Initiatives
Le modèle agricole territorial Nouveaux rapports entre agriculture, société et territoire
Chantale Doucet
C ollection
Initiatives
Dirigée par
Lucie Fréchette et Ernesto Molina
« Initiatives » propose des ouvrages sur des thèmes d’actualité en lien avec le développement des communautés. Elle offre des synthèses accessibles pour mieux exploiter la recherche dans ce domaine et les applications qu’elle permet, et contribuer au renouvellement des pratiques liées au développement social, au développement socioéconomique de ses territoires ainsi qu’à la dimension internationale du développement local.
Le modèle agricole territorial
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Le modèle agricole territorial Nouveaux rapports entre agriculture, société et territoire
Chantale Doucet
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Titre : Le modèle agricole territorial : nouveaux rapports entre agriculture, société et territoire / Chantale Doucet. Noms : Doucet, Chantale, 1974- auteur. Collections : Collection Initiatives (Québec, Québec) Description : Comprend des références bibliographiques. Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 20200078895 | Canadiana (livre numérique) 20200078909 | ISBN 9782760553392 | ISBN 9782760553408 (PDF) | ISBN 9782760553415 (EPUB) Vedettes-matière : RVM : Agriculture—Québec (Province)—Outaouais. | RVM : Agriculture de proximité—Québec (Province)—Outaouais. | RVM : Agriculture—Aspect économique—Québec (Province)—Outaouais. | RVM : Agriculture—Aspect social—Québec (Province)—Outaouais. | RVM : Industries agricoles—Québec (Province)—Outaouais. | RVM : Agriculture—Diversification—Québec (Province)—Outaouais. Classification : LCC S451.5.O9 D68 2020 | CDD 306.34/90971422—dc23
Révision Carole Hébert Correction d’épreuves Martine Pelletier Conception graphique Richard Hodgson Mise en pages Marie-Noëlle Morrier Image de couverture Diana Ong, Crowd # 15, SuperStock Merci au Centre de recherche en développement territorial (CRDT) pour son appui. Dépôt légal : 3e trimestre 2020 › Bibliothèque et Archives nationales du Québec › Bibliothèque et Archives Canada © 2020 – Presses de l’Université du Québec Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés Imprimé au Canada D5339-1 [01]
Introduction En simplifiant, on peut dire que le développement de l’agriculture fait appel à deux principales logiques d’action, celle sectorielle et structurée par filière fortement encouragée dans le système agricole québécois et l’autre, méconnue, que nous appelons « modèle agricole territorial ». En effet, depuis une vingtaine d’années, on constate un foisonnement de nouveaux projets collectifs et innovateurs au Québec qui soutiennent l’agriculture dans les territoires ainsi qu’une multiplication des acteurs engagés dans le développement agricole à l’échelle locale. Ces divers projets, qui sont ancrés dans des dynamiques territoriales, soutiennent principalement des entreprises agricoles qui misent sur de nouvelles stratégies et valeurs ancrées dans leur milieu avec des modes renouvelés de mise en marché de produits. Ce modèle en émergence s’inscrit également en réponse aux nouvelles valeurs des consommateurs qui valorisent de plus en plus l’agriculture de proximité et le développement durable. Il est porteur de solutions innovatrices pour éclairer les réflexions sur le renouvellement des pratiques agricoles et propose des solutions de rechange au modèle agricole « productiviste » qui domine actuellement dans la société québécoise.
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Dans cette perspective, ce livre apporte un éclairage sur la compréhension des nouvelles dynamiques territoriales en agriculture. Il montre qu’un processus innovant est en place dans les territoires infranationaux et démontre l’existence d’un modèle agricole territorial en analysant le cas du Québec. Comment ce modèle a-t-il émergé ? Comment se distingue-t-il du modèle productiviste dominant ? Quelles sont ses principales composantes ? Quelles nouvelles avenues propose-t-il ? Quels sont les processus qui freinent son développement ? Ce livre apporte des éléments de réponse à ces questions tout en proposant quelques pistes de réflexion sur la valorisation et la pérennisation de ce modèle (voir l’encadré I.1 pour une première définition de ce modèle). Encadré I.1 Définition du modèle agricole territorial Le modèle agricole territorial réfère à la coopération d’une diversité d’acteurs* autour d’une vision, d’une initiative ou d’un projet qui vient soutenir l’agriculture et l’agroalimentaire sur le territoire. Ces acteurs, les projets qu’ils mettent en place et les activités agricoles et agroalimentaires qu’ils soutiennent, sont fortement influencés par le contexte historique, physique, économique, institutionnel et socioculturel du lieu. Ils participent au développement du territoire. Le modèle agricole territorial ne réfère donc pas uniquement à un type d’agriculture, mais également à l’ensemble des composantes qui soutiennent l’agriculture dans un lieu donné. En ce sens, la définition du modèle agricole territorial est à comparer avec l’agriculture dominante souvent qualifiée de « modèle agricole productiviste ». Ce dernier se rapporte non seulement aux entreprises qui s’inscrivent dans ce mode de pensée, mais également à l’ensemble d’un système économique qui privilégie la maximisation de la production. L’agriculture productiviste s’inscrit dans des valeurs et des interventions privées et publiques qui viennent appuyer des logiques sectorielles et qui misent sur une agriculture compétitive sur les marchés internes et mondiaux. Le classement du système agricole en deux modèles est néanmoins très réducteur, la réalité étant beaucoup plus complexe. Cette méthode permet néanmoins de mieux comprendre deux dynamiques différentes. Entre ces deux extrêmes, il existe une diversité
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de modèles. Nous verrons d’ailleurs dans le premier chapitre de ce livre que le modèle agricole qui domine n’est pas productiviste au sens strict. Les diverses possibilités ne s’opposent pas, chacune ayant des retombées dans le milieu. L’objectif de ce livre n’est pas de privilégier l’une aux dépens de l’autre, mais plutôt de mieux comprendre le modèle agricole territorial, un phénomène nouveau et innovateur, mais dont les caractéristiques, les retombées et le potentiel restent méconnus. Pour en savoir plus, voir le premier chapitre, qui expose les composantes du modèle productiviste, et le deuxième chapitre, qui explique les différentes composantes du modèle agricole territorial. Définition d’acteurs *Toute personne ou organisation peut être considérée comme un acteur. Les acteurs territoriaux se distinguent toutefois en étant en situation d’action (Gumuchian et al., 2003). Ils participent à un ou des projets collectifs dans leur territoire. Ce projet peut émaner d’un acteur individuel. Toutefois, pour en assurer le succès, d’autres acteurs devront être mis à contribution. « Les promoteurs se mobilisent ainsi pour convaincre d’autres acteurs de la pertinence de leur projet et pour susciter leur adhésion. Le projet au départ individuel devient ainsi un projet collectif impulsé par les acteurs et groupes sociaux qui constituent la collectivité locale » (Klein, 2008, p. 326).
L’APPROCHE TERRITORIALE EN AGRICULTURE : UN CADRE D’ANALYSE ORIGINAL L’approche territoriale a guidé l’ensemble de l’analyse présentée dans ce livre. Cette approche est originale : elle n’a pas porté sur l’étude de cas d’un projet particulier ou sur le regroupement d’initiatives similaires, comme les circuits de proximité, ou sur un type particulier de gouvernance, comme l’action publique ou l’action privée. Elle s’est plutôt intéressée à l’ensemble des projets collectifs qui soutiennent l’agriculture dans un territoire ainsi qu’aux entreprises agricoles qui participent à ce modèle. Cela implique de poser un regard sur différentes composantes, dont les modes de coordination des acteurs, les
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contextes territorial et institutionnel, les ressources de la région et le contexte agricole québécois (voir l’encadré I.2 pour en savoir plus sur l’étude de cas). Cette entrée par le territoire contribue donc à poser un regard assez large et transversal sur les dynamiques qui façonnent l’agriculture, en plus de dépasser l’analyse économique pour prendre en compte différents facteurs sociaux, culturels, institutionnels, etc. Elle a permis d’étudier les nouveaux rapports entre l’agriculture, la société et son territoire et de s’intéresser aux innovations et enjeux qui sont souvent ignorés dans la littérature dominante. À cet égard, l’analyse territoriale est particulièrement originale et pertinente dans le domaine agricole, car elle s’inscrit à l’encontre du paradigme productiviste qui domine comme mode de pensée dans les milieux et dans la communauté scientifique. Alors que l’espace n’est pas pris en compte dans les modèles théoriques néoclassiques en économie, l’entrée territoriale, plus souple et multidimensionnelle, permet de poser un regard différent sur une problématique en considérant les collaborations et les spécificités locales comme des éléments déterminants. À ce titre, l’examen de l’agriculture sous l’angle des dynamiques territoriales permet de faire contrepoids aux recherches par secteurs et filières de production qui sont toujours dominantes et il est source d’innovations scientifiques via la prise en compte des aspects spatiaux et territoriaux des objets de recherche et des processus analysés (Mollard et Pecqueur, 2007, p. 17).
LE MODÈLE AGRICOLE TERRITORIAL : PEU D’ÉCRITS Alors que les nouvelles dynamiques territoriales de l’agriculture font l’objet d’un nombre croissant de recherches en Europe, ces innovations commencent à peine à être analysées au Québec. Un constat similaire se dégageait il
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y a quelques années en France (Laurent et Rémy, 2004). À l’image du modèle agricole dominant, une grande proportion des recherches sur l’agriculture au Québec comme à l’international s’inscrit dans le paradigme productiviste. Dans ces études, les facteurs territoriaux ne sont pas considérés. « L’agriculture est généralement extraite de son milieu social d’existence et analysée comme un secteur économique qu’on peut isoler des processus sociaux qui ne font pas directement partie du procès de production capitaliste » (Silvestro, 2009, p. 33). L’innovation agricole est alors vue à travers l’amélioration des techniques de production et des performances économiques et environnementales pour optimiser le potentiel agronomique. Avec le contexte néolibéral qui prévaut dans les sociétés depuis les dernières décennies et la valorisation du modèle agricole productiviste, l’économie est ainsi devenue la principale lunette pour étudier l’agriculture (Morisset, 2010). La situation était bien différente il y a quelques décennies à peine. En effet, l’agriculture a été longtemps l’activité dominante dans les milieux ruraux, si bien que les réalités agricole et rurale se confondaient et la majorité des études rurales s’intéressaient à l’agriculture (Jean, 1997). De 1970 à 1990, avec la thèse de la fin du rural annoncée par certains chercheurs, les recherches sur la ruralité au Québec, et du même coup sur l’agriculture, se font plus rares. Les études sur la ruralité connaissent néanmoins un regain d’intérêt au Québec dans les années 1990. Cet intérêt s’explique par des changements dans la conjoncture sociale : [R]evalorisation du milieu rural comme milieu de vie, avec le néo-ruralisme, […] montée des idéologies environnementales pour lesquelles la préservation du milieu rural constitue souvent un enjeu central, […] revendication sociale des ruraux eux-mêmes pour mettre en place des modèles d’aménagement du territoire qui respectent leur identité rurale comme un droit à la différence et comme un atout pour toute société qui voit, dans la diversité des modes d’existence de sa population, une richesse à maintenir (Jean, 1997, p. 60).
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La publication du rapport de développement social et démographique Deux Québec dans un par le Conseil des affaires sociales du Québec en 1989, qui expose notamment les écarts entre les régions québécoises, sera également un élément qui ravivera cet intérêt pour le rural (Morisset, 2010). Cet engouement pour le rural est toutefois demeuré timide selon certains chercheurs : « Malgré l’étendue des territoires concernés et l’ampleur des changements socio spatiaux en présence, peu de travaux ont cherché à mettre au jour la particularité des nouveaux rapports envers le territoire rural à l’échelle locale » (Domon et al., 2008). En outre, les milieux ruraux se sont également diversifiés et l’agriculture est devenue une activité qui occupe une minorité de la population rurale québécoise. En effet, à peine 2,4 % de la superficie totale du Québec est consacrée à l’agriculture (Statistique Canada, 2016). Dans ce contexte, l’agriculture est souvent absente ou évoquée très rapidement dans les travaux qui analysent les milieux ruraux. La littérature qui s’inscrit directement dans le référentiel territorial, c’est-à-dire qui n’appréhende pas l’agriculture comme un secteur isolé, mais bien comme partie prenante des dynamiques territoriales, est encore dispersée et peu nombreuse. Néanmoins, les recherches qui dépassent le paradigme productiviste en posant un regard sur les réalités agricoles québécoises en lien avec leur milieu sont en croissance. Nous renvoyons à ces ouvrages tout au long de ce livre.
L’AGRICULTURE ET SON TERRITOIRE : UNE THÉMATIQUE AU CŒUR DES PRÉOCCUPATIONS D’UNE PANOPLIE D’ACTEURS Si la thématique de l’agriculture en lien avec son territoire connaît un certain engouement auprès de la communauté scientifique, c’est avant tout parce qu’elle est au cœur des pratiques et des préoccupations de plusieurs
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acteurs sur le terrain depuis quelques années, que ce soient les agriculteurs, les intervenants ou les citoyens. Les initiatives innovatrices et les préoccupations récentes de la société pour le développement durable et territorial contribuent à alimenter la recherche dans le domaine agricole. Loin de s’estomper, cette pertinence sociale s’est accentuée dans les dernières années avec le désinvestissement de l’État dans les domaines du développement des territoires et de l’agriculture et la montée des préoccupations environnementales. Dans cette perspective, le présent livre s’adresse à une panoplie de lecteurs et, en particulier, à tous ceux engagés de près ou de loin dans le modèle agricole territorial. Ils sont nombreux : les entrepreneurs dans les entreprises agricoles, agroalimentaires, de transformation et de commercialisation, et ceux qui travaillent dans les diverses organisations et projets qui soutiennent l’agriculture ou, de façon plus générale, dans le développement sur leur territoire. Ils peuvent être associés aux domaines publics, privés, coopératifs ou associatifs. Parmi ces acteurs, les municipalités régionales de comté (MRC) et municipalités jouent un rôle de plus en plus important, tout comme les citoyens qui sont souvent les porteurs de projets à la base du modèle agricole territorial. En dictant leurs besoins avec leurs achats, les consommateurs jouent également un rôle primordial dans l’émergence de nouvelles activités et tendances agricoles au Québec. Puisqu’il y a encore peu d’écrits sur ce modèle, le présent ouvrage intéressera aussi les étudiants et les chercheurs qui se penchent sur l’agriculture, l’agroalimentaire et, de façon générale, les dynamiques territoriales. Il permet à la fois de mieux comprendre les principales assises du système agricole québécois et les composantes du développement territorial. Il trace également l’évolution des principales caractéristiques du modèle agricole dominant, souvent qualifié de « productiviste », ce qui permet de mieux comprendre ce qui le distingue du modèle territorial.
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Finalement, bien que l’analyse et les écrits de ce livre puisent leurs sources dans l’expérience québécoise, il intéressera néanmoins les lecteurs à l’extérieur du Québec, car les dynamiques territoriales sont présentes sous différentes formes dans plusieurs contrées.
PRÉSENTATION DE L’OUVRAGE Le premier chapitre s’attarde au contexte québécois et, dans une moindre mesure, au contexte mondial pour comprendre le modèle agricole et son évolution en lien avec le territoire. Il revient sur quelques pages de l’histoire de l’agriculture québécoise à partir du début du XXe siècle pour tracer les principales caractéristiques du modèle agricole dominant, souvent qualifié de « productiviste », ce qui permet de mieux comprendre ce qui le distingue du modèle territorial. Le deuxième chapitre expose les principales composantes du modèle agricole territorial afin de tirer des enseignements pour le Québec. Nous discutons de son processus d’émergence et de ses composantes innovatrices à partir de quatre idées principales, soit : 1) une diversité de projets collectifs qui soutiennent l’agriculture en valorisant les spécificités du territoire ; 2) de nouveaux modes de gouvernance territoriale en agriculture ; 3) des dynamiques territoriales qui appuient principalement un nouveau modèle d’entreprise agricole ; 4) une multifonctionnalité agricole en place dans les territoires. Dans le troisième chapitre, nous examinons les défis à relever au sein des institutions publiques pour s’adapter au contexte changeant. Nous proposons des pistes pour assurer la pérennité des projets collectifs et la survie de plusieurs organisations qui contribuent à ce modèle innovant. La conclusion résume en cinq grands points les principaux constats du présent livre.
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Encadré I.2 Cadre d’analyse et étude de cas de la région de l’Outaouais Les propos du présent ouvrage sont tirés d’une thèse de doctorat dont le cadre d’analyse s’appuie sur le développement territorial. Dans cette perspective, nous avons opté pour une étude principalement empirique (sur le terrain), avec l’étude de cas d’une région en faisant appel à une démarche surtout qualitative afin de laisser une large place aux discours et aux connaissances des acteurs sur le terrain. Pour le choix du territoire, nous avons réalisé une étude exploratoire qui a permis d’analyser les priorités en lien avec l’agriculture dans la planification de chacune des régions au Québec. Cette analyse a démontré que l’agriculture est une priorité pour le développement de la majorité des régions québécoises, qui y voient un secteur d’expansion à fort potentiel. Les rôles, fonctions et attentes que les acteurs territoriaux attribuent à l’agriculture sont multiples et différents d’une région à l’autre, encourageant de nouvelles formes d’activités. Ces résultats démontrent que le modèle agricole territorial est présent partout, mais de façon unique à chaque endroit. L’analyse des dynamiques territoriales en agriculture aurait donc pu être réalisée aux quatre coins du Québec. La région administrative de l’Outaouais a été choisie pour notre étude de cas. Ce choix est motivé par diverses raisons. Même si la littérature qui s’est intéressée à l’agriculture et à l’agroalimentaire a fait peu de cas jusqu’à maintenant de l’Outaouais, nous considérons néanmoins que celle-ci est un lieu stratégique de développement au Québec, car elle combine divers défis similaires à ceux d’autres régions. Sa dynamique rejoint à la fois les enjeux des régions situées près de grands centres urbains et ceux d’une capitale nationale. En même temps, elle n’a pas atteint une véritable maturité économique et se comporte plutôt comme une région périphérique (Proulx, 2002). Son secteur rural fait face aux mêmes défis que ceux des régions ressources. En outre, plusieurs travaux de recherche qui se sont intéressés à la région de l’Outaouais ont révélé l’importance des innovations qu’on y trouve dans différents domaines : les organisations et entreprises d’insertion par le travail, les services de proximité, le développement économique communautaire, l’innovation sociale (Bourque, Proulx et Fréchette, 2007 ; Favreau, Robitaille et Tremblay, 2002). L’innovation est également au rendez-vous dans le domaine agricole avec la récente émergence de projets collectifs qui viennent
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soutenir l’agriculture en Outaouais : plateforme agroalimentaire bio, projet de caractérisation du territoire agricole, marchés publics, circuits agrotouristiques, développement de nouvelles filières agroalimentaires… Tout cela témoigne de l’intérêt d’étudier le modèle agricole territorial dans cette région. Nous avons donc privilégié l’analyse des dynamiques de la région dans son ensemble et de trois MRC soit, la MRC des Collines-del’Outaouais, la MRC de Papineau et la MRC de Pontiac. Même si leurs territoires sont contigus et font partie d’une même région, les réalités socioéconomiques de ces trois MRC sont contrastées, accentuant la pertinence de les étudier : la MRC des Collines-del’Outaouais est périurbaine, avec des indicateurs socioéconomiques favorables ; à l’inverse, la MRC de Pontiac, vaste territoire rural, est l’une des MRC les plus défavorisées au Québec ; la situation de Papineau est à mi-chemin entre ces deux endroits. L’Outaouais a donc permis d’étudier ces trois dynamiques territoriales au sein d’une dynamique régionale plus large.
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epuis une vingtaine d’années, on constate un foisonnement de nouveaux projets collectifs et innovateurs qui favorisent l’agriculture au Québec, ainsi qu’une multiplication des acteurs engagés dans le développement agricole à l’échelle locale. Le présent ouvrage s’intéresse à l’émergence de ce modèle agricole territorial, qui veut répondre aux demandes des consommateurs valorisant de plus en plus l’agriculture de proximité et le développement durable. Comment ce nouveau modèle se démarquet-il ? Quelles sont ses principales composantes ? Quelles nouvelles avenues propose-t-il ? Quels sont les processus qui freinent son développement ? Le modèle agricole territorial apporte des éléments de réponses à ces questions en mettant en lumière les nouveaux rapports entre l’agriculture, la société et le territoire. Il trace l’évolution des principales caractéristiques du modèle dominant, souvent qualifié de productiviste, ce qui permet de cerner ce qui le distingue du modèle territorial. Ce livre démontre aussi qu’un processus innovant et porteur de solutions pour éclairer les réflexions sur le renouvellement des pratiques de l’agriculture est en place au Québec, et il propose des mesures inédites pour repousser les limites du modèle agricole productiviste. Il s’adresse aux entrepreneurs et à tous ceux qui soutiennent l’agriculture et le développement de leur territoire. Les étudiants et les chercheurs des domaines de l’agriculture, de l’agroalimentaire et, de façon générale, des dynamiques territoriales seront également interpellés par cet ouvrage, lequel permet à la fois de mieux comprendre les assises du système agricole québécois et les composantes du développement territorial. CHANTALE DOUCET, titulaire d’un doctorat en sciences sociales appliquées (volet développement des territoires) de l’Université du Québec en Outaouais, évolue dans le domaine de la recherche depuis près de 20 ans. Elle a d’ailleurs reçu le Prix de l’Institut de recherche en économie contemporaine pour la meilleure thèse de doctorat en 2017. Spécialisée en développement territorial, elle est actuellement coordonnatrice de l’Observatoire du développement de l’Outaouais et membre du Centre de recherche sur le développement territorial.
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