GUIDE de production biologique des grandes cultures 3e édition
TOME 1
GUIDE de production biologique des grandes cultures 3e édition
TOME 1 Édition Janet Wallace
Rédaction Brenda Frick Laura Telford Joanne Thiessen Martens
Guide de production biologique des grandes cultures Titre original : Organic Field Crop Handbook Première publication en 1992 ISBN 978-0-9808987-5-0 [paperback] © Canadian Organic Growers Inc., 1992, 2001, 2017 Canadian Organic Growers Inc./Cultivons Biologique Canada Inc. (COG) 1145, avenue Carling, bur. 7519 Ottawa (Ontario) K1Z 7K4 Canada Tél. : 613 216-074 | 1 888 375-7383 www.cog.ca
Pour informations et commentaires Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ) Édifice Delta 1, 2875, boulevard Laurier, 9e étage Québec (Québec) G1V 2M2 418 523-5411 | 1 888 535-2537 client@craaq.qc.ca | www.craaq.qc.ca Traduction en français de la 3e édition © Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec, 2019 PABI0101 (Tome 1, version imprimée) ISBN 978-2-7649-0586-9 PABI0101-PDF (Tome 1, version PDF) ISBN 978-2-7649-0587-6 978-2-7649-0594-4 Collection Guide de production biologique des grandes cultures - Tomes 1 et 2 978-2-7649-0595-1 Collection Guide de production biologique des grandes cultures - Tomes 1 et 2 - PDF Dépôt légal Bibliothèque et Archives Canada, 2019 Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2019
La traduction française de ce guide est une initiative du Comité Agriculture biologique du CRAAQ. Droits d’auteur Il est interdit de reproduire, de traduire ou d’adapter cet ouvrage sans l’autorisation écrite du Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ) afin de respecter les droits d’auteur et d’encourager la diffusion de nouvelles connaissances. Avertissements Au moment de sa rédaction, l’information contenue dans le présent guide était jugée représentative des connaissances actuelles en production biologique des grandes cultures. Certains renseignements pouvant avoir évolué de manière significative depuis la rédaction de cet ouvrage, le lecteur est invité à en vérifier l’exactitude avant de les utiliser. Les éléments de publicité insérés dans ce document concrétisent l’appui du milieu à la parution de l’ouvrage. Leur présence ne signifie toutefois pas que le Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec en approuve le contenu ou cautionne les entreprises et organismes concernés. Les marques de commerce mentionnées dans ce guide le sont à titre indicatif seulement et ne constituent nullement une recommandation de la part des auteurs ou de l’éditeur. Dans le présent document, le masculin englobe le féminin et est utilisé uniquement pour alléger le texte.
Production de la 3e édition originale en anglais Edition : Janet Wallace Rédaction : Brenda Frick, Laura Telford, Joanne Thiessen Martens Conception graphique et mise en pages : Jean-Michel Komarnicki, JMK Image-ination Photographie de couverture : Laura Berman - GreenFuse Images.com. Golden Oats, Ontario. Coordination : Ashley St Hilaire, Laura Telford Production de la traduction en français par le CRAAQ Ghislain Danyod, chargé de projet Barbara Vogt, éditrice et traductrice Kathleen Côté, traductrice stagiaire Nathalie Nadeau, graphiste Collaborateurs à la révision de la traduction en français, tome 1 Josée Boisclair, agr., M. P. M., chercheure, Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA) Audrey Bouchard, agr., conseillère en agroenvironnement, GMA Saguenay–Lac-Saint-Jean Jacques Dallaire, producteur semencier, fondateur de la Ferme Tournevent Loïc Dewavrin, B. A. Sc., producteur, copropriétaire, Fermes Longprés et Moulin Les Cèdres France Gravel, vice-présidente, ECOCERT Canada Caroline Halde, Ph. D., professeure adjointe et chercheure, Université Laval Olivier Lalonde, agr., M.Sc., responsable de l‘approvisionnement, Eko-Terre Maryse Leblanc, agr., Ph. D., chercheure, Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA) Jean-Philippe Légaré, M. Sc., biologiste-entomologiste, Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection, ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) Jonathan Roy, agr., conseiller en agriculture biologique, direction régionale de ChaudièreAppalaches, ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) Olivier Soucy, agr., M.Sc., chargé d'enseignement, Université Laval Catherine et Jean Valton, producteurs, Domaine Valton
Remerciements Cette troisième édition du Guide de production biologique des grandes cultures témoigne de l’évolution de l’agriculture biologique au Canada ainsi que des progrès de la recherche et des connaissances accumulées après des années d’essais au champ. Depuis la première édition publiée en 1996 jusqu’à la troisième édition en 2016, cet important ouvrage présente le résultat des efforts de centaines de personnes. Il n’existerait pas sans leur travail de terrain, ainsi que dans l’écriture et la révision du contenu de ce livre. De la part de Cultivons biologique Canada, de notre éditrice et de l’équipe de rédaction, nous souhaitons exprimer notre gratitude à toutes celles et tous ceux qui ont contribué aux éditions passées et à la présente. Nous nous excusons d’avance auprès de toute personne dont le nom aurait été omis par inadvertance. 3e édition Coordination : Ashley St Hilaire, Laura Telford Équipe de production : Nicole Chartrand, Michael Hutton, Emily McTaggart, Kristine Swaren (correction d’épreuves); Jean-Michel Komarnicki (composition graphique et mise en page). Rédaction et édition Janet Wallace, M.Sc. (écologie), est rédactrice pigiste, éditrice et productrice biologique. Elle écrit dans divers magazines sur l’agriculture, le jardinage, l’alimentation et la vie rurale. Elle travaille et donne du temps bénévole pour des projets de revitalisation des communautés rurales comme des jardins d’école, un bulletin d’information communautaire et la conservation des semences anciennes locales. Après avoir eu pendant dix ans une ferme d’élevage avec des moutons, des chèvres, des porcs et des volailles, elle se consacre maintenant à la culture de légumes, légumineuses et céréales dans son jardin au Nouveau-Brunswick, et produit des semences. Janet a édité plusieurs livres pour Cultivons biologique Canada et a été l’éditrice en chef de COG’s Magazine pendant onze ans. Guide de production biologique des grandes cultures - 3e édition
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Brenda Frick est conseillère indépendante en production biologique dans la région des Prairies. Elle travaille également comme inspectrice pour la certification biologique, comme partenaire pour Resilient Solution Consulting, comme chroniqueuse du Western Producer – et est aussi une enseignante et une jardinière passionnée. Elle a un Ph. D. en malherbologie et donne un cours en ligne sur la gestion biologique des adventices. Active dans la communauté de l’agriculture biologique depuis 25 ans, elle joue un rôle de liaison entre les scientifiques et les producteurs, entre la recherche et l’expérience de terrain.
Laura Telford a joué un rôle clé dans le développement du secteur biologique au Canada depuis 2003, année où elle est devenue directrice de Cultivons biologique Canada. Diplômée d’un Ph. D. en psychologie, elle a publié de nombreux articles scientifiques. Maintenant installée en région rurale au Manitoba, elle travaille pour le ministère de l’agriculture en tant que spécialiste du développement pour le secteur biologique, au service cette communauté diversifiée qu’elle apprécie tant.
Joanne Thiessen Martens a grandi sur une ferme diversifiée près d’Austin, au Manitoba. Après avoir obtenu un B. Sc. en agroécologie à l’Université du Manitoba en 1999, elle a travaillé dans le domaine de l’agriculture écologique et biologique. Durant ces années, elle a fait partie de l’équipe de recherche de Natural Systems Agriculture, à l’Université du Manitoba. Elle a également travaillé pour des maraîchers biologiques au Brésil et avec le Centre d’agriculture biologique du Canada (Université Dalhousie). Elle vit maintenant à Winnipeg avec sa famille.
Équipe de soutien à la rédaction Janine Gibson, Amy Kremen, Hugh Martin, Gary Martens, Janet Wallace. Collaborateurs (qui ont fourni informations, photos, révision ou toute autre forme de soutien) Chris Boettcher, Michelle Carkner, Linda Carlson, Nicole Chartrand, Ian Cushon, Loïc Dewavrin, Martin Entz, Rochelle Eisen, Jeremiah Evans, Robert Goossen, Roger Henry, Michael Hutton, Nicolas Jobin, Anastasia Kubinec, Gary Lean, Anne Macey,
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Remerciements
Joanna MacKenzie, Larry Marshall, Jennifer McCombe, Alan McKenzie, Stuart McMillan, Ward Middleton, Aaron Mills, Kelly Monaghan, Larry Pollock, Pat Pollock, Cody Straza, Brian Unrau, Joanna White, Dwayne Woolhouse, Melisa Zapisocky. Remerciements aux équipes de la première et de la seconde édition La première édition du Guide de production biologique des grandes cultures fut publiée en 1992, suivie de la seconde édition en 2001. Cultivons biologique Canada remercie tous les auteurs qui ont contribué à cette première et seconde édition : Jill Clapperton, Ann Clark, Robert Cope, Jack Coulson, Duane Falk, Janine Gibson, Eleanor Heise, Rupert Jannasch, Dee Kramer, Anne Macey, Tom Manley, Stuart McMillan, Hans Nass, David Patriquin, Nona Robinson, Raoul Robinson, Megan Ryan, Janet Wallace, Elizabeth White. Remerciements aux collaborateurs de la traduction française Le CRAAQ remercie chaleureusement toutes les personnes qui ont généreusement contribué de leur temps et de leur expertise à la relecture de la traduction française de ce guide : Josée Boisclair (IRDA), Audrey Bouchard (GMA Saguenay– Lac-Saint-Jean), Jacques Dallaire (Ferme Tournevent), Loïc Dewavrin (Ferme Longprés, Moulin Les Cèdres), France Gravel (ECOCERT Canada), Caroline Halde (Université Laval), Olivier Lalonde (Eko-Terre), Maryse Leblanc (IRDA), JeanPhilippe Légaré (Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection du MAPAQ), Jonathan Roy (MAPAQ), Olivier Soucy (Université Laval), Catherine et Jean Valton (Domaine Valton). Nos remerciements vont également à Murielle Bournival (conseillère en productions végétales biologiques, CETAB+), Anne Weill (conseillère en innovation, CETAB+), David Proulx (directeur général, RDR Grains et semences), E. Rochon (CCG), qui ont vérifié certains détails scientifiques et techniques; Rob Wallbridge (conseiller en agriculture biologique) et Stéphanie Mathieu (agr., MAPAQ) pour les photos additionnelles; Wayne Adams (directeur, COG), Jill Guerra, Rochelle Eisen, Janet Wallace pour leur aide, et toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à la réalisation de ce guide.
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À propos de ce guide Ce guide offre une feuille de route aux producteurs de grandes cultures qui souhaitent améliorer la durabilité environnementale et la rentabilité de leurs activités. Il s’adresse aussi bien aux producteurs biologiques qu’à ceux qui veulent réduire leur dépendance aux intrants tout en améliorant leur connaissance des méthodes de gestion des mauvaises herbes sans produits chimiques et des méthodes naturelles d’amélioration de la fertilité du sol. Les chercheurs et les conseillers trouveront dans ces pages nombre d’informations récentes issues de la recherche (à jour au moment de l’écriture de ces pages) ainsi que les meilleures pratiques de gestion en production biologique des grandes cultures. Ce guide présente donc à la fois les fondements théoriques et des recommandations techniques pour la production des principales grandes cultures de l’Amérique du Nord. Bien des choses ont changé depuis la première édition de ce guide en 1992. Au début des années 1990, la plupart des grandes cultures du Canada se trouvaient en Ontario et au Québec, de même que les connaissances scientifiques et pratiques sur le sujet, aussi parcellaires qu’elles étaient à l’époque. Les précédentes éditions de ce guide se concentraient donc principalement sur les systèmes culturaux, les sols et les climats de l’est du Canada. Depuis, la production biologique des grandes cultures a évolué de façon importante sur le territoire canadien : les marchés ont connu une expansion; les surfaces cultivées se sont étendues, majoritairement vers l’ouest et la région des Prairies; les cultivars se sont diversifiés. En plus de cette augmentation des surfaces, le secteur biologique a bénéficié d’un plus fort intérêt de la part des chercheurs. Les études sur les facteurs de succès des grandes cultures en mode biologique se sont multipliées, ainsi que le nombre de publications scientifiques pertinentes. Mais le changement le plus significatif est sans doute que les producteurs de grandes cultures biologiques ne sont plus seuls. En 1992, ils étaient peu nombreux à pouvoir partager de l’information sur leur production. Ils constituent
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maintenant un groupe substantiel qui, depuis des années, a peaufiné les rotations de cultures et a appris comment gérer avec succès les mauvaises herbes et la fertilité du sol dans un système biologique. Les jours où les producteurs biologiques montraient avec gêne leurs champs envahis de mauvaises herbes et leurs faibles rendements font aussi partie du passé. Dans toute l’Amérique du Nord, les producteurs de grandes cultures biologiques font fièrement visiter leurs champs à leurs voisins (« biologiques » ou non) et gèrent maintenant des entreprises rentables. Ces producteurs et productrices, qui ont pour la plupart appris l’agriculture biologique « à la dure » – par leurs essais et leurs erreurs, ont généreusement partagé leurs connaissances avec nous. Comme pour tous les guides publiés par Cultivons Biologique Canada (COG), les pages de cet ouvrage sont riches de ce savoir-faire. Tout en donnant une place prépondérante aux principes et aux aspects pratiques de la production des grandes cultures, ce guide donne aussi des références nombreuses aux normes biologiques canadiennes. Au Canada, les normes biologiques sont édictées dans deux documents officiels : les Normes sur les principes généraux et la gestion (CAN/CGSB-32.310-2015 modifiée en mars 2018) et la Liste des substances permises (CAN/CGSB-32.3112015 modifiée en mars 2018). Ces textes font partie de la règlementation fédérale sur les produits biologiques et constituent donc une norme nationale canadienne à valeur légale. Les normes biologiques canadiennes sont disponibles en format électronique sur le site Web du gouvernement du Canada (http://publications.gc.ca) ainsi que sur le site de COG (www.cog.ca). Au moment où nous écrivons ces lignes, le Canada a signé des ententes d’équivalence avec les États-Unis (avec des écarts importants), avec l’Union Européenne, la Suisse, le Japon et le Costa-Rica, harmonisant ainsi ses normes avec ses partenaires commerciaux principaux. La notion d’équivalence ne signifie pas que les autres normes sont identiques, mais seulement que leurs intentions (leurs buts) sont similaires. Nous espérons que l’information contenue dans ce manuel aidera les producteurs d’un océan à l’autre à bâtir des entreprises agricoles plus résilientes, plus rentables et plus durables.
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À propos de ce guide
La présente traduction française de ce guide a été divisée en deux tomes. Le tome 1 contient trois sections. La section I couvre les principes qui fondent les pratiques de gestion en agriculture biologique, et fournit un survol des processus de certification biologique. La section II concerne la gestion des mauvaises herbes, maladies et ravageurs. La section III fournit des conseils pratiques pour la production de 14 grandes cultures d’Amérique du Nord (céréales, légumineuses, oléagineux). Le tome 2 (à paraître) est composé de deux sections : la section 4 approfondit la gestion du sol, la section 5 décrit comment planifier une rotation efficace des cultures en champ. Note : Pour le présent ouvrage, la correspondance entre la structure de la version française (FR) et celle de la version originale anglaise (EN) est la suivante :
FR
EN
Section I
Section I
Chapitre 1
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 2
Section II
Section III
Chapitre 3
Chapitre 8
Chapitre 4
Chapitre 9
Section III
Section IV
Chapitre 5
Chapitre 15
Chapitre 6
Chapitre 16
Chapitre 7
Chapitre 17
Chapitre 8
Chapitre 18
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Table des matières Remerciements.............................................................................................................. vii À propos de ce guide.................................................................................................. xi SECTION 1 - PRINCIPES ET CERTIFICATION ..................................... 1 Chapitre 1 - Fondements de l’agriculture biologique.......................... 3 Principes de l’agriculture biologique......................................................................... 4 Principe de santé.......................................................................................................... 4 Principe d’écologie....................................................................................................... 4 Principe d’équité........................................................................................................... 5 Principe de précaution............................................................................................... 6 Principes écologiques......................................................................................................7 Diversité...........................................................................................................................7 Recyclage.........................................................................................................................7 Amélioration du sol et fertilisation naturelle des plantes............................ 8 Gestion des mauvaises herbes, ravageurs et maladies par des méthodes naturelles................................................................................... 8 Intégration...................................................................................................................... 8 Durabilité environnementale....................................................................................... 9 Biodiversité..................................................................................................................... 9 Gestion du sol..............................................................................................................10 Changements climatiques, efficacité énergétique et gaz à effet de serre....................................................................................................10 Quantité et qualité de l’eau....................................................................................11 Gestion des déchets..................................................................................................12 Productivité..................................................................................................................12 Créer un système agricole sain et durable............................................................12 Recommandations pour la planification sur la ferme...................................13
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Chapitre 2 - L’agriculture biologique, un processus d’apprentissage.............................................................................15 Penser et gérer des systèmes dans leur globalité..............................................15 Définition de la transition...........................................................................................16 Planification et préparation.................................................................................... 17 Certification biologique...............................................................................................19 Pratiques exigées.......................................................................................................20 Pratiques interdites...................................................................................................20 Pratiques soumises à des restrictions.................................................................21 Le système biologique canadien...............................................................................22
SECTION II - GESTION DES MAUVAISES HERBES, RAVAGEURS ET MALADIES ............................................................................ 27 Chapitre 3 - Gestion des mauvaises herbes..............................................29 Mauvaises herbes : les pour et les contre..................................................................30 Prévenir plutôt que guérir...............................................................................................31 Favoriser la vigueur des cultures..................................................................................33 Gestion de la fertilité du sol.......................................................................................36 Période de semis.............................................................................................................36 Espacement des rangs.................................................................................................. 37 Taux de semis.................................................................................................................. 37 Sélection des semences...............................................................................................38 Diversifier l’environnement.............................................................................................38 Rotation des cultures....................................................................................................38 Engrais verts.....................................................................................................................39 Cultures de couverture.................................................................................................39 Cultures fourragères pérennes..................................................................................40 Culture intercalaire........................................................................................................40 Désherbage mécanique....................................................................................................40 Hersage en prélevée ou faux-semis........................................................................41 Travail du sol en prélevée – Hersage à l’aveugle non sélectif.......................43 Sarclage en postlevée...................................................................................................44 Sarclage des entre-rangs............................................................................................. 47
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Table des matières
Écimage.............................................................................................................................48 Fauche au-dessus de la culture.................................................................................50 Billonnage.........................................................................................................................51 Épuisement des réserves en carbohydrates..........................................................52 Au-delà du travail du sol.................................................................................................55 Travail minimum du sol................................................................................................55 Fauchage...........................................................................................................................56 Roulage, crêpage et paillis.......................................................................................... 57 Pâturage............................................................................................................................. 57 Désherbage manuel......................................................................................................58 Faire face à certaines mauvaises herbes....................................................................59 Mauvaises herbes vivaces...........................................................................................59 Quelques mauvaises herbes annuelles..................................................................64 Conclusion.............................................................................................................................66
Chapitre 4 - Gestion des ravageurs et des maladies..........................69 Biodiversité...........................................................................................................................70 Rotation des cultures....................................................................................................71 Cultures intercalaires....................................................................................................72 Cultures pièges................................................................................................................74 Cultures barrières...........................................................................................................75 Haies ..................................................................................................................................75 Répression des mauvaises herbes............................................................................76 Gestion des éléments nutritifs.......................................................................................76 Gestion des conditions environnementales..........................................................78 Gestion des niveaux d’humidité du sol...................................................................78 Gestion des chaumes....................................................................................................78 Stratégies préventives......................................................................................................79 Choix des variétés..........................................................................................................79 Propreté des semences.................................................................................................79 Période de semis.............................................................................................................80 Désherbage manuel, épuration sélective...................................................................80 Emploi de pesticides.....................................................................................................81
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SECTION III - GRANDES CULTURES .......................................................83 Chapitre 5 - Des cultures de qualité, du semis à la récolte...........85 Produire des ingrédients alimentaires de qualité..................................................86 Choix des cultures et des variétés................................................................................86 Choisir des semences saines...................................................................................... 87 Nettoyer les grains.........................................................................................................89 Récolter..............................................................................................................................90 Taux d’humidité...............................................................................................................92 Produire des grains de qualité pour l’alimentation animale............................... 97 Choix des cultures et des variétés............................................................................ 97 Qualité des semences...................................................................................................98 Qu’est-ce qu’une culture pour l’alimentation animale « propre »?...............98 Récolte................................................................................................................................99 Produire des semences de qualité................................................................................99 Débuter avec des semences de qualité..................................................................99 Planifier pour la qualité............................................................................................ 100 Assurer la propreté du produit............................................................................... 103 Aspects légaux de la conservation des semences........................................... 104
Chapitre 6 - Céréales.............................................................................................. 105 ORGE.................................................................................................................................... 105 Usages................................................................................................................................. 106 Variétés ............................................................................................................................... 106 Pourquoi choisir cette culture?....................................................................................107 Rendement......................................................................................................................107 Marchés............................................................................................................................107 Saison de croissance courte.................................................................................... 108 Tolérance à la salinité................................................................................................ 108 Lutte contre les ravageurs et les mauvaises herbes....................................... 108 Culture-abri................................................................................................................... 109 Cycle de l’azote............................................................................................................. 109 Protection environnementale................................................................................. 109 Rotation des cultures et culture intercalaire......................................................... 109 Besoins de la culture...................................................................................................... 111 Méthode de semis........................................................................................................... 111
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Table des matières
Date de semis............................................................................................................... 111 Taux de semis, profondeur du semis et espacement des rangs.................. 111 Pratiques culturales........................................................................................................ 112 Récolte................................................................................................................................. 113 MAÏS.................................................................................................................................... 114 Usages................................................................................................................................. 115 Variétés ............................................................................................................................... 115 Pourquoi choisir cette culture?................................................................................... 116 Amélioration du sol.................................................................................................... 116 Rendements intéressants..........................................................................................117 Rotation des cultures et culture intercalaire......................................................117 Besoins de la culture...................................................................................................... 118 Méthode de semis........................................................................................................... 119 Date de semis............................................................................................................... 119 Taux de semis et profondeur du semis................................................................ 120 Pratiques culturales........................................................................................................ 120 Gestion des mauvaises herbes............................................................................... 120 Gestion des ravageurs et des maladies............................................................... 121 Récolte................................................................................................................................. 122 AVOINE.............................................................................................................................. 123 Usages................................................................................................................................. 124 Variétés ............................................................................................................................... 124 Pourquoi choisir cette culture?................................................................................... 125 Marchés........................................................................................................................... 125 Tolérance aux conditions sous-optimales.......................................................... 126 Amélioration du sol.................................................................................................... 126 Engrais vert.....................................................................................................................127 Gestion des mauvaises herbes................................................................................127 Culture dérobée............................................................................................................127 Culture-abri....................................................................................................................127 Rotation des cultures et culture intercalaire..................................................... 128 Besoins de la culture...................................................................................................... 128 Méthode de semis........................................................................................................... 129
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Date de semis............................................................................................................... 129 Taux de semis............................................................................................................... 130 Largeur des rangs et profondeur du semis........................................................ 131 Pratiques culturales........................................................................................................ 131 Gestion des mauvaises herbes............................................................................... 131 Gestion des ravageurs et des maladies............................................................... 132 Récolte................................................................................................................................. 133 SEIGLE............................................................................................................................... 135 Usages..................................................................................................................................137 Pourquoi choisir cette culture?....................................................................................137 Culture de couverture.................................................................................................137 Culture dérobée........................................................................................................... 138 Amélioration du sol.................................................................................................... 138 Gestion des mauvaises herbes............................................................................... 138 Rôle de brise-vent et gestion de l’eau................................................................. 139 Rotation des cultures et culture intercalaire..................................................... 139 Besoins de la culture.................................................................................................. 140 Méthode de semis........................................................................................................... 141 Taux de semis............................................................................................................... 142 Date de semis............................................................................................................... 142 Profondeur du semis.................................................................................................. 143 Pratiques culturales........................................................................................................ 143 Gestion des mauvaises herbes............................................................................... 143 Culture couvre-sol....................................................................................................... 143 Gestion des ravageurs et des maladies............................................................... 144 Récolte................................................................................................................................. 145 ÉPEAUTRE....................................................................................................................... 146 Usages................................................................................................................................. 148 Variétés ............................................................................................................................... 148 Pourquoi choisir cette culture?................................................................................... 149 Marchés........................................................................................................................... 149 Compétition avec les mauvaises herbes............................................................. 149 Bonne couverture de sol........................................................................................... 150 Culture adaptable aux sols pauvres..................................................................... 150
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Table des matières
Rotation des cultures et culture intercalaire..................................................... 150 Besoins de la culture...................................................................................................... 151 Méthode de semis........................................................................................................... 153 Taux et période de semis.......................................................................................... 153 Profondeur du semis et espacement des rangs................................................ 154 Pratiques culturales........................................................................................................ 154 Gestion des mauvaises herbes............................................................................... 154 Gestion des ravageurs et des maladies............................................................... 155 Récolte................................................................................................................................. 155 BLÉ DE PRINTEMPS................................................................................................... 158 Usages................................................................................................................................. 159 Variétés ............................................................................................................................... 159 Blé dur............................................................................................................................. 160 Blé Einkorn ................................................................................................................... 160 Kamut.............................................................................................................................. 160 Pourquoi choisir cette culture?................................................................................... 161 Date de semis flexible............................................................................................... 161 Production de paille................................................................................................... 161 Rotation des cultures et culture intercalaire..................................................... 161 Besoins de la culture...................................................................................................... 162 Méthode de semis........................................................................................................... 162 Date de semis............................................................................................................... 162 Taux de semis, espacement des rangs et profondeur du semis.................. 163 Pratiques culturales........................................................................................................ 164 Gestion des mauvaises herbes............................................................................... 164 Gestion des ravageurs et des maladies............................................................... 164 Récolte................................................................................................................................. 166 BLÉ D’AUTOMNE............................................................................................................167 Usages..................................................................................................................................167 Pourquoi choisir cette culture?................................................................................... 168 Culture céréalière........................................................................................................ 168 Protection du sol.......................................................................................................... 168 Amélioration du sol.................................................................................................... 169
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Gestion des mauvaises herbes............................................................................... 169 Rotation des cultures et culture intercalaire..................................................... 169 Besoins de la culture...................................................................................................... 171 Méthode de semis........................................................................................................... 172 Pratiques culturales........................................................................................................ 174 Gestion des ravageurs et des maladies............................................................... 175 Récolte................................................................................................................................. 176
Chapitre 7 - Légumineuses................................................................................. 177 HARICOTS SECS............................................................................................................177 Variétés ............................................................................................................................... 178 Variétés communément cultivées......................................................................... 179 Considérations préalables à la culture des haricots secs............................. 180 Pourquoi choisir cette culture?................................................................................... 181 Marchés........................................................................................................................... 181 Perturbation des cycles des ravageurs, maladies et mauvaises herbes................................................................................ 181 Rotation des cultures et culture intercalaire..................................................... 181 Besoins de la culture...................................................................................................... 183 Méthode de semis........................................................................................................... 185 Taux et profondeur de semis, espacement des rangs..................................... 185 Pratiques culturales........................................................................................................ 186 Gestion des mauvaises herbes............................................................................... 186 Gestion des ravageurs et des maladies................................................................187 Autres ravageurs.......................................................................................................... 188 Récolte................................................................................................................................. 189 FÈVEROLE........................................................................................................................ 191 Usages................................................................................................................................. 193 Variétés ............................................................................................................................... 193 Pourquoi choisir cette culture?................................................................................... 194 Engrais vert.................................................................................................................... 194 Amélioration de la structure du sol...................................................................... 195 Répression des mauvaises herbes......................................................................... 195 Autres bénéfices agronomiques............................................................................. 196
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Table des matières
Rotation des cultures et culture intercalaire......................................................... 196 Besoins de la culture...................................................................................................... 196 Méthode de semis............................................................................................................197 Profondeur et taux de semis................................................................................... 198 Date de semis et espacement des rangs............................................................. 199 Pratiques culturales........................................................................................................ 200 Gestion des mauvaises herbes............................................................................... 200 Gestion des ravageurs et des maladies............................................................... 201 Récolte................................................................................................................................. 202 LENTILLES....................................................................................................................... 204 Usages................................................................................................................................. 206 Variétés ............................................................................................................................... 206 Pourquoi choisir cette culture?....................................................................................207 Engrais vert.....................................................................................................................207 Perturbation des cycles de ravageurs et maladies dans les systèmes culturaux des céréales........................................207 Bénéfices environnementaux...................................................................................207 Rotation des cultures et culture intercalaire......................................................207 Besoins de la culture...................................................................................................... 209 Méthode de semis........................................................................................................... 210 Taux de semis et espacement des rangs............................................................. 210 Date et profondeur de semis................................................................................... 211 Pratiques culturales........................................................................................................ 211 Gestion des mauvaises herbes............................................................................... 211 Gestion des ravageurs et des maladies............................................................... 213 Récolte................................................................................................................................. 214 POIS CULTIVÉ.................................................................................................................217 Usages................................................................................................................................. 218 Pourquoi choisir cette culture?................................................................................... 218 Engrais vert.................................................................................................................... 218 Perturbation des cycles de ravageurs et de maladies.................................... 219 Effet dans la rotation................................................................................................. 219 Variétés ............................................................................................................................... 219
Guide de production biologique des grandes cultures - 3e édition
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Rotation des cultures et culture intercalaire......................................................... 222 Besoins de la culture...................................................................................................... 224 Méthode de semis........................................................................................................... 224 Date de semis............................................................................................................... 225 Taux et profondeur de semis, espacement des rangs..................................... 225 Pratiques culturales........................................................................................................ 226 Gestion des mauvaises herbes............................................................................... 226 Gestion des ravageurs et des maladies................................................................227 Récolte................................................................................................................................. 228
Chapitre 8 - Oléagineux....................................................................................... 231 LIN........................................................................................................................................ 231 Usages................................................................................................................................. 232 Variétés............................................................................................................................... 232 Pourquoi choisir cette culture?................................................................................... 234 Marchés........................................................................................................................... 234 Huile alimentaire......................................................................................................... 234 Alimentation animale................................................................................................ 234 Efficacité dans l’utilisation des nutriments........................................................ 234 Culture-abri................................................................................................................... 235 Rotation des cultures et culture intercalaire..................................................... 235 Besoins de la culture...................................................................................................... 236 Méthode de semis............................................................................................................237 Date de semis................................................................................................................237 Taux de semis, espacement des rangs et profondeur du semis.................. 238 Pratiques culturales........................................................................................................ 238 Gestion des mauvaises herbes............................................................................... 238 Gestion des maladies................................................................................................. 239 Récolte................................................................................................................................. 239 CHANVRE......................................................................................................................... 243 Usages de la récolte........................................................................................................247 Pourquoi choisir cette culture?................................................................................... 248 Marchés........................................................................................................................... 248 Plante rustique et compétitive............................................................................... 248
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Table des matières
Amélioration et protection du sol......................................................................... 248 Culture à semis tardif................................................................................................. 249 Peu de ravageurs et de maladies........................................................................... 249 Variétés ............................................................................................................................... 250 Rotation des cultures et culture intercalaire......................................................... 251 Besoins de la culture...................................................................................................... 254 Méthode de semis........................................................................................................... 254 Date de semis............................................................................................................... 255 Taux et profondeur du semis................................................................................... 256 Pratiques culturales.........................................................................................................257 Gestion des mauvaises herbes................................................................................257 Gestion des ravageurs et des maladies............................................................... 258 Récolte................................................................................................................................. 258 Gestion des résidus de culture............................................................................... 262 SOYA................................................................................................................................... 263 Usages de la récolte....................................................................................................... 264 Pourquoi choisir cette culture?................................................................................... 265 Demande forte............................................................................................................. 265 Culture prospère dans les sols pauvres en nutriments................................. 265 Perturbation des cycles des ravageurs................................................................ 265 Variétés ............................................................................................................................... 265 Rotation des cultures et culture intercalaire......................................................... 266 Besoins de la culture...................................................................................................... 268 Méthode de semis........................................................................................................... 269 Date du semis............................................................................................................... 269 Taux de semis............................................................................................................... 270 Largeur du rang et profondeur du semis............................................................ 271 Pratiques culturales........................................................................................................ 272 Gestion des mauvaises herbes............................................................................... 273 Gestion des ravageurs et des maladies............................................................... 274 Récolte................................................................................................................................. 274
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ANNEXES ......................................................................................................................277 Notes complémentaires à la traduction française............................................... 279 Abréviations, unités de mesures et facteurs de conversion............................. 289 Glossaire............................................................................................................................. 291 Références.......................................................................................................................... 301 Références complémentaires...................................................................................... 319 Index.................................................................................................................................... 323
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9
Gestion des ravageurs et des maladies
SECTION I
Principes et certification
Guide de production biologique des grandes cultures - 3e édition •1 © Rob Wallbridge
1
Fondements de l’agriculture biologique L’agriculture biologique est un système holistique basé sur des principes de santé, d’écologie, d’équité et de précaution. L’approche de l’agriculture biologique va bien au-delà d’éviter les intrants synthétiques : elle met plutôt l’accent sur la durabilité des systèmes agricoles et alimentaires. Ce guide regroupe les informations essentielles sur les méthodes biologiques de production en grandes cultures qui peuvent être mises en œuvre pour créer des systèmes agricoles biologiques durables. Ces informations sont basées autant sur la recherche scientifique que sur l’expérience des agriculteurs, et s’appuient sur les principes généraux de l’agriculture biologique ainsi que sur les exigences spécifiques des normes biologiques canadiennes. Les méthodes décrites ne prétendent pas être des recettes à suivre à la lettre ou applicables à toutes les situations. Nous encourageons plutôt les producteurs à intégrer ces informations à leur propre connaissance de leur milieu et de ce qui fonctionne bien pour leur ferme. Dans le processus de construction d’un système agricole biologique sain et durable, il est utile d’aller plus loin que la simple connaissance des méthodes d’agriculture biologique. Comprendre les fondements généraux de l’agriculture biologique, ainsi que les principes écologiques sur lesquels ceux-ci se basent, permet de savoir pourquoi on fait les choses d’une certaine façon. De plus, reconnaître la contribution de l’agriculture biologique à la durabilité sur le plan environnemental, ainsi que les améliorations qui sont encore à faire, nous amène à bonifier constamment nos pratiques. Penser l’entreprise comme un système en soi, comprenant de nombreuses composantes à gérer, aide aussi les agriculteurs à planifier et développer des fermes biologiques prospères et durables.
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Chapitre 1
Principes de l’agriculture biologique Les quatre grands principes communs reconnus au niveau international, décrits ci-dessous, ont été formulés par l’International Federation of Organic Agriculture Movements (IFOAM) (extrait de https://www.ifoam.bio/sites/default/files/ poa_french_web.pdf).
Principe de santé L’agriculture biologique devrait soutenir et améliorer la santé des sols, des plantes, des animaux, des humains et de la planète comme étant une et indivisible. Ce principe souligne le fait que la santé des individus et des communautés ne peut pas être envisagée séparément de celle des écosystèmes : un sol sain produit une culture saine qui nourrira la santé des animaux et des personnes. La santé représente la globalité et l’intégrité des systèmes vivants. Ce n’est pas seulement l’absence de maladie, mais le maintien d’un bien-être physique, mental, social et écologique. L’immunité, la résilience et la capacité de régénération sont des caractéristiques clés de la santé. Le rôle de l’agriculture biologique, que ce soit lors de la production, de la préparation, de la distribution ou de la consommation, est de soutenir et d’accroître la santé des écosystèmes et des êtres vivants, des plus petits organismes du sol jusqu’aux êtres humains. En particulier, l’agriculture biologique est destinée à produire des aliments de haute qualité nutritionnelle qui contribuent à une approche préventive de la santé et du bien-être. En conséquence, elle se devrait d’éviter l’utilisation des fertilisants synthétiques, des pesticides, des médicaments à usage vétérinaires et des additifs alimentaires qui peuvent avoir des effets nocifs sur la santé.
Principe d’écologie L’agriculture biologique devrait être fondée sur les systèmes et les cycles écologiques vivants, travailler avec eux, les imiter et les aider à se maintenir.
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Fondements de l’agriculture biologique
Ce principe enracine donc l’agriculture biologique dans les systèmes écologiques vivants. Il affirme que la production doit être basée sur les processus écologiques et sur le recyclage. La nutrition et le bien-être sont atteints grâce à l’écologie de l’environnement spécifique à la production. Celui-ci sera par exemple un sol vivant pour les cultures; pour les animaux, ce sera l’écosystème de la ferme; pour les poissons et les organismes marins, ce sera l’environnement aquatique. Les systèmes culturaux, pastoraux, ou de cueillette sauvage biologiques devraient s’adapter aux cycles naturels et aux équilibres écologiques. Ces cycles sont universels, mais leur manifestation est spécifique à chaque site. La gestion biologique doit s’adapter à l’écologie, à la culture, à l’échelle et aux conditions locales. Les intrants devraient être réduits par la réutilisation, le recyclage et la gestion efficiente des matériaux et de l’énergie, en vue de protéger et d’améliorer la qualité de l’environnement et de conserver les ressources. L’agriculture biologique devrait atteindre l’équilibre écologique grâce à la conception de systèmes agricoles, à la mise en place d’habitats et au maintien de la diversité génétique et agricole. Ceux qui produisent, préparent, commercialisent ou consomment des produits biologiques devraient protéger l’environnement commun, qui inclut les paysages, le climat, les habitats naturels, la biodiversité, l’air et l’eau, et agir en son bénéfice.
Principe d’équité L’agriculture biologique devrait se construire sur des relations qui assurent l’équité par rapport à l’environnement commun et aux opportunités de la vie. Cette notion d’équité est caractérisée par l’intégrité, le respect mutuel, la justice, et la saine gestion du monde partagé, aussi bien entre les personnes que dans leurs relations avec les autres êtres vivants. Ce principe souligne que ceux qui sont engagés dans l’agriculture biologique devraient cultiver les relations humaines d’une manière qui assure l’équité, à tous les niveaux et pour tous les acteurs – producteurs, salariés agricoles, préparateurs, distributeurs, commerçants et consommateurs. L’agriculture biologique devrait fournir à tous ceux qui y travaillent une bonne qualité de vie, et contribuer à la souveraineté alimentaire et à la réduction de la pauvreté. Elle vise à produire en suffisance des aliments et d’autres produits de bonne qualité.
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Chapitre 1
Ce principe insiste également sur le fait que l’on doit donner aux animaux des conditions de vie conformes à leur physiologie, à leur comportement naturel et à leur bien-être. Les ressources naturelles et environnementales utilisées pour la production et la consommation devraient être gérées d’une façon socialement et écologiquement juste, et en les préservant pour les générations futures. Le principe d’équité demande que les systèmes de production, de distribution et d’échange fonctionnent de façon ouverte et équitable et prennent en compte les coûts environnementaux et sociaux réels.
Principe de précaution L’agriculture biologique devrait être conduite de manière prudente et responsable, afin de protéger la santé et le bien-être des générations actuelles et futures ainsi que l’environnement. L’agriculture biologique est un système vivant et dynamique qui répond aux conditions et aux exigences qui lui sont internes et externes. Les acteurs de l’agriculture biologique peuvent améliorer l’efficacité et augmenter la productivité, mais ceci ne doit pas se faire au risque de mettre en péril la santé et le bien-être. C’est pourquoi il est indispensable de tester les nouvelles technologies et de réviser les méthodes en vigueur. Des précautions doivent être prises compte tenu de la compréhension encore incomplète que l’on a des écosystèmes et de l’agriculture. Ce principe affirme donc que la prudence et la responsabilité sont essentielles pour guider les choix de gestion, de développement et d’utilisation de la technologie en agriculture biologique. La connaissance scientifique est nécessaire pour s’assurer que l’agriculture biologique soit sûre tant du point de vue de la santé, de la sécurité que de l’écologie. Cependant, le savoir scientifique considéré isolément ne suffit pas. L’expérience, la sagesse acquise avec le temps ainsi que les savoirs traditionnels et autochtones offrent aussi des solutions valables ayant traversé l’épreuve du temps.
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Fondements de l’agriculture biologique
Afin d’éviter des risques importants, l’agriculture biologique devrait adopter des technologies adéquates et rejeter celles qui sont imprévisibles, comme le génie génétique. Les décisions prises devraient refléter les valeurs et les besoins de tous ceux qui pourraient en être affectés, grâce à des processus participatifs transparents.
Principes écologiques L’écologie englobe les relations entre les organismes vivants et leur environnement. Les processus écologiques observés dans la nature se passent aussi sur les fermes. Comme il a été établi précédemment dans les fondements de l’agriculture biologique, le but de la production biologique est de travailler avec les systèmes naturels et de les imiter autant que possible. C’est pourquoi la production biologique des grandes cultures demande une compréhension de base des principes et processus écologiques clés.
Diversité La diversité est la pierre angulaire de la durabilité. Un haut niveau de diversité permet de créer des systèmes résilients au stress d’origine économique autant qu’environnemental. La diversité sur les fermes biologiques peut être enrichie et soutenue par différents moyens, comme la production de cultures variées, le maintien de zones naturelles et l’association des productions végétales et animales.
Recyclage Les nutriments et l’eau traversent les écosystèmes sous forme de cycles et l’énergie générée par le soleil circule dans tous les organismes au travers du cycle du carbone. Sur les fermes biologiques, ces cycles sont fermés autant que possible tout en étant capables de fournir des produits pouvant être consommés à l’extérieur. On assure un recyclage des nutriments en cultivant des légumineuses pour fixer l’azote, en maintenant à un niveau élevé la fertilité biologique du sol et en associant les cultures et l’élevage.
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Chapitre 1
Amélioration du sol et fertilisation naturelle des plantes Un sol en santé contient une quantité importante de matière organique et de communautés actives d’organismes du sol. Les matières organiques sont accumulées et conservées dans le sol par l’ajout de matériaux végétaux et de fumier composté, par les pratiques qui favorisent le développement des racines et par le travail minimum du sol. Ainsi, les nutriments suivent un cycle au travers des matières organiques du sol, grâce à l’action des organismes vivants de celui-ci; ils sont rendus disponibles pour les plantes avec un minimum de pertes dans l’environnement.
Gestion des mauvaises herbes, ravageurs et maladies par des méthodes naturelles Les mauvaises herbes, les insectes et les maladies des plantes font naturellement partie de l’écosystème. Sur les fermes biologiques, leur gestion se fait par l’emploi de diverses rotations et pratiques agronomiques basées sur la connaissance de la biologie des espèces nuisibles, ainsi qu’en encourageant les phénomènes de contrôle naturels. Les méthodes mécaniques comme le sarclage sont employées stratégiquement – lorsque nécessaire.
Intégration Dans les écosystèmes, on ne peut pas poser de geste isolé : un changement touchant une partie du système va affecter toutes les autres parties. Sur les fermes biologiques, les relations entre les composantes, comme les cultures et le bétail, sont mises en place et gérées stratégiquement de façon à ce que des synergies soient créées. Ces dernières existent quand deux ou plus de deux composantes produisent, par leur travail conjoint, des bénéfices supérieurs à la somme de leurs effets individuels. Par exemple, le bétail qui pâture une légumineuse semée comme engrais vert profite d’un fourrage de qualité supérieure (ce qui contribue au revenu de la ferme) et, simultanément, recycle les nutriments pour la prochaine culture de la rotation.
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Fondements de l’agriculture biologique
••• Agriculture biologique : approche globale de la production d’aliments pour les humains et les animaux ainsi que de fibres, qui vise l’équilibre entre l’intégrité écologique, l’équité sociale et la viabilité économique dans tous les secteurs, y compris sur un plan international et intergénérationnel. L’idée intrinsèque qui sous-tend cette définition est que la durabilité doit être étendue non seulement globalement, mais aussi indéfiniment dans le temps et à tous les organismes vivants, humains compris. Stephen Gliessman •••
Durabilité environnementale L’agriculture biologique peut promouvoir la durabilité environnementale quand elle est basée sur des principes écologiques solides et adaptée aux conditions locales. Cependant, il est important de se rappeler qu’il reste encore beaucoup à apprendre sur la façon dont les diverses pratiques agricoles affectent le milieu. Les acteurs de l’agriculture biologique doivent donc être prêts à apprendre et à faire évoluer leurs pratiques au fur et à mesure que la compréhension de l’agriculture biologique et de l’environnement se développe.
Biodiversité Dans le paysage agricole, les fermes biologiques sont souvent des lieux de biodiversité importante, que ce soit dans les sols, les champs, les haies et les brise-vents. Même les « mauvaises herbes » aident à subvenir aux besoins de diverses populations d’organismes vivants sur ou dans le sol. Non seulement les producteurs biologiques font des champs un environnement plus hospitalier en évitant d’utiliser des pesticides synthétiques, mais ils créent de plus des habitats pour la faune sauvage et d’autres organismes grâce à des pratiques comme la rotation des cultures, les cultures intercalaires, les techniques de conservation du sol et la préservation d’aires naturelles. Cette diversité apporte stabilité et résilience au système agricole de la ferme.
Guide de production biologique des grandes cultures - 3e édition
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Chapitre 1
Gestion du sol Un sol en santé est essentiel à la durabilité d’un système de production biologique. La santé du sol se base sur les propriétés physiques comme la structure, sur les propriétés chimiques comme les niveaux de nutriments et sur les propriétés biologiques comme la diversité microbienne. L’agriculture biologique met en œuvre des techniques qui augmentent le taux de matière organique du sol et soutiennent une vie du sol abondante et diversifiée. Les producteurs biologiques améliorent la fertilité du sol sans pesticides synthétiques, par l’utilisation de rotations soigneusement étudiées et par des applications de compost. Éviter les fertilisants hautement solubles et les pesticides synthétiques encourage également la vie du sol et permet aux éléments nutritifs d’être recyclés naturellement. Sur la ferme biologique, on doit porter une attention particulière à la fertilité à long terme du sol, afin de remplacer les nutriments qui quittent le système sous forme de récoltes, de foin, de bétail et autres produits. Le sol y est également protégé de l’érosion par l’enrichissement en matière organique, le maintien de la couverture végétale et autant que possible par un travail minimum. Réduire le travail du sol reste un défi permanent qui demande une vigilance redoublée.
Changements climatiques, efficacité énergétique et gaz à effet de serre L’agriculture biologique participe à la lutte contre les changements climatiques. Les émissions de gaz à effet de serre sont en général inférieures sur les fermes biologiques comparativement aux fermes non biologiques. Les émissions d’oxyde nitreux (N2O), en particulier, sont nettement plus basses puisque les fertilisants à base d’azote de synthèse n’y sont pas employés. En grandes cultures biologiques, la consommation d’énergie est typiquement de 30 à 50 % plus faible à l’hectare qu’en gestion non biologique (Hoeppner et coll., 2005; Pimentel et coll., 2005; Zentner et coll., 2011). Cela s’explique en grande partie par l’absence d’emploi de fertilisants synthétiques, qui requièrent d’importantes quantités d’énergie fossile pour leur production. Les systèmes agricoles biologiques produisent plus par unité d’énergie non renouvelable que les systèmes non biologiques, malgré des rendements parfois inférieurs. Quoi qu’il en soit, la réduction de l’usage des énergies non renouvelables devrait rester une
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Fondements de l’agriculture biologique
priorité sur les fermes biologiques. Cet objectif peut être atteint, en partie, en mettant en place davantage de cultures pérennes, en appliquant le travail minimal du sol et en intégrant les cultures et le bétail de façon innovante. Une plus faible consommation d’énergie dans les systèmes de production biologique se traduit par de plus faibles émissions de dioxyde de carbone (CO2). De plus, plusieurs pratiques culturales contribuent à capturer le CO2 en enrichissant la matière organique du sol : la plantation d’engrais verts, de cultures de couverture et de plantes fourragères vivaces, de même que la bonne productivité des cultures, les techniques de conservation du sol et l’utilisation judicieuse du fumier. De hauts niveaux de matière organique dans le sol, associés à la diversification de l’entreprise et à l’indépendance par rapport aux intrants externes, seront autant de facteurs qui aideront les fermes à s’adapter aux incertitudes causées par les changements climatiques (Scialabba et Müller-Lindenlauf, 2010).
Quantité et qualité de l’eau Une source d’eau abondante et de bonne qualité est un élément essentiel d’un système agricole durable. La pollution des eaux de surface et souterraines par les nitrates, les phosphates, les résidus de pesticides, les antibiotiques et les bactéries pathogènes est de plus en plus courante dans les régions agricoles. Dans certains secteurs, les ressources en eau sont aussi menacées par le prélèvement excessif de l’eau pour l’irrigation et d’autres usages. La production agricole biologique joue un rôle dans la protection des ressources en eau en évitant les pratiques qui contribuent à l’érosion du sol et au lessivage des nutriments et en utilisant l’eau de façon judicieuse et efficiente. L’emploi des légumineuses et d’autres intrants biologiques pour assurer la fertilité du sol, plutôt que des amendements synthétiques, maintient les nutriments sous une forme plus stable dans le sol et en réduit les pertes (Drinkwater et Snapp, 2007). Les fumiers sont entreposés selon les règles et préférablement compostés avant d’être épandus. Comme mentionné précédemment, les pesticides synthétiques ne sont pas utilisés sur les fermes biologiques. De plus, la production biologique aide à réduire les risques d’érosion du sol et de lessivage de nutriments en mettant en place des cultures de couverture, en laissant les résidus végétaux au sol et en planifiant des rotations de cultures qui gardent le sol couvert le plus possible. Guide de production biologique des grandes cultures - 3e édition
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Chapitre 1
Gestion des déchets Les producteurs biologiques réduisent les déchets en recyclant le plus possible de nombreux matériaux. Le fumier, la paille et d’autres produits, souvent considérés comme des déchets, sont reconnus comme une source valable de nutriments et de matière organique sur les fermes biologiques. Par exemple, les criblures de grains biologiques constituent un bon apport d’aliments pour le bétail. Les plastiques ou autres matériaux non biodégradables sont évités ou recyclés autant que possible.
Productivité La productivité est un aspect important de la durabilité environnementale qui est souvent négligé. Les systèmes biologiques ne cherchent pas à augmenter les rendements à tout prix. Cependant, un certain niveau de productivité est nécessaire, non seulement pour fournir des aliments ou d’autres produits et générer un revenu pour la ferme, mais aussi pour soutenir les processus biologiques. Les organismes du sol ont besoin d’un apport régulier de matériaux végétaux de bonne qualité de manière à pouvoir recycler les nutriments et reconstituer la matière organique du sol. En effet, des cultures biologiques qui poussent de façon médiocre du fait d’un manque d’éléments nutritifs ne peuvent pas entretenir les ressources indispensables pour soutenir la vie du sol et risquent même d’en appauvrir la matière organique (Bell et coll., 2012; Liefeld, 2012). Les fermes biologiques en santé qui savent tirer parti du potentiel des processus écologiques, comme le recyclage des nutriments, l’amélioration du sol et les relations prédateur-proie, sont à la fois productives et environnementalement viables (Halberg, 2012).
Créer un système agricole sain et durable Une ferme biologique est plus qu’un ensemble de cultures ou d’animaux produits sans utiliser d’intrants synthétiques. C’est un véritable écosystème avec de nombreuses composantes en interaction, qui doit donc être pensé comme tel. Le sol, les cultures, les microbes, les mauvaises herbes, les insectes et le bétail
• 12
Fondements de l’agriculture biologique
interagissent selon des processus écologiques variés, dont une bonne partie peut être gérée par le producteur. La faune sauvage, l’air et l’eau sont eux aussi influencés par le fonctionnement de la ferme. On doit également tenir compte de l’humain dans le contexte de la santé, du travail et des relations de voisinage, sans oublier les facteurs du marché et les finances de la ferme. Prendre en considération tous ces éléments et leurs interactions est complexe et les producteurs peuvent se sentir dépassés! C’est pourquoi une planification basée sur l’observation et l’adaptation aidera à clarifier les interactions entre les composantes de la ferme et à trouver les moyens de les gérer efficacement. Cette planification repose sur les principes de santé, d’écologie, d’équité et de responsabilité.
Recommandations pour la planification sur la ferme Bien que chaque agriculteur et chaque agricultrice planifie ses productions à sa manière, il peut être utile de garder en tête les lignes directrices suivantes : •
Travaillez avec la nature, plutôt que contre elle.
•
Recherchez et favorisez les synergies entre les composantes de la ferme et les pratiques.
•
Identifiez et traitez les causes des problèmes plutôt que les symptômes.
•
Tenez compte autant des effets à court terme que de ceux à long terme résultant des pratiques culturales.
•
Considérez également les effets à petite et grande échelle, y compris ceux qui dépassent les limites de la ferme.
•
Efforcez-vous d’optimiser plusieurs des résultats recherchés, plutôt que d’en maximiser un aux dépens des autres.
•
Gardez en tête que le développement d’un système agricole sain est un processus de longue haleine.
Guide de production biologique des grandes cultures - 3e édition
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Gestion des mauvaises herbes
•
Héberger des ravageurs ou des maladies qui s’attaquent à des plantes cultivées similaires (par ex., le brome peut être un hôte pour l’ergot);
•
Semer leurs graines ou se répandre (par étalement du réseau racinaire), ce qui créera plus de futurs problèmes de mauvaises herbes.
Sur le plan positif, les mauvaises herbes peuvent : •
Couvrir le sol et le protéger contre l’érosion;
•
Fixer l’azote (quand il s’agit de légumineuses);
•
Ajouter de la matière organique;
•
Attirer les organismes bénéfiques et leur procurer un habitat;
•
Ombrager la surface du sol et conserver son humidité;
•
Briser la couche indurée ou le sol compacté;
•
Faire remonter les nutriments des couches profondes du sol;
•
Absorber et retenir des nutriments qui, autrement, seraient perdus par lessivage;
•
Révéler des informations sur l’état du sol;
•
Améliorer la qualité des cultures fourragères;
•
Augmenter la biodiversité sur la ferme.
Prévenir plutôt que guérir La prévention de l’infestation par les mauvaises herbes se base sur deux principes : •
Ne pas introduire les mauvaises herbes, ni dans votre ferme ni d’un champ à l’autre;
•
Ne pas laisser d’espace aux mauvaises herbes en laissant du sol à découvert ou en ne leur opposant pas une forte compétition.
La plupart des espèces communes de mauvaises herbes largement répandues au Canada proviennent d’autres parties du monde et ont été introduites par les humains, le bétail ou dans les ballasts de bateaux. Les semences de mauvaises herbes continuent à se répandre à d’autres endroits quand des intrants, comme du foin ou des semences, sont importés de l’extérieur de la ferme ou encore Guide de production biologique des grandes cultures - 3e édition
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Chapitre 3
quand les véhicules, tels que les moissonneuses-batteuses, se déplacent à travers les champs ou d’un champ à l’autre. Idéalement, le foin et les semences devraient être produits sur la ferme, puisque les intrants de l’extérieur peuvent introduire de nouveaux problèmes de mauvaises herbes. En achetant des plantes ou des semences, soyez conscients que ces dernières peuvent contenir des contaminants. En achetant localement, il est plus probable que les mauvaises herbes que vous importez soient celles que vous avez déjà. Parfois, cependant, vous pourriez être obligés d’acheter loin de votre localité : par exemple, vous procurer du foin de l’extérieur lors d’une sécheresse dans votre région. Si c’est le cas, essayez de conserver le nouveau matériel dans une zone restreinte de façon à ce que d’éventuelles mauvaises herbes puissent être confinées à un seul endroit avant de s’étendre. N’achetez que des semences criblées, ou nettoyez-les vous-même avant de les utiliser. Assurez-vous, lors de l’importation de plantes ornementales, qu’elles ne puissent pas se propager dans vos champs. Les équipements agricoles, comme les moissonneuses-batteuses ou les équipements de travail du sol, devraient être nettoyés entre les passages d’un champ à l’autre. Pour réduire la propagation des mauvaises herbes sur la ferme, il est judicieux d’utiliser un collecteur de débris végétaux; installé sur la moissonneuse-batteuse, il récupère les petites graines lors du battage et limite ainsi leur dispersion. Lors du hersage, travaillez les zones les plus infestées de mauvaises herbes en dernier pour éviter de répandre les rhizomes, les racines ou les graines dans le reste du champ. Parfois, il y a des manques dans le semis, causés par des unités de semis bloquées, des espaces entre les passages du semoir ou encore des zones où l’équipement n’a pas été en contact avec le sol. Ces zones se remplissent généralement de mauvaises herbes. Là où la culture n’est pas bien implantée ou pas assez dense, les mauvaises herbes prennent sa place. C’est pourquoi la croissance de cultures vigoureuses supprime les mauvaises herbes. La gestion des cultures laisse souvent des zones de sol nu après la récolte, après l’enfouissement de l’engrais vert, dans les bordures, etc. Les mauvaises herbes assurent la couverture de ces zones à ces périodes données. Toutefois, des cultures de couverture pourraient apporter le même bénéfice tout en étant plus faciles à gérer. Ensemencer les zones tampons ou les zones de ruissellement avec des
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Gestion des mauvaises herbes
© T.Toews
Un collecteur de débris végétaux peut recueillir les graines de mauvaises herbes et ainsi réduire leur dispersion dans le champ.
plantes de couverture pérennes, comme un mélange de graminées et de luzerne, peut éviter que les mauvaises herbes s’installent dans ces endroits.
Favoriser la vigueur des cultures La stratégie la plus efficace de lutte contre les mauvaises herbes est de faire pousser une culture vigoureuse. Toutes les techniques qui peuvent être mises en œuvre pour donner l’avantage à la culture sont bonnes : le choix des variétés, la sélection des semences, la préparation du lit de semence, le taux de semis, la date de semis, la fertilisation appropriée et les bonnes pratiques de gestion de la culture. Toutes les cultures n’ont pas la même capacité de compétition avec les mauvaises herbes (voir Tableau 3.1). Même au sein d’une même culture, les variétés vont différer par leur capacité concurrentielle. En général, les cultures et les variétés les plus compétitives présentent plusieurs des traits suivants : •
Elles germent rapidement;
•
Elles s’enracinent rapidement; Guide de production biologique des grandes cultures - 3e édition
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Chapitre 3
•
Elles couvrent le sol rapidement;
•
Elles produisent des feuilles nombreuses et/ou larges;
•
Elles produisent des substances allélopathiques;
•
Elles produisent plusieurs tiges florales (elles sont dites plus « branchues »);
•
Elles poussent haut;
•
Elles ont une floraison et une maturation hâtives;
•
Elles disposent d’un système racinaire important;
•
Elles ont une bonne résistance aux maladies;
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Elles produisent rapidement un couvert végétal dense.
Compte tenu de ces généralités, la capacité de certaines variétés à étouffer les mauvaises herbes est pourtant surprenante. Par exemple, bien que la taille élevée soit souvent un caractère propice à la répression des mauvaises herbes, certaines variétés de blé semi-nain donnent de bons résultats en production biologique. De même, si l’augmentation de la surface foliaire joue souvent un rôle dans la répression des mauvaises herbes, certaines variétés de pois semi-aphylles ont des capacités compétitives supérieures aux autres. Plusieurs des caractéristiques qui confèrent une bonne compétitivité à la plante lui donnent la capacité de remplir l’espace rapidement, laissant ainsi peu de place à combler et peu de ressources disponibles. Ce type de compétition supprime les mauvaises herbes en empêchant leur accès à la lumière, à l’eau et aux nutriments. Certaines plantes ont aussi des propriétés allélopathiques, c’est-à-dire qu’elles inhibent chimiquement la germination et la croissance des autres plantes. Elles peuvent dégager ces substances allélochimiques lorsqu’elles sont vivantes ou lors de la décomposition de leurs parties. Les effets allélopathiques ont été observés chez un bon nombre de céréales, d’oléagineux, de légumineuses et de plantes fourragères (voir Tableau 3.2). En général, les substances chimiques en cause ont une efficacité plus forte sur les mauvaises herbes à petites graines qui se trouvent à la surface du sol ou près de celle-ci. Quelques mauvaises herbes, notamment le chiendent et le chardon des champs, sont également allélopathiques. Les cultures dont les semences sont petites et enfouies peu profondément sont les plus sensibles.
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Gestion des mauvaises herbes
Tableau 3.1 Capacité de diverses cultures à concurrencer les mauvaises herbes (cultures classées selon un ordre décroissant de compétitivité)
Cultures très compétitives Cultures pérennes
Brome Luzerne Agropyre à crête
Cultures d’automne
Mélilot Seigle d’automne Triticale d’automne Blé d’automne
Céréales de printemps
Épeautre de printemps Orge Seigle de printemps Blé de printemps Blé dur Avoine
Autres cultures semées au printemps
Petits pois Pommes de terre Soya Lin Lentilles Haricots secs
Cultures faiblement compétitives D’après Frick (1998)
Une culture très compétitive peut supprimer les mauvaises herbes. Cependant, il est aussi important de savoir que certaines cultures peuvent supporter la compétition. Par exemple, le lin peut souvent donner de bons résultats malgré la présence de mauvaises herbes, mais cela dépend des régions. Tableau 3.2 Cultures allélopathiques
Céréales
Oléagineux
Légumineuses
Plantes fourragères
Orge Avoine Blé Seigle
Moutarde Tournesol
Trèfle rouge Trèfle blanc Mélilot Vesce velue
Fétuque rouge Fétuque élevée Ray-grass vivace (ivraie)
Autres Sarrasin
D’après Frick (1998)
Guide de production biologique des grandes cultures - 3e édition
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