Aîculture - L'élevage des reines, 3e édition

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Apiculture L’ÉLEVAGE DES

REINES L’élevage local de reines de qualité, issues de lignées sélectionnées et bien adaptées au contexte climatique et environnemental du Québec, est d’une importance capitale pour la santé et la productivité des ruchers. Cet élevage nécessite de nombreuses connaissances et l’apprentissage de techniques très spécialisées. Cet ouvrage présente donc un tour d’horizon le plus complet possible des savoirs et savoir-faire reliés à ce domaine : la biologie de l’abeille, les facteurs influençant la qualité des reines et les principaux parasites et maladies qui peuvent l’affecter; les bonnes pratiques de manipulation des abeilles; les conditions pour l’élevage spécifique des reines, de la préparation des colonies éleveuses de reines jusqu'à la récolte des reines pondeuses. Ce guide inclut des mises à jour et des sections nouvelles concernant : l'élevage de faux-bourdons; la stimulation les colonies à accepter les cadres de greffe; l’optimisation des conditions de la fécondation; le contrôle de la qualité des reines produites; et enfin, le maintien et l’introduction des reines pondeuses.

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Apiculture - L’élevage des reines

3e édition


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Andrée Rousseau (CRSAD)


Droits d’auteur Il est interdit de reproduire, de traduire ou d’adapter cet ouvrage sans l’autorisation écrite du Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ) afin de respecter les droits d’auteur et d’encourager la diffusion de nouvelles connaissances.

Avertissements Les marques de commerce mentionnées dans ce guide le sont à titre indicatif seulement et ne constituent nullement une recommandation de la part des auteurs ou de l’éditeur. Au moment de sa rédaction, l’information contenue dans le présent guide était jugée représentative du secteur apicole au Québec. Son utilisation demeure sous l’entière responsabilité du lecteur. Certains renseignements pouvant avoir évolué de manière significative depuis la rédaction de cet ouvrage, le lecteur est invité à en vérifier l’exactitude avant de les utiliser. La publicité insérée dans ce document concrétise l’appui du milieu à la parution de l’ouvrage. Sa présence ne signifie pas que le CRAAQ en approuve le contenu et cautionne les entreprises et les organismes concernés. Dans le présent document, le masculin englobe le féminin et est utilisé uniquement pour alléger le texte.

POUR INFORMATION ET COMMENTAIRES Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec 2875, boulevard Laurier, Édifice Delta 1, 9e étage Québec (Québec) G1V 2M2 418 523-5411 | 1 888 535-2537 client@craaq.qc.ca | www.craaq.qc.ca © Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec PAPI0110 ISBN 978-2-7649-0618-7 (version imprimée) ISBN 978-2-7649-0619-4 (PDF) Dépôt légal Bibliothèque et Archives Canada, 2020 Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2020


Équipe de production de la troisième édition Rédaction Andrée Rousseau, M. Sc., chercheure en sciences apicoles, Centre de recherche en sciences animales de Deschambault (CRSAD)

Collaboration au contenu et révision Martine Bernier, M. Sc., agronome, chargée de projets, Centre de recherche en sciences animales de Deschambault (CRSAD) Marie-Ève Cyr, apicultrice, Château de Cyr Anicet Desrochers, apiculteur, Miel d’Anicet Mélissa Girard, M. Sc., agronome, enseignante (Collège d’Alma), mélissopalynologue, CRSAD Dominic Hamelin-Johnston, apiculteur, Élevages Apis rustica Émile Houle, technicien apicole, CRSAD Maggie Lamothe Boudreau, apicultrice, Rayons de miel Jocelyn Marceau, ing., agronome retraité, ancien membre du Comité apiculture du CRAAQ Julie Marcoux, technologue agricole, ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, Direction régionale de l’Estrie Nicolas Tremblay, agronome, conseiller apicole provincial, CRSAD Raphaël Vacher, producteur, Les Miels Raphaël

Coordination Patricia Turmel, B. Sc., chargée de projets, CRAAQ

Édition Lyne Lauzon, biologiste, réviseure Barbara Vogt, chargée de projets aux publications, CRAAQ

Conception graphique et mise en page Nathalie Nadeau, graphiste, CRAAQ

Photographies Martine Bernier; Sylvain Gingras; Mélissa Girard; Émile Houle; Ségolène Maucourt; Joseph Moisan-De Serres; Marilène Paillard; Andrée Rousseau. Photos de couverture, quatrième de couverture et p. vi : Mélissa Girard.


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Le présent ouvrage constitue la troisième édition revue et augmentée du document Apiculture – L’élevage des reines abeilles pour les besoins du rucher rédigé par Jean-Pierre Chapleau et publié en 1988. La seconde édition, intitulée L’élevage des reines abeilles et publiée en 2010, a été préparée par Émile Houle, d.t.a., Centre de recherche en sciences animales de Deschambault, et Luc Moreau, producteur fondateur, Les Élevages de Reines Moreau inc. Ce projet est une initiative du Comité apiculture du CRAAQ. Le CRAAQ remercie chaleureusement les membres du Comité apiculture qui ont collaboré à ce projet, ainsi que les apiculteurs et apicultrices qui ont ouvert les portes de leurs entreprises et partagé leurs connaissances sur l’élevage des reines. Ce projet est financé par l’entremise du Programme Innov’Action agroalimentaire, en vertu du Partenariat canadien pour l’agriculture, entente conclue entre les gouvernements du Canada et du Québec.


Avant-propos Les connaissances sur la biologie de la reine abeille et sur les conditions optimales pour l’élevage royal ont énormément évolué dans les dernières années, grâce aux résultats de la recherche. Ce guide, L’élevage des reines, maintenant dans sa troisième édition, offre donc aux lecteurs une mise à jour complète dans ce domaine. Il bénéficie entre autres de connaissances récentes acquises au Centre de recherche en sciences animales de Deschambault (CRSAD), ainsi que des contributions d’apiculteurs et apicultrices experts en élevage de reines au Québec. Ce guide s’avérera indispensable aux apiculteurs et apicultrices voulant développer cette spécialisation pour leur propre élevage, ou encore pour en faire un volet commercial de leur entreprise. Il permettra aussi aux apiculteurs, néophytes ou expérimentés, qui ne souhaitent pas forcément élever les reines, de compléter leurs connaissances sur les sujets touchant la santé, la production des reines et les soins à leur prodiguer. Les membres du Comité apiculture du CRAAQ vous souhaitent une bonne lecture.


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Apiculture L’ÉLEVAGE DES REINES

Table des matières INTRODUCTION........................................................................................................1 La reine..................................................................................................................1 La production de reines au Québec...................................................................2 Élever ses reines soi-même?................................................................................3 Le remérage naturel des colonies........................................................................3 Contexte d’élevage au Québec..........................................................................4 Conditions favorables...................................................................................4 Étapes de l’élevage.......................................................................................5 SÉLECTION DES COLONIES REPRODUCTRICES.................................................7 BIOLOGIE DE LA REINE............................................................................................9 Développement de la reine.................................................................................9 Différenciation entre la reine et l’ouvrière...........................................................9 Système reproducteur de la reine..................................................................... 11 ÉLEVAGE DES FAUX-BOURDONS..........................................................................13 CONDITIONS D’ÉLEVAGE DE REINES EN COLONIE.........................................15 Facteurs influençant la qualité des reines.........................................................16 Âge de la larve............................................................................................16 Gelée royale................................................................................................17 Fécondation.................................................................................................18 Environnement.............................................................................................18 Production de cellules royales ..........................................................................18 Greffage.......................................................................................................18 Obtention des larves...................................................................................19 Matériel requis............................................................................................. 21 Environnement requis................................................................................. 22 Procédure.................................................................................................... 23 Choix des larves......................................................................................... 23 Gelée royale............................................................................................... 23 Apprentissage de la méthode................................................................... 25 Production de cellules royales sans greffage.................................................. 25 Méthode des plaques alvéolées............................................................... 25 Système Nicot (Cupularve®).................................................................... 26 Système Jenter............................................................................................ 26 Production de cellules royales par la méthode Barbeau modifiée.................27 Procédure.....................................................................................................27 Colonies éleveuses..................................................................................... 29


Table des matières

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Principe des colonies éleveuses.......................................................... 29 Colonies starters................................................................................... 29 Starter en confinement : la boîte à essaim......................................... 30 Colonies finisseuses...............................................................................31 Colonies starters-finisseuses.................................................................31 Facteurs à considérer dans la préparation des colonies éleveuses........34 Succès de l’élevage....................................................................................37 Manipulation et traitement des cellules royales à maturité............................ 39 Procédure et précautions à prendre.......................................................... 39 Couveuses et transport des cellules.......................................................... 40 Vente de cellules royales............................................................................41 INTRODUCTION DES CELLULES ROYALES DANS LES NUCLÉI DE FÉCONDATION.................................................................................. 43 Naissance des reines et fécondation............................................................... 43 Nucléi de fécondation...................................................................................... 44 Colonies utilisées pour la fécondation............................................................. 46 Ruchettes de fécondation........................................................................... 46 Hausse standard......................................................................................... 46 Localisation........................................................................................................ 47 Conditions de succès......................................................................................... 48 Disponibilité des faux-bourdons .............................................................. 48 Organisation du rucher de fécondation................................................... 49 Insémination instrumentale................................................................................ 49 UTILISATION ET CONSERVATION DES REINES PONDEUSES..........................51 Récolte des reines...............................................................................................51 Examen du nucléus......................................................................................52 Mise en cagette des reines.........................................................................52 Procédure et manipulation....................................................................52 Préparation du candi............................................................................ 53 Expédition des reines................................................................................. 54 Réglementation..................................................................................... 54 Marquage............................................................................................. 54 Conservation des reines.................................................................................... 55 En cagette d’expédition............................................................................. 55 Dans les nucléi de fécondation................................................................. 55 Dans des banques de reines..................................................................... 55 Introduction des reines dans des colonies....................................................... 56 Optimiser les conditions de l’introduction................................................ 56


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Apiculture L’ÉLEVAGE DES REINES

Trois méthodes d’introduction................................................................... 57 Méthode directe par réunion ............................................................. 57 En cagettes d’expédition...................................................................... 57 En cagettes piquées............................................................................. 58 Santé de la reine................................................................................................ 58 PLANIFICATION DE L’ÉLEVAGE DES REINES.......................................................61 Choix du matériel et des méthodes...................................................................61 Prévision des rendements...................................................................................61 Quand commencer l’élevage?......................................................................... 62 Sur quelle période échelonner l’élevage?....................................................... 62 Calendrier d’élevage........................................................................................ 64 RÉFÉRENCES............................................................................................................ 67


Photo : MĂŠlissa Girard


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Introduction La reine La présence d’une reine de qualité dans la colonie est d’une grande importance autant pour les abeilles que pour l’apiculteur, puisqu’elle est à la base du bon fonctionnement, de la productivité et de la survie de la colonie d’abeilles. La reine est la mère de tous les individus de la colonie (Figure 1). Elle est donc porteuse des caractéristiques génétiques de toutes les abeilles. Elle est aussi responsable du renouvellement de la population d’abeilles. Elle participe en outre à la cohésion des membres de la ruche par la production de diverses phéromones, qui coordonnent les activités des abeilles. L’apiculteur a régulièrement besoin de jeunes reines pour établir de nouvelles colonies (nucléi) ou pour effectuer le remérage (remplacement de la reine existante) de ses colonies. Il doit utiliser des reines de qualité; c’est là une des clés du succès en apiculture. Jeune, issue d’une lignée aux caractéristiques désirées et élevée dans de bonnes conditions, la reine maintient une colonie populeuse, très productive et facile à manipuler. Vieille, non sélectionnée et élevée dans de mauvaises conditions, elle n’arrive pas à développer pleinement sa colonie; elle est sujette à essaimer ou à être remplacée par les abeilles et peut transmettre des caractéristiques indésirables à la colonie dont la production pourra être affectée.

Figure 1. Reine entourée de sa cour royale Photo : Andrée Rousseau


Introduction

La production de reines au Québec Il est très avantageux pour l’apiculteur de se procurer des reines élevées au Québec parce qu’elles sont adaptées au climat et à l’environnement d’ici et qu’elles performent bien dans ce contexte. Au contraire, les abeilles provenant de l’extérieur du pays sont sélectionnées dans des contextes climatiques et apicoles souvent très différents. Au Québec, l’apiculture est caractérisée par une longue période d’hivernement et une courte période de développement avant la miellée principale. Les abeilles doivent donc bien traverser la période d’hivernage (Figure 2) et se développer rapidement au printemps pour tirer pleinement profit de la miellée.

Figure 2. Ruches emballées pour passer l’hiver à l’extérieur Photo : Mélissa Girard

02 Par ailleurs, les besoins en colonies pour la pollinisation de certaines cultures surviennent tôt au printemps (pommes, bleuets), d’où l’importance d’un développement rapide des colonies à la suite de l’hivernement. La vente de nucléi au printemps est également une activité apicole qui dépend d’un développement printanier rapide. L’utilisation de jeunes reines permet de réduire la pression d’essaimage, d’avoir des colonies fortes en abeilles, d’augmenter la production de miel ou de changer certaines caractéristiques de la colonie, comme l’agressivité ou la résistance aux maladies. Les conditions de transport des reines sur de longues distances ne sont pas toujours contrôlées et l’exposition à des extrêmes de température affecte la fertilité des reines. De plus, lorsqu’une reine est introduite dans une colonie d’adoption après avoir été longtemps inactive, il peut s’écouler une période assez longue avant qu’elle ne se remette à pondre normalement, ce qui n’est pas sans affecter ses chances d’être bien acceptée. La situation internationale des maladies parasitaires de l’abeille met aussi en relief le besoin de produire des reines localement. L’importation de reines de l’étranger pose en effet plusieurs risques sanitaires, comme l’introduction de nouveaux agents pathogènes ou parasites (Figure 3) et de génotypes non désirés, ou le développement de résistance face à certains traitements. L’élevage local de reines permet de limiter ces risques, de favoriser l’adaptation des abeilles et de diminuer les impacts négatifs du transport sur les reines.


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Apiculture L’ÉLEVAGE DES REINES

de vendre les reines à d’autres apiculteurs. L’investissement en temps et en argent sera différent si la production est pour un usage personnel ou dans un but commercial.

Figure 3. Le petit coléoptère de la ruche (Æthina tumida) peut se cacher dans les boîtes de transport de reines et être accidentellement introduit au Canada Photo : Martine Bernier

Élever ses reines soi-même?

L’élevage nécessite une maîtrise des techniques apicoles et de la manipulation des abeilles, des connaissances de base en biologie de l’abeille, mais aussi de la planification, de la minutie, de la patience et un bon sens de l’observation. Une bonne connaissance des principaux parasites et maladies de l’abeille, comme l’acarien prédateur Varroa destructor, et des moyens de lutte contre ceux-ci sont également nécessaires à la réussite de toutes les étapes de l’élevage. Le choix des méthodes à utiliser s’effectue en fonction des objectifs et de la situation de l’apiculteur.

Le remérage naturel des Élever ses propres reines est une spéciali- colonies sation très gratifiante de l’apiculture puisque cette activité fournit un moyen de maintenir de jeunes reines vigoureuses, une condition indispensable pour la réussite apicole. L’élevage de reines permet également un certain degré de sélection des caractéristiques des colonies.

L’apiculteur peut décider de produire des reines pour ses besoins personnels, considérant que le coût d’achat d’un nombre suffisant de reines pour changer toutes les reines d’un rucher représente une part importante des dépenses d’une entreprise apicole. L’apiculteur peut également se spécialiser dans l’élevage commercial afin

Les colonies pourvoient elles-mêmes au renouvellement de leur reine en construisant des cellules royales à l’occasion d’un essaimage (division naturelle de la colonie; Figure 4), d’une supersédure (remplacement d’une reine vieille ou malade) ou d’un orphelinage (à la suite de la mort d’une reine ou de son retrait par l’apiculteur). À première vue, la solution la plus simple pour un apiculteur serait donc de laisser chaque colonie remplacer sa reine quand elle juge bon de le faire. Cette approche ne maximise cependant pas la qualité de la reine produite. En effet, les abeilles vont


Introduction

typiquement remplacer la reine lorsqu’elle est âgée, qu’elle commence à montrer des signes de défaillance, comme la ponte d’une quantité élevé d’œufs de faux-bourdons, ou que la production d’abeilles est déjà diminuée. Or, le taux de mortalité durant l’hivernage est également beaucoup plus élevé chez les vieilles reines et le remérage naturel survient rarement à un moment opportun. Il se produit souvent à une période où la ponte est importante, soit pour assurer un bon développement de la colonie en prévision d’une miellée, soit pour constituer une population forte en vue de l’hivernage. Parfois, il a lieu à un moment non propice à la fécondation de la reine vierge. Le remérage naturel constitue une méthode risquée puisqu’il fait subir à la colonie une

04 diminution importante de la ponte, qu’il affecte son rendement général et ne permet aucune sélection. La production d’une nouvelle reine prend 2 semaines et il faut environ 2 semaines de plus pour qu’elle se fasse féconder et commence à pondre. Entre-temps, la colonie peut donc subir une perte importante de population. De plus, les reines issues du remérage naturel sont rarement de qualité supérieure, car elles proviennent le plus souvent de cellules d’orphelinage amorcées à partir de larves âgées. Les abeilles étant par ailleurs en moins grand nombre dans les cas d’orphelinage, elles ne sont pas toujours en mesure de fournir une alimentation adéquate aux larves royales, ce qui compromet leur qualité.

Contexte d’élevage au Québec Conditions favorables

Figure 4. Cellule d’essaimage retrouvée dans le bas d’un cadre Photo : Andrée Rousseau

Au Québec, les conditions printanières déterminent le début possible de l’élevage de reines. Généralement, la période la plus propice correspond à la période naturelle d’essaimage des colonies d’abeilles. Celleci s’étend habituellement du mois de juin au mois d’août. À ce moment-là, les conditions sont favorables à la production de reines : colonies fortes, chaleur, de même qu’abondance d’abeilles nourricières et de ressources alimentaires dans l’environnement (eau, nectar et pollen) (Figure 5). En dehors de cette période, l’éleveur de reines doit tenter de reproduire ces conditions afin de favoriser l’élevage de reines.


Apiculture L’ÉLEVAGE DES REINES

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L’élevage doit se terminer à la fin du mois d’août au plus tard puisque la préparation à l’hivernage (nourrissage et traitement) doit s’amorcer. De plus, la météo ainsi que la présence réduite des faux-bourdons à ce moment de l’année peuvent compromettre la fécondation des reines.

Étapes de l’élevage Les grandes étapes de l’élevage sont les suivantes (Figure 6) : • La sélection des colonies reproductrices; • L’élevage de faux-bourdons; • La production de cellules royales; • L’introduction des cellules royales dans les nucléi de fécondation; • La fécondation des reines vierges.

Figure 5. Colonie forte en présence de miellée Photo : Andrée Rousseau

Tôt en saison, la production de reines de qualité est plus difficile et plus onéreuse, car les colonies ne sont pas populeuses et les conditions climatiques ne favorisent pas toujours le développement des colonies. Les périodes de chaleur et de miellée, même courtes, sont les périodes les plus favorables.

Jour

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Action

G

F

C

Emplacement

M M M M S S S S F’ F’ F’ F’ F’ F’ N N N N N N N N N N N N N N C’ C’ C’ C’

Actions :

G : Greffage

F : Mise en ruchette de fécondation

C : Mise en cagette de la reine fécondée

Emplacement : M : Ruche mère S : Starter F’ : Finisseuse N : Nuclei de fécondation C’ : Cagette de transport

Figure 6. Résumé des étapes de l’élevage d’une reine Schéma : Jocelyn Marceau


Photo : MĂŠlissa Girard


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Apiculture L’ÉLEVAGE DES REINES

Sélection des colonies reproductrices Au Québec, les apiculteurs peuvent orienter leur travail vers des spécialisations, comme la production de miel, la pollinisation, la production de nucléi, de produits de la ruche ou de reines. Selon sa spécialisation, ses préférences ou sa localisation, l’apiculteur choisit d’utiliser les lignées d’abeilles qui lui conviennent. Le producteur de reines produit des reines avec le but de maintenir ou d’améliorer la qualité de son cheptel apicole. Plusieurs éléments servent de critères dans le processus de sélection des colonies reproductrices utilisées pour produire les reines et les faux-bourdons. Comme toutes les abeilles d’une ruche sont issues de la reine, c’est d’abord grâce à une observation rigoureuse des colonies d’abeilles et de leur comportement que l’on peut connaître la qualité génétique des reines. Les principaux critères de sélection des colonies reproductrices sont les suivants : • La production de miel; • La tendance à essaimer; • Le développement printanier; • La résistance à l’hivernage : maintien d’une forte population et faible consommation de nourriture; • Le comportement hygiénique : nettoyage des alvéoles dont les pupes sont mortes ou malades (Figure 7); • La résistance aux maladies et aux parasites; • Le comportement de défense.

Photo : Mélissa Girard


Sélection des colonies reproductrices

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En Amérique du Nord, les principales sous-espèces d’abeilles présentes sont l’abeille italienne (Apis mellifera ligustica), la caucasienne (Apis mellifera caucasica) et la carniolienne (Apis mellifera carnica). Chaque sous-espèce possède ses caractéristiques propres et fait bonne figure visà-vis des critères de sélection mentionnés précédemment. Les sous-espèces se subdivisent également en un grand nombre de lignées ou d’hybrides, fruit de croisements naturels ou artificiels de deux ou plusieurs sous-espèces, ce qui modifie l’incidence d’un caractère jugé désirable ou indésirable. Pour plus de détails à ce sujet, consultez la 3e édition du guide Biologie de l’abeille, publié par le CRAAQ.

En pratique, l’observation des colonies en vue de la sélection doit s’étaler sur une période d’au moins un an. Ceci permet, entre autres, d’évaluer leur rendement à l’occasion de plus d’une miellée, d’estimer leur propension à l’essaimage et de juger de leur résistance à l’hivernage. Les colonies dont les œufs ou les larves seront utilisés pour l’élevage de reines devront être exemptes de tous signes de maladies. De plus, l’origine de toute reine produite devrait être retraçable afin d’identifier une possible source de maladie. Dans ce but et pour effectuer un suivi génétique des critères de sélection, l’éleveur de reines doit posséder un système de numérotation ou d’identification et de suivi des ruches.

Figure 7. Résultat d’un test de comportement hygiénique pour lequel une colonie a obtenu 99 % Photo : Andrée Rousseau


09 9

Biologie de la reine Développement de la reine Tout comme les autres hyménoptères, l’abeille passe par trois stades de développement (œuf, larve, nymphe) avant de devenir adulte. Chez l’abeille, les individus de toutes les castes vivent les derniers jours de la période larvaire et la totalité de la phase nymphale en alvéole fermée (operculée). Le cycle de la reine est beaucoup plus court que celui des autres castes : la larve royale éclot 3 jours après la ponte de l’œuf et demeure larve pendant 5,5 jours, après quoi l’alvéole est operculée. Le stade nymphal dure 7,5 jours. Le temps total de développement est de 15,5 à 16 jours (Figure 8). On verra plus loin que les techniques d’élevage se basent toutes sur le cycle de développement de la reine.

Différenciation entre la reine et l’ouvrière Avant d’élever des reines, il importe de comprendre l’origine de la reine et les étapes de son développement, de l’œuf jusqu’à l’adulte. Génétiquement, il n’y a pas de différence entre l’œuf qui produit une ouvrière et celui qui donne une reine. C’est entre le premier et le troisième jour du stade larvaire que s’amorce la différenciation (Figure 9). La larve choisie par les abeilles pour devenir reine bénéficie d’une alimentation particulièrement riche en sécrétion provenant des glandes mandibulaires des abeilles nourricières et en sucre, appelée gelée royale. La fréquence à laquelle les larves de Photo : Mélissa Girard


Biologie de la reine

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reines sont nourries est également 10 fois supérieure, comparativement aux larves d’ouvrières. Grâce à une réserve accumulée au fond de la cellule, la larve royale se gave de nourriture avant de tisser son cocon et de se transformer en nymphe. Son alimentation riche en sucre stimule le fonctionnement d’une glande spécialisée (corpora allata), qui sécrète l’hormone juvénile responsable des différences morphologiques et physiologiques entre la reine et les ouvrières. La reine est très différente des ouvrières. Elle est plus grosse, son système reproductif est pleinement développé et fonctionnel, sa langue est plus courte, ses pattes ne sont pas équipées pour le transport du pollen, ses glandes peuvent sécréter des hormones spécifiques, sa longévité est de beaucoup supérieure à celle des ouvrières, etc. À l’opposé, la larve d’ouvrière est nourrie de façon parcimonieuse; au moment de l’operculation, aucune réserve de nourriture n’est constituée dans son alvéole. Ponte

Éclosion

Émergence de la reine

Operculation

3 jours

5,5 jours

7,5 jours

Oeuf

Larve en cellule ouverte

Larve ou nymphe en cellule operculée

Durée totale du cycle : 15,5 - 16 jours En période de température élevée, le stade de nymphe peut être écourté d’une journée.

Figure 8. Développement de la reine Photos : Mélissa Girard

Reine Ponte

Éclosion

13 jours

Émergence

Ouvrière 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13

Ponte

Éclosion

18 jours

14 15 16

Émergence

Figure 9. Comparaison entre le développement de la reine et celui de l’ouvrière Schéma : Marilène Paillard Photos : Mélissa Girard


Apiculture L’ÉLEVAGE DES REINES

11 Système reproducteur de la reine Le système reproducteur de la reine comprend deux ovaires composés chacun de 150 à 180 ovarioles produisant les œufs pondus par la reine (Figure 10). L’abdomen de la reine contient également une spermathèque qui, une fois la reine fécondée

par 12 à 18 faux-bourdons en moyenne, peut contenir quelques millions de spermatozoïdes. La reine utilise les spermatozoïdes pour fertiliser les œufs pondus qui produiront les ouvrières (2n ou haploïdes) et des œufs non fertilisés pour produire les mâles de la colonie, les faux-bourdons (1n ou haploïdes).

Ovaires

Ovariole

Oviducte Spermathèque Vagin

Glande de la spermathèque Canal spermatique Ouverture génitale Figure 10. Le système reproducteur de la reine Dessin : W. Verge, CPVQ, 1998


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