CS La
orse du
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par le charme de l’aquarelle
Suzanne Cornillac
- 1904-1982
CS La
orse du
ud
par le charme de l’aquarelle
Suzanne Cornillac 1904-1982
Catalogue réalisé par Pierre Claude Giansily Conservateur des antiquités et objets d’art du département de la Corse-du-Sud
À l’occasion de l’exposition au lazaret Ollandini, musée-Marc Petit Ajaccio Automne 2009
I
Le mot du président du Conseil général de Corse-du-sud
Il m’est apparu utile de favoriser le moyen de mieux faire connaître le Département de la Corse-du-sud. Certes des supports plus classiques y sont utilisés, que ce soit le magazine trimestriel ou des publications plus spécialisées. De même, il y a quelques années, un guide du Département de la Corsedu-sud, a été édité sous l’égide sur Conseil général de la Corse-du-sud. Cette fois, avec la publication de cet ouvrage, « La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle », c’est un mode particulier qui est utilisé pour valoriser notre département. Réalisé par Pierre Claude Giansily, il met en exergue le travail artistique de Suzanne Cornillac qui, pendant trente ans, a parcouru le territoire départemental pour en capter la magie des lieux. Vous pourrez ainsi, en parcourant cet ouvrage, retrouver ou découvrir maints aspects de ce si beau territoire, que le Conseil général de la Corsedu-sud s’attache, par la mise en oeuvre de ses politiques publiques, à développer tout en veillant à le préserver. Je vous invite au voyage, au travers de chacune des pages de ce bel ouvrage. Jean-Jacques Panunzi, Président du Conseil général de la Corse-du-sud
Sommaire Première partie Suzanne Cornillac : une vie consacrée à l’expression figurative et à l’écriture ............................. 1 L’enfance de Suzanne et sa formation artistique à Paris ................................................................................. 1 Les années vingt : la Provence et le Sud...................................................................................................................... 4 Suzanne Cornillac et la Corse : 1935, découverte de l’île ................................................................................. 6 Les années à Nice : 1938-1956 ........................................................................................................................................ 10 Retour à Paris et région parisienne ............................................................................................................................. 14 Les liens réguliers de Suzanne Cornillac avec la Corse-du-Sud ............................................................... 15
Deuxième partie Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse .............................................................................. 19 Girolata, Cargèse et la vallée de la Gravona ......................................................................................................... 21 L’Ajaccio de Suzanne Cornillac ..................................................................................................................................... 27 Le Sud : Propriano, Fozzano, Sartène, Bonifacio ............................................................................................. 33 Le Nord de la Corse : Bastia, Corte, Vizzavona .................................................................................................. 59
Troisième partie Regards sur d’autres lieux .............................................................................................................................................. 65 Drôme, Aveyron, Provence et Côte d’Azur ............................................................................................................ 65 Paris et région parisienne ................................................................................................................................................. 72
Quatrième partie Les techniques de Suzanne Cornillac, par Catherine Van den Driessche ........................................ 75 Suzanne Cornillac illustrateur et auteur littéraire ........................................................................................... 77
Suzanne Cornillac, a 40 ans
L
Introduction par Pierre Claude Giansily
La peinture de Suzanne Cornillac est un univers
ses talents et son dynamisme. Sa vie est
particulier, presque un monde à part tant il est vaste
passionnante et pleine, en raison de la diversité des
et diversifié par ses sujets ; domaine sans cesse
activités qu’elle a déployées tout au long des années
renouvelé, toujours étonnant par ses compositions
car elle est l’amie des peintres, des écrivains, des
et ses harmonies de couleurs. En parler est un grand
musiciens. Suzanne Cornillac participe activement
plaisir car c’est une façon de poursuivre son but
à la vie artistique et culturelle corse de cette époque
qui était de nous montrer la beauté des lieux et des
en relation avec les peintres comme Rifflard, ou
choses, la nature et la vie.
Fabri-Canti, les photographes comme Ange Tomasi, les écrivains comme Émile Ripert, Paul Arrighi,
Présenter Suzanne Cornillac, c’est évoquer et
Petru Santu Leca ou Roccu Multedo, les musiciens
montrer le travail, réalisé au cours d’une
comme Toni Rocca ou Marfisa.
cinquantaine d’années dans plusieurs régions françaises et en Corse, par cette femme au destin si
Suzanne Cornillac a toujours voulu et su rester elle-
particulier. Sa vie est à l’image de sa personnalité
même. Elle n’a jamais été attirée par la facilité, les
et du genre de femme qu’elle a été : une femme à
sujets à la mode, les types corses ou les paysages
l’évidence en avance sur son temps, d’une certaine
pour touristes. Pas d’académisme non plus dans
manière un peu anticonformiste, qui aimait se fixer
son art mais une recherche permanente pour être
des défis, n’avait pas froid aux yeux et voulait
fidèle à sa formation, à ses idéaux et on appréciera
s’exprimer par la peinture et par l’écriture.
également son évolution dans sa démarche créatrice, ses recherches, les techniques utilisées pour aboutir
La découverte et l’amour de la Corse sont pour
à une maîtrise parfaite des sujets choisis et parvenir
Suzanne Cornillac une affaire de hasard… et de
à l’excellence.
hasard chanceux… C’est en 1935 qu’elle vient en Corse sur les conseils d’Émile Ripert, et les circons-
On découvrira, dans l’importante production de
tances font qu’elle séjournera plusieurs mois dans
Suzanne Cornillac, la rudesse de ses dessins aux
la tour de Girolata. Peut-on trouver plus bel endroit
crayons et à l’encre et la dureté de ses aquarelles
pour découvrir la Corse ? Elle y reviendra et
rehaussées de fusains sombres ; et aussi, et surtout,
découvrira la Rocca et Fozzano… et y séjournera…
la légèreté de ces aquarelles : pures, pleines de
Elle a réalisé de très nombreuses vues de villages
lumière, de couleurs et de nuances, avec des compo-
de Corse ainsi que d’Ajaccio ; elle s’est imprégnée
sitions et mises en pages parfaites, pour traduire
de sa région d’adoption, Fozzano et du Sartenais.
nos paysages et ceux des régions françaises qu’elle a traversées et où elle a vécu. Elle a ainsi traduit, et
Comme artiste, Suzanne Cornillac se fait progres-
c’était sa volonté, des lieux vivants, vibrants, pleins
sivement un nom en Corse ; elle est appréciée pour
de vie, pas figés du tout.
Peintre de paysages et de lieux où elle est appelée
d’endroits inattendus, en pleine nature, et on
ou bien qu’elle sélectionne avec soin et qu’elle
retrouve dans le travail de Cornillac ces plans
dessine et peint à l’aquarelle d’une manière très
agencés avec brio, donnant des paysages dans
délicate, elle a vécu et visité différentes régions
lesquels le spectateur reconnaît sa Corse. Comme
qu’elle a rendues avec son art si particulier. C’est
Lucien Peri, elle a le mieux traduit ces paysages de
Paris, où elle a suivi son enseignement artistique
la Rocca, du Taravo, Sartène, Bonifacio… et c’est
sous la houlette de Pierre Vignal, un maître
avec Peri que le « relais » est le mieux passé à la
aquarelliste, c’est la Provence, la Côte-d’Azur… et
disparition de celui-ci, en 1948.
la Corse où elle vécut longtemps et qui occupe la plus grande part dans son œuvre peint. Elle a aussi
Suzanne Cornillac a connu un franc succès en
décrit la région du Sud de Paris où elle passa les
Corse à une période où la peinture traversait des
quinze dernières années de sa vie entrecoupées par
étapes difficiles. À la fin des années trente et après
ses voyages réguliers en Corse-du-Sud, là où tous
la guerre où l’activité artistique était réduite, les
les ans de 1949 à 1980, entre juillet et octobre, elle
années cinquante ont été celles au cours desquelles
était sûre de trouver « ses » lieux d’inspiration.
peu d’artistes étaient en vogue ou simplement en activité ; c’est une période de préparation de la
Suzanne Cornillac tient une place toute particulière
transition qui se produira dans les années soixante
dans l’histoire de la peinture corse de la deuxième
et soixante-dix pour changer radicalement dans
e
siècle car elle est la seule artiste de
les années quatre-vingt, avec un renouveau
son temps à poursuivre la tradition des meilleurs
culturel plus général touchant la littérature, le
aquarellistes de l’École d’Ajaccio : François
théâtre, la musique, le chant, et les arts plastiques
Corbellini et Lucien Peri.
également.
Dans leur sillage, Suzanne Cornillac nous emmène
Suzanne Cornillac a ainsi poursuivi ce travail de
découvrir des lieux à la magie cachée. Comme chez
création des images icônes de la Corse avec ses
Corbellini, on retrouve chez elle des scènes animées
pinceaux, ses fusains et ses crayons ; avec ses sujets
d’Ajaccio, des quais, des ruelles où le linge sèche
simples et familiers, à taille humaine. Elle est ainsi
entre les maisons et le chatoiement des couleurs
le meilleur illustrateur de la Corse-du-Sud de notre
vives, de la ville et de la campagne. Comme chez
époque, de ces paysages qu’elle a su rendre, avec
Lucien Peri, on part avec elle à la découverte
leur aspect intemporel, pour notre plaisir de ce jour.
moitié du
XX
Première partie Suzanne Cornillac : une vie consacrée à l’expression figurative et à l’écriture
L’enfance de Suzanne et sa formation artistique à Paris Suzanne Cornillac naît à Paris, le 20 décembre 1904. Son père, Alfred Cornillac est négociant en liqueurs ; il a une usine à Aubervilliers et un magasin à Paris, rue de l’Échiquier, dans le 10e arrondissement. Sa mère, Marie-Elise Sornin (dite Élise), est modéliste pour la maison de haute couture Paquin.
Ci-dessus : Élise et Suzanne Cornillac. Photo dans le parc d’Ermenonville Ci-contre : Alfred Cornillac, Élise et Suzanne. Photo dans le parc d’Ermenonville. Photos © Raphaël Van den Driessche
Suzanne est élevée comme une fille unique puisque Marie, née dix ans avant elle, est décédée à l’âge de trois ans. Suzanne passe une enfance heureuse et reçoit une excellente éducation, complétée par une formation musicale. En 1913, ses parents quittent la région parisienne pour s’installer dans la Drôme, à Valence. Son père décide de changer d’activité, implante des lavandes à Portes lès Valence et produit de l’essence à l’usage des parfumeurs. Cette harmonie familiale est brisée très peu de temps après, en 1914, quand Suzanne Cornillac perd sa
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
mère. Son père se charge d’elle et veille à son
qui enseigne au collège de Valence l’encourage à
éducation et à sa formation. Il engage Léontine
continuer dans cette voie. Ces encouragements, dont
Deveye qui vient de perdre son mari, pour gérer
elle évoquera plus tard le souvenir, auront pour elle
sa maison et d’occuper de Suzanne. Elle viendra
une grande importance. C’est au lycée de Valence
vivre chez eux avec sa fille Simone, alors âgée de
qu’elle obtient son diplôme de fin d’études. Elève
deux ans.
brillante et douée, elle étudie également le piano et souhaite ardemment devenir concertiste, mais une blessure à la main lui abîme un tendon et elle est contrainte de renoncer à cette passion. Après son diplôme de fin d’études, son père, qui a lui même un très bon coup de crayon, voyant son intérêt pour le dessin, décide de l’envoyer à Paris pour étudier la peinture à défaut de pouvoir
Portrait de Simone Un des premiers dessins de Suzanne Cornillac à l’âge de 19 ans © Raphaël Van den Driessche
satisfaire sa passion pour la musique. Suzanne Cornillac résidera chez son oncle. Dans la capitale, le destin lui sourit puisqu’elle est admise, en 1922, à suivre les cours de Pierre Vignal 1, peintre de renom et très bon pédagogue. De plus, le cadre est idéal car la jeune fille et les autres élèves sont installés
Suzanne fera toute sa scolarité dans un
dans un bel atelier du quai Voltaire sur les bords de
établissement privé de Valence. Comme elle montre
Seine, qui fut l’ancien atelier d’Ingres.
très tôt des dispositions pour le dessin, le professeur Pierre Vignal, grand spécialiste de l’aquarelle 2 aura Ci-dessous, de gauche à droite (Photos© Raphaël Van den Driessche) : •Suzanne Cornillac à l’âge de quatorze ans •Suzanne Cornillac à l’âge de dix-neuf ans •Suzanne Cornillac à l’âge de dix-neuf ans, à Valence
2
une influence déterminante sur sa carrière et le 1. Pierre Vignal (1855-1925) a été élève d’Harpignies, peintre de l’école de Barbizon et d’Auvers-sur Oise, précurseur de l’impressionnisme. Il a mené une belle carrière mise encore récemment en lumière par une exposition hommage au Bouscat en Gironde, sa ville natale en 2001 et peint abondamment au cours de ses nombreux voyages en Italie et en Orient. 2. Il a illustré de très nombreux ouvrages au cours des années vingt dont, en 1922, « Au bord du Rhône de Lyon à Arles », de Gabriel Faure, en 1925, « L’Art et le ciel vénitiens » de Camille Mauclair, en 1926, « Villes d’Art de l’Italie du Nord : Milan, Bergame, Brescia, Vérone, Vicence, Bassano », en 1927, « Rome » de Gabriel Faure, et « Le visage de Jérusalem » d’Henry Bordeaux avec des aquarelles très lumineuses.
PREMIÈRE PARTIE. Suzanne Cornillac : une vie consacrée à l’expression figurative et à l’écriture
choix qu’elle fera de se consacrer quasiment uniquement à cette technique, qu’elle n’aura de cesse de perfectionner tout au long de son activité artistique. Excellent pédagogue, qui emmène ses élèves peindre sur le motif, son enseignement des bases de l’aquarelle sera déterminant pour Suzanne Cornillac qui le mettra en pratique tout au long de sa carrière et qui évoquera souvent ce maître. En 1924, l’année de ses vingt ans, Pierre Vignal estime qu’elle a suffisamment de maîtrise et de Photo de l’atelier du quai Voltaire.
talent et la présente au Salon des Artistes français ;
Collection Pierre Vignal (fils). © Raphaël Van den Driessche.
admise, elle est cette année-là, la plus jeune exposante du Salon. En novembre de la même année Suzanne Cornillac expose à Nyons, région d’origine de son père, exposition dont on ne connaît ni le contenu ni le succès. Il est certain que ces deux initiatives hardies la renforcent dans son désir de peindre. Esquisse à l’aquarelle de Pierre Vignal représentant l’atelier, vers 1922 Collection Pierre Vignal (fils). © Raphaël Van den Driessche.
D’ailleurs, elle ne cessera jamais de peindre, malgré les épreuves personnelles, et ceci jusqu’à la fin de sa vie. Lorsqu’elle termine sa scolarité en 1925, notamment en raison de la disparition de Pierre Vignal, Suzanne Cornillac maîtrise très bien les différentes techniques des modes d’expression de la représentation physique : dessin, aquarelle, sépia… ce qui lui permettra d’être un excellent peintre de paysages, de lieux habités, mais aussi une illustratrice hors pair. C’est ainsi, et grâce à son audace et à sa détermination qu’elle se fera reconnaître rapidement, ce qui lui procurera très vite une certaine autonomie.
Ci-contre, de gauche à droite : •Portrait de Pierre Vignal, vers 1920 •Pierre Vignal et ses élèves au jardin du Luxembourg Collection Pierre Vignal (fils). © Raphaël Van den Driessche-DR
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
Les années vingt : la Provence et le Sud L’année 1927 est un mélange d’événements familiaux très contrastés pour Suzanne Cornillac qui perd son père et se marie quelques mois plus tard avec Yves Sadoul de Trémines. Malgré ses charges de famille, elle poursuit sa vocation d’artiste : elle sillonne la Provence où elle a rapidement une clientèle pour ses aquarelles. Les relations établies quelques années en arrière à Valence lui sont également très utiles. Ainsi, Suzanne Cornillac a l’occasion de séjourner régulièrement au Palais du Roure 3, chez Jeanne de Flandreysy, qui est originaire de Valence. Celle-ci aura une très grande influence sur la jeune femme en l’incitant et en l’encourageant à poursuivre une carrière de peintre. Elle sera aussi une amie fidèle et un soutien moral dans les moments difficiles. La fréquentation du Palais du Roure, lieu culturel où se côtoient artistes et intellectuels, va participer très largement à son évolution personnelle et va fortement l’encourager et la fortifier dans sa vocation artistique. On le constate en découvrant qu’un grand nombre de ses dessins figurent dans les collections de ce lieu qui est maintenant un musée 4 réputé. Suzanne Cornillac a ainsi laissé au Palais du Roure un souvenir encore très vivace aujourd’hui car elle a joué un rôle très important dans l’histoire de cette institution. On le constate aussi en comptant le nombre de livres édités par « Les amis du palais du Roure » au cours des années trente comportant des illustrations de sa main : dessins à l’encre ou aquarelles.
Ci-contre : La maison au lézard, 1957. © Raphaël Van den Driessche Ci-dessus, de haut en bas : •La maison de roumanille illustration du livre « Avignon au XIXe siècle – La Librairie Roumanille » d’Emile ripert. Dessin. © Raphaël Van den Driessche •Jeanne de Flandreysy, Portrait par Helleu. © Archives iconographiques du Palais du Roure, Avignon. DR
4
3. Le Palais du Roure en Avignon, est un haut lieu de la culture et des traditions provençales. Au XIXe siècle, l’hôtel de Baroncelli-Javon est désigné par Mistral qui le fréquentait assidûment sous le nom de Palais du Roure (palais du chêne) ; il devient alors un foyer du « félibrige », mouvement pour la renaissance de la culture provençale. En 1908, l’Hôtel est vendu par la famille, puis, après avoir subi des préjudices considérables, il est sauvé en 1918 par Jeanne de Flandreysy, originaire de Valence. Femme énergique et déterminée, collaboratrice de Jules-Charles Roux, le mécène marseillais, grande admiratrice et amie de Mistral, elle décide alors de se consacrer corps et âme pour rendre son prestige au lieu. Dès l’achèvement des travaux de remise en état, elle entreprend d’y créer un foyer de culture méditerranéenne. Son mariage, en 1936, avec le commandant Espérandieu, éminent archéologue et membre de l’Institut, apporte une dimension nouvelle à l’institution, par la création de la Fondation FlandreysyEspérandieu, dont la ville d’Avignon héritera par donation en 1944. De nos jours, le Palais du Roure est un « musée d’atmosphère », avec des collections très diversifiées et un important domaine consacré à l’ethnographie provençale. 4. Le Palais du Roure, conserve dans ses collections un nombre important de ses œuvres dont certaines sont exposées en permanence et d’autres ponctuellement, lors d’expositions temporaires. Un hommage sera rendu à Jeanne de Flandreysy en 2009 au cours des festivités organi-
PREMIÈRE PARTIE. Suzanne Cornillac : une vie consacrée à l’expression figurative et à l’écriture
En Avignon, Suzanne Cornillac rencontre de nombreux artistes, peintres, poètes, écrivains et fait la connaissance d’Émile Ripert 5 avec qui elle entretiendra pendant plus de vingt ans une grande amitié et une collaboration artistique par des illustrations. Vers 1935 et 1936, elle séjourne à Sainte Egrève, dans l’Isère ; elle est invitée au Château du Muret par le Comte et la Comtesse de Marcieu, née Françoise de Clermont-Tonnerre. Elle consacre alors une partie de ces séjours à peindre des aquarelles dans le domaine.
sées pour le 150e anniversaire de la publication de « Mireille » de Frédéric Mistral. 5. Émile Ripert (1882-1948), est un universitaire renommé et romancier, spécialisé dans la littérature provençale, Mistral en particulier, et auteur de théâtre. Il connaît très bien la Corse qu’il a sillonnée pendant plus de vingt ans pour y faire passer le baccalauréat. Il a vu dans l’île de Beauté une sorte de Provence restée plus intacte et un conservatoire embaumé de traditions et de légendes. Auteur prolifique, en poésie et en prose, il écrit en 1927 Le dernier vol de l’Aigle, roman corse, qui lui apporte une certaine notoriété au sein des écrivains, forts nombreux à cette époque, ayant choisi la Corse pour sujet.
Ci-contre, de haut en bas : •Portrait de Suzanne Cornillac au Palais du Roure, en février 1937. © Archives iconographiques du Palais du Roure, Avignon. DR.
•La maison ou est née la mère de Mistral Crayon, 1957. © Archives iconographiques du Palais du Roure, Avignon. DR.
Ci-dessus •Portrait d’Émile Ripert © DR, avec l’aimable autorisation de Véronique Ripert
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
Suzanne Cornillac et la Corse : 1935, découverte de l’île
Canavaggio, Brod, Bouchet et Peyrot qui ont donné
C’est en 1935, au moment où elle doit faire face à des
Corse Touristique, jusqu’en 1934, mais elle les traitera
difficultés dans sa vie personnelle, que son ami Émile
à sa manière, fondant dans la matière les différents
Ripert lui suggère de partir en Corse, pays qu’il connaît
plans et les oppositions d’ombres et de lumière.
de très nombreuses vues de la Corse pour la revue La
bien et qu’il affectionne, pour changer de lieu et se ressourcer. Suzanne Cornillac a alors trente et un ans. Elle suit ce conseil et part pour la Corse, considérée alors comme une « terre de légende » ; elle va ainsi séjourner plusieurs mois à Girolata où elle s’installe dans la tour avec sa fille Fanette alors âgée de neuf mois. Cette découverte de la Corse, par un de ses endroits alors les plus isolés, d’une beauté et d’une pureté extraordinaires, dans un endroit peuplé de quelques personnes seulement la marquera profondément. À partir de cette expérience, son attachement pour la Corse ira toujours croissant et Girolata restera un moment très important dans sa vie. Suzanne Cornillac retourne quelque temps à Marseille puis, en 1936, entame un tour de Corse à pied. Elle s’arrête dans les villages qu’elle traverse pour peindre, souvent à la demande de clients qui habitent sur le continent et lui ont fait savoir qu’ils souhaitent avoir des aquarelles de leurs villages ou de leur maison. À cette époque, elle fait également des aquarelles gouachées sur carton, témoignages de son hésitation sur la manière de rendre les paysages de Corse, même s’ils lui rappellent la Provence et sa lumière. On voit décrits de cette manière-là : Ajaccio, avec des vues des hauteurs de la ville, l’allée des tombeaux à la sortie de la ville vers les Sanguinaires et les îles Sanguinaires, Bastia, ainsi que des aspects de Fozzano qui illustrent le travail de recherche réalisé à cette époque. Suzanne Cornillac tranchera assez rapidement pour revenir à l’aquarelle, ce qui lui permet de traiter ces mêmes lieux d’une manière très délicate. Elle fait aussi des dessins, comme c’est la mode à l’époque, rejoignant ainsi les artistes comme Bassoul,
6
Ci-contre, de haut en bas (©Jean Harixçalde) : •Ajaccio, la Parata, vers 1936. Gouache sur carton. 18 x 25 cm. •Ajaccio, le port des pêcheurs, vers 1936. Gouache sur carton. 18 x 25 cm. •Fozzano, vers 1936. Gouache sur carton. 18 x 25 cm.
PREMIÈRE PARTIE. Suzanne Cornillac : une vie consacrée à l’expression figurative et à l’écriture
Son attachement à la partie sud de l’île
Voici ce qu’elle écrit, à propos de cette statue, en
En, 1936 Suzanne Cornillac doit se rendre à Fozzano
introduction à l’étude que lui consacre en
notamment pour peindre, à la suite d’une
septembre 1955 le Révérend Père Fidèle 7, étude
commande reçue du bâtonnier Carabelli, avocat
intitulée Notre Dame de Fozzano ou La Madonna
installé à Marseille, diverses vues du village dont sa
Santissima Del Rosario.
maison… Le destin intervient alors puisqu’elle fait une chute de cheval qui lui occasionne une fracture ;
« Les mots deviennent fades, usés, étrangement
elle se trouve immobilisée pour une longue période
plats, quand on frôle le mystère. Pourtant, peut-
à Fozzano et ne rejoint Marseille que plusieurs
on rétorquer, la statue de Notre Dame du Saint
semaines plus tard, après la date prévue. Pendant
Rosaire, vénérée à Fozzano, est sculptée à même
ce séjour, elle est installée dans une de ces
un tronc de figuier par un artiste inconnu de
« pensions de famille » que l’on trouve alors dans
l’école italienne ; elle est là depuis des siècles, et
les villages. C’est ainsi qu’elle est logée par Antonia
ses mains tendues sont palpables ; son voile, jadis
Durazzo Agostini, qui prend, selon l’usage, grand
doré à l’or fin, ombrage ses cheveux bruns ; sa
soin de cette jeune femme artiste venue visiter et
robe rouge et son manteau sombre, orné de
travailler dans la région.
fleurs, retombent sur son corps gracile en plis harmonieux, et ses mystérieuses prunelles de
Lors de ce séjour à Fozzano, elle se lie d’amitié avec
verre, ou les cierges allument des lueurs de vie
plusieurs personnes du village. Elle restaure la statue
semblent scruter les âmes avec une infinie douceur. » « Ce qu’il est impossible de décrire, c’est le charme qui émane d’elle, comme une buée humide et translucide, et la rend à la fois très proche et très lointaine. » « Toutes les prières entendues, toutes les supplications murmurées avec des larmes dans la voix, ont tissé depuis des siècles une trame qui oblige les plus incroyants à poser le genou sur la marche usée de sa chapelle. » « Bien des misères lui ont été contées, bien des souffrances elle a dû contempler, et le reflet de toutes ces larmes, gravé dans ses yeux aux
6. Voir Roccu Multedo, Le Nouveau Folklore Magique de la Corse, 1998, Imprimerie Sammarcelli, p. 196. 7. Le révérend Père Franciscain Vrydaghs (de son vrai nom), est aussi l’auteur de Notices historiques sur la Rocca, publié à Ajaccio. Cité par Roccu Multedo in Le Nouveau Folklore Magique de la Corse, 1998, Sammarcelli, p. 431.
appelée « Notre Dame de Fozzano ou La Madonna 6
aspects changeants, lui donne
Santissima Del Rosario ». Elle en connaît l’histoire ,
parfois une apparence douloureu-
autre preuve de la grande considération qu’elle voue
sement humaine. »
à cette statue : elle s’assurera à chacun de ses séjours à Fozzano que Notre Dame du Rosaire est toujours
Ci-contre, de haut en bas •Portrait de Suzanne Cornillac à Fozzano en 1937. ©Archives iconogra-
en bon état et prête pour le pèlerinage qui a lieu le
phiques du Palais du Roure, Avignon. DR
premier dimanche d’octobre.
•Suzanne Cornillac avec Bébé Durazzo. © Raphaël Van den Driessche •Encadré : « La vierge de Fozzano ». © Raphaël Van den Driessche
7
La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
au coin de la rue du Roi de Rome, près du « Son des Guitares ». C’est dans cette même rue qu’habite le peintre Raymond Rifflard (1896-1981), qu’elle voit très régulièrement. Cet artiste qui signe ses travaux Rif, tient une place particulière au sein de l’École d’Ajaccio notamment par la durée de sa carrière artistique de plus de cinquante ans. Peintre de Montparnasse, il est arrivé à Ajaccio dès le milieu des années vingt. Il a connu Jean-Baptiste Bassoul, François Corbellini, Émile Brod, Dominique Frassati, et les autres peintres ajacciens. Peintre décorateur, Rif a restauré de nombreuses églises en Corse et il est de ces artistes qui ont poursuivi une certaine approche de la peinture « réaliste » à tel point qu’on le surnomme l’« imagier » de la Corse ; il fait la jonction avec la nouvelle génération de peintres corses. C’est un homme attachant, qui aime se lier avec les autres et parler peinture. Il dessinera plus tard le portrait de Catherine, la fille cadette de •Fozzano, la tour Dessin. 14 x 12 cm, signé S. Cornillac de Trémines © Raphaël Van den Driessche
Suzanne Cornillac. •Portrait de Catherine à l’âge de vingt ans, 1959 Par Raymond Rif © Raphaël Van den Driessche
Suzanne Cornillac est enthousiasmée par cette île singulière et par les régions du Valinco et du Sartenais. Elle parcourt les villages, rencontre les habitants ; elle s’informe, se fait conter les histoires locales et apprend la manière dont vivent les gens. Elle vit comme eux, s’assimile à cette vie simple et heureuse des petites communautés, dont les difficultés quotidiennes, en cette période, ne lui échappent pas… Peu de temps après son retour sur le continent, sa fille aînée Idelette, meurt et ses deux fils restent auprès de leur père Yves Sadoul de Trémines. Une nouvelle vie commence pour elle. En 1937 elle s’installe à Ajaccio dans le quartier de la Barrière. Elle fait la connaissance de la chanteuse Marfisa, d’un musicien qui donne des cours de chant et accompagne les chanteurs qui viennent répéter chez lui 8 et de Toni Rocca qui habite rue Notre-Dame,
8
8. Ce musicien quitte la Corse au cours des années 1960 et compose sous le nom de Jean Ledrut une douzaine de musiques de films dont « Austerlitz » d’Abel Gance en 1960, « Le Procès » d’Orson Welles avec A. Perkins et Jeanne Moreau en 1962, « Les aventures extraordinaires de Cervantès » de Vincent Shermann avec Hortz Bucholz et G. Lollobrigida, en 1966… 9. En janvier 1937 Frassati est nommé aux fonctions de conservateur du musée Fesch, puis en septembre 1938, conservateur des musées d’Ajaccio. 10. Ange Tomasi (1883-1950), apprend le métier et affirme sa vocation dans le studio de Joseph Moretti à Ajaccio, où il se fixe en 1907, rue Sergent Casalonga. Il a été un des pionniers du reportage photographique, fixant sur sa pellicule la plupart des sites de Corse et des événements qui ont marqué la vie de l’île pendant plus de cinquante ans. Il a réalisé près de 30 000 clichés sur plaques de verre. Il possède dans les années 1930 le plus célèbre studio photographique de Corse. Ses photos, que tant de Corses et de touristes ont emmenées avec eux, sont remarquables par leur composition et le travail de Tomasi, par cet aspect le rapproche parfois des peintres ajacciens qu’il fréquente. Son
PREMIÈRE PARTIE. Suzanne Cornillac : une vie consacrée à l’expression figurative et à l’écriture
Ci-dessous : •Suzanne Cornillac par Ange Tomasi
Pourtant, pendant ces deux années passées à
costume Corse en 1936-1937. Cette photo sera
Ajaccio, Suzanne Cornillac n’est pas été influencée
utilisée pour des affiches du syndicat d’initiative
Deux photos en femme corse © Raphaël Van den Driessche
par les peintres corses de son époque. Elle les
de la Corse, qui a son siège à Ajaccio. Suzanne
connaît et fréquente assez peu, notamment en raison
Cornillac est liée avec Micheline Tomasi, la mère
des circonstances : Corbellini, alors très âgé, quitte
de François et de Philippe Léotard et elle gardera
le poste de conservateur des musées de la ville à la
toute sa vie ces liens d’amitiés avec la famille
fin de 1936, puis se retire à Piana ; Lucien Peri et
Tomasi.
Canniccioni sont installés à Paris et viennent assez
fils Toussaint qui prend sa suite est le photographe de l’Ajaccio des années 1940-1960. 11. Tino Rossi (1907-1983), fait ses débuts à l’Alcazar de Marseille en 1933. Acteur de cinéma (Marinella, 1935) et chanteur, il est lancé par les chansons écrites par Vincent Scotto : Vieni, vieni et Ô Corse, île d’amour ; après 1937, sa grande carrière nationale et internationale est lancée. 12. Toni Rocca (1910-1960), qui a été lauréat du concours du poste Parisien au milieu des années trente, connaît un certain succès : en 1940, il chante dans le film Vénus aveugle d’Abel Gance et poursuit une belle carrière de chanteur dans les années cinquante avec « Ti tengu cara » : musique de Théo Lacuire, texte de Pierre Leca (cette chanson a été créée par Toni Rocca et non par Tino Rossi. C’est une longue histoire entre ces trois hommes et Toni Rocca en a voulu à Pierre Leca et à Tino de s’être attribués sa création ; ils ne se sont réconciliés que longtemps après). Parmi d’autres titres qu’il a interprété, le « Lamentu d’u coloniale » de Giovoni ; « Pescador di l’onda » ; « Lamentu serenata di Spanetu », de Casanova et Tomasi ; « Canta di una serenata » de Chélos-Bordin et Lloret ; « Pescador d’Ajaccio » de R. Montrelet et Rainéri (Abbé Mattei) ; « Nanna ».
peu à Ajaccio au cours des années qui précédent la
Marfisa et Toni Rocca – qui deviendra son
guerre. Parmi les peintres connus, il y a surtout
compagnon et le père de sa plus jeune fille
Dominique Frassati (1896-1947), seul artiste de son
Catherine – font partie des jeunes artistes qui
époque qui ne donne pas la priorité au paysage et
commencent une carrière à une époque où la
qui se consacre au portrait, aux scènes de la vie
chanson corse connaît une mode certaine, dans la
quotidienne, aux scènes de genre, qu’il traite avec
foulée des succès de Tino Rossi 11. Toni Rocca
une originalité remarquable 9.
interprète avec brio des chansons qui parlent de la Corse, de ses traditions ; il introduit dans son
Suzanne Cornillac, femme pleine d’énergie,
répertoire des thèmes nouveaux et puise avec
apprécie la vie ajaccienne qui est encore très
bonheur dans les œuvres des écrivains de langue
vivante et animée dans ces années-là. Le réputé
corse 12. Suzanne Cornillac voit ainsi l’évolution dans
photographe Ange Tomasi 10 la fait poser en
le domaine de la création musicale en Corse.
9
La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
Les années à Nice : 1938-1956
La période de la guerre est difficile pour Suzanne
En 1938, Suzanne Cornillac et Toni Rocca
ne recevant pas de commandes et ne pouvant vendre
s’installent à Nice avec le projet d’aller ensuite à
sa production. Elle se réfugiera durant les derniers
Paris, mais la guerre les empêchera de finaliser ce
mois de la guerre à Eze Village. Avec le concours
schéma. C’est là qu’elle fera la connaissance de
d’un de ses amis qui se charge de les vendre, ses
certains Corses installés à Nice et notamment de
aquarelles sont alors exposées dans une bijouterie
Pierre Leca 13 avec qui elle se liera d’amitié. Au cours
de Monaco et remportent un certain succès. De son
de cette période et des années suivantes, elle
côté, Toni Rocca est arrêté comme résistant et
commence
émissions
incarcéré au camp de travail de Salon de Provence ;
radiophoniques où il est régulièrement question de
il s’en évade en compagnie de l’oncle de Charles
la Corse, de son histoire et de ses artistes : en 1939,
Pasqua ; ils rejoindront ensemble le « maquis » de
l’émission a pour titre « A travers la Corse ».
Beuil, dans les Alpes-Maritimes. Pour cette conduite
à
s’occuper
Cornillac qui n’a plus ses occupations habituelles,
des
héroïque, Toni Rocca recevra décoration et citations. Rentrée à Nice peu après la Libération, Suzanne Cornillac devient journaliste à l’Aurore de Nice. Elle assure plusieurs rubriques : spectacles, opéra, retour des prisonniers de guerre, et les comptes rendus d’audience au Palais de Justice ; occasion pour elle, car le désir de dessiner est trop fort, de réaliser quelques croquis des protagonistes, en 1945 et 1946.
Ci-dessus : Toni Rocca, troisième à gauche, entouré de membres de « l’amicale des Corses » lors d’une émission corse, à Radio Nice © Raphaël Van den Driessche
Ci-dessus : Nice, 1946, le Procureur de la République © Raphaël Van den Driessche
Ci-contre, de gauche à droite : •Suzanne Cornillac à l’âge de trente-six ans (1940) © Raphaël Van den Driessche
•Suzanne Cornillac à l’âge de quarante ans (1944) Photo à Nice © Raphaël Van den Driessche
10
13. Pierre Leca ou Petru Santu Leca (1879-1951), neveu de Santu Casanova et beau-frère de Paul Arrighi. Professeur à Nice. Poète de langues française et corse, il fut collaborateur puis, en 1931, directeur de « L’Annu Corsu » et rédacteur en chef de la revue « L’Aloès ». Cette amitié entre Pierre Leca et Suzanne Cornillac durera plus de vingt ans.
PREMIÈRE PARTIE. Suzanne Cornillac : une vie consacrée à l’expression figurative et à l’écriture
Elle entame une importante série d’illustrations des « Contes d’Andersen » à la demande d’un éditeur Niçois, mais le projet n’aboutira pas. Elle est ensuite sollicitée pour illustrer le livre de Paul Arrighi 14 « Corse », publié en 1946, avec quarantedeux fusains représentant de nombreux lieux du Sud de l’île et divers endroits de Fozzano. On voit dans ces œuvres réalisées d’un trait assuré toute la finesse d’observation accumulée par Suzanne Cornillac pendant ses années passées en Corse. On voit aussi combien elle connaît la Corse et ses lieux,
Ci-dessus, de gauche à droite : Fozzano et Sartène. Encres. 14 x 12 cm. © Raphaël Van den Driessche
le Cap Corse, la Balagne, la Castagniccia, les côtes
Alors même qu’elle vit à Nice, son intérêt pour la
orientale et occidentale, le Niolo, le Sartenais… et
Corse est tout aussi grand et elle s’emploie largement
les grandes villes.
pour en évoquer différents aspects. De 1947 à 1950, Suzanne Cornillac produit à « Radio Nice » une
Ces lieux dont Paul Arrighi écrit dans son livre :
émission consacrée à la Corse toutes les semaines ;
« Oui, l’âme corse, parfois paradoxale,
pour cette émission intitulée « Une demi-heure de
s’explique d’abord par ces paysages riches de
charme », Toni Rocca et certains membres de
contrastes violents ; d’une douceur que le plus
l’amicale Corse participent activement. Elle écrit de
« sentimental » des peintres ne peut exprimer, d’une rudesse qui n’a pas besoin d’être
Ci-dessous : •Photo de Suzanne Cornillac au micro de « Radio Nice ». © Raphaël Van den Driessche
amplifiée par des outrances de dessin ou de couleur, d’une variété que les compositions réunies dans cet album illustrent avec force. » « Dès le premier contact visuel, la Corse révèle son âme austère et hautaine, reflet d’un passé de luttes et de deuils : montagnes abruptes, citadelles et tours, tombeaux parmi les cyprès. Accueil d’une mélancolique noblesse, qui n’a rien de la facilité des rencontres vulgaires ; 14. Paul Arrighi (1895-1975), professeur agrégé d’italien, enseignant à Nice, puis professeur à l’université d’Aix-Marseille. Il a animé, avec Antoine Bonifacio, de 1923 1939, L’Annu Corsu, almanach illustré et anthologie régionale du Cyrnéisme (ni régionaliste, ni corsiste, ni félibrige) qui a rassemblé des textes de très grande qualité et donné une place importante aux arts plastiques, faisant régulièrement des comptes rendus des manifestations artistiques ou publiant des articles sur les artistes.
accueil peu engageant : l’âme corse ne s’offre pas, quémandeuse ou vénale ; il faut la conquérir, il faut se faire adopter d’elle. » « Puis, une fois surmontée cette première impression, vous connaîtrez la douceur des plages et l’intimité des criques, l’invite de la vallée s’ouvrant brusquement, confiante, derrière le mamelon fortifié qui la masquait ; l’appel des chemins serpentant là où vous pensiez ne trouver que raidillons à l’usage des chèvres. »
11
La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
nombreuses pièces dramatiques également pour
de presse signé F., publié dans Nice-Matin Corse
« Radio Nice ». Les principales pièces sont souvent
relatant cette exposition intitulée « Une vibrante
inspirées par des légendes comme « La Sposata »,
sensibilité caractérise les aquarelles de S. Cornillac-
« Fior di rosa » et bien d’autres comme « Les
Rocca », évoque ces œuvres de facture classique et
Giovanalli » qui passera aussi sur Radio Monte
précise « On y décèle partout, avec la sobriété des
Carlo, « La véritable histoire de Matéo Falcone »,
teintes, l’inhérence du moment qui permit à l’artiste
classée meilleure dramatique de l’année 1947
de capter ses paysages dans le souffle de sa
diffusée également sur les antennes nationales. À
sensibilité. » « Rien ne m’a plus ému que cette
la même période elle est journaliste au « Magazine
grande croix protectrice du village de Carbuccia,
Bleu », journal radiophonique quotidien où elle a
contre les mauvais génies, aux bras inclinés par la
des entretiens avec les artistes de passage et les
vétusté, complétée par ce mausolée effrité de Zicavo.
personnes organisant des événements : expositions,
On se sent attendri par les souvenirs de l’enfance
carnavals, concerts.
et inquiets sur les conséquences d’un exode accentué de la race… » «… Girolata au matin ; Bonifacio sous divers aspects a retenu à juste raison la hantise de l’artiste ; Ajaccio au crépuscule ; Soveria avec son campanile caractéristique de tous les villages corses ; les calanches de Piana, etc., sont issus de lavis d’azuline qui rappellent par maints endroits, les moires et les ors des montagnes que Lucien Péri et Corbellini ont légué à la pérennité artistique des paysages cyrnéens. » « Avec Suzanne CornillacRocca la Corse peut être fière de compter une vestale
Ci-dessus : •Suzanne Cornillac chez elle, à Nice © Raphaël Van den Driessche
Toujours à Nice, au début des années cinquante, Suzanne Cornillac a de multiples activités et enseigne le dessin au lycée de jeunes filles de l’avenue du Maréchal Foch (actuellement lycée Calmette). Elle peint également Nice et sa proche région comme Saint Jean Cap-Ferrat, Èze village, les Hauts de Cagnes… toujours à la recherche de lieux où les vielles pierres brillent et chantent dans de subtils jeux d’ombres et de lumières, grâce à la magie de son pinceau. À Nice, ville où elle a noué des liens avec les Corses qui y sont installés, Suzanne Cornillac expose à plusieurs reprises. Des publications dans la presse permettent d’apprécier la façon dont sa peinture est perçue à cette époque. En 1954, elle est à la librairie « Au poisson d’or », au 12, rue Paganini. Un article
12
de plus pour la faire comprendre et aimer. »
•Carbuccia, la croix, 1954. Aquarelle. 24 x 32 cm © Raphaël Van den Driessche
PREMIÈRE PARTIE. Suzanne Cornillac : une vie consacrée à l’expression figurative et à l’écriture
En octobre 1955, Suzanne Cornillac expose des
ne rencontre nulle part ailleurs. » « Acquérir une de
œuvres de Corse à la galerie « Muratore », avenue
ces œuvres c’est emporter chez soi un peu de soleil,
Victor Hugo, lieu renommé dans la ville. Un article
une foule de souvenirs condensés dans ces ruelles
15
de presse signé Ch. C intitulé « À travers la Côte,
étroites. » « Ces rues si chères à nos cœurs d’enfants,
Un court mais passionnant voyage en Corse » publié
car elles virent nos premières émotions et nos
dans Nice-Matin Corse le 29 octobre 1955 indique à
premiers chocs. » « Il faut féliciter Mme Cornillac-
propos de cette exposition : « Voici les villages aux
Rocca et sa fille qui, l’une avec ses couleurs, et l’autre
maisons grises montant à l’assaut des rochers de
avec ses santons insulaires figés et vivants à la fois,
granit. » « C’est à la fois dépeuplé et plein de vie. »
nous ont apporté un reflet de l’Île chère où nous
« Hâtez-vous d’aller voir ces féeries de tons que l’on
avions tous notre nid, quand nous étions petits. »
Ci-dessous : Le chemin de Figaniella, 1954. Aquarelle. 24 x 32 cm © Raphaël Van den Driessche
15. Il doit s’agir de Carulu Giovoni (1879-1963) – dont les prénoms sont Charles César – écrivain et poète qui a déployé une forte activité en faveur de l’expression et du rayonnement de la culture corse. Parmi ses nombreuses publications : U me paisolu, I profumi di l’isula. Ce pharmacien installé à Marseille est un des fondateurs de la revue trimestrielle bilingue U Lariciu en 1927. Il a toujours entretenu d’excellentes relations avec les artistes corses installés sur le continent, en Afrique du Nord et en Corse, et à Ajaccio, avec J-B Bassoul en particulier. Il organise les manifestations qui ont lieu à Marseille. Jusque dans les années 1950, il fait, dans la presse corse, des comptes rendus d’expositions de peintres corses dont Rifflard et Poggioli.
13
La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
Retour à Paris et région...
À Paris, Suzanne Cornillac est en contact avec des Corses et voit régulièrement certains artistes
En 1956, Suzanne Cornillac quitte la côte d’Azur
installés dans la capitale. C’est le cas de José Fabri-
pour la région parisienne et s’installe à Choisy-le-
Canti 16 qui organise dans les années 1960,
Roi (actuellement dans le Val-de-Marne), petite ville
notamment avec Toni Casalonga des manifestations
à douze kilomètres en amont de Paris qui présente
pour promouvoir l’art corse. Parmi les artistes corses
la particularité d’être construite sur les deux rives
de Paris, il y a Pierre Dionisi (1904-1976) 17, Robert
de la Seine. Le lieu lui plaît, elle se rapproche ainsi
Falcucci (1900-1989) 19
18
, Nicolas Carréga (1914-
de sa famille et elle peut aller aisément à Paris. Elle
1993)
a gardé des liens avec ses amis provençaux qui la
maintenant une relation avec la Corse. Max Agostini
sollicitent pour des illustrations. Dans la capitale,
et Tony Agostini ont également choisi leur chemin
elle rencontre artistes, éditeurs et producteurs de
et la Corse est moins présente dans leur production.
radio. À partir de 1957 elle écrit des textes pour
Paradoxalement, il y a beaucoup d’artistes mais on
disques accompagnés de diapositives ainsi que des
en parle très peu alors, comme si l’activité créatrice
contes, pièces et histoires diffusées par la radio
des artistes corses de Paris était un sujet de peu
nationale.
d’importance.
•Paris Aquarelle 26 x 34 cm. © Jean Harixçalde
14
; ils poursuivent leur voie tout en
16. José Fabrikant — ou FabriCanti- (1916-1994), sociétaire des Artistes français, obtient le prix Jean Geoffroy en 1941, une seconde médaille en 1942, le prix James Bertrand la même année et, en 1943, une bourse de voyage. En 1946, il obtient le Grand Prix de Rome et il est lauréat de l’Institut et du Gouvernement. Il est à l’origine de création, en 1959, de Cyrne Arte, structure qui ne se limite pas aux arts plastiques : peinture, sculpture, mosaïque, mais s’étend également au théâtre et à la musique et qui tente la synthèse des arts plastiques et de l’artisanat au sein de l’architecture. 17. Pierre Dionisi obtient en 1923 le premier Grand Prix de Rome de peinture. Après son retour à Paris, il réalise des travaux de décoration monumentale puis s’oriente dans les années 1930 vers la sculpture bénéficiant de nombreuses commandes publiques. 18. Robert Falcucci, peintre, affichiste talentueux et illustrateur d’ouvrages comme Guynemer, héros légendaire de R. Hervouin, Flèches Ouvrantes de Paul Ribers, et Colomba de Prosper Mérimée. Falcucci est considéré comme un des spécialistes français de l’affiche des années vingt-trente avec Grand Prix de Monaco, AirFrance, S. N. C. F. Energol, Gaz de France, et des réclames : Porto-Cruz, Byrrh. 19. Nicolas Carréga participera à de nombreux Salons et expositions nationales et à l’étranger. Son art figuratif, de tendance expressionniste a d’abord été inspiré par le monde de la mer. Plus tard, sa peinture évolua vers l’abstraction, utilisant de grands aplats aux arrière-plans transparents. Carréga est peintre, sculpteur, lithographe et graveur, on lui doit de nombreux travaux d’illustration et de décoration réalisés dans les années 19501960.
PREMIÈRE PARTIE. Suzanne Cornillac : une vie consacrée à l’expression figurative et à l’écriture
Les liens réguliers de Suzanne Cornillac avec la Corse
aussi que l’aquarelle est un art qui permet de saisir
À partir de 1951, Suzanne Cornillac vient peindre
aquarelles sont transparentes, légères, aériennes.
en Corse tous les ans au printemps et en été, entre
L’eau qu’elle utilise avec générosité donne de la vie
juillet et fin septembre puis, à partir de 1956, en été
aux nuances de ses couleurs. Parfois, un trait de
seulement, et ceci jusqu’en 1980. Généralement elle
fusain noir pour souligner un angle, une ligne de
passe au moins un mois à Ajaccio, entre quinze jours
fuite, une masse. Ce fusain qui capte le regard et
et un mois à Vizzavona et un mois à Fozzano,
permet de mémoriser l’œuvre, le lieu…
l’instantanéité des paysages et des choses… Ses
occasions de voir famille et amis. Une importante partie de ces séjours est réservée à son travail qu’elle
Dans l’Ajaccio de ces années-là, Suzanne Cornillac
accomplit avec méthode prenant souvent un ou deux
n’éprouve pas le besoin d’exposer à la galerie Bassoul,
jours pour des séances de travail sur un lieu
qui est toujours la seule galerie de peinture en Corse
particulier, choisi et repéré préalablement. Elle
et qui le restera encore longtemps, jusque dans les
répond aussi à de nombreuses demandes d’amis,
années 1970 20. En 1934, après la mort de Jean-
de connaissances et d’amateurs de peinture qui
Baptiste Bassoul ses fils Philippe (1909-1983) et
souhaitent acquérir ses aquarelles ou lui passent
François (1913-2001), ont repris l’entreprise de
des commandes précises : maison, vue de village,
peinture en bâtiment et la galerie. Philippe Bassoul
bateau… Elle alterne également ses sorties en
s’occupe principalement du magasin, spécialisé dans
fonction des saisons et elle a peint certains endroits
le matériel, les produits pour la peinture artistique
de Corse sous des aspects très diversifiés.
et l’encadrement. François Bassoul, de son côté, va donner dès la fin des années trente, une nouvelle
20. La galerie Bassoul a été ouverte en 1913, à une époque où il n’y avait quasiment pas de lieux pour exposer à Ajaccio. C’était alors une extension du magasin que tous les Ajacciens connaissaient bien puisqu’en 1911, lorsque Bassoul s’installait au 8, cours Grandval, reprenant le commerce exploité par Joseph Gini de vente de papiers peints et papiers vitraux, de matériel d’artistes et de dessinateurs, et d’encadrements. Lieu de rencontre et d’échange la discussion durait parfois jusqu’à des heures avancées de la soirée, la plupart des peintres Ajacciens s’y arrêtaient, profitant de la présence de Bassoul et d’autres artistes de passage.
Elle travaille avec méthode et, pendant ses séjours
dimension à la galerie, puis dès l’automne 1945, après
en Corse, d’après les témoignages recueillis, elle
la reprise d’une vie normale en ville, une plus grande
s’estime satisfaite lorsqu’elle réussit plusieurs
ampleur à cette activité en organisant régulièrement
aquarelles par jour : une partie du travail étant
des expositions pour montrer les peintres connus et
réalisée le matin, l’autre l’après-midi. Travaillant
présenter de nouveaux talents. François Bassoul
de façon organisée, elle est assise sur un petit siège,
s’occupe des relations avec les artistes ; parmi ceux
sa feuille de papier sur les genoux ; elle fait de façon
qui exposent régulièrement entre 1945 et 1960 :
quasi systématique une esquisse au crayon. Elle a
Marcel Poggioli (1882-1969), tous les ans et Raymond
toujours avec elle une mallette ou un sac léger où
Rifflard ; Jacques Willem Thétard (1917-1995), à
se trouve rangé son matériel. Tout son travail est
partir de 1955. Au même moment, des artistes font
réalisé en plein air et elle n’apporte aucune retouche
leurs premiers pas comme Anne Mari-Roustan (née
par la suite. Si une aquarelle ne lui convient pas,
en
son sort est vite réglé : déchirée, elle n’existe plus…
alternativement à Ajaccio, chez Bassoul et à Bastia,
, il faudra recommencer ou changer de sujet ! Elle
chez Bosdure des paysages de Corse rendus avec
cherche le meilleur endroit pour rendre le lieu choisi
justesse et réalisme ou Pierre Vellutini (1921-2008),
avec soin ; son regard expérimenté trouve la
qui tiendra une place importante parmi les artistes
lumière, la vie, le mouvement, car elle déteste ce
corses ; ses œuvres peuvent être vues, pour la
qui est « figé ». Elle sait trouver les couleurs qui
première fois à Ajaccio, en 1952 chez Bassoul, avec
correspondent à l’instant qu’elle veut capter, sachant
même des nus… une grande première à l’époque !
que les couleurs changent tout le temps ; sachant
Alors qu’une partie des artistes de la génération
1920)
qui
exposera
jusqu’en
2000,
15
La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
antérieure n’est plus sur le devant de la scène,
cours Grandval, ils se trouvent « À la Palette d’Or »,
l’activité artistique elle-même n’est cependant pas
chez Bassoul où ils auront au bout de quelques jours,
réduite à rien en Corse : certains artistes conservent
leurs œuvres encadrées avec « la baguette
leurs sujets et leur manière de peindre pendant que
Cornillac », une fine baguette à la feuille d’or qui
d’autres cherchent de nouvelles marques et peinent
fait resplendir leurs acquisitions et qui trouveront
à trouver leur public. Cette activité est relativement
une place de choix dans leur intérieur. Suzanne
difficile à apprécier tant à Ajaccio et Bastia ou dans
Cornillac aura ainsi une clientèle fidèle chez
l’intérieur de l’île qu’à Paris ou Marseille car les
Mlle Sicurani qui lui amène aussi des vues des régions
artistes travaillent de façon cloisonnée et les
françaises, de Paris notamment, qu’elle lui apporte
possibilités d’échanges sont peu nombreuses.
chaque année.
Pendant une longue période, on évoque plus les peintres du passé que les artistes vivants et on constate qu’entre 1945 et 1959, peu d’artistes figurent sur la scène nationale et internationale. On parle avec précaution des jeunes artistes, attendant qu’ils fassent leurs preuves. Par la presse, on a une vision contrastée de la créativité artistique de cette période dont on verra justement plus tard qu’elle a été tout aussi féconde que celle de la période précédente. Il est vrai que la société corse est trop occupée par ses mutations économiques et sociales pour donner aux arts une place majeure. Suzanne Cornillac fait partie de ces artistes qui comptent et si elle n’expose pas à Ajaccio, elle possède en revanche une très bonne méthode pour vendre ses aquarelles. Elle est amie de longue date — depuis la fin des années trente — avec Mlle Victoria Sicurani appelée affectueusement « Yaya » par son entourage et ses amis 21. L’amitié et la confiance qui s’instaurent entre les deux femmes aboutissent au fait que Victoria Sicurani accepte de lui acheter régulièrement sa production et de s’occuper ensuite de la vente de ses aquarelles. Dans son bel établissement raffiné « HorlogerieBijouterie » du cours Grandval, là où les Ajacciens aisés viennent faire des achats, ils peuvent se voir confier les grands cartons à dessins rangés à l’abri des regards où se trouvent les belles aquarelles lumineuses et les dessins de Cornillac. Leur choix réalisé, en faisant une vingtaine de mètres sur le
16
•Suzanne Cornillac à soixante-quatorze ans Photographié à Choisy-le-Roi. © Raphaël Van den Driessche
21. Victoria Sicurani est pharmacien de formation. Elle fait le choix d’exercer un autre métier qui lui permet de vendre de beaux objets car elle a aussi des antiquités. Les aquarelles de Cornillac, elle les vend à ses clients, qui aiment la peinture et qu’elle sélectionne.
PREMIÈRE PARTIE. Suzanne Cornillac : une vie consacrée à l’expression figurative et à l’écriture
La peinture de Suzanne Cornillac est appréciée en
Les natures mortes et bouquets de fleurs
Corse et notamment à Ajaccio où depuis longtemps
C’est ici, au moment de clore cette présentation de
existe un public connaisseur de la peinture et qui
la vie et de la carrière de Suzanne Cornillac que l’on
22
encourage les artistes locaux et amis de la Corse .
évoquera ses natures mortes et bouquets de fleurs.
Tout au long des années soixante et soixante-dix, Suzanne Cornillac va voir augmenter de manière
Sa maîtrise des différentes techniques et modes
considérable le nombre des amateurs de sa peinture.
d’expression lui permet en effet d’être un excellent peintre de natures mortes et de bouquets de fleurs.
Et quand en décembre 1975, est organisée à la galerie Bassoul
23
À la fois par passion et parce que, à Choisy-le-Roi,
une exposition-vente au profit de
elle a moins de lieux à peindre, les objets et les fleurs
la Croix-Rouge par Antonia Bigou-Bosc (présidente
sont pour elle un très bon moyen de satisfaire son
pour la Corse), des aquarelles de Suzanne Cornillac
désir de peindre et de libérer sa sensibilité féminine.
voisinent avec les œuvres de Paul Agostini, Gabriel
Elle réalise des natures mortes très simples, avec peu
Carriat-Rolant,
de
de choses, posées sur une table : un livre, un vase de
Casabianca, Mme de Casabianca, Bosdure, Daniel
roses jaunes, un bouquet avec du muguet, des fleurs
Jaugey, Jean Padovani, Rifflard et bien d’autres
épanouies, un vase vide, un collier, un grand
artistes…
coquillage : le « Colombu », qui lui rappelle la Corse,
Toni
Casalonga,
Louis
Suzanne Cornillac les transforme en œuvres d’art qui Ci-dessous, de gauche à droite : •Fleurs. Aquarelle. 28 x 19 cm. © Raphaël Van den Driessche •Nature morte. Aquarelle. 37 x 27 cm. © PMS
remportent un franc succès auprès de ceux qui la connaissent et l’apprécient. Cette artiste qui a si bien su peindre la nature et les choses, avec tant de sensibilité et de justesse, est décédée à Longjumeau le 3 octobre 1982.
22. Voir à ce sujet : La peinture à Ajaccio : 1890-1950 : Bassoul, Canavaggio, Frassati, par Pierre Claude Giansily, « Association Le lazaret Ollandini », diffusion Colonna édition, Ajaccio, décembre 2008. 23. Le Provençal Corse, 8 décembre 1975, « Au profit de la Croix-Rouge, deux toiles de Leonor Fini proposées aux Ajacciens. »
17
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Deuxième partie
Aquarelle. 37, 5 x 27 cm © PMS
Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse
24. Les livrets des Salons organisés à Paris entre 1900 et 1950 montrent que plus de quatre cents peintres dont près de cent étrangers, principalement des pays d’Europe occidentale ainsi que de Russie ou d’Europe centrale, du japon et des Etats-Unis, ont adressé des œuvres représentant la Corse aux Salons. On a pour les années 1900 quatrevingt-onze peintres ; au cours des années 1910, on en dénombre seulement quatrevingt-six mais il y a eu quatre années sans Salons à cause de la guerre. Pour les années 1920 ce sont trois cent quarante-cinq artistes qui sont présents à ces grands rendezvous et pour les années 1930, ils sont deux cents-cinquantedeux à y figurer, les dernières années étant marquées par une baisse sensible. Les années 1940 où les salons se tiennent quand même en dépit de la guerre font apparaître seulement quelques dizaines d’artistes. 25. Nombreux sont les artistes qui se limitent à un seul séjour en Corse. La difficulté de rendre les paysages corses, si variés et si spécifiques du point de vue technique explique ce phénomène.
Suzanne Cornillac participe pleinement au
compositions où ils ont une place vivante allant au-
grand mouvement d’expression artistique dont la
delà des stéréotypes pratiqués auparavant. Ces
Corse est l’objet au cours de la première moitié du
peintres organisent généralement une visite
XXe siècle, à la fois comme sujet et lieu de travail des
complète de la Corse et font une grande moisson
peintres et comme terre d’artistes. Suzanne
d’impressions, d’études et de toiles qui leur
Cornillac a en effet le double regard de ceux qui
permettront d’exposer à Paris, dans une galerie ou
découvrent la Corse et de ceux qui y vivent et la
au Salon, ou dans leur pays ou leur ville d’origine.
connaissent très bien, qui ont su s’en imprégner,
Souvent, ce voyage en Corse n’est qu’une étape 25
dans tous ses aspects : physique, humain, spirituel.
dans leur carrière et dans leur recherche de sujets et de nouvelles techniques.
Il est avéré que, dès après 1900, il y a une grande vogue pour la Corse et nombreux 24 sont les artistes,
Quelques peintres se sont bien imprégnés des parti-
de tous bords et de tous styles, en quête d’exotisme
cularités de la Corse pour en donner une vision
et de pittoresque qui viennent y installer leur
synthétique et fidèle. Parmi eux, Jean Chièze (1898-
chevalet. Ils ont souvent organisé leur tour de Corse
1975), graveur et illustrateur, professeur de dessin
en suivant les indications contenues dans les livres
au collège d’Ajaccio en 1925-1926 26, puis au lycée
et guides et peints les lieux « recommandés » : les
de Bastia en 1931-1932, qui a montré avec ses
îles Sanguinaires, les Calanche de Piana, Bastia et
dessins des aspects de la Corse et d’Ajaccio de
son vieux port, Bonifacio et ses falaises, Sartène…
manière très originale. On citera aussi André Strauss
Ils ont rendu ces endroits pittoresques avec des
(1885-1971), qui a fait de nombreux voyages en
couleurs et de la lumière, pas uniquement avec leurs
Corse et qui est sans doute le peintre de la période
verticalités, leurs minéralités ou leurs forêts denses
1920-1930 qui a le mieux rendu les paysages de
et sombres comme au siècle précédent. Les artistes
Corse dans leur aspect de grandeur et de sérénité
ont abordé tous les thèmes, tous les sites de Corse
estimant que les bords de mer avaient peu d’attrait.
et les personnages sont souvent, non plus un
C’est pour cette raison que l’essentiel de son travail
élément du décor, mais les sujets de leurs
représentant des villes, villages et sites de l’intérieur.
19
La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
Parmi d’autres artistes : Auguste Bouchet, (1865-
Cet article est illustré par des peintures, aquarelles
1937), qui est également très attaché à la Corse dont
et pastels de Gaston Guignard, René Ménard, Jules-
il peint tous les aspects et Bion Barnett (1887-1958),
Alexis Muenier, Paul Saïn et Lucien Peri.
peintre américain qui s’est installé à Ajaccio, au
René Bazin avait déjà présenté ses impressions d’un
27
début des années vingt .
voyage en Corse dans Le Gaulois du 9 juillet 1908, et publié en 1913 chez Calmann-Lévy Nord-Sud : Amérique, Angleterre, Corse, Spitzberg.
René Bazin dans un long article intitulé Les quatre beautés de la Corse, publié dans L’illustration du
Suzanne Cornillac adopte une démarche similaire
3 décembre 1910, décrit la Corse, « sa » Corse.
en visitant cette nature qui l’entoure, ces rivages,
Il écrit au début de son introduction :
ces forêts, ces champs, ces amoncellements de rochers et de pierres, ces villages aux aspects si parti-
« J’ai parcouru la Corse presque tout entière
culiers. Jusqu’à la fin des années 1970, elle vient en
et en tous sens, et j’ai éprouvé vingt fois le
Corse chaque année, consacrant une partie de ses
sentiment que connaissent bien ceux qui ont
séjours à sa famille, à ses amis. Une importante
voyagé ; je me suis dit : « Si j’étais né ici ou
partie de son temps est réservée à son travail qu’elle
là-bas, sur cette terre que je foule, comme je
accomplit avec méthode. Elle se déplace, ici et là,
l’aimerais ! Comme je la préférerais ardem-
prenant habituellement les cars ou allant peindre
ment ! Comme je voudrais y revenir ! » J’y
avec un parent, une amie. Elle a réalisé de très
suis revenu, moi qui n’ai pas vu ses
nombreuses vues de villages de Corse, surtout du
montagnes et sa mer avec des yeux d’enfant,
sud de la Corse, ainsi que d’Ajaccio et de ses
à l’heure jeune où le paysage qu’on aperçoit
environs, le tout formant un ensemble qui respire
de la porte, et celui qu’on découvre par la
la vie de belle manière. Elle décrit ainsi des coins
lucarne du toit, font partie de notre âme, et
de villages avec des enchevêtrements de maisons,
deviennent comme un frère et comme une
de façades – parfois détaillées avec fenêtres,
sœur. Et j’ai cherché, depuis, la raison de cet
balcons… parfois au simple crépi pour se protéger
attrait puissant, de ce pouvoir de regret qu’elle
de l’exposition au vent et à la pluie – de toits, reliés
exerce sur nous. Les guides n’expliquent pas
par des cheminements de ruelles aux pavés inégaux,
ces choses-là. Ils énumèrent les curiosités de
purement minéraux. Elle ne cherche pas les vues
l’île, ses défilés, de Santa-Regina et de l’Inzeca,
panoramiques ressemblant trop à la photo ou à la
ses rochers sculptés, ses monuments
carte postale et c’est bien ça qui, d’une certaine
médiocres, et ils citent des pages admirables
manière, constitue la force de sa peinture.
qui furent écrites en l’honneur des calanques de Piana, roches de porphyre battues par la mer. Je crois qu’un homme de goût aurait tort de négliger leurs indications. Il y a plaisir et quelquefois un plaisir vif à voir les singularités du monde. Mais la beauté de la Corse n’est pas dans ces raretés. Elle est faite d’éléments plus communs, elle est presque partout présente. »
20
26. Années de la publication de ses premières gravures par Septimanie : treize bois consacrés à Ajaccio. 27. On trouve régulièrement des reproductions du travail de ces artistes dans la revue La Corse touristique (publiée de 1924 à 1934) qui compte parmi ses collaborateurs littéraires Albitreccia, Ambrosi, Arrighi, Bonardi, De Bradi, Fontana, Guelfucci, Luciani, Maestratti, Maki, Marcaggi, Nivaggioni, Pierangeli, Rocca, Roger, Trojani, Villat.
DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse
Le Sud de la Corse par Suzanne Cornillac
« O terre engourdie j’écoute les voix du passé
Suzanne Cornillac donne sa vision de la Corse par le
psalmodier à mon oreille le chant de paix…
pinceau et par la plume car elle tient à s’exprimer pas
Je suis si bien loin du monde. La lourde porte
ces deux moyens. Lors de sa découverte de la Corse,
en se refermant m’a à nouveau séparée de la
elle écrit beaucoup et confie au cours de ses premiers
douleur, de la lutte.
voyages en Corse, dans ses « Carnets de route », ses
« En cette halte brève, j’ai retrouvé mon âme
impressions et ses sentiments sur les lieux qu’elle
paisible. Et si à nouveau, mes paupières sont
parcourt et sur les choses de la vie… Par la suite, elle
humides c’est de joie que je pleure.
adoptera surtout une démarche picturale car au cours
« Par l’encadrement de la fenêtre, le cap
de ses quarante-sept années de fréquentation de la
d’Osani flotte, fantôme bleu, sur la mer
Corse, elle a parcouru bien des régions, bien des
calmée.
villages, arpenté tant de routes et de petits chemins
« Corse, je suis tienne à jamais… Maintenant
où elle s’installait pour peindre et donner pour son
rien ne peut détruire l’amour que j’ai pour toi.
public cette vision picturale de la Corse décrivant la
Garde mon âme enclose dans la tour de
mer et la montagne, tant il est vrai que la montagne
lumière au bord des flots, je te la donne !… »
l’inspire souvent plus que les bords de mer. De nombreuses années plus tard, au nord d’Ajaccio,
Girolata, Cargèse et la vallée de la Gravona
c’est vers Cargèse que ses pas la guident. Elle connaît
Dans ses « Carnets de route » de l’année 1936,
Cargèse comme Noël Rochiccioli 28 ; elle a des amis
quand elle fait son tour de Corse à pied, le passage
à Calcatoggio auxquels elle rend visite. À la sortie
qui évoque son retour à Girolata un an après avoir
d’Ajaccio, en direction de Bastia, les petits villages
séjourné dans la tour montre à quel point elle a été
sont nombreux : pleins de charme avec leur église
Ci-contre : Partinello
marquée par le lieu. Sa vie a été très mouvementée
et leurs maisons de toutes tailles et de toutes
Crayons. 12 x 18 cm ©Raphaël Van den Driessche
durant cette année-là, mais sa sensibilité est intacte.
époques, imbriquées les unes aux autres. Les
En voici un extrait :
occasions de peindre ces villages sont nombreuses
des gens sur place, des Ajacciens originaires de
car ils sont sur son chemin, 28. Natale Rochiccioli (19112002), humoriste et écrivain dont la réputation de poète et de conteur a largement contribué à la renommée de Cargèse. Il a écrit plusieurs ouvrages mettant en scène des personnages hauts en couleur dans la Corse de la première moitié du XXe siècle. Spécialiste de la fable et de l’historiette à moralité, il affectionne les portraits minutieux de personnages étranges et attachants, adaptant des fables célèbres et une description hardie de ses contemporains. La rencontre de Suzanne Cornillac avec N. Rochiccioli se situe avant la guerre, quand elle habitait Ajaccio.
quand elle va à Vizzavona… En même temps, elle prend soin de choisir des lieux champêtres, et de retenir et de mettre en relief les éléments les plus simples… C’est Appietto, situé à moins de vingt kilomètres d’Ajaccio, qui s’étale du Mont Gozzi jusqu’au littoral du Golfe de Lava, c’est Carbuccia, le village de la famille de Toni Rocca où Suzanne Cornillac séjourne régulièrement lors de ses venues en Corse.
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
Ci-dessus : Appietto, le Listincone Aquarelle. 37, 5 x 27, 5 cm © PMS
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Page suivante : Afa Aquarelle. 37, 5 x 27, 5 cm © PMS
DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
Ci-dessus : Le Monte Gozzi Aquarelle. 37, 5 x 27, 5 cm Š PMS
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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse
Ci-dessus : Ucciani Crayons. 26 x 18, 5 cm. © PMS
Ci-contre : Bocognano Crayons, 26 x 18, 5 cm. © PMS
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse
L’Ajaccio de Suzanne Cornillac
où engins de chantier en activité sur le port. Elle figure aussi avec aisance les barques en hiver,
La ville tient une place particulière pour Suzanne
posées sur les immenses dalles du terre-plein, face
Cornillac. Cette ville d’Ajaccio où elle a vécu à la
aux cafés du port, « chez Yvonne », par exemple.
fin des années trente, elle en connaît tous les
Les barques hors de leur élément, en cours de
aspects : le port, les places, les ruelles, les
travaux avec de grandes parties de leur peinture
monuments. Elle sait également quels sont les
enlevée, au moment de leur révision, sont un
modes de vie des habitants, notamment de la vieille
prétexte pour montrer la taille de ces imposants
ville et montre avec habileté le linge séchant aux
navires en bois. Elle a peint aussi la modernité
fenêtres des immeubles, comme avant elle, les
d’Ajaccio, n’hésitant pas à montrer dans les années
Bassoul et Corbellini, dans les années 1910-1930.
soixante-dix, les grandes tours d’habitation des
Au fil de ses promenades, elle aime représenter les
Salines, au-delà du port des pêcheurs et de ses
barques, les bateaux, les remorqueurs et péniches
barques traditionnelles.
Ci-dessus, de gauche à droite : •Ajaccio, vue des hauteurs, vers 1936 Gouache sur carton. 19 x 25, 5 cm. © Raphaël Van den Driessche
•Ajaccio, les tombeaux, vers 1936 Gouache sur carton. 19 x 25, 5 cm. © Raphaël Van den Driessche
Page précédente : Ajaccio, la fontaine des quatre lions.
Ci-contre : •Le remorqueur dans le port d’Ajaccio
Aquarelle. 37, 5 x 27 cm © Jean Harixçalde
Aquarelle. 26 x 18 cm © Jean Harixçalde
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
Ci-dessus : Ajaccio, les barques au repos Aquarelle. 37 x 27 cm © Raphaël Van den Driessche
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Page suivante : Ajaccio, une ruelle près du port Aquarelle. 37 x 27 cm © Raphaël Van den Driessche
DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse
Ci-contre : Ajaccio, la fontaine des quatre lions Aquarelle. 37, 5 x 27 cm © PMS
Page précédente : Ajaccio, un coin du port Aquarelle. 37 x 27 cm © Raphaël Van den Driessche
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
Ci-dessus : •Ajaccio, les Milelli. Crayons, 26 x 18 cm. © Jean Harixçalde
•Ajaccio, les voûtes. Aquarelle. 37 x 27 cm. © Jean Harixçalde
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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse
Le Sud : Propriano, Fozzano, Sartène, Bonifacio
environs : les dernières – ou premières – maisons
La vaste région comprise entre Ajaccio et Bonifacio
l’abandon, avec dans le fond, un magnifique écran
comporte une grande diversité de paysages : bords
de montagnes lumineuses : les Giacomoni, ou bien
de mer, vastes vallées, montagnes et cours d’eau
le fond clair de la baie du Valinco, avec Propriano
importants qui rejoignent la mer en des estuaires aux grandes beautés sauvages. De très nombreux villages sont répartis sur ce territoire, dans les vallées, sur des crêtes, au bord de la mer. Ces lieux ont intéressé et captivé Suzanne Cornillac pendant très longtemps. Lorsqu’elle adopte cette région, dans les années trente, elle est conquise par ces villages pittoresques, avec leurs caractéristiques géologiques et naturelles, architecturales, animés d’activités de toutes sortes, et dont les habitants ont gardé un sens élevé des traditions. Tous les guides touristiques et ouvrages consacrés à la Corse évoquent ces richesses
du village, parfois mal entretenues, un peu à
estompée dans la clarté du littoral… Elle montre aussi les endroits où les habitants vivent et travaillent : ici, un vaste enclos fermé « à la diable » avec quelques branches, là, un autre enclos fermé selon la tradition, avec de savants emboîtements de grosses branches, encastrées entre deux troncs creusés. Plus loin, c’est un enclos occupé par quelques animaux et, à la sortie du village, un arbre mal en point, victime il y a peu de la foudre. Des champs d’oliviers, les pâturages descendant en pente douce vers la mer, là-bas au loin. La vie dans toute sa simplicité quotidienne.
et les spécificités de l’île de beauté. Nombre de ces villages de l’intérieur sont des lieux de séjour très prisés. Pourtant, ces endroits sont assez peu abordés par les peintres qui viennent en Corse et qui sont,
Fozzano, u cataru Crayons. 26 x 18 cm © Jean Harixçalde
à l’évidence, plus attirés et inspirés par les côtes et leur variété. C’est la région de Fozzano, dont elle connaît les moindres recoins, qu’elle a le mieux représentés. D’une certaine manière, il y a un fort paradoxe de constater que c’est presque un siècle après la publication de la Colomba de Prosper Mérimée, en 1840, que Suzanne Cornillac propose et entame une représentation picturale forte, exacte et précise de 29. Nombreux ont été les artistes qui ont illustré l’ouvrage de Mérimée : au XIXe siècle, des illustrateurs : Pierre Colonna d’Istria (en 1857), l’abbé JeanAnge Galetti (en 1863), Gaston Vuillier (en 1893) et au XXe siècle des peintres et illustrateurs : Gaston Nick (Gaston Petrelli) avec des eaux-fortes en 1928, Pierre Rousseau (en 1934 et 1949), Jean Picart le Doux (en 1946), Jean Chièze, dans les années 1940, Robert Falcucci (en 1946)…
Fozzano, le village de Colomba Carabelli 29. Et c’est là tout le mérite de Suzanne Cornillac. En effet, aucun artiste n’a su montrer avec autant d’aisance et de précision les lieux où vécut Colomba : les rues, les maisons fortifiées et les maisons plus modestes, avec parfois des escaliers extérieurs, les fours, les places et placettes du village mais aussi les arbres et la végétation avec une atmosphère très juste, pleine de vie et de lumière. Elle en montre les
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
Ci-dessus : Fozzano, l’acacia Aquarelle. 37 x 27 cm ©Jean Harixçalde
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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse
Ci-dessus : Fozzano, la maison de Colomba Aquarelle. 37 x 27 cm © Raphaël Van den Driessche
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
À la campagne. Aquarelle. 27 x 37 cm © PMS
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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse
Ci-dessus : L’escalier Aquarelle. 37 x 27 cm. © PMS
Ci-contre : La maison Aquarelle. 37 x 27 cm. © PMS
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse
Double page : Fozzano Encres. 14 x 12 cm. © Raphaël Van den Driessche
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
Ci-contre : Viggianello, l’arbre coupé
Ci-dessous : Fozzano
Encre. 14 x 12 cm © Raphaël Van den Driessche
Aquarelle. 27, 5 x 37, 5 cm © Raphaël Van den Driessche
Page suivante : Fozzano, l’escalier Aquarelle. 27 x 37 cm © PMS
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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
Ci-dessus de haut en bas : •Fozzano. Aquarelle. 27 x 37 cm •Fozzano. Aquarelle. 27 x 37 cm © Jean Harixçalde
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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse
Ci-dessus : Fozzano, l’église Aquarelle. 27, 5 x 37, 5 cm © PMS
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Fozzano. Aquarelle. 27 x 37 cm Š PMS
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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse
Page précédente : Fozzano Aquarelle. 37 x 27 cm © Jean Harixçalde
Ci-dessus : Les Giacomoni Aquarelle. 37, 5 x 27, 5 cm © PMS
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
Ci-dessus : Pozzacciu Aquarelle. 37, 5 x 27, 5 cm Š PMS
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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse
Ci-dessus : Sur la route de Sainte Marie Figaniella, vers 1954 Aquarelle. 37 x 27 cm © Raphaël Van den Driessche
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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse
Propriano, Sartène et Bonifacio
ces ruelles lui donnent l’occasion de trouver les jeux de lumière qui mettent en relief ces caractéristiques
Propriano est un lieu que Suzanne Cornillac connaît
que les Sartenais connaissent bien et qui séduisent
bien mais qui l’inspire moins que d’autres, comme
les visiteurs de passage. Suzanne Cornillac peint
si elle ne parvenait pas à en trouver l’âme et, pour
souvent les passages voûtés, trouvant avec justesse
cette raison, le déclic de la créativité. Elle en a
les oppositions d’ombre et de lumière.
seulement donné des vues avec un coin du port et ses bateaux, sujet largement abordé dans ses vues
À propos de Bonifacio, Pierre Morel, dans le même
d’Ajaccio.
ouvrage La Corse indique : « La nature et l’histoire ont comploté ensemble pour faire de Bonifacio et
Dans le sud de la Corse, Sartène a une belle réputation en matière de singularité et de pittoresque, ce qui fait écrire à Pierre Morel, dans son ouvrage intitulé La Corse, publié en 1938 : « A Sartène, on est imprégné dès l’abord d’une atmosphère tout autre. Ce n’est plus comme au long du Cap, un rappel de la Côte d’Azur, et de ses grâces ;
ce plateau de calcaires récents est resté accroché au bloc compact de roches granitiques et schisteuses qui forment l’ensemble de l’île ». La grandeur des lieux et l’atmosphère de la cité des falaises sont rendues de belle façon au cours des années 1920-
Bastia, du mélange des sangs ; la ville est spécifi-
1940 par les mêmes artistes qui ont peint Sartène :
quement corse ». La ville accrochée à sa montagne
Berjonneau, Carré, Chieze, Cossard, Coster, mais
a été peinte par Georges Artemoff, Raoul Carré,
aussi André Delpey ou Louis-Ferdinand Antoni.
Adolphe Cossard, Germaine de Coster, Max Escher,
D’une certaine manière, la verticalité des falaises
Gaston Guignard, Stanley Hayter, Suzanne
de Bonifacio présente, apparemment, un intérêt
Lecoannet, Louis Soull’ard et Pierre Gaston Rigaud,
limité pour Suzanne Cornillac qui en traduit des
spécialiste des églises et de l’architecture qui en
aspects plus intimistes ou particuliers. Elle connaît
envoie aux Salons des Artistes français entre 1933
bien les lieux qu’elle a peints à plusieurs reprises
et 1938 des vues très structurées de la plus corse
montrant la marine, les remparts, la haute ville avec
des villes corses. Suzanne Cornillac a beaucoup
ses rues étroites, si caractéristiques. Elle a donné
rappellent les villages médiévaux du Sud de la France qu’elle connaît bien, qu’elle a visité et qui l’ont inspirée, avec leurs remparts, leurs ruelles étroites, leurs hautes maisons en pierres. Elle quitte Fozzano le matin ave le car pour aller passer la journée à Sartène : elle y travaille sans relâche et
Aquarelle. 37, 5 x 27 cm © PMS
reste de la Corse. On se demande par quel hasard
la race ne se ressent plus comme à Bonifacio, Calvi,
représenté Sartène. Elle aime ces lieux qui lui
Page précédente : Chemin de Figaniella
de ses alentours un pays profondément différent du
également des vues du « grain de sable », de certains coins du plateau ou du « goulet », au coucher du soleil. Au milieu des années cinquante, elle arpente la ville pour trouver les meilleurs endroits et les traduire avec son pinceau plein de finesse. Ses aquarelles serviront de décoration à l’hôtel du Roi
rentre le soir, heureuse, avec son travail et sa
d’Aragon, chez Simon Cotoni, pour le plus grand
mallette sous le bras. Sartène est largement présente
plaisir des clients de l’établissement. Elle y
dans son répertoire, la ville avec son aspect massif
retournera plusieurs fois, empruntant le car, souvent
et ses maisons des siècles passés, avec leurs
conduit par Thomas Ollandini. Sur place, elle prend
imposants moellons l’inspirent beaucoup. Les
pension chez une dame qui a également un
passages voûtés, l’intimité qui semble régner dans
restaurant sur le port.
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
Ci-dessus : Propriano, les barques Aquarelle. 37, 5 x 27 cm © Raphaël Van den Driessche
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Page suivante : Sartène, la voûte Aquarelle. 37, 5 x 27, 5 cm. © PMS
La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
Sartène, une ruelle Aquarelle. 37, 5 x 27, 5 cm © PMS
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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse
Sartène, l’escalier Aquarelle. 37, 5 x 27, 5 cm © PMS
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Le pont sur le Rizzanese. Aquarelle. 37, 5 x 27 cm Š PMS
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
Ci-dessus : Bonifacio, vers la haute-ville Aquarelle. 32 x 24 cm © Raphaël Van den Driessche
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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse
Le Nord de la Corse : Bastia, Corte, Vizzavona
forêt, qui ont inspiré d’autres artistes comme Lucien
Lors de sa découverte de l’île, Suzanne Cornillac a
Sicurani, et les amateurs de peinture ravis de
beaucoup peint la Corse. Par la suite, comme de
retrouver la forêt, la fontaine ou la chapelle de
nombreux artistes, et pour des raisons de logistique
Vizzavona, peuvent en faire l’achat s’ils le souhaitent.
notamment, elle réduit son champ d’action et peint
Elle a également peint Bastia, Corte avec son
seulement quelques lieux du Nord de la Corse. La
campanile et les environs de la ville.
Peri. Elle laisse quelques aquarelles chez les
forêt de Vizzavona, où elle séjourne chaque été, a sa préférence. En général elle y passe au moins une quinzaine de jours et réside à l’hôtel-restaurant du Monte d’Oro, propriété de la famille Sicurani. C’est Mlle Sicurani qui la conduit ou la fait conduire en voiture. Vizzavona est l’occasion pour Suzanne Cornillac de montrer la montagne et les pins lariciu, avec quelques sujets majestueux au premier plan.
Bastia, le vieux port, vers 1936
Elle peint la grandeur des masses rocheuses, de la
Gouache sur carton. 19 x 26 cm ©Jean Harixçalde
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
En haut : Corte Illustration de l’ouvrage La Corse de Paul Arrighi, 1946. © DR
En bas : CorteCorte
Page suivante : Vizzavona, la fontaine
Crayons. 26 x 18, 5 cm © PMS
Aquarelle. 37, 5 x 27, 5 cm © PMS
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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse
Vizzavona, la cascade crayons. 26 x 18, 5 cm © PMS
Page précédente : Vizzavona, la chapelle Aquarelle. 38 x 28 cm © Jean Harixçalde
Hêtre, forêt de Vizzavona crayons. 26 x 18, 5 cm © PMS
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Troisième partie Regards sur d’autres lieux
nous donne un regard
Lors de ses séjours en Provence, Suzanne Cornillac a
personnel de plusieurs régions où elle a vécu ainsi
dessiné et peint le littoral : Marseille, Aix en Provence,
que des villes et villages où elle est allée, pour
la plupart du temps à la demande de personnes de
répondre à des commandes ; visions de jeunesse
son entourage ou qui connaissaient la qualité de son
mais aussi de l’âge mûr et de la vieillesse, toujours
travail. La Ciotat où habite Émile Rippert. Suzanne
réalisées avec beaucoup de justesse. Cet ensemble
Cornillac a vécu à Nice de 1938 à 1956, exerçant à la
permet aussi de voir l’évolution de son style. On
radio, au journal, évoquant la Corse dans ses
note également une constante dans son approche
émissions et articles. Elle peint la Côte d’Azur, Nice
des sujets traités à l’encre ou à l’aquarelle. Quand
avec les collines de Cimiez et son monastère, Saint
elle est dans la Drôme où elle vécut certaines années
Jean Cap-Ferrat, Èze village, les Hauts de Cagnes,
de sa jeunesse, les vues des paysages de ce
Monaco et sans doute beaucoup d’autres lieux car,
département représentent Vaison la Romaine,
que ce soit en Corse ou sur le Continent, elle se déplace
Nyons, Rémuzat, Romans, Saint Mai. Suzanne
énormément en fonction de la demande de ses clients.
Suzanne Cornillac
Cornillac donne avec ses vues de l’Aveyron : de Millau,
d’Aguessac,
cette
atmosphère
si
–– La Drôme –– la Drôme
caractéristique des petites villes anciennes de ce département. Ses vues de l’Aveyron, elle ne les traite pas seulement à l’aquarelle mais aussi au dessin, en petits coups de charbon et de crayon noir, tout en nuances. Et lorsqu’elle peint la Provence, c’est Page précédente : Vizzavona, le Monte d’Oro Aquarelle. 37, 5 x 27, 5 cm © PMS
encore une autre approche pour décrire des coins du Vaucluse, avec Avignon, Villeneuve les Avignon, ou à Lapalud au château de Kerchêne, dont les propriétaires étaient ses amis ; là elle réalise des
À droite : Rémuzat (Drôme), Chapelle Saint Michel.
dessins dans un style généralement usité dans les
Crayons. 26 x 18, 5 cm. © PMS
années vingt-trente.
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
Ci-dessus : Nyons, la tour du château. Aquarelle. 37, 5 x 27 cm © PMS
Ci-contre : Vaisons la Romaine, le cloître. Crayons, 37, 5 x 27, 5 cm © PMS
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TROISIÈME PARTIE. Regards sur d’autres lieux
– L’Aveyron –
Aguessac Aquarelle. 37 x 27 cm © Raphaël Van den Driessche
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
– La Provence –
Valence, côte Saint Martin Aquarelle. 37 x 27 cm © PMS
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TROISIÈME PARTIE. Regards sur d’autres lieux
Villeneuve-les-Avignon Aquarelle. 37 x 27 cm © Raphaël Van den Driessche
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
– La Côte d’Azur –
Ci-dessus, de gauche à droite (© Raphaël Van den Driessche) : Nice, vieille rue. Aquarelle. 14 x 9 cm Nice, rue Sainte-Claire. Encre. 37 x 27 cm
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TROISIÈME PARTIE. Regards sur d’autres lieux
Ci-dessus, de gauche à droite (© Raphaël Van den Driessche) : Cagnes, une ruelle. Aquarelle. 37 x 27 cm, signée SC.
Villefranche-sur-Mer, l’église. Aquarelle. 37 x 27 cm, signée SC.
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
– Paris, région parisienne – En 1957, Suzanne Cornillac quitte la côte d’Azur
Paris lui plaît tout autant avec ses nombreux motifs :
pour la région Parisienne. À cinquante-trois ans,
l’Étang d’Ablis, près de Rambouillet, la campagne
elle fait le choix de retourner dans la ville où elle est
de Ballainvilliers, près d’Epinay-sur-Orge…
née et où elle pense trouver une certaine sérénité. Elle a commencé sa carrière d’artiste à Paris ; c’est là aussi qu’elle l’a terminée. Tant d’artistes ont peint Paris, la ville lumière et ses endroits si beaux… Suzanne Cornillac nous montre le Paris qu’elle aime, qu’elle a appris à connaître dans sa jeunesse. On apprécie alors ses vues de la capitale : là, elle affectionne la pierre des bâtiments, des fontaines, l’eau qui coule, la Seine qui se reflète sur la voûte des ponts, les murs… Elle peindra également Choisyle-Roi à différentes saisons, parfois d’une fenêtre
Paris, rue Galande Dessin. 26 x 18 cm ©Jean Harixçalde
de son appartement ; elle trouve aussi un sujet avec les sablières en bord de Seine. La région Sud de
Ci-dessous : Paris, escalier près de la Seine Aquarelle. 26, 5 x 34 cm ©Raphaël Van den Driessche
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TROISIÈME PARTIE. Regards sur d’autres lieux
Choisy-le-Roi, vue de sa fenêtre Aquarelle. 32 x 24 cm © Raphaël Van den Driessche
Ballainvilliers Aquarelle. 37 x 27 cm © Raphaël Van den Driessche
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En haut : Portrait de Suzanne Cornillac en 1933. Archives iconographiques du Palais du Roure, Avignon ©-DR
Ci-contre : Peignant, assise sur son tabouret, vers 1975. © Raphaël Van den Driessche
Quatrième partie
Les techniques de Suzanne Cornillac
peu, elle s’attaquait aux contrastes des premiers
par Catherine Van den Driessche, fille de l’artiste
plans. « Il faut écouter sécher le papier », disait-elle, car pour placer les lointains, le ciel devait être légè-
Durant mon enfance, j’étais souvent auprès de ma
rement humide. Les couleurs étaient appliquées di-
mère quand elle peignait. Je la vois encore lorsqu’elle
rectement et fusionnaient grâce à l’eau qui les faisait
choisissait son sujet. En général elle venait « repé-
se mélanger sur le papier. Les lumières qui avaient
rer » auparavant l’heure la plus favorable, celle où la
été précisées sur le dessin, étaient réservées et lais-
lumière était la plus vibrante et les ombres les mieux
saient apparaître le blanc du papier.
dessinées. « Le plus difficile c’est de savoir s’asseoir » disait-elle en reprenant la phrase de Corot. Elle s’ins-
« La qualité des lumières est directement liée à la qua-
tallait alors sur son siège pliant et sortait son maté-
lité des ombres ». C’était sa manière de dire que la ri-
riel. Elle utilisait pour ses aquarelles du papier
chesse des couleurs dans les contrastes et la réserve
Arches coupé à la dimension de son carton et main-
des blancs permettent d’obtenir le maximum de lu-
tenu par des pinces à dessin.
minosité. Elle utilisait une gamme de couleurs restreinte où dominaient les ocres, les terres aux tons
Pour cadrer et définir les limites de son sujet, elle
chauds et les bleus profonds comme l’outremer et le
se servait d’un «viseur », petite fenêtre découpée
cobalt. Les autres couleurs qui composaient sa palette
dan un morceau de carton. Puis elle commençait à
intervenaient de façon moins généreuse. Sa préfé-
dessiner. Les lointains étaient à peine suggérés, le
rence allait aux couleurs en tubes Winsor et Newton.
trait s’affirmait dans les plans intermédiaires et de-
Assise à coté d’elle, j’aimais voir les couleurs, conte-
venait fort dans les plans rapprochés. Parfois, à cer-
nues dans son pinceau gonflé d’eau, s’écouler et se
taines périodes, dans les années 1950-1960, elle
mélanger sur le papier. Ce n’est qu’à la fin, après
renforçait les premiers plans avec un crayon fusain
avoir mis de l’eau claire dans son godet, qu’elle co-
Wolf sur lequel elle vaporisait du fixatif. Sa manière
lorait partiellement, avec des tons lumineux et
de dessiner sans détails superflus, allant à l’essen-
transparents, les parties qui avaient été réservées.
tiel, était destinée à servir de guide pour la mise en
Cette façon de procéder, qu’elle a le plus souvent
couleurs. Elle disait qu’il fallait prendre du recul et
pratiquée, lui venait de l’enseignement qu’elle avait
qu’on devait « entrer dans le paysage » et en pres-
reçu de son « Maître », Pierre Vignal, qui exigeait
sentir la couleur.
de ses élèves une forte discipline de travail, une maîtrise du dessin et de la construction. Excellent
Elle commençait toujours par peindre le ciel. Elle af-
pédagogue, il savait leur communiquer l’envie de
firmait que si le ciel était « raté », ce n’était pas la
maîtriser et de sentir l’intérêt de cette technique
peine de continuer. A vrai dire, je ne l’ai jamais vu
d’eau et de lumière qui tendait avant tout à saisir
rater un ciel. Ensuite, pour laisser le papier sécher un
un effet ou une atmosphère.
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
Ma mère me parlait souvent de Pierre Vignal pour
Elle peignait et dessinait toujours d’après nature,
qui elle avait une grande admiration. Elle parlait de
sur le motif. Par contre, tout ce qui était lié à l’il-
son exigence, mais aussi de la manière bienveillante
lustration se faisait à la maison.
qu’il avait d’observer le travail de ses élèves. Ses corrections commençait toujours par : « Mais ce n’est
Lorsque le soir elle travaillait au projet des contes
pas mal du tout !... ». Il relevait ensuite point par
d’Andersen, je l’observais penchée sur son bureau,
point ce qui laissait à désirer et mettait en évidence
la lumière vive de sa lampe éclairait sa feuille de
ce qui était réussi. Tout en gardant les bases de cet
petit format. Cette image est restée gravée dans ma
enseignement, elle n’a cessé tout au long de sa vie
mémoire. Elle dessinait finement à la plume avec
d’exprimer sa propre vision des choses et sa sensi-
de l’encre de chine noire. Pour colorer, elle utilisait
bilité. Elle n’a pas hésité à s’éloigner de cette tech-
des encres de couleurs. C’était un travail très délicat
nique pour obtenir des effets particuliers.
destiné à l’édition d’un livre d’art qui devait être mis en couleurs à la main, par passages successifs
A plusieurs reprises, elle a peint sur un papier ocre
avec des pochoirs. Lors de la réalisation, il fallait
à grains fins où elle plaçait avec discrétion quelques
anticiper les possibilités de superpositions néces-
touches de gouache blanche. Pendant peu de
saires pour restituer le plus fidèlement possible les
temps, dans les années cinquante, elle dessinait au
couleurs de la maquette. Elle a énormément tra-
crayon fusain sur un papier lisse à peine teinté et
vaillé sur ce projet qui, trop coûteux pour l’éditeur,
elle rehaussait délicatement son dessin avec des
n’a pas abouti, malheureusement. Pour l’illustra-
crayons de couleurs aquarellables qu’elle humectait
tion du « Cantique du soleil » de Saint François
très légèrement. Elle a également souvent utilisé le
d’Assise, livre qui était entièrement réalisé à la
fusain, particulièrement à Avignon quand elle fré-
main en nombre limité, elle utilisait un papier à
quentait le Palais du Roure et dans la période où
fort grammage qu’elle appelait « parchemin végé-
elle a illustré le livre de Paul Arrighi. Elle travaillait
tal ». Ses dessins cloisonnés, dont les traits noirs
à l’estompe pour les nuances claires et renforçait
affirmés faisaient penser à des vitraux, étaient éga-
progressivement l’intensité des ombres.
lement colorés avec des encres.
Elle a fait aussi de nombreuses sanguines pour les-
Il y avait toujours pour moi un morceau de papier
quelles elle se servait du même procédé. Elle aimait
pour que je dessine quand je l’accompagnais sur
beaucoup dessiner à la plume avec de l’encre de
les sites qu’elle avait choisis. C’est naturellement
chine. C’est une discipline qu’elle a pratiquée toute
en regardant ma mère peindre et dessiner, que
sa vie. Comme en aquarelle, elle privilégiait les
s’est imposée l’envie de la suivre modestement
contrastes. Son trait vigoureux ne s’embarrassait
dans cette voie. Peu à peu en grandissant, j’ai
pas de détails. Elle n’hésitait pas à couvrir de noir
commencé à peindre, elle m’encourageait et me
certaines parties d’ombres pour mettre en valeur le
donnait des conseils.
blanc du papier où elle traçait un léger dessin qui était réduit à l’essentiel. Dans les années cinquante
A sa disparition, la peinture est devenue mon ac-
elle se servait d’un stylo à pompe (inventé par Pey-
tivité principale et j’ai éprouvé le besoin de trans-
net) qui était muni d’une plume d’oie. Elle appré-
mettre ce qu’elle m’avait appris en animant des
ciait ce stylo avec lequel elle obtenait une liberté de
cours de dessin et d’aquarelle.
trait et davantage de vigueur. Malheureusement la fabrication de ce stylo a duré peu de temps.
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Epinay sur Orge, 12 juillet 2009
QUATRIÈME PARTIE. Suzanne Cornillac, illustrateur et auteur
Suzanne Cornillac illustrateur et auteur littéraire
En 1945, elle produit six illustrations pour l’ouvrage de L.-M. Beam, Marquita, publié à Nice, d’après les aquarelles de l’auteur. L’action se passe dans la
Entre 1934 et 1982, Suzanne Cornillac a illustré de
Californie espagnole du XIXe siècle et les illustrations
nombreux ouvrages et réalisé ou participé à
représentent des personnages locaux traités dans
plusieurs projets. Par ces opportunités, elle a pu
des couleurs pâles et bien contrastées.
donner une dimension complémentaire à sa carrière d’artiste.
L’année suivante, elle donne, pour figurer dans la partie illustration de l’ouvrage de Paul Arrighi, La
En 1934, deux de ses dessins à l’encre figurent dans
Corse, publié à Nice par « L’image littéraire » en
un livre d’Émile Ripert « Avignon au XIXe siècle —
1946, quarante-deux fusains représentant toutes les
La Librairie Roumanille », publié à Lyon par la
régions de Corse : bords de mer, montagnes, villes,
Société anonyme de l’imprimerie A. Rey sous l’égide
villages, églises, maisons, traités en fortes
des « Bibliophiles du Roure ». Ces dessins figurent
oppositions d’ombre et de lumière et en nuances
« Le mas des Pommiers, maison natale de
délicates.
Roumanille » (pleine page hors texte au début du livre) et un dessin au chapitre « Un fils de jardinier poète et imprimeur ». Une de ses illustrations, signée S.C. de Trémines, « La Madone de l’hôtel de Javon » figure dans le livre « Souto la tiaro d’Avignoun » écrit par Folco de BaroncelliJavon, publié en 1935.
Ci-contre : Le mas des Pommiers, maison natale de Roumanille. Dessin. © Raphaël Van den Driessche
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
En 1959, un de ses dessins illustre le « Cours familier
Ces illustrations devant être colorées planche après
de littérature, quarantième entretien, apparition
planche à l’aide de pochoirs et pour cette
d’un poème épique en Provence », reproduction du
commande, elle monte un atelier ; mais les
manuscrit d’Alphonse de Lamartine, publié pour le
problèmes économiques feront que ce livre ne
centenaire de « Mireille », de Frédéric Mistral.
paraîtra pas.
Elle est par la suite mise en relation par Paul Arrighi
Suzanne Cornillac entame également un projet
avec Roccu Multedo
30
; les deux hommes se
personnel
:
l’illustration
d’une
vingtaine
connaissent bien, ils ont écrit à la fin des années
d’exemplaires, sur commande, du Cantique des
trente dans L’Annu Corsu, devenu L’Année Corse en
Créatures ou « Cantique du Soleil » de Saint
31
1937 . Roccu Multedo souhaite illustrer son ouvrage
François d’Assise.
Le tombeau de Colomba ; bien sûr Suzanne Cornillac connaît si bien les lieux… Une rapide correspondance est échangée entre eux au début des années 1980 et l’accord est conclu. L’ouvrage publié en 1982 par l’éditeur Belisane contiendra ainsi des dessins de Cornillac. La réédition de cet ouvrage de Roccu Multedo sous le titre Le Nouveau Folklore Magique de la Corse, publié en 1998 chez Sammarcelli contient également deux dessins représentant « Le tombeau de Colomba » et « L’arbre vampire ». Ci-contre : Le Cantique du Soleil
Parmi ses projets : une importante série
Encre et Aquarelle. 16, 3 x 12, 3 cm © Raphaël Van den Driessche
d’illustrations pour les « Contes d’Andersen » à la demande d’un éditeur Niçois qui voulait faire des livres
Le sujet rappelle que durant l’automne 1225, épuisé
d’art, peu après 1945.
par la stigmatisation et par la maladie, Saint
Suzanne Cornillac
François s’est retiré à Saint-Damien. Presque
s’attelle aux
aveugle, seul dans une cabane de roseaux, abattu
illustrations de
par la fièvre, Saint François composa ce chant
plusieurs contes.
d’amour qu’il fit monter vers le Père de toute © Raphaël Van den Driessche
78
Création.
30. En 1936, encore élève au lycée de Bastia, Roch Multedo est lauréat des jeux Floraux de Corse pour la poésie corse. En 1950, il reçoit le Prix Pierre Benoit de Littérature Régionaliste et en 1974, le Prix Pétrarque. De 1956 à 1963, il est archiviste de l’Académie littéraire « Lingua corsa » et collabore à l’établissement du Lexique Français-Corse. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la Corse. 31. Voir à ce sujet le numéro 64 de la revue « Études corses » de juin 2007 qui publie les actes du colloque « La Corse dans l’histoire et histoire des revues », Bastia, 28 juin 2006.
QUATRIÈME PARTIE. Suzanne Cornillac, illustrateur et auteur
Suzanne Cornillac auteur littéraire
Elle a écrit également des poèmes, notamment dans les années 1970 à 1975, à Choisy-le-Roi.
Il s’agit là d’un aspect moins connu de Suzanne Cornillac. Au fil du temps, des amitiés nouvelles se tissant, voici que sa curiosité s’éveille, augmente ; son désir de créer, dans des genres nouveaux : poésie, romans, recherches… va s’exprimer… Sa fréquentation des écrivains, depuis ses années passées en Avignon, son activité de journaliste, son désir ancien de s’exprimer par l’écriture le fait qu’elle ait illustré des ouvrages, expliquent que son envie d’écrire depuis longtemps (jeune, elle écrivait ses « carnets de bord ») se soit traduit par un grand nombre de poèmes ainsi que par deux romans dont l’action de l’un se déroule en Corse et l’autre en Provence ; ces deux romans n’ont pas été publiés à ce jour ; il s’agit de « Catena », qui traite de la vie rurale en Corse au début du
XXe
siècle et de « Le
mur des Templiers » dont l’action se déroule à Rémuzat, largement inspiré par les souvenirs d’enfance et des anecdotes racontées par son père.
Ci-dessous : Autoportrait de Suzanne Cornillac a choisy-le-roi. © Raphaël Van den Driessche
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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)
Ses textes pour émissions « radio »
tient également des rôles dans pratiquement tous
À partir de la fin des années cinquante, les émissions
Suzanne Cornillac participe pour Bayard Presse à
radiodiffusées et l’engouement pour les disques
cinq contes de Noël : elle écrit les textes qui sont
entrainent des opportunités d’activité d’écriture
illustrés par Philippe Joudiou ; il s’agit de
pour certains artistes et écrivains. Suzanne Cornillac
« Mamadou et l’étoile de Noël » ; « Noël au pays
va participer à ce mouvement jusqu’en 1965. On
des santons » ; « Le Noël d’Angelito » ; « Un Noël
peut ainsi écouter sur les antennes de la radio
pas comme les autres » et de « La bergère des
nationale,
hebdomadaire
Alpilles ». On citera aussi « Trois brins de Paille » ;
« Évocation », des « dramatiques » auxquels elle a
« Peuple mon frère » (qui relate la vie de sœur
contribué comme « Un Noël pas comme les autres »,
Rosalie, fille de la charité qui a consacré sa vie aux
également diffusée en disque.
pauvres et a eu une conduite héroïque sur les barri-
dans
l’émission
les disques, notamment dans « Sœur Rosalie ».
cades de 1870) ; « Don Bosco » ; « Saint Vincent À partir de 1957 Suzanne Cornillac est sollicitée
de Paul ». La musique de tous ces disques a été
pour écrire des textes pour disques accompagnés
composée par Émile Delpierre 32 ; les vues fixes
de diapositives pour les Editions du Berger. Elle
avec des dessins sont indépendantes, réalisées par
participe dans ce cadre pour « La merveilleuse
d’autres auteurs.
nuit de Gréccio » (disque avec vues fixes) ; « Le loup de Gubbio » aux éditions du Berger, les textes
Suzanne Cornillac s’est toujours intéressée aux diffé-
sont de Suzanne Cornillac ; Philippe Joudiou a
rents costumes Corses et, lorsqu’elle est installée à
fait les dessins des films de vues fixes
Choisy-le-Roi et qu’elle a moins de possibilités de
accompagnant les disques. À mentionner
peindre, elle se passionne de nouveau pour le sujet.
également : « Un cadeau qui chante pour
Alors, autour des années 1976-1978, avec les conseils
maman », livre disque au Petit Ménestrel : les
de Rennie Pecqueux-Barboni 33, avec qui elle
illustrations ne sont pas de Suzanne Cornillac :
entretient une abondante correspondance, elle
c’est sa fille Catherine qui chante la chanson ; elle
confectionne une vingtaine de figurines.
32. Émile Delpierre (1915-1992). Maître de chapelle à Lille, sa ville natale, à vingt ans, il a également fréquenté l’école normale de musique de Paris. Sur les conseils de Reynaldo Hahn, il s’installe à Nice en 1942 où il fonde une association de concerts et une chorale. Là, il donne de nombreux concerts, participe à des émissions radiophoniques, à des spectacles musicaux. Il a composé tous les thèmes qui accompagnaient les disques de Suzanne Cornillac ainsi que la musique du film de Claude Chabrol, Le beau Serge. La ville de Nice lui a décerné un prix de composition en 1960 ; dans cette même ville, un jardin porte le nom de ce musicien. 33. Rennie Pequeux Barboni a édité en 2008 un remarquable ouvrage « Costumes de Corse Pannu è panni » consacré aux modes vestimentaires de Corse, fruit de quarante années de recherches, de la publication d’une thèse en anthropologie sur le sujet, ainsi que de nombreux articles, notamment dans des revues et ouvrages collectifs.
Figurines. Taille : 25 centimètres © Raphaël Van den Driessche
80
Remerciements Jean-Jacques Panunzi, président du Conseil général de la Corse-du-sud
Jacques et Catherine Van den Driessche, Raphaël Van den Driessche, Christian Istria, Pierre-Marcel Sicurani, Sabine Barnicaud, conservatrice du Musée du Palais du Roure, Avignon, Pierre Vignal (fils), Christiane Castel Verret, Véronique Ripert.
Le service de communication du Conseil général de la Corse-du-sud Ainsi que les collectionneurs qui ont permis, par le prêt de leurs œuvres la réalisation de cette exposition. L’association « le lazaret Ollandini-musée Marc Petit », et son président François Ollandini, pour l’accueil de cette exposition.
Conception graphique et mise en page : Crédits photographiques : Raphaël Van den Driessche, Jean Harixçalde, PMS Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays. © 2009 - Conseil général de la Corse-du-sud Achevé d’imprimer en septembre 2009 sur les presses de l’imprimerie Sammarcelli 20600 BIGUGLIA - France
L
La peinture de Suzanne Cornillac est un univers particulier, presque un monde à part tant il est vaste et diversifié par ses sujets ; domaine sans cesse renouvelé, toujours étonnant par ses compositions et ses harmonies de couleurs. En parler est un grand plaisir car c’est une façon de poursuivre son but qui était de nous montrer la beauté des lieux et des choses, la nature et la vie. Présenter Suzanne Cornillac, c’est évoquer et montrer le travail, réalisé au cours d’une cinquantaine d’années dans plusieurs régions françaises et en Corse, par cette femme au destin si particulier. Sa vie est à l’image de sa personnalité et du genre de femme qu’elle a été : une femme à l’évidence en avance sur son temps, d’une certaine manière un peu anticonformiste, qui aimait se fixer des défis, n’avait pas froid aux yeux et voulait s’exprimer par la peinture et par l’écriture. La découverte et l’amour de la Corse sont pour Suzanne Cornillac une affaire de hasard… et de hasard chanceux… C’est en 1935 qu’elle vient en Corse sur les conseils d’Émile Ripert, et les circonstances font qu’elle séjournera plusieurs mois dans la tour de Girolata. Peuton trouver plus bel endroit pour découvrir la Corse ? Elle y reviendra et découvrira la Rocca et Fozzano… et y séjournera… Elle a réalisé de très nombreuses vues de villages de Corse ainsi que d’Ajaccio ; elle s’est imprégnée de sa région d’adoption, Fozzano et du Sartenais.