce aux quatre roues motrices et à ses faibles porte-à-faux, il passe presque partout. D’autant que l’électronique est à la pointe de la technologie.

18 secondes (21 secondes dans l’autre sens), bruit et turbulences restent à des niveaux acceptables. À deux, on essaiera tout de même de toujours rouler avec le pare-vent, qui condamne les places arrière mais isole bien des turbulences. Un petit courant d’air froid nous a toutefois gênés sur les côtés, entre appuie-tête et vitres latérales : mais Land Rover nous a indiqué vouloir modifier le pare-vent avant la commercialisation, prévue en juin. S’ils y parviennent, l’Evoque Cabriolet n’aura plus beaucoup de défauts. Dans la finition HSE Dynamic essayée, avec en plus une tripotée d’options telles que le régulateur de vitesse adaptatif qui cale la vitesse de

marche sur le véhicule de devant, en veillant aux distances de sécurité, le dispositif de surveillance des angles morts ou le système de parking automatique qui peut indifféremment garer la voiture à gauche ou à droite, rien ne manque. On a même le nouveau système d’info-divertissement InControl Touch Pro qui permet, entre autres, de gérer deux connexions de téléphone en Bluetooth, en simultané, ou de zoomer et dézoomer la carte du GPS avec deux doigts, comme on le fait sur un smartphone. Même les passagers arrière se plairont à bord de l’Evoque Cabriolet. Leur seul problème sera d’accéder à leurs places si le siège avant n’est pas assez

Essayé dans la région de Courchevel, royaume des nouveaux riches, l’Evoque Cabriolet était à son aise. Même sur la neige des pistes de ski.

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MÉCANIQUE

Anges gardiens électroniques

VITESSE. Le régulateur de vitesse adapte la marche en respectant les distances de sécurité. Il peut même freiner seul (1 100 € sur HSE).

✔ avancé : n’oubliez pas qu’il n’y a que deux portes. Une fois assis, ils profitent de dossiers pas trop droits et d’assez de place pour les jambes ou la tête lorsque la capote est fermée. Même des adultes pourront y voyager, à condition de ne pas prévoir trop de bagages, le coffre n’affichant que 251 litres de contenance, moins qu’une Renault Clio. Pour en loger davantage, il aurait fallu allonger le porte-à-faux arrière. Donc gâcher la ligne de l’engin... et ses capacités de franchissement. Car il est bien fait pour cela, l’Evoque Cabriolet : le

LIGNES. Un système permet d’alerter le conducteur s’il dévie de sa voie et sort de sa file sans activer le clignotant (250 €).

VISIBILITÉ. Des caméras situées dans les rétroviseurs surveillent la présence de véhicules dans les angles morts (660 €).

ACCIDENT. En cas de risque de retournement, deux dispositifs se déploient automatiquement.

Nouvel écran tactile HD, défilement façon smartphone, fonctions à profusion, bienvenue dans une voiture du XXIe siècle.

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tout-terrain. Grâce à sa garde au sol de plus de 20 cm, à ses angles d’attaque et de fuite bien taillés pour lui éviter de laisser ses pare-chocs sur la première bosse et, enfin, grâce à sa transmission intégrale très performante. Capable de désaccoupler automatiquement le train arrière sur route lorsque l’adhérence ne nécessite pas l’aide des quatre roues, cette transmission fait aussi des merveilles hors du bitume, en sollicitant chaque roue à bon escient. D’autant qu’elle bénéficie de

systèmes électroniques perfectionnés qui vont par exemple réguler la vitesse en descente et même réduire les pertes d’adhérence suivant la surface d’évolution. Sur les pistes enneigées de Courchevel, en prise directe avec les éléments (on ne peut pas écrire les cheveux au vent... sans turbulence), nous l’avons vérifié. Que l’Evoque Cabriolet est bien un vrai Land Rover. Et que finalement, cette idée de SUV découvrable est bien géniale. Car, en définitive, le seul défaut de l’engin reste son prix.

Cette grosse molette sert à sélectionner les vitesses. Elle se rétracte lorsque l’on coupe le contact.

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MÉCANIQUE

Cobra SHELBY

Vices à l’excès

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Qui dit voiture de sport aux États-Unis pense toujours à Shelby. Et même si le génial Carroll nous a quittés, son nom résonne encore très fort du côté de Las Vegas. Textes et photos F. Montfort

O

n dit que Las Vegas est la ville des péchés, qu’elle a le vice dans ses quartiers. C’est une évidence. Et pas seulement pour les jeux d’argent. Plantée en plein désert de Mojave, cette cité du Nevada a grandi avec ses casinos depuis la légalisation des jeux d’argent en 1931. Ça, c’est pour les joueurs, les amateurs de roulette, de black-jack ou de poker. Mais pour les passionnés de voitures de sport aussi, Las Vegas est la Sin City (ville des péchés). Depuis 1998, aux abords du circuit de vitesse puis dorénavant à côté de l’aéroport, on y fabrique des Shelby. Enfin, fabrique, pas vraiment. Et des Shelby pas seulement. Bref c’est une histoire compliquée, si bien que nous sommes allés

Trois AC Cobra attendent sagement d’être livrées à leur nouveau propriétaire. Sans les moteurs...

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MÉCANIQUE

Pour éviter les normes récentes, Shelby vend des voitures... sans moteur

Cette version coupé, baptisée Daytona, a été dessinée par Peter Brock. Grâce à son aérodynamique révolutionnaire, elle dépassait les 300 km/h et battait les Ferrari 250 GTO de l’époque.

dans la ville des péchés pour vous la raconter. Un grand hangar blanc flanqué d’un logo bleu sur fond de ciel immaculé : bienvenue chez Shelby American, à quelques encablures du fameux Strip de Las Vegas. Pour ceux qui n’auraient jamais entendu parler de ce nom fabuleux, sachez que Carroll Shelby, né au Texas voisin en 1923, fut l’un des meilleurs pilotes américains de course automobile... après avoir tenté, plus jeune, d’élever des poulets. Mais encore plus que ses succès en course, son principal fait d’arme fut sans doute d’envoyer paître le Commendatore Enzo Ferrari lui-même le jour où le mythique Italien lui proposa de piloter pour lui... gratuitement. Trop fier pour l’accepter, et sans doute conscient de sa valeur de pilote, le Texan aurait claqué la porte du Commendatore avec la ferme intention de lui faire regretter sa proposition. On est à la fin des années 1950. Il gagne Le Mans à bord d’une Aston Martin mais ne

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rêve plus que d’une chose depuis son altercation : développer une voiture de sport américaine pour battre les Ferrari de l’arrogant Italien. Vont ainsi naître l’AC Cobra puis la Cobra Daytona coupé. Après avoir réussi à installer un V8 Ford dans une petite AC Bristol, Carroll fit rapidement la démonstration des performances de cette voiture légère et « gentiment » vitaminée. Mais si son AC Cobra fait la pige aux Corvette officielles, les Ferrari boxent dans une autre catégorie, et ajouter quelques canassons au cheptel déjà bien fourni de sa monture ne suffit pas. Le déclic viendra d’un certain Peter Brock. Dessinateur génial de la Corvette Sting Ray, alors qu’il n’avait pas 20 ans, il travaille à cette époque pour Shelby, à son école de conduite. C’est lui qui dessinera la Cobra Daytona, carénée, profilée et capable de dépasser les 300 km/h. En 1964, c’est une performance remarquable... et suffisante pour battre les Ferrari 250 GTO du Commendatore


Il existe deux versions de Daytona. Avec une carrosserie en fibre de verre, produite en Afrique du Sud. Ou en inox, comme ici.

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MÉCANIQUE

Officiellement, les Cobra Daytona en version inox viennent de l’Utah voisin. Mais les carrosseries sont en fait fabriquées en Pologne.

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pendant deux saisons. Seulement six exemplaires de cette Daytona seront produits en 1964 et 1965. Pour célébrer le cinquantenaire de cette Cobra Daytona, Shelby American a décidé l’an dernier d’en reproduire une poignée dans ses ateliers. Cinquante très exactement, qui seront au choix dotées d’une carrosserie en aluminium, comme l’originale, ou en fibre de verre. Le matériau n’est pas la seule différence. La version « fibre » (la carrosserie provient d’Afrique du Sud) est un peu plus large, et possède des équipements de confort modernes comme l’assistance de direction, les vitres électriques ou la

climatisation pour coller davantage aux exigences actuelles. Elle est aussi vendue environ deux fois moins cher... à presque 180 000 € tout de même (contre plus de 350 000 € pour la version alu), sans moteur ni transmission. Parce que pour éviter de satisfaire aux normes d’homologation en vigueur, qui tueraient la moindre velléité de reproduire pareil engin de nos jours, Shelby American délivre des voitures qui n’en sont pas. Des voitures sans chaîne de traction, autrement dit sans moteur ni transmission. Mais moyennant une petite rallonge (environ 40 000 €), une autre société, baptisée


Shelby Performance Parts, peut vous proposer de monter un V8 289 ci (4,7 litres, développant jusqu’à 500 ch) dans le châssis de Cobra Daytona coupé dont vous venez de vous porter acquéreur. Une astuce qui permet encore aujourd’hui de voir sortir des ateliers Shelby de Las Vegas de telles œuvres d’art. Et cela n’enlève rien du charme de la Daytona. Outre les lignes sublimes signées Brock, avec cet aileron en queue de canard caractéristique, cette réédition reprend presque tout de l’originale, des suspensions à lames de ressort transversales et bras en aluminium au châssis tubulaire renforcé

pour la course. On retrouve même, sur les versions alu dont la carrosserie provient de l’Utah voisin (après avoir été fabriquée en Pologne), des vitres coulissantes conformes au modèle d’origine. Et le même volant en bois, d’un diamètre bien trop grand pour nos habitudes de pilotes actuels, mais nécessaire pour compenser l’absence d’assistance de direction à basse vitesse. Il y a aussi tout une batterie d’interrupteurs à bascule, comme à l’époque, profusion de compteurs, évidemment analogiques, un court levier de vitesse, avec son soufflet désuet, et de l’aluminium partout, même sur le tunnel de

Cette Shelby est neuve, mais construite comme à l’origine. La firme américaine a relancé la production pour célébrer les 50 ans de cette version.

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MÉCANIQUE Un petit tour au musée Attenant aux ateliers, dans la banlieue de Las Vegas, un musée retrace l’histoire de la marque mythique. Ici, la toute première AC Cobra de Shelby himself.

transmission. À ce propos, seule une boîte manuelle à 4 rapports est proposée sur ce modèle : comme sur les versions qui trustaient les victoires en 1965. De l’autre côté du mur séparant le musée des ateliers, à côté de la sublime Daytona coupé « alu », attendent trois AC Cobra, prêtes pour la livraison. Dont deux portent un badge similaire à celui du coupé, gravé d’une inscription évocatrice : 50e anniversaire. Car si Shelby American vient de lancer la production d’une cinquantaine de coupés en célébration du demi-siècle de ce modèle de course, c’est sans doute parce que l’année précédente, la même opération fut lancée avec le roadster Cobra, en parallèle de la production devenue anecdotique d’AC Cobra, qui demeurait l’une des activités de Shelby à Las Vegas. Et devinez quoi, ça a si bien marché que l’idée de recommencer avec la Daytona fut rapidement adoptée. De quoi faire aujourd’hui tourner les ateliers du Nevada à plein avec, en plus, les préparations de modèles Ford ornés du badge Shelby (voir encadré). Mais revenons à nos AC FIA « 50e anniversaire ». Elles sont quasiment identiques aux modèles de 1964, avec une bouche béante pour alimenter le V8 289 ci en air frais (si toutefois c’est possible ici, dans le Nevada, tant les températures sont élevées), des phares ronds et une poupe

rebondie. Une réplique exacte de la version 289 FIA avec laquelle la légende Shelby débuta en compétition. Avec là encore le choix du matériau pour la carrosserie, en fibre ou en alu, et toujours l’obligation de signer un second chèque pour la doter d’un moteur et d’une transmission. Mais contrairement au coupé, le roadster existe encore aujourd’hui dans pas mal d’autres versions. Cette 289 ci FIA 50e anniversaire bien sûr, mais aussi dans une déclinaison nettement moins bodybuildée baptisée 289 Street qui rappelle la toute première AC Cobra bleue exposée dans le musée (et estimée à plus de 25 millions de dollars)... ou une fabuleuse 427 S/C. C’est la plus monstrueuse de toutes, dont le premier modèle fut dévoilé en 1966, quatre ans après la commercialisation des premières AC Cobra 289. Encore plus large, encore plus bestiale, elle adopte un châssis modifié et renforcé pour digérer la cavalerie de son V8 de 7 litres. Dans sa version la plus puissante, aujourd’hui, ce big block délivre 750 chevaux aux petites roues arrière sur lesquelles on est assis. Sans antipatinage, sans ESP, sans compassion. Et toujours avec, devant les yeux, ce tout petit pare-brise qu’une rafale pourrait coucher, et, derrière la tête, l’arceau arrondi chromé... pour rassurer le cow-boy qui osera en prendre le volant.

À Las Vegas, on ne fait que de l’assemblage. De fait, rien n’est fabriqué ici

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Ce museau est tout bonnement légendaire. Les versions les plus puissantes de cette AC Cobra étaient motorisées par un V8 de 7 litres et 485 ch. Deux exemplaires de Super Snake auraient vu le jour. Avec deux compresseurs... et 800 ch.

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MÉCANIQUE

Des Ford très particulières Shelby et Ford, c’est une longue histoire d’amour. Elle a débuté avant même que Carroll ne crée sa marque, puisque c’est avec l’accord de Ford à Détroit dès 1960 qu’il avait obtenu quelques V8 à caser dans des AC Bristol pour ses premiers prototypes. À l’exception de quelques collaborations avec Dodge par exemple, seules des Ford furent frappées du badge Shelby. C’est encore le

cas aujourd’hui. Plus que jamais d’ailleurs depuis que la marque de Détroit a relancé sa Mustang. Comme pour les Cobra, Shelby ne fabrique pas les Mustang Shelby de A à Z. Elles sont achetées à des revendeurs Ford par le client final, et c’est au revendeur de l’envoyer à Las Vegas pour la faire modifier. Les dernières générations de Mustang peuvent alors recevoir différentes prépara-

tions allant du moteur (sur base de V8 mais aussi de quatrecylindres) aux freins en passant par les trains roulants. Notons que pour l’instant, seule la précédente génération a eu le droit à la préparation ultime... faisant culminer la puissance du V8 à 1 000 ch. Enfin, depuis quelques années, Shelby s’attaque aussi au pick-up F150 et au Raptor. Discrétion non assurée.

Cet exemplaire de Mustang ancienne génération attend son propriétaire. Il développe plus de 1 000 chevaux...

Plus que jamais, la légende Carroll Shelby est vivante dans le Nevada. Même si l’illustre pilote s’est éteint en 2012 à l’âge de 89 ans, sa marque est plus vivace que jamais. Si vous venez faire un tour dans la ville des péchés, prenez quelques heures pour visiter le grand hangar blanc, près de l’aéroport. Vous y redécouvrirez l’histoire de la marque au travers des voitures qui l’ont façonnée

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dans le musée, où se côtoient des AC, des Mustang et même quelques modèles d’autres marques, et pourrez découvrir les ateliers où sont encore fabriquées aujourd’hui des voitures de légende comme ces AC Cobra ou Daytona coupé qui ont réussi à rivaliser avec les meilleures productions européennes dans les années 1964 et 1965. Et qui continuent de nous faire rêver en 2016.


La poupe est aussi mythique que la proue. D’autant que de nombreux pilotes, en course, ne voyaient l’AC Cobra que sous cet angle.

Les carrosseries arrivent à Las Vegas nues. Puis sont mises en peinture avant d’être assemblées au châssis tubulaire.

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MÉCANIQUE

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L’étude des fluides Dans le processus de développement d’une moto, le passage en soufflerie est primordial. Pas seulement pour les performances, les consommations ou la stabilité, mais aussi pour la protection du pilote. Textes J-F. Bechu, photos DR

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MÉCANIQUE « L’écoulement de l’air se modélise bien par ordinateur. Pas celui de l’eau » Karl Viktor Schaller, directeur du développement chez BMW Motorrad

Photo J-F. B.

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rogressivement, l’opérateur augmente la vitesse depuis son pupitre. Tout à l’heure, l’affichage numérique indiquait 80 km/h, la vitesse du tapis roulant qui défilait sous les roues de la moto... et celle de l’air et de l’eau propulsés par les énormes ventilateurs de la soufflerie BMW, un immense bâtiment situé dans les environs de Munich. Maintenant, le compteur dépasse les 100 km/h. Les premières gouttes d’eau constellent le haut du buste du mannequin, quelques-unes commencent à atterrir sur la selle, derrière, à la place du passager. À 120 km/h, on aperçoit de


Le passage en soufflerie est encore plus important pour une moto que pour une voiture. C’est là que la protection du pilote prend forme.

petits tourbillons blancs se former juste derrière le conducteur, balayant la selle et le dos du mannequin. Dans la soufflerie éteinte, juste éclairée d’une lumière noire qui rend tout bleu et nous oblige à porter des lunettes de protection spécifiques, les ingénieurs et techniciens BMW terminent leur test pluie. « Avec une moto de ce type, une routière dotée d’un carénage assez grand, on peut rouler sous la pluie quasiment sans être mouillé. Mais cela dépend tout de même de la vitesse. L’idéal, c’est d’évoluer entre 80 et 100 km/h, comme le font la majorité des motards sur routes et autoroutes mouillées. En

dessous, l’eau n’est pas assez déviée par le flux aérodynamique, au-dessus elle va subir des turbulences qui vont la rabattre sur le pilote et son passager, nous explique un des techniciens. À nous, grâce à nos essais en soufflerie, de proposer la protection souhaitée par le client en modifiant légèrement des éléments du carénage. » Deux heures plus tôt, dans son bureau, Karl Viktor Schaller, le grand patron du développement des motos allemandes, nous l’avait bien expliqué. « Pour chaque modèle de notre gamme, la première étape du développement est de définir le segment dans lequel il va évoluer. Cela va

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MÉCANIQUE

Le moindre détail peut modifier le flux d’air et changer la stabilité, la consommation ou le confort de la moto.

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déterminer son gabarit, son utilisation, sa motorisation... Vous ne pensez pas une routière comme un roadster urbain, une ultra-sportive comme un scooter. C’est seulement une fois le segment de la moto défini, ce qui revient à tenter de répondre aux besoins du client final en termes de performances, de confort, de protection, qu’on va commencer le design. » C’est une étape très importante, car encore plus que pour une voiture, le design d’une moto va complètement déterminer ses performances, son confort et son niveau de protection (au vent et aux intempéries). « Les essais en soufflerie débutent très tôt dans le développement. Ils nous permettent de comprendre beaucoup de choses que nous ne pouvons modéliser avec nos outils informatiques. L’écoulement de l’air se simule assez bien. Mais une toute petite turbulence à une certaine vitesse peut perturber la dissipation de la chaleur et gêner le conducteur. » Dans une voiture,

la température de l’habitacle dépend du système de ventilation, de la climatisation ou du chauffage. Sur une moto, c’est autre chose. À basse vitesse, en ville par exemple, la température du moteur et du radiateur pose d’énormes problèmes aux ingénieurs. Surtout sur les grosses motos, dont les moteurs à quatre ou six cylindres cloisonnés sous le carénage dégagent beaucoup de chaleur. Il faut alors dessiner des conduits pour guider ces calories loin des jambes des passagers. Mais si ces évents sortent de manière trop perpendiculaire sur les côtés, dès que la moto va prendre de la vitesse, ces flux d’air chaud vont perturber l’aérodynamique globale de la moto... et générer des turbulences catastrophiques pour le confort et pour la stabilité. Dans la matinée, un essai de chaleur occupait nos ingénieurs. Pour ces tests, la moto roule vraiment, moteur en marche, rapport sélectionné... et système d’évacuation des


gaz d’échappement connecté aux pots. « Lors de ces essais, nous n’observons pas les turbulences derrière la moto, donc nous pouvons brancher ces collecteurs de gaz. Là, nous nous concentrons sur la cinquantaine de capteurs de température répartis sur le mannequin. Et nous observons les mesures en fonction de la vitesse, bien sûr, mais aussi en fonction de la température extérieure et de celle du moteur. » L’affichage donne 35 °C pour l’air (mais les essais couvrent toutes les utilisations), et presque 100 °C pour le moteur qui tourne à pleine charge depuis cinq minutes... Seul le capteur sur le haut du tibia dépasse les 40 °C. « Si l’air est bien guidé, la chaleur du moteur ne vient pas perturber le pilote », confirme un ingénieur. Même si l’activité moto n’est qu’une infime partie du travail réalisé dans les souffleries du constructeur allemand, principalement employées pour les essais des autos des marques BMW et Mini, elle mobilise tout de même

pas mal de ressources. « La journée de la semaine qui nous est dédiée, nous utilisons la soufflerie de 6 heures du matin à 22 heures. Le travail ne manque pas, d’autant que le plus compliqué n’est pas la gestion des températures ou des flux d’air, mais l’écoulement de l’eau, explique Karl Viktor Schaller. C’est vraiment quelque chose qu’il est difficile de modéliser. L’eau est un fluide particulier, qui de surcroît n’arrive jamais vraiment de face sur le pilote et sa moto. Les essais restent très importants, sans remplacer les millions de kilomètres de roulage sur route. Mais seule la soufflerie et le laboratoire “climat” nous permettent de reproduire les mêmes conditions pour valider nos choix. Et n’oubliez pas que nous mettons des motos au point, mais aussi des équipements, comme des casques ou des combinaisons... » Pour les essais pluie, le mannequin est recouvert d’une combinaison en plastique. Et l’eau pulvérisée est chargée d’un marqueur fluorescent

En fonction des essais pratiqués, la moto peut être statique, comme ici, ou sur un tapis roulant qui simule de défilement de la route.

Les casques aussi sont développés en soufflerie

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MÉCANIQUE

Un laboratoire « climat » permet aussi de simuler des conditions de roulage extrêmes. Avec, cette fois-ci, un vrai pilote sous le casque.

Ces tests grandeur nature, en laboratoire, ne remplacent pas les millions de kilomètres de roulage effectués tous les ans par les metteurs au point de la marque.

qui va réagir à la lumière noire... et rendre l’eau blanche et particulièrement visible à l’œil et sur les photos. Le ballet de ces gouttes blanches a quelque chose d’étonnant. On observe facilement leurs différences de mouvement en fonction de la vitesse, de l’inclinaison du flux, qu’il vienne de face, dans le sens de la marche, ou légèrement de côté, comme quand on roule avec un peu de vent. Et l’on comprend vite pourquoi la forme d’un saute-vent, d’un guidon, d’un réservoir ou même d’une écope de radiateur, va complètement modifier l’écoulement de l’air... ou de l’eau. Mais finalement, il doit être possible de faire

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la moto parfaite, de dévier l’air et l’eau à coup sûr ? « Pas vraiment. N’oubliez pas que tout cela doit aussi servir la finesse aérodynamique pour maintenir les consommations au plus bas... et surtout la stabilité. Sur les grandes routières, avec les valises, le top-case, les sièges à accoudoirs et les gros moteurs, croyezmoi, la tâche est ardue. D’autant que plus la moto est longue et plus elle est sensible aux turbulences, corrige Karl Viktor Schaller. La moto parfaite n’existe pas. » Mais avec de tels outils, la moto presque parfaite pour un type d’utilisation bien défini, ils ne doivent pas en être très loin. En tout cas, ils y travaillent.


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Shelby American Adresse 6405 Ensworth St., Las Vegas, NV 89119, USA. Tél. +1-702-942-7325 . Site Internet www.shelby.com

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Dans les coulisses de l’équipe cycliste AG2R La Mondiale, à quelques semaines du Tour de France. Et avec Gilles Martinet, le chef mécanicien de l’équipe, pour nous détailler les secrets des vélos utilisés par les coureurs toute l’année.

Bienvenue chez Cantillon, à Bruxelles. Une brasserie pas comme les autres où Jean Van Roy fait vieillir ses lambics dans des fûts en bois avant d’en faire des bières hors du commun, nature ou aromatisées aux fruits frais.

Nicolas Ivanoff est un pilote d’avion un peu spécial. Entre deux meetings, dont le championnat du monde Red Bull Air Race qu’il vient de remporter à Abu Dhabi, il nous a conviés à un drôle de baptême.

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Triple champion du monde des rallyes WRC

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lors si je dois résumer mon année 2015, je dirai juste que nous avons atteint nos objectifs sportifs avec Volkswagen, c’est-à-dire les titres pilotes et constructeurs. On a remporté beaucoup de victoires sur la saison [huit sur treize rallyes, NDLR], dont une peut-être plus importante que les autres, sur le rallye d’Allemagne. C’était vraiment la course que je voulais gagner en 2015, sans doute encore plus pour l’équipe que pour Julien [Ingrassia, son copilote, NDLR] et moi. Bref, ce fut une belle saison professionnellement. Personnellement aussi, puisqu’en fin d’année, avec ma femme, nous avons eu la joie d’apprendre LA VENUE PROCHAINE D’UN BÉBÉ. C’est prévu pour juin. Alors évidemment, 2016 va être une grande année. Côté WRC, nous l’avons bien

commencée, avec deux victoires de rang, au MONTE-CARLO en ouverture du championnat puis en SUÈDE. Pour la troisième épreuve, nous avons fini deuxièmes, après avoir été bien ralentis par notre position d’ouvreur, très handicapante sur les routes poussiéreuses du Mexique [l’ordre de départ est déterminé par le classement mondial, NDLR]. Je vais encore balayer la piste pour mes rivaux au prochain rallye d’Argentine, dans quelques jours. Mais vu que c’est le seul que je n’ai jamais gagné, je vais faire tout ce que je peux pour essayer de l’emporter malgré tout. Car cette année encore, l’objectif est de ramener les deux titres. Enfin, en attendant l’arrivée de notre enfant, peut-être pour nous entraîner un peu avec ma femme, nous venons d’accueillir dans notre foyer un petit chien. Ça occupe déjà bien... »

Max Commençal Créateur de VTT

«N

ous avions parlé de tant de choses quand vous étiez venus nous voir en Andorre, en février 2015. Des nouveaux bureaux, que nous avons inaugurés quelques mois plus tard en grande pompe lors du championnat du monde de VTT, ici en Andorre, en septembre dernier. Ce fut l’un des gros événements de l’année 2015 pour la MARQUE COMMENÇAL. Donc pour moi, bien évidemment. L’autre challenge, c’était le lancement de Commençal USA, avec le même modèle de distribution par Internet que celui développé en Europe. Au bout d’un an, nous avons vendu deux fois plus de vélos que prévu. Même si nos objectifs étaient raisonnables, c’est une vraie satisfaction de réussir un lancement. Pour 2016, outre mes ambitions revues à la hausse sur le marché américain, nous avons aussi un autre grand projet : le lancement de Commençal Canada, du côté de la Colombie-Britannique, non loin de Vancouver. Avec, là encore, un bureau, un site Internet dédié et des ventes en direct aux consommateurs. D’ailleurs, on lance tout ça... demain. Enfin, côté course, difficile de ne pas penser à L’ÉTAPE DE COUPE DU MONDE qui va se jouer ici en Andorre, à domicile, en

130 Followed Magazine

septembre. Nous avons renforcé le team de descente Commençal Vallnord by Riding Addiction, nous continuons à développer le V4, ça pourrait bien marcher. Et puis, bien sûr, nous travaillons sur des nouveaux vélos... mais ça, vous vous en doutez. Et je ne vais pas vous en dire plus... »


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