SYNTHÈSE DE CONNAISSANCES
L'AGROFORESTERIE AU BÉNÉFICE DES SOLS ET DES CULTURES
Un atout face aux changements climatiques
SYNTHÈSE DE CONNAISSANCES
L'AGROFORESTERIE AU BÉNÉFICE DES SOLS ET DES CULTURES
Un atout face aux changements climatiques
Catherine Richard, M. Sc.Droits d’auteur
Il est interdit de reproduire, de traduire ou d’adapter cet ouvrage sans l’autorisation écrite du Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ) afin de respecter les droits d’auteur et d’encourager la diffusion de nouvelles connaissances.
Avertissements
Les marques de commerce mentionnées dans ce guide le sont à titre indicatif seulement et ne constituent nullement une recommandation de la part des auteurs ou de l’éditeur.
Ce projet est financé dans le cadre du Programme d’appui à la lutte contre les changements climatiques en agriculture, découlant du Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques du gouvernement du Québec.
© Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec, 2023
PAGF0106
ISBN 978-2-7649-0669-9
PAGF0106-PDF
978-2-7649-0670-5 PDF
Dépôt légal
Bibliothèque et Archives Canada, 2023 Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2023
Pour informations et commentaires
Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec
Édifice Delta 1
2875, boulevard Laurier, 9e étage Québec (Québec) G1V 2M2
418 523-5411 | 1 888 535-2537
client@craaq.qc.ca | www.craaq.qc.ca
Rédaction
Catherine Richard, M. Sc. en agroforesterie, Québec
Collaboration
Pierre-Luc Chagnon, Ph. D., chercheur en pédologie, CRD Saint-Jean-sur-Richelieu, Agriculture et Agroalimentaire Canada
Alain Cogliastro, Ph. D., chercheur associé, Institut de recherche en biologie végétale, Université de Montréal et Jardin botanique de Montréal
Jacques Côté, agriculteur, production de grandes cultures, production laitière et élevage Holstein, président de Ferme Bertco Inc.
Sylvestre Delmotte, Ph. D., agr., consultant en agroenvironnement, Québec
Émilie Maillard, Ph. D., chercheure scientifique en science des sols, Agriculture et Agroalimentaire Canada
Odette Ménard, ing., agr., experte de référence en conservation des sols et de l’eau, ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ)
Alain Olivier, Ph. D., professeur, Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation, Département de phytologie, Université Laval, Québec
David Rivest, Ph. D., professeur en écologie des sols et agroforesterie, Institut des Sciences de la Forêt tempérée (ISFORT), Université du Québec en Outaouais
Conception graphique et dessins
Catherine Richard, M. Sc. en agroforesterie
Julie Marquis, graphiste
Véronique Michaud, graphiste, CRAAQ
Montage graphique
Catherine Boily, graphiste
Coordination et édition
Joanne Lagacé, B. Sc., chargée de projets, CRAAQ
Guillaume Breton, chargé de projets, CRAAQ
Barbara Vogt, chargée de projets aux publications, CRAAQ
Prises de vue, réalisation et montage des vidéos
François Carl Duguay, chargé de projets en production numérique, CRAAQ
Photographies
Alain Cogliastro, CRAAQ, Stéphane Groleau, Groupe conseil agricole de la Côte-du-Sud, Mohamed Hijri (IRBV - Université de Montréal), Odette Ménard (MAPAQ), Pixabay, Benoît Poiraudeau (MAPAQ), Catherine Richard, David Rivest (UQO), Richard C. Schultz (Iowa State University), Cécile Tartera (Groupe ProConseil).
Le CRAAQ remercie les producteurs et productrices qui ont accueilli le tournage des vidéos sur leurs entreprises.
Pour citer cet ouvrage : Richard, Catherine. 2023. L’agroforesterie au bénéfice des sols et des cultures - Un atout face aux changements climatiques. Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ). 38 p.
ISBN 978-2-7649-0669-9
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES SCHÉMAS
LISTE DES FIGURES
Ce document offre un résumé des résultats de recherche portant sur les effets des systèmes agroforestiers sur les sols et leur application en contexte québécois. Il est accompagné de trois vidéos tournées sur des entreprises québécoises (voir encadré). Rédigé à l’intention des conseillères et conseillers agricoles, ainsi que des productrices et producteurs motivés par ce sujet, il met en évidence les gains qui peuvent être obtenus au niveau de la parcelle suite à l’implantation de tels systèmes.
Les systèmes agroforestiers font l’objet d’études scientifiques au Québec, ailleurs au Canada et plus largement dans le monde, depuis plusieurs décennies. Ces dernières années, des études scientifiques démontrent les bénéfices de ces systèmes pour lutter contre les changements climatiques : à la fois pour s’adapter au climat en changement, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) des systèmes agricoles et pour séquestrer du carbone. De plus, ces aménagements apportent des effets concrets sur l’amélioration de la santé du sol et de la gestion de l’eau, comme il est expliqué dans le présent document.
La mise en place de systèmes agroforestiers est probablement un élément clé de la lutte contre les changements climatiques. La présente synthèse de connaissances fournit des éléments pertinents pour les entreprises agricoles du Québec, afin que les producteurs et productrices soient en mesure de prendre des décisions éclairées en vue d’implanter de tels systèmes. Elle se veut complémentaire à la fiche dynamique L’agroforesterie au bénéfice du microclimat - un atout face aux changements climatiquesa qui porte sur les impacts des systèmes agroforestiers sur le microclimat de la parcelle, et décrit leur influence sur la culture annuelle ou pérenne (fourragère) cultivée à proximité des arbres.
En apportant une perspective au niveau des sols, cette synthèse de connaissances constitue un outil pour faire évoluer l’aménagement des fermes vers une productivité durable et une résilience face aux aléas des changements climatiques.
Le Comité agroforesterie du CRAAQ
Trois vidéos tournées sur des entreprises agricoles québécoises illustrent les bénéfices de l’agroforesterie pour les sols et des cultures en contexte de changements climatiques :
• Dynamique de l’eau dans le sol
• Interactions entre les arbres et les cultures en système agroforestier intercalaire
• Santé du sol, matière organique et stockage de carbone
Les vidéos sont déposées à votre compte CRAAQ à l’onglet Mes vidéos.
a https://www.craaq.qc.ca/Publications-du-CRAAQ/l_agroforesterie-au-benefice-du-microclimat-un-atout-face-aux-changements-climatiques/p/PAGF0103-HTML
Au cours des dernières années, la protection et l’amélioration de la santé des sols est devenue centrale dans les préoccupations des entreprises agricoles et de la société, vu les multiples fonctions essentielles joués par ceux-ci (production alimentaire, régulation de la qualité de l’eau, séquestration du carbone, etc.). Au Québec, plusieurs sols présentent des signes de dégradation, surtout dans les zones où l’agriculture est pratiquée de façon plus intensive. Or, les changements climatiques éprouvent les sols et mettent en évidence leurs faiblesses. En plus d’entraîner des impacts négatifs sur les rendements agricoles, de tels changements affectent de surcroît les autres fonctions jouées par les sols à plus large échelle. Pour surmonter de tels défis, il est indispensable de mettre en place des pratiques qui amélioreront la santé des sols et d’innover pour mettre en place des systèmes agricoles plus durables et résilients. Cette résilience des systèmes agricoles signifie qu’ils auront la capacité à maintenir une performance élevée malgré l’occurrence d’événements perturbateurs dans l’environnement.
L’agroforesterie est une approche qui consiste à associer des arbres à des cultures ou à des animaux d’élevage en vue d’obtenir divers bénéfices économiques, environnementaux et sociaux. Au Québec, les systèmes agroforestiers les plus communs sont les haies agroforestières, qu’on retrouve en bordure des parcelles et qui incluent les haies brise-vent et les bandes riveraines arborées, et les systèmes agroforestiers intercalaires, dans lesquels les arbres sont situés à l’intérieur même des parcelles.
L’agroforesterie fait partie des systèmes agricoles écologiques qui pourraient contribuer à l’adaptation aux changements climatiques et à l’atténuation de tels changements, tout en favorisant une bonne santé des sols. La présence d’arbres dans les champs ou à leur périphérie influence les sols de différentes manières. À travers la dégradation de leurs feuilles et de leurs racines, ainsi que via les exsudats racinaires qu’ils excrètent, ils apportent des quantités appréciables de matière organique au sol. Leur présence modifie aussi le microclimat qu’on retrouve au sein même du sol (température et humidité). À proximité des arbres, la coexistence du système racinaire des arbres et de celui des cultures affecte la disponibilité des ressources du sol, entraînant des phénomènes de concurrence, mais aussi de complémentarité et de facilitation pour le partage de l’eau et des nutriments entre les arbres et les cultures. Finalement, les arbres permettent d’accroître l’abondance et la diversité des organismes du sol, lesquels jouent des rôles cruciaux.
Par le biais de ces différents facteurs d’influence, les arbres agroforestiers améliorent la santé et la résilience du sol. Les systèmes agroforestiers permettent de soutenir le sol dans les différentes fonctions qu’il joue, décrites ci-dessous (SCHÉMA 1).
Séquestration du carbone et régulation du climat
Les arbres séquestrent du carbone dans leur biomasse (tronc, branches, racines, feuilles), mais aussi dans les sols à travers leurs apports en matière organique. Ce faisant, les systèmes agroforestiers retirent du carbone de l’atmosphère, ce qui contribue à l’atténuation des changements climatiques. Les émissions de méthane et d’oxyde nitreux générées par les systèmes agroforestiers sont en outre semblables à celles des systèmes agricoles sans arbres. L’accumulation de carbone dans les sols favorise par ailleurs une meilleure santé des sols et contribue à leur résilience face aux changements climatiques.
Structuration du sol
Les apports réguliers de matière organique libérés par les arbres améliorent plusieurs propriétés structurales du sol. Les racines d’arbres et les nombreux organismes qui peuplent le sol des systèmes agroforestiers (bactéries, champignons, vers de terre, etc.) favorisent également la formation et la stabilisation des agrégats et améliorent la porosité du sol. De telles caractéristiques permettent au sol de mieux faire face à des événements extrêmes, comme des épisodes de pluies violentes.
Aide à réduire les excès d’eau
Améliore la qualité de l’eau
Améliore l’in ltration et la recharge la nappe phréatique
L’AGROFORESTERIE...
Stimule la vie du sol
Contribue à la fertilité du sol
Contribue à la formation et à la stabilité des agrégats
Favorise la rétention de l’eau
Réduit les pertes de sol par érosion hydrique et éolienne
Régule les ennemis des cultures souterrains
SCHÉMA 1 : Contribution de l’agroforesterie à la santé des sols en contexte de changements climatiques
Séquestre du carbone et régule le climat
L’agroforesterie au bénéfice des sols et des cultures – Un atout face aux changements climatiques
Régulation de la disponibilité de l’eau du sol
Les arbres ont des impacts variés sur le bilan hydrique des sols. À leur proximité, ils peuvent exercer une certaine concurrence envers les cultures pour l’accès aux ressources hydriques. Cependant, les ligneux peuvent également puiser une partie de leur eau dans des horizons inaccessibles aux cultures et engendrer des processus qui accroissent la disponibilité en eau pour ces dernières. Les arbres améliorent de plus la capacité d’infiltration du sol, ce qui permet de réduire les pertes par ruissellement et de recharger la nappe. Ils augmentent en outre la capacité de rétention de l’eau dans le sol à travers des apports accrus en matière organique. La présence d’arbres dans les champs modifie aussi le microclimat dans les parcelles, ce qui a une incidence sur l’évapotranspiration au-delà de la proximité immédiate des arbres. L’influence des arbres sur le bilan hydrique des sols est donc complexe et il est présentement difficile de déterminer l’impact net des arbres sur la disponibilité en eau dans un système agroforestier donné. Plusieurs études soulignent néanmoins la forte probabilité d’une contribution avantageuse lors de périodes climatiques extrêmes.
Protection des sols
Les systèmes agroforestiers peuvent assurer une meilleure protection des sols face à l’érosion éolienne et hydrique, deux phénomènes qui s’accentueront dans le climat futur. Les arbres diminuent notamment la vitesse du vent et le ruissellement dans les parcelles, en plus de stabiliser les berges des cours d’eau.
Gestion des nutriments
Régulation des excès d’eau
La présence d’arbres au sein des champs constitue un atout important face aux épisodes de pluies intenses de plus en plus fréquents, puisqu’en augmentant l’infiltration et le stockage de l’eau dans le sol, les ligneux diminuent les pertes d’eau par ruissellement et réduisent l’engorgement des sols dans les zones basses. À l’échelle des territoires, ils constitueraient de plus un levier intéressant pour limiter les inondations.
Intégrer des arbres en milieu agricole peut également apporter des bénéfices vis-à-vis de la nutrition des cultures. Sous notre climat, il a été démontré que la concurrence pour les nutriments entre les arbres et les cultures est minime. Les nutriments capturés par les arbres dans les différents horizons du sol, dont certains inaccessibles aux racines des cultures, sont par ailleurs en partie restitués au sol lors de la dégradation des feuilles et des racines des arbres, de sorte qu’on observe par exemple fréquemment une concentration en azote plus élevée à proximité des arbres par rapport à des parcelles témoins. Les apports accrus en matière organique et les organismes du sol qu’on retrouve en abondance dans les systèmes agroforestiers entraînent en outre différents bénéfices sur le plan de la fertilité du sol, comme une amélioration de la capacité d’échange cationique.
Les systèmes agroforestiers peuvent apporter de nombreux bénéfices aux entreprises agricoles, face aux changements climatiques : à la fois pour s’adapter aux aléas et aux risques qui découlent de ces derniers, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et pour séquestrer du carbone. Ces aménagements, sous forme de haies, de plantations intraparcellaires ou de bandes riveraines par exemple, apportent des effets concrets sur l’amélioration de la santé du sol et de la gestion de l’eau pour la ferme.
Illustré de photos et de schémas originaux, le présent document résume de nombreux résultats de projets de recherche menés sur les effets des systèmes agroforestiers, plus précisément au niveau des sols, et leur application en contexte québécois. Cette synthèse de connaissances est accompagnée de trois vidéos tournées sur des entreprises québécoises. Préparés à l’intention des conseillers et conseillères, ainsi que des producteurs et productrices agricoles, ce document et ces vidéos démontrent les gains qui peuvent être obtenus au niveau de la parcelle suite à l’implantation de tels systèmes.