Biologie de
L’ABEILLE 3e édition
CENTRE DE RÉFÉRENCE EN AGRICULTURE ET AGROALIMENTAIRE DU QUÉBEC
DROITS D’AUTEUR Il est interdit de reproduire, de traduire ou d’adapter cet ouvrage sans l’autorisation écrite du Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ) afin de respecter les droits d’auteur et d’encourager la diffusion de nouvelles connaissances.
NOTE La première édition (1980), la deuxième édition (1998) et la présente édition de cet ouvrage ont été réalisées à l’initiative du Comité apiculture du CRAAQ, comité qui faisait partie du Conseil des productions végétales du Québec avant l’an 2000.
Pour information et commentaires Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec Édifice Delta 1, 2875 boul. Laurier, 9e étage Québec (Québec) G1V 2M2 418 523-5411 | 418 644-5944 client@craaq.qc.ca | www.craaq.qc.ca
© Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec, 2018 PAPI0106 ISBN 978-2-7649-0576-0 (version imprimée) ISBN 978-2-7649-0577-7 (PDF) Dépôt légal Bibliothèque et Archives Canada, 2018 Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2018
RÉVISION1 Martine Bernier, agronome, M.Sc., chargée de projets, Centre de recherche en sciences animales de Deschambault (CRSAD) Mélissa Girard, agronome, M.Sc., professionnelle de recherche, Chaire de leadership en enseignement en sciences apicoles, Université Laval Andrée Rousseau, M.Sc., professionnelle de recherche, Centre de recherche en sciences animales de Deschambault (CRSAD)
ÉDITION ET MONTAGE Danielle Jacques, agronome, M.Sc. chargée de projets aux publications, CRAAQ Nathalie Nadeau, graphiste, CRAAQ
PHOTOS Mélissa Girard, CRSAD Myriam Fauteux, Apis Lacris (Figure 28) Joseph Moisan-De Serres, MAPAQ (Figure 43) Georges Martin, CRSAD (Figure 55)
Le CRAAQ remercie toutes les personnes et organisations qui ont rendu possible la parution de cette troisième édition, notamment le Centre de recherche en sciences animales de Deschambault (CRSAD).
1. Auteurs (première édition, 1980) : Jean-Louis Villeneuve, Vermont Vickery Réviseurs (deuxième édition, 1998) : Émile Houle, Jean-Marie Perron
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Mission S’appuyant sur ses expertises et grâce à la mobilisation de son réseau de membres et de collaborateurs, le CRAAQ a pour mission de produire, de rassembler et d’adapter les connaissances et d’en assurer le transfert par des activités et des outils s’adressant aux différentes clientèles, et ce, pour l’évolution des pratiques du secteur agricole et agroalimentaire au Québec.
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viii TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION..........................................................................1 LES ESPÈCES ET LES SOUS-ESPÈCES D’ABEILLES.......................3 La race italienne (Apis mellifera ligustica)......................................3 La race caucasienne (Apis mellifera caucasica)..............................3 La race carniolienne (Apis mellifera carnica).................................4 Les autres races..........................................................................4 Les lignées.................................................................................4 À propos de l’importation d’abeilles.............................................5 LA MORPHOLOGIE DE L’ABEILLE...............................................7 La tête ......................................................................................7 Le thorax...................................................................................9 L’abdomen..............................................................................12 LE SYSTÈME DIGESTIF...............................................................15 LE SYSTÈME CIRCULATOIRE.....................................................16 LE SYSTÈME RESPIRATOIRE......................................................17 LE SYSTÈME NERVEUX..............................................................19 La vision..................................................................................20 L’odorat, le goût et le toucher.....................................................20 LE SYSTÈME REPRODUCTEUR..................................................23 La reine...................................................................................23 L’ouvrière................................................................................24 Le faux bourdon.......................................................................24 Le vol nuptial...........................................................................25 LES GLANDES ET LES PHÉROMONES........................................27 Les glandes endocrines.............................................................27 Les glandes exocrines...............................................................27 La glande à venin...............................................................28 Les glandes hypopharyngiennes et mandibulaires...................29 Les glandes salivaires..........................................................30
ix
La glande de Nasonov........................................................30 La glande de Koschevnikov..................................................30 Les glandes tergales............................................................31
Les phéromones non associées à des glandes et autres signaux chimiques...........................................31 L’odeur de la colonie...........................................................31 L’oléate d’éthyle..................................................................31 Les phéromones du couvain.................................................33 Les kairomones...................................................................33 LE CYCLE VITAL ........................................................................33 LES ACTIVITÉS ET LES COMPORTEMENTS DES OUVRIÈRES....37 Les tâches des ouvrières............................................................37 De 1 à 4 jours : nettoyeuses.................................................37 De 2 à 13 jours : nourrices..................................................38 De 13 à 18 jours : cirières, magasinières, gardiennes............38 De 18 à 36 jours : gardiennes, butineuses............................38 La sécrétion de la cire...............................................................38 La défense de la colonie...........................................................39 Le butinage.............................................................................39 La ventilation...........................................................................42 La température en période d’hivernage.......................................42 Le pillage................................................................................43 LE LANGAGE DES ABEILLES......................................................45 La danse en rond.....................................................................45 La danse frétillante...................................................................45 RÉFÉRENCES.............................................................................49
01 INTRODUCTION L’abeille mellifère, aussi appelée abeille domestique (Apis mellifera L.), est un insecte de l’ordre des hyménoptères. Elle en possède les principales caractéristiques : • une bouche de type broyeur-lécheur; • deux paires d’ailes qui se jumellent en vol; • un aiguillon à l’extrémité postérieure de l’abdomen chez les femelles (reine et ouvrières);
Figure 1. Reine
• un premier segment abdominal fusionné au thorax; • une métamorphose complète, c’est-àdire qu’elle passe par quatre stades évolutifs au cours de son développement : œuf, larve, nymphe et adulte. L’abeille mellifère, comme le bourdon, la guêpe et la fourmi, est un insecte social. La colonie compte trois types d’individus (castes) : la reine, les ouvrières et les faux bourdons (Figures 1, 2 et 3). La reine est la seule femelle reproductrice. Les ouvrières sont aussi des femelles, mais stériles, et forment la très grande majorité de la population de la ruche. La différenciation de l’ouvrière par rapport à la reine dépend de la nourriture reçue lors de la phase larvaire et de la dimension de la cellule où elle est élevée. Les faux bourdons, ou mâles, ont pour rôle presque unique de féconder les reines vierges lors du vol nuptial. Dans la ruche, ils produisent une phéromone qui active la colonie. Au plus fort de la saison, une bonne colonie renferme, outre la reine, de 50 000 à 60 000 ouvrières et quelques centaines de faux bourdons.
Figure 2. Ouvrière
Figure 3. Faux bourdon
Biologie de l’abeille, 3e édition
03 LES ESPÈCES ET LES SOUS-ESPÈCES D’ABEILLES Le genre Apis est composé de 7 à 11 espèces, toutes productrices de miel. L’abeille domestique (Apis mellifera) est la plus connue et la plus répandue dans le monde. Elle est étroitement apparentée à trois autres espèces d’abeilles sociales que l’on retrouve en Asie : Apis florea, en Inde, en Malaisie, à Java et à Bornéo; Apis dorsata, en Inde, en Chine du Sud, en Indonésie et aux Philippines; Apis cerana, en Chine, en Sibérie orientale, au Japon, en Inde et dans plusieurs îles du Pacifique. L’espèce Apis mellifera est subdivisée en plusieurs sous-espèces ou races qui ont évolué dans des régions géographiques distinctes de l’Europe, de l’Afrique et du MoyenOrient. Elles ont par la suite été croisées naturellement dans des nouvelles régions d’accueil ou artificiellement lorsque l’homme les a transportées loin de leurs lieux d’origine. En Amérique du Nord, les trois sousespèces les plus communes sont l’abeille italienne, la caucasienne et la carniolienne. Au Québec, la grande majorité des abeilles mellifères sont de race italienne. Cependant, les abeilles contemporaines sont un mélange hétérogène et sont plus ou moins éloignées des races originales qui portent leur nom, en raison des nombreuses importations d’abeilles et de reines aux XXe et XX1e siècles. Les différentes races peuvent être identifiées par certains critères morphométriques (par exemple la taille du corps, la pilosité, la longueur de la langue et les veines des ailes)
et par la biologie moléculaire. Cependant, les races complètement pures sont maintenant plutôt rares et chaque sous-espèce « pure » possède des caractéristiques légèrement différentes des sous-espèces d’origine selon les régions géographiques où on les retrouve.
La race italienne (Apis mellifera ligustica) L’abeille italienne provient d’Italie. En Amérique du Nord, elle a largement remplacé la race noire européenne. Son introduction aux États-Unis remonte à 1859. Elle possède un corps élancé et un abdomen orné de bandes dorées. La longueur de sa langue (6,3 à 6,6 mm) lui permet de butiner le nectar des fleurs dont les nectaires sont situés tout au plus à cette profondeur à l’intérieur de la corolle. Elle a un tempérament calme, mais moins que la caucasienne. Elle commence l’élevage de sa progéniture tôt au printemps et forme des colonies exceptionnellement fortes au cours de la saison estivale. Moins portée à l’essaimage que les autres races, elle est également plus encline au pillage que la caucasienne. Son sens de l’orientation est faible et le phénomène de dérive d’une colonie à l’autre se produit fréquemment. C’est une bonne productrice de miel.
La race caucasienne (Apis mellifera caucasica) L’abeille caucasienne est originaire des hautes vallées du Caucase, là où s’étend actuellement la Géorgie. En Amérique du Biologie de l’abeille, 3e édition
04 Nord, elle provient en majeure partie d’un stock importé de Russie entre 1920 et 1939. C’est une abeille grisâtre qui porte souvent des taches plus foncées sur les premiers segments de son abdomen. Les poils du thorax des faux bourdons sont généralement noirs. On l’appelle souvent l’abeille grisâtre des montagnes. La longueur de sa langue (jusqu’à 7,2 mm) lui permet de butiner des fleurs à la corolle plus profonde.
Les autres races
Elle se caractérise par sa docilité et son calme. Bonne éleveuse, elle construit toutefois ses rayons beaucoup moins rapidement que l’abeille italienne et, de ce fait, ne profite pas autant du début de la période de butinage. Elle fait grand usage de propolis, à un point tel que la manipulation des parties engommées de la ruche devient parfois difficile. Elle n’hiverne pas aussi bien qu’on pourrait l’espérer, principalement à cause de sa sensibilité à la nosémose.
La plupart des autres races d’abeilles mellifères possèdent des caractéristiques qui les rendent indésirables aux yeux des apiculteurs, et ce en dépit de leur bonne aptitude à produire du miel. Quelques-unes démontrent des tendances très agressives et piquent sans provocation. Mentionnons A. mellifera lamarckii de la Vallée du Nil et l’abeille africaine, A. mellifera adansonii, qui vit en Afrique centrale, du sud du désert du Sahara jusqu’au désert du Kalahari. D’autres races, y compris celles mentionnées, sont fortement enclines à l’essaimage.
La race carniolienne (Apis mellifera carnica) L’abeille carniolienne se rencontre dans un petit nombre de ruchers au Québec. Elle est originaire de l’Autriche, de la Hongrie, de la Roumanie, de la Bulgarie et des pays montagneux formant l’ancienne Yougoslavie. C’est une abeille plus grosse, de couleur gris foncé qui réagit rapidement aux fluctuations de température et de récolte. Bien qu’elle possède de bonnes qualités, elle a comme principal défaut une trop grande propension à l’essaimage.
L’abeille noire européenne (Apis mellifera mellifera) est passablement agressive, ne produit que des quantités moyennes de miel et manifeste une grande sensibilité aux maladies du couvain. C’est d’ailleurs à cause de sa susceptibilité à la loque européenne qu’elle est disparue de nos ruchers pour être remplacée par l’italienne.
Les lignées Les sous-espèces se subdivisent également en un grand nombre de lignées ou hybrides. Celles-ci sont le fruit de croisements, naturels ou artificiels, de deux ou plusieurs sousespèces afin de modifier l’incidence d’un caractère jugé désirable ou indésirable. La lignée d’abeilles la plus célèbre est sans doute la Buckfast, issue des croisements effectués par le frère Adam en Angleterre au XXe siècle. Elle tire son nom de l’abbaye où le frère Adam exploitait son rucher. La Buckfast est issue du croisement de plusieurs sous-espèces d’abeilles, notamment
05 l’italienne et l’abeille noire européenne, ainsi que d’autres races qu’il avait ramenées de ses nombreux voyages sur le globe. Ces croisements avaient comme objectif initial de produire une abeille plus résistante à l’acarien de la trachée, maladie qui décimait les populations locales d’abeilles en Grande-Bretagne à cette époque. Une autre lignée bien connue, l’abeille africanisée, est issue d’une hybridation non contrôlée entre l’abeille européenne A. mellifera et l’abeille africaine A. mellifera scutellata. Cette dernière a été introduite au Brésil en 1956 afin d’améliorer la productivité des abeilles européennes, peu adaptées au climat tropical. Malheureusement, les colonies expérimentales africaines protégées par des garde-reines se sont échappées de façon accidentelle et ont rapidement établi des populations sauvages. En 50 ans, elles ont colonisé 17 pays sur deux continents. On la retrouve sur la totalité de l’Amérique du Sud jusqu’au sud des ÉtatsUnis. L’hybride résultant du croisement est particulièrement agressif et fortement enclin à l’essaimage.
À propos de l’importation d’abeilles L’importation d’abeilles sans autorisation au préalable est interdite au Québec. Tout apiculteur qui projette d’introduire des colonies, nucléi ou paquets d’abeilles sur le territoire du Québec a l’obligation de détenir une autorisation d’introduction d’abeilles délivrée par la Direction de la santé animale (DSA) du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). Cette mesure a été mise sur pied afin de prévenir l’introduction de maladies, de parasites ou de gènes indésirables. Consultez le site du MAPAQ1 afin d’obtenir toutes les informations détaillées et à jour.
Un grand nombre de lignées ont également été produites pour lutter contre le varroa. Ces lignées sont sélectionnées pour un comportement hygiénique élevé (détection et retrait du couvain mort dans les cellules de couvain operculé) ou pour différentes formes de tolérance ou de résistance au varroa. Parmi les plus récentes, on retrouve la VSH (Varroa Sensitive Hygiene), la Minnesota Hygienic, la Saskatraz et la Primorskii.
1. https://www.mapaq.gouv.qc.ca/fr/Productions/santeanimale/maladies/RAIZO/Pages/reseauapicole.aspx
Biologie de l’abeille, 3e édition