Followed #10

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Followed r e n c o n t r e r&d é c o u v r i r

- ART de vivre - SPORT et loisirs SPÉCIAL

AUTO

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ÉDITO

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ous les deux ans, à la porte de Versailles, à Paris, c’est la fête. La fête de l’automobile, la fête des amoureux de ces jouets pour

adultes. Notre fête à nous, quoi. Nous serons

Directeur de la rédaction

plus d’un million à nous promener dans les allées du plus fréquenté de tous les Salons

Luc Augier

automobiles. Du passionné de Formule 1

Rédacteur en chef

ou de rallye-raid au père de famille hésitant

directeur de la publication

Christophe Boulain

entre un monospace ou un SUV... espérant

chboulain@followed.fr

que « maman » le laissera choisir. Utopie. Pour

Rédaction

J.-F. Béchu, A. Bloch, W. Coldefy, P. Lefebvre, F. Montfort, D. SaintAubin, Y. Youinou

Photographes

B. Cahier, P.-H. Cahier, D. Fontenat, Mitchell, Tibo

Conception

M. Souday, L. Hériau

Fabrication

SIB Imprimerie, Boulogne-sur-Mer. Imprimé en France Dépôt légal à parution ISSN : 2427-0881 Diffusion presse et pro Axiome group, France MLP, Belgique Tondeur Diffusion

l’occasion, Followed modifie ses habitudes, avec davantage de sujets dédiés à notre passion com-

C’est la

fête

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mune. Avec le portrait de celui que beaucoup, dont moi, considèrent comme le meilleur pilote de tous les temps, même si son palmarès fait triste mine comparé à ceux des Schumacher ou Loeb. Mais Ayrton Senna, que mon confrère Luc Augier côtoya pendant tant d’années, aura toujours une place à part dans le cœur des amateurs de sport auto. Dans ce numéro, vous allez aussi trouver une sélection séduisante de nouveautés, à quatre, six ou huit cylindres, essayées sur différents terrains de jeu. Car il ne faut jamais oublier que ces superbes jouets sont avant tout faits pour voyager. Un peu d’histoire aussi, et de la technique, car cela ne peut jamais faire de mal d’apprendre ou de réapprendre. En revanche, pas de voitures électriques cette

jmd@hdmedias.com Tél. +33 (0)6 62 46 64 72

fois. Elles seront pourtant

Followed Magazine est édité par Followed SAS SIREN : 808 701 569 Capital de 20 000 € Président C. Boulain Tél. +33 (0)6 62 46 64 72

porte de Versailles. Mais

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à l’honneur en octobre, si l’avenir leur appartient, contentons-nous pour une fois de profiter du présent. De faire la fête !

Christophe Boulain

Abonnement : pages 100-101 et 125-126 Photo de couverture : Paul Henri Cahier Photography

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SOMMAIRE 14 Contributeurs

Sportifs, artistes ou artisans, nous les avons rencontrés

Légende 18 Ayrton Senna

Retour sur la carrière d’un pilote légendaire

30

18

Culture 30 Musique

Entretien avec le chef d’orchestre J.-C. Casadesus

Mode & objets 38 Montre

Rencontre avec Richard Mille

48 Son

Immersion dans l’univers du son – presque – parfait

48

Art de vivre

38

54 Café

La torréfaction expliquée de A à Z

Comment ça marche 62 VTTAE

Qu’est ce qu’un VTT assisté électriquement ?

Sport & loisirs 66 Maréchal-ferrant

62 54

Un drôle de métier en pleine évolution

Abonnement 100-101 et 125-126

Recevoir Followed directement chez vous, dans votre boîte à lettres, c’est facile. Suivez les indications

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SOMMAIRE

76

Sport & loisirs

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76 Voyage

Balade entre mer et nuages sur l’île de Skye, en Écosse

Mécanique 86 Porsche

Essai de la plus désirable des 911 dans sa version R

94 Mercedes

Gare aux yeux et aux oreilles avec le cabriolet C 63 S AMG

102 Abarth

Une petite italienne qui transforme Paris en circuit

108 Seat

Découverte de la fabuleuse Transfagarasan en Seat Cupra

102 94

114 Jeep

Retour sur quatre Jeep qui ont façonné la marque

120 Michelin

Tout comprendre des pneus sport chez Michelin

108

Contacts 127 Retrouvez toutes les

coordonnées de nos sujets

Rendez-vous 128 Followed 11

Un aperçu de ce qui vous attend fin octobre

114

Après les Jeux de Rio 130 Gauthier et Brice

Ils nous ont raconté leurs JO

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CONTRIBUTEURS

Luc Augier Journaliste spécialisé dans le sport auto entre 1965 et 2008, Luc était présent à tous les Grands Prix de Formule 1 auxquels Ayrton Senna participa.

Régis Bernez Fils de pilote d’essai Michelin, Régis perpétue la tradition familiale sur les pistes ultra-secrètes de Michelin, à Ladoux. Il travaille avec Pierre Chaput.

Jean-Claude Casadesus Chef d’orchestre mondialement connu, cet octogénaire génial a démocratisé la musique classique partout où il est passé.

Pierre Chaput Ingénieur chez Michelin, Pierre a participé à la mise au point des pneus super-sport de la Ford Focus RS avec Régis Bernez. Et nous en a expliqué tous les secrets.

Thierry Chrétien Spécialiste du son et propriétaire du magasin Acoustic Gallery à Paris, il nous a guidés dans les méandres techniques des plus belles enceintes acoustiques.

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CONTRIBUTEURS

David Delapierre Passionné de VTT d’enduro, assisté ou pas, David est aussi propriétaire du magasin Mountainbiker Paris. Il nous a expliqué comment fonctionnent les VTTAE.

François Halbout Maréchal-ferrant dans l’Eure, François passe ses journées aux pieds des chevaux. Pour leur poser des fers ou leur refaire des sabots.

Richard Mille La vision de l’horlogerie de luxe de Richard Mille est une combinaison de quatre valeurs. Il nous les détaillées lors d’un entretien passionnant.

Christophe Servell Élu Meilleur Torréfacteur de France en 2015, il était le guide idéal pour nous expliquer tout de la cuisson des grains de café, dans l’atelier de la Compagnie des Torréfacteurs, à Strasbourg.

Brandt Rosenbusch En charge du musée Jeep, c’est le spécialiste de l’histoire de cette marque mythique. Retour sur 75 ans de 4x4.

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Sac : CABINE I Photographie : Yves Mourtada


LÉGENDE

Ayrton Senna

de soi Dépassement

Entre ses débuts en 1984 et son tragique accident

une décennie plus tard, Ayrton Senna aura marqué l’histoire de la Formule 1 des années 1980.

Par sa lutte avec Alain Prost bien sûr, mais surtout par cette volonté d’aller chercher la performance ultime. Quitte à dépasser les limites. Textes C. Boulain, photos B. et P.-H. Cahier

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Senna dans sa Lotus, à Brands Hatch en 1985. Il restera trois ans dans cette équipe après une saison chez Toleman.

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C’

était le 14 mai 1988, en fin d’après-midi sur le Rocher. Luc Augier, alors reporter pour la radio RTL, s’en souvient comme si c’était hier : « Nous venions d’assister à quelque chose d’incroyable. Et ce n’était que le début... Senna, avec sa McLaren MP4/4 conçue par l’ingénieur sud-africain Gordon Murray venait de s’emparer de la pole position du Grand Prix de Monaco avec 1 seconde et demie d’avance sur Prost, son coéquipier déjà double champion du monde. Prost, la référence, avec la même voiture de surcroît, c’était impensable. Nous étions à Monaco, pas à Spa, ici le tour se boucle en moins de 1’30, et pourtant l’écart était énorme. »

Même s’il ne couvre plus les Grand Prix, celui qui les a suivis de 1965 à 2008 a l’œil pétillant quand il parle de cette course monégasque. « Ce jour-là, Senna a pris une tout autre dimension. Sa performance était incroyable, que Prost ait ou pas joué la pole position. Mais son explication, après, en salle de presse, l’était encore plus. Il nous raconta alors qu’il avait eu l’impression que le circuit était une sorte de tunnel, qu’il se sentait guidé. Et, surtout, qu’on pouvait toujours aller au-delà de ce qu’on croit être la limite. Certains diront qu’il se pensait guidé par Dieu, mais ce n’était pas son propos. Depuis sa première pole position en 1985, il avait prouvé sa vélocité. Ça n’était pas discutable. Mais après ce Grand Prix, sa quête de la performance

absolue fut encore plus impressionnante. Depuis ce jour, dès qu’il partait en piste pour un tour qualif, nous en avions des frissons... » Tous les grands champions ont des jalons, des étapes dans leur carrière. Pour le Senna pilote de Formule 1, Monaco 1988 en est un. Mais le premier fut sans aucun doute quatre ans plus tôt, déjà sur le rocher monégasque. Après avoir écumé les circuits de karting sud-américains puis mondiaux à la fin des années 1970, le natif de São Paulo, qui porte le nom de sa mère pour ne pas pénaliser son riche industriel de père, s’était exilé en Europe après deux titres de vice-champion du monde de la catégorie. C’est en Grande-Bretagne, La Mecque du sport auto de l’époque, qu’il posait ses valises, pour y faire sa première saison en « voiture », en 1981. Couronné en Formule Ford 1600 dès sa première saison, il remporte aussi le titre britannique en catégorie 2000 l’année suivante, puis s’impose en 1983 en Formule 3, l’antichambre de la F1. Alors qu’il devait rentrer au Brésil prendre la suite de son père, Ayrton reste en Europe pour débuter une saison de F1, sous la coupe bienveillante de l’homme de confiance de son père, Armando Teixeira, qui restera son manager jusqu’en 1989. « Senna avait fait des tests pour différentes équipes à la fin de la saison 1983. Il allait logiquement passer dans la catégorie reine, mais il n’avait pas de volant dans une grande équipe », raconte Luc Augier. De fait, le Brésilien signe avec la petite écurie Toleman. Il marque son premier point en championnat dès sa deuxième course et les esprits dès sa cinquième. C’est à Monaco, il pleut et Senna remonte comme un avion sur Prost, alors en tête avec sa McLaren. La direction de course arrête les monoplaces au moment où Senna rejoint Prost. Le Français s’impose devant ce jeune acrobate brésilien. L’histoire est en marche.

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LÉGENDE

A

près Toleman, direction Lotus, cette fois dans une équipe capable de viser la victoire en Grand Prix. Durant la première des trois saisons passées dans cette écurie, Senna inscrit sept fois son nom en haut de la feuille des temps qualificatifs. Il s’impose déjà comme l’un des pilotes les plus rapides du plateau. Mais il ne remporte que deux victoires, comme il le fait d’ailleurs en 1986 puis en 1987. Le titre lui échappe, revenant par deux fois au Français Prost et une à son compatriote Nelson Piquet. Plus que les chiffres, il faut retenir les impressions laissées par Ayrton Senna lors de ces trois saisons chez Lotus. « C’était un excellent pilote, mais aussi un fin technicien, très impliqué dans la mise au point des moteurs ou des pneus. La télémétrie, c’était lui. Il avait une fantastique sensibilité doublée d’une excellente mémoire. Je me souviens d’ingénieurs qui se cachaient dans les halls d’hôtels quand ils voyaient le Brésilien rentrer de la piste le soir... pour ne pas se voir empêtrés dans un débriefing aussi interminable qu’improvisé dont Senna avait le secret. Il voulait tout comprendre, tout le temps. » Gérard Ducarouge, son ingénieur chez Lotus, avait aussi raconté qu’un jour, pour réduire les coûts, il avait demandé en douce à ne remplacer que trois jeux de plaquettes sur quatre pour des qualifications. Senna était rentré avant la fin de la séance pour demander pourquoi sa voiture freinait mal à l’arrière gauche... là où on n’avait pas mis des freins neufs. Pourtant, personne ne le lui avait dit. Il ne laissait rien au hasard, cherchait à progresser sans cesse pour gravir les échelons d’un

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championnat dominé ces années-là par McLaren et Williams. Son habileté sous la pluie était aussi remarquable. « Plusieurs fois, durant ses années de karting, il s’était rendu compte de sa faiblesse sous la pluie. Il avait alors travaillé dur pour maîtriser ces conditions, sortant rouler en kart dès qu’il pleuvait. Cela donnait un mélange étonnant de maîtrise... et de déraison. » Si, en 1987, le châssis de sa Lotus ne lui permet pas de jouer le championnat, le moteur Honda turbo qui équipe aussi les Williams de Piquet et Mansell est le meilleur du plateau. Si bien que l’écurie McLaren, motorisée par un bloc Porsche à bout de souffle faute de développement, rêve de transférer le couple Senna-Honda dans une livrée rouge et blanche. C’est chose faite la saison suivante, en 1988. Avec Prost comme coéquipier.

Avec la meilleure voiture du plateau, Senna va faire treize fois la pole sur seize courses. Il ne laisse que des miettes à ses concurrents, repoussant toujours plus loin la performance ultime sur un tour de piste. Il remporte aussi la moitié des courses de l’année. Une de plus que Prost, qui termine pourtant la saison avec davantage de points. Mais à cette époque, pour favoriser les vainqueurs, le classement ne retient que les onze meilleurs résultats : c’est le premier sacre du Brésilien. Et aussi la fin de l’entente – presque – cordiale entre les deux équipiers chez McLaren.


Senna saluant la foule au Japon, en 1993. Il termine second du championnat derrière Prost et va quitter McLaren pour Williams.

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éjà, en 1988, les deux pilotes s’étaient pas mal querellés. Des rumeurs circulaient dans les paddocks, disant que Honda favorisait Senna. « Je ne sais pas si c’était vrai, explique Luc Augier. Mais une chose est sûre, Senna exploitait comme personne son turbo Honda. Il avait aidé au développement de ce moteur chez Lotus et s’entendait bien avec les motoristes japonais. Et il avait cette façon si particulière de mettre de petits coups d’accélérateur dans les virages pour maintenir le moteur au bon régime. Est-ce cela qui faisait la différence ? Je ne sais pas. » Toujours est-il que beaucoup pensent Prost défavorisé. L’entente entre les deux s’était encore dégradée d’un cran après que Senna eut tassé le Français contre le muret dans le second tour du Grand Prix du Portugal 1988. Parce que Prost le lui avait fait le tour d’avant, selon lui. La saison 1989 ressemble sous deux aspects à la précédente : Senna y signe treize pole positions sur seize courses et les deux McLaren trustent les victoires. Mais si les deux rivaux avaient fini 1988 bras dessus bras dessous en Australie, cette fois l’entente est bien finie. Chez McLaren, on tente de contenir ces deux pur-sang. On entend d’ailleurs parler de pacte de non-agression passé entre les deux à Imola : pas d’attaque au départ. Mais après l’accident de Berger et l’interruption de la course, Senna saute Prost au second départ et gagne le Grand Prix. Le Français est furieux, confirmant au passage

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le fameux pacte qui n’aurait pas été respecté : le Brésilien répond qu’il n’avait pas le droit d’attaquer au premier départ. Mais que rien n’était prévu pour le second. Lors d’une séance d’essais privés en Grande Bretagne quelques jours plus tard, Ron Dennis, le patron de l’équipe McLaren, invite les deux pilotes à s’expliquer, à huis clos. Prost racontera à des amis journalistes que Senna avait les larmes aux yeux lors de cet entretien. Certains diront comme un gamin pris la main dans le sac. Le Brésilien ne pardonnera pas à son rival de l’avoir ainsi ridiculisé. Le lien est cassé : œil pour œil, dent pour dent.

On connaît le dénouement de l’histoire. Grand Prix du Japon 1989, l’avant-dernière manche de la saison : à l’approche du quarantequatrième tour, Senna porte une attaque sur Prost, alors premier. Celui-ci ferme la porte et les deux monoplaces s’accrochent. Senna se fait pousser par les commissaires pour redémarrer sa McLaren calée, repart et gagne la course après un passage par les stands pour réparer. Mais sa manœuvre lui coûte une disqualification, donnant le titre à Prost.

« Le pire dans cette histoire, c’est que si Prost avait continué, il aurait gagné. Selon Jo Ramirez, de McLaren, sa voiture n’était pas endommagée, contrairement à celle de Senna. S’il ne l’avait pas quittée pour abandonner, il gagnait tout simplement et personne n’aurait rien eu à redire. » Sauf qu’il y a eu disqualification et une énorme frustration du côté du Brésilien. Suzuka 1989 aura une suite...


1990, au Japon, l’année de son second titre mondial. Quelques instants après cette photo, il ira percuter Prost en bout de ligne droite.

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Grand Prix d’Europe 1993, à Donington. Malgré une McLaren à moteur Ford « client », Senna s’impose sous la pluie devant Hill et Prost.

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rost parti chez Ferrari et remplacé chez McLaren par l’Autrichien Berger, Senna prend vite les devants au championnat. Il signe encore dix pole positions et six victoires pour s’adjuger un second titre mondial. Mais rien ne se passe tranquillement. Les tensions avec Prost sont continuelles et aboutissent, encore au Japon, à un nouvel incident.

Auteur du meilleur temps, Senna souhaite mettre la pole à gauche de la piste, là où elle est propre et où il a le plus de chances de bien partir. La direction de course s’y oppose. Au feu vert, Prost, second sur la grille, s’envole pour pointer en tête au bout de la ligne droite... jusqu’à ce que Senna le harponne. « C’était volontaire, il l’a même avoué l’année suivante. Ron Dennis connaissait la décision d’Ayrton d’aller percuter Alain en bout de ligne droite s’il le dépassait au départ. Ron s’y était même posté pour observer la scène, ce qu’il ne faisait jamais. » Cela confirme une chose : Senna est prêt à tout pour gagner. Il n’est pas en F1 pour se faire des amis. On ne lui en connaissait que deux, les pilotes Berger et Boutsen. Contrairement à Piquet ou Prost, il ne fraternisait pas avec les journalistes. « C’était un garçon exigeant qui ne vivait que pour la course pendant la saison. Un mec plutôt gentil hors de la piste, dont la pire insulte était “vous n’êtes pas professionnel”... mais un tueur dans la voiture. » La saison 1991 voit pointer un nouvel opposant. Prost, empêtré chez Ferrari avec une monoplace qu’il qualifiera de camion, ce qui lui vaudra d’être remercié en fin de saison, c’est Mansell et sa Williams qui s’opposent au sacre de Senna. Pourtant, les histoires entre

le Français et le Brésilien perdurent. En Allemagne, au volant d’une McLaren rétive, Senna bouchonne Prost. Le pilote Ferrari dira même que le Brésilien « mettait des coups de freins en ligne droite ». Et ajoutera : « S’il recommence, je le vire. » C’est si tendu que le président de la fédération, Jean-Marie Balestre, les convoque pour s’expliquer, entre quatre yeux, dans la caravane Elf lors du Grand Prix de Hongrie. « Ils sont restés 1 heure 20 ensemble, tous les deux. On ne sait pas ce qu’ils se sont dit, ni même s’ils se sont parlé. Cela restera un mystère. » À la fin de la saison, Prost part en année sabbatique, poussé dehors par la Scuderia. Et Senna se retrouve face à un monstre : Mansell, et sa Williams imbattable dotée d’une boîte de vitesses automatique, de suspensions pilotées et d’un antipatinage. Durant la saison 1992, l’ogre anglais dévore tout sur son passage, laissant des miettes à Senna (une seule pole, trois victoires et une quatrième place au classement). Il se dit que la motivation du Brésilien n’est plus la même... depuis que son pire ennemi n’est plus là. Mansell remercié après son titre mondial fin 1992, une habitude chez Williams, Prost hérite de ce baquet tant convoité. Avec la meilleure voiture du plateau, le Français tient son quatrième titre. Mais même si la McLaren de Senna souffre de la comparaison, le Brésilien fait mieux que se défendre : il termine vice-champion, gagnant à cinq reprises, dont à Monaco, et sous la pluie de Donington le Grand Prix d’Europe devant les deux Williams de Hill et Prost. Ce jour-là, lorsque le Français se plaint de sa voiture en conférence de presse, Senna lui répondra : « Tu veux qu’on échange ? » Une boutade ? Pas seulement : il signe chez Williams pour la saison suivante.

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Lors du second Grand Prix de l’année 1994, dubitatif sans doute en pensant à sa monoplace ratée. Senna décédera lors de la course suivante, en Italie.

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urant l’intersaison 1993-1994, Senna découvre cette Williams qu’il a tant voulue. Depuis deux saisons, elle lui empoisonne la vie, avec Mansell puis Prost à son volant. Mais le règlement a changé : fini les aides électroniques, les antipatinages, les suspensions pilotées ou les transmissions qui engagent d’une pression sur un bouton le bon rapport (repérée par GPS, la boîte sait sélectionner le bon rapport dans chaque virage). Sa monoplace ne s’avère pas aussi performante que prévu. Il passe son hiver à la découvrir, à tenter de la dompter alors qu’habituellement il fait une longue pause au Brésil en famille. Dès la première course, dans son pays, il comprend que cela ne va pas être évident. Bien sûr, il réalise la pole. Ses ingénieurs l’ont toujours dit : il peut tirer 150 % d’une voiture sur un tour. Mais la course se solde par un abandon sur tête-à-queue, la victoire souriant à un jeune Allemand prometteur, Michael Schumacher. Depuis son arrivée dans le circuit, Schumi empoisonne la vie de Senna. Ils ne s’aiment pas. En 1992, déjà au Brésil, ils avaient eu des mots. Senna, en prise avec une McLaren capricieuse, bouchonnait volontairement Schumacher. À l’arrivée, l’Allemand avait déclaré que ce comportement était indigne d’un champion du monde. Ambiance. En France, ils s’étaient accrochés par deux fois. Et lors d’essais en Allemagne, ils avaient failli en venir aux mains. Senna n’a pas la voiture pour gagner, il se bat avec. « Je me souviens qu’il avait déclaré à son ingénieur, un jour en sortant de sa Williams : “Vous vous rendez compte de ce que vous m’obligez à faire...” Il faisait des miracles avec sa voiture en qualification. Mais à quel prix ! » Senna a perdu sa meilleure motivation à se dépasser en course, Prost. Senna est triste. Au second Grand Prix, il refait la pole. Mais abandonne encore, après un accrochage avec Larini.

Pour augmenter sa frustration, il découvre que certaines équipes n’ont pas banni toutes les aides à la conduite comme l’exigeait le nouveau règlement. Schumi et sa Benetton auraient un antipatinage. Et ce ne sont pas les seuls... C’est dans ce contexte que la F1 débarque à SaintMarin. Dès le vendredi, le Grand Prix tourne au cauchemar avec l’accident spectaculaire dont le Brésilien Barrichello sort miraculeusement quasi indemne. Pire le lendemain, avec la sortie de route tragique de Ratzenberger. Senna, auteur de la pole, est terriblement marqué. Lui qui avait risqué sa vie pour sauver Érik Comas après son accident à Spa deux ans plus tôt sait que le plus précieux, c’est la vie. Il n’a pas envie de courir. Pourtant, il prend le départ le dimanche 1er mai 1994 à Saint-Marin. Coup de communication ou pas, il déclare à sa radio de bord, avant la course, en direct à la télévision française pour laquelle Prost est consultant, qu’Alain lui manque. C’est sans doute vrai.

Juste après le départ, qu’il prend en tête, dans la courbe à gauche de Tamburello, la colonne de direction de sa Williams, qu’il avait fait modifier pour davantage de confort, cède. Sa monoplace tire tout droit dans le mur, ne laissant derrière elle que deux traces de gomme trahissant le freinage désespéré de son pilote. À presque 200 km/h, l’impact est terrible. Senna se tue. Fin de l’histoire.

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CULTURE

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Jean-Claude Casadesus

Magique baguette Il cède sa place au pupitre de l’Orchestre national de Lille, qu’il a fondé il y a 41 ans. Et nous explique au passage pourquoi un chef d’orchestre n’est pas juste un métronome géant. Propos recueillis par A. Bloch, photos A. Bloch

Q

uelle frite ! Parachuté il y a quatre décennies à la tête du moribond orchestre ORTF de Lille, l’octogénaire « russo-catalan né à Montmartre », comme il se décrit, parle de musique comme il joue au tennis : avec une énergie et une passion communicatives. Des revers, il en a d’ailleurs sans doute connu, mais ce n’est pas ce qu’il retient lorsqu’il évoque l’Orchestre national de Lille, dont il transmet la baguette en ce mois de septembre. Car « Casa », comme on le surnomme quand il a le dos tourné, est avant tout un artisan acharné de l’éducation populaire par la musique, qu’il a mise en œuvre jusque dans les villages les plus reculés de cette région que l’on connaît désormais sous le nom de « Hauts-deFrance »... et même en maisons d’arrêt. Une drôle de dynastie, ces Casadesus, dont la matriarche, Gisèle, sociétaire honoraire de la Comédie-Française,

écume toujours les plateaux de tournage à 102 printemps ! Une famille composée presque exclusivement d’artistes ayant succombé aux muses... contre l’avis de leurs parents. Jean-Claude n’a pas fait entorse à la tradition. Même si son grandpère lui a mis un violon dans les mains lorsqu’il avait 4 ans à peine, c’est tout seul, vers 10 ans, qu’il s’est vraiment mis à la musique. Et dans son coin toujours qu’il a découvert l’orchestre symphonique, à 12 ans, en se jurant de devenir un jour chef d’orchestre. Il a d’abord fait Sciences Po, « pour être témoin des grands événements du monde », et a bien failli devenir comédien, comme ses parents. Pianiste de jazz, puis percussionniste professionnel, il a tout fait, des bals de campagne aux enregistrements studio de Brel, Aznavour ou même... Salut les copains ! Formé notamment par Pierre Boulez, disparu début 2016, il a finalement réalisé son rêve en 1965, année de

son engagement au théâtre du Châtelet. Ont suivi l’Opéra de Paris, l’OpéraComique, l’Orchestre de Nantes... et bien évidemment l’Orchestre national de Lille. Le maestro a dirigé les plus grands orchestres, sur 4 continents et dans pas moins de 45 pays. Il nous explique qu’il ne va pas s’arrêter en si bon chemin ! La direction d’orchestre, c’est quoi ? C’est vrai que c’est un mystère pour beaucoup de gens, qui pensent qu’il suffit d’agiter les bras. Essayez un peu pour voir ! C’est d’abord une intuition qui vous porte vers une partition, puis une analyse en profondeur, et enfin une libération par le cœur : il faut les trois, sinon vous restez primaire, ou à l’inverse vous devenez trop didactique. Plus qu’un métier, c’est une philosophie, qui implique de l’artisanat, une part d’irrationnel, une couleur personnelle, une transcendance... Tout cela fait que, quelquefois, on a tout avec rien.

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CULTURE

La pression monte... Répétition de dernière minute avec le pianiste russe Boris Berezovsky.

« Il n’y a pas de délinquance dans les conservatoires : on n’a pas le temps de faire des conneries quand on fait de la musique » Jean-Claude Casadesus, chef d’orchestre

Pas la peine de s’agiter dans tous les sens : quand on le fait, c’est qu’on n’obtient pas ce qu’on veut... donc qu’on n’a pas assez de métier. Par exemple, Jacques Attali a découvert récemment que la direction d’orchestre, c’était compliqué, parce que c’est un pur intellectuel : sans lien affectif, on obtient un truc mécanique, inhabité. Ce n’est pas de sa faute (enfin si, un peu quand même...) mais il ne suffit pas de mettre en route la machine musicale. Une fois que c’est fait, il y a tout le reste, et ça prend 70 ans. Il faut dire d’ailleurs que la chance et la malchance qu’ont beaucoup de jeunes chefs doués, c’est qu’on leur donne d’emblée les meilleurs orchestres. Moi, j’ai appris à « faire jouer des chaises » : des amateurs, des étudiants... C’est passionnant de trouver les clés qui transforment, je ne sais pas moi, une R5 en R25. En pratique, comment vous y prenez-vous ? L’analyse de chaque œuvre, pour moi qui ne suis pas doué, prend une bonne centaine d’heures. J’essaie à chaque fois d’approfondir, de m’immerger, de « comprendre dans les coins ». Il faut plusieurs

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années pour comprendre les clés que propose chaque compositeur. Même quand je reprends une pièce, j’essaie de me remettre en état de fraîcheur, car il faut sans cesse resserrer, peaufiner, retrouver le chemin vers la substantifique moelle. Une fois que vous avez tout dans la tête, vous devez le transmettre aux musiciens, en mettant de la vie en permanence. Même les silences doivent être habités, donc il faut chercher une profondeur qui ne soit pas celle du vide. J’ai vraiment la sensation de jouer par personnes interposées : il doit y avoir une sorte de transmission de pensée. À quoi ressemblent vos partitions ? J’annote beaucoup. D’abord, il y a un balancement dans les notes, comme dans la poésie, donc il faut déterminer des « carrures » : par quatre mesures, par trois mesures... Ensuite, j’ai un code spécifique : rouge pour les crescendos, bleu pour les decrescendos... Du coup, d’un seul coup d’œil, je sais quelle va être la sonorité grâce aux couleurs. Ce n’est pas pour rien que Kandinsky a inspiré beaucoup de musiciens : il y a une sorte de musique qui sort de sa peinture, comme de celle de

Paul Klee... Et La Jeune Fille à la perle, de Vermeer, m’inspire tout à fait Schubert. Et à quoi sert une baguette ? Les trombones, les percussions, les chœurs se trouvent parfois à 25 mètres, donc elle est tout bêtement le prolongement du bras. Autrefois, on dirigeait même avec un bâton... d’ailleurs, Lully s’est tapé sur le pied, a eu la gangrène et en est mort ! Pour des adagios, il m’arrive souvent d’abandonner la baguette : simplement, on est quelquefois moins précis si on n’a pas de vraie technique, parce qu’avec la main entière le geste est souvent plus flou. Boulez dirigeait sans baguette, mais il était d’une très grande clarté, tandis que Klemperer avait toujours une baguette, comme Solti, Bernstein... Dans le fond, ça n’a aucune importance : seul compte le résultat. La main droite indique le chemin, permet aux musiciens de se repérer. Quant à la main gauche, c’est celle du cœur : elle indique le phrasé, suggère des couleurs, des poids, des suspensions... La plus belle couleur, mais aussi la plus dure à obtenir, c’est un pianissimo bien timbré à cent musiciens. Ça prend des années.


D’une acoustique parfaite, l’auditorium de Lille peut accueillir pas loin de 2 000 spectateurs.

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CULTURE

Outre les éventuels solistes, l’orchestre (symphonique ou philharmonique, c’est pareil) compte une centaine de musiciens.

Vous êtes dingue de tennis : y a-t-il des points communs ? Oui. L’anticipation, le sens du placement... Sur un court, vous devez toujours regarder la balle, et penser à l’endroit où elle doit aller, pour l’y envoyer un peu par transmission de pensée. C’est la même chose avec les musiciens : penser la note avant qu’elle soit jouée, par anticipation. C’est pourquoi il y a en principe un décalage quand on regarde un chef : s’il n’est pas en avance, c’est qu’il est en retard ! Les musiciens n’ont pas les yeux rivés sur vous, mais ils sentent. Parce que le grand orchestre, c’est de la musique de chambre en plus grand : il faut écouter ses voisins sans s’écouter soi-même. Quel est votre style... si vous en avez un ? Je suis rythmique avant tout. La musique, c’est d’abord la pulsation, le rythme cardiaque : ça doit groover. Beethoven, par exemple, c’est le premier rocker de l’histoire. Mais en dehors de cela, mon style est avant tout celui que réclame l’œuvre : Ravel est un horloger, Stravinsky est plus terrien, Schubert et Chopin donnent dans le clair-obscur... J’essaie de

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me mettre dans la peau du compositeur, avec des doutes permanents. Il faut beaucoup de modestie face aux chefs-d’œuvre qu’on a pour mission de défendre. Vous avez dirigé dans le monde entier : y a-t-il une « french touch » musicale ? Oui. Quand on a demandé à André Gide une définition de l’art français, il a impeccablement répondu, en paraphrasant le philosophe grec Solon, en trois mots : « Rien de trop. » De la clarté, pas de maniérisme, pas de redondance. Et puis, les musiciens français jouent souvent au coup de cœur : si le chef les emballe, ils sont avec lui, sinon ils se tassent au fond de leur chaise. Mon miracle à moi, c’est d’avoir tenu 40 ans à la tête d’un orchestre français... et en plus, les gens du Nord ont la tête dure. Mais je les aime tendrement, et il s’est établi, je crois, une estime réciproque. Pour l’obtenir, il faut sans arrêt se régénérer. Quelles sont, à l’inverse, les spécificités des orchestres étrangers ? En Angleterre, on répète extrêmement peu. Par exemple, la première fois que

« Il faut vingt ans pour construire un orchestre... et trois mois pour le détruire » j’y ai dirigé un grand orchestre, je suis arrivé un dimanche à 13 heures, ils m’ont donné (ce qui est rarissime) trois minutes de bonus, mais à 16 h 03 c’était terminé. Comme le programme était chargé, nous avons à peine eu le temps de tout jouer une fois. Sinon, alors que c’est ce que les Français détestent par-dessus tout, les Allemands aiment bien qu’on leur gueule dessus. J’ai un faible pour la profondeur des Russes, des Hongrois, des Roumains... La « Mitteleuropa » génère une âme, sans doute la fameuse âme slave, fondamentale pour pénétrer certaines œuvres, certaines couleurs musicales. Quand j’ai dirigé pour la première fois l’Orchestre symphonique de Léningrad, en 1972, c’était probablement le meilleur orchestre du monde. Chaque fois que je levais les bras, il y avait un crescendo énorme, et dès que je les baissais un peu, il n’y avait plus rien. Une Rolls-Royce avec un moteur de Ferrari,

ça apprend l’économie de moyens ! En même temps, il faut dire qu’ils marchaient à la schlague. Quand Ievgueni Mravinski, le chef d’orchestre, entrait dans la salle, c’était le tsar : ils étaient tous terrorisés. Comment gère-t-on l’ego de 100 musiciens ? Un vieux maître me disait : « Avec 70 % de talent et 30 % de psychologie, tu te casseras la gueule. Il vaut mieux 40 % de talent et 60 % de psychologie. » Ce sont des gens qui ont passé des concours très exigeants, et auxquels vous devez permettre de faire leur métier le mieux possible. Donc ça impose de l’humilité, de la modestie, une remise en question permanente... Ce n’est pas un métier de dictateur, contrairement à ce qu’on croit : il faut avoir de l’autorité, mais sans autoritarisme, même si, évidemment, on ne va pas non plus voter pour savoir quel tempo on va prendre. En tout cas, il y a deux choses qu’il ne faut jamais perdre de vue. La première, c’est que, quand tout va bien, c’est grâce aux musiciens, et que quand ça ne va pas, c’est de la faute du chef. La seconde, c’est qu’il faut vingt ans pour construire un orchestre, et trois mois pour le casser.

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Comment a débuté l’aventure de l’ONL ? En 1975, le ministre de la Culture de l’époque, Michel Guy (un formidable type de droite qui a favorisé plein de gens progressistes, de gauche) m’a demandé si j’accepterais de terminer le contrat d’un orchestre viré, à cause de la réorganisation de l’ORTF. Un cadeau empoisonné. Pour le premier concert, nous étions 57 musiciens sur scène, pour... 51 personnes dans la salle. Mais on a bien fait de s’accrocher. À ce jour, on a 5 000 abonnés à Lille, et surtout, on a joué devant 200 000 personnes partout dans la région. Pensez-vous vraiment que la musique ait un rôle éducatif ? Bien sûr. Tous les livres de solfège commencent par une phrase du genre « la musique, c’est le respect des valeurs », et c’est vrai. Les 10 000 à 15 000 enfants que j’ai accueillis sur scène à côté des musiciens, j’ai voulu leur montrer que la pédagogie de l’erreur qu’on leur enseignait à l’école (« tu recommenceras jusqu’à ce que ce soit bien »), nous nous l’appliquions en permanence. Pour

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l’accomplissement du désir, il faut du travail, de la rigueur et de la discipline. Il n’y a aucune délinquance dans les conservatoires, parce qu’on n’a pas le temps de faire des conneries quand on fait de la musique. Ça fait 40 ans que je répète aux politiques que nous ne faisons pas juste « un bruit qui coûte cher ». Oui, nous sommes une élite, mais une élite du cœur, qui tend la main. Vous êtes aussi connu pour offrir des concerts en prison... Oui, deux ou trois par an depuis vingt ans. La première fois, les petites musiciennes n’en menaient pas large. Jusqu’à ce que je fasse ouvrir les portes de l’atelier de menuiserie, et qu’on commence à jouer. J’ai rencontré ensuite quelques gars qui sortaient de cabane, et ils m’ont dit : «  Vous nous avez respectés, vous n’êtes pas venus jouer en jeans. » On a toujours joué en tenue de concert. On leur propose une émotion à laquelle ils n’ont jamais été conviés. Et cette émotion, elle est valable à Carnegie Hall, au Musikverein de Vienne, mais aussi en prison, dans les 250 villes ou

villages de la région où nous avons joué... Vous allez poursuivre cette mission ? On bâtit rarement sa maison deux fois, mais une maison terminée est une maison morte. Je suis toujours là pour aider, mais j’ai décidé, il y a deux ans, de transmettre. Il faut du sang neuf dans toute chose, et surtout, je voulais prendre l’initiative avant qu’on me le demande. Mais vous allez continuer à diriger ? Mon carnet est plein jusqu’à fin 2018 ! Je vais en Amérique, en Russie, en Asie... Tout va bien, j’en ai même trop, mais je crois que les gens qui me manifestent un peu d’intérêt commencent à se dire que je suis sur la pente descendante et qu’il faut se dépêcher.


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Plus qu’une marque de montres très haut de gamme, Richard Mille est une vision de l’horlogerie de luxe. Son fondateur parle toujours de trois piliers pour la décrire. Mais il y en a quatre. Propos recueillis par C. Boulain, photos Mitchell, DR

Les quatre piliers de Richard Mille Followed Magazine 39


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L

a rencontre est informelle. C’est d’ailleurs dans un salon de l’hôtel Plaza Athénée, dans les beaux quartiers de la capitale, que le rendez-vous a été donné. Juste après un déjeuner avec un client de la marque de passage à Paris, apprendra-t-on ensuite. Décontracté, Richard Mille nous y rejoint, habillé, comme à son habitude, d’un jean « slim », d’une paire de baskets et d’un simple pull. Avec, pour rehausser l’ensemble, une RM060 au poignet droit,

l’une de ses dernières créations, une montre de plongée ronde et compliquée (attention, nous parlons là du mouvement) dont la valeur dépasse l’entendement. Richard Mille, pour les amateurs d’horlogerie, ce sont des montres de luxe magnifiques et hors de prix. Pour les passionnés de sport, une marque partenaire de très nombreux athlètes, tennismen, pilotes automobiles, joueurs de golf ou de polo. Un sponsor récurrent d’événements sportifs aussi, comme Le Mans Classic pour ne citer

que celui-ci. Bref, on ne sait pas très bien. Mais Richard Mille, avant tout, c’est un homme passionné d’horlogerie, de mécanique et de sport qui, pour ses 50 ans, en 2001, avait lancé sa propre marque horlogère. Comment celui qui était jusqu’alors patron de Mauboussin, formé au commerce plus qu’à la micromécanique, avait-il pris ce chemin ? Pour quelles raisons, avec quelles motivations et ambitions ? Nous lui avons tout demandé entre une eau plate pour nous et un thé rooibos pour lui.

« Le meilleur de la technique, une identité forte, une montre ergonomique et fonctionnelle et pas de limite de prix »

Richard Mille, horloger

Pourquoi avoir décidé de créer votre propre marque horlogère ? À l’époque, je suis chez Mauboussin. Mais il faut remonter bien plus loin, sans doute vingt ans en arrière. J’ai toujours été dans des groupes qui bridaient, à mes yeux, la stratégie et la création. Avec toujours le même business model qui repose sur un marketing « propre sur lui », où l’on marche dans les traces de la concurrence, où l’on raisonne en parts de marché et en compétitivité. Or cela ne correspondait plus du tout à l’image que je me faisais du monde du luxe. Aujourd’hui, nous avons affaire à une clientèle de plus en plus sophistiquée, qui connaît tout des marchés, de plus en plus exigeante, mieux équipée, avec parfois une culture technique stupéfiante. Bref, fin des années 1990, je suis président de l’horlogerie et directeur général de la joaillerie chez Mauboussin, mais j’ai en tête l’idée de lancer ma marque, juste pour faire ce que j’avais envie de faire. Justement, qu’aviez-vous envie de faire avec cette marque ? C’était assez simple. En fait, cela repose sur trois piliers. Le premier, c’est de s’appuyer sur le meilleur de la technique et de l’innovation, avec cette volonté de repousser les limites, d’aller au-delà de ce qui existe, avec des matériaux nouveaux par exemple. Le second, c’est une identité forte, de proposer une montre très identifiable, sans faire des études de marché ou de concurrence. Faire une ligne inédite, jamais vue... avec les risques que cela représente. Si j’avais suivi les études de marché, j’aurais

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fait une montre ronde avec un cadran à chiffres romains. La RM001 avait une forme tonneau, comme la majorité des Mille. Le troisième axe, c’est une vraie fonctionnalité. Mes montres sont faciles à porter, ergonomiques, légères aussi. Cela va à l’encontre des poncifs du luxe horloger qui imposent des montres lourdes pour attester de leur valeur. Comme disent les Anglais, c’est du bullshit : une voiture ne doit pas peser quatre tonnes pour être de valeur, un avion non plus... Il n’y avait strictement aucun intérêt à faire des montres lourdes, c’était stupide. Enfin, je ne voulais pas intégrer le prix public comme une composante de départ. Dans le marketing traditionnel, on fait des compromis pour se calquer sur la concurrence, on parle compétitivité. Moi, j’ai dit pas de compromis, je veux ce qu’il y a de mieux. Quand on a des solutions techniques, on prend la meilleure, sans penser au prix. Chez nous, le prix est décidé à la fin du développement, il dépend des solutions techniques choisies... pas l’inverse. Une politique osée qui avait tous les germes de l’échec. D’ailleurs, beaucoup avaient parié sur mon échec au début. Une stratégie pas trop osée pour une marque sans histoire ? Vous avez raison, nous n’avions pas d’histoire. Et comme je ne suis pas horloger, je n’avais pas de légitimité. Beaucoup de marques utilisent le fait qu’elles sont anciennes, du XVIIIe ou du XIXe siècle, pour se dire légitimes : moi, ma vraie légitimité allait être dans le produit lui-même. C’est là qu’on allait me


RM001

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RM031 RM060

RM031

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« Je pensais vendre quelques dizaines de pièces par an. J’ignorais totalement la puissance de ce segment »

Richard Mille, horloger

juger, avec un produit radical, vraiment différent. Beaucoup de sociétés se lancent avec un produit consensuel et peu créatif mais avec des ambitions démesurées. Moi j’ai fait le contraire ! J’ai fait un produit complètement débridé mais en sachant que je n’en vendrai pas beaucoup. Bon, j’ai eu quelques surprises. Lorsque j’ai fait le premier prix, à la fin du développement de la RM001, je me suis retrouvé au double de ce qui existait de plus cher. De fait, logiquement, je pensais vendre quelques dizaines de pièces par an, j’ignorais la puissance de ce segment. Voulez-vous dire qu’il y a beaucoup d’acheteurs pour des montres à plus de 100 000 euros ? Je suis devant un paradoxe aujourd’hui. Nous allons faire entre 3 600 et 3 700 montres cette année, normalement. Or je n’ai pas assez de pièces à livrer dans le monde. Nous avons ouvert des magasins à notre nom dans divers endroits du globe [bien choisis, NDLR], si bien que nous en arrivons à réduire les quantités livrées aux revendeurs indépendants, parfois même à ne plus travailler avec eux faute de montres à leur vendre. Et quel que soit le continent, puisque nous sommes représentés, à peu près par tiers, entre l’Asie, l’Europe et le continent américain, même si quand je dis cela, je pense vraiment aux États-Unis plus qu’au Canada ou aux pays d’Amérique du Sud. Qu’est-ce qu’achète un client Mille ? Une montre exclusive qu’il peut porter tous les jours. Les piliers dont je vous ai parlé précédemment sont toujours les fondements de la marque. Ça n’a pas changé, même si nous vendons aujourd’hui des milliers de montres à un prix moyen hors taxes (public) de plus de 180 000 €. Ce sont des gens qui ont dépassé le stade de la reconnaissance sociale, qui ne recherchent pas une montre pour cela. Dans un monde du luxe qui s’est un peu banalisé, il y a des clients qui veulent se distinguer sans chercher à être reconnus, avec une montre au poignet que seuls

quelques connaisseurs peuvent apprécier. Vous vous en doutez, entre des volumes finalement pas si élevés et les clients qui possèdent plusieurs de mes montres, comme celui avec lequel je viens de déjeuner qui en a sept, je connais beaucoup des acheteurs de Mille. Ce sont très souvent des gens sérieusement et sincèrement passionnés, pas des acheteurs compulsifs. Toutes vos montres trouvent-elles preneur ? J’aimerais vous dire que oui, mais je mentirais. J’ai un seul véritable échec de ce côté, c’est pourtant l’une de mes préférées, la RM031. L’idée était de faire la montre la plus performante du monde horloger, je parle de montres mécaniques bien sûr. Une montre épurée, avec peu de complications, mais développée pour n’avoir presque aucune dérive dans la mesure du temps. Avec un soin exceptionnel porté à la fabrication de chaque pièce. D’habitude, on a assez régulièrement quelques secondes d’écart par semaine, même sur les meilleures montres. La dernière RM031 sortie de l’atelier a été mesurée à 1”04... par mois. J’en étais très fier. Pourtant, sur les dix pièces produites au total, je n’en ai vendu que trois. Comme quoi on a encore des surprises. Au début, vous travailliez avec Audemars Piguet. Est-ce toujours le cas ? Audemars, cela a été une rencontre très importante pour moi. Déjà parce que c’est une marque que j’ai toujours adorée. Et puis aussi parce que sans eux, nous n’aurions jamais pu démarrer. Je leur avais expliqué mon envie de créer ma marque, mon concept lors d’un déjeuner : ils avaient adhéré même si je pense qu’ils étaient persuadés que j’allais me casser la gueule. Mais ils ont donné leur accord pour m’aider à produire mes mouvements et sont entrés au capital [ils y sont toujours, NDLR]. Et si aujourd’hui Richard Mille fabrique ses propres mouvements aux Breuleux, en Suisse, Audemars Piguet comme Vaucher Manufacture restent des partenaires nécessaires.

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« Avec Rafa et Bubba, j’ai choisi des cogneurs. Tous nos partenaires portent leur montre Richard Mille pendant qu’ils jouent »

Richard Mille, horloger

À propos de partenaires, vous en avez beaucoup dans l’univers du sport. Pourquoi ? Ce sont souvent des histoires d’amitié. Je pense à Felipe Massa, le pilote de Formule 1 : on a fêté l’an dernier notre dixième anniversaire ensemble. J’aime bien la fidélité, la durée. Tout se fait dans la durée... Massa a toujours été un partenaire adorable, intelligent. On a toujours été avec lui, avec ses hauts et ses bas. On était même là lors de son terrible accident. Comme toujours, il avait sa montre avec lui, puisqu’il pilote avec. Et il l’avait en sortant de l’hôpital pour monter dans l’avion sanitaire pour le Brésil. Des journalistes lui avaient même demandé si c’était la même, il avait répondu : « Oui, oui, d’ailleurs, elle, elle va très bien. » C’est pareil pour Rafael Nadal, avec qui je m’entends très bien. C’est une longue histoire, une histoire qui dure. Mais à chaque fois, ces sportifs utilisent leur Mille pour jouer ? C’est la condition sine qua non. Quand j’ai démarré, beaucoup me disaient qu’une montre tourbillon [voir Followed n° 4, NDLR] ne pourrait jamais fonctionner au bras d’un golfeur ou d’un joueur de polo. Que les chocs et les vibrations allaient la détruire. J’ai démontré que c’était faux, à condition de développer des produits pour ça, extrêmement légers et résistants. Et c’est là qu’il faut choisir les meilleures solutions technologiques. En plus j’ai choisi des frappeurs, comme Nadal ou Watson. Bubba Watson joue sur le circuit pro de golf avec la même montre depuis quatre ans. J’ai d’ailleurs du mal à lui en faire changer. Quel est le pire sport pour une montre ? Je ne sais pas quel est le pire, mais je peux dire que le polo est pas mal. On pense tous à ce sport comme à un amusement entre gentlemen. Mon ami Pablo Mac Donough, qui porte des

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Richard Mille, peut prouver le contraire. C’est le meilleur joueur de polo pro du monde et je pense qu’il a dû casser chaque os de son corps. Pour lui, en plus d’un mouvement très solide, nous avons développé une sorte de carapace en carbure de titane sur la montre, pour résister à un éventuel coup de maillet. Il en a pris un, une fois, pile sur la montre. Ça a sans doute sauvé son poignet. Mais tous ces sports sont très exigeants, tous différemment. C’est à chaque fois un cas d’école pour nous. Et un challenge de développer une montre pour cela, avec des critères à chaque fois adaptés. En Formule 1, les accélérations latérales sont énormes, ils subissent des g très importants et aussi des vibrations. En golf, la montre encaisse des chocs qui remontent par le shaft du club. En tennis, surtout avec Rafa, c’est la répétition des coups. Mais tout le monde ne joue pas comme Nadal... C’est vrai. Mais nous développons des montres à porter tous les jours, quelle que soit votre activité. Ces recherches servent à améliorer nos produits, sur les mouvements, sur les matériaux, la légèreté, l’ergonomie. Je le disais, je veux le meilleur pour mes montres. Les Richard Mille ne sont pas destinées à rester dans un coffre-fort, à attendre la génération suivante, même si elles ne décotent pas. Elles doivent pouvoir tout faire. L’automobile revient souvent dans vos propos, c’est une passion ? Complètement. D’ailleurs, mon bureau n’en est pas un, c’est un garage, avec une pièce pour travailler en haut, et des voitures en bas. Je suis passionné par la technologie moderne, mais attaché aux anciennes, aux voitures de courses des années 1970 et 1980. C’est étrange, non ? Je roule tous les jours en Aston Martin Rapide, mais je rêve d’une Ferrari 312P (1969), la perfection automobile selon moi. Je ne vois aucune chose à lui reprocher.


RM038 WATSON RM027 NADAL

RM056 MASSA

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La naissance d’un son Thierry Chrétien propose dans son showroom parisien des paires d’enceintes pouvant atteindre 10 000 €, voire 50 000 €. Des prix astronomiques qui s’expliquent. Textes A. Bloch, photos Mitchell

P

rincipe de base : contrairement au pavillon de l’antique gramophone qui intrigue tant le petit chien de la célèbre toile La Voix de son maître du Britannique Francis Barraud, le caisson d’une enceinte n’a pas vocation à entrer en vibration. Et encore moins à servir de caisse de résonance, exception faite d’un éventuel caisson de sous-graves, dit subwoofer. Certes, cela peut ponctuellement donner une couleur sympa à tel ou tel morceau, mais ce serait en dénaturant le son, en rendant sa propagation anarchique. Car un haut-parleur est avant tout un piston : pour pousser le maximum d’air, il faut qu’il soit monté dans une enceinte la plus rigide possible, donc idéalement extrêmement lourde. « Certaines dépassent 50 kg, et pèsent parfois pas loin de 100 kg. Mais si elles pouvaient en peser 500, ce serait encore mieux, on pourrait même imaginer des enceintes en béton. » D’ailleurs, ça existe, et même depuis les années 1960. Mais la grande série, à la fois acoustiquement pointue et facile à industrialiser, en est encore à ses balbutiements. La masse d’une enceinte est importante, sa profondeur aussi.

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Elle ne sert absolument pas à faire « sonner », mais simplement à éviter que la membrane, au moment où elle recule, ne comprime de l’air derrière elle. Pour cela, il est primordial de ménager une sorte de volume de dégagement. Et si une enceinte comporte plusieurs voies, donc plusieurs haut-parleurs de diamètres différents, c’est parce qu’on ne peut pas reproduire tout le spectre, du son le plus grave au plus aigu, avec un seul haut-parleur. Il faut donc diviser le signal en un certain nombre de gammes de fréquences, et envoyer chacune de ces gammes vers le haut-parleur qui la restituera le mieux. En permanence, le son d’un même instrument passe donc de l’un à l’autre, entraînant des coupures, plus ou moins bien gérées par le filtre électronique par le biais du déphasage, c’est-à-dire le croisement des courbes de tension. On trouve des enceintes deux voies (grave d’un côté, médium-aigu de l’autre), trois voies (grave, médium et aigu), et beaucoup plus rarement quatre voies. « Quand on voit des enceintes deux voies à 25 000 €, on peut se dire qu’on en a des trois voies à 500 € à la maison, et donc qu’elles sont mieux. Mais en fait, plus on a de voies, plus on a de fréquences de coupure : en pratique, il est donc beaucoup plus compliqué de faire une bonne enceinte trois voies qu’une excellente deux voies. » Sans compter que se pose un autre problème, mis en évidence par le mathématicien et physicien Joseph Fourier dans les années 1820 : celui de la décomposition spectrale du son. Lorsqu’on fait vibrer une corde de guitare,


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par exemple, on produit un son composé non seulement d’une fréquence fondamentale (par exemple, 440 Hz pour le la du diapason), mais aussi d’une multitude d’harmoniques (880, 1 320, 1 760 Hz, etc.), et c’est ce qui donne le timbre de la note. Lorsque les fréquences ne passent pas par le même haut-parleur, il faut qu’elles soient toutes impeccablement restituées, sinon le son est détimbré. « D’ailleurs, même quand tout le spectre passe dans le même hautparleur, il faut que toutes les fréquences associées arrivent jusqu’à lui en même temps. C’est ici que joue la qualité des câbles et des connecteurs. Je vous assure qu’entre un câble à deux balles et un autre à 1 000 €, c’est le jour et la nuit. Comme il s’agit de très basse tension, la composition du câble et la connectique influent énormément. Il faut que la musique soit incarnée, donc qu’on retrouve la texture de chaque instrument. Or, le grain d’un violon, c’est une somme de minuscules informations électriques extrêmement fragiles. » C’est ce même phénomène de décomposition du son qui fait que la bande passante des enceintes haut de gamme dépasse souvent le spectre des fréquences théoriquement audibles par l’oreille humaine : « Les très hautes fréquences, on peut avoir le sentiment qu’on ne les entend pas, pourtant elles font partie de la note, elles sont comme attachées au reste. Une fréquence de 20 kHz, isolément, on ne l’entend pas, mais associée à une fondamentale... Si on la retire, il manque quelque chose. » Or, c’est l’un des nombreux paramètres qui expliquent la pauvreté du son des fichiers numériques courants, qui se révèlent bien souvent trop compressés : les logiciels suppriment purement et simplement certaines gammes de fréquences considérées comme inaudibles, et donc

Comment bien choisir ses enceintes

PUISSANCE. Des enceintes de 300 W sur un petit ampli 2 x 20 W ne dépotent pas plus que des enceintes de 20 W.

✔ 50 Followed Magazine

SOURCE. Une excellente enceinte n’améliorera pas le

son d’un mauvais fichier numérique très compressé, au contraire.

TAILLE. Les enceintes projettent une image musicale. Comme un écran, il faut que leur taille corresponde à celle de la pièce.

✔ ✔

POIDS. Plus une enceinte est lourde, plus elle est performante.

PRIX. On raisonne par tiers : pour un lecteur CD à 100 € branché sur un ampli à 100 €, inutile de débourser plus de 100 €.


comme occupant inutilement de l’espace disque. D’ailleurs, la musique numérique, ça fonctionne comment ? « C’est simple, on découpe la musique en tranches, comme une baguette de pain, puis on mesure le diamètre des morceaux obtenus. Pour le MP3 tout-venant, on fait des grosses tranches, qu’on mesure avec une règle en centimètres (sur 16 bits, pour parler plus techniquement). Pour les formats HD, on découpe davantage de tranches très fines avant de les mesurer en millimètres. »

Plus précisément, elle est aujourd’hui couramment composée de 192 000 tranches par seconde (c’est donc un échantillonnage à 192 kHz), que l’on mesure sur 24 bits, ce qui n’est pas 1,5 fois, mais 256 fois plus précis qu’en 16 bits. Quand on recolle ensuite les morceaux,

au moment de lire la musique sur son baladeur par exemple, les tranches s’ajustent donc infiniment mieux. « Avec la musique numérique, que ce soit sur un bon vieux lecteur CD ou sur un ordinateur, on peut aussi affiner la reconstitution du signal, avec ce que l’on appelle un suréchantillonneur : il permet de lisser le passage d’un échantillon à l’autre, d’une tranche à l’autre. Sauf que ça demande une puissance de calcul importante. C’est pourquoi à budget équivalent, on est loin de la qualité d’un disque vinyle, qui restitue physiquement les vibrations captées par le micro. » Toute la chaîne de restitution du son a donc son importance : inutile d’investir plusieurs années de SMIC dans une paire d’enceintes, si c’est pour les connecter à la carte son rudimentaire du premier ordinateur portable venu. « On considère généralement que le budget à consacrer, c’est : un tiers pour la source, un tiers pour l’amplification et un tiers pour les enceintes.

Un câble peut coûter plusieurs milliers d’euros. La connectique est parfois plaquée or, voire taillée dans du cuivre (quasiment) pur.

La conductivité et l’isolation des câbles sont primordiales pour que toutes les informations électriques arrivent à bon port, en même temps.

Certains ne jurent que par les fiches bananes, plus pratiques. Ce sont souvent les mêmes qui affirment qu’il faut les roder : un peu ésotérique.

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MODE & OBJETS

Donc c’est sûr que des enceintes à 30 000 €, c’est pour se faire une installation à 90 000 €, disons 100 000 € avec les câbles. »

En ce qui concerne le choix, il faut avant tout écouter : «  La fiche technique, c’est secondaire. Pour choisir un appareil photo, on photographie un visage et on regarde s’il ressemble bien à un visage, puis s’il n’est pas flou ou surexposé... Ici, c’est pareil : on s’assied, on met ce qu’on écoute d’habitude, et on se demande si, par exemple, le violon, il ressemble bien à un violon, s’il a de la gueule. Pour de la musique moderne, on aura plutôt besoin d’une enceinte énergique pour s’en prendre plein la poire, alors que pour

du classique, il en faudra une très fine, fluide, riche en harmoniques. Pour filer la métaphore photographique, dans le premier cas on aura un capteur très contrasté, avec des couleurs nerveuses, tandis que dans le second on fera dans la dentelle, pour restituer très finement les tons chair. » La taille de la pièce, et donc des enceintes, a aussi son importance : « Comme un écran, des enceintes restituent une image : on doit visualiser le placement des musiciens. Si on a une pièce de 100 m2, on peut installer un écran de télévision de 4 mètres de large, et alors peutêtre qu’on ne prendra pas le meilleur en définition ou en colorimétrie, puisque, comme il sera énorme, les personnages seront de toute manière

Sa dureté et sa faible densité font de la céramique technique un matériau de choix pour les membranes. D’autant qu’elle a aussi des propriétés électriques intéressantes.

Les spectaculaires amplis à tubes donnent un son plus chaud... dans un spectre moins large que les transistors. Parfait avec une platine vinyle.

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▼ Un piston qui coulisse Une membrane de haut-parleur, c’est en fait un cône qui se termine, à l’intérieur de l’enceinte, par une bobine, autrement dit un fil de cuivre enroulé autour d’une section de tube. Sous l’impulsion d’un électroaimant, la bobine coulisse d’arrière en avant, exactement comme un piston dans un moteur. C’est ce qui permet à la membrane, montée sur suspension, de pousser de l’air en direction de l’auditeur et de créer le son. Au centre, la raison

d’être de l’éventuel cache-noyau rebondi est avant tout aérodynamique, car la pression de l’air tout au fond du cône créerait des turbulences, donc des phénomènes acoustiques parasites. Naturellement, la membrane doit être la plus légère, et donc la plus fine possible, pour éviter d’avoir trop d’inertie. Mais en même temps, elle doit aussi être rigide, sinon ce serait un peu comme ramer avec une pagaie en mousse. C’est pourquoi

quasiment en taille réelle, et on s’y croira. » Un autre paramètre a son importance, c’est l’installation. L’enceinte gauche sur une étagère à 2 mètres du sol, et la droite posée par terre, ça fonctionne pour sonoriser un magasin, mais pas pour écouter de la musique. Il faut donc que les enceintes soient à la même hauteur (idéalement avec les médiums à hauteur des oreilles), dans le même plan, et soient inclinées de la même manière, « parce que si l’aigu de l’enceinte droite est en avant et celui de l’enceinte gauche en arrière, tout

on utilise désormais, du moins sur le haut de gamme, des matériaux comme le carbone, la céramique, ou encore l’aluminium (parfois taillé dans la masse). Pour les tweeters des aigus, on rencontre de plus en plus le titanium, le béryllium... voire le diamant ! En amont, on trouve à « l’entrée » de chaque enceinte un filtre qui découpe le signal reçu de l’ampli en plusieurs gammes de fréquences, et dirige chacune vers le bon haut-parleur.

ce petit monde n’arrive pas en même temps ». Quant à l’ouverture, c’est-à-dire la convergence des deux enceintes, elle se détermine à l’écoute. « Après, avec un acousticien, les plus perfectionnistes pourraient jouer sur d’autres paramètres : par exemple, il ne faut idéalement pas que les murs latéraux soient parallèles, ni qu’ils réfléchissent trop le son, ce qui implique de placer des panneaux acoustiques à certains endroits. » Un souci du détail qui prend son importance lorsque l’on dépense des milliers d’euros dans son installation.

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CAFÉ

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Torréfier c’est cuire Entre le « petit noir » au comptoir et le filtre floral d’un bon coffee-shop, les différences sont nombreuses, des grains à la méthode d’extraction, en passant par la torréfaction. Justement, rendez-vous à la Compagnie des Torréfacteurs, à Strasbourg, pour un cours de cuisson avec le Meilleur Torréfacteur 2015. Textes C. Boulain, photos Mitchell

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CAFÉ

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videmment, l’odeur dans l’atelier trahit ce que l’on y cuit. Ici, on torréfie du café toute la journée : des grains du Brésil, d’Éthiopie, de la Jamaïque ou du Costa Rica... Uniquement des cafés sélectionnés par les membres de la Compagnie des Torréfacteurs. Christophe Servell, fondateur de Terres de Café et consacré Meilleur Torréfacteur de France en 2015, est de ceux-là. « C’est un outil formidable, avec des machines à la pointe de la technologie, tant côté torréfacteurs que moulins ou machines à capsules, explique-t-il. Quand Thomas [Riegert, NDLR] a décidé de monter cela en 2013, c’était une idée géniale. Partager avec d’autres professionnels du café de spécialité des infrastructures que l’on ne pouvait se payer chacun de notre côté. Et en plus des machines, on partage nos savoir-faire. On apprend encore plus vite. » Deux fois par mois en moyenne, Christophe vient donc à Strasbourg en TGV pour cuire les cafés qu’il a achetés lors de ses voyages autour du monde. Aujourd’hui, il veut tester de nouvelles courbes de cuisson sur des grains d’Afrique et d’Amérique centrale. « La torréfaction du café, c’est comme la cuisson d’un aliment. Pour bien cuire, il faut savoir ce que l’on cuit et pourquoi on le cuit. Connaître les

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grains qu’on va mettre dans le four et savoir comment ils seront utilisés après. On ne torréfie pas un grain du Brésil cultivé à 1 200 mètres d’altitude comme un grain des plateaux d’Éthiopie [à plus de 2 000 mètres, NDLR], ni un café pour de l’expresso comme pour du filtre... en tout cas pas selon moi. » Pour faire simple, un café vert, avant cuisson, est caractérisé par deux paramètres : sa densité, principalement donnée par l’altitude à laquelle il a été cultivé (plus c’est haut, plus c’est dense) et son humidité. Généralement, on prête aussi attention au crible des grains, à leur taille, à leur couleur et aux défauts présents dans un échantillon donné. Mais pour les cafés de spécialité, sélectionnés et cuits ici, ils sont assez rares. « Ces critères permettent assez bien de savoir comment on va programmer notre cuisson. Je parle des valeurs de température et des durées de cuisson. La torréfaction se passe en trois phases : le point blanc, le point jaune et le premier crack [voir encadré]. Et c’est la manière de les atteindre qui va donner un style à la cuisson et déterminer le type d’extraction qui sera le plus adapté à ce café. Pour faire simple, il faut aller jusqu’au premier crack [il y en a un second si l’on continue à cuire, NDLR] pour s’assurer de la cuisson des grains à cœur, mais on peut y arriver plus ou moins vite. »


L’origine du café va déterminer la signature de sa torréfaction. Son utilisation finale aussi

Christophe Servell, la tête dans un sac de fèves d’Éthiopie. Vert, le café sent tout... sauf le café torréfié que l’on connaît.

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CAFÉ

Quand on entend le premier crack, on sait que c’est cuit à cœur. Ensuite, ça va très vite

La torréfaction va durer, selon les grains et l’usage qu’on en fera, de 9 à 12 minutes.

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Les étapes de la torréfaction

POINT BLANC. C’est le moment où la température des grains de café et celle du torréfacteur sont identiques. Généralement, la température d’entrée dépasse les 170 °C, mais elle chute dès que l’on met le café dans le four. La température baisse puis, vers 100 °C, se stabilise... avant de remonter. Le grain commence alors à sécher. POINT JAUNE. Deux choses pour caractériser le point jaune : l’odeur de pain grillé qui s’échappe du torréfacteur et la couleur des grains, qui commencent à devenir bruns. C’est réellement le début de la cuisson, après la phase de séchage principale qui a débuté au point blanc.

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PREMIER CRACK. C’est le moment où la poche d’eau en ébullition contenue dans le grain va exploser. Ce bruit sec confirme que la cuisson est profonde et qu’il va falloir penser à sortir le café sous peine de trop le cuire. Si l’on persiste trop longtemps, on a un second crack, induit par l’explosion de la poche d’huile. Le grain, huileux, presque noir, donnera alors un café amer. REFROIDISSEMENT. Pour stopper la cuisson, les grains brûlants sont brassés sur un tamis au travers duquel passe un important flux d’air tempéré, par aspiration pour enlever les éventuels déchets. Il ne reste plus qu’à mettre en sac.

es trois torréfacteurs high-tech de la Compagnie disposent de tous les réglages possibles. Celui de la température de l’air soufflé dans le four, réchauffé au degré près par un brûleur à gaz, plus réactif que ceux à fioul ou électriques (mais qui est équipé d’un second brûleur pour avoir des rejets propres), celui de la vitesse de rotation des pales dans le four, pour brasser les grains et leur éviter de rester en contact avec les parois brûlantes, et enfin celui de la régulation du débit d’air chaud. Plus il est élevé et plus la cuisson sera rapide. « C’est en jouant sur ces paramètres que l’on adapte la torréfaction. À l’introduction des grains, qui sont alors à température ambiante, dans le torréfacteur, la température chute. On passe ainsi de près de 170 °C à une centaine. Le moment où la température ne chute plus, juste avant qu’elle ne remonte, c’est le point blanc, où commence la phase de séchage des grains. Cette phase va durer toute la cuisson, mais elle est vraiment remarquable entre le point blanc dont je viens de parler et ce que nous appelons le point jaune. Le café, qui avait jusqu’alors

emmagasiné de la chaleur, va commencer à en produire. Le grain commence à se colorer, et on perçoit une odeur de pain grillé. Plus on atteint ces paliers rapidement, plus on va développer l’acidité du café. » Il faut généralement de cinq à huit minutes pour arriver au point jaune. Une petite fenêtre permet de contrôler la couleur des grains dans le torréfacteur. Christophe sort régulièrement quelques grains brûlants pour les scruter à la lampe. Puis la cuisson s’accélère. Les premiers claquements se font entendre, secs à la manière de ceux d’une bûche qui se consume dans un feu de cheminée. « C’est le premier crack, le moment où la poche d’eau contenue dans le grain va rentrer en ébullition puis éclater en libérant son gaz. C’est le signe que le café est cuit à cœur. » Pour des cafés sélectionnés, quasiment tous les grains arrivent à ce crack en même temps. Mais s’il existe de grandes variations de taille dans l’échantillon, les grains peuvent craquer plus ou moins tôt, perturbant la lecture de la cuisson. « C’est pourquoi, pour nos blends, qui sont des mélanges de cafés, nous les torréfions séparément avant de les assembler. »

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nsuite, c’est une course contre la montre. Après le premier crack, il y en a un second, le moment où la poche d’huile du grain de café va à son tour exploser. « Pour moi, il ne faut jamais aller jusque-là. Un café qui a fait son second crack, c’est un café brûlé qui sera amer en tasse, le fameux café à l’italienne. Généralement, un torréfacteur brûle son café pour en masquer les défauts : ce n’est pas le but. Le jeu, c’est de continuer la cuisson entre ces deux points pour développer la sucrosité des grains. C’est typiquement ce que l’on recherche pour de l’expresso, ce qui va donner du corps au café, ce côté capiteux. On a besoin de sucres et d’huile... On va caraméliser le café lors de la cuisson avant le premier crack, mais toujours sans aller trop loin. » C’est un « sport » stressant, à voir Christophe devant le torréfacteur, les yeux rivés sur ses grains brunis. La manière d’arriver à ce stade, la vitesse de la cuisson, déterminée par la densité et la température, la vitesse de brassage et le débit d’air, vont permettre de développer l’acidité ou la sucrosité du café. De manière caricaturale, on peut dire que plus on cuit fort et vite, plus on aura d’acidité (entre 9 et 11 minutes de cuisson). Et inversement, plus on prend de temps et plus on va caraméliser les grains (plus de 14 minutes). « Schématiquement, c’est ça. Mais on peut aussi faire varier les températures dans le four en fonction des temps, brasser davantage... c’est pour cela que je parle de courbes de cuisson. Le but est de contrôler le passage d’un point à un autre dans un certain laps de temps. C’est comme cela qu’on va obtenir un grain légèrement fripé, moins développé pour gagner en acidité pour une utilisation en filtre, ou un grain plus rond, gonflé, presque popcornisé comme on dit, avec beaucoup de sucre pour l’expresso. Les essais sont indispensables avec ces machines numériques qui permettent de tout contrôler et de répéter les opérations au degré près. » On comprend mieux pourquoi le café est en pleine expansion depuis quelques années. L’expresso noir et amer des mauvais comptoirs cède sa place à des cafés de bien meilleure qualité. Et maintenant, on sait pourquoi.

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La couleur et l’aspect de la surface aident les torréfacteurs à arrêter la cuisson au bon moment.

On va cuire longtemps mais moins fort pour des grains destinés à de l’expresso

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COMMENT ÇA MARCHE ?

Le VTT assisté

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David Delapierre et son Specialized Turbo Levo.

Que cela soit pour aller chercher des sentiers inaccessibles à la pédale ou pour suivre les plus jeunes, le VTT assisté électriquement révolutionne la pratique du mountain bike. Textes D. St Aubin, photos Mitchell

Comment ça marche ? L’idée est simple : bénéficier d’une aide électrique au pédalage. C’est ce que signifient les lettres « AE » accolées aux mots vélo (V) ou mountain bike (VTT). Donc un VTTAE, pour VTT assisté électriquement, reste un vélo toutterrain avec lequel on peut rouler sur la route, en forêt ou en montagne, avec lequel il faut toujours pédaler... mais qui permet de monter une côte plus facilement. Dans les faits, on retrouve un vélo associé à un moteur électrique et à une batterie. « Les tout premiers modèles de VTT assistés étaient des VTT classiques sur lesquels étaient greffés plus ou moins bien le moteur électrique et la batterie, nous explique David Delapierre, du magasin parisien Mountainbiker. Mais ça, c’était avant. Depuis l’an dernier, on voit arriver des VTT pensés et conçus pour être assistés, qui intègrent mieux la batterie et le moteur, qui se passent de poste de pilotage, souvent trop exposé lors d’une chute. Il existe même maintenant des modèles en carbone... Cela évolue très vite. » Dès que le cycliste commence à tourner les manivelles, un capteur placé sur le pédalier

le détecte et peut, selon le programme choisi, assister plus ou moins l’effort. Il existe deux types de capteurs : l’un détecte la rotation des manivelles sans tenir compte de l’effort fourni par le cycliste et, plus évolué, un autre prend en compte la pression exercée sur les pédales. C’est ce qui se fait de mieux actuellement. La surcharge engendrée par le système au complet est généralement de 6 à 7 kg sur un VTT, les plus légers tutoyant actuellement les 19 à 20 kg pour les modèles dotés d’un cadre en carbone. Mais n’allez pas croire ces VTTAE réservés aux fainéants. Si toutes les grandes marques s’y mettent, cela n’est pas un hasard, un programme de courses officielles ayant même vu le jour depuis l’an dernier. Avec, en haut des classements, des ambassadeurs reconnus, comme Nicolas Vouilloz, le multiple champion du monde de descente, pour la marque française Lapierre, par exemple. Ou le presque retraité Christoph Sauser, qui a remporté en avril dernier la course « électrique » de la fameuse Sea Otter Classic en Californie sur son Specialized. Un vélo proche de celui qu’utilise régulièrement David dans la forêt de Fontainebleau et que nous sommes allés détailler dans son magasin parisien.

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COMMENT ÇA MARCHE ?

Haibike a été l’une des premières marques de VTT à développer des modèles assistés. Dérivés de VTT classiques, juste adaptés.

La batterie

Comme pour les voitures électriques, la batterie est au cœur de la problématique « autonomie ». Car on peut le dire, en cas de panne d’électricité, le VTTAE devient vite usant. Traîner la masse d’un Vélib’ (20 à 23 kg) sur des sentiers escarpés sans la moindre assistance, on ne le souhaite à personne. Heureusement, cela arrive rarement, puisqu’en fonction de la batterie et du mode de conduite choisis, l’autonomie va de 40 à plus de 80 km. Il existe aujourd’hui un seul type de batterie, de 36 V au lithium, et deux capacités : 400 Wh et 500 Wh. On entend de plus en plus parler de capacité de plus de 700 Wh pour un avenir proche. Cela promet de belles sorties. Ces batteries ne se rechargent que sur secteur,

contrairement aux voitures électriques ou hybrides qui peuvent recharger les leurs dans les phases de freinage ou de descente. Cette fonction n’existe pas en VTTAE, sans doute pour éviter de freiner la roue arrière dans des situations où cela poserait des problèmes (sauts, faible adhérence). Les progrès des capteurs et l’expérience des marques impliquées dans le développement des VTTAE vont sans doute changer cela, ce qui augmenterait sérieusement les autonomies. Pour la recharge, les constructeurs annoncent 3 heures et demie en moyenne pour remettre « le plein ». Ajoutez 20 % pour être tranquille. Enfin, sachez que l’autonomie dépend largement du mode d’assistance que vous sélectionnez (voir poste de pilotage).

Le moteur

Jusqu’à il y a peu, il n’existait véritablement que trois grandes marques pour motoriser les VTTAE, l’allemande Bosch et les japonais Yamaha et Shimano ; avec dans les trois cas des propositions équivalentes (puissance légalement bridée à 250 W, couple comparable pouvant culminer à 80 Nm). La marque Haibike (voir modèle noir et blanc sur nos photos) proposait d’ailleurs le même

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VTT avec ces deux motorisations sans que l’une se détache vraiment en performances. Mais comme dans tout secteur jeune, les derniers arrivés sur le marché en profitent souvent pour apporter de nouvelles solutions, comme Specialized avec ses Levo et leur moteur de 90 Nm de couple, ou les prochains modèles de la marque canadienne RockyMountain. En plus de cette bagarre sur les perfor-

mances du moteur, les marques se tirent la bourre sur son intégration dans le cadre, pour réduire les masses et augmenter la garde au sol sans trop rehausser le centre de gravité. Notons que les grandes marques de dérailleurs proposent aujourd’hui des composants spécifiques pour les VTTAE, plus fiables pour encaisser les couples combinés développés par le cycliste et le moteur électrique.


Pour son Levo, Specialized a développé un cadre spécifique. Ici, le logement de la batterie.

Ici, une batterie Yamaha 500 Wh. Un seul défaut : sa fixation sur le cadre supporte mal les chocs répétés d’une descente.

Mieux intégrée, la batterie 508 Wh du Specialized tient mieux en place.

Niveaux de charge et d’assistance visibles d’un coup d’œil.

Le poste de pilotage

Il existe deux écoles en VTTAE concernant le poste de pilotage : avec ou sans. Il faut savoir qu’avec ce type de vélo, on peut sélectionner le niveau d’assistance du moteur électrique. Ainsi, même s’il faut toujours pédaler pour engager le système, on peut bénéficier de plus ou moins de puissance électrique, au bénéfice des performances... mais pas de l’autonomie. Ce choix se fait soit depuis le poste de pilotage (voir Haibike) qui sert aussi de compteur de vitesse voire de GPS, soit depuis des touches sur le cadre, près de la batterie comme sur le Specialized. L’idée, ici, est de se passer d’un compteur trop exposé en cas de chute. On peut aussi utiliser une appli dédiée sur son smartphone pour piloter le système et profiter d’un compteur, d’un GPS ou de toute autre fonctionnalité. Dans tous les cas, sachez que la pratique du VTTAE comme le produit en lui-même sont très encadrés juridiquement. En plus d’une puissance électrique bridée à 250 W (au-dessus, ce n’est plus considéré comme un vélo assisté mais comme un cyclomoteur qu’il faut alors immatriculer), le VTTAE doit se contenter d’une assistance électrique jusqu’à 25 km/h seulement. Audessus, seuls les mollets du cycliste feront avancer la machine. Comme quoi, c’est toujours du sport. Enfin, évidemment, un VTTAE est cher. Plus cher qu’un modèle classique, sans moteur ni batterie. Pour les modèles d’entrée de gamme, comptez déjà plus de 2 000 €. Et si vous craquez pour un Specialized Turbo Levo tout suspendu ou le nouveau Lapierre en carbone de Nicolas Vouilloz, doublez, voire triplez ce montant. Mais vous aurez alors une bête de course capable de vous aider à aller n’importe où. Que cela monte ou descende.

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SPORT&LOISIRS

L’art de À 27 ans, François Halbout n’a pas choisi une vie d’ennui dans un bureau, mais le grand air auprès des chevaux. Maréchal-ferrant, il nous fait découvrir un métier complexe et passionnant, à michemin entre l’artisanat et la haute technologie. Textes P. Lefebvre, photos Mitchell

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du bien

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etite devinette : quels sont les outils du maréchal-ferrant ? Vous avez sûrement pensé à la brûlante forge, la lourde enclume ou encore l’indispensable marteau. Bravo ! Vous avez presque tout bon. Presque, parce que vous en avez oublié un, et du genre important. Cet outil... c’est le smartphone ! Déplaçant, au fil de ses journées, les centaines de kilos de son atelier mobile au volant de son pick-up spécialement aménagé, François Halbout ne serait rien sans son portable. Recevant par MMS les photos des examens radiologiques des jambes de ses « clients », il travaille main dans la main avec les vétérinaires pour traiter fourbures et autres maladies frappant les membres des chevaux et leurs sabots qui sont, au même titre que nos petons, aussi indispensables que fragiles. Une fois le boulot effectué, François reste connecté et envoie à son tour des clichés de ses interventions aux praticiens. Vive la 4G.

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Pour être franc, on s’attendait, comme à chaque reportage pour Followed, à apprendre plein de choses en rencontrant quelqu’un de passionnant. Mais l’énergique François, qui a décidé dès ses 18 ans d’exercer ce métier aussi rare qu’original, a dépassé toutes nos espérances. Si le métier de maréchal-ferrant a bien changé, ce n’est pas uniquement dû au fait que c’est maintenant la forge qui vient aux chevaux et non l’inverse, comme c’était le cas, il n’y a encore pas si longtemps, dans la plupart des villages de notre beau pays. En plus d’assurer le nettoyage et la coupe, environ toutes les six semaines, des sabots, car, comme les ongles, ces derniers poussent de 1 à 2 cm par mois, le maréchal-ferrant est en même temps le chausseur, et même parfois l’orthopédiste des chevaux, spécialité que François a fait sienne en choisissant, après trois années d’études, de rempiler pour vingtquatre mois de plus de spécialisation, le tout


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confirmé par la voie de l’apprentissage. Et ce n’est pas peu dire qu’après quatre ans à la tête de son entreprise, François a un œil d’expert. Avant même de sortir son matériel et d’enfiler son tablier de cuir, il déduit, en regardant son « patient » marcher vers lui, quel est son problème et quelle forme il va devoir donner aux fers afin de soigner pour les cas les plus graves, ou de permettre au cheval d’avoir la meilleure empreinte au sol en fonction de ses activités, de la simple balade au concours de saut d’obstacles. Mais si le coup d’œil est indispensable, un physique de sportif l’est aussi. En plus de devoir installer puis ranger plusieurs fois par jour ses outils et surtout son enclume, qui n’est pas énorme mais pèse tout de même son poids (35 kg), François doit aussi s’assurer, en serrant la jambe entre ses cuisses ou d’une main très ferme que le cheval va se laisser faire. Et comme les hommes, il y a des douillets ou des caractériels... à ceci près qu’un cheval pèse en moyenne 450 kg ! Il est évident que ce n’est donc pas un métier de tout repos et que la pose d’un fer n’a rien d’une partie de santé d’autant que les étapes sont très nombreuses.

Parer, c’est tailler Tout d’abord, il faut retirer l’ancien fer, qui peut aussi avoir été perdu. Vous savez, c’est celui que l’on trouve au milieu d’un champ et qui est censé porter chance. À ce propos, coupons court à une idée préconçue. On change le fer parce que la corne du sabot pousse régulièrement et non parce que le métal est usé. Un coup de pince pour l’arrachage et pas mal d’huile de coude permettent de débarrasser le cheval de ses chausses. Puis arrive une étape simple en

Ce n’est pas le fer qui s’use, c’est le pied du cheval qui pousse 68 Followed Magazine


Aujourd’hui, c’est le maréchal qui va aux chevaux, pas l’inverse

apparence mais cruciale : le parage. François ne s’en cache pas, durant sa formation, c’est la chose qu’il a mis le plus longtemps à apprendre. À l’aide de la reinette, une sorte de couteau à la pointe recourbée, le maréchal-ferrant cure le sabot pour le nettoyer puis coupe délicatement la corne qui a poussé, y compris au niveau de la fourchette, partie plus souple située au centre qui permet au sabot de s’évaser sur le sol, de le rendre plus souple lorsque le cheval repose la jambe. Autant dire qu’il ne faut pas se rater et ne pas y aller trop fort... comme lors de la coupe d’un ongle. Une fois le sabot « propre », François peut alors s’attaquer à la fabrication du fer ou plutôt au choix de sa taille puisque le maréchal-ferrant ne les fabrique plus lui-même, mais les achète. Cela ne veut pas pour autant dire qu’il n’a plus rien à faire. Même s’il existe un très grand nombre de tailles et d’innombrables références (voir encadré), chaque sabot est différent, ce qui implique de travailler la forme en acier, en aluminium ou en plastique, voire en résine pour les cas particuliers, comme nous le verrons un peu plus loin. Pour transformer un fer, François allume sa forge alimentée par du gaz et au cœur de laquelle la température grimpe jusqu’à 1 300 °C en un petit quart d’heure. Si certains autres outils comme la ponceuse à bande ou la grosse perceuse, servant à fabriquer des mortaises pour fixer des crampons sous les fers, ont rendu le métier un peu moins pénible, un coup de marteau aussi puissant qu’habile reste néanmoins indispensable. À l’aide d’une pince, François récupère le métal rougeoyant et ramolli et le pose sur l’enclume afin de le travailler, non sans avoir auparavant revérifié

François Halbout, à côté de son 4x4 modifié pour transporter tous ses outils.

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Il n’y a plus de forge dans chaque village. Mais le maréchal a la sienne.

Magasin de chaussures Autrefois, le maréchal-ferrant fabriquait ses fers dans sa forge. De nos jours, ils sont produits à grande échelle, notamment en Chine, et sont en acier, en aluminium (plus léger pour les chevaux de course ou de sport), voire en plastique. Au-delà du très grand nombre de tailles disponibles (indiquées sur le côté du fer) allant du 8x0 pour les poneys au fer de 9 voire 10 pour les imposants chevaux de trait, qui pèsent parfois plus d’une tonne, les fers sont toujours de formes différentes pour les pieds avant ou arrière avec un nombre de pinçons variable (de 1 à 3). Pour rappel, les pinçons (excroissances sur les fers) permettent de mieux faire tenir le fer, mais le maréchal-ferrant peut aussi les retirer s’il considère qu’ils ne vont pas permettre au sabot d’être suffisamment souple. Ensuite, les formes des fers sont, comme a

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pu nous le montrer François, innombrables. Il faut dire que la fonction ne va pas être la même selon que le fer est pour un cheval de saut d’obstacles ou un autre connaissant

des problèmes orthopédiques. Ces derniers peuvent parfois être chaussés de fers inversés voire fermés au niveau du talon pour traiter les nombreuses pathologies équines.


La taille et la forme des fers doivent être adaptées sur place, avec le cheval.

sur le sabot les dimensions et la forme qu’il va falloir donner, étape aussi fumante (le fer est chaud) qu’odorante, rappelant ici plutôt le cochon grillé que l’équidé. Précis, minutieux, chaque coup de marteau permet de sculpter le métal avant qu’il ne soit plongé dans un seau d’eau afin de le refroidir. Au passage peuvent aussi être retirés les pinçons, pointes saillantes des fers qui renforcent le maintien. Cela permet de laisser davantage de souplesse aux sabots. Après un nouveau contrôle sur le pied de son client, François ponce le fer pour en affiner le réglage. Enfin vient le moment de la pose. Les clous qui vont servir à maintenir le fer ne sont

pas plantés au hasard et cela pour une raison simple : comme un pied, un sabot est innervé et veiné. Imaginez donc quelle serait la douleur du cheval si une pointe venait à pénétrer dans une zone sensible. Minutieuse, la pose des clous (dont la taille et la forme sont variables) consiste donc à les faire entrer sous le sabot pour qu’ils ressortent sur les côtés. Une fois cette étape franchie, François utilise un dégorgeoir pour dégager les pointes avant de les couper puis de riveter le bout de clou restant pour que l’ensemble tienne bien en place. Imaginez l’opération reproduite par autant de pieds ! Et on vous passe les détails sur, par exemple, la pose

À l’origine, le cheval marche sur du « mou », dans la terre. Pour le bitume, il lui faut des fers

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Un métier physique Quand le cheval tient bien sur ses jambes, il n’est pas trop dur de lui en faire lever une. Mais quand l’animal est faible, ou a mal à l’un de ses pieds, le maréchal doit parfois subir une charge de plus de 250 kg.

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de résine entre le sabot et le fer afin d’amortir davantage les chocs, une sorte de tampon que François, taquin, appelle les « Airmax » en référence à une célèbre basket à l’amorti réputé.

De l’entretien au traitement Son ton devient plus sérieux lorsqu’il aborde l’autre facette de son métier, qui consiste à sauver ou à défaut allonger la durée de vie de chevaux mal en point. Et parmi les cas rencontrés ce jour-là, deux nous ont laissés pantois. Un duo de poulains d’à peine 2 mois qui, sans les nouvelles technologies employées de nos jours, auraient été condamnés à l’abattoir, ou plutôt, comme dit François avec un humour bien noir, « au steak haché ». Membres inférieurs mal formés, parties osseuses tournées dans le mauvais sens, défauts d’aplomb, François nous explique qu’il faut intervenir dans les six mois suivant la naissance. Mais comme les sabots sont trop petits et qu’ils sont trop fragiles avant l’âge de 8 mois, impossible de travailler avec des fers. François se transforme alors en maçon. À l’aide d’une plaque de mousse collée sous le sabot, il fabrique un coffrage qui va permettre l’adjonction d’une résine. Technique et moderne, cette solution est également thérapeutique puisque du sulfate de cuivre peut être mélangé à la résine afin de désinfecter et d’éviter d’éventuels abcès. Après un séchage de quelques minutes et le décoffrage, savoir-faire et ponceuse entrent en scène et servent à donner la forme adéquate

Le maréchal fait de l’entretien, mais aussi des soins pour traiter des problèmes orthopédiques

Les clous traversent le sabot... mais ressortent sur les côtés. Ils sont ensuite coupés.

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SPORT&LOISIRS On peut ajouter de la résine, entre fer et pied, pour améliorer l’amorti du sabot.

On peut aujourd’hui sauver des poulains grâce à des sabots refaits en résine

au sabot artificiel afin de contraindre le poulain, à la façon d’un enfant chaussé de semelles orthopédiques, d’utiliser ses membres dans le bon sens et de répartir son poids de façon régulière. L’équilibre des masses est d’ailleurs la clé du mouvement d’un cheval. Majoritairement situé à l’avant, le poids fait du meilleur ami de l’homme (ou du second, si vous préférez les chiens) une « traction avant » comme dit François. Cela explique que l’on peut se contenter de ferrer les chevaux uniquement sur les pieds antérieurs, voire ne pas les ferrer du tout au cas où ils restent au pré. Mais dans ce cas, il est vivement conseillé de faire procéder à trois à quatre parages par an, ce que certains propriétaires ne font hélas pas, soit parce que cela coûte trop cher, soit parce qu’ils préfèrent, à tort, laisser faire la nature. Reste que si un cheval travaille régulièrement, essentiellement pour du loisir de nos jours, le maréchal-ferrant demeure indispensable. Pour le saut d’obstacles, imaginez qu’à la réception d’un saut tout le poids du cheval peut reposer sur un seul de ses membres, entraînant une pression sur le sabot de plus d’une tonne au cm2 !

Ici, un sabot totalement reconstruit pour corriger un problème de genou.

Encore des évolutions à venir

Les traitements sont réalisés en collaboration avec le vétérinaire local.

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Minutieux, précis, technique et entraînant aussi de grosses responsabilités, le métier de François est bien loin du stéréotype du maréchal-ferrant de village. Et cela ne va pas aller en s’arrangeant car il songe déjà aux opportunités offertes par la technologie de l’impression 3D pour faire évoluer son métier, ou plutôt son art, en fabriquant de fers vraiment sur mesure. Cela va commencer à faire beaucoup de matériel dans la camionnette... en plus du smartphone !


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Écosse Le meilleur du royaume

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Ils ont le whisky, la panse de brebis farcie et une grosse envie de rester européens. Mais les Écossais ont surtout l’île de Skye. Une visite à faire absolument. Textes et photos F. Monfort


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Portree, la plus grande ville de l’île, avec environ 2 500 habitants toute l’année. Sans compter les touristes.

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Un des arrêts incontournables de l’île, sa plus vieille boulangerie.

Portree, la « capitale »

Le ponton de Portree sert autant aux pêcheurs locaux qu’aux touristes qui viennent visiter l’île en bateau.

L

a majorité des touristes de passage sur l’île de Skye arrive en voiture, soit par le ferry depuis Mallaig au sud, après avoir traversé le Glencoe et ses paysages rappelant Harry Potter et James Bond, soit par le pont qui relie Skye à l’Écosse, à Kyle of Lochalsh, à l’est. On peut aussi, et c’est notre conseil, arriver par l’un et repartir par l’autre, pour ainsi profiter du château d’Eilean Donan, tout aussi intéressant que le Glencoe de l’autre côté. Une fois sur l’île, avant de remonter sur Uig au nord ou de partir à l’ouest vers Dunvegan et le château du clan des MacLeod, l’arrêt à Portree s’impose. Un cinquième des habitants de l’île vit dans cette petite ville à flanc de falaise dont le port coloré fait des photos souvenir fabuleuses. Surtout, depuis Portree, on peut rayonner en voiture ou à vélo, même si le relief de cette île de la mer des Hébrides peut refroidir les moins affûtés. Dans tous les cas, si la marche ou le vélo ne sont pas votre truc, venez en voiture (ou à moto si vous ne craignez pas les intempéries, fréquentes dans cette région), les transports en commun n’étant pas très développés sur Skye. Et il est intéressant de faire le tour de l’île, de passer sur la rive ouest visiter la distillerie Talisker (une seconde distillerie a ouvert l’an dernier), ou d’aller découvrir les montagnes de Cuillin et de Storr.

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SPORT&LOISIRS La plupart des habitants de l’île possèdent des moutons. En liberté, mais marqués.

Ce signal indique un passage plus large sur la route pour laisser passer les voitures venant en face. Beaucoup de routes n’ont qu’une voie.

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Les moutons de Skye sont réputés pour leur peau et leur laine dans le monde entier.

Dame nature

C

omme dans les Highlands voisins, Skye vit au rythme de la terre. Et de ses locataires, hommes, mais aussi moutons. Il y en a partout, la majorité des habitants en élevant, principalement pour leur laine. Ici, la tonte est manuelle, presque délicate, les Écossais respectant les animaux. Et quand ces bêtes finissent à l’abattoir, les peaux sont récupérées dans de vieilles tanneries. Elles y sont lavées, tannées et brossées à l’ancienne pour s’exporter dans le monde entier. Ces moutons, à tête noire ou pas, vivent presque toujours en liberté. Attention en voiture : ils sont chez eux et ne s’écartent pas toujours de la chaussée. Conduire sur Skye est une activité un peu spéciale : outre les bêtes, moutons mais aussi vaches (les fameuses Black Angus), qu’il convient d’éviter, il faut composer avec les autres usagers. Sans doute pour ne pas dénaturer le paysage, une grande majorité des routes ne possède qu’une seule voie. Il faut alors accepter de s’arrêter sur une « passing place » le temps de se croiser. Cela fonctionne très bien à condition de prendre son temps et de respecter les autres.

Il existe plusieurs tanneries, qui travaillent avec des méthodes ancestrales.

Pour voir « the Old Man of Storr » d’en haut, il faut monter à pied. Bonne condition physique exigée.

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SPORT&LOISIRS Le château de Dunvegan, à l’ouest de l’île, au bout du loch du même nom. Il appartient au clan MacLeod depuis le XIIIe siècle.

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De Glendale à Neist Point

S

i beaucoup de touristes vont visiter le château de Dunvegan, fief du clan des MacLeod depuis le XIIIe siècle, peu vont pousser jusqu’à la pointe de la péninsule ouest, après Glendale. Pourtant, au bout d’une minuscule route et d’une marche très sportive, se tient le phare de Neist Point, remarquable pour sa position

The Neist Point Lighthouse, un phare construit en 1909 à la pointe orientale de l’île. Il est maintenant automatisé.

et surtout pour son environnement. Venez avec appareil photo et jumelles, pour immortaliser l’endroit et pour tenter d’apercevoir dauphins, baleines ou oiseaux marins. C’est l’endroit idéal. En revanche, comme partout sur l’île, ne vous y aventurez pas sans de bons vêtements de marche... et de pluie. Même en été, les

nuages sont bas (on a parfois l’impression de pouvoir les toucher) et les averses fréquentes. Et, surtout, ils vous permettront de vous protéger des midges, ces petits moustiques qui attaquent en nuées et provoquent des démangeaisons terribles. Pour s’en protéger : vêtements longs ou crème pour la peau de la marque Avon.

La panse de brebis est souvent servie avec une purée de pommes de terre (ou en hachis, ici).

Pour le rendre au phare de Neist Point, il faut passer par là, à pied. Le paysage est sublime.

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Où loger ? Si vous n’êtes pas motorisé, mieux vaut trouver à se loger à Portree. Comme dans toute l’Écosse, les hôtels sont rares et assez chers. Plus faciles à trouver, les chambres d’hôtes via Abritel (abritel.fr) ou Airbnb (airbnb.fr).

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Comment y aller ? Si vous voulez venir sur l’Île de Skye en avion, il faut passer par Glasgow (aéroport international) ou par Inverness (local) avant de prendre une voiture de location, le train ou le bus. Pensez qu’une fois sur place, les transports en commun ne sont pas très développés.


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P O R S CHE 911 R

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Avec sa boîte manuelle et son gros flat six atmosphérique, la Porsche 911 R pourrait être considérée comme un simple retour aux sources. Elle est bien plus que cela. Textes W. Coldefy, photos Tibo-Porsche France

I

l y a plusieurs façons de voir la 911 R. Les spécialistes la présentent comme une GT3 RS débarrassée de son aileron et de sa boîte de vitesses à double embrayage, les nostalgiques la voient comme un hommage à la 911 originelle, tandis que les cyniques saluent le joli coup spéculatif. Les 991 exemplaires ayant déjà tous été vendus, la cote de la 911 R a déjà explosé sur le marché de l’occasion, au bénéfice des heureux propriétaires élus par Porsche. Plus prosaïquement, pour les passionnés dont nous faisons partie, cette « R » est tout simplement la 911 la plus désirable du moment. Pourquoi ? Parce que c’est celle dont le cahier des charges se concentre sur la seule vraie qualité que l’on devrait attendre d’une voiture de sport : le plaisir de conduire. Et nous avons bien écrit conduire, pas piloter. Car pour le pilotage, il y a justement celle dont la R dérive : la GT3 RS. Un monstre de performances dédié à l’efficacité chronométrique, au risque de devenir une terrible machine à frustration sur la route, où un conducteur doté du moindre instinct de conservation n’ira jamais titiller les limites. Cela, Andreas Preuninger, le patron du département développant les Porsche compétition-client et les modèles GT, l’a bien compris. C’est lui qui avait essuyé les critiques d’une partie de sa clientèle au lancement de l’actuelle 911 GT3 – exclusivement proposée avec une boîte à double embrayage PDK aux changements de rapports éclair –, puis mesuré l’engouement

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suscité dès son lancement par le Cayman GT4, seulement disponible en boîte manuelle. Il existe en effet une frange de puristes pour lesquels une voiture de sport est un peu comme une belle moto, un jouet d’adulte égoïste à sortir les jours de beau temps, et pour qui le plaisir de changer soi-même de rapport est autrement plus important que les quelques dixièmes que cela peut faire perdre. Ceuxlà veulent être impliqués au maximum de leurs compétences dans la conduite de leur bolide. C’est aussi pour cette raison que la 911 R se passe d’aileron et se contente des « petites » roues de la GT3, pour rendre ses limites d’adhérence plus accessibles sur route. Une décision qui a toutefois été plus lourde de conséquences qu’il n’y paraît sur le plan technique. Pour préserver la stabilité à haute vitesse – qui suppose une répartition de l’appui aérodynamique en faveur de l’essieu arrière –, il a fallu non seulement réduire la déportance générée par l’avant de la carrosserie en raccourcissant la lèvre inférieure du bouclier et en supprimant les ouïes de débourrage des ailes avant de la GT3 RS, mais aussi développer un petit diffuseur arrière spécifique. Résultat : l’appui à 300 km/h a été divisé par dix – passant de 350 kg pour la RS à 35 kg pour la R –, et la traînée a été réduite au profit de la vitesse de pointe, qui culmine désormais à 323 km/h (contre 310 pour la RS) ! À tel point qu’il a aussi été nécessaire de reprogrammer le logiciel de la direction arrière (les roues arrière tournent, rappelons-le) pour que celleci réagisse plus rapidement et avec une amplitude augmentée en cas de manœuvre d’urgence réalisée à haute vitesse. Nouvelle programmation qui a aussi été mise à profit pour optimiser l’agilité et donc le plaisir de conduite sur parcours sinueux. Le rapport poids/puissance bénéficie aussi de ces évolutions : grâce à la suppression de l’aileron arrière, mais aussi de quelques matériaux insonorisants, et au remplacement de la lourde boîte PDK (lestée de deux embrayages, deux arbres primaires, et de nombreux


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MÉCANIQUE Le petit levier en fibre de carbone commande une boîte manuelle à 6 rapports précise et parfaitement étagée. Les poignées de portes ont laissé place à de simples lanières pour réduire le poids.

Discret, le logo « 911 R » en métal brossé est apposé sur les seuils de portes et le capot moteur.

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Inspiré de celui de la 918, le volant à trois branches de la 911 R est dépourvu de tout bouton.


Bien calé dans un siège baquet posé sur le plancher, le conducteur jouit d’une position parfaite.

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MÉCANIQUE

actionneurs hydrauliques) par une nouvelle boîte manuelle à 6 rapports, les 500 chevaux du moteur de la GT3 RS ont 50 kg de moins à déplacer dans la R. Extérieurement, pourtant, la 911 R laisse bien peu paraître ce potentiel mécanique. Débarrassée de toute excroissance aérodynamique, on la prendrait presque pour une simple Carrera, n’étaient ses jantes à écrou central... ou, bien sûr, les bandes autocollantes vertes optionnelles de notre modèle d’essai. Cette sobriété de bon aloi atteint son paroxysme à l’intérieur : noir et dépouillé – notamment de ses strapontins arrière et même de ses poignées de portes, remplacées par des lanières –, l’habitacle n’est égayé que par la sellerie en tissu beige pied-de-poule délicieusement désuète

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des sièges baquets monoblocs en fibre de carbone. Cette tonalité vintage est renforcée au premier coup de démarreur : plutôt vibrant au ralenti en raison de son volant moteur allégé (option à... 3 000 €), le flat six de 4 litres fait sonner cette R comme une 911 de course des années 1970. Il ne manque que le bruit de la turbine du refroidissement par air, abandonnée par Porsche à la fin du siècle dernier... Intimidant, même si cette 911 R commence par démontrer dans la circulation qu’elle sait rester suffisamment docile et facile à conduire pour un usage quotidien. Mais il suffit d’une portion de route dégagée et de préférence sinueuse pour révéler sa vraie nature. Un rétrogradage accompagné par un petit coup d’accélérateur de votre


Données constructeur

PORSCHE 911 R Moteur : 6 cylindres à plat, 3 996 cm3, essence, injection directe Transmission : aux roues arrière, boîte de vitesses manuelle, 6 vitesses Puissance (ch à tr/min) 500 à 8 250 Couple (Nm à tr/min) 460 à 6 250 Masse (kg) 1 370 Long.xlarg.xhaut. (m) 4,53x1,85x1,27 Diamètre de braquage (m) 11,10 Volume du coffre (l) 125 Vitesse maxi (km/h) 323 0 à 100 km/h 3”8 Émissions de CO2 (g/km) 308 Prix 192 845  €

pied droit – ou géré automatiquement par la gestion du moteur, comme le permet la fonction commandée par le bouton Sport disposé sur la console centrale – et le flat six se réveille dans un jappement ultra-vif, merci le volant allégé ! Maintenu dans sa plage de régime de prédilection – entre 4 000 et 8 500 tr/min – grâce à une boîte manuelle rapide et bien étagée, ce 4 litres fait étalage d’une puissance qui apparaît non seulement inépuisable mais aussi incomparablement plus facile à moduler que celle d’un bloc suralimenté par turbocompresseur, forcément affecté d’un temps de réponse. Et le châssis est à la hauteur : tandis que l’amortissement piloté efface les bosses des revêtements les plus déformés, les 4 roues

directrices transfigurent la tenue de route réputée pointue de la 911. Bien campée sur ses pneumatiques semi-slick très adhérents (des Michelin Pilot Sport Cup 2), cette 911 R accepte de freiner en appui à haute vitesse sans se dérober, tout en se montrant d’une agilité étonnante en entrée de virage serré : ses roues arrière braquent alors brièvement en opposition des avant pour provoquer une attitude de léger survirage que le contrôle de stabilité électronique et l’antipatinage spécifiquement calibrés pour cette 911 R permettent d’entretenir à la réaccélération. Comme quoi, il n’est pas forcément nécessaire d’avoir le talent d’équilibriste d’un Henri Toivonen pour se faire plaisir au volant d’une 911 de 500 ch...

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MÉCANIQUE

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C 63 S M E RC E DE S

SEPTIÈME CIEL

Comme une gardienne du temple, la Mercedes Classe C conserve, dans sa version la plus haute, un V8 suralimenté élevé chez AMG. Une coquetterie qui prend toute sa mesure en cabriolet. Textes C. Boulain, photos D. Fontenat

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MÉCANIQUE

S

aviez-vous qu’il existe encore des sorciers en Allemagne ? Des personnes dotées de pouvoirs surnaturels, capables de faire pétiller votre quotidien... tout en pourrissant celui de leurs voisins de bureau. On ne les appelle pas des druides, ni même des sorciers de ce côté du Rhin, dans la région du Stuttgart. On leur donne le nom étrange de motoristes. En tout cas à Affalterbach. Ici, chez AMG, la division sportive de Mercedes, on a une devise : un homme, un moteur. Ainsi, l’assemblage des blocs est assuré de A à Z par le même technicien qui vient, à la fin, apposer sa signature sur le moteur complet. Et, quelle qu’elle soit, si vous avez l’occasion de prendre le volant de la nouvelle C 63 S AMG cabriolet, vous allez la vénérer, cette signature. Et surtout le sorcier qui l’a apposée. Quand les concurrents Audi et BMW cèdent aux six-cylindres, Mercedes conserve un moteur à huit cylindres en V pour

son haut de gamme Classe C. Certes, ce n’est plus le 6.2 litres atmosphérique, ni le 5.5 litres biturbo, deux moteurs qui nous enchantaient sous le capot des Mercedes ornées du badge AMG, mais le 4 litres à double turbo dévoilé dans le coupé AMG GT. Tout cela par la faute de règlements antipollution de plus en plus sévères à chaque génération. Par la faute ou grâce à ces règles ? On peut se le demander. Avec son injection directe haute pression et ses deux turbines, placées entre les deux rangées de cylindres et capables de tourner à 186 000 tr/min, ce petit V8 affiche des valeurs de performances à momifier un radar jumelles, et son utilisateur avec. Plus de 500 ch, disponibles entre 5 500 et 6 250 tr/min, et 700 Nm de couple dès 1 750 tr/min, sont ainsi balancés aux seules roues arrière via une transmission à 7 rapports. Et de quelle manière ! Pour faire pétiller chaque seconde passée dans ce cabriolet, mieux vaut respecter trois principes. Le

La C 63 S AMG est ajustable à discrétion. À gauche, le filet anti-remous, doublé d’un déflecteur au-dessus du parebrise. Les sièges baquets sont en option. La liste est longue.

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premier : il faut rouler décapoté, sans ces épaisses couches de tissu qui vous isolent de l’extérieur. Des bruits extérieurs pour être plus précis. Le second : il faut engager le mode Sport ou Sport+ (voire Race) pour libérer les échappements optionnels à valves, raccourcir les temps de passage de vitesses de la transmission automatique et affermir la suspension pilotée. Enfin, il faut accepter de réduire quelque temps sa consommation de viande rouge... pour compenser tout le CO2 qu’on s’apprête à relâcher dans l’atmosphère. Car, même si les sorciers d’AMG ont des pouvoirs surnaturels, même si ce V8 sait rester sage et – presque – sobre au regard de sa puissance, on ne va pas l’utiliser pour cela : on va brûler de l’essence. Une fois ces conditions remplies, il suffit d’enfoncer la pédale de droite et d’égrener les vitesses une à une via les palettes au

volant. Dès lors, l’envoûtement débute : les tympans se mettent à vibrer au rythme des pistons, les yeux s’enfoncent dans leurs orbites sous la pression de l’accélération et le cœur s’emballe. À chaque décélération, quelques centilitres de SP98 viennent exploser en fin de combustion, détonants comme dans une partie de ball-trap. Si, comme lors de l’essai, la chaussée brille d’une pluie d’été, on sent les roues arrière patiner jusqu’en quatrième si on a eu l’audace de sélectionner le mode Race... ou de configurer la voiture pour retarder le déclenchement de l’ESP. La magie du différentiel piloté rend cela possible, même pour celui qui n’aurait pas été diplômé en contre-braquage. Ce cabriolet à la ligne agressive, aux ailes élargies et aux jantes démesurées assume alors sa filiation : c’est bien un AMG. Et ses géniteurs sont bien des sorciers.

Une petite route, pas de pluie pour rester décapoté, et c’est le bonheur assuré. Quelle voiture !

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Données constructeur

MERCEDES-AMG C 63 S CABRIOLET Moteur : V8, biturbo, essence, injection directe, 3 982  cm3 Transmission : propulsion, boîte automatique, 7 rapports Puissance (ch à tr/min) 510 à 5 500 Couple (Nm à tr/min) 700 dès 1 750 Masse (kg) 1 925 Long.xlarg.xhaut. (m) 4,75x1,88x1,40 Diamètre de braquage (m) 11,29 Volume du coffre (l) 285-360 Vitesse maxi (km/h) 250-280 0 à 100 km/h 4”1 Émissions de CO2 (g/km) 208-218 Prix de la version de base : 108 700 €

Si tout se passe bien, vous n’en goûterez que les bons côtés. Les mauvais, le revers de la médaille comme on dit, c’est pour les collègues de ces « motoristes ». Ceux qui doivent faire que ce petit cabriolet de 510 ch soit aussi facile à conduire, confortable, bien fini, bien insonorisé capote fermée, et même sobre au quotidien. Citons les ingénieurs châssis, qui ont dû développer des trains roulants capables de digérer la fougue de l’incroyable V8 biturbo. Avec près de deux tonnes sur la balance, des roues arrière motrices et 700 Nm de couple, la tâche était ardue, pour ne pas dire impossible. Les sorciers, eux, ils ne doivent vraiment pas les aimer. N’oublions pas les électroniciens, qui ont mis au point les aides à la conduite et programmé le différentiel arrière actif qui rend le pilotage si évident, même sous la pluie. Eux non plus, la magie ne doit plus les amuser. Enfin, il y a tout les autres. Ceux qui ont développé le système anti-remous qui combine un filet se déployant électriquement derrière les appuie-tête arrière en même temps qu’un petit déflecteur au-dessus de la baie de pare-brise, pour rouler cheveux au vent... sans vent, même à quatre. Ceux à qui l’on doit cette capote si bien insonorisée qu’on se croit dans un coupé quand elle est fermée et qui se déploie électriquement même en roulant, jusqu’à 50 km/h. Ou les ingénieurs à qui revenait la tâche de développer un système de freinage capable de stopper un missile dont la bride électronique établie à 250 km/h peut être relevée pour atteindre 280 km/h (ou même 290). Deux tonnes à 280 km/h, ça fait de l’énergie à dissiper... D’origine, cette AMG se dote de freins en acier. Mais, en option, on peut lui greffer des disques en céramique deux fois plus légers, à la fois bénéfiques aux distances d’arrêt et à la tenue de route. Tous ces gens ont si bien travaillé qu’on peut se demander s’ils n’ont pas réussi à faire la voiture idéale. Pas loin. Mais à près de 140 000 € avec les bonnes options dans cette version Édition 1 de lancement, le mot est toutefois mal choisi. C’est sans doute aussi ça, la sorcellerie.

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Cette bombinette italienne et son moteur turbo ont le don de transformer Paris en circuit. En toute légalité. Textes F. Montfort, photos Mitchell

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ertains héritages sont plus durs à porter que d’autres. Celui de Carlo Abarth, préparateur de voitures de course réputé dans les années 1960, aurait pu en faire partie. Mais avant d’être reconnu pour cela, cet Autrichien naturalisé Italien après la Seconde Guerre mondiale s’était d’abord distingué dans la fabrication d’échappements. Des pots, comment dire... libérés. Plus de cinquante ans après, les modèles qui portent ce fameux nom lui font honneur dès le premier tout de clé. Pour bien apprécier sa 595 Competizione, il est conseillé d’avoir un parking. À la limite, une cour intérieure, mais dans ce cas avec des murs assez hauts. Garez toujours votre Abarth en marche arrière, les quatre sorties d’échappement contre le mur. Ainsi, vous vous assurerez un énorme sourire la prochaine fois que vous tournerez la clé pour démarrer son petit 1.4 litre turbo. C’est à se demander si les échappements Record Monza montés d’origine sont légaux. Dès que les bougies allument le carburant dans les cylindres, un phénomène paranormal se produit, une sorte de déflagration renvoyée par les murs en béton qui, en plus de flatter les tympans, vont, dans l’ordre, hérisser vos poils et réveiller vos voisins. Il y a pire comme introduction. Carlo doit en sourire, là-haut.

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MÉCANIQUE

Bref, avant même les premiers mètres, cette Abarth séduit. On va dire qu’elle compense sa première mauvaise impression, lorsqu’il a fallu s’installer derrière son volant. Si les nouveaux sièges baquets Sabelt sont magnifiques et offrent un maintien hors du commun, ils demeurent trop hauts et non ajustables dans ce sens. On a l’impression d’être perché sur un trône, avec le volant sur les genoux, volant qui, lui aussi, ne s’ajuste que dans un sens (hauteur, pas profondeur). Autrement dit, il existe des voitures où l’on est mieux installé. Pour être franc, c’est vraiment là que la 595 peine à masquer ses origines de Fiat Panda. Planche de bord, disposition des commandes, ergonomie, tout rappelle la petite citadine italienne qui lui sert de base, même si une fois ornée du badge Abarth, la 595 s’offre des équipements high-tech et des matériaux haut de gamme, comme l’Alcantara ou le cuir. L’arrivée d’un écran tactile couleur et d’un système audio d’assez bonne qualité renforce cette impression de montée en gamme, mais les connaisseurs seront un peu déçus. Jusqu’au tour de clé. Après, les choses changent. La position de conduite, on l’oublie. La faible largeur de l’habitacle, qui s’en soucie... On conduit. Ou on pilote. Pas très pêchu à bas régime, le quatre-cylindres T-Jet jadis dévoilé sur l’Alfa Romeo Mito se montre bien plus volontaire dès qu’on approche les 3 000 tr/min. Un petit caractère « turbo à l’ancienne » qui rappellera des souvenirs aux

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plus de 40 ans... Ensuite, au-dessus de ce régime, c’est un déchaînement. Les pistons s’emballent, alimentés en air frais par un turbo Garett qui souffle fort. On a d’ailleurs un manomètre à vue, à gauche des compteurs. Amusant même si l’accélération ne permet pas trop d’y jeter un œil. Parce que ça pousse fort, très fort même pour une petite voiture de 3,66 mètres de long... et 180 ch. Nous devrions d’ailleurs dire une voiture légère (moins de 1 100 kg) de 180 ch.

Son secret : son rapport poids/puissance Avec moins de 7 secondes pour passer de l’arrêt à 100 km/h et des reprises canon, la 595 Competizione peut en remontrer à bien des sportives. Et tout cela avec une sonorité à faire passer une GT italienne flanquée d’un cheval cabré pour un gentil diesel. Peut-être pas, mais ne vous étonnez pas si la sonorité caverneuse d’une Abarth couvre celle d’une Ferrari dans Paris, comprenez à un régime moteur « humain », pas à l’approche du rupteur. Malgré sa boîte de vitesses à seulement 5 rapports et au guidage juste acceptable, l’Abarth 595 délivre des sensations géniales, même en ville, et des performances comparables à celles de compactes sportives de 250 ch. Même le freinage, assuré par un système Brembo surdimensionné, et la motricité du train avant – aidée par un nouveau différentiel avant autobloquant (lié au pack Performance optionnel) –, sont d’un excellent niveau.


Sièges sport, manomètre de pression de turbo, pommeau de levier de vitesse en aluminium et ambiance course pour cette étonnante sportive qui n’a plus rien à voir avec la banale Fiat Panda dont elle dérive. Surtout à conduire...

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MÉCANIQUE L’autre bonne surprise vient du confort de roulement. Avec, aux quatre coins de la voiture, de grandes jantes recouvertes d’une fine couche de caoutchouc en guise de pneus, cette 595 Competizione aurait pu se montrer raide à l’excès. Elle ne l’est pas, grâce à des amortisseurs Koni à valves qui ménagent un confort acceptable à basse vitesse, sur les pavés de la place de la Concorde par exemple, et un bon maintien de caisse en virage. Mais ils ne font pas de miracle ; ce compromis séduisant au quotidien ne permet pas d’aller taquiner le chronomètre sur circuit, dans des courbes à 150 km/h : mais qui le ferait ?

Seul moment pénible : faire un créneau En fait, la seule vraie déception concerne la maniabilité en ville. Avec une carrosserie aussi petite, une position de conduite surélevée et une vision périphérique satisfaisante, la ville semble son terrain de jeu favori. C’est sans compter sur un diamètre de braquage d’autobus qui oblige à multiplier les manœuvres pour se garer, même en marche arrière contre un mur pour faire résonner le quatre-cylindres. Et comme Abarth veut séduire les amateurs de conduite qui préfèrent une direction lourde et un peu collante à la place de celle, trop légère, d’une citadine, on finit par pester à chaque créneau. Un conseil dans ce cas : ouvrez la fenêtre et caressez la pédale d’accélérateur pour ouvrir les valves des échappements. Ça y est, le sourire est revenu ? Finalement, c’est simple, le bonheur.

Quelques détails comme les feux arrière distinguent cette « nouvelle » Abarth 595, qui existe aussi en version 145 ch, sans l’appellation Competizione.

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Données constructeur

ABARTH 595 COMPETIZIONE Moteur : 4 cylindres, turbo, essence injection directe, 1 368 cm3 Transmission : traction, manuelle, 5 vitesses Puissance (ch à tr/min) 180 à 5 500 Couple (Nm à tr/min) 250 à 3 000 Masse (kg) 1 035 Long.xlarg.xhaut. (m) 3,66x1,63x1,48 Volume du coffre (l) 185 Vitesse maxi (km/h) 225 0 à 100 km/h 6”7 Consommation normalisée (l/100 km) 6 Émissions de CO2 (g/km) 139 Prix de la version de base : 25 700 €

Abarth, une marque à part Si vous regardez bien, il n’y a pas de logo Fiat sur cette 595 Competizione. Il n’y en a pas non plus sur les autres modèles Abarth, les 595 (145 ch), 595 Turismo (découvrable, 165 ch), 695 Biposto (deux places, 190 ch) ni sur le tout nouveau

roadster 124 Spider sur base de Mazda MX-5 (170 ch). Tout simplement parce que ce sont des modèles Abarth, pas des Fiat. Avec le scorpion pour emblème, car c’était le signe astrologique du fondateur de la marque, Carlo Abarth.

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MÉCANIQUE

Cupra S EAT L EO N

TERRAIN DE JEU Pour partir en vacances, rien de tel qu’un break. Mais si c’est pour aller jouer dans les montagnes, autant qu’il soit bien motorisé. Démonstration par l’exemple avec la Seat Leon Cupra ST dans les Carpates. Textes et photos C. Boulain

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MÉCANIQUE La zone rouge du 2 litres turbo débute à 6 500 tr/min. Sachant qu’il respire déjà bien avant 2 000 tr/min, cela fait une belle plage d’utilisation.

Au bout du tunnel, en montant vers le nord et les Carpates, un tourniquet fabuleux.

Un drapeau à damier bordé de rouge, le signe distinctif des versions Cupra. Ce sont les Seat les plus sportives. À côté de l’interrupteur du stop & start, le fameux bouton qui sert à configurer sa Leon Cupra.

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epuis quelques kilomètres, cette Nationale 7C en direction du nord de la Roumanie était déjà très amusante. Des lacets dans la forêt, puis des épingles plus on grimpe. Une fois la cascade de Capra passée, on arrive à l’entrée d’un tunnel. Avec au bout, une lumière... et le meilleur terrain de jeu au monde. Bienvenue sur la Transfagarasan, un ruban de bitume voulu dans les années 1970 par le dictateur roumain Nicolae Ceausescu, une route qui traverse les monts Fagaras puis redescend dans la vallée, au nord, dans un dédale de lacets aussi sublimes qu’improbables. Avec notre break Seat de 290 ch, une transmission robotisée à double embrayage (option) et des freins surdimensionnés, on va bien s’amuser. Venir ici pour essayer cette ibère cousine de la Volkswagen Golf, avec laquelle elle partage beaucoup de composants, était une excellente idée. Se lever tôt pour basculer dans la vallée avant 9 heures du matin aussi. En été, la Transfagarasan attire autant de touristes en voiture

que de cyclistes ou de motards. Bref, pour taquiner le rupteur, mieux vaut passer avant cette foule qui ne conçoit l’endroit qu’en balade. À ce propos, avec le 2.0 turbo à injection directe d’essence de 290 ch, titiller la zone rouge n’apporte pas grand-chose. Elle débute à 6 500 tr/min, soit 600 tr/min après que la puissance a atteint son maximum. Drôle de moteur que ce quatre-cylindres 2 litres qu’on retrouve aussi, dans d’autres versions, chez Volkswagen (Golf GTI) ou chez Audi (S3). Il répond immédiatement à la moindre sollicitation, même du petit orteil, sur la pédale de droite grâce à un couple maximal atteint dès 1 700 tr/min. Pour faire simple, du ralenti à la zone rouge, il semble inépuisable. Sauf que ses plus belles vocalises, il les délivre à mi-régime, entre 2 000 et 4 000 tr/min. Donc, pour en profiter au mieux, autant le garder dans cette plage en jouant de la boîte. D’autant que pour parfaire le tableau, notre modèle d’essai est doté de la transmission DSG à 6 vitesses avec laquelle changer de rapport est un bonheur. Ce qu’il faut retenir de cette


La qualité des plastiques ne vaut pas celle d’une Audi S3, mais tout est là. Même la position de conduite parfaite.

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MÉCANIQUE boîte, c’est qu’elle passe les vitesses plus vite que n’importe quel pilote. Son secret ? Disposer de deux embrayages. Si l’on accélère en seconde par exemple, elle a déjà passé la troisième. Quand vous la sélectionnez, depuis la palette de droite au volant ou en mode automatique (dans ce cas, c’est la transmission qui choisit le bon moment), il suffit à la boîte d’ouvrir et de fermer ses deux embrayages successivement pour engager la troisième vitesse en quelques dixièmes de seconde, sans à-coup. C’est la magie de ces transmissions à double embrayage. Pied gauche sur le frein, le droit sur l’accélérateur, les mains sur le volant avec les doigts sur les palettes logées juste derrière le cerceau, les premiers lacets arrivent vite. Pour éviter que les sacs ne se baladent dans le grand coffre, nous les avons casés derrière les sièges avant, contre les assises de la banquette. PNC... début de descente. La première vraie épingle est à gauche. On y arrive vite, très vite même, les pneus sont encore froids du long tunnel et le ravin nous tend les bras. La Leon s’inscrit bien, avec une direction à la fois

Les modèles Cupra, Ibiza et Leon exploitent des moteurs essence turbo : un 1.8 litre de 192 ch pour la petite, un 2.0 de 290 ch pour la Leon. Mais pas de transmission intégrale.

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légère et précise. Trop légère, diraient les amateurs de sportives. Une pression sur la touche magique, marquée d’un drapeau à damier, emblème de la série Cupra, permet d’y remédier. Sur l’écran tactile, quatre icônes. Choisir l’une des plus à droite, de préférence celle nommée Cupra. Dans ce cas, l’assistance de direction s’alourdit, la suspension adaptative devient plus raide et la réponse du moteur plus vive. Idéal pour profiter de ce drôle de break. Dès le virage suivant, la Leon semble plus précise. La direction en donne l’impression, la suspension apporte la confirmation. Plus raide, elle maintient mieux la caisse et limite les prises de roulis. Alors certes, sur ce bitume imparfait (le revêtement, pas le tracé), le confort s’en trouve dégradé : mais quelle efficacité. Les aides à la conduite, antipatinage et ESP, tout comme les freins, participent à cette belle sensation globale. Les premières sont efficaces mais très discrètes, surtout dans le mode Cupra, qui en repousse le seuil de déclenchement. Les seconds se révèlent puissants et endurants dans cette descente


Données constructeur

SEAT LEON CUPRA ST

interminable, mais aussi très faciles à doser. Et le porte-à-faux spécifique à cette version break, qui alourdit un peu l’arrière, visuellement et sur la balance, ne pénalise pas l’équilibre de la voiture, même lors de gros freinages au milieu des virages. En arrivant dans la vallée, le seul regret concerne les pneus. Même sur cet asphalte sec, donc assez adhérent, nous avons eu quelques pertes de motricité à l’accélération. Proposée de série avec des Bridgestone ou des Continental, cette Leon Cupra peut, en option, être chaussée de Michelin Pilot Sport Cup 2 semblables à ceux d’une Ford Focus RS. Les puristes amateurs de circuit adoreront cette option, idéale pour descendre la Transfagarasan. On doit l’avouer, nous n’avons pas fait qu’une seule descente. Avant la foule, nous avons pu en aligner trois de suite... Mais il a fallu rentrer, par la vallée.

Moteur : 4 cylindres, turbo, essence, injection directe, stop & start, 1 984 cm3 Transmission : traction, boîte robotisée à double embrayage, 6 vitesses Puissance (ch à tr/min) 290 de 5 900 à 6 400 Couple (Nm à tr/min) 350 de 1 700 à 5 800 Masse (kg) 1 466 Long.xlarg.xhaut. (m) 4,53x1,82x1,43 Diamètre de braquage (m) 10,70 Volume du coffre (l) 587 Vitesse maxi (km/h) 250 0 à 100 km/h 6” Émissions de CO2 (g/km) 158 Prix de la version de base : 37 215 €

Avec ses 290 ch, la Leon Cupra est à son aise sur la route Transfagarasan. Et dans cette version break ST, elle peut satisfaire même les petites familles.

Mode confort engagé, suspensions assouplies, direction légère et transmission en mode automatique, notre break a repris son allure de voiture de père de famille. Avec ses cinq vraies places, son grand coffre et ses dossiers de banquette rabattables. Le 2 litres, redevenu discret, ne se contente plus que d’un petit 7 l/100 km de sans-plomb (nous étions plus proches des 15 l/100 km dans la montagne) et la musique rythme les kilomètres. Nous pourrions presque rentrer en France par la route. La prochaine fois, promis, on le fait.

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MÉCANIQUE

Success-story JEE P

Au début des années 1940, un drôle de petit 4x4 kaki devient célèbre dans le monde entier. Sa descendance n’a de cesse d’entretenir la réputation de cette légende roulante. Remontons le fil du temps à l’occasion des 75 ans de cette marque automobile pas comme les autres. Textes Y. Youinou, photos DR

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e mot Jeep, prononciation de l’acronyme GP, a d’abord été un nom commun. À partir de 1941, le département américain de la Défense utilise l’appellation General Purpose (que l’on peut traduire par multi-usage) pour désigner le projet de 4x4 léger destiné à équiper son armée avant l’engagement dans le conflit mondial. En revanche, le logo de quatre lettres avec un grand J ne fait son apparition qu’en 1963 en tant que marque à part entière. En soixante-quinze ans de carrière, le plus petit des grands constructeurs américains n’a cessé de changer de mains, frôlant la faillite à plusieurs reprises, mais sachant rebondir après chaque coup dur. La fabrication de ce véhicule militaire est d’abord confiée à Willys, petite firme automobile de l’Ohio. En 1953, la firme Kaiser reprend le flambeau : il s’agit pour elle de développer la gamme CJ (Civilian Jeep), aïeule de l’actuelle Wrangler, de concevoir quelques pick-up et de grands breaks à quatre roues motrices annonciateurs de la catégorie SUV. Par le jeu des alliances et des rachats, Jeep se retrouve dès 1970 dans le giron de la société AMC (American Motors Corporation). Cette dernière sera en partie contrôlée par Renault à partir de 1983. Après l’assassinat de Georges Besse, PDG de la régie française, la marque au losange cède ses avoirs américains, et AMC-Jeep est intégré à Chrysler en 1987. Au sein de ce groupe, AMC disparaît, mais Jeep survit. Suivent la fusion de Chrysler et Daimler (Mercedes) en 1998, le rachat par un fonds de pension en 2007 et la reprise par Fiat en 2009. Voilà comment un simple véhicule militaire a donné naissance à une « jeune » marque de 75 ans qui ne s’est jamais aussi bien portée. Jeep a vendu 1,3 million de véhicules en 2015, soit une augmentation de 21 % par rapport à 2014, et vise les 2 millions en 2018. Retour sur les protagonistes de l’histoire de la marque qui signe ses voitures d’une calandre à sept fentes verticales. Hommage à celles, militaires, civiles, rustiques ou luxueuses, qui ont forgé son image. Visite avec un guide de choix, Brandt Rosenbusch, l’homme du musée Chrysler qui, après vingt-sept ans de recherches et restaurations, a réuni 350 véhicules historiques de toutes les époques et toutes les marques du groupe américain, en activité ou disparues.

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MÉCANIQUE

Victoire

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ommand-car et voiture de liaison préférée des états-majors, cette jeep sans majuscule est fabriquée à 645 000 exemplaires de 1941 à 1945, par le constructeur Willys (sous le nom de code MB). Dans le cadre de l’effort de guerre, Ford se charge d’en construire environ 40 % sous licence (GPW). Présente sur tous les théâtres d’opérations de la fin de la Seconde Guerre mondiale, elle laisse un souvenir impérissable partout où elle passe. Dans la mémoire collective, elle reste liée à la paix retrouvée. Après-guerre, elle continue d’équiper les armées du monde entier, fait le bonheur des surplus américains et des collectionneurs. Increvables petits 4x4, de nombreuses Willys roulent encore, depuis les commémorations annuelles du Débarquement de Normandie jusqu’aux Philippines où elles se sont reconverties en taxis collectifs, les fameux Jeepneys. À la tête du musée ChryslerJeep, Brandt Rosenbusch connaît comme personne d’autre celle qui est à l’origine le la marque : « Ce n’est pas la voiture la plus compliquée à entretenir ni à restaurer, car elle a été conçue pour pouvoir être réparée vite et par le premier GI venu. En revanche,

Historien et responsable du musée Chrysler-Jeep, Brandt Rosenbusch veille sur 350 voitures, dont au moins un exemplaire de chaque modèle de Jeep.

dénicher certaines pièces d’origine s’avère de nos jours plus délicat. Vu ses qualités, la robustesse et la réputation de la MB, il ne faut pas s’étonner qu’après le conflit, elle ait suscité l’intérêt des fermiers, montagnards, forestiers et autres amateurs de voitures increvables, des deux côtés de l’Atlantique, comme en Asie. À une époque où le confort passait au second plan, après la robustesse, la fiabilité et la facilité de la réparer. On en trouve encore qui ont conservé leur moteur d’origine, avec une dizaine de changements de joint de culasse au compteur. »

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W I L LY S WA G O N

Mutation réussie

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omment se diversifier alors qu’on ne dispose que de finances limitées et d’un unique modèle décliné en versions militaire et civile quasi identiques ? Willys trouve la solution en 1946 en habillant un châssis de Jeep d’une carrosserie fermée en dur. C’est une première, car jusqu’alors la concurrence est restée attachée au traditionnel woodie, appelé en France carrosserie canadienne, qui consiste à transformer une berline, voire une fourgonnette, en élégant break grâce à un habillage de membrures et panneaux de bois vernis. Willys crée le Station Wagon moderne – tout en acier (avec possibilité d’un trompe-l’œil en bois pour les nostalgiques) – tel que l’Amérique en produira tant dans les années 1960 et 1970, et cela jusqu’à l’avènement du SUV. Le succès est au rendez-vous avec plus de 300 000 ventes en seize ans de carrière. Ce Wagon donne naissance à la lignée des Wagoneer, Cherokee... jusqu’à l’actuel Grand Cherokee. Et Brandt Rosenbusch de préciser : « Quelle aubaine, l’arrivée du Wagon coïncide avec cette période d’après-guerre qui voit le déplacement massif de la population des grandes villes américaines vers la banlieue. En quittant un appartement pour une maison avec jardin, les besoins des automobilistes ont beaucoup changé. Modèle pratique avec un grand volume de chargement, moins fragile qu’un woodie, innovant pour l’époque et dont la mécanique avait fait ses preuves, le Wagon fut également la

première Jeep à recevoir une suspension indépendante à l’avant. Voiture d’usage urbain et périurbain, elle s’est essentiellement vendue en version à deux roues motrices. D’où la difficulté de trouver des 4x4 pour le musée. » Ce Wagon fait également carrière en Amérique du Sud où son côté rustique séduit. Il est produit par IKA (Industrias Kaiser Argentina) jusqu’en 1970 et par Ford do Brasil jusqu’en 1981.

Premier break américain fabriqué en acier et non en bois, le Wagon entérine la conversion de Jeep à la vie civile.

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MÉCANIQUE JE E P C J - 5

Initiation au 4x4

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près la guerre de Corée (1950-1953) où a servi la M-38, digne descendante de la Willys MB, Kaiser convertit encore une fois une Jeep à la vie civile. Grâce à des ailes arrondies, rendant ses lignes plus douces, une sellerie plus confortable, des motorisations et transmissions moins grossières, cette ex-militaire de carrière va donner le change et s’installer durablement dans le paysage automobile tout en offrant des capacités exceptionnelles de franchissement tout-terrain. De 1955 à 1983, la CJ-5, authentique aïeule de l’actuelle Wrangler, se vend à plus de 600 000 exemplaires. Et cette fois, ce ne sont plus les propriétaires terriens ou les baroudeurs qui sont séduits. Quelque peu embourgeoisée, la CJ-5 trouve preneur auprès des retraités de Floride comme des surfeurs de Californie. Au fil des ans,

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elle se pare de couleurs pimpantes, à l’instar de cet exemplaire à la présentation seventies. Brandt Rosenbusch a une affection particulière pour cette CJ-5 orange parfaitement restaurée par ses services : « Celle-ci est un très rare modèle de 1973 équipé d’un V8 AMC de 5 litres et d’une boîte manuelle à 3 vitesses seulement. Avec son empattement ultracourt [seulement 2 mètres, NDLR] et sa direction démultipliée à l’excès, elle n’est pas si facile à mener et peut même se montrer dangereuse dans certaines situations. Mais nous l’avons restaurée en respectant sa configuration d’origine, avec sellerie cuir, enjoliveurs de roues chromés et pneus à liserés blancs : inhabituel sur une Jeep de ce type, non ? » En dehors de cette version de luxe, il est important de signaler à quel point la CJ-5 a participé à faire découvrir et faire aimer le tout-terrain aux Américains.

Surprenante Jeep que cette CJ-5 équipée d’un V8 qui passe le flambeau de la désuète Willys MB au monstrueux Grand Cherokee SRT actuel.


Il n’y a pas plus kitsch que la présentation générale de ce 4x4 dit « de luxe » à la longévité exceptionnelle.

Grand pionnier

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en déplaise aux Britanniques qui, chaque fois que l’occasion leur en est donnée, revendiquent haut et fort l’invention du « 4x4 de luxe » en citant le Range Rover de 1970, le Wagoneer est né en 1963, soit sept ans avant le leur. Ce grand break américain possède déjà tous les attributs de ladite catégorie. Haute sur pattes, dotée d’une garde au sol généreuse, profitant d’une transmission intégrale efficace et luxueusement équipée, cette Jeep fait figure de pionnière à une époque où les 4x4 sont pour la plupart des pick-up, se cantonnant au rôle d’utilitaire ou au transport de troupes. Renommé Grand Wagoneer dans les années 1980, ce véhicule fait mouche chez les familles américaines s’adonnant aux loisirs tels la pêche, la chasse, le nautisme ou le caravaning depuis la région des Grands Lacs jusqu’aux canyons du Colorado. Sa longévité est exceptionnelle, et pour cause ! Les difficultés

financières rencontrées par les différents propriétaires de la marque Jeep ne permettent pas de le remplacer avant 1992, quand est commercialisée la première génération de Grand Cherokee. Pendant près de trente ans, le Wagoneer se distingue par une carrosserie quasi inchangée, dessinée à l’origine par l’extravagant Brooks Stevens, par ailleurs auteur de la délirante Excalibur, un phaéton néo-rétro. Des chromes à profusion, des bandes latérales en faux aluminium mat, puis de larges placages façon bois, une calandre maintes fois remaniée et l’installation de phares rectangulaires ne parviennent pas à faire oublier les motorisations dépassées, ainsi que la tenue de route et le freinage peu rigoureux. Cependant, ces Wagoneer et Grand Wagoneer demeurent les promoteurs d’un nouveau genre automobile. Les Range Rover, Porsche Cayenne, BMW X5 et X6, Mercedes Classe M ou Audi Q7 peuvent lui dire merci.

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MÉCANIQUE

HISTOIRE À LA GOMME De tous les composants d’une voiture, le pneu est le plus important. Parce que c’est le seul point de contact avec la route, et parce que c’est le seul élément que vous pouvez choisir. Pour en comprendre les subtilités, Followed est allé à Ladoux, sur le site ultrasecret de Michelin. Textes J.F Béchu, photos Mitchell

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Ici le Sport Cup 2, avec sa bande de roulement semi-slick.

Les types de pneus homologués sur la Ford Focus RS après une dizaine de tours de circuit à Ladoux.

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uelques degrés de braquage, un infime mouvement des poignets au volant et la Focus se jette vers la corde du virage, comme poussée par une énorme envie de « bouffer du vibreur ». Temps de réponse : inexistant. Dérive : nulle. Accélération latérale : élevée. Efficacité : maximale. Difficile de croire que tout à l’heure, avec la même Ford Focus RS bleue, nous passions moins vite et en glisse des quatre roues. La seule différence, d’un passage à l’autre, ce sont les pneus. Même marque, Michelin, même dimension (235/35 R 19) et mêmes indices de charge et de vitesse (91Y), mais développés pour des usages spécifiques, le Pilot Super Sport d’origine et le Pilot Sport Cup 2 optionnel offrent des comportements véritablement différents. Comment est-ce possible ? Le pneumatique ne serait donc pas qu’un banal morceau de caoutchouc noir rempli d’air qui habille la jante ? C’est ce que nous avons demandé à Pierre Chaput, l’ingénieur de développement, et Régis Bernez, le pilote essayeur, lors de notre visite chez Michelin, à Clermont-Ferrand.

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MÉCANIQUE « On peut faire beaucoup de choses avec un pneu, explique Pierre Chaput. En fonction de la structure du pneumatique, de la raideur de ses flancs, de sa ceinture en aramide, de ses sculptures et des gommes utilisées pour sa bande de roulement, on peut métamorphoser le comportement du pneu... donc de la voiture. » Mais pourquoi ne pas avoir proposé pour cette Ford un seul et même pneu ? Après avoir essayé les deux Michelin Pilot sur les pistes de développement, il semble évident que le Sport Cup 2 est le meilleur des deux. « Pour une utilisation sur piste, vous avez raison, renchérit Pierre. C’était d’ailleurs notre objectif en développant le Cup 2, en faire un pneumatique pour les clients amateurs de journées sur circuit, avec des performances d’adhérence très élevées et une efficacité maximale. En revanche, les caractéristiques de confort, de bruit ou de longévité n’étaient pas notre priorité, même si nous ne les avons pas négligées. » Il y a donc d’un côté un pneu de course ultra-efficace mais tout de même homologué pour la route et, de l’autre, un pneu sportif pour tous les jours, avec des caractéristiques différentes pour répondre à des attentes différentes. Mais sur quoi joue-t-on quand on est un manufacturier et qu’on doit délivrer deux pneus de même dimension

mais au comportement différent à son client ? « Sur beaucoup de paramètres, sourit Pierre. Déjà, il faut bien comprendre ce que recherche le constructeur. C’est une relation de confiance entre les équipes de Ford, les développeurs dont je fais partie et les pilotes comme Régis. » Quel est leur rôle, justement, à ces pilotes ? « Nous devons transmettre aux développeurs le comportement du pneu lors de certaines manœuvres, explique Régis Bernez. Souvent, sans savoir ce que nous essayons, à l’aveugle. C’est le meilleur moyen d’être totalement impartial, de sentir les choses sans se les imaginer. » Fils de pilote essayeur Michelin, Régis a suivi comme tous les autres la formation habituelle, d’au moins six mois de pilotage. « Les plus doués s’affranchissent rapidement du pilotage. Pour faire ce métier, on ne doit pas penser à piloter, on doit pouvoir répéter les mêmes manœuvres tout en se concentrant sur les sensations. » Des « outils » très utiles quand les essais ont lieu à l’autre bout du monde, sans appareillage de mesure, sur les prototypes. Le mot outil n’est pas fortuit : Régis sait mettre exactement le coup de volant qui va générer 0,5 ou 1 g d’accélération transversale. « On ressent cela dans le bassin. C’est primordial pour bien travailler... » Pour sûr !

Un pneumatique peut changer le comportement d’une voiture radicalement

Ford Focus RS : un jouet ultra-performant Pour cette nouvelle génération de Focus RS, Ford Performance est allé très loin. Le but : délivrer une sportive amusante, rivale des Volkswagen Golf R ou Honda Civic Type R. Au programme, un quatrecylindres 2.3 litres turbo injection directe de 350 ch, une transmission manuelle à 6 rapports et quatre roues motrices. Mais, avec plus de 1 600 kg sur la balance, les ingénieurs Ford ont vite compris que l’agilité serait compliquée à assurer. Ils ont donc inventé le mode Drift.

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L’idée est simple : grâce à une démultiplication faisant tourner les roues arrière plus vite que les avant, avec en plus une répartition du couple privilégiant le train arrière et la roue extérieure au virage, la

voiture devient « joueuse » et facile à maîtriser. À condition toutefois d’avoir des pneus pas trop adhérents. Drifter avec des Pilot Sport Cup 2... c’est compliqué ! Même pour un pilote d’essai Michelin.


Pierre et Régis lors du débriefing. C’est en leur compagnie et grâce à leurs conseils que nous avons pu évaluer les différences entre chaque monte.

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MÉCANIQUE

Même pour un pneu super-sport, le manufacturier doit respecter l’étiquetage. Et y être bon !

Quand le pneu est chaud, sur circuit, il vient agglomérer toutes les boulettes de gomme laissées par les essais précédents. Pour bien sentir les différences, nous avions la même Focus RS, sur le même circuit... et au même moment avec deux montes de pneus différentes.

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Donc, le développeur sélectionne des types de gommes, de sculptures, de ceintures en aramide, en fait des prototypes et le pilote les valide. Puis ce qui vous semble le mieux coller aux attentes du constructeur, vous le lui soumettez ? « Exactement, dit Pierre. Avec à chaque fois l’objectif d’être le premier manufacturier choisi, donc le premier à proposer le bon pneu... Comme cela, c’est aux concurrents d’essayer de coller à nos propositions, c’est plus facile pour nous. » Et pour ces deux pneus de Focus RS, comment avez-vous réussi à produire des choses si différentes ? « La grosse contrainte avec la Focus RS, c’est sa masse. Elle est très lourde de l’avant pour une quatre roues motrices et ne peut pas accepter de pneus trop larges [Ford ne voulait pas élargir les ailes, NDLR]. Donc on devait composer avec un faible indice de charge (défini par le volume d’air admissible dans le pneu). Or, à l’inscription et au freinage, les pneus avant subissent beaucoup de charge, c’est le transfert de masse. Pour gagner

en directivité et en guidage, en plus d’une bande de roulement extérieure moins entaillée, on a rigidifié les flancs et travaillé sur la ceinture en aramide. C’est elle qui permet de bien faire travailler le pneu dans le virage. Et puis nous avons adopté des gommes très différentes, très adhérentes sur l’extérieur [en noir de carbone, NDLR], quand le pneu est en appui, plus dures et résistantes à l’abrasion à l’intérieur [chargée en silice, NDLR]. On a toutefois conservé une fine bande résistante à l’usure sur l’extérieur, ce qui fait trois gommes différentes sur la bande de roulement. » Ces solutions ne pouvaient-elles pas être adoptées sur le pneu de série ? « Augmenter la rigidité dégrade le confort. Et, surtout, Ford voulait proposer une voiture ludique, avec le mode Drift. Il ne fallait pas, pour cela, un pneu trop adhérent. Drifter avec un Cup 2 vous oblige à passer beaucoup plus vite. Et quand ça décroche, c’est assez violent. » On l’aura compris, le pneu idéal n’existe pas. Mais le pneu adapté à votre usage... si.


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David Delapierre - Mountainbiker Paris Adresse 14 Place de Rungis - 75013 Paris. Tél. +33 (0)1 45 65 49 89 . Site Facebook www.facebook.com/mountainbiker.paris/

François Halbout Site Internet www.halboutmarechalerie.fr/ Adresse 5 Rue du Val Monard - 27300 Bernay. Tél. +33 (0)6 50 94 19 95

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L’APRÈS JO

Gauthier Grumier Épée

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eux médailles aux jeux Olympiques de Rio. Je me serais contenté du bronze pour les deux, mais je dois avouer que décrocher L’OR PAR ÉQUIPES, quel bonheur. Dès le début de ces Jeux, on a vu que l’équipe de France d’escrime était dans la bonne dynamique. C’est moi, à l’épée individuelle, qui prends la première médaille [de bronze, NDLR], mais c’était passé pas loin pour d’autres avant moi, dans d’autres armes. Je n’ai pas vraiment eu le temps de la célébrer, cette médaille de bronze. Il fallait tout de suite se remettre dans la compétition pour le tournoi par équipes. C’est un format que je

Brice Leverdez Badminton

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uand je repense à ces jeux Olympiques, mes seconds après ceux de Londres, je suis à la fois déçu et fier. Déçu de perdre mon second match de poule face au numéro cinq mondial, d’autant que je mène dans le deuxième set, que j’ai des opportunités pour le pousser à un troisième où tout peut arriver... mais je ne les saisis pas et, finalement, je m’incline. Or, avec une victoire et une défaite en qualifications, je suis éliminé de la compétition. Mais fier parce que, contrairement aux Jeux de Londres, j’ai pris du plaisir sur le court, j’ai vraiment joué mon jeu, à un très bon niveau dans mes deux rencontres. Ça n’a juste pas suffi. Je garderai quand même un bon souvenir de Rio, du CLUB FRANCE superbement organisé par le CNOSF et prisé des athlètes du monde entier, et des quelques jours de vacances que je me suis octroyés après la compétition. La photo en atteste. C’était un peu plus exotique que Londres...

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n’aime pas toujours, avec la règle des trois minutes, la passivité. En demi-finale, face à la Hongrie, je suis un peu en dedans. En finale, face à l’Italie, on décide d’aligner à ma place Jean-Michel Lucenay [Gauthier est pourtant numéro un mondial, NDLR]. Les Italiens découvrent notre équipe juste avant de tirer. Les trois garçons, Jean-Michel Lucenay, Yannick Borel et Daniel Jérent ont été super, avec la médaille pour l’équipe au bout. C’était fort, intense. J’ARRÊTE MA CARRIÈRE APRÈS CES JEUX. Entre l’individuel et l’équipe, j’aurais pris des titres ou des médailles dans toutes les compétitions officielles. C’est pas mal, non ?




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